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360° magazine / novembre 2022

Numéro 218 | Vieillir LGBTIQ+

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Olivier<br />

Chabloz<br />

Par Robin Corminboeuf<br />

Photographie : Christiane Nill<br />

« JE CRÉE<br />

TOUT<br />

LE TEMPS »<br />

OLIVIER CHABLOZ A CONNU L’UN DE CES DESTINS QUE SEULE LA SECONDE<br />

MOITIÉ DU XXE SIÈCLE A PERMIS. RENCONTRE AVEC CE MONTREUSIEN QUI<br />

A CÔTOYÉ LES PLUS GRANDS NOMS DE LA MODE TOUT AU LONG DE SA VIE.<br />

Né en 1946 sur les bords du lac Léman, à Montreux,<br />

Olivier Chabloz grandit dans un hôtel de la Riviera<br />

vaudoise démoli en 1980 : l’Hôtel de Londres. Ses<br />

parents en sont les gérant·e·s et toute la famille<br />

Chabloz y vit à l’année : « Depuis tout petit, j’ai été<br />

choyé par les client·e·x·s régulier·ère·x·s de l’hôtel,<br />

où j’ai vécu, entouré par un ex-ministre de Roumanie,<br />

une baronne, une ancienne préceptrice de la cour<br />

d’Autriche ou encore François Nourissier ou Jacques<br />

Chessex. Ce dernier louait une chambre à l’année<br />

dans laquelle il venait travailler l’après-midi. Il y a notamment<br />

écrit L’Ogre. Ce sont autant de personnages<br />

incroyables de l’après-guerre qui sont devenu·e·x·s<br />

mes ami·e·x·s. »<br />

Les grands-parents maternels du petit Olivier<br />

vivent à Coire. Il a hérité de ses escapades grisonnes<br />

un amour certain pour la nature. « D’un côté, j’aime les<br />

vaches et la campagne, de l’autre, j’aime Monte Carlo<br />

et Gstaad », dit-il en riant. « Je suis toujours entre deux.<br />

L’un ayant besoin de l’autre. » Son grand-père maternel,<br />

passionné de dessin et de peinture, enseigne à son<br />

petit-fils les rudiments du dessin. Le jeune montreusien<br />

reproduit dès son plus jeune âge les portraits de<br />

stars qui figurent sur les couvertures de <strong>magazine</strong>s<br />

qui l’entourent. Ainsi, se développe sa passion pour la<br />

mode. Il raconte, amusé : « Un jour, alors que j’étais haut<br />

comme trois pommes, mon père a attiré mon attention<br />

sur une locomotive qui arrivait en gare. Peu intéressé,<br />

je regardais ailleurs avant de courir vers une passante<br />

pour lui dire “ Madame, vos bas sont trop foncés ”. »<br />

16 SOCIÉTÉ<br />

DE FLORENCE À PARIS<br />

Arrivé à l’école, le jeune garçon s’ennuie<br />

parmi ses pairs aux quotidiens bien monotones<br />

face aux histoires extraordinaires contées par<br />

les client·e·x·s de l’hôtel familial. Il se distancie<br />

de ses camarades et se construit une bulle peuplée<br />

de dessins, de jazz, de théâtre et de thés<br />

dansants au casino de Montreux, à l’époque où les<br />

jeunes de son âge se passionnent pour les yéyés.<br />

L’école obligatoire terminée, Olivier Chabloz<br />

se présente à la Kunstgewerbeschule de<br />

Zurich, l’école des Arts et Métiers. Ses dessins<br />

y sont jugés «trop bons» et le jeune vaudois est<br />

contraint de poursuivre un apprentissage de trois<br />

ans auprès d’un couturier lausannois : « C’était<br />

chiant, le type était horrible ! » s’exclame-t-il. Diplômé<br />

avec une mention « très bien », Olivier part<br />

pour Florence en 1963. Dans la ville toscane, il fait<br />

un passage chez Emilio Pucci avant de travailler<br />

auprès de Cesare Guidi, « le Balenciaga italien<br />

», précise-t-il. « J’étouffais à Florence ! Tout<br />

y est suffoquant quand on a un esprit créatif. »<br />

Après cette aventure italienne, à 18 ans, il<br />

tente sa chance à Paris avec le rêve de travailler pour<br />

Pierre Cardin. Il se présente auprès de la maison de<br />

couture une première fois, sans succès, et débute<br />

donc chez Ted Lapidus, à la rue Marbeuf, non loin<br />

de l’Avenue Montaigne. « Ted Lapidus me trouvait<br />

décoratif, avec ma coupe de cheveux à la Stone »,<br />

se souvient-il, amusé. « Je m’occupais des dessins,<br />

installé avec une planche sur les genoux dans le salon<br />

principal du couturier. Un jour, à côté de moi, Françoise<br />

Hardy en imperméable Burberry. Une autre<br />

fois, au printemps 1965, la Duchesse de Bedford nous<br />

a raconté le grand bal My Fair Lady qui avait eu lieu<br />

à la Grande Cascade au bois de Boulogne. » Après<br />

six mois, le jeune Suisse retourne se présenter chez<br />

Cardin. Il est engagé pour travailler à l’atelier, grâce<br />

aux connaissances en couture acquises à Lausanne<br />

durant son apprentissage. « Par un coup de chance,<br />

Cardin passe à l’atelier le deuxième jour où je suis

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