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Olivier<br />
Chabloz<br />
Par Robin Corminboeuf<br />
Photographie : Christiane Nill<br />
« JE CRÉE<br />
TOUT<br />
LE TEMPS »<br />
OLIVIER CHABLOZ A CONNU L’UN DE CES DESTINS QUE SEULE LA SECONDE<br />
MOITIÉ DU XXE SIÈCLE A PERMIS. RENCONTRE AVEC CE MONTREUSIEN QUI<br />
A CÔTOYÉ LES PLUS GRANDS NOMS DE LA MODE TOUT AU LONG DE SA VIE.<br />
Né en 1946 sur les bords du lac Léman, à Montreux,<br />
Olivier Chabloz grandit dans un hôtel de la Riviera<br />
vaudoise démoli en 1980 : l’Hôtel de Londres. Ses<br />
parents en sont les gérant·e·s et toute la famille<br />
Chabloz y vit à l’année : « Depuis tout petit, j’ai été<br />
choyé par les client·e·x·s régulier·ère·x·s de l’hôtel,<br />
où j’ai vécu, entouré par un ex-ministre de Roumanie,<br />
une baronne, une ancienne préceptrice de la cour<br />
d’Autriche ou encore François Nourissier ou Jacques<br />
Chessex. Ce dernier louait une chambre à l’année<br />
dans laquelle il venait travailler l’après-midi. Il y a notamment<br />
écrit L’Ogre. Ce sont autant de personnages<br />
incroyables de l’après-guerre qui sont devenu·e·x·s<br />
mes ami·e·x·s. »<br />
Les grands-parents maternels du petit Olivier<br />
vivent à Coire. Il a hérité de ses escapades grisonnes<br />
un amour certain pour la nature. « D’un côté, j’aime les<br />
vaches et la campagne, de l’autre, j’aime Monte Carlo<br />
et Gstaad », dit-il en riant. « Je suis toujours entre deux.<br />
L’un ayant besoin de l’autre. » Son grand-père maternel,<br />
passionné de dessin et de peinture, enseigne à son<br />
petit-fils les rudiments du dessin. Le jeune montreusien<br />
reproduit dès son plus jeune âge les portraits de<br />
stars qui figurent sur les couvertures de <strong>magazine</strong>s<br />
qui l’entourent. Ainsi, se développe sa passion pour la<br />
mode. Il raconte, amusé : « Un jour, alors que j’étais haut<br />
comme trois pommes, mon père a attiré mon attention<br />
sur une locomotive qui arrivait en gare. Peu intéressé,<br />
je regardais ailleurs avant de courir vers une passante<br />
pour lui dire “ Madame, vos bas sont trop foncés ”. »<br />
16 SOCIÉTÉ<br />
DE FLORENCE À PARIS<br />
Arrivé à l’école, le jeune garçon s’ennuie<br />
parmi ses pairs aux quotidiens bien monotones<br />
face aux histoires extraordinaires contées par<br />
les client·e·x·s de l’hôtel familial. Il se distancie<br />
de ses camarades et se construit une bulle peuplée<br />
de dessins, de jazz, de théâtre et de thés<br />
dansants au casino de Montreux, à l’époque où les<br />
jeunes de son âge se passionnent pour les yéyés.<br />
L’école obligatoire terminée, Olivier Chabloz<br />
se présente à la Kunstgewerbeschule de<br />
Zurich, l’école des Arts et Métiers. Ses dessins<br />
y sont jugés «trop bons» et le jeune vaudois est<br />
contraint de poursuivre un apprentissage de trois<br />
ans auprès d’un couturier lausannois : « C’était<br />
chiant, le type était horrible ! » s’exclame-t-il. Diplômé<br />
avec une mention « très bien », Olivier part<br />
pour Florence en 1963. Dans la ville toscane, il fait<br />
un passage chez Emilio Pucci avant de travailler<br />
auprès de Cesare Guidi, « le Balenciaga italien<br />
», précise-t-il. « J’étouffais à Florence ! Tout<br />
y est suffoquant quand on a un esprit créatif. »<br />
Après cette aventure italienne, à 18 ans, il<br />
tente sa chance à Paris avec le rêve de travailler pour<br />
Pierre Cardin. Il se présente auprès de la maison de<br />
couture une première fois, sans succès, et débute<br />
donc chez Ted Lapidus, à la rue Marbeuf, non loin<br />
de l’Avenue Montaigne. « Ted Lapidus me trouvait<br />
décoratif, avec ma coupe de cheveux à la Stone »,<br />
se souvient-il, amusé. « Je m’occupais des dessins,<br />
installé avec une planche sur les genoux dans le salon<br />
principal du couturier. Un jour, à côté de moi, Françoise<br />
Hardy en imperméable Burberry. Une autre<br />
fois, au printemps 1965, la Duchesse de Bedford nous<br />
a raconté le grand bal My Fair Lady qui avait eu lieu<br />
à la Grande Cascade au bois de Boulogne. » Après<br />
six mois, le jeune Suisse retourne se présenter chez<br />
Cardin. Il est engagé pour travailler à l’atelier, grâce<br />
aux connaissances en couture acquises à Lausanne<br />
durant son apprentissage. « Par un coup de chance,<br />
Cardin passe à l’atelier le deuxième jour où je suis