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© Anas Sareen<br />
La construction de la première maison de retraite publique<br />
LGBTIQ+ espagnole est en cours d’achèvement. Financé par la<br />
région de Madrid, ce projet unique vise à lutter contre l’exclusion<br />
des senior·e·x·s queer, chez qui vieillir est parfois synonyme<br />
de marginalisation.<br />
Par Julien Hennequin<br />
EN<br />
ESPAGNE,<br />
POUR<br />
VIEILLIR<br />
SANS<br />
DISCRIMINATION,<br />
VIVONS<br />
ENSEMBLE<br />
C’est la dernière ligne droite. Dans le quartier<br />
populaire de Villaverde, au sud de Madrid, les travaux<br />
sont en passe d’être terminés. Impensable<br />
il y a encore quelques années, les portes de la<br />
résidence Josete Massa devraient ouvrir en début<br />
d’année prochaine. Frederico Armenteros<br />
et les membres de sa Fondation 26-décembre,<br />
qui vient en aide aux personnes LGBTIQ+, sont<br />
impatient·e·x·s. Soixante-deux nouveaux·elle·s<br />
résident·e·x·s seront bientôt admi·se·x·s dans<br />
cette maison de retraite arc-en-ciel et 28 autres<br />
seront accueilli·e·x·s dans le centre de jour. Une<br />
quarantaine de personnes seront employé·e·x·s<br />
dans cette structure de quatre étages. Au total,<br />
il aura fallu une douzaine d’années pour négocier<br />
avec les différentes institutions publiques et<br />
les convaincre qu’ouvrir une maison de retraite<br />
LGBTIQ+ était « une nécessité ».<br />
NE PAS RETOURNER AU PLACARD<br />
En Espagne, où l’on estime à 1,2 million<br />
le nombre de personnes de plus de 65<br />
ans LGBTIQ+, cette population est parfois<br />
très isolée et invisible aux yeux de<br />
la société. « J’ai remarqué que beaucoup<br />
vivaient dans une situation très précaire<br />
et pensaient au suicide », observe<br />
Frederico Armenteros, 63 ans, qui rappelle<br />
que sa génération a dû se battre<br />
pour obtenir ses droits. « Beaucoup ont<br />
vécu caché·e·x·s et ont mené une double<br />
vie. On nous disait que nous étions vicieux·ses<br />
et pervers·e·x·s. Aux yeux de<br />
la société, nous étions dangereux·se·s<br />
et malade·x·s. Notre génération n’a été<br />
éduquée qu’à l’hétéronormativité », se<br />
souvient celui qui a été dénoncé par sa<br />
propre mère, sous le régime de Franco.<br />
C’est à la suite de nombreux témoignages alarmants<br />
de personnes LGBTIQ+ préférant « mettre<br />
fin à leurs jours » plutôt que « d’aller dans une maison<br />
de retraite standardisée » que Frederico a eu<br />
l’idée d’ouvrir cette résidence. En effet, beaucoup<br />
craignent de perdre en libertés et de retourner<br />
au placard.<br />
UNE POPULATION PLUS VULNÉRABLE<br />
Selon une étude de la Fédération d’État des<br />
lesbiennes, gays, trans* et bisexuel·le·x·s<br />
(FELGTB) espagnole, la solitude est l’une<br />
des principales préoccupations pour plus<br />
de la moitié des personnes LGBTIQ+<br />
nées avant 1965. « La grande majorité<br />
des futur·e·x·s résident·e·x·s souffrent<br />
de solitude, de problèmes cognitifs ou<br />
de maladies mentales. Nous voulons leur<br />
rendre leur dignité » analyse Frederico.<br />
Cet isolement social est souvent renforcé par l’absence<br />
ou la rupture des liens familiaux, un réseau<br />
de soins informels moins bien développé ainsi<br />
qu’une plus grande précarité. « On nous considérait<br />
comme des drogué·e·x·s. On ne<br />
donnait pas de travail aux personnes<br />
transgenres », vitupère Gigi Sevilla,<br />
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