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NUMÉRO
423-424
EN VENTE
DEUX
MOIS
202
2
ANNÉE SUR LE FIL
Les rebonds de la pandémie de Covid-19, l’irruption de nouveaux variants,
les incertitudes économiques et politiques font peser un stress intense.
Pourtant, les scénarios de sortie de crise existent…
ET AUSSI
Côte d’Ivoire
Sur le chemin
de demain
Dossier spécial 26 pages
Le futur parc des expositions
d’Abidjan.
Entretien
MAHAMAT-SALEH
HAROUN
« JE VEUX
PROVOQUER
LE DÉBAT »
Interview
YASMINE
CHAMI
« QUELQUE
CHOSE EST
À RÉINVENTER
POUR LES HOMMES »
Rencontre
FEMI
ET MADE
KUTI
« LE SENS
DE NOTRE
HÉRITAGE »
France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 €
Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 €
– Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € –
Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €
Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone
CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0
DÉCOUVERTE
Djibouti LES PILIERS
DE L’ÉMERGENCE
N° 423-424 - DÉC.2021-JANV.2022
L 13888 - 423 - F: 5,90 € - RD
SÉROPOPSTAR
Aujourd’hui, avec les traitements,
une personne séropositive peut avoir des enfants
sans transmettre le VIH.
Plus d’infos sur QuestionSexualité.fr
Réalisé dans le respect des protocoles sanitaires. Continuons de respecter les gestes barrières.
Continuons de porter un masque partout où il est recommandé par les autorités scientifiques.
édito
PAR ZYAD LIMAM
DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE
En 2100, c’est-à-dire dans un peu plus de
soixante-dix ans, ce qui n’est pas grand-chose à
l’échelle de l’histoire humaine, et ce qui n’est pas si
loin pour les enfants qui naissent aujourd’hui, 40 % des
Terriens seront africains. À cet horizon, nous serons
alors aux alentours de 4 milliards (dont 3 milliards pour
l’Afrique subsaharienne à elle seule) pour une population
globale de 8 à 9 milliards d’habitants.
Le Nigeria aura près de 700 millions de résidents.
Et le Niger aux alentours de 200 millions ! L’Afrique
sera alors, avec le Moyen-Orient, une exception, toutes
les autres régions du monde voyant leur population
diminuer ou se stabiliser. La Chine pourrait revenir à
1 milliard d’habitants (moins que sa population de
2021). Certains pays, comme le Japon ou la Russie,
l’Italie et même l’Espagne, pourraient perdre 40 % à
50 % de leur population. Les États-Uniens seraient alors
un peu plus de 400 millions dans un pays fortement
métissé avec une minorité « blanche ».
Ces chiffres, et leurs implications stupéfiantes
sur la marche du monde, sur les équilibres politiques
et sociaux internes sont à prendre avec précaution. Ils
sont basés sur des modèles mathématiques. Et 2100
reste un horizon très lointain, toutes sortes d’événements
politiques, sanitaires, climatiques pourraient intervenir.
Mais la tendance de fond est là, au moins sur
le moyen terme, sur une ou deux générations à venir.
C’est la puissance de « l’inertie démographique ». Sans
se projeter jusqu’à 2100, l’Afrique va devoir absorber
une formidable poussée démographique. Même si la
fécondité baisse et les taux de mortalité également, le
continent pourrait compter en 2050 entre 1,6 et 2 milliards
d’habitants. Dont l’immense majorité sera jeune,
très jeune. Un véritable choc qui n’est pas encore suffisamment
dans notre débat public. Sauf pour s’écharper
sur les questions religieuses ou sur la question hautement
taboue du contrôle des naissances.
Pourtant, la question démographique est
au cœur des enjeux africains. La limitation des
naissances est la pierre angulaire des scénarios positifs
et de la théorie du « dividende démographique ».
Quand la fécondité chute rapidement dans un pays, la
part des très jeunes diminue fortement, sans que la part
des personnes âgées n’augmente sensiblement au
début. Par contre, la population d’âge actif augmente
nettement, offrant une opportunité de développement
économique : création d’un marché de consommateurs,
emplois… Cette fenêtre ne dure qu’un temps,
quelques décennies. Lorsque la population vieillit à
nouveau, la fenêtre se ferme progressivement, faute
d’un nombre de nouveaux actifs suffisants et avec le
poids des gens âgés…
Mais pour que cette opération magique
fonctionne, il faut aussi et surtout créer des emplois,
des potentialités pour cet afflux de jeunes. Il faut de
la croissance et des économies en marche. Il faut
former également ces cohortes de nouveaux travailleurs.
Sinon, les actifs rejoignent le rang des chômeurs
et de la précarité informelle, entraînant une situation
sociale explosive…
Le chemin vertueux du dividende démographique
(croissance, opportunités, contrôle des
naissances), c’est le parcours que la Chine a vécu. Au
Brésil, en Argentine, en Amérique latine, d’une manière
générale, faute d’emplois suffisants et de créativité
économique, le « dividende » fonctionne nettement
moins bien.
Pour nous, Africains, les choix sont limpides.
Quoi qu’en disent les théoriciens de la population nombreuse,
pour qu’il y ait un futur jouable, notre nombre
doit se stabiliser, les naissances doivent baisser, nous
devons nous orienter vers des familles nucléaires à
quatre ou cinq. Et les énergies doivent toutes tendre
vers le développement économique et l’imagination
de nouveaux modèles.
D’ici là, je vous souhaite à toutes et tous une
année 2022 plus paisible, d’être pleinement vaccinés,
énergiques et actifs au cœur du monde. ■
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 3
France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 €
Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 €
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Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone
CFA 3500 FCFA ISSN 0998-9307X0
N° 423-424 - DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
3 ÉDITO
Dividende démographique
par Zyad Limam
6 ON EN PARLE
C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE,
DE LA MODE ET DU DESIGN
Les rois sont de retour
26 PARCOURS
Youness Miloudi
par Fouzia Marouf
29 C’EST COMMENT ?
Bonne année !
par Emmanuelle Pontié
100 CE QUE J’AI APPRIS
Dobet Gnahoré
par Astrid Krivian
130 VINGT QUESTIONS À…
Willy Dumbo
par Astrid Krivian
NUMÉRO
423-424
EN VENTE
DEUX
MOIS
202
2
ANNÉE SUR LE FIL
Les rebonds de la pandémie de Covid-19, l’irruption de nouveaux variants,
les incertitudes économiques et politiques font peser un stress intense.
Pourtant, les scénarios de sortie de crise existent…
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Sur le chemin
de demain
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Le futur parc des expositions
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Entretien
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« LE SENS
DE NOTRE
HÉRITAGE »
DÉCOUVERTE
Djibouti LES PILIERS
DE L’ÉMERGENCE
N° 423-424 - DÉC.2021-JANV.2022
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TEMPS FORTS
30 2022, année sur le fil
par Zyad Limam,
Frida Dahmani,
Emmanuelle Pontié
et Cédric Gouverneur
44 Éthiopie :
Le géant à terre
par Cédric Gouverneur
DOSSIER CÔTE D’IVOIRE
54 En allant vers demain
par Zyad Limam
58 Stratégie :
Le PND fixe le cap
par Jean-Michel Meyer
60 Agriculture :
Le défi de la
transformation
par Francine Yao
63 Inclusivité :
Lutter contre
les inégalités
par Francine Yao
64 Infrastructures :
Une envergure
stratégique
par Francine Yao
66 Secteur privé :
La priorité nationale
par Francine Yao
68 Environnement :
Les dossiers chauds
du développement
durable
par Jihane Zorkot
et Nabil Zorkot
72 Portfolio : Abidjan,
au centre
de son monde
par Zyad Limam
P.06
AM 423 COUV UNIQUE.indd 1 06/12/21 10:26
PHOTOS DE COUVERTURE : PAUL GRANDSARD/SAIF IMAGES -
et Emmanuelle Pontié
P.44
AMANDA ROUGIER - DR - AMANDA ROUGIER
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande
nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps.
Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement
de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
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4 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
FONDÉ EN 1983 (38 e ANNÉE)
31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE
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Zyad Limam
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Assisté de Laurence Limousin
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Emmanuelle Pontié
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DE LA RÉDACTION
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Isabella Meomartini
DIRECTRICE ARTISTIQUE
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Jessica Binois
PREMIÈRE SECRÉTAIRE
DE RÉDACTION
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Amanda Rougier PHOTO
arougier@afriquemagazine.com
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Muriel Boujeton, Thibaut Cabrera,
Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani,
Catherine Faye, Alexandra Fisch,
Marc Frohwirth, Glez, Cédric Gouverneur,
Dominique Jouenne, Aimé Kalagadi,
Astrid Krivian, Fouzia Marouf, Jean-Michel
Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont,
Francine Yao, Jihane Zorkot, Nabil Zorkot.
VIVRE MIEUX
Danielle Ben Yahmed
RÉDACTRICE EN CHEF
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.
VENTES
EXPORT Laurent Boin
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FRANCE Destination Media
66, rue des Cévennes - 75015 Paris
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Com&Com/Afrique Magazine
18-20, av. Édouard-Herriot
92350 Le Plessis-Robinson
Tél. : (33) 1 40 94 22 22
Fax : (33) 1 40 94 22 32
afriquemagazine@cometcom.fr
NABIL ZORKOT - SÉBASTIEN LEBAN/DIVERGENCE - PATRICK ROBERT
80 Mahamat-Saleh Haroun :
« Je veux provoquer le débat »
par Astrid Krivian
86 Yasmine Chami :
« Quelque chose est
à réinventer pour les hommes »
par Catherine Faye
90 Femi et Made Kuti :
« Le sens de notre héritage »
par Astrid Krivian
96 Arab et Tarzan
Nasser : « Cette histoire
peut être universelle »
par Fouzia Marouf
DÉCOUVERTE
103 Djibouti : Les piliers du futur
par Zyad Limam et Thibaut Cabrera
104 Une ouverture
vers le grand large
108 Ahmed Osman :
« Nous devons compter aussi
sur nos propres forces »
110 Les 10 piliers de l’émergence
BUSINESS
120 La bataille du rail
124 Vers la fin du monopole
d’Air Algérie
125 Le Nigeria lance sa propre
monnaie numérique
126 L’Afrique a (enfin)
son plan pour le climat
128 Ça bouge dans
le mobile banking
129 Un outil pour booster
les échanges intrarégionaux
par Jean-Michel Meyer
P.96
P.54
P.103
COMMUNICATION ET PUBLICITÉ
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AFRIQUE MAGAZINE
EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR
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Média, Bagnolet.
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Dépôt légal : décembre 2021.
La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos
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Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction.
© Afrique Magazine 2022.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 5
ON EN PARLE
C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage
Le musée du quai Branly a exposé
ces trésors royaux du 26 au 31 octobre
dernier, avant leur restitution.
LÉO DELAFONTAINE/MUSÉE
DU QUAI BRANLY-JACQUES CHIRAC
6 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
RESTITUTION
LES ROIS SONT
DE RETOUR
Quelque 26 PIÈCES DU PATRIMOINE
BÉNINOIS, prises de guerre datant de 1892,
ont été rendues par la France à leur pays natal.
SARAH MEYSSONNIER/POOL/AFP
AU TERME D’UN LONG VOYAGE dans
l’histoire et à travers le temps, les fiertés
dahoméennes vont se reposer pour un bon
mois encore dans leurs caisses sécurisées.
Les regalia de trois rois souverains
(Béhanzin, Glèlè, Ghézo), enjeux
d’une bataille diplomatique inédite, ont
regagné le Bénin « pour notre bien, notre
tranquillité, notre sérénité », a souligné
Patrice Talon. Après leur long exil parisien,
ils seront bientôt présentés au palais de la
Marina, puis transportés au Fort portugais
de Ouidah le temps d’édifier à Abomey
le musée de l’épopée des Amazones
La signature de l'acte de transfert
a eu lieu en France, à l’Élysée, le 9 novembre,
en présence des deux chefs d'État
(au second plan), du ministre béninois
du Tourisme Jean-Michel Abimbola
et de la ministre française de la Culture
Roselyne Bachelot (au premier plan).
et des rois du Danhomè, l’écrin ultime
présenté comme le symbole de la nouvelle
alliance culturelle franco-béninoise. D’ici
là, peut-être auront-ils été rejoints par
les œuvres restées derrière, « le dieu Gou
des métaux et de la forge, la tablette du
fâ, l’œuvre mythique du devin Guèdègbé,
et beaucoup d’autres », comme l’a rappelé
le président béninois devant Emmanuel
Macron à l’occasion de la signature
officielle à l’Élysée le 9 novembre. Manière
de pointer que tout ne fût pas si facile,
entre la demande de restitution refusée
en 2016 par François Hollande, l’ouverture
macronienne en 2017 à Ouagadougou, la
pression maintenue par l’exécutif béninois,
et enfin le rapport Sarr-Savoy de 2018
qui devait faire sauter tous les verrous.
Offertes au musée d’ethnographie du
Trocadéro entre 1893 et 1895, les prises
de guerre du colonel Alfred Dodds
auront connu un départ en fanfare en
octobre, lors d’une semaine culturelle
du Bénin au musée du quai Branly,
conclue par un concert quasi liturgique
de Sagbohan Danialou. Une opération
gagnant-gagnant pour Paris et Cotonou,
un « moment post-colonial » qui envoie
des signaux au Nord comme au Sud,
ici pour questionner l’attentisme, là
pour aiguillonner les pusillanimes. Très
à la manœuvre, le diplomate Aurélien
Agbenonci peut se féliciter d’avoir ouvert
la piste avec ce premier épisode d’une
série de restitutions de biens patrimoniaux
au continent. ■ Aimé Kalagadi
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 7
ON EN PARLE
SOUNDS
À écouter maintenant !
❶
Mykki Blanco
Broken Hearts & Beauty
Sleep, Transgressive
Records/[PIAS]
Après un premier album
éponyme, en 2016, Mykki Blanco revient
avec neuf nouveaux titres nourris de son
amour pour le R’n’B des années 1990.
Il y parle de ses relations affectives, lui qui
s’assume comme personne transgenre, avec
ses blessures et ses angoisses – et ne cache pas
sa séropositivité. S’offrant de jolis featurings
(Jamila Woods, Blood Orange), Mykki Blanco
balance ici son flow puissant avec sensibilité.
DOCU
LES GARDIENS
MUSULMANS DE
LA MÉMOIRE JUIVE
La JUDAÏTÉ MAROCAINE est
entretenue avec respect, et parfois
nostalgie, en bien des lieux du royaume.
« QU’EST-CE QUE LE MAROC serait devenu si les Juifs étaient
restés ? » se demande un journaliste dans le nouveau documentaire
de Simone Bitton. La cinéaste, après avoir beaucoup tourné
auprès de Palestiniens, retrouve le pays de son enfance, où près
de 300 000 juifs vivaient jusque dans les années 1950. Depuis leur
départ, les synagogues, cimetières et sanctuaires sont entretenus
par des musulmans, gardiens scrupuleux d’une mémoire qui
souvent s’efface. L’occasion de traverser des paysages méconnus,
à la découverte de bâtiments ou de ruines, parfois de simples
sources. Et de rencontrer ces musulmans, femmes et hommes de
tous âges, qui perpétuent cette mémoire pour des raisons financières
mais aussi familiales et sentimentales, apprenant l’hébreu pour
déchiffrer les tombes ou manipulant avec respect les objets les plus
sacrés du judaïsme. Un beau dialogue des religions en terre d’islam,
au prix de quelques ellipses sur les raisons de cet exode. Le film
ne l’évoque pas non plus, mais il éclaire le récent rapprochement
opéré par le royaume chérifien avec Israël. ■ Jean-Marie Chazeau
ZIYARA (France-Maroc-Belgique), de Simone Bitton. En salles.
❷ Majid Soula
Chant amazigh,
Habibi Funk
Notre nouveau coup
de cœur du label Habibi
Funk, dénicheur de trésors
orientaux oubliés ? L’Algérien Majid Soula,
dont la musique croise avec aisance
highlife, funk et disco. Sans oublier un
sens de l’engagement, qui s’entend dans
cette compilation. Elle ouvre les portes
de l’univers de cet artiste exilé à Paris mais
toujours attaché à la langue tamazight, dont
il est l’un des plus fascinants défenseurs.
❸
Meskerem Mees
Julius, Mayway Records
Attention, révélation ! La
voix bien perchée, les textes
délicats et la guitare acoustique
en bandoulière, Meskerem Mees est une
nouvelle recrue de la scène belge, fière de
ses origines éthiopiennes. « Seasons Shift »,
« Parking Lot », « Queen Bee », « Where
I’m From »… Le temps de 13 morceaux,
cette musicienne, autrice et compositrice
de seulement 22 ans enchaîne des bijoux
de folk dépouillé, mélancoliques sans être
moroses. Lumineux aussi. ■ Sophie Rosemont
DR
8 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
Le chorégraphe
et DJ ougandais
Faizal Mostrixx.
AFRICOLOR,
FESTIVAL
ENTRE HÉRITAGE
ET MODERNITÉ
Cette 33 e édition croise artistes
légendaires, NOUVEAUX TALENTS
et projets transculturels.
AFRICOLOR,
dans différents
lieux de
l’Île-de-France,
jusqu’au
22 décembre.
africolor.com
FAIZAL MOSTRIXX
JALONNÉE DE CRÉATIONS INÉDITES, la programmation
bigarrée du festival Africolor, qui a démarré le 12 novembre,
poursuit l’ambition de faire résonner le large spectre des
créativités musicales du continent, conjuguant héritage
et modernité, sonorités traditionnelles et fièvre électro des
scènes urbaines. La voix d’or de la Guinée, Sékouba Bambino,
ex-membre du mythique Bembeya Jazz, se produira avec
Afriquatuors, un projet de musique de chambre africaine
(à cordes et à vent), qui revisite l’âge d’or des orchestres des
années 1965-1975 (afrobeat, highlife, rumba…). Girls band
malien, Les Go de Bamako seront, elles, accompagnées par
DJ Majo. Conteur, producteur, chorégraphe et DJ ougandais,
Faizal Mostrixx offrira quant à lui un show afrofuturiste,
entre danse et art visuel. Avec Concerto pour soku, les
violonistes Adama Sidibé et Clément Janinet feront dialoguer
cordes mandingues et peules avec le jazz. Et les spectacles
Indépendances Cha Cha nous raconteront les premières années
des indépendances de plusieurs pays à travers la voix de
leaders emblématiques : Sékou Touré, Patrice Lumumba
ou encore Léopold Sédar Senghor. ■ Astrid Krivian
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 9
ON EN PARLE
Amina (Achouackh Abakar
Souleymane) va tout faire
pour aider sa fille de 15 ans,
Maria (Rihane Khalil Alio),
qui est enceinte.
DRAME UN COMBAT DE FEMMES
Un film PRO-AVORTEMENT lumineux dans un Tchad
dominé par le patriarcat et LA RELIGION…
POUR SON RETOUR AU PAYS (quatre ans après Une saison
en France), le cinéaste franco-tchadien Mahamat-Saleh
Haroun [voir son interview en pp. 80-85] a posé sa caméra
dans les faubourgs de N’Djamena et inscrit sa nouvelle fiction
dans la lumière mordorée de la capitale du Tchad. On y voit
vivre et travailler Amina, qui élève seule Maria, sa fille de
15 ans, ce qui est mal vu par ses voisins, sa famille, et l’imam
du quartier… Mais Amina se débrouille, gagne de l’argent
en récupérant des pneus pour en tirer astucieusement de quoi
réaliser des petits fourneaux, séquences particulièrement
réussies qui ancrent le personnage dans la réalité d’un
quotidien de labeur et montre une personnalité volontaire.
De la volonté, il lui en faudra encore quand sa fille tombera
enceinte : le scénario réserve quelques surprises, dénonçant
au passage un patriarcat toujours aussi violent, même lorsqu’il
se cache derrière des sourires faussement protecteurs… Maria
est exclue de son lycée qui craint pour sa réputation, rejetée
par les médecins qui ne veulent pas pratiquer un avortement
strictement prohibé, mais l’adolescente et sa mère vont finir
par trouver de l’aide et du réconfort auprès d’autres femmes.
« Lingui » signifie « lien » : ici, une sororité se fait sentir et
montre une réalité plus complexe qu’il n’y paraît, même si
les hommes accaparent tous les pouvoirs. Un film résolument
du côté des femmes (jusqu’à la vengeance, discutable…),
servi par l’interprétation intense de son actrice principale,
et toujours chez ce grand cinéaste un sens graphique de
l’image qui fait aussi le bonheur des spectateurs. ■ J.-M.C.
LINGUI, LES LIENS SACRÉS (France-Tchad ),
de Mahamat-Saleh Aroun. Avec Achouackh Abakar
Souleymane, Rihane Khalil Alio, Youssouf Djaoro. En salles.
CINÉ
Les enfants de la soul Memphis est l’une des villes les plus pauvres
des États-Unis, et pourtant, son héritage artistique est plus qu’impressionnant. En témoigne
l’histoire cousue (de disques) d’or de son légendaire label, Stax Records, lequel revit, depuis 2000,
grâce à une école de musique gratuite et extrascolaire. C’est ce qu’est allé filmer le Français Hugo
Sobelman, en insider accueilli à bras ouverts. Au programme : reprises de grands classiques,
tel « Soul Man », de Sam & Dave, et tables rondes autour de la question du racisme systémique.
Ici, une artiste activiste demande aux jeunes de sortir du rap négatif qui enferme les nouvelles
générations dans une représentation très loin de leur réalité et de leurs désirs. Comme le montre
ce documentaire épuré et nécessaire, la soul leur sert de moteur autant que de refuge. Vive
la Stax Music Academy ! ■ S.R. SOUL KIDS (France), d’Hugo Sobelman. En salles.
PILI FILMS MATHIEU GIOMBINI - DR
10 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
LITTÉRATURE
AHMET
ALTAN
L’ART D’AIMER
Quelques mois après sa
libération, le journaliste
et ÉCRIVAIN TURC
a reçu le prix Femina
étranger 2021 pour
Madame Hayat. Un
roman flamboyant, à la
fois politique et érotique.
DR
LES MOTS PÉNÈTRENT de part en part
ce fervent défenseur de la démocratie et
de la liberté. Lorsqu'il était incarcéré dans
la prison de haute sécurité de Silivri, à la
périphérie d’Istanbul, après avoir été accusé
d’avoir indirectement participé au coup d’État
raté du 15 juillet 2016, c’est l’écriture qui
lui a permis à la fois de résister à la prison
et d’en sortir, avec trois livres, tous imaginés
depuis sa cellule. Pendant quatre ans et sept
mois, l’écrivain et essayiste turc a vécu par
l’imagination en ignorant la réalité carcérale
qu’on lui imposait. « Je ne suis ni où je suis, ni
où je ne suis pas. Vous pouvez m’enfermer où
vous voulez. Sur les ailes de mon imagination
infinie, je parcourrai le monde entier »,
écrit-il dans Je ne reverrai plus le monde, paru
en 2019. La cour de cassation a finalement
annulé sa condamnation (à perpétuité dans
un premier temps, puis à dix ans et demi),
et il a été libéré le 14 avril dernier. La veille,
la Cour européenne des droits de l’homme
avait condamné la Turquie pour la détention de
l’intellectuel, âgé de 71 ans. Madame Hayat a
été écrit avant qu’il ne recouvre sa liberté. C’est
peut-être pour cela que cette poignante histoire
d’amour, évoquant en creux la Turquie actuelle,
respire à la fois la mélancolie, la solitude, mais
aussi le désir, le trouble. Fazil, jeune étudiant
en lettres, a un coup de foudre pour une femme
d’âge mûr, fascinante, voluptueuse : « Soudain,
je vis les chaussures café, elles étaient là, sous
mes yeux, leurs pointes tournées vers moi.
− Qu’est-ce que tu attends avec cet air triste ? »
Dans ce récit d’une éducation sentimentale et
d’une prise de conscience politique, l’héroïne
incarne l’ardeur, l’effusion, le libre arbitre.
Et la littérature, un ultime recours face aux
violences et à l’arbitraire. ■ Catherine Faye
AHMET ALTAN,
Madame Hayat, Actes Sud,
272 pages, 22 €.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 11
ON EN PARLE
COLLECTIF
SUPER BITON
DE SÉGOU MALI STYLE
SUPER BITON
DE SÉGOU,
Afro Jazz Folk
Collection vol.1,
Deviation Records.
Une porte d’entrée pour les néophytes et des retrouvailles pour les amateurs :
cette compilation éclaire le brillant corpus du CÉLÈBRE ORCHESTRE.
APRÈS AVOIR REMIS au goût du jour le groupe de
musique mandingue The Lost Maestros, le label Deviation
Records poursuit son travail d’exploration de la ville
de Ségou et publie une compilation des morceaux de
Super Biton de Ségou : un collectif riche d’instrumentistes
tout dévoués à la fusion du jazz, des mélodies cubaines
et mandingues, du funk et du folk, et, bien sûr, de la
tradition malienne, lancé au début des années 1960.
Si l’un de ses piliers, Amadou Bah, a depuis disparu,
le guitariste Mama Sissoko a pris la relève depuis
une vingtaine d’années, cultivant l’énergie live légendaire
de l’orchestre. Sur ce disque – le premier d’une série
à venir –, Afro Jazz Folk Collection, on entend plusieurs
grands classiques du groupe remastérisés par l’ingénieur
du son français Raphaël Jonin, tels le majestueux
« Kamalen Wari » et le fiévreux « Ndossoke ». ■ S.R.
DOCU
Les yeux brûlés « SI J’AVAIS SU ce qui se passait en Lybie, je n’y serais jamais allé. »
Traumatisé par ce qu’il a vu et subi dans les geôles libyennes, où sont entassés et torturés les migrants
voulant rejoindre l’Europe, Yancouba Badji a renoncé à une cinquième tentative. Accueilli dans un
centre tunisien, débordé, il est retourné en Casamance pour mettre en garde les candidats à un exil,
qui est d’abord un chemin pavé de rackets, de violences et de morts. Deux réalisatrices françaises l’ont
rencontré en Tunisie, puis au Sénégal. Elles l’ont filmé au contact de ses camarades d’infortune, mais
aussi en pleine création : il transcende par la peinture ce que ses yeux, brûlés par le soleil du désert
et le sel de la mer, ont enregistré, désormais exposé dans les galeries d’art. Comme ce film pudique
mais frappant, ses toiles témoignent d’une terrible réalité que beaucoup refusent de voir… ■ J.-M.C.
TILO KOTO (France), de Sophie Bachelier et Valérie Malek. En salles.
FRANÇOISE HUGUIER - DR (2)
12 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
PHOTOSL’UN EST
L’AUTRE
À la fois livre et revue, cette PUBLICATION HYBRIDE
questionne la manière dont les artistes mettent
en images les identités plurielles.
Peckham Road,
Union Jack Cap,
Peckham High Street,
Johny Pitts, 2021.
JOHNY PITTS
JAUNE ET BLEUE. La nouvelle édition
de The Eyes claque. Elle joue sur le yin
et le yang. La confluence et la fusion.
Ce n’est pas un hasard si elle s’intitule
B-Side. Comme une invitation à découvrir
la face cachée. L’autre part de soi-même.
Plus exactement, elle explore ce que
signifie être « afropéen » (c’est-à-dire à la
fois noir et européen), à l’aune du collage
percutant, en début d’ouvrage, de la
photographe Jazz Grant : un montage
d’images où un jeune homme translucide
porte en lui un instantané de son père
à la peau sombre, pêchant dans le fleuve.
C’est cet entre-deux identitaire que
The Eyes a choisi d’explorer, en écho aux
propos sur la liberté de l’écrivain nigérian
Chinua Achebe, cités en préambule :
« L’art est l’effort constant de l’homme
pour créer pour lui-même un ordre
de réalité différent de celui qui lui est
imposé ; une aspiration à s’accorder,
par le biais de son imagination,
une deuxième prise sur l’existence. »
Ce numéro s’en fait le reflet. Et
l’investigateur. À travers photographies,
création visuelle et textes engagés. ■ C.F.
The Eyes #12: B-Side,
240 pages, 25 €.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 13
ON EN PARLE
MUSIQUE
Muthoni
Drummer
Queen
Rappeuse
de diamants
La REINE DU HIP-HOP
KÉNYAN revient
avec un quatrième album,
River, qui résume
à lui seul la dextérité
de son flow.
MUTHONI
DRUMMER
QUEEN,
River,
Yotanka.
14 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
BRET HARTMAN/COURTESY OF TED - DR
DEPUIS TOUJOURS, Muthoni Drummer
Queen est très active sur la scène kenyane.
« Parce que celle-ci est très dynamique,
dans toute son émergence et son effervescence,
affirme-t-elle. Nous ne formons pas qu’un
ensemble uniforme. Au contraire, notre
musique ne cesse de grandir et d’évoluer, et
je cherche à ce que les gens découvrent cette
expérience qui est la nôtre. Je suis convaincue
que nous avons l’une des cultures urbaines
les plus intéressantes et complexes de toute
l’Afrique. » Née dans la capitale, Muthoni
Ndonga ne l’a jamais quittée. Diplômée en
relations internationales et en philosophie
à l’United States International University
Africa, elle a fondé à Nairobi deux festivals :
Blankets and Wine et Africa Nouveau. Grande
lectrice, notamment de Maya Angelou, elle
est non seulement chanteuse, mais également
batteuse et percussionniste. Et c’est ce qui
donne, sans doute, tant de saveur à ses
mélodies percussives depuis la sortie de
son premier album, The Human Condition,
en 2009. Et quel meilleur langage que le
rap pour exprimer ses convictions ? « Grâce
à la pluralité des sons du hip-hop, les sujets
sont nombreux et permettent de parler
de politique, de société, ou tout simplement
de faire le vantard, analyse l’artiste. De
plus, la culture du sample apporte des
influences éclectiques et de l’authenticité. »
Après un She (2018) revendiquant sans
détours son féminisme, la voici de retour
avec le très réussi River. À la production,
ses fidèles complices suisses, Greg Escoffey
et Jean Geissbuhler. Après une tournée
bouillonnante en 2019, le trio a eu envie de
traduire cette énergie en studio où l’ambiance
était, selon les termes de Muthoni Drummer
Queen, « joyeuse, lumineuse, fun » : « Nous
cherchions à faire une musique qui rende
les gens heureux. » De l’impressionnante
ouverture « Automatic » à la conclusion épique
(bien nommée) « Greatness », la rappeuse
se nourrit d’un terreau R’n’B comme des
possibilités de l’électronique. Elle s’allie avec
Sauti Sol sur une « Love Potion » endiablée,
rappelle ce qu’est l’« African Fever »…
et met en lumière son « Power » ! ■ S.R.
ÉPÉE DE
DAMOCLÈS
THRILLER
Un JEU DE DOMINOS,
où les principales
puissances planétaires
défient l’inéluctable.
CE GALLOIS AFFABLE et rieur est
aujourd’hui considéré comme l’un des
écrivains les plus populaires du monde.
Traduits en plus de 30 langues, les romans
de la saga médiévale de Ken Follett,
intitulée « la fresque de Kingsbridge »,
ont captivé une foule de lecteurs, avec
47 millions d’exemplaires vendus. Si
l’histoire, l’espionnage ou le thriller n’ont
plus de secrets pour lui, c’est l’actualité
brûlante et la peur d’une guerre nucléaire
qui l’ont guidé dans l’écriture de ce récit.
Hyperréaliste, le propos s’appuie sur
une escalade progressive de conflits,
de réactions, de décisions. Comme
dans la vraie vie. Cap sur le Tchad et le
Soudan, où la Chine étend sournoisement
son pouvoir dans le désert, tandis que
les renseignements français pistent des
djihadistes qui exploitent à la fois mines
d’or et camps d’esclaves. Le massacre d’une
centaine de Chinois par un drone américain
met soudain le feu aux poudres. Et le
fragile équilibre mondial bascule. ■ C.F.
KEN FOLLETT, Pour rien au monde,
Robert Laffont, 880 pages, 24,90 €.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 15
ON EN PARLE
Coffret, Iran, XIX e siècle.
EXPOSITION
PARURES ENCHANTÉES
L’impact de la découverte des ARTS
DE L’ISLAM dans le processus
de création de l’illustre maison
de haute joaillerie CARTIER.
Diadème Cartier, 1936.
Plus de 500 bijoux
d’exception sont exposés.
« CARTIER ET LES
ARTS DE L’ISLAM :
AUX SOURCES
DE LA MODERNITÉ »,
Musée des arts
décoratifs,
Paris (France),
jusqu’au 20 février 2022.
madparis.fr
Panneau
de revêtement,
Iran, fin
XIV e -XV e siècle.
À TRAVERS PLUS DE 500 BIJOUX d’exception et objets
de la maison Cartier (chefs-d’œuvre de l’art islamique,
dessins, livres, photographies et documents d’archives),
cette flamboyante exposition du musée des Arts
décoratifs allie raffinement et modernité. D’un plumier
indien du XVI e siècle, dit de « Mirza Muhammad Munshi »,
en ivoire de morse sculpté, gravé et incrusté d’or, de
turquoises, de pâte noire et de soie, à un collier draperie
signé Cartier, en or, platine, diamants, améthystes et
turquoises, commandé en 1947 par le duc de Windsor
pour la duchesse, chaque pièce est un trésor. En montrant
de quelle manière les arts de l’islam ont inspiré la
maison de haute joaillerie du début du XX e siècle à nos
jours, c’est aussi tout un pan de l’histoire du goût et de
l’effervescence créatrice de Paris, haut lieu du commerce
de l’art islamique, qui est évoqué. À cette époque, Cartier,
créée en 1847, commence à concevoir ses propres
bijoux et cherche de nouvelles sources d’inspiration.
Le langage géométrique, aux confins de l’abstraction,
des arts et de l’architecture de l’islam, insufflant
ainsi une esthétique nouvelle. Et moderne. ■ C.F.
HERVÈ LEWANDOWSKI/RMN-GP - DR (3) - RAPHAEL CHIPAULT/RMN-GP
16 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
DR
BIOPIC
LA VICTOIRE EN DOUBLE
Une PASSIONNANTE PLONGÉE dans l’Amérique
des années 1990 et le business du tennis. Et un WILL SMITH
inattendu en père des sœurs Williams, strictement coachées
pour devenir « un modèle pour toutes les petites filles
noires de la planète »…
« NE PAS PLANIFIER, c’est planifier ton échec » : la pancarte
est accrochée sur les grilles du pauvre court de tennis
de la ville de Compton (Californie) par Richard Williams
quand il emmène ses filles, Venus et Serena, s’entraîner après
les cours et les devoirs, même sous la pluie. Car il a un plan
précis pour deux de ses cinq enfants : une carrière au sommet
du tennis mondial… Partir de rien et devenir « un modèle
pour toutes les petites filles noires de ce pays, et de la planète ».
Il est tout aussi exigeant avec ses trois autres filles, mais joueur
de tennis lui-même, il est sûr d’amener Venus, puis Serena,
au sommet avec le soutien de son épouse. Il a d’ailleurs tout
prévu avant leur naissance, écrit un plan en 75 pages pour
y parvenir, sans moyens financiers mais en approchant les
meilleurs entraîneurs, et en ne lâchant jamais sa progéniture.
C’est à la mise en pratique de cette méthode que nous
assistons pendant 2 h 40, mélange de feel good movie et de
film sportif, mené tambour battant par ce père entraîneur
parfaitement incarné par Will Smith, personnage roublard,
têtu, ordurier et égocentré, mais aussi sensible et audacieux.
Sans oublier le couple qu’il forme avec sa femme (Aunjanue
Ellis), forte personnalité elle aussi et complice de cette ambition
à pousser les deux sœurs hors du ghetto afro-américain dans
lequel tout conduirait à les enfermer. Leurs repères : Dieu,
la famille, l’éducation et le tennis. Et beaucoup, beaucoup
de travail. Manque pourtant à ce parcours et ce coaching pas
comme les autres le ressenti des enfants, et la violence sourde
du racisme ordinaire, à peine évoqué, alors que les joueuses
ont dû l’affronter plus d’une fois dans leur carrière. Une scène
l’évacue d’un sourire quand, traversant un club de tennis où
tout le monde est blanc et les regarde avec insistance, Richard
Williams dit à ses filles : « Ils sont pas habitués, on est trop
beaux… » Le jeune cinéaste afro-américain Reinaldo Marcus
Green a réussi un film (coproduit par les sœurs Williams et
Will Smith) tendu du début à la fin, comme une partie de tennis
magique, où la balle est relancée sans fin et sans faute. ■ J.-M.C.
LA MÉTHODE WILLIAMS (États-Unis),
de Reinaldo Marcus Green. Avec Will Smith,
Aunjanue Ellis, Saniyya Sidney. En salles.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 17
ON EN PARLE
Inspirés de la structure circulaire
des habitations traditionnelles
du continent, les sacs du défilé
étaient signés de la marque
sud-africaine Hamethop.
FASHION
MAISON D’AFIE,
L’HISTOIRE
FAIT LA MODE
Une collection qui célèbre
la CULTURE MÉDIÉVALE
CAMEROUNAISE et met
en lumière son héritage.
Les broderies
valorisent
le savoir-faire
artisanal.
La styliste Sarah
Divine-Garba.
Ce chapeau rend
hommage à la reine
Soukda, fondatrice
du royaume
du Mandara peu
avant 1500.
« MYANGO » est le nom de la dernière collection de
Maison d’Afie, une maison de mode créée en 2010 par
la Camerounaise Sarah Divine-Garba. Abréviation de
la phrase « Myango Ma Kwang », qui veut dire « histoires
du passé » en douala, ce nom rend hommage au royaume
du Mandara, l’un des petits royaumes qui ont contribué
à la naissance du Cameroun. La collection, qui s’inscrit
dans une recherche de la designeuse sur ses origines et le
concept d’africanisme, veut mettre en avant les liens qui
existent entre les styles médiéval, colonial et post-colonial
dans le pays. C’est pour cette raison qu’elle a choisi d’utiliser
des lins rayés, des broderies et des soies imprimées
avec des motifs touaregs qui valorisent le savoir-faire
artisanal. Ces tissus, en fibres naturelles personnalisées
et tissées à la main, évoquent le prestige culturel de
l’Afrique au Moyen-Âge, mais rappellent également les
liens commerciaux qui existaient entre les Nord-Africains
et les populations subsahariennes. Des échanges qui ont
fortement influencé la culture de l’époque et laissé des
traces jusque dans le style camerounais contemporain.
La styliste a aussi choisi d’intégrer des tailles cintrées à des
silhouettes amples (synonymes de liberté). Un symbole de
soumission qui rappelle l’époque coloniale. Pour la première
fois de son histoire, Maison d’Afie a présenté sa collection
printemps/été lors d’un défilé qui a capturé tous les regards
durant la Portugal Fashion Week, grâce au programme
Creative Africa Nexus. L’occasion de s’associer avec d’autres
marques africaines pour proposer des accessoires uniques,
comme les chaussures Heel The World, du Ghana, les
bijoux faits à la main d’Adèle Dejak, du Kenya, ou encore les
magnifiques sacs signés Hamethop, d’Afrique du Sud, inspirés
de la structure circulaire des habitations traditionnelles du
continent. La valeur symbolique est également présente chez
Maison d’Afie : un chapeau, par exemple, rend hommage
à la reine Soukda, qui a fondé le royaume du Mandara
peu avant 1500. ■ Luisa Nannipieri maisondafie.com
DR
18 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
DESIGN
SOSHIRO, UNE FENÊTRE
SUR D’AUTRES CULTURES
La marque italo-kényane travaille à la synergie des techniques
et exalte le potentiel de l’HÉRITAGE TRIBAL.
NÉE À NAIROBI, Shiro Muchiri
s’interroge depuis longtemps sur la
façon dont la conception de l’espace et
le design sont interconnectés. Pendant
ses études puis sa vie professionnelle,
en Italie et au Royaume-Uni, elle
remarque à quel point la mentalité
européenne influence le design des
objets du quotidien et l’aménagement
des lieux de vie, même au Kenya.
Elle décide alors de lancer SoShiro
en 2018 et réalise sa première
collection, « Pok », dans laquelle elle
célèbre le savoir-faire du peuple Pokot
(nord-ouest du Kenya), en l’associant
autrement à l’artisanat italien : « Les
Pokot sont des experts en broderie
perlée, mais ils n’avaient jamais orné
des matériaux haut de gamme comme
le cuir italien. La beauté du résultat
les a laissés sans voix. » Les panneaux,
recouverts de cuir et brodés avec
des motifs symboliques, tapissent
des meubles faits par des menuisiers
vénitiens. « Cette synergie permet
de réunir ce qu’il y a de meilleur dans
les deux héritages culturels, et de
redonner de la valeur à des techniques
que les Pokot considéraient comme
Un panneau
en bois gravé
à la main recouvre
ce meuble.
acquises », pointe Shiro Muchiri.
La création même de ces pièces
a été une expérience de partage.
Une façon, à travers le design,
d’ouvrir une fenêtre sur une culture
différente. ■ L.N. soshiro.co
NICK ROCHOWSKI PHOTOGRAPHY - GERARDO JACONELLI
Shiro
Muchiri.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 19
ON EN PARLE
LA FORCE DES IMAGES
Une sélection de beaux livres à DÉCOUVRIR pour commencer
une nouvelle année en émotions. par Catherine Faye et Sophie Rosemont
VIRTUOSE
DU CINÉMA
Où est la maison
de mon ami ?, Le Goût
de la cerise, Au travers
des oliviers… Film
par film, les auteurs
décryptent avec érudition
la richesse sémantique
de l’œuvre du réalisateur
iranien, intelligemment
illustrée. S.R.
AGNÈS DEVICTOR ET JEAN-MICHEL FRODON,
Abbas Kiarostami : L’Œuvre ouverte,
Gallimard, 304 pages, 29 €.
SPECTACULAIRE
DUBAÏ
Comment cette ville est devenue
l’une des plus emblématiques
du Moyen-Orient ? C’est
ce à quoi répond en images
et en références cet ouvrage,
revenant sur les points d’orgue
architecturaux de la ville,
de la tour Burj Khalifa
à l’aéroport international. S.R.
MYRNA AYAD, Dubaï Wonder, Assouline,
296 pages, 95 €.
PETITS MAIS
SI PRÉCIEUX
Un livre plein de surprises
pour les plus de 6 ans, et une
plongée dans l’infiniment
petit, à la rencontre des
insectes sociaux. Fourmis,
termites, abeilles, guêpes
et autres frelons n’auront
plus de secrets. C.F.
ANNE JANKELIOWITCH
ET ISABELLE SIMLER,
Royaumes minuscules,
La Martinière, 64 pages,
21,90 €.
UN CONTINENT
EN MOUVEMENT
Au fil des pages,
une œuvre, un plasticien,
un pays. À travers 52 artistes
contemporains africains
engagés, acteurs reconnus
de la scène artistique
mondiale, le voyage
se fait multiforme et
invite à (re)découvrir
la richesse d’un continent
pluriel. C.F.
ELIZABETH TCHOUNGUI, Oh! AfricArt,
Le Chêne, 224 pages, 42 €.
BARACK OBAMA
ET BRUCE SPRINGSTEEN,
Born in the USA,
Fayard, 320 pages,
49,90 €.
SWAG & ROCK’N’ROLL
Quand un président star et un
musicien de légende se rencontrent,
le dialogue envoie. Avec plus
de 350 photographies, des textes
exclusifs et des documents d’archives
inédits, voici le rêve américain vu
par deux icônes. Et une conversation
intime sur la vie, la musique
et le pays de l’oncle Sam. C.F.
DR (3) - SPRINGSTEEEN FAMILY ARCHIVES - OBAMA-ROBINSON FAMILY ARCHOVES - DR (2)
20 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
JOAQUIM PAULO
ET JULIUS
WIEDEMANN,
Funk & Soul
Covers, Taschen,
432 pages,
50 €.
DR
FUNKY BEAT
L’âge d’or de la musique afro-américaine, entre funk,
soul et jazz, est ici retracé en pochettes, décryptant
les disques de stars comme Aretha Franklin ou
James Brown, mais aussi des noms moins connus,
tels Mulatu Astatke ou Fontella Bass. S.R.
QUI DE L’HOMME OU DU COCHON
C’est l’une des meilleures fables politiques jamais
écrites, mais aussi une dystopie. Les animaux
d’une ferme se révoltent et mettent en place
un nouveau régime politique, pire que celui
des humains. Son adaptation en bande dessinée
prend au collet dans une mise en scène efficace
où la formule orwellienne « Tous les animaux
sont égaux, mais certains sont plus égaux
que d’autres » prend tout son sens. L’ouvrage
s’achève sur un constat amer pour les autres
animaux asservis : plus rien ne semble distinguer
les cochons de leurs anciens maîtres. C.F.
RODOLPHE ET PATRICE LE SOURD,
La Ferme des animaux de George Orwell,
Delcourt, 48 pages, 10,95 €.
ENVIES
D’AILLEURS
Il y a cent ans, il fallait des
semaines, voire des mois, pour
parvenir à destination. C’était un
temps où le voyage était la chasse
gardée d’une caste de privilégiés.
Ou d’aventuriers. À travers des
trésors documentaires (photos d’époque souvent inédites, affiches
publicitaires, billets, menus, étiquettes à bagage), cette anthologie
ressuscite les fascinants balbutiements du voyage (1869-1939)
et retrace la magie des grands périples. Du Grand Tour de l’Europe
à l’Extrême-Orient, à bord de l’Orient Express, du Transsibérien
ou du Titanic, chaque voyage résonne de passages célèbres tirés
de récits des premiers écrivains voyageurs, tels Charles Dickens,
Jules Verne, Francis Scott Fitzgerald ou encore Mark Twain. C.F.
MARC WALTER ET SABINE ARQUÉ, The Grand Tour :
L’Âge d’or du voyage, Taschen, 616 pages, 60 €.
ESPRIT SUBVERSIF
Quatre cents ans et pas une ride. Est-ce
la liberté de ton de Jean de La Fontaine,
né en 1621, la justesse des mots ou le jeu
subtil entre représentations animale et
humaine de ses personnages qui investissent
les Fables d’une inaltérable modernité ? Il
n’en reste pas moins que l’acuité de sa vision
sur la nature humaine est saisissante et
que d’un tableau à l’autre, chacun de nous
s’y trouve dépeint. Doué pour le bonheur,
ce « garçon de belles lettres » n’en finit pas
de nous instruire. Cette nouvelle édition
illustrée a tout d’un coffret enchanteur. C.F.
JEAN DE LA FONTAINE, Fables, La Pléiade, 1248 pages, 55 €.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 21
ON EN PARLE
INTERVIEW
Léonie Pernet,
le retour aux sources
Dans son second album, Cirque de consolation,
la musicienne française chante mieux
que jamais. Et mêle des propos engagés
à l’électronique occidentale ou des musiques
traditionnelles ouest-africaines.
AM : Après la révélation de votre premier album,
que c’était un leurre, et que je portais par ailleurs
Crave, comment avez-vous abordé le virage toujours un racisme à mon encontre en moi. C’est ce que
risqué que représente un second disque ?
raconte notamment le morceau « Intérieur négro ».
Léonie Pernet : Rien n’aurait pu être plus douloureux
Il fallait que j’aille chercher ma part noire…
que la naissance de Crave, donc ça a été moins stressant Quelle musique africaine écoutez-vous ?
que ce qu’on pourrait imaginer ! Ce qui a changé, c’est
J’ai longtemps écouté de la musique arabe, mais
que j’ai travaillé ma voix, j’ai écouté d’autres musiques… quand j’ai découvert la scène ouest-africaine, ça a été
Mon besoin d’ouverture était profond. J’avais envie de texte, un choc ! J’aime Tinariwen et le blues touareg, les modes
de chant, de plus de percussions et d’éléments organiques. harmoniques de la musique malienne… J’emprunte même
D’être moins vaporeuse, en quelque sorte ! Surtout, j’ai décidé une kora dans « À rebours ». Pour mon concert parisien
de travailler avec un réalisateur, Jean-Sylvain Le Gouic. de la Cigale [le 25 mars prochain, ndlr], je rêve d’inviter
À mes débuts, j’étais seule aux commandes car j’avais peur Toumani Diabaté ! La scène électronique africaine est
qu’en collaborant avec un homme, on puisse
également très enthousiasmante, je suis
penser que les idées venaient de lui, alors
fan du collectif et label Nyege Nyege.
que j’écris et compose tous mes morceaux.
Pourquoi ce très beau titre, quelque peu
Mais cette fois, j’étais en confiance, et j’ai pu
mélancolique, Cirque de consolation ?
aller plus loin encore du point de vue créatif.
C’est un endroit qui existe, mais que je
Dans Cirque de consolation,
n’ai jamais visité ! J’en ai découvert l’existence
les influences africaines s’imposent.
par hasard, en rentrant d’un concert en Suisse,
Un retour aux sources ?
il y a quelques années. C’était un trajet long,
Oui, elles accompagnent l’acceptation
pénible, un peu étrange. Par la fenêtre du van,
des origines de mon père biologique,
j’ai vu ce panneau qui indiquait « Cirque de
touareg du Niger. Je l’ai enfin rencontré
consolation ». J’ai eu l’impression qu’il m’était
Cirque de consolation, InFiné.
il y a quelques années… et je n’ai pas de
adressé ! Quelques mois plus tard, j’ai écrit
mots pour expliquer à quel point cela a été fort. Cette grande un morceau du même nom. Ce titre est littéraire, poétique,
réconciliation personnelle m’a naturellement ouverte à et résonne avec mon chemin familial. Outre le clin d’œil
d’autres espaces culturels, notamment cette part africaine à La Société du spectacle, de Guy Debord, il y a dans ce titre
que je porte en moi. Car pendant longtemps, je n’ai pas eu quelque chose qui interroge notre humanité d’aujourd’hui…
conscience de la richesse artistique du continent, même si j’ai Vous chantez en français, les rythmiques sont
toujours parlé de métissage et d’hybridation, et que je suis très présentes… C’est un nouveau départ ?
férue de la littérature de Frantz Fanon et d’Édouard Glissant Cet album, c’est la suite de Crave, qui parlait beaucoup
– le concept de Tout-Monde m’a beaucoup impressionnée. du manque. Sa suite naturelle, c’est la consolation. Puis la
Dans cet album très personnel, vous évoquez l’addiction, tentative de joie… À la sortie de mon premier disque, j’avais
la reconstruction, l’amour, mais aussi le racisme… déjà commencé à chanter en français et trouver un nouveau
Jusqu’à ce que je rencontre mon père, j’avais l’impression ton. Après mes premières chansons dotées de beaucoup de
d’être libre, de bien vivre mon homosexualité et
passages lents et sombres, je voulais ramener de la lumière
mon métissage, par exemple. Mais j’ai compris
en ce bas monde ! ■ Propos recueillis par Sophie Rosemont
JEAN-FRANÇOIS ROBERT - DR
22 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
COURTESY DANIELE GENADRY & GALERIE IN SITU-FABIENNE LECRLERC, GRAND PARIS - DR
FOIRE
Proposal (Mountain Time), Daniele Genadry, 2014.
LE MENA
À L’HONNEUR
Avec 15 galeries et 100 œuvres provenant
d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, MENART
FAIR crée une nouvelle fois la surprise.
APRÈS AVOIR INVESTI PARIS au printemps dernier, Menart Fair fait escale
à Bruxelles, en janvier, pour sa seconde édition. Exclusivement dévolue à l’art
contemporain et moderne d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA), cette foire
a été lancée sous l’impulsion de Laure d’Hauteville. Férue d’art, celle-ci œuvre activement
au dialogue interculturel entre le Moyen-Orient et l’Occident depuis près d’une trentaine
d’années. Elle a ainsi fondé en 1998, à Beyrouth, le premier salon international d’art
contemporain consacré à la création de la région MENA. Forte du succès de l’exposition
« Regards d’Orient » en octobre dernier – suivie de la vente aux enchères au sein de la
maison Cornette de Saint Cyr, à Paris –, Laure d’Hauteville assure : « L’art du Liban, de la
Tunisie et du Maroc est très prisé. » Menart Fair, dont la direction artistique a été confiée
à Joanna Chevalier, se tiendra durant la 66 e Brussels Art Fair et réunira 15 galeries
(Nathalie Obadia, La La Lande, ou encore 193 Gallery). Les pièces emblématiques
de talents émergents comme la Yéménite Alia Ali ou le Tunisien Bechir Boussandel
se tailleront une place parmi la centaine d’œuvres exposées. ■ Fouzia Marouf
MENART FAIR, Cornette de Saint Cyr, Bruxelles (Belgique),
du 21 au 23 janvier 2022. menart-fair.com
ROMAN
NOUVELLE AURORE
L’économiste et écrivain sénégalais
Felwine Sarr livre un récit poétique
sur le destin et l’éveil.
DÉTERMINÉ, ce professeur
de philosophie africaine
contemporaine à l’université Duke,
en Caroline du Nord, arpente
le monde comme on explore ses
rêves, son histoire. Inlassablement,
obstinément. Forgé à l’école de
pensée de Nietzsche, de Dante,
des philosophes indiens et chinois,
il a cofondé avec l’historien et
politologue camerounais Achille
Mbembe les Ateliers de la pensée
à Dakar et à Saint-Louis, en 2016,
pour réfléchir aux mutations
du monde contemporain. Après
l’essai Afrotopia, pour une nouvelle
manière de regarder « l’Afrique en
mouvement », ou encore La Saveur
des derniers mètres, carnet de
voyage singulier dans lequel
il prend le pouls du monde, ce libre
penseur revient avec un roman
sur la fraternité et les chemins,
parfois ardus, qui mènent à
l’apaisement. Une quête initiatique,
sous le signe du double, où des
jumeaux font route, l’un porté par
une spiritualité ancestrale, l’autre
par une nécessaire rédemption.
Jusqu’à la métamorphose. ■ C.F.
FELWINE SARR,
Les lieux qu’habitent
mes rêves, Gallimard, 15 €.
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 23
ON EN PARLE
La Cuisine de Gagny, à Marseille,
propose les recettes originales
de son chef malien, Gagny Sissoko.
SPOTS
CUISINE
INTUITIVE ET
CLASSIQUES
Que ce soit à Marseille ou à Paris,
la CRÉATIVITÉ DU CHEF
fait le charme de l’adresse.
À La Cuisine de Gagny, on ne trouvera pas de plats
africains ou occidentaux classiques, mais on aura le plaisir
de découvrir les recettes originales du Malien Gagny
Sissoko. Adepte de la cuisine intuitive, le chef créé ses
assiettes à partir de produits de saison, en circuit court
et à 90 % bio, dans ce restaurant marseillais, ouvert
en 2018, qui a été nommé aux Fork Awards 2021. On
retrouve ses racines dans certaines saveurs, comme
dans les gnocchis au manioc, ou dans les modalités
de cuisson qui lui servent d’inspiration. Si vous passez
par là pour la première fois, on vous conseille de
Situé à Paris, Lokita est né en 2018.
goûter sa daube de poulpe ou de lui faire confiance
sur le poisson du jour : il saura vous conquérir.
Également né en 2018, mais à Paris, Lokita laisse toute
leur place aux grands classiques. Pourtant, les vraies stars
de cette cantine, ce sont les pastels farcis et roulés à la main
d’Aissata Coundio, ses accras auxquels la farine de niébé
donne un twist inattendu et ses jus de fruits traditionnels
(lokitajus.fr). Chaque recette naît d’une recherche de la cheffe,
d’origines mauritanienne et sénégalaise. Avant d’ouvrir son
restaurant, elle a testé ses produits sur les marchés, modifiant
ses tapas africaines, élaborés à partir d’une recette familiale,
pour leur donner un goût qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Comme les pastels aux légumes ou son jus Néno (du nom
de sa grand-mère), à base d’hibiscus blanc. Un assortiment
qu’elle propose aussi à emporter, par exemple dans une box
apéro spécial week-end, qui met l’eau à la bouche. ■ L.N.
DR
24 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
ARCHI
Pal_maison, la villa
qui respecte la palmeraie
Avec ce projet judicieux, le CABINET TUNISIEN Ï+Ï
vient d’être nommé aux EU Mies Awards 2022.
POUR LA PREMIÈRE FOIS, quatre projets
tunisiens sont en compétition pour
obtenir le prix de l’Union européenne
pour l’architecture contemporaine
Mies van der Rohe 2022, qui sera remis
en mai prochain. Parmi les ouvrages
présélectionnés, Pal_maison, signé par
Souleïma Fourati du cabinet ï+ï, a un nom
qui est tout un programme : cette villa
de 220 m 2 surgit au cœur de la palmeraie
de Tozeur, dans une oasis de 3 hectares
qu’il fallait à tout prix préserver.
Les deux parallélépipèdes en H, construits
sur un socle carré pavé de briques en terre
cuites – disposées de façon à rappeler
les motifs des tapis traditionnels de la
région –, s’harmonisent parfaitement avec
le paysage. L’entrée principale du bâtiment
sépare l’espace jour de l’espace nuit. Les
salons et la cuisine, lieux de convivialité
par excellence, relient les deux rectangles
tout en s’ouvrant sur la piscine. Le
bassin est une interprétation sous forme
contemporaine des canaux d’irrigation
des palmiers, dont l’eau, non traitée,
est réutilisée pour arroser la plantation.
Tout est construit pour assurer l’intimité
et le confort des occupants. L’orientation
de la villa protège les intérieurs du soleil
du Sahara et les ouvertures sont occultées
par des façades en briques ajourées,
qui filtrent la lumière du sud.
En même temps, les volets en bois de
palmier limitent les chocs thermiques
le soir et l’été. Protagoniste absolu
du projet, le palmier a également
été utilisé pour créer les meubles
de la cuisine, les dressings ainsi que
les magnifiques portes. ■ L.N.
DR
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 25
PARCOURS
Youness Miloudi
LES IMAGES DE CE PHOTOGRAPHE MAROCAIN
montrent une esthétique contemporaine de la jeunesse iranienne.
Il participera à un group show lancé par Hassan Hajjaj à la Hannah
Traore Gallery, à New York, en janvier. par Fouzia Marouf
Dans « PerseFornia, avoir 20 ans à Téhéran », sa série consacrée à la jeunesse iranienne
exposée en novembre à la galerie parisienne Nouchine Pahlevan, Youness Miloudi
proposait une déambulation singulière. Les visages rieurs des filles et des garçons
s’offrant au crépuscule, les mains gantées d’une street artist s’attardant sur une œuvre
qu’elle finalise à la bombe de peinture sont autant de réflexions sur la liberté en
Iran : « J’ai découvert cette vitalité à la suite d’une rencontre très forte avec un jeune
couple, avec lequel je me suis lié d’amitié. En 2017, je me suis attaché à réaliser
un travail d’inspiration documentaire, durant lequel j’ai suivi des jeunes dans leur
quotidien. Je souhaitais donner un visage différent de l’Iran. À l’image de cette
jeunesse créative, dont j’étais témoin, et qui recourait à un mode de vie totalement alternatif, tout en composant
avec les lois de la république islamique », souligne-t-il. Réalisées en extérieur et en intérieur, ces images révèlent
un autre personnage emblématique, Téhéran : noctambule, jouissive, la ville a été saisie sous divers angles.
Pugnace et entier, Youness Miloudi sillonne l’Iran durant plusieurs mois afin de s’imprégner de la culture perse.
Ses premiers travaux sont éclairés par son envie de comprendre ce pays aussi vaste que complexe. Cette série
intimiste prend peu à peu forme hors du cadre traditionnel :
« La photographie est un médium indéniable pour aller vers l’autre,
elle incarne une ouverture sur le monde. Les Iraniens sont très
accueillants, d’un contact direct et plein de curiosité à la vue de
voyageurs. J’ai ressenti le besoin de m’attarder un certain temps aux
côtés de cette jeunesse underground afin de la documenter au plus près
de la réalité. J’en retiens des jeunes qui mènent leur propre révolution
en silence. Surprenants, contournant les interdits, ils s’expriment
grâce à l’art et la culture. » Né en 1984 à Fès, l’artiste met le cap sur
la France en 2005 afin de suivre des études d’ingénierie à l’université
Sans titre, série « PerseFornia,
avoir 20 ans à Téhéran ».
de Picardie Jules Verne. Féru de cinéma et de musique, marqué par l’univers du cinéaste Tony Gatlif, il organise
des concerts dédiés à la culture urbaine, comme la danse, le hip-hop ou le breakdance. La création documentaire
l’interpellant, il décide de se consacrer pleinement à la photographie et au voyage en 2013 et se met en quête
de sujets hors de sa zone de confort : « J’ai toujours été fasciné par l’image et ses multiples aspects. Arrivé en
France, j’ai enchaîné en parallèle des petits jobs afin de m’offrir mon premier appareil photo. J’ai commencé
par travailler dans l’événementiel et par faire de la photo en studio. Puis, ma pratique et mes choix se sont affinés,
et j’ai décidé de me tourner vers la photographie de témoignage », se souvient-il. En 2018, il présente pour la
première fois une partie de son projet « PerseFornia » sous la forme d’un collectif à la foire d’art contemporain
africain 1-54 Marrakech. Suit une deuxième exposition en 2019 à Photo Doc, rendez-vous incontournable
de la photographie documentaire à Paris. Dans l’optique de s’ouvrir à de nouvelles perspectives, il participera
en janvier prochain à un group show initié par Hassan Hajjaj à la Hannah Traore Gallery, à New York. ■
YOUNESS MILOUDI
26 AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022
WIAME B.
« Je souhaitais
donner un visage
différent
de l’Iran. »
Communiqué
Radisson Hotel Group s’attend à une année solide, avec une expansion dans les principales villes
d’Afrique de l’Ouest et Centrale. Erwan Garnier, Directeur Senior,
Afrique, Radisson Hotel Group, nous parle des projets du groupe
Radisson Hotel Gr oup réalise sa
grande ambition pour l’Afrique
Exterieur du Radisson Collection Bamako
Quel est le portefeuille actuel de Radisson
Hotel Group et quelles sont ses ambitions
pour l’Afrique de l’ouest et centrale ?
L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale
représentent des marchés clés dans notre
stratégie de développement continentale,
en faisant passer notre portefeuille d’une
unité en 2008 à 25 hôtels en exploitation
et en développement aujourd’hui. Grâce
à cette solide stratégie d’expansion, nous
sommes en passe de consolider notre
leadership et de doubler notre portefeuille
pour atteindre 50 hôtels d’ici 2025.
Quelles ont été les réalisations marquantes
dans cette région au cours des
deux dernières années ?
Malgré la pandémie, nous avons été en
mesure d’accroître notre portefeuille en
Afrique de l’Ouest et centrale avec la signature
de trois nouveaux hôtels, ajoutant
plus de 625 chambres. Nous avons renforcé
notre présence sur des marchés clés tels
que le Nigeria et le Mali, tout en pénétrant
sur un nouveau marché, le Ghana. Les conversions
étant au cœur de notre stratégie
de croissance, nous avons pu ouvrir des
hôtels en accélérant le repositionnement
de structures existantes. Une autre étape
importante a été le lancement de notre
marque Radisson Collection en Afrique,
avec l’ouverture du Radisson Collection de
Bamako en décembre 2020
En avril de cette année, nous avons également
lancé notre première propriété Radisson
Individuals en Afrique, avec la signature
de l’hôtel Earl Heights Suites, membre de
Radisson Individuals, à Accra, au Ghana.
L’ouverture est prévue au cours du premier
trimestre 2022. Radisson Individuals est une
marque de conversion qui offre aux hôtels
indépendants et aux chaînes locales et
régionales l’opportunité de faire partie de
la plateforme mondiale de Radisson Hotel
Group, de bénéficier de la notoriété et
de l’expérience internationale du Groupe,
tout en ayant la liberté de conserver leur
caractère unique et leur identité.
Quel est la stratégie d’expansion et les
priorités en Afrique de l’ouest et centrale ?
Nous avons identifié six pays avec une
stratégie claire de croissance, axé sur les
capitales, les centres financiers et les destinations
touristiques. Huit villes sont au
cœur de notre ambition : Abuja, Lagos,
Accra, Abidjan, Dakar, Yaoundé, Douala et
Kinshasa. Notre stratégie se développe les
hôtels d’affaires, les centres de villégiature,
Erwan Garnier, Directeur Senior, Afrique,
Radisson Hotel Group.
Reception du Radisson Collection Bamako.
les appart-hôtels et les développements à
usage mixte.
Au Nigeria, nous avons pour objectif
d’augmenter de 50 % notre portefeuille de
neuf hôtels d’ici 2025. L’objectif principal est
la capitale Abuja, suivie de Lagos et Port
Harcourt. Nous prévoyons de développer
chacune de nos six marques au Nigeria,
y compris notre toute nouvelle marque
Radisson Individuals, afin de soutenir les
conversions potentielles.
Au Ghana, nous souhaitons développer
l’ensemble de notre portefeuille, en mettant
l’accent sur l’expansion de la capitale,
Accra, ainsi que Kumasi, la seconde ville
du pays et Takoradi sur le positionnement
resort.
En Côte d’Ivoire, Abidjan est au cœur de
notre action et nous avons pour objectif de
répondre aux besoins du marché en ayant
chacune de nos six marques présentes d’ici
la fin 2025. Cela inclut Plateau, Cocody,
Marcory and Zone 4. De plus nous souhaitons
nous développer dans le pays sur
le segment affaires à Yamoussoukro et
San-Pedro ainsi que sur le segment loisirs
à Assini et Grand Bassam.
Au Sénégal, nous souhaitons également
développer chacune de nos marques, en
concentrant notre expansion dans le centre
de Dakar avec le Plateau, la Corniche, Ngor
et Point E ainsi que Diamniadio et Saly. Les
autres villes que nous avons identifiées
pour notre expansion sont Touba, Saint
Louis et Cap Skirring.
C’EST COMMENT ?
PAR EMMANUELLE PONTIÉ
BONNE ANNÉE !
DOM
Je viens de me rendre compte, à la relecture des « C’est comment ? » des numéros
doubles de fin d’année sur cinq ans, que les vœux pieux se juxtaposent. Pour que
le terrorisme cesse, pour que la redistribution des richesses soit effective, pour que les
démocraties et la bonne gouvernance s’installent, pour que la demande d’emploi exponentielle
soit satisfaite, pour que les filles aillent à l’école, pour que l’environnement et sa
dégradation galopante soit enrayée, pour que, pour que… Et les Cassandre argueront
que ça ne marche pas. Les esprits chagrins comptabiliseront les non-avancées, voire
les violents reculs dans certains pays. Et surtout, tout en souhaitant que tout s’arrange,
on ne parle que de catastrophes, de négatif, de ce qui ne bouge pas, ne change pas.
Alors, pour 2022, on va faire différent. En regardant un peu notre continent
par une lorgnette positive, inversée. Et d’abord pour parler
de l’actualité : le retour du coronavirus, des frontières qui se
ferment et du stress qui se généralise à nouveau. À l’heure
où cette édition boucle, nul ne sait quelle sera l’évolution du
nouveau variant Omicron, venu d’Afrique du Sud. Mais on
peut espérer, déjà, que l’Afrique (hormis l’Afrique australe,
peut-être) devrait continuer à prouver sa résistance face à
la pandémie, aux pandémies. Avec des systèmes de santé
bien plus défaillants que ceux du Nord, une couverture vaccinale
quasiment nulle (moins de 7,5 % début décembre),
le continent a montré la force de sa population jeune et
les résiliences étonnantes de la plupart de ses économies.
Malgré, là encore, les prédictions les plus funestes.
Sa jeunesse, justement, celle qui a décidé dans un
pays sahélien – demain deux, peut-être plus – de prendre
son destin en mains en descendant dans la rue pour dire
stop. Cette jeunesse encore qui se lance dans l’autoemploi,
monte des entreprises, crée de la richesse, sans
trop attendre que les États aident, soutiennent.
De nombreux autres signes positifs existent, si l’on
regarde bien, comme l’appropriation des nouvelles technologies de demain en un temps
record. Ou encore les premiers fruits, ici et là, des programmes de développement mis en
place par les États. Et aussi, la prise de conscience sur les questions environnementales,
le ras-le-bol des paysannes qui dénoncent la destruction de la couche d’ozone par
les pays riches…
Certes, le trait est un peu forcé. Volontairement sur-enthousiaste. C’est juste pour
montrer que le continent résiste et avance en même temps. À petits pas. À son rythme.
Vers demain. C’est bon de l’écrire. Et de lui souhaiter une belle année 2022 ! ■
AFRIQUE MAGAZINE I 423-424 – DÉCEMBRE 2021-JANVIER 2022 29
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