Point de mire Réaliser les dernières volontés Pouvoir retourner au Tessin, à la montagne ou assister au mariage de son enfant. Tels sont les souhaits de personnes en fin de vie. A l’origine de l’association wunschambulanz.ch SAW, Petar Sabovic met tout en œuvre pour que ces souhaits deviennent réalité. Catherine Aeschbacher, rédactrice en chef du <strong>Journal</strong> <strong>asmac</strong> Pouvoir se dire «Oui» dans une ambiance festive. Ce rêve est devenu réalité grâce à l’ambulance des souhaits. Photos: màd 24 6/21 vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong>
Point de mire En quoi consiste l’ambulance des souhaits? L’association wunschambulanz.ch SAW est une organisation à but non lucratif. Son objectif est de réaliser le dernier vœu des patients en phase terminale à l’aide d’ambulances aménagées. Des bénévoles formés aux soins de santé et plus de 300 membres s’engagent dans toute la Suisse en faveur de cette association. La réalisation du vœu est gratuite pour la personne qui le souhaite et ses proches. Quand et comment a-t-elle vu le jour? wunschambulanz.ch SAW a été fondée en 2017. Ma partenaire, ancienne ambulancière, et moi-même nous sommes inspirés de l’initiative néerlandaise ambulancewens.nl avant de fonder l’ambulance des souhaits en Suisse. Comment cela fonctionne-t-il? Dans la plupart des cas, ce sont les proches ou le personnel soignant qui s’adressent à nous. <strong>No</strong>us vérifions l’état de santé du patient puis fixons une date pour la réalisation du souhait, généralement dans un délai très court. <strong>No</strong>us demandons ensuite aux bénévoles s’ils peuvent s’en charger. Si cela n’est pas possible, nous pouvons faire intervenir deux personnes disponibles en permanence. Combien de souhaits sont réalisés par an? Peu avant le premier confinement au printemps 2020, nous avons réalisé des souhaits presque tous les trois jours. Après les interdictions de visites et surtout de vacances dans les institutions, tout a été quasiment à l’arrêt jusqu’au printemps <strong>2021</strong>. C’est bien reparti depuis. <strong>No</strong>us réalisons actuellement un souhait par semaine. La réalisation des souhaits est gratuite, comment vous financez-vous? L’association est financée exclusivement par des dons privés. 80% résultent de l’entourage des personnes malades, les 20% restants proviennent de divers donateurs et entreprises. L’association n’est pas soutenue par les pouvoirs publics. Quels sont les souhaits les plus fréquents? La plupart du temps, il s’agit de souhaits très simples: visiter un lieu de nostalgie ou assister au mariage d’un membre de la famille. Certaines personnes ont également pu assister aux funérailles de leur enfant ou de leur conjoint. Pour la plupart des personnes que nous avons pu accompagner en fin de vie, il était particulièrement important de se rapprocher de la nature, de l’eau ou des montagnes. Quel a été le souhait le plus extravagant auquel vous avez été confronté jusqu’à présent? Chaque souhait mérite le même respect. Même si certains nous semblent étranges et farfelus, ce sont les dernières volontés d’une personne mourante. Toutefois, peu de souhaits ont nécessité des préparatifs particuliers. Mon souvenir le plus touchant est certainement celui d’une jeune femme de 22 ans qui devait être témoin au mariage de sa meilleure amie. Atteinte d’une tumeur cérébrale très agressive, le temps lui était compté. Grâce à l’intervention rapide du service de soins palliatifs de l’Hôpital universitaire de Zurich et de wunschambulanz.ch SAW, la jeune femme a pu assister au mariage et remettre les alliances. Une expérience très forte en émotions, avec des adieux déchirants à sa meilleure amie, ses êtres chers et sa propre vie. Où sont les limites, c’est-à-dire quels sont les souhaits qui ne peuvent pas être réalisés? En fait, il n’y a pas de limites, seul l’état de santé peut constituer un facteur limitant. Le patient doit pouvoir vivre consciemment la réalisation de son souhait; le transport en ambulance ne doit pas affecter sa qualité de vie. Bien qu’il faille s’attendre à ce qu’un passager décède pendant la réalisation d’un souhait, l’association néerlandaise, qui a réalisé plus de 20 000 souhaits depuis 2007, n’y a été confrontée qu’à sept reprises. Cinq personnes sont décédées par euthanasie en vertu de la loi néerlandaise, deux personnes sont décédées suite à des complications. <strong>No</strong>us n’avons déploré aucun décès jusqu’à présent. Quels obstacles rencontrez-vous lorsque vous réalisez des souhaits? Le manque de courage des médecins traitants et des responsables des soins nous rend parfois la vie difficile. Il est plus que compréhensible de ne pas vouloir tenter des expériences alors que la situation palliative est très critique; l’inquiétude des proches est également plus que compréhensible. Mais c’est et cela reste LE DER- NIER SOUHAIT d’une personne qui envisage un dernier voyage en toute autodétermination, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’exaucer. <strong>No</strong>us serions également très heureux d’avoir plus de personnel médical à nos côtés, en particulier des médecins et des ambulanciers, à l’image de nos pays voisins. Il est très gratifiant de voir l’engagement des soignants qui, malgré une lourde charge de travail, sont prêts à donner de leur temps. Comment le coronavirus a-t-il affecté le fonctionnement de l’association? Comme je l’ai déjà évoqué, le coronavirus a rendu la réalisation des souhaits complètement impossible pendant un certain temps, et impacté les dons. Mais nous devions nous assurer de pouvoir couvrir les frais de fonctionnement. <strong>No</strong>us avons donc lancé un autre crowdfunding (tfy.help/ wunschambulanz) pour remettre à flot l’association. Quel est votre souhait en tant que président de l’association? J’aimerais que les soins palliatifs et leur importance capitale dans les soins médicaux soient largement compris. Toutes les personnes impliquées à ce niveau font un travail impressionnant et j’admire chaque personne qui se consacre à cet aspect de la médecine. <strong>No</strong>us couvrons un petit secteur des soins palliatifs et il nous reste encore beaucoup à accomplir pour accroître notre notoriété. <strong>No</strong>tre objectif est que chaque personne en Suisse qui entend parler du dernier souhait d’une personne en phase terminale ait le réflexe de penser à l’association wunschambulanz.ch SAW. Biographie express Né en 1964 à Belgrade, Yougoslavie, Petar Sabovic est arrivé en Suisse alors qu’il n’était encore qu’un bébé. Après avoir suivi une formation en tant que réalisateur de cinéma et de télévision à Londres, il a travaillé comme directeur de production et régisseur dans le domaine du cinéma et de la télévision, principalement en Allemagne. En 2012, il a fondé un service de transport assisté pour les personnes handicapées, et depuis 2017, il est président d’honneur de l’association wunschambulanz.ch SAW sise à Zurich. vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 6/21 25