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Rapport - La résistance du système juridique français à un potentiel « choc autoritaire »

La France pourrait-elle connaître le même déclin démocratique que la Hongrie et la Pologne ? Au regard de la régression rapide de ces deux pays membres de l’Union Européenne de la démocratie vers l’autocratie, et de la montée inquiétante de l’extrême-droite en France, la question est légitime. Des universitaires ont tenté d’y répondre par l’analyse de notre système juridique face à un potentiel choc autoritaire. Rapport commandité par Gwendoline Delbos-Corfield et Philippe Lamberts pour le Groupe des Verts/ALE au Parlement européen. Rapport rédigé sous la direction de : Laurent Pech, Professeur de droit européen, Université Middlesex (Londres) Sébastien Platon, Professeur de droit public, Université de Bordeaux Autres contributeurs et contributrices : Hubert Delzangles, Professeur de droit public, Institut d’Études politiques de Bordeaux Joelle Grogan, Senior Lecturer en droit, Université Middlesex (Londres) Sébastien Martin, Maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux Sylvain Niquège, Professeur de droit public, Université de Bordeaux Marie Padilla, Docteure en droit public, Université de Bordeaux Thomas Perroud, Professeur de droit public, Université Paris II (Assas) Juillet 2022

La France pourrait-elle connaître le même déclin démocratique que la Hongrie et la Pologne ?

Au regard de la régression rapide de ces deux pays membres de l’Union Européenne de la démocratie vers l’autocratie, et de la montée inquiétante de l’extrême-droite en France, la question est légitime. Des universitaires ont tenté d’y répondre par l’analyse de notre système juridique face à un potentiel choc autoritaire.

Rapport commandité par Gwendoline Delbos-Corfield et Philippe Lamberts pour le Groupe des Verts/ALE au Parlement européen.

Rapport rédigé sous la direction de :
Laurent Pech, Professeur de droit européen, Université Middlesex (Londres)
Sébastien Platon, Professeur de droit public, Université de Bordeaux

Autres contributeurs et contributrices :
Hubert Delzangles, Professeur de droit public, Institut d’Études politiques de Bordeaux
Joelle Grogan, Senior Lecturer en droit, Université Middlesex (Londres)
Sébastien Martin, Maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux
Sylvain Niquège, Professeur de droit public, Université de Bordeaux
Marie Padilla, Docteure en droit public, Université de Bordeaux
Thomas Perroud, Professeur de droit public, Université Paris II (Assas)

Juillet 2022

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Dans l’ordre judiciaire, c’est en réalité surtout

le ministère public qui est problématique. Celui-ci

n’est en effet pas complètement indépendant du

gouvernement. La Cour européenne des droits de

l’homme a estimé dans un arrêt du 29 mars 20101,

suivi de deux autres dans le même sens en 20102

et en 20133, que le procureur de la République n’est

pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence

de la Cour donne à cette notion. Il lui manque

en particulier l’indépendance vis-à-vis du pouvoir

exécutif pour être ainsi qualifié.

La loi du 25 juillet 2013 a certes modifié l’article

30 du code de procédure pénale, de sorte que le

ministre de la justice ne peut désormais plus adresser

aucune instruction aux magistrats du parquet

dans les affaires individuelles. Il ne s’agit cependant

là que d’une disposition législative, sans valeur

constitutionnelle, pouvant donc être modifiée

par une autre loi. Par ailleurs, la loi précitée, tout en

supprimant les instructions ministérielles dans les

affaires individuelles, a donné une base légale à

la communication au ministre d’informations sur le

contenu de ces affaires.

Surtout, le ministère public reste sous l’autorité

du garde des Sceaux pour le déroulement de la

carrière de ses membres et pour son régime disciplinaire.

Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance statutaire,

les magistrats du parquet sont placés sous la

direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques

et sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de

la justice. Hormis les instructions générales de politique

pénale que peut donner le garde des Sceaux,

cette autorité se concrétise dans le déroulement de

la carrière et le régime disciplinaire des magistrats

du ministère public.

En vertu des articles 65 de la Constitution et

28 de l’ordonnance statutaire, les magistrats du

ministère public sont nommés par décret du Président

de la République sur proposition du garde

des Sceaux, ministre de la justice après avis simple

de la formation compétente du Conseil supérieur

de la magistrature. Cette formation est présidée

par le procureur général près la Cour de cassation

et composée de 5 magistrats du parquet élus par

leurs pairs, 1 magistrat du siège élu par ses pairs,

1 conseiller d’État, 1 avocat et 6 personnalités extérieures

désignées par le Président de la République,

le Président de l’Assemblée nationale et le Président

du Sénat, chacun pour deux d’entre elles. Aussi,

la carrière des magistrats du ministère public dépend

du pouvoir exécutif qui dispose du pouvoir de

proposition des nominations et qui n’est pas lié par

l’avis du CSM, même si depuis 2012, les ministres

de la justice successifs se sont engagés à suivre

ces avis.

Par ailleurs, le ministère public ne bénéficie

pas de la garantie de l’inamovibilité réservée par

la Constitution aux magistrats du siège. C’est ainsi

qu’aucune disposition, ni aucun principe général du

droit n’interdit au Président de la République de muter

d’office ces magistrats dans l’intérêt du service.

La décision en matière de discipline des magistrats

du ministère public appartient au garde des

Sceaux après avis simple du CSM, là encore à la différence

des magistrats du siège qui ne peuvent être

sanctionnés disciplinairement que par une décision

de ce CSM. Le Conseil constitutionnel a considéré

que ce régime assure une conciliation équilibrée

entre le principe de l’indépendance de l’autorité

judiciaire, dont fait partie le ministère public, et les

prérogatives que le gouvernement tient de l’article

20 de la Constitution (« Le gouvernement détermine

et conduit la politique la Nation »). Le Conseil juge

également que ces dispositions ne méconnaissent

pas non plus la séparation des pouvoirs 4 .

1. Cour EDH, grande chambre, 29 mars 2010, Medvedyev et

autres c. France.

2. Cour EDH, 23 novembre 2010, Moulin c. France.

3. Cour EDH, 27 juin 2013, Vassis et autres c. France.

4. CC 2017-680 QPC, 8 décembre 2017, Union syndicale des

magistrats [Indépendance des magistrats du parquet].

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