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360° magazine / novembre 2022

Numéro 218 | Vieillir LGBTIQ+

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© Anas Sareen<br />

La construction de la première maison de retraite publique<br />

LGBTIQ+ espagnole est en cours d’achèvement. Financé par la<br />

région de Madrid, ce projet unique vise à lutter contre l’exclusion<br />

des senior·e·x·s queer, chez qui vieillir est parfois synonyme<br />

de marginalisation.<br />

Par Julien Hennequin<br />

EN<br />

ESPAGNE,<br />

POUR<br />

VIEILLIR<br />

SANS<br />

DISCRIMINATION,<br />

VIVONS<br />

ENSEMBLE<br />

C’est la dernière ligne droite. Dans le quartier<br />

populaire de Villaverde, au sud de Madrid, les travaux<br />

sont en passe d’être terminés. Impensable<br />

il y a encore quelques années, les portes de la<br />

résidence Josete Massa devraient ouvrir en début<br />

d’année prochaine. Frederico Armenteros<br />

et les membres de sa Fondation 26-décembre,<br />

qui vient en aide aux personnes LGBTIQ+, sont<br />

impatient·e·x·s. Soixante-deux nouveaux·elle·s<br />

résident·e·x·s seront bientôt admi·se·x·s dans<br />

cette maison de retraite arc-en-ciel et 28 autres<br />

seront accueilli·e·x·s dans le centre de jour. Une<br />

quarantaine de personnes seront employé·e·x·s<br />

dans cette structure de quatre étages. Au total,<br />

il aura fallu une douzaine d’années pour négocier<br />

avec les différentes institutions publiques et<br />

les convaincre qu’ouvrir une maison de retraite<br />

LGBTIQ+ était « une nécessité ».<br />

NE PAS RETOURNER AU PLACARD<br />

En Espagne, où l’on estime à 1,2 million<br />

le nombre de personnes de plus de 65<br />

ans LGBTIQ+, cette population est parfois<br />

très isolée et invisible aux yeux de<br />

la société. « J’ai remarqué que beaucoup<br />

vivaient dans une situation très précaire<br />

et pensaient au suicide », observe<br />

Frederico Armenteros, 63 ans, qui rappelle<br />

que sa génération a dû se battre<br />

pour obtenir ses droits. « Beaucoup ont<br />

vécu caché·e·x·s et ont mené une double<br />

vie. On nous disait que nous étions vicieux·ses<br />

et pervers·e·x·s. Aux yeux de<br />

la société, nous étions dangereux·se·s<br />

et malade·x·s. Notre génération n’a été<br />

éduquée qu’à l’hétéronormativité », se<br />

souvient celui qui a été dénoncé par sa<br />

propre mère, sous le régime de Franco.<br />

C’est à la suite de nombreux témoignages alarmants<br />

de personnes LGBTIQ+ préférant « mettre<br />

fin à leurs jours » plutôt que « d’aller dans une maison<br />

de retraite standardisée » que Frederico a eu<br />

l’idée d’ouvrir cette résidence. En effet, beaucoup<br />

craignent de perdre en libertés et de retourner<br />

au placard.<br />

UNE POPULATION PLUS VULNÉRABLE<br />

Selon une étude de la Fédération d’État des<br />

lesbiennes, gays, trans* et bisexuel·le·x·s<br />

(FELGTB) espagnole, la solitude est l’une<br />

des principales préoccupations pour plus<br />

de la moitié des personnes LGBTIQ+<br />

nées avant 1965. « La grande majorité<br />

des futur·e·x·s résident·e·x·s souffrent<br />

de solitude, de problèmes cognitifs ou<br />

de maladies mentales. Nous voulons leur<br />

rendre leur dignité » analyse Frederico.<br />

Cet isolement social est souvent renforcé par l’absence<br />

ou la rupture des liens familiaux, un réseau<br />

de soins informels moins bien développé ainsi<br />

qu’une plus grande précarité. « On nous considérait<br />

comme des drogué·e·x·s. On ne<br />

donnait pas de travail aux personnes<br />

transgenres », vitupère Gigi Sevilla,<br />

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