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PRINCESSE GENDERFUCK<br />
LE JOURNAL D’UNE PRINCESSE<br />
Au prisme de sa culture québécoise, de ses activités<br />
militantes et artistiques, Princesse GenderFuck<br />
vous partage ses histoires entre son pays d’accueil,<br />
la Suisse, et son pays d’origine, le Canada.<br />
Voilà désormais un mois que je suis au Canada.<br />
Le temps semble passer aussi vite qu’une performance<br />
sur une chanson de Cher. Ce constat<br />
s’est d’autant plus affirmé lorsque je suis retourné·e<br />
au cabaret club Le Drague, la semaine passée.<br />
Situé dans les débuts de la toute petite rue<br />
Saint-Augustine et coincé derrière l’ancienne<br />
église anglicane St. Matthew, L’Bar, comme on<br />
l’appelait, était mon lieu de rassemblement arcen-ciel.<br />
Alors que je n’avais que 18 ans et que « ça<br />
me rendait presque insolent de certitude », je m’y<br />
retrouvais du mercredi au samedi pour y chercher<br />
rires, réconfort et un peu de tendresse.<br />
En y retournant à 33 ans, un soir d’automne,<br />
j’ai revu Virgine Françoise, une drag<br />
queen spécialiste en shooter à l’« humour enrobé<br />
de calembours et mouillé d’acide ». La scène<br />
avait changé, la darkroom avait disparu, mais<br />
Virgine était toujours derrière son bar. Cette drag<br />
queen est sans aucun doute l’une de mes figures<br />
émancipatrices les plus fortes. Par sa trajectoire,<br />
Virgine a contribué à nous offrir aujourd’hui<br />
une piste de danse et une scène fertile pour les<br />
nouvelle·eaux artistes, en plein cœur du vieux<br />
Québec. L’Bar avait changé, tout change, mais<br />
la reconnaissance des artistes pionnier·ère·x·s<br />
demeure, tout comme les sourires libérés que<br />
j’ai retrouvés samedi passé.<br />
L'HUMEUR DE DR. HAZBI<br />
UNE D’CES COUCHES !<br />
Dr. Hazbi est enseignant·x universitaire·x,<br />
artiste·x et politicien·x. Son téléphone est bourré<br />
de réflexions qu'iel s'empresse de retranscrire,<br />
couche par couche.<br />
Couche #57 :<br />
Il m’aura fallu un moment pour arriver à<br />
conscientiser un biais que je ne veux plus avoir :<br />
celui de mettre le queer au centre de ma vie. Si<br />
j’avais perdu un peu moins de temps à déconstruire<br />
et reconstruire en boucle le genre et la sexualité<br />
pendant autant d’années, j’aurais pu m’atteler à<br />
réfléchir à des problématiques beaucoup plus pressantes,<br />
comme le néocolonialisme pour n’en citer<br />
qu’une. C’était très nombriliste de ma part de rester<br />
dans des vases clos queer sans problématiser plus<br />
en profondeur ma manière de participer à l’extractivisme<br />
et à l’expropriation des populations là où<br />
il y a des ressources naturelles. Entre le confort<br />
d’habiter en Occident et celui d’être rejeté par<br />
l’Orient, j’avais l’impression qu’il ne me restait plus<br />
que le queer comme perspective. Mais la reconnexion<br />
avec l’Orient depuis que les relations avec<br />
ma famille sont renouées m’a permis de regagner<br />
un point de vue moins helvético et queerocentré.<br />
J’avais vraiment besoin de ce retour à la réalité. Une<br />
réalité plus complexe et attristante mais ô combien<br />
plus cohérente et morale.<br />
#58 :<br />
À ce titre, une autre chose qui m’a engouffré<br />
dans cet abysse, c’était ma tendance à faire<br />
rimer amour avec relation romantique. Depuis que<br />
j’ai décidé de rester célibattante, j’ai une charge<br />
émotionnelle et cognitive tellement, mais tellement<br />
moins grande ! Plus de temps, plus d’énergie<br />
et plus de liberté.<br />
30 SOCIÉTÉ<br />
L’HUMEUR DE<br />
SOUS-RUBRIQUE CRAPULE CLUB — RUBRIQUE GRAND-PLACES 14 — 1700 FRIBOURG<br />
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