03.11.2021 Views

AM 422

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LÉGENDE<br />

Une rencontre fortuite va bouleverser sa<br />

destinée et lui donner une trajectoire unique.<br />

COSETTE AU MISSOURI<br />

L’artiste est donc née le 3 juin 1906 à<br />

Saint-Louis. Son père, Eddie Carson, un<br />

musicien itinérant d’origine espagnole,<br />

disparaît rapidement de la circulation…<br />

Sa mère, Carrie McDonald, est une<br />

métisse noire et amérindienne qui a été<br />

adoptée par un couple d’anciens esclaves.<br />

Abandonnée par son mari, elle épouse<br />

alors en secondes noces un certain Arthur<br />

Martin. Le couple a trois enfants et, pour<br />

boucler ses fins de mois, place Josephine,<br />

dès l’âge de 8 ans, en tant que bonne chez<br />

des Blancs qui la battent pour la moindre<br />

broutille… Puis, à 13 ans, ils la marient<br />

à un dénommé Willie Wells. L’union précoce<br />

(et forcée !) ne dure pas. Divorcée<br />

à 14 ans, elle part travailler comme serveuse.<br />

Mais cette Cosette du Missouri<br />

a un talent : elle sait danser et chanter.<br />

Comme personne. Et elle jouit d’un don<br />

pour la comédie. Les clients s’esclaffent<br />

devant cette femme-enfant prodige.<br />

Une troupe de saltimbanques, le<br />

Jones Family Band, la remarque et<br />

l’embarque dans ses pérégrinations. La<br />

voici à Philadelphie, loin du Sud et de<br />

sa cruauté raciale. Mais même sur la<br />

plus ouverte côte est, la mixité est interdite<br />

: les troupes artistiques sont soit<br />

noires, soit blanches. Et pour incarner<br />

un Noir, un Blanc pratique le blackface…<br />

Josephine intègre donc la troupe des<br />

Dixie Steppers, et danse pour 10 dollars<br />

par semaine au Standard Theater<br />

de « Philly ». Elle épouse son deuxième<br />

mari, Willie Baker, qu’elle plaque vite<br />

mais dont elle conservera le nom (signifiant<br />

« boulanger »). Puis elle part tenter<br />

sa chance à New York, faisant le siège des<br />

music-halls de Broadway, jusqu’à décrocher<br />

une audition. Elle se produit dans<br />

des troupes aux noms évocateurs – les<br />

Chocolate Dandies, le Plantation Club –<br />

et joue même dans la comédie musicale<br />

Shuffle Along…<br />

Josephine aurait pu demeurer à<br />

New York. Y poursuivre une carrière<br />

honorable, qui aurait déjà constitué<br />

une réussite au regard de son enfance<br />

misérable. Mais une rencontre fortuite<br />

va bouleverser sa destinée et lui donner<br />

Le 3 juin 1947,<br />

elle se marie pour<br />

la quatrième<br />

fois avec le chef<br />

d’orchestre<br />

Jo Bouillon.<br />

une trajectoire unique : Caroline Dudley<br />

Reagan, mondaine et épouse de l’attaché<br />

commercial de l’ambassade américaine<br />

à Paris, la prend sous son aile et<br />

l’invite à la suivre en France. L’occasion<br />

est inespérée ! En septembre 1925, à<br />

19 ans, Josephine Baker embarque sur<br />

le paquebot RMS Berengaria, direction<br />

Cherbourg. Que s’imaginait-elle, sur le<br />

pont du navire, en contemplant l’océan<br />

vide derrière lequel l’attendait l’Europe ?<br />

Certainement pas le quart de la moitié de<br />

ce qui allait suivre…<br />

À LA DÉCOUVERTE DE PARIS<br />

À Paris, en cette rentrée 1925, le<br />

directeur artistique du théâtre des<br />

Champs-Élysées André Daven cherche<br />

une nouvelle idée de spectacle. Un ami,<br />

le peintre Fernand Léger, lui suggère un<br />

numéro entièrement joué par des personnes<br />

noires. Après tout, la culture noire<br />

– au sens large – est à la mode : depuis<br />

le passage des troupes américaines lors<br />

de la Grande Guerre, les Français se sont<br />

pris de passion pour le jazz et le charleston.<br />

Et des artistes comme Max Jacob<br />

ou Pablo Picasso vantent l’« art nègre ».<br />

Daven rencontre l’Américaine Reagan,<br />

qui lui présente alors sa jeune protégée…<br />

Dès le 2 octobre, le théâtre des<br />

Champs-Élysées lance son nouveau<br />

show, La Revue nègre, composé de deux<br />

douzaines de danseurs et de musiciens,<br />

dont Joséphine Baker, mais aussi Sidney<br />

Bechet, le jazzman américain, qui<br />

deviendra célèbre par la suite. La jeune<br />

femme y danse le charleston seins nus,<br />

vêtue d’un simple pagne en (fausses)<br />

bananes, au rythme d’un tambour… Et<br />

éclipse rapidement le reste de la troupe.<br />

Le spectacle fait salle comble. Et tout<br />

Paris s’entiche de Joséphine Baker. Les<br />

femmes veulent lui ressembler : en 1926<br />

est lancée la brillantine Bakerfix, qui permet<br />

aux Françaises de se coiffer comme<br />

leur idole ! Tandis que les cubistes et les<br />

surréalistes sont fous de cette « vénus<br />

AFP

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!