Magazine CNC: hiver 2022
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L’avenir
devant soi
En conservation de la nature,
les jeunes montrent le chemin.
HIVER 2022
Port Joli, N.-É.
HIVER 2022
SOMMAIRE
Conservation de la nature Canada
4 Nature urbaine
La nature est partout autour de vous, comme
sur les terre-pleins des boulevards ou les toits
verts en milieu urbain.
6 Réserve de prairie
de Stony Mountain
Découvrez certains joyaux de la prairie
manitobaine sur cette propriété située près
de Winnipeg.
7 Ménage du printemps
Que vous ayez un modeste jardin ou
quelques hectares, vous pouvez contribuer
à protéger la nature.
7 10 fois plus grand
François Duclos observe la nature de près...
de très très près!
8 L’avenir devant soi
Les jeunes sont devenus une force inébranlable
quand il s’agit de se faire entendre pour la
sauvegarde de la biodiversité.
14 Pluvier siffleur
Cet oiseau migrateur, qui se distingue par
ses pattes orange, est en voie de disparition
au Canada.
16 CNC à l’œuvre
Don de terres, à Snowshoe Creek (C.-B.); forêt
de chênes à gros fruits, à The Keyhole (N.-B.);
conservation d’un habitat naturel vital (N.-É.).
18 Oiseaux de nuit
Rencontre fortuite de deux oiseaux de nuit.
C’est extra!
Visitez magazinecnc.ca pour accéder à du
contenu supplémentaire en lien avec ce
numéro de notre magazine.
Conservation de la nature Canada
245, avenue Eglinton Est, bureau 410 | Toronto (Ontario) Canada M4P 3J1
magazine@conservationdelanature.ca | Tél. : 416 932-3202 | Sans frais : 1 877 231-3552
Conservation de la nature Canada (CNC) est la force rassembleuse au pays pour la sauvegarde de la nature.
Par la conservation permanente de vastes territoires, CNC apporte des solutions à la double crise du déclin
rapide de la biodiversité et des changements climatiques. CNC est un organisme de bienfaisance enregistré.
Avec la nature, nous créons un mode prospère.
Le magazine Conservation de la nature Canada est offert aux personnes qui appuient CNC.
MC
Marque de commerce de La Société canadienne pour la conservation de la nature
FSC MD n’est pas responsable des calculs concernant
l’économie des ressources réalisée
en choisissant ce papier.
Imprimé sur du papier Enviro100 fait à 100 % de fibres post-consommation, certifié Écologo et Procédé
sans chlore. Ce papier est fabriqué au Canada par Rolland, qui utilise le biogaz comme source d’énergie.
L’impression est effectuée au Canada, avec des encres végétales par Warrens Waterless Printing. La
publication de ce magazine a sauvegardé 172 arbres et 56 656 litres d’eau*.
TKTKTKTKTKTKT
ÉCOCALCULATEUR : ROLLANDINC.COM. PHOTO SUR CETTE PAGE : MIKE DEMBECK. COUVERTURE : GUILLAUME SIMONEAU.
*
natureconservancy.ca
Entre bonnes mains
TKTKTKTKTKTKT
DE HAUT EN BAS : VICTORIA SNELGROVE. CHRIS LEDREW. STÉPHANE AUDET.
Kootenay River Ranch
Conservation Area, BC
Il est facile de ressentir du découragement lorsqu’on pense
aux crises de la biodiversité et du climat que traverse notre
planète. Toutefois, au cours de la dernière année, j’ai eu la
chance de passer du temps avec un groupe de personnes qui ont
été une grande source d’espoir et d’inspiration pour moi, c’est-àdire
d’autres jeunes membres du personnel de Conservation de la
nature Canada (CNC).
La conversation a commencé en avril 2021, lorsque plusieurs
d’entre nous participions au Sommet mondial de la jeunesse
organisé par l’Union internationale pour la conservation de la
nature, sous le thème « La nature, notre avenir ». Ce sommet
virtuel n’était qu’un exemple de comment les voix et les idées des
jeunes sont de plus en plus reconnues comme essentielles au
développement de stratégies et de solutions. Les jeunes sont les
moteurs du changement.
Tout au long de l’année, j’ai continué à me réunir avec mes
jeunes collègues et à discuter de notre rôle actuel et futur au sein
de l’organisation. Cette occasion d’entrer en contact avec d’autres
jeunes leaders de CNC (18-35 ans) m’a fait prendre conscience de
l’incroyable atout que représente ce groupe, qui compte pour plus
de 40 % du personnel de l’organisation. Ces jeunes bousculent les
idées établies et agissent en pensant à l’avenir. Lorsqu’on leur en
donne l’occasion et les ressources, les jeunes membres de notre
personnel peuvent être des moteurs d’innovation et de changements
positifs. La réussite de CNC dans l’atteinte de ses ambitieux objectifs
repose sur la prochaine génération de décideurs et de décideuses, et
je suis ravie de voir comment l’organisation compte investir en eux.
Dans l’article principal de ce numéro de notre magazine, vous
pourrez découvrir de jeunes et inspirantes personnes avec lesquelles
j’ai le privilège de travailler. Vous découvrirez aussi pourquoi nous
avons besoin de jeunes conservationnistes pour atteindre les
ambitieux objectifs que notre organisation s’est fixés.
Même si bientôt je ne pourrai plus me considérer comme étant
une jeune professionnelle, je suis persuadée que nous sommes
entre bonnes mains. J’espère qu’en lisant ce numéro, vous serez
de mon avis.
Avec vous pour la nature,
Megan Lafferty
Megan Lafferty
Responsable des mesures de conservation,
Conservation de la nature Canada
Ont collaboré
à ce numéro
Jenn Thornhill Verma
est une journaliste
de Terre-Neuve-et-
Labrador vivant
maintenant à Ottawa.
Ses articles portent
sur le climat,
l’environnement, la
biodiversité et la
culture. Elle est l’auteur
de « L’avenir devant
soi », à la page 8.
Geneviève Lesieur
a été initiée très jeune
à la photo. Elle a étudié
le graphisme et les
beaux-arts, puis en
communication
graphique. Directrice
artistique d’une agence,
elle possède aussi sa
propre entreprise de
photographie spécialisée
dans le portrait, la photo
animalière et les voyages.
Elle a photographié
François Duclos pour
l’article « 10 fois plus
grand », à la page 7.
natureconservancy.ca
HIVER 2022 3
D’UN OCÉAN
À L’AUTRE
1. Réserve naturelle
Chase Woods, C.-B.
Les sentiers de Chase Woods, qui font partie du
réseau de sentiers du mont Tzouhalem, traversent
un relief allant de modéré à difficile menant à une
vue panoramique du haut de la falaise de la
réserve. Le parcours traverse de luxuriantes forêts
côtières de douglas de Menzies (ou sapin de
Douglas) et des pentes peuplées de chênes de
Garry. Puisque les sentiers peuvent être glissants
en hiver, il faut les parcourir prudemment.
Centre urbain le plus près : Duncan, C.-B. (14 km)
La nature
est partout!
Il suffit de
la chercher.
Et nous sommes de plus en plus nombreux
à la trouver près de chez nous.
Nos villes et leurs environs recèlent d’innombrables
lieux pour se détendre et se ressourcer. Que ce
soit pour une randonnée pédestre sur un sentier
boisé, une sortie en raquettes à travers une prairie ou en
skis de fond sur une rivière gelée, visiter un parc urbain
est parfait pour s’éloigner des écrans et se vider l’esprit.
Selon l’organisme Amis des parcs, les villes canadiennes
ont plus de 15 000 hectares d’espaces verts à offrir. Et de
plus en plus de recherches soulignent leurs inestimables
bienfaits. Ces espaces verts sont les poumons et les reins
de nos villes, puisqu’ils purifient notre environnement en
absorbant la pollution. Aussi, en retenant les eaux du dégel
printanier et des pluies abondantes, ils réduisent les
risques d’inondation.
La nature est un lieu où les gens se réfugient pour
prendre l’air, faire de l’exercice, se détendre ou échapper
aux pressions quotidiennes. Un nouveau sondage d’Ipsos
Affaires publiques mené pour le compte de Conservation
de la nature Canada (CNC) a d’ailleurs révélé que 8 personnes
sur 10 passent du temps en plein air pour leur
bien-être. Beaucoup vont plus souvent à l’extérieur maintenant
qu’avant le début de la pandémie.
Ce n’est pas tout. Le temps passé dans la nature peut
renforcer le lien que nous entretenons avec elle ainsi que
notre désir de la protéger. Que diriez-vous d’enfiler vos
bottes et de partir à la découverte de nouveaux endroits
près de chez vous? Voici sept propriétés de CNC situées
à moins d’une heure de route d’un grand centre urbain.
G. À D. : R.M. NUNES / ALAMY STOCK PHOTO; MICHAEL WHEATLEY / ALAMY STOCK PHOTO; CHRIS ISTACE.
4 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
2. Bunchberry
Meadows, Alb.
Situés à seulement 20 minutes
de route du centre-ville
d’Edmonton, les quatre
sentiers faciles de Bunchberry
Meadows traversent des
forêts-parcs indigènes. Le
débit calme de la rivière
et le vent soufflant dans les
arbres y offrent une expérience
apaisante. En hiver, la propriété
est idéale pour la pratique de
la raquette.
Centre urbain le plus près :
Edmonton, Alb. (30 km)
3. Asquith, Sask.
Avec ses 6 kilomètres de
sentiers, Asquith offre des vues
sur les paysages de prairies qui
invitent à la relaxation et au
ressourcement. Au printemps et
en été, profitez du parfum des
fleurs sauvages et des prairies
ouvertes, avec pour trame
sonore le chant des oiseaux
de prairies. En hiver, il est
possible de faire de la raquette
sur la propriété.
Centre urbain le plus près :
Saskatoon, Sask. (55 km)
DE HAUT EN BAS : BRENT CALVER; ROBERT MCCAW; CNC; NEIL EVER OSBORNE; MIKE DEMBECK; GUILLAUME SIMONEAU.
5. Backus Woods, Ont.
4. Jardin de prairie de La Fourche, Man.
Niché au cœur du centre-ville de Winnipeg, le jardin de prairie de La Fourche offre
un répit, loin de la frénésie de la vie urbaine. En hiver, enfilez vos patins et profitez
du parcours qui le serpente. Pendant la saison chaude, « plongez » dans ce jardin
de démonstration abritant une variété d’herbes hautes des prairies et de fleurs
sauvages, qui offre un aperçu de l’histoire naturelle du Manitoba.
Centre urbain le plus près : Centre-ville de Winnipeg, Man.
En hiver, il est possible de marcher, skier ou de faire de la raquette
sur l’un des sept sentiers de Backus Woods pour admirer ses forêts
caroliniennes. Accessible toute l’année, la propriété est située dans
une Zone importante pour la conservation des oiseaux et dans
une Aire d’intérêt naturel et scientifique provinciale abritant des
milieux humides d’importance provinciale.
Centre urbain le plus près : London, Ont. (environ 95 km)
7. Estuaire de la Musquash, N.-B.
Les personnes qui empruntent les sentiers côtiers
exigeants de Musquash sont récompensées par des
vues sur les estuaires fluviaux actifs de la baie de Fundy.
On y voit des tourbières côtières et des peuplements
de thuyas occidentaux, ainsi que d’abondantes parcelles
de hautes fougères. Deux des trois sentiers sont accessibles
toute l’année.
Centre urbain le plus près : Saint John, N.-B. (environ 30 km)
6. Réserve
naturelle
Alfred-Kelly, Qc
Les 15 sentiers spectaculaires de
cette réserve naturelle sont
accessibles toute l’année, sauf
pendant le dégel printanier et les
périodes de fortes pluies. C’est un
lieu idéal pour faire du ski de fond
ou de la raquette en hiver, de la
randonnée pour admirer les trilles
au printemps, ou le feuillage des
arbres en automne. Alfred-Kelly
a quelque chose à offrir, et ce, en
toute saison.
Centre urbain le plus près :
Montréal, Qc (60 km)
conservationdelanature.ca
HIVER 2022 5
SUR LES
SENTIERS
Réserve
de prairie
de Stony
Mountain
Cypripède pubescent
French St
Découvrez certains joyaux de la
prairie manitobaine sur cette propriété
située près de Winnipeg
Cette réserve est située au sommet de l’escarpement
de Stony Mountain, dans le village du même nom, à
seulement 20 minutes de route au nord de Winnipeg.
Ce précieux vestige de prairie indigène unique repose
sur de la roche calcaire. On y trouve une oasis d’herbes
et de fleurs typiques des prairies à herbes hautes et
mixtes qui recouvraient autrefois la région.
N
Depuis la réserve, on peut emprunter cinq kilomètres
de sentiers faciles faisant partie d’un réseau qui relie cet
habitat pittoresque de prairie à des carrières de calcaire
où la nature a repris ses droits. Au printemps et en été,
soyez attentifs aux pollinisateurs qui visitent les crocus
des prairies, les lis et les plantes à nectar qui se partagent
cet espace. Au moment de quitter la réserve, il est
important de nettoyer ses bottes, car l’euphorbe ésule,
une plante envahissante, y pousse à plusieurs endroits.
En hiver, une promenade en raquettes sur le sentier
représente une pause nature parfaite. Quelle que soit la
saison, ce joyau local a quelque chose d’unique à offrir.
DEMEUREZ EN SÉCURITÉ
En visite sur une propriété de CNC, veuillez
pratiquer la distanciation physique et respecter
les directives sanitaires locales.
Pour plus d’informations (en anglais), visitez
natureconservancy.ca/stonymountain.ca.1
Lis de Philadelphie
LÉGENDE
--- Limite de la réserve
--- Sentier
ESPÈCES À OBSERVER
• Asclépiade
• Barbon de Gérard
• Boutelou grêle
• Cypripède pubescent
• Lis de Philadelphie
• Monarde fistuleuse
• Noisetier
• Pulsatille multifide
Monarde fistuleuse
ROBERT MCCAW; CNC; ROBERT MCCAW. CARTE : JACQUES PERRAULT.
6 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
ACTIVITÉ
LES
INDISPENSABLES
Ménage du
printemps
Comment préparer votre terrain
ILLUSTRATION : ASHLEY BARRON. PHOTO : GENEVIÈVE LESIEUR.
Que vous ayez un modeste jardin ou quelques
hectares, vous pouvez contribuer à protéger la
nature. De la planification de la prochaine saison
de jardinage à la préparation des graines, il y a
beaucoup à faire, même quand la nature semble
en dormance. Nettoyer votre coin de nature en
prévision du printemps revitalisera son apparence.
Cela peut aussi aider les plantes et les petites
bêtes qui peuplent votre jardin, en offrant par
exemple aux insectes un endroit où passer l’hiver
en toute sécurité.
Voici quelques conseils de membres du personnel
chargés de la gestion des terres à CNC :
1. Taillez arbustes et arbres pour qu’ils conservent
leur forme et leur vigueur.
2. Enlevez les tiges des plantes vivaces qui
fournissaient un abri et de la nourriture aux
animaux sauvages pendant les mois d’hiver.
Taillez les plantes à tiges creuses à différentes
hauteurs pour attirer les insectes nichant
dans les cavités.
3. Divisez et transplantez les plantes vivaces qui
ont fleuri l’automne précédent. Les déplacer
pendant leur période de dormance leur évitera
du stress.
4. Ratissez la pelouse plus tard au printemps,
lorsque les températures atteignent 10 degrés
Celsius de façon constante pendant 10 jours.
Procédez avec précaution pour ne pas déranger
les chenilles, les cocons et les chrysalides.
5. Découvrez les plantes indigènes de votre
région et comment vous pouvez les intégrer
à votre jardin.
10 fois
plus grand
Équipé de sa loupe de géologue, François Duclos se
rapproche de la nature.
Dès que vous mettez les pieds dans votre premier cours de géologie, vous
adoptez un nouvel instrument qui ne quittera plus votre sac à dos : la
loupe 10x. Les géologues y ont recours pour identifier les roches, les minéraux
et les fossiles, qui ne révèlent souvent leur véritable identité que lorsqu’ils
sont observés sous sa lentille. Depuis cette époque, ma carrière a pris un chemin
très différent, mais la loupe n’a jamais quitté mon sac.
Aujourd’hui, que ce soit en me promenant sur une plage de galets en Gaspésie
ou en gravissant un volcan d’Amérique centrale, je ne peux résister à l’envie de
découvrir le monde qui se cache sous mes pieds. Il abrite des champignons, des
lichens, des insectes et même des flocons de neige, qui offrent tous d’incroyables
spectacles à peine visibles à l’œil nu.
Il est parfois un peu gênant de s’agenouiller et de regarder à travers une loupe
pendant que d’autres randonneurs sont debout à regarder à travers leurs jumelles.
À notre prochaine rencontre, prenons une minute pour partager ensemble notre
vision du monde à travers nos lentilles respectives!1
conservationdelanature.ca
HIVER 2022 7
8 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
TKTKTKTKTKTKT
L’avenir
devant
soi
TKTKTKTKTKTKT
Les jeunes sont
devenus une force
inébranlable
quand il s’agit
d’utiliser leurs voix
pour sauvegarder
la biodiversité et
l’environnement.
PAR
Jenn Thornhill Verma
ILLUSTRATIONS DE
Tara Hardy
Rebekah Neufeld parle des chênes à
gros fruits derrière la ferme où elle a grandi
à Ninette, au Manitoba, comme on parle de
gens qu’on connaît. « Ils nous ont toujours été
utiles, que ce soit pour s’amuser à y grimper ou comme
source de bois de chauffage ». Elle dit aussi apprécié les
chênes pour leur résilience. À l’aube de la trentaine,
Rebekah, qui travaille depuis 10 ans à Conservation de la
nature Canada (CNC), occupe présentement le poste de
gestionnaire intérimaire de la science de la conservation pour
la région du Manitoba.
Elle explique : « Les chênes à gros fruits croissent dans
des habitats secs, chauds, rocheux ou sablonneux; ils ont
des allures de survivants trapus aux branches noueuses. Ils
prospèrent dans les forêts denses le long des vallées fluviales
et des plaines inondables, ou poussent en hauteur en
déployant leurs branches dans les prairies ouvertes où ils
peuvent survivre aux feux de prairie et aux hivers rigoureux.
Je suis chez moi dans la nature. Elle est source de plaisir, de
subsistance et de protection. Elle fait partie de moi, même si
elle demeure un immense et fascinant mystère. »
Rebekah déborde de l’énergie et de l’enthousiasme
propres aux jeunes lorsqu’elle parle de la nature et des
moyens de protéger les espaces naturels les plus précieux
du Canada. Elle est bien entourée à CNC, où 40 % du personnel
est âgé de moins de 35 ans.
Partout dans le monde, les jeunes sont devenus une force
inébranlable (on pourrait dire comme le chêne à gros fruits)
quand il s’agit d’utiliser leurs voix et de faire connaître leurs
valeurs afin de sauvegarder la biodiversité et l’environnement.
conservationdelanature.ca
HIVER 2022 9
Regarder vers l’avenir
« Une solide main-d’œuvre composée de
jeunes de 18 à 35 ans représente un avantage
stratégique, car ils nous incitent à rester
concentrés sur l’avenir, à mettre en place des
mesures plus audacieuses, à penser de façon
novatrice et à tenir compte des impacts à
long terme », affirme la présidente et chef de
la direction de CNC, Catherine Grenier.
« Travailler avec les jeunes offre un aperçu
de ce à quoi ressemblera l’avenir, ajoute-telle.
Dans notre domaine, il est important que
tous les groupes d’âge soient représentés, et
particulièrement celui des jeunes adultes, car
ce sont eux qui verront le fruit de notre
travail dans 5, 10, 15 ou 25 ans. »
« En repensant aux grandes réussites de
CNC depuis un certain temps, on s’aperçoit
que des jeunes ont participé à presque chacune
d’entre elles », mentionne Megan Lafferty,
responsable des mesures de protection des
terres de CNC. « Par exemple, ce sont des
jeunes qui ont dirigé le projet de la baie Vidal,
notre plus grand projet à ce jour en Ontario.
De la collecte de fonds à la réalisation de projets,
nombre de jeunes ont joué un rôle déterminant
dans la réussite de notre campagne
Laissez votre signature. Et ils nous poussent
à faire plus, et mieux. »
Megan Lafferty s’est jointe à Catherine
Grenier pour notre entretien d’aujourd’hui
sur la manière dont les jeunes ouvrent la
voie pour la conservation des milieux naturels.
Cette entrevue conjointe est un indice
subtil, mais important, démontrant que la
présence marquée de jeunes à CNC n’est
pas le fruit du hasard, mais une volonté.
Âgée de 32 ans, Megan Lafferty dirige un
groupe de travail composé de jeunes membres
du personnel responsables de faire des recommandations
à la direction en se basant
sur l’approche « par les jeunes, pour les
jeunes », bien connue comme étant une
condition préalable à un engagement significatif
de leur part.
« Les jeunes savent ce dont leur génération
a besoin, renchérit Megan, et quand ils vont
de l’avant avec un objectif clair en tête, leurs
visions nouvelles et leurs valeurs uniques
contribuent aux efforts de conservation. »
« Les jeunes d’aujourd’hui sont davantage
concernés par les impacts sociaux. Ils ont
une vision plus globale de leurs actions et
des conséquences de celles-ci, ainsi que de
l’interrelation entre nos activités, selon Megan
Lafferty. On constate de plus en plus à
quel point les défis auxquels nous sommes
confrontés sont reliés aux changements climatiques
et à la biodiversité. Il est important
de soutenir les jeunes qui comprennent cette
interrelation si nous voulons parvenir à relever
ces défis. Rappelons-nous également que
les jeunes leaders d’aujourd’hui sont les leaders
mondiaux de demain. »
« En matière de climat et de biodiversité,
les jeunes ne sont pas seulement les leaders
de demain, ils sont les seuls leaders », lance
James Bartram, président du Comité canadien
de l’Union internationale pour la conservation
de la nature (CCUICN). Cette déclaration
audacieuse provient d’un fervent partisan
de l’apprentissage intergénérationnel,
une approche qui permet à des personnes de
tous âges d’apprendre ensemble et les unes
des autres.
La déclaration de James Bartram ne vise
toutefois pas à minimiser la contribution
des générations précédentes. Il reconnaît
simplement que c’est grâce aux jeunes si on
aborde maintenant les changements climatiques
lors des conversations mondiales, et
soutient qu’il n’en sera de même pour la biodiversité
que si les jeunes sont éduqués,
outillés et capables de diriger.
Afin d’aider les jeunes adultes à développer
leur leadership dans le domaine de la
conservation, le CCUICN offre depuis de
nombreuses années un programme destiné à
ceux et celles qui souhaitent devenir ambassadeurs
de la jeunesse. L’organisme gère également
le Réseau des jeunes professionnels
de la conservation au Canada, un réseau virtuel
inclusif en pleine croissance de plus d’un
millier de membres, qui permet à ces jeunes
leaders de faire entendre leurs voix.
Les jeunes pensent de
manière innovante et
considèrent les impacts
à long terme.
Cette photo :
Rebekah Neufeld et
Megan Lafferty
10 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
LE PROGRAMME DE BOURSES
DE RECHERCHE EN SCIENCE
DE LA CONSERVATION
DE LA FAMILLE WESTON
Les deux premiers projets soutenus par le programme
de bourses de recherche en science de la conservation
de la famille Weston de CNC portaient sur le rétablissement,
en Ontario, d’un papillon en voie de disparition
à l’échelle nationale et sur l’étude des oiseaux
chanteurs en péril des prairies de l’Alberta.
Le programme soutient et forme les étudiantes
et étudiants de cycle supérieur qui mènent des
recherches prioritaires pour CNC afin qu’ils deviennent
des leaders de la prochaine génération en sciences
appliquées de la conservation. Les recherches
réalisées par les titulaires de bourses, dont Emily
Trendos et Zachary Moore, la première cohorte,
soutiennent la conservation et la gestion d’importants
espaces naturels et de la diversité biologique partout
au Canada.
Les bourses sont destinées à des projets de recherche
spécifiques et sont attribuées dans le cadre d’un
doctorat (quatre ans d’aide financière) ou d’une
maîtrise (deux ans d’aide financière).
Amy Wiedenfeld, doctorante en biologie à l’Université
de Lethbridge, a été sélectionnée pour étudier la
viabilité de certaines des populations végétales les
plus menacées du pays dans la région de la forêt
carolinienne. En vigueur en janvier 2022, cette bourse
lui offrira du soutien financier pendant quatre ans.
« En tant que
boursier, j’ai pu explorer les
contreforts des Rocheuses en Alberta
et mener des recherches qui contribueront
à la sauvegarde des oiseaux chanteurs des
prairies que protègent CNC et ses partenaires.
Le programme m’a permis de compléter mes
études et mes recherches, mais aussi de
rencontrer des professionnels de la
conservation, d’acquérir de nouvelles
connaissances et de développer ma
propre expertise. »
Zachary Moore
« Le programme m’a non seulement
permis de contribuer à la conservation
d’un papillon en voie de disparition, mais
les résultats de ce travail orienteront l’élaboration
de meilleures pratiques pour la gestion des
écosystèmes de prairies à herbes hautes.
CNC m’a aussi permis de nouer des relations
significatives avec d’autres professionnels
de la faune et de la gestion des terres,
ce qui est un facteur essentiel des
réussites en conservation. »
Emily Trendos
Ce programme de bourses est un terrain fertile pour la
formation des leaders de demain en conservation. Il
vise à mobiliser les jeunes scientifiques les plus brillants
en offrant deux nouvelles bourses chaque année.
Des perspectives
rafraîchissantes
Megan Quinn, 26 ans, est une jeune leader
qui œuvre au sein de CNC et du CCUICN. À
CNC, elle travaille à titre de coordonnatrice
de la biologie de la conservation pour l’est de
l’Ontario. Elle est aussi membre du Comité
des jeunes professionnels du CCUICN et
mentore auprès des jeunes à l’Association
canadienne pour les Nations Unies en matière
d’objectifs de développement durable.
Les journées de travail de Megan Quinn se
suivent, mais ne se ressemblent pas. Un jour,
elle se rend sur le terrain pour participer au
contrôle d’espèces envahissantes, comme le
nerprun non indigène des forêts de l’est de
l’Ontario; le lendemain, elle rédige et classe
des rapports à son bureau. La plupart du
temps, elle se lève bien avant sa journée de
travail pour pratiquer l’équitation sur la
ferme équestre de 150 hectares où elle vit, à
l’extérieur d’Ottawa.
« Mon regard sur la nature est différent
quand je suis à cheval », constate Megan, qui
est également cavalière de compétition.
« L’équitation me permet de rester en contact
avec la nature et me rappelle que j’en fais partie.
Lorsqu’il me porte sur les sentiers, mon
cheval repère l’écureuil qui se faufile dans les
buissons avant même que je le voie. Pendant
une compétition, mon cheval et moi ne travaillons
pas indépendamment, nous sommes
une équipe. Je trouve qu’il y a quelque chose
de vraiment beau là-dedans. »
La famille de Megan a quitté une ancienne
ville minière du nord de l’Angleterre
pour venir s’établir au Canada. Ce déménagement
lui a ouvert les yeux sur les vastes
étendues sauvages du Canada, éveillant en
elle un sens des responsabilités.
« Le territoire canadien est vaste, et avec
cela vient le devoir immense de contribuer à
sa protection, affirme Megan. Nous faisons
parfois l’erreur de voir la nature comme
étant à l’extérieur de nous, alors que nous
faisons tous partie du même système. Nous
essayons tous de trouver un moyen de vivre
ensemble. »
Pour y parvenir, selon Megan Quinn, il faut
faire de la place pour les jeunes. Mais l’un des
obstacles est cette fausse croyance populaire
selon laquelle tous les jeunes sont les mêmes.
« Nous plaçons parfois tous les jeunes dans le
même panier. Il s’agit pourtant d’un groupe
démographique qui englobe des réalités politiques,
sociétales, raciales, de genre et d’identité
sexuelle différentes. L’expérience de la jeunesse
est différente pour chacun ».
Les propos de Megan Quinn mettent aussi
en évidence la nécessité de rassembler des
jeunes aux compétences variées pour exercer
diverses fonctions, allant de la réalisation de
travaux sur le terrain, à la gestion des collectes
de fonds et des finances dans les bureaux
et les salles de conseil, ainsi qu’à tout
ce qui existe entre les deux.
conservationdelanature.ca
HIVER 2022 11
Les jeunes leaders
d’aujourd’hui sont les leaders
mondiaux de demain.
Cette photo : Megan Quinn
Page suivante : Robin Lawson
et Jon Kelly
Les défis que posent les changements climatiques
et la biodiversité sont interreliés. Il est important de
soutenir les jeunes qui comprennent cette interrelation
si nous voulons parvenir à relever ces défis.
MEGAN LAFFERTY, GESTIONNAIRE DES MESURES DE PROTECTION DES TERRES DE CNC
Toutes les compétences
sont les bienvenues
« Il y a de la place pour tout le monde, quelles
que soient vos compétences », affirme Robin
Lawson, 27 ans, coordonnatrice des communications
de l’équipe de CNC en Ontario. « On
a tendance à penser que pour travailler en
conservation, il faut être biologiste. Mais il
nous faut des comptables, des personnes qui
savent habilement raconter notre histoire, et
d’autres ayant de grandes compétences organisationnelles.
Je pense être un excellent
exemple, puisque j’ai des compétences en
graphisme et en photo, et je les ai mises au
service de ma passion pour la conservation. »
L’un des voyages photo les plus mémorables
de Robin s’est déroulé à McKellar
Point, qui surplombe le lac Supérieur dans
l’aire de conservation de Little Trout Bay,
à environ 45 minutes de Thunder Bay. Parcourant
les sentiers, appareil photo en main,
elle se souvient qu’elle ne pouvait s’arrêter
de photographier le paysage luxuriant qui
s’offrait à elle. Selon elle, qu’il s’agisse
d’images de lichens discrets ou d’imposants
pins, la photographie a le pouvoir de faire
voyager les gens au cœur de la nature sauvage
canadienne, en mettant au premier
plan ce qui sort du cadre de référence habituel
de chacun.
Les personnes qui travaillent en
conservation seront appelées à faire face
à des défis monumentaux et à prendre ce
que le Réseau mondial des jeunes pour la
biodiversité appelle « des mesures sans
précédent ». Ce réseau souligne que les
jeunes d’aujourd’hui sont malheureusement
habitués à l’échec, car ils ont pu constater
qu’à l’échelle mondiale, les engagements
du Millénaire pour le développement, les
Objectifs d’Aichi pour la biodiversité et le
protocole de Kyoto n’ont pas été respectés.
C’est pourquoi le réseau les invite à unir
leurs voix, leurs cœurs et leurs actions au
sein d’un mouvement mondial afin d’inciter
les leaders du monde entier à accélérer la
transition vers un avenir équitable et
durable. Selon Robin, cela signifie que les
jeunes leaders et les « moins jeunes »
leaders mondiaux doivent s’engager dans
un plan d’action commun.
12 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
Une collaboration
intergénérationnelle
« C’est formidable d’avoir la perspective rafraîchissante
des jeunes. D’un autre côté, le savoir-faire
et l’expérience sont aussi des atouts
indéniables, et c’est pourquoi je suis une
grande défenseure de la collaboration intergénérationnelle
et du renforcement des capacités,
fait valoir Robin Lawson. On ne peut pas
seulement fournir un espace aux jeunes et
leur demander d’y travailler, puis se dire :
“c’est fait, on a embauché des jeunes”. On ne
peut pas non plus les asseoir à notre table et
leur demander de seulement nous observer.
Nous devons créer des occasions de collaboration
intergénérationnelle qui donnent à ces
différentes perspectives et niveaux d’expérience
la chance de travailler ensemble. »
Robin connaît bien les partenariats intergénérationnels
parce qu’elle le vit lors des
séances du conseil d’administration du
CCUICN, où ses votes, son autorité et son
influence ont le même poids que ceux de
n’importe quel autre membre du conseil.
James Bartram, du CCUICN, souligne
l’équilibre qui caractérise les échanges intergénérationnels,
mentionnant qu’ils génèrent
de meilleurs résultats quand les personnes
qui y participent sont « professionnelles, expérimentées
et davantage motivées par une
mission commune que par leurs propres ambitions.
En d’autres termes, précise-t-il, on a
besoin de modèles qui comprennent qu’ils
en retireront autant que les jeunes. Il n’est
pas seulement question de renforcement des
capacités, mais d’échange aussi. »
Pour que l’apprentissage intergénérationnel
devienne la règle, il faut déployer des
efforts systémiques, lesquels sont utilement
présentés dans une étude sur le sujet commandée
par l’UICN et publiée en février
2021. Cette étude a depuis incité l’UICN, la
plus importante organisation de conservation
au monde, à s’engager dans une stratégie
pour la jeunesse, à mettre en place un
comité consultatif composé de jeunes pour
la mener à bien et à offrir un soutien administratif
permanent dirigé par des jeunes.
« Cela dépend beaucoup de comment on
conçoit la jeunesse. S’agit-il d’enfants, d’adolescentes
et d’adolescents, de jeunes
adultes? On ne rejoint pas tous les jeunes de
la même manière. Parce qu’en fin de compte,
si ce n’est pas conçu pour vous, ça ne vous
touchera pas », explique Sandrine Grenon-Lalonde,
coordonnatrice nationale des
programmes de sensibilisation pour la mobilisation
des jeunes à Parcs Canada, qui mobilise
les Canadiennes et Canadiens de tous
âges. Selon elle, tout se résume à susciter
des « expériences significatives », qu’il
s’agisse d’expériences de travail ou de bénévolat,
ou encore de visites de sites historiques,
de parcs nationaux ou d’aires marines
protégées.
« En offrant aux jeunes l’occasion de
vivre des expériences enrichissantes dans la
nature, nous augmentons la probabilité
qu’ils agissent pour la protéger en devenant
des influenceurs et influenceuses
et en défendant le travail de
conservation », explique-t-elle.
Bien collectif
« Avoir de nouvelles perspectives
est bénéfique, car cela
contribue énormément au bien
collectif », soutient Jon Kelly, 31
ans, responsable de l’administration
des terres à CNC pour la région
de la Colombie-Britannique. Selon
lui, le modèle d’apprentissage
intergénérationnel,
mettant à profit
tant les idées novatrices
des jeunes
que les conseils
avisés des gens
d’expérience,
est grandement
mis de l’avant à
CNC. Pour progresser,
il faut
faire appel à des personnes de tous âges et de
tous horizons qui sont motivées par les défis à
relever, souligne-t-il. Jon considère qu’il répond
à ce critère, étant motivé par les projets
qui l’amènent à « démêler les fils », comme il
dit. Pour lui, les jeunes détiennent la clé de la
durabilité de l’environnement, ce qui n’est pas
une mince affaire dans un domaine où il faut
des années, voire des décennies, pour récolter
les fruits de ses efforts.
« Les jeunes apportent de nouvelles perspectives
et du sang neuf dans le domaine de
la conservation. Alors que la nécessité et l’aspect
vital de ce travail deviennent évidents, et
que CNC se développe pour y répondre, je
pense que ces perspectives contribueront à
soutenir ces efforts et à promouvoir la conservation
», déclare Jon Kelly.
« À CNC, nous savons que pour mobiliser
les jeunes de manière significative, la direction
doit s’engager à reconnaître la valeur de
leur contribution, à leur donner des occasions
valables de s’exprimer et à soutenir
leur croissance professionnelle », affirme Catherine
Grenier. Elle ajoute que cela repose
sur le maintien d’une culture organisationnelle
inclusive qui les valorise et leur donne
l’occasion de partager leurs connaissances et
d’apprendre. Quand ces valeurs sont respectées,
nos jeunes en attirent d’autres, permettant
un recrutement par bouche-à-oreille.
Plusieurs membres du personnel font leur
entrée comme stagiaires (c’est d’ailleurs le
cas de tous les jeunes interviewé(e)s pour
cet article). CNC forme également des spécialistes
des sciences appliquées de la
conservation. Le programme de bourses de
recherche en science de la conservation de
la famille Weston soutient en effet les étudiantes
et étudiants de cycle supérieur qui
mènent des recherches prioritaires pour
CNC en conservation, de même qu’en gestion
des aires naturelles et de la biodiversité du
Canada. La plus récente bourse du programme
a été attribuée en janvier dernier.
Revenons au Manitoba, où Rebekah Neufeld
a, semble-t-il, lancé sa propre campagne
informelle pour recruter de jeunes leaders
de demain. L’été dernier, elle a participé à
une exposition sur les paysages des prairies
manitobaines au Musée du Manitoba. La fille
de sa collègue, âgée de sept ans, est tombée
en admiration devant Rebekah lors de sa visite,
car elle a voulu voir et revoir l’entrevue
qui était diffusée.
« C’est la première fois que cela m’arrive »,
confie Rebekah, qui n’ose pas se qualifier de
« modèle ». « J’ai encore l’impression d’être en
période d’apprentissage et je sens que je ne
suis pas rendue là. Mais c’est un rôle que je
commence à endosser. »1
HIVER 2022 13
PROFIL
D’ESPÈCE
Pluvier
siffleur
Cet oiseau migrateur,
qui se distingue par
ses pattes orange, est
en voie de disparition
au Canada.
GLENN BARTLEY.
14 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
ILLUSTRATIONS : CORY PROULX.
APPARENCE
Petit et trapu, le pluvier siffleur a la
poitrine, l’abdomen et le croupion
blancs. Sa tête, ses ailes et son dos vont du
brun pâle au gris, et il arbore une bande
noire entre les yeux et une autre autour du
cou. On reconnaît facilement cette espèce
à ses pattes orange, dont la couleur
devient plus vive pendant la
période de reproduction.
AIRE
DE DISTRIBUTION
Le pluvier siffleur est un oiseau
migrateur. Au Canada, il se reproduit,
au printemps et en été, sur la côte atlantique,
dans le nord-ouest de l’Ontario et près des lacs et
dans les marais salés du sud du Manitoba, de la
Saskatchewan et de l’Alberta.
En automne, il migre vers le sud pour hiverner le long du
golfe du Mexique et dans d’autres régions du sud. Au fil
des ans, la superficie de son aire de nidification a diminué,
tout particulièrement dans la région des Grands Lacs.
Bon nombre des sites de nidification et d’hivernage
du pluvier siffleur sont menacés et l’espèce
est maintenant considérée comme étant
en voie de disparition
au Canada.
HABITAT
Au moment de nicher,
cet oiseau recherche des
milieux de plages et de rivages
situés au-dessus de la ligne de haute
marée et qui sont couverts de sable,
de gravier et de galets et dont la
végétation est clairsemée. L’hiver,
on le trouve sur les plages, les
vasières et les rivages
sablonneux.
MENACES
Parmi les menaces qui
pèsent sur ce petit oiseau de
rivage, on compte la perte
d’habitat causée par le développement
et les perturbations
provoquées par les activités
récréatives et les véhicules
motorisés.
Que fait CNC pour
protéger l’habitat
du pluvier siffleur?
En Saskatchewan, Conservation
de la nature Canada (CNC) protège
3 692 hectares dans l’aire naturelle
de Lower Qu’Appelle–Assiniboine–
Quill Lakes, ce qui comprend plus
de 2 300 hectares d’habitat pour le
pluvier siffleur.
Les lacs peu profonds et salés de
la propriété Shoe Lake West de
CNC, dans l’aire naturelle du coteau
Missouri, s’assèchent en été et lui
fournissent un environnement
parfaitement adapté.
CNC protège également l’habitat du
pluvier siffleur au Nouveau-Brunswick
et en Nouvelle-Écosse.
La vie du pluvier
siffleur
Une fois que le mâle a trouvé une
compagne sur son site de reproduction,
il creuse un nid peu profond
dans le sable ou le gravier, qu’il
présente ensuite à la femelle pour
qu’elle l’inspecte. Pour éviter que
les œufs ne se retrouvent sur le sable
humide, le mâle tapisse le nid
de coquillages ou de cailloux, qui
permettent aussi de drainer l’eau
de pluie et de camoufler les œufs.
En mai, la femelle pond de deux
à quatre œufs de couleur crème et
marqués de petites taches foncées.
En juin, les oisillons viennent au
monde entièrement couverts de
plumes. Après quelques heures
seulement, ils sont capables de courir
et de se nourrir par eux-mêmes. Au
bout de trois à quatre semaines, ils
peuvent déjà voler.
Dès le début d’août, ces oiseaux
de rivage migrent vers leurs aires
d’hivernage.1
Aidez à protéger
cette espèce
Pour aider à conserver l’habitat
naturel de cette espèce, visitez
conservationdelanature.ca/donnez.
conservationdelanature.ca
HIVER 2022 15
CNC
À L’ŒUVRE
1
Aire de conservation Snowshoe Creek
BELLA COOLA, COLOMBIE-BRITANNIQUE
1
MERCI!
Votre appui a permis la réalisation de
ces projets. Pour en savoir plus, visitez :
conservationdelanature.ca/nous-trouver.
Retour
dans la
nature
« Comme bien
des Canadiennes
et des Canadiens, j’ai
commencé à travailler de la
maison en mars 2020. Réalisant que j’avais besoin
de sortir et de bouger, je me suis aventurée
dans les rues de ma banlieue pour y faire des
promenades quotidiennes. À ma grande surprise,
j’ai découvert à cinq minutes de chez moi trois
bassins de rétention peuplés de canards, de
hérons, de carouges à épaulettes et de lapins. J’ai
même eu la chance d’y apercevoir des chevreuils.
J’ai toujours eu un grand respect pour le monde
naturel, mais je n’avais eu jusque-là que très peu
d’expériences concrètes et personnelles. »
2
3
Il y a quelques années, Harvey et Carol Thommasen, qui habitent
Bella Coola, ont acquis une propriété le long de la rivière du
même nom dans l’intention de la voir devenir un refuge pour les
oiseaux. Avec l’appui de la nation Nuxalk, engagée dans la protection
des écosystèmes vulnérables sur leur territoire, les Thommasen ont
fait don de leur propriété à Conservation de la nature Canada (CNC),
qui en prendra soin à perpétuité.
« Carol et moi avons fait don de cette terre à CNC surtout pour
aider les oiseaux forestiers, dont les populations ont décliné de 30 %
depuis les années 1970 », affirme M. Thommasen. Ce lieu servira aussi
aux saumons et aux truites, et fournira un corridor écologique qui
permettra à des animaux comme les cerfs, grizzlys et autres grands
mammifères de se déplacer. »
L’aire de conservation Snowshoe Creek se trouve près du village
traditionnel Nuxalk de Nutl’lhiixw et de l’aire protégée Burnt Bridge
Conservancy. Une plantation de thuyas géants anciens peuplée de
nombreux arbres culturellement modifiés, une pratique autochtone,
y témoigne des milliers d’années d’histoire Nuxalk dans la région.
« La Nation Nuxalk exerce ses droits ancestraux et titres en ces
lieux depuis des temps immémoriaux », affirme Iris Siwallace, membre
du conseil de la Nation Nuxalk. « Nous avons donné notre appui
à Conservation de la nature Canada pour la gestion de cet endroit,
car nous croyons qu’il peut en assurer la protection pour nos Putl’lt,
c’est-à-dire ceux qui ne sont pas encore nés. »
Ce projet a été appuyé par la générosité de plusieurs donatrices
et donateurs de CNC. Ce don a aussi été rendu possible grâce au
Programme des dons écologiques du gouvernement du Canada.
Aire de conservation Snowshoe Creek, C.-B.
AVEC LA PERMISSION DE SUSAN HARRISON; HARVEY THOMMASEN.
« Bien que j’appuie déjà fièrement CNC, voir ces
bassins m’a fait prendre conscience de l’importance
du travail de l’organisme, et je tenais à lui exprimer
ma reconnaissance. Au cours de ma première
année de travail à la maison, j’ai économisé
3 825,50 $ en essence et en péages routiers. J’ai
donc fait don de cette somme à CNC, et je mets au
défi d’en faire de même toutes les personnes qui
appuient l’organisme et qui ont elles aussi vécu un
retour à la nature pendant la pandémie. »
~ Susan Harrison,
donatrice mensuelle depuis 2019
conservationdelanature.ca
Parc sauvage Shaw, N.-É.
MIKE DEMBECK; MIKE DEMBECK; IRWIN BARRETT.
Forêt de chênes à gros fruits, The Keyhole, N.-B.
2
Une forêt de chênes à gros fruits à l’anse The Keyhole
LAC GRAND, NOUVEAU-BRUNSWICK
CNC œuvre à la création d’une nouvelle réserve naturelle à 55 kilomètres de Fredericton, la capitale
provinciale. Ce projet permettra de protéger un habitat de milieu humide essentiel contre la construction
de chalets, tout en contribuant à atténuer les effets des inondations saisonnières dans la région.
Connue sous le nom de The Keyhole, cette anse naturelle se trouve dans le Grand Lac (Grand Lake),
le plus vaste plan d’eau de la province. La réserve comprend 70 hectares de milieux humides et une forêt
inondable qui bordent la plus longue rivière de la province, la Wolastoq (ou Saint-Jean). Ce projet sera lié
à une initiative plus importante impliquant des partenaires ayant un intérêt commun pour la protection
des milieux humides et d’une zone tampon boisée qui se trouvent le long de la grande région de Wolastoq.
Le Centre national des semences forestières du Service canadien des forêts a contribué à l’évaluation
des chênes à gros fruits (une espèce rare dans la province) découverts sur la propriété. Grâce à
votre soutien, CNC recueille des graines pour les planter à The Keyhole en vue du rétablissement du
chêne à gros fruits partout dans la région.
3
Conservation d’un habitat vital
pour les espèces sauvages
CÔTE SUD, NOUVELLE-ÉCOSSE
Une occasion se présente d’agrandir les 630 hectares
conservés par CNC sur la pittoresque et sauvage Côte
Sud (South Shore) de la province. La péninsule de
Port-Joli est un point chaud de biodiversité. Les terres
qui y sont protégées par CNC ainsi que d’autres qui
sont adjacentes (comme le parc provincial Thomas
Raddall et le parc national Kejimkujik Bord de mer) y
assurent la prospérité de la faune et de la flore. La région
compte trois refuges d’oiseaux migrateurs établis
par le gouvernement fédéral, où les oies, les canards et
les pluviers fréquentent les mêmes marais salés et battures
pour se nourrir et hiverner. Grâce à votre aide,
157 hectares supplémentaires seront conservés, reliant
ainsi les aires protégées par CNC à celles de ses partenaires,
et ce, au profit de toute la région.
Port Joli, N.-É.
Pleins feux sur
nos partenaires
CNC compte sur l’appui et la
générosité d’un grand nombre
de personnes et d’organismes.
Depuis plusieurs décennies,
Environnement et Changement
climatique Canada (ECCC)
soutient le travail de CNC à
travers le pays.
Ce soutien se poursuit en grande
partie grâce au Programme de
conservation du patrimoine
naturel (PCPN), un partenariat
public-privé unique qui mobilise
la population canadienne afin de
conserver et prendre soin de la
nature. Chaque dollar investi par
le gouvernement du Canada est
bonifié dans un ratio d’au moins
2:1 par les généreuses contributions
d’autres donatrices et
donateurs. Ce partenariat a
permis de conserver près de
600 000 hectares de terres et
d’eaux douces, soit une superficie
plus grande que l'Île-du-
Prince-Édouard. Cela comprend
des projets de CNC comme le
parc sauvage Shaw à Halifax, en
Nouvelle-Écosse, et l'aire de
conservation Darkwoods, en
Colombie-Britannique.
ECCC soutient également le
travail de CNC par l’entremise
du Programme des dons
écologiques et du Fonds des
solutions climatiques axées sur
la nature récemment annoncé.
Avec le soutien de ces programmes
et du PCPN, CNC
œuvre pour assurer la prospérité
de collectivités partout au
Canada. Les terres conservées
fournissent d’importantes
solutions fondées sur la nature
qui offrent de l’air pur et de l’eau
potable, atténuent les effets des
changements climatiques et
favorisent notre santé et notre
bien-être.
conservationdelanature.ca
GRANDEUR
NATURE
Oiseaux de nuit
Par Megan Quinn, coordonnatrice de la biologie de la conservation à CNC pour l’est de l’Ontario
Je ne suis pas matinale. D’ailleurs, je
suis en train d’écrire cet article à minuit,
alors que je devrais plutôt être au lit.
Mais s’il y a une chose que j’ai apprise en travaillant
à Conservation de la nature Canada
(CNC), c’est bien que la nature n’attend pas
pendant que je dors.
Par une froide matinée de janvier, je
me suis retrouvée parmi les pins blancs matures
de la réserve naturelle Gillies Grove de
CNC à Arnprior, en Ontario. L’hiver était bien
installé et le sentier sur lequel je marchais
était couvert d’une fine couche de neige.
J’étais contente de m’être habillée chaudement
pour ma journée de travail sur le terrain.
Étant donné le peu d’heures de clarté,
j’ai dû m’engager sur le sentier dès le lever
du soleil. La forêt était paisible. J’étais
l’unique personne à m’y trouver ce matin-là,
mais malgré le silence, je n’étais certainement
pas seule.
Je ne sais pas ce qui m’a poussée à lever
les yeux, mais en portant mon regard vers la
canopée, j’ai vu passer une silhouette fantomatique.
On aurait facilement pu penser que
le soleil levant me jouait des tours, mais ce
fantôme était tout aussi vrai que moi. C’était
une chouette rayée.
Ce gros oiseau trapu est facilement
reconnaissable à son corps tacheté, à ses
yeux foncés et à son bec jaune, mais ce matin-là,
je n’ai vu qu’une silhouette claire. La
chouette rayée peut être observée dans des
forêts matures peuplées de conifères et de
feuillus, comme celle de Gillies Grove. Chasseuse
redoutable, elle exerce souvent ses
talents à l’aube et au crépuscule. Perchée
dans les arbres, elle s’élance ensuite à
travers la forêt pour fondre sur ses proies,
qui sont le plus souvent de petits mammifères
comme des souris, des écureuils et des
lapins. À moins d’en avoir été témoin, il est
difficile de décrire à quel point son vol est
silencieux. Comme la plupart des hiboux et
des chouettes, ses plumes sont d’une douceur
incroyable et ont une forme qui leur
permet de fendre l’air presque sans bruit. Si
je n’avais pas levé les yeux à ce moment précis,
je ne l’aurais pas vue.
La chouette rayée a attrapé son repas,
et j’ai poursuivi mon chemin sans tarder
pour la laisser manger tranquillement. En
poursuivant ma route, j’ai souri. Entre oiseaux
de nuit, ce fut un privilège de voir ce
majestueux animal terminer sa journée alors
que la mienne commençait.1
ASHLEY BARRON.
18 HIVER 2022 conservationdelanature.ca
METTEZ VOTRE
PASSION AU
CŒUR DE
VOTRE
HÉRITAGE
Votre passion pour les espaces naturels qui nous entourent est au
cœur de votre vie. Et maintenant, vous pouvez en faire votre héritage.
Un don testamentaire à Conservation de la nature Canada, quel que soit
le montant, vous permet de contribuer à la protection de nos habitats
les plus vulnérables et de la faune qu’ils abritent. Pour aujourd’hui,
pour demain, et pour les générations à venir.
Commandez votre livret d’information sur
les dons planifiés dès aujourd’hui.
Communiquez avec Marcella au 1 877 231-3552,
poste 2276 ou visitez natureenheritage.ca
VOTRE
IMPACT
Aire de conservation des prairies patrimoniales Old Man on His Back, Sask.
Aire de
conservation
des prairies
patrimoniales
Old Man on
His Back
Durant la dernière année, nous
avons célébré un quart de siècle
de travail à Old Man on His Back,
en Saskatchewan, une aire
de conservation située au sein
d’un des écosystèmes les plus
menacés au monde. Merci pour
votre soutien continu!
CETTE PHOTO : JASON BANTLE; CI-DESSOUS :TIAH COXON; MÉDAILLON : AVEC LA PERMISSION D'ANDREW HOWICK.
Île Molson, QC
Île
Molson
Dans les Cantons-de-l’Est, au
Québec, le Montréalais Andrew
Howick a passé plus d’une décennie
à acheter chacun des 26 hectares
de tourbières, de roches et de forêts
de l’île Molson. L’automne dernier,
il faisait don de cette île à CNC.
Merci d’en faire autant
pour la nature au Canada!