30.10.2022 Views

360° magazine / novembre 2022

Numéro 218 | Vieillir LGBTIQ+

Numéro 218 | Vieillir LGBTIQ+

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

vieillir<br />

OÙ SONT LES<br />

PERSONNES ÂGÉES<br />

TRANS*?<br />

La communauté trans* figure parmi les groupes<br />

sociaux les plus victimes de marginalisation et<br />

de mortalité précoce. Conséquence : l’absence sidérante<br />

des vieilles personnes trans*. Comment<br />

se construire sans modèles montrant la voie ?<br />

Par Tal Madesta<br />

Lorsqu’on vous dit « personne trans* âgée », il est fort<br />

probable qu’aucun visage ne vous vienne spontanément<br />

en tête. Dans la perspective de l’écriture de cet<br />

article, je me suis également posé la question, et j’ai<br />

été bien en peine de répondre. Être moi-même trans*<br />

ne m’a aucunement aidé dans cette entreprise, malgré<br />

quelques noms épars traversant mes pensées.<br />

Dans le documentaire Disclosure : Trans<br />

Lives on Screen, diffusé sur Netflix, la<br />

question des personnes trans* dans la<br />

culture cinématographique est abordée<br />

en profondeur, afin d’analyser les ressorts<br />

transphobes des films et séries, entre fétichisation<br />

sexuelle, moqueries et dégoût.<br />

Mais sur les personnes âgées, pas un mot,<br />

malgré leur sidérante absence de toutes<br />

les images dont nous disposons. Je crois<br />

que ce manque terrible de représentations<br />

a des conséquences bien réelles sur les<br />

personnes concernées. Il semble difficile<br />

de se projeter dans une transition lorsqu’on<br />

n’a pas de modèles nous montrant la voie,<br />

et nous assurant surtout que nous vivrons<br />

longtemps. Que raconte cette invisibilité<br />

? Est-ce à dire que les personnes âgées<br />

trans*… n’existeraient pas ?<br />

On ne peut pas se pencher sur cette question<br />

en passant sous silence la mortalité précoce qui<br />

frappe nos communautés. Pour comprendre ce qui<br />

se joue dans la vieillesse trans*, il faut déjà mettre à<br />

jour les conditions de vie auxquelles sont exposées<br />

les personnes trans* plus jeunes. Il s’agit d’un des<br />

groupes sociaux les plus marginalisés du monde,<br />

et il existe peu d’exemples d’individus si souvent<br />

décimés par la précarité économique, la difficulté<br />

d’accès aux soins, les minces possibilités de logement,<br />

parmi une myriade d’autres sécurités dont<br />

nous peinons à bénéficier.<br />

En raison de cette ostracisation forte, les<br />

personnes trans* meurent en série, assassinées<br />

ou suicidées, et cette réalité<br />

désespérante doit être regardée en face.<br />

Chaque année, de tristes chiffres nous par-<br />

viennent. En 2021, 375 personnes trans* ont<br />

été tuées dans le monde, un calcul considéré<br />

par les associations comme largement<br />

sous-estimé. Leur âge moyen : 30 ans à<br />

peine. La plus jeune d’entre elles avait…13<br />

ans. Leurs conditions socio-économiques<br />

d’existence jouent beaucoup dans cette sidérante<br />

proximité avec la mort : 43 % des<br />

personnes trans* assassinées en Europe en<br />

2021 étaient migrantes, 58 % exerçaient le<br />

travail du sexe. Sur une période plus large,<br />

on recense 4048 personnes trans* assassinées<br />

dans le monde entre 2008 et 2021,<br />

dont 96 % de femmes trans. Un chiffre terriblement<br />

élevé au regard de notre proportion<br />

dans la population totale. En comparant<br />

la proportion de féminicides commis en<br />

France en 2021 au regard du nombre global<br />

de femmes cis et trans dans le pays,<br />

l’association Acceptess-T a ainsi calculé<br />

que les femmes trans ont trois fois plus de<br />

risque d’être victimes de féminicides que<br />

les femmes cis. Vingt-cinq fois plus si elles<br />

sont par ailleurs travailleuses du sexe.<br />

Et si nous ne trépassons pas par la main des autres,<br />

c’est bien souvent de notre propre initiative que<br />

notre vie s’arrête brutalement. En raison d’existences<br />

difficiles, quand elles ne sont pas insoutenables,<br />

la santé psychique des personnes concernées<br />

se trouve profondément fragilisée, d’autant<br />

plus lorsque celles-ci sont jeunes. Les élèves<br />

trans* sont ainsi quatre fois plus exposé·e·s·x aux<br />

problèmes de santé mentale que les autres. Entre<br />

70 % et 90 % des jeunes trans* ont déjà eu des pensées<br />

suicidaires, selon différentes études dont<br />

les résultats restent dans tous les cas alarmants.<br />

Enfin, elles ont jusqu’à dix fois plus de risque de<br />

passer à l’acte que leurs homologues cisgenres.<br />

Une chose à retenir : la transphobie à toutes<br />

les échelles fait mourir précocément…et<br />

Société<br />

21

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!