syndicom magazine No.32
Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!
Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!
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syndicom
N o 32 novembre-décembre 2022
magazine
Les prolétaires
des algorithmes
Annonce
Retraite: et plus tard, aurai-je aussi
suffisamment d’argent?
Combien coûte la retraite anticipée? Qu’impliquent les lacunes de prévoyance?
Quand dois-je commencer à préparer ma retraite? Le responsable Conseil financier
Rolf Blumer répond à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sujet.
Que recouvre une planification de la retraite?
La prévoyance, les impôts, la fortune, la succession ou l’immobilier
ne sont que quelques-uns des thèmes concernés. La planification
de la retraite, qui englobe ces sujets et d’autres encore,
met en lumière leurs implications financières et leurs interactions
au fil du temps. Elle vous permet également de confronter
et de comparer différentes variantes et des scénarios possibles
sur les plans émotionnel et financier. En matière de retraite, il
vous faudra faire de nombreux choix ayant un impact considérable
sur votre situation financière future. Prenons, par exemple,
le moment de prendre sa retraite: il faut savoir notamment que le
fait d’arrêter de travailler un an plus tôt par rapport à la retraite
ordinaire peut vite coûter un an de salaire.
Pourquoi ce coût?
C’est très onéreux parce que plusieurs volets sont concernés.
D’une part, les préretraités renoncent à leurs revenus, ce qui réduit
leur fortune. D’autre part, ils ne cotisent plus non plus à la
prévoyance professionnelle, qui diminue donc elle aussi. À cela
s’ajoutent des coûts qui n’étaient pas pris en compte jusqu’à présent.
Un exemple typique est celui des éventuelles cotisations
de personnes n’exerçant pas d’activité lucrative au titre de l’AVS,
que l’on doit encore payer en sus. La décision de prendre une
retraite anticipée influe donc sur la fortune, la prévoyance et,
partant, sur les possibilités de placement.
À quoi faut-il prêter attention avant la retraite?
Presque toutes les personnes ayant une activité professionnelle ont des lacunes en matière de prévoyance. Beaucoup
l’ignorent ou sous-estiment le problème. En tant que 2 e pilier, la prévoyance professionnelle, en plus de l’AVS comme 1 er
pilier, a pour but de permettre de maintenir dans une large mesure le niveau de vie antérieur. Son objectif est d’atteindre,
avec le 1 er pilier, un revenu sous forme de rente d’environ 60% du dernier salaire. Les lacunes en matière de retraite ont
donc un impact considérable. Si vous vous en préoccupez suffisamment tôt, vous pouvez les combler, par exemple, avec
un rachat dans la caisse de pension. Dans le cadre de la planification de la retraite, nous étudions quelles sont les options
envisageables et si votre caisse de pension les autorise, et discutons de celles-ci ainsi que d’autres possibilités d’optimisation
avec nos clients.
Quand doit-on commencer à planifier sa retraite?
À environ 50 ans, un premier conseil est utile. Ensemble, nous dressons un premier état des lieux et discutons des points
essentiels pour les années à venir et après la retraite. Nombreux sont ceux qui n’ont pas conscience des répercussions
financières d’un départ à la retraite.
Définissez les conditions de votre retraite: grâce à la planification financière, vous obtenez
une vision globale harmonieuse et des réponses à vos questions.
Comme membre de syndicom, vous profitez de conditions spéciales attrayantes
à la Banque Cler. cler.ch/syndicom
Sommaire
4 Brèves
5 L’invité
6 Dossier : les algorithmes
dans le monde du travail
14 Au cœur de nos métiers
18 Initiative BNS
20 Du côté des employeurs
21 Droit au but
22 Suggestions
23 1000 mots
26 Tranches de vie
27 Mots croisés
Chères lectrices, chers lecteurs,
La numérisation rampante, qui gagne et modifie
de nombreux domaines de notre vie, nous
confronte aussi à de nouveaux défis en matière
de codécision du syndicat et des représentations
du personnel sur le lieu de travail. Si nous
relevons ces défis et participons à leur élaboration,
nous pouvons en tirer des avantages –
et minimiser les risques.
Jusqu’à présent, les responsables hiérarchiques
et les employé-e-s des RH prenaient les
décisions concernant le personnel. En conséquence,
nous pouvions si nécessaire exiger
que l’employeur nous explique sur quelle base
elles reposaient et comment elles aboutissaient.
Cette situation change si ce ne sont plus
des humains qui décident sur la base de
procès-verbaux, de notes et d’entretiens.
Mais, à leur place, des algorithmes.
Même si l’employeur nous dévoilait avec empressement
l’algorithme utilisé pour la décision,
comment savoir si ce dernier est équitable,
s’il ne discrimine pas et avec quelles données
il a été entraîné ?
Lorsque des systèmes algorithmiques sont
utilisés, il convient donc de donner au personnel
et à ses représentant-e-s les moyens de
défendre leurs droits et de leur montrer des
possibilités d’action. C’est précisément l’objectif
que nous poursuivons avec l’organisation
AlgorithmWatch (voir page 12). Il constitue une
étape supplémentaire pour façonner la numérisation
en faveur des travailleurs-euses.
6
18
20
Daniel Hügli, responsable du secteur TIC
4 Brèves
Cotisations syndicales \ Discrimination des femmes \
Garantir l’autodétermination sexuelle \ Analyse économique \
Salaires dans la branche des infrastructures de réseau \ Caisse
de chômage syndicom \ Assez d’économies chez Tamedia \
Cotisations syndicom
Le changement de système de paiement
chez syndicom entraîne un décalage
des dates de comptabilisation pour les
débits directs et prélèvements automatiques.
Désormais, la cotisation
mensuelle sera débitée dans le mois en
cours (vers le 10). La cotisation de décembre
sera encore comptabilisée fin
décembre, celle de janvier déjà autour
du 10. Merci pour votre compréhension !
Il est temps d’avancer en
matière de salaires féminins !
La discrimination des femmes dans la
vie professionnelle persiste. C’est ce
que montrent les derniers chiffres de
l’Office fédéral de la statistique : selon
l’enquête sur la structure des salaires,
les salaires moyens des femmes sont
toujours inférieurs de près d’un cinquième
à ceux des hommes, et près de
la moitié de la différence reste inexpliquée,
ce qui laisse supposer une discrimination.
Outre la mise en œuvre
conséquente de la loi sur l’égalité, il
faut maintenant des améliorations durables
des salaires féminins ainsi que
des progrès en matière de conciliation
de la vie professionnelle et de la vie
familiale.
Seul un oui est un oui
syndicom soutient avec Amnesty et de
nombreuses organisations nationales la
campagne « Seul un oui est un oui »,
exigeant que ce principe soit inscrit
dans la loi et qu’il s’applique en matière
de droit pénal suisse pour garantir un
droit à l’autodétermination sexuelle.
Tous les actes sexuels sans consentement
doivent être reconnus comme viol,
quels que soient le genre ou le corps de
la personne concernée. Le droit suisse
doit enfin reconnaître la réalité des violences
sexuelles !
Analyse économique USS
Depuis 20 ans, la politique injuste en
matière d’impôts et de taxes tient les
petits revenus en laisse, alors que les
hauts revenus ont été structurellement
favorisés. Avec le choc actuel des prix
dans le secteur de l’énergie, les augmentations
de loyer et la hausse très
prochaine de 6,6 % des primes d’assurance
maladie, les pertes seront douloureuses.
Des réductions de primes
plus élevées, des accords salariaux de
4 % ainsi qu’un salaire minimum de
4500 francs ne sont donc pas un luxe,
mais une nécessité immédiate.
Meilleurs salaires dans
l’infrastructure de réseau
Les négociations salariales dans la
branche des infrastructures de réseau
se sont achevées avec succès. Les
salaires minimaux sont relevés d’au
moins 220 francs et tous les salaires
soumis à la CCT étendue augmentent
d’au moins 140 francs. Une électricienne
de réseau CFC avec trois ans
d’expérience professionnelle recevra
désormais au moins 4920 francs en
13 mois de salaire. La masse salariale
totale sera augmentée d’au moins 2,8 %.
La caisse de chômage
syndicom dans le top 3 suisse
Le Secrétariat d’Etat à l’économie a récemment
soumis les caisses de chômage
à une évaluation indépendante.
Et syndicom fait partie des trois meilleures
caisses de Suisse ! Cette décision
a été accueillie avec beaucoup de
fierté et nous souhaitons féliciter l’ensemble
des collaboratrices et collaborateurs
de la caisse de chômage syndicom
pour leur excellent travail.
Tamedia poursuit ses coupes
Cela ne peut pas continuer ainsi ! Tamedia,
la plus rentable des maisons
d’édition suisses, continue de supprimer
des postes de manière insidieuse
et silencieuse, des secteurs entiers
sont économisés pour des raisons économiques.
Les retraites anticipées
sont imposées, les postes vacants ne
sont pas repourvus. Tamedia doit corriger
d’urgence sa politique d’entreprise
et réinvestir enfin dans le journalisme.
Agenda
Décembre
jusqu’au 23.7.23
« Planetopia »
Changement climatique, disparition
des espèces, météo extrême : avec
« Planetopia », le Musée de la communication
de Berne met l’accent sur
l’environnement et la vie responsable.
14.12.22
Remise de la pétition Poste
Venez en uniforme ! Nous remettons au
CEO de La Poste les signatures de la
pétition « Prix en hausse ! Idem pour
les salaires ! ». Plus nous serons
nombreuxses, plus notre délégation
de négociation aura du poids. A 11h à
BerneWankdorf.
Janvier
10.1.23
Rentes de retraitée : conférence
de politique sociale
Le groupe des retraitées syndicom
organise une conférence spéciale, en
présence d’expertes, sur le futur des
rentes de prévoyance vieillesse face à
la hausse des prix et la diminution du
pouvoir d’achat. ig.syndicom.ch
jusqu’au 13.1.23
« L’écriture »
Les nouvelles techniques d’écriture
envahissent notre quotidien. Dans
l’exposition « L’écriture, entre stylo,
clavier et reconnaissance vocale », la
Bibliothèque nationale à Berne revient
sur la plume d’oie et la machine à
écrire et teste une intelligence artificielle.
21.1.23
Intelligence artificielle
Visite guidée d’une exposition interactive
grand public au Musée de la
Main à Lausanne, pour comprendre ce
qu’est l’intelligence artificielle et se
questionner sur les enjeux sociétaux
de cette technologie. Entre expériences
scientifiques et œuvres d’art.
syndicom.ch/agenda
L’invité
Le monde progresse, tout comme
la technologie que nous utilisons pour nous
faciliter la vie. L’une des avancées les plus récentes
concerne l’intelligence artificielle, ou IA.
De nombreuses personnes pensent que l’IA
finira par remplacer les professionnel-le-s des
médias. Cependant, je suis ici pour vous dire
que ce n’est pas le cas. En fait, il n’y aura pas
de pertes d’emplois du tout ! Tout ira très bien.
Les prophètes de malheur prétendent que l’IA
entraînera un chômage de masse parce qu’elle
automatisera de nombreux emplois. Mais c’est
ignorer le fait que l’automatisation existe depuis
des siècles et qu’elle a toujours conduit à la
création de nouveaux et meilleurs emplois. Par
exemple, l’invention de l’automobile a conduit à
la création de nouveaux emplois dans la fabrication
et la réparation de voitures.
Bien sûr, l’IA peut faire certaines choses que
font les journalistes et les professionnel-le-s
des médias. Elle peut rassembler des données
et compiler des informations. Mais c’est à peu
près tout. L’IA ne peut pas remplacer l’élément
humain dans le journalisme et les médias. Elle
ne peut pas fournir l’analyse critique et l’interprétation
que seuls les humains peuvent fournir.
Elle ne peut pas écrire avec le même niveau de
clarté et de style que les humains. Et elle ne
peut certainement pas générer du contenu
original comme le font les humains.
Enfin, il est important de se rappeler que le
journalisme ne se limite pas aux faits. Il s’agit
de raconter des histoires qui trouvent un écho
auprès des gens et de donner une voix aux
sans-voix. C’est quelque chose que l’IA ne pourra
jamais remplacer. Alors ne vous inquiétez
pas, journalistes et professionnel-le-s des médias.
Vos emplois sont en sécurité. L’IA ne va pas
vous remplacer. Tout ira bien.
Note : le texte ci-dessus a été généré par ordinateur
au travers d’un modèle d’IA appelé GPT-3.
Tout ira bien
Simon Felix (39 ans) a grandi à Klingnau
(Argovie). Après un apprentissage d’informaticien,
il a suivi une formation
d’ingénieur informaticien et bricole désormais
des algorithmes. Le spécialiste
de l’intelligence artificielle a fondé en
2016 l’entreprise de logiciels Ateleris.
Il a notamment développé des logiciels
pour la sonde « Solar Orbiter » de l’ESA,
en orbite autour du soleil depuis 2018.
Felix donne des conférences à la Haute
école spécialisée du Nord-Ouest de la
Suisse sur les algorithmes, l’intelligence
décisionnelle, la science des
données et l’infographie.
5
Dossier
8 Comment l’IA régit de plus en plus nos vies
11 Les oligopoles high-tech et la dictature des algorithmes
12 Protéger les travailleurs-euses en contrôlant les algorithmes
Les nouveaux
dieux
8
Dossier
Des algorithmes transparents pour un
meilleur travail
Si les machines ont autrefois remplacé la
force physique des hommes et transformé les
travailleurs-euses en personnel de contrôle,
c’est désormais le rôle de contrôle lui-même
qui est menacé par les systèmes d’IA. Que se
passera-t-il si le phénomène s’accentue ?
Texte : Oliver Fahrni
Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p. 12)
Zeus, Apollon et les autres habitant-e-s de l’Olympe formaient
une bande de fêtard-e-s querelleurs-ses et incestueux-ses.
Et ils ont créé le monde. Odin, le vieux Germain,
les engraissait avec le sang des trolls, monté sur un cheval
à huit pattes. Et le terrible Yahvé, père des juifs-ves et des
chrétien-ne-s, a, en un mot, noyé (presque) toute l’humanité
pour en créer une meilleure (1 er livre de Moïse).
Il s’agissait de dieux. Nous devons nous contenter d’algorithmes.
Le concept est ancestral. Les algorithmes
portent le nom d’un mathématicien persan et arabe du
XVIII e siècle. Même une simple description de trajet (« allez
tout droit et tournez à droite, puis continuez 100 mètres
tout droit, tournez enfin à gauche ») sont des algorithmes
simples, c’est-à-dire des instructions claires pour accomplir
une tâche. A un moment donné, ils ont été traduits en
langage informatique et ont alimenté les machines.
L’homme, appendice de la machine
Ils ne sont devenus vraiment dangereux pour nous qu’au
cours des 15 dernières années, lorsqu’il a été possible de
rassembler des quantités de données en croissance exponentielle
dans de super ordinateurs aux calculs toujours
plus rapides. Et d’utiliser des programmes algorithmiques
de plus en plus complexes pour construire des
outils informatiques capables de programmer des robots
autonomes, de contrôler la consommation et le comportement
de milliards de personnes et de manipuler les élections.
La numérisation, nous le savions, est une révolution
industrielle. Ainsi, elle ne bouleverse pas seulement l’économie,
mais toute notre vie. A commencer par le travail.
Déjà en 2013, une étude de l’Université d’Oxford prévoyait
la perte de 47 % des emplois aux Etats-Unis à cause des
algorithmes, des robots et de l’intelligence artificielle.
Tout d’abord, dans le « tertiaire », c’est-à-dire précisément
dans le secteur des services qui avait soutenu la croissance
des dernières décennies.
C’est alors que l’expression « personnes superflues »
est soudainement apparue. De telles prévisions sont entachées
d’incertitudes et, bien sûr, les groupes technologiques
ont demandé des contre-expertises. Tout va pour le
mieux dans le capitalisme ? Nous allons rapidement nous
en rendre compte. Car l’utilisation massive des nouvelles
technologies ne fait que commencer, et s’accélère désormais
brutalement. En observant comment les grands
groupes de données de la Silicon Valley ont détruit plus de
200 000 emplois depuis mars 2022, nous pouvons être
sceptiques.
Les travailleurs-euses vivent déjà le bouleversement
profond du monde du travail provoqué par la «gestion
algorithmique», également connue sous le nom de « taylorisme
numérique ». Ce qui a d’abord été testé dans les
centres d’appels s’immisce sur les lieux de travail : surveillance
étroite des cadences de travail et contrôle permanent
du comportement individuel (par exemple via les
mouvements du clavier, l’analyse de la voix ou des mouvements
des yeux), intervention automatisée de la machine
dans le travail lui-même, systèmes d’évaluation opaques,
sanctions immédiates. Donc, du stress, une perte de
contrôle accrue et l’isolement.
Nous vivons un changement d’époque radical. Alors que
les révolutions industrielles précédentes avaient remplacé
la force physique des travailleurs-euses par la force
mécanique, les systèmes algorithmiques exercent aujourd’hui
de plus en plus un contrôle total. La décision est
sous-traitée à « ADM », un système d’aide à la décision automatisée,
ce qui n’a rien d’anodin.
L’homme est en train de perdre ce qu’il a déclaré être
le cœur de son être depuis trois siècles sous les intitulés
« explication », « science » et « progrès ». L’homme pensait
et agissait de manière rationnelle de son propre chef, sans
intervention divine. Mais si la machine prend le relais,
c’est plus qu’une « insulte numérique », comme disent les
philosophes. L’être humain tend à devenir une fonctionnalité,
un prolongement de la machine.
Que se passe-t-il exactement ? Un algorithme est un
programme qui fonctionne initialement selon le principe
« si, alors ». Si des travaux sont effectués dans la rue X, alors
les feux de circulation doivent être réglés de manière à ce
que la circulation soit redirigée vers les rues Y et Z. Ce qui
se répercute ensuite à plusieurs endroits… Compliqué. Un
algorithme informatique peut le faire mieux et plus rapidement.
Mais uniquement si, au préalable, vous avez programmé
le plan de la ville et les milliers d’options et leurs
conséquences. Les ordinateurs de jeux d’échecs gagnent
contre les pros parce que leurs algorithmes ont préalablement
été alimentés avec d’innombrables parties jouées.
Les systèmes de traduction automatique s’appuient sur de
vastes bases de données de textes traduits, tels que les
textes consultatifs de l’UE.
Les algorithmes sont voraces. Ainsi, pour les systèmes
de reconnaissance faciale qui peuvent être achetés pour
une poignée de francs, toutes les images de Facebook,
TikTok, Instagram, etc. sont régulièrement soutirées illégalement.
Pour ce faire, les groupes emploient des armées
Nous
sommes de
plus en plus
contrôlés à
distance.
entières d’ouvriers-ères du clic dans des conditions déplorables.
Mais ce qui est crucial, c’est que les algorithmes
sont aujourd’hui conçus pour apprendre par eux-mêmes.
L’ordinateur qui a battu les maîtres du jeu de go si complexe
a appris à jouer en s’affrontant lui-même des millions
de fois à une vitesse vertigineuse. C’est là que commence
l’intelligence artificielle.
Sommes-nous encore des êtres humains ou déjà des
avatars ?
C’est encore plus clair avec des algorithmes tels que ceux
utilisés par Google (en fait, il n’y a pas d’algorithme Google
unique, le groupe utilise une structure complexe d’algorithmes
imbriqués qui sont constamment mis à jour). Ils
vous observent, enregistrent vos recherches, vos utilisation
d’internet, vos commandes, vos lectures, vos activités
sur les médias sociaux, le trafic de vos e-mails, vos cartes
de crédit et bien plus encore. Puis, ils en tirent leurs
propres conclusions. Ce qui est surprenant, c’est que vous
formez vous-même le système algorithmique chaque fois
que vous utilisez internet. Vous travaillez pour Google. Si
vous combinez ces données avec d’autres ensembles de
données, tels que mon dossier médical ou des données de
mouvement du téléphone portable, vous vous créez alors
un profil détaillé.
Aujourd’hui, les dix plus grands groupes informatiques
en savent plus sur 70% de la population mondiale
que les gens eux-mêmes. Pourtant, de tels systèmes algorithmiques
sont encore considérés comme une « faible intelligence
artificielle ». Mais ils me livrent déjà commercialement
et me rendent vulnérable à la manipulation
politique, comme l’a montré ces dernières années la manipulation
des votations et des élections, par exemple par
le groupe Cambridge Analytica. Aujourd’hui, la percée
vers une « IA forte » est imminente. Et avec des programmes
comme le « Deep Coder » de l’Université de Cambridge,
l’IA devrait à l’avenir inventer elle-même une nouvelle IA
plus efficace, sans intervention humaine. Elon Musk, le
Si tu t’appelles Leila,
tu ferais mieux de ne
pas te confronter à un
algorithme.
multimilliardaire des algorithmes, en est persuadé : nous
vivons déjà tous dans un monde virtuel, comme des
ombres impuissantes (avatars) de nous-mêmes, manipulées
par des robots intelligents. Il appelle l’intelligence artificielle
« la menace la plus meurtrière pour l’humanité ».
Musk veut fuir vers Mars. C’est pour ça qu’il a créé le
groupe SpaceX. L’homme est sans aucun doute un agitateur
d’extrême droite, mais ses fusées lancent actuellement
des centaines de satellites dans l’espace et il connaît
bien l’IA : la matière première de sa société Twitter, ce
sont nos vies, et il les exploite avec des algorithmes particulièrement
sournois. Comparé à Musk, Dirk Helbing
paraît serein. Le professeur dirige le département des
sciences sociales à l’ère informatique de l’EPF Zurich.
« Nous sommes de plus en plus contrôlés à distance »,
constate M. Helbing, « ce que nous pensons être notre
propre volonté est depuis longtemps prédéterminé par les
algorithmes. » Il l’a prouvé par des dizaines d’études au
cours de ses années de recherche. Désormais, M. Helbing
s’inquiète, car le « fascisme numérique » est imminent.
Les êtres humains ne sont plus que des algorithmes, selon
la nouvelle « science de la vie ». Ainsi, les gens peuvent aussi
être piratés, conclut le célèbre historien Yuval Noah
Harari (« Une brève histoire de l’humanité ») : « Les entreprises
et les Etats y travaillent. L’humanité n’a jamais été
confrontée à un défi comparable. » Le temps presse, dit
M. Harari, car l’innovation biotechnologique pourrait
10 Dossier
bientôt donner naissance à une nouvelle espèce qui asservira
l’ancien Homo sapiens.
Des algorithmes néolibéraux et racistes ?
Nous préférons ignorer ces visions en les rejetant comme
« dystopiques », grâce à une vieille astuce. Peu importe que
nous comprenions ou non quelque chose à propos de ces
techniques, nous disons avec un air savant : les algorithmes
et le Big Data, l’intelligence artificielle et les réseaux
neuronaux, la robotique et le profilage sont des opportunités,
mais ils comportent aussi des risques.
Ce n’est pas faux, bien sûr, et c’est pourquoi cette
phrase est terriblement stupide. Car tout dépend de qui
contrôle ces technologies, de ce qu’ils en font et des règles
sociales qui s’appliquent. Dans un monde capitaliste, aux
mains de groupes mondiaux comme les GAFAM et de gouvernements
répressifs, ce sont des armes de destruction
massive.
En d’autres termes, un algorithme n’est pas raciste par
essence. Mais il peut être programmé pour l’être. C’est ce
qu’ont découvert des dizaines de milliers de familles néerlandaises,
dont l’existence a été anéantie par un algorithme
les accusant de fraude à l’aide sociale. C’était manifestement
faux dans 94 % des cas, comme il s’est avéré
des années plus tard, mais cela s’est traduit par des ordonnances
de condamnation automatiques et des demandes
de paiement monstrueuses, qui ont immédiatement mis
fin aux allocations pour enfant, aux contributions aux
Les êtres humains
ne sont plus que des
algorithmes.
loyers, aux indemnités journalières, aux allocations chômage,
à l’aide sociale, etc. Des familles ont perdu leur toit,
d’autres ont été déchirées. Et puis il s’est avéré que les migrant-e-s
et les mères isolées avec des noms à consonance
africaine ou arabe ont été particulièrement touchés. Si
vous êtes confronté à un algorithme, mieux vaut ne pas
vous appeler Leila. Les objections ont été durement rejetées,
l’algorithme a toujours raison, parce qu’il s’agit de
mathématiques. Des dettes fictives ont été impitoyablement
recouvrées. Des victimes se sont suicidées. Cet adversaire
est invisible, il ne se bat pas avec vous, il n’a rien
à prouver. Kafkaïen.
Lorsque le scandale est finalement arrivé au Parlement,
le gouvernement a parlé d’« erreurs de programmation
». Un cas particulier regrettable, peut-être même dû à
un programmeur malveillant ? Absurde. Au contraire, des
centaines d’évènements de ce type, dans de nombreux
pays et dans tous les domaines, révèlent une logique systémique.
La moitié inférieure de la société et les migrant-e-s
sont régulièrement discriminés par des algorithmes
en matière de candidatures, de crédit, de sursis à
l’exécution d’une peine, d’attribution de places d’études
et de formation, de travail policier préventif et d’assurance
sociale. Apparemment, l’IA telle qu’elle est actuellement
déployée est un véritable reflet de la politique néolibérale.
Aujourd’hui, c’est un immense défi pour la société.
L’AI peut être utile. Pour les soins médicaux. Pour éviter
les catastrophes écologiques. Pour toutes les formes
d’égalité. Pour un service public efficace. Même pour un
meilleur travail. Mais pour cela, les algorithmes devraient
être plus transparents et arrachés aux seuls bénéfices des
multinationales.
Le dossier spécial de syndicom
sur l’intelligence artificielle
Dossier
Apprendre et agir avec courage
face à l’IA
11
Seule une alliance de syndicats et d’organisations
de la société civile pourra aider à contrer
la dictature des pieuvres avides de données.
Texte : Oliver Farhni
Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p.12)
Il n’est peut-être pas trop tard. La révolution de l’intelligence
artificielle (IA) ne fait que commencer. Mais elle
progresse déjà à toute allure. Les ventes d’algorithmes
d’apprentissage, de réseaux neuronaux et de gestion algorithmique
ont explosé de plus de 40 pour cent en 2021. Le
nombre de brevets d’IA double tous les 15 mois et alors
que sept des dix plus grands groupes au monde gagnent
maintenant leur argent dans le secteur informatique,
« l’or des données » remplace désormais le pétrole en tant
que matière hautement stratégique.
Si les organisations des travailleurs-euses n’entrent
pas très vite dans cette révolution, de nombreux acquis sociaux
et sociétaux seront bientôt révolus. Le Big Data, les
algorithmes et l’IA pourraient être de puissants outils
pour freiner le gaspillage des ressources et de l’énergie,
pour apporter plus de transparence dans les flux financiers,
pour lutter contre les épidémies ou pour promouvoir
un travail meilleur et qualifiant.
Le « jumeau » est un outil décrit par l’auteur scientifique
Niels Boeing dans la « Technology Review » : le sidérurgiste
Tata, un groupe mondial, a utilisé l’IA pour créer
une réplique exacte de sa production et y a simulé de manière
algorithmique sa production d’acier à l’identique.
Résultat : de nombreux processus améliorés, des coûts
énergétiques plus bas et la prise de conscience du fait que
les systèmes automatisés sans le savoir empirique des travailleurs
font souvent de mauvais choix. Tata parle désormais
d’« intelligence hybride », la synergie de l’homme et
de la machine.
Cela ne fait pas encore de Tata un groupe social et la
réalité capitaliste est brutale. Les nouvelles techniques
sont utilisées en amont pour soumettre les travailleurs-euses
et la société à un contrôle biométrique plus
strict, pour contrôler le comportement et la consommation
de milliards de personnes. Presque tous les algorithmes
disponibles dans le commerce discriminent les
femmes, les personnes de couleur, les minorités et les
personnes socialement défavorisées, exacerbant ainsi
l’inégalité des chances.
Si le monde syndical est conscient de ces dangers, les
actions concrètes des organisations pour apprivoiser le
monde de l’IA sont compliquées.
Tout d’abord, personne ne sait exactement où sont utilisées
les techniques. Les évaluations automatisées et algorithmiques
de gestion des ressources humaines en sont
un exemple frappant. Certains groupes pharmaceutiques
et certaines grandes banques admettent utiliser l’IA pour
le recrutement et le contrôle des performances. Mais
d’après les ventes élevées de logiciels de gestion de personnel
basés sur des algorithmiques prédéfinis, nous devons
en conclure que beaucoup d’entreprises les utilisent.
Seule la transparence peut nous sauver. Donc la divulgation
obligatoire. Tout d’abord, la transparence doit être
inscrite dans la CCT, en plus d’autres règles visant à protéger
ou à faire respecter la souveraineté numerique des
travailleurs-euses. Ici, les syndicats doivent surmonter un
deuxième obstacle : l’intelligence artificielle est un domaine
spécialisé extrêmement vaste, technique et donc
compliqué à maîtriser. Dès lors, seule une alliance avec
des organisations spécialisées de la société civile peut
donc faire avancer les choses. Ces dernières années, un
grand nombre de chercheurs et de personnalités de premier
plan ont tourné le dos à l’industrie pour s’engager
dans ces ONG. syndicom franchit aujourd’hui une première
étape par le biais d’un projet commun avec l’organisation
AlgorithmWatch (voir page 12). Mais dans tous
les cas, il sera nécessaire pour les syndicats de redoubler
d’efforts en termes de formation afin de toujours mieux
comprendre et contrôler toute la complexité des algorithmes.
Car, comme dit l’ancien dicton paysan : « seuls
ceux qui ont creusé eux-mêmes un sillon savent quel goût
a vraiment la pomme de terre ».
12
Dossier
La défense du travail passe par
le contrôle des algorithmes
Un projet commun entre syndicom et
AlgorithmWatch ouvre un nouveau chapitre
du travail syndical en Suisse
Texte : Mattia Lento
Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p.12)
Autrefois, c’était le patron ou le chef d’entreprise, des personnes
en chair et en os, qu’il fallait parfois ramener à
l’ordre par le biais de la lutte syndicale. Aujourd’hui, les
employeurs et les dirigeants n’ont certes pas disparu,
mais le monde du travail s’est complexifié. Il arrive de plus
en plus souvent que des algorithmes soient utilisés pour
contrôler les activités des travailleuses et travailleurs. On
pourrait s’opposer aux nouvelles technologie et au progrès,
mais l’histoire du travail en Occident a montré à
maintes reprises que cette attitude est erronée, voire
contre-productive. Une autre possibilité consiste à gérer
intelligemment l’innovation et la numérisation, donc à
veiller aux droits du travail et aux questions sociales.
Pour cette raison, syndicom a décidé de mener un projet
commun avec l’ONG AlgorithmWatch Suisse. L’objectif
consiste à donner aux employé-e-s les moyens de
défendre leurs droits et d’en déduire des possibilités
concrètes d’action lorsque des algorithmes sont utilisés
sur leur lieu de travail. Pour Angela Müller, directrice
d’AlgorithmWatch Suisse, la collaboration avec le syndicat
représente une étape importante pour son organisation
: « AlgorithmWatch dispose de sites à Berlin et Zurich.
Dans notre organisation sœur à Berlin, nous échangeons
déjà depuis longtemps avec les syndicats. Mais c’est la
première fois que nous coopérons à long terme et de façon
si structurée avec un syndicat sur un projet commun. Il en
résulte de nombreux avantages pour les deux parties.
Nous apportons notre expertise professionnelle, tandis
que syndicom nous donne accès aux entreprises, aux représentations
du personnel et aux employé-e-s et nous
permet d’obtenir un aperçu des pratiques entrepreneuriales
et du partenariat social. Ainsi, nous développons
ensemble des supports d’information orientés vers la
pratique à destination du personnel et de leurs représentant-e-s
et pouvons utiliser les résultats du projet pour
notre travail politique. »
Documenter les algorithmes pour mieux les évaluer
Pour créer la transparence lors de l’utilisation d’algorithmes,
l’ONG suisse a l’intention de « miser sur des registres
publics, dans lesquels seront publiées des informations
fondamentales sur les algorithmes, le but de leur
utilisation et leurs logiques de décision ». Il s’agit d’une
exigence fondamentale pour faciliter la surveillance et le
contrôle publics des fonctions algorithmiques : « Ce n’est
que lorsque nous savons où, pour quoi et par qui les algorithmes
sont employés que nous pouvons également vérifier
si leur utilisation est dans l’intérêt des travailleurs-euses.
» Au travers de ce contrôle, il est par exemple
aussi possible d’évaluer « si l’utilisation d’un système a
des conséquences discriminatoires ou d’autres effets négatifs
sur les droits fondamentaux des personnes concernées
». Pour Angela Müller, il est important « d’inscrire les
intérêts des employé-e-s dans le processus décisionnel
des algorithmes et d’en tenir compte au moment d’utiliser
les algorithmes eux-mêmes ». Cette collaboration nous
permettra d’améliorer nos connaissances sur les rapports
entre le numérique et les droits du travail et elle nous fournira
surtout les instruments pour nous défendre non pas
contre la technologie, mais contre l’utilisation abusive de
la technologie par le capital. Angela Müller conclut :
« Notre objectif ne consiste pas à combattre les algorithmes,
mais à concevoir leur utilisation de sorte qu’elle
soit bénéfique à toutes et tous. »
Illustrations
Pour lire le communiqué
de presse officiel
A quoi ressemblera le monde du travail de demain face aux
algorithmes ?
Nos visuels ont été presque intégralement réalisés par des
systèmes d’intelligence artificielle à qui nous avons soumis
cette question comme instruction. Presque, car une illustration
produite par un artiste humain, avec la même consigne,
s’est glissée dans le dossier. Saurez-vous la reconnaître ?
Réponse en page 27.
Si les systèmes présentent aujourd’hui des limites évidentes,
notamment en termes de capacité à interpréter
correctement, et avec subtilité, une consigne plutôt abstraite
comme celle que nous avons soummise, la rapidité et
facilité d’utilisation de ces systèmes posent de nombreuses
questions sur le futur du travail dans la branche graphique,
auxquelles syndicom s’attellera à répondre.
Micha Dalcol travaille comme illustrateur de livres et de magazines,
notamment dans le secteur de l’enseignement et de
l’école. Il travaille aussi comme graphiste et coordonne les
Œuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse. dalcolmicha.ch
Qu’est-ce qu’un algorithme?
Le terme remonte au nom du mathématicien persan al-Khwarizmi qui, vers 825, a exposé de
manière systématique les méthodes de calcul écrites avec les chiffres arabes. Un algorithme
est une suite ordonnée d’instructions simples et clairement définies. Aujourd’hui,
«algorithme» est souvent synonyme, par simplification, d’«intelligence artificielle» ou de
système d’auto-apprentissage.
Le cloud computing au service des algorithmes
Au même rythme que la vitesse des ordinateurs ont augmenté ces dernières décennies, la miniaturisation
des prix de stockage de données et leur disponibilité à distance via les serveurs cloud ont rendu possible
la prolifération de systèmes algorithmiques qui stockent et interprètent (presque) toutes nos actions en ligne
1956
1 Go = 26 000 000 CHF
Le RAMAC 305 est le
premier disque dur. Il a
une capacité de 5 Mo et
la taille de 2 gros frigos.
1995
1 Go = 800 CHF
Les disques durs
dépassent une capacité
d’1 Go et le CD permet
de stocker 700 Mo.
2015
1 Go = 0,05 CHF
Les disques durs
peuvent atteindre 10 To.
1980
1 Go = 100 000 CHF
Le premier disque dur
5′1/4 fait son apparition.
Il a une capacité de 5 Mo.
Les disquettes 5′1/4 ont
elle une capacité de 1 Mo.
2002
1 Go = 2 CHF
Les disques de 100 Go
deviennent la norme.
Source: Le Monde
Les algorithmes spécialisés sont aujourd’hui omniprésents dans notre quotidien.
Ils dictent le rythme et le déroulement de l’activité pour de nombreuses professions.
LOGISTIQUE
Le distributeur de colis qui est dirigé
par son scanner.
MÉDIAS EN LIGNE
Dans le domaine des médias en ligne,
ce sont également des algorithmes qui
évaluent les habitudes de lecture et en
déduisent des propositions adaptées.
POSTFINANCE
Les banquiers de PostFinance utilisent
des algorithmes pour prendre des décisions
de placement.
PRESSE
Des nouvelles sportives d’importance
locale sont déjà produites par l’IA, des
algorithmes fonctionnent également dans
le journalisme de données pour l’analyse de
grandes quantités de données.
COMMERCE DU LIVRE
Dans le commerce du livre, il existe des
algorithmes pour recommander des livres
à la clientèle en fonction de ses habitudes
de lecture.
SWISSCOM
Chez Swisscom, des employé-e-s ont
entraîné la reconnaissance de langage
pour les télécommandes de la box TV &
Internet
Source: secteurs syndicom
Machine Learning: les machines qui
apprennent (de nous)
L’apprentissage automatique (Machine Learning ou ML) désigne
les processus par lesquels des algorithmes informatiques apprennent
à partir de données et d’actions effectuées par un être
humain, entre autres. En ligne, par exemple, près de 6 millions
de demandes sont formulées chaque minute sur Google et
immédiatement interprétées par ses algorithmes.
6 millions
Source: LocaliQ
14
Au cœur de
nos métiers
Prévoyance et climat – les jeunes
s’inquiètent de leur avenir !
Le Baromètre de la jeunesse 2022 montre une réalité sombre.
Jamais encore, depuis le premier baromètre réalisé il y a dix
ans, les jeunes adultes n’ont été aussi peu confiants en leur
avenir ni en celui de la société.
Depuis la première enquête menée il y
a dix ans, la confiance des jeunes est
au plus bas en ce qui concerne leur
avenir et celui de la société. Chaque
année, Credit Suisse publie le baromètre
de la jeunesse. Aux USA, à Singapour,
au Brésil et en Suisse, un millier
de jeunes gens entre 16 et 25 ans ont
été interrogés sur leurs préoccupations
et leurs soucis.
Génération réalisme
L’optimisme de ces dernières années
cède au réalisme. Les plus de mille
jeunes interrogés en Suisse ont peu
d’espoir en l’avenir. Cette tendance se
dessine depuis le tout premier baromètre
: les valeurs baissent d’année en
année. Seulement 44 % des personnes
interrogées sont « plutôt confiantes »
en l’avenir. Les jeunes sondés sont encore
plus pessimistes concernant
l’avenir de la société.
Les jeunes Suisses et Suissesses
s’inquiètent de leur avenir. Alors que
la crise du coronavirus était en tête
de leurs préoccupations ces deux
dernières années, elle est désormais
supplantée par la prévoyance vieillesse.
Intéressé-e-s mais pas engagé-e-s ?
L’inquiétude face au changement climatique
arrive en deuxième position,
suivie de la hausse des prix de l’essence
et du pétrole et des préoccupations
pour la sécurité énergétique. Les
thèmes liés à l’égalité préoccupent
toutefois aussi les jeunes Suisses. L’inclusion
et un sens aigu de la justice,
pour l’égalité et contre le racisme et la
xénophobie, voilà ce qui intéresse la
jeunesse. Rien d’étonnant donc à ce
qu’une grande importance soit accordée
à ces préoccupations. Il est en revanche
d’autant plus surprenant que
l’engagement pour le climat et l’égalité
entre les femmes et les hommes ait
légèrement reculé.
Notons toutefois que la question a
été mal posée – la motivation à descendre
dans la rue pour défendre ces
sujets a baissé. Aujourd’hui encore,
40 % des jeunes se sentent concernés
par le mouvement pour le climat et
pensent qu’il faut s’engager pour cette
cause. Cette génération n’est pas indifférente
à l’avenir et elle ne doit pas
être sous-estimée.
Jane Bossard, secrétaire de la jeunesse
Le DFI a récemment publié une
étude sur les jeunes en politique
Nous avons qu’une seule planète à disposition : il faut agir pour le climat. Voilà ce que défendent les jeunes, entre autres. (© Markus Spiske / unsplash)
« Cet événement permet aussi de rencontrer des jeunes
professionnel-le-s pour leur présenter notre rôle» Melina Schröter, secrétaire régionale
15
Guichet fermé pour la journée
romande de la typographie
Après une annulation en 2021 en raison de la crise sanitaire, la
18 e édition de la JRT a pu avoir lieu le 1 er octobre dernier dans les
murs d’UNI Global, à Nyon. Et le succès était au rendez-vous.
Large (et jeune) public pour une édition réussie après la pandémie. (© Virginie Zürcher)
Organisée conjointement par l’association
professionnelle SGD (Swiss
Graphic Designers) et syndicom, cette
nouvelle édition de la manifestation
biennale a été l’occasion pour le public
d’assister aux présentations passionnantes
et diversifiées de quatre
conférencières et conférenciers de
renommée internationale dans la
branche : Félicité Landrivon (Brigade
Cynophile, France), André Baldinger
(André Baldinger-Vu-Huu, Suisse et
France) – dont c’était la deuxième participation
à la Journée romande de la
typographie –, Ian Party (newglyph,
Suisse) et Emilie Rigaud (A is for fonts,
France). La traditionnelle exposition
accompagnant l’événement accueillait
cette année la sélection des « Plus
beaux livres suisses » de 2021, primés
par un concours organisé chaque année
par l’Office fédéral de la culture.
Le programme varié et de qualité
proposé par le comité de la Journée de
la typographie a séduit puisque les
200 places proposées ont trouvé preneurs-ses.
Comme les années précédentes,
une partie importante du
public était composé d’étudiant-e-s en
communication visuelle venus de
toute la Suisse romande. Ce qui a été
l’occasion pour syndicom d’aller à la
rencontre de ces jeunes pofessionnel-le-s
afin de leur présenter le rôle
important de notre syndicat dans
leurs futures conditions de travail.
Ce millésime 2022 a également été
l’occasion d’inaugurer un tout nouveau
site internet sur lequel on peut
retrouver le programme et la description
des conférences 2022, mais également
les archives de toutes les éditions
précédentes (voir QR code).
Organisée pour la première fois en
1990 – à l’époque à l’Ecole romande
des arts graphiques – la Journée de la
typographie fait partie du travail de
mise en réseau et de soutien à la formation
que notre syndicat mène au quotidien,
particulièrement dans la branche
de la communication visuelle au sein
de laquelle les membres, souvent indépendant-e-s,
apprécient ces occasions
de se rencontrer. Le comité d’organisation
se réjouit déjà de se mettre au travail
pour la 19 e édition en 2024.
Melina Schröter
Pour découvrir le nouveau
site internet de la JRT
La convention OIT
n° 190 doit être
ratifiée !
Daniel Hügli, responsable du secteur TIC
Le 21 juin 2019, la Conférence internationale
du travail a adopté à Genève la
Convention n° 190. Elle protège les
personnes exerçant une activité lucrative
contre la violence (aussi celle fondée
sur le genre) et le harcèlement sur
le lieu de travail, mais s’applique aussi
pendant les trajets entre le domicile et
le travail. Par ailleurs, elle protège
contre les effets de la violence domestique,
par exemple en télétravail.
En Suisse, sa ratification n’a été
débattue que le 19 septembre 2022 au
Conseil des Etats et les parlementaires
proches des employeurs ne sont pas
entrés en matière sur l’avant-projet,
faute de pouvoir évaluer ses conséquences.
Mais de quelles conséquences
parle-t-on exactement ?
En cas de ratification, un Etat est
tenu de respecter, de promouvoir et de
réaliser le droit de toute personne à un
monde du travail sans violence ni harcèlement.
Avec la participation des
travailleuses-eurs ainsi que de leurs
représentations, les dangers doivent
être identifiés et les risques évalués, et
des mesures doivent être prises pour
les prévenir et les contrôler. A cela
s’ajoute également le droit de se retirer
d’une situation de travail en cas de
danger, sans subir d’inconvénients.
La violence et le harcèlement sont
donc des aspects de la sécurité au travail
et de la protection de la santé, ce
qui implique que le personnel doit
disposer de droits ad hoc de consultation.
Le Conseil des Etats s’oppose-t-il
vraiment à des mesures efficaces qui
ont un coût pour les employeurs et
qu’ils doivent élaborer démocratiquement
dans l’entreprise en collaboration
avec les employé-e-s ? Il appartiendra
au Conseil national de rectifier
cette triste décision erronée du
Conseil des Etats.
16
Le monde
du travail
« Le manifeste est un appel aux infographistes à ne pas se
laisser aveugler par leur amour du métier. » Anna Stahl, secrétaire régionale
Nous disons stop !
Les infographistes à leur compte demandent ce qui devrait être
une évidence : une prévoyance vieillesse appropriée, une assurance
perte d’activité et une meilleure protection des travailleuses-eurs
indépendant-e-s. Car cette profession, qui semble
de prime abord attrayante, doit offrir plus que le minimum vital.
Les professions les plus créatives doivent aussi être protégées. (© Keystone-ATS)
Tout a commencé par une question
aussi simple qu’existentielle : que vaut
mon travail ? Cinq infographistes indépendant-e-s
ont cherché des réponses.
Le résultat parle de lui-même :
dans un manifeste enflammé, ils-elles
montrent ce qui va mal dans leur
branche, ce qui doit changer et ce
qu’ils-elles veulent obtenir. Leurs revendications
sont déjà aujourd’hui
une réalité pour un grand nombre
d’employé-e-s : un avenir sans pauvreté
liée à l’âge, avec une rente adaptée
qui suffise pour en vivre. Une assurance
qui procure un filet de sécurité
lorsque les commandes viennent à
manquer. Et un revenu qui permette
de constituer des réserves, de se verser
un 13 e salaire ou de prendre parfois
aussi des vacances.
Réunir pour mieux agir
Les changements socio-politiques ont
besoin de temps, mais surtout de la
force du grand nombre. Avec leur manifeste,
les infographistes du groupe
professionnel de syndicom donnent le
coup d’envoi à une organisation durable
et bien établie au sein de leur
branche. Ce n’est qu’une fois que ce
noyau de cinq personnes aura fait
émerger un mouvement de grande
ampleur que des changements réels et
profonds seront possibles.
C’est pourquoi la mise en réseau
avec les collègues de la profession est
aussi une requête centrale du groupe
professionnel afin d’éviter que chacun-e
reste seul-e dans son atelier face
à ses questions et problèmes récurrents.
En particulier la relève trouve
un point d’ancrage au travers de l’organisation
syndicale dans les situations
où l’association de classe sert de
réseau aux étudiant-e-s jusqu’à la fin
de leur formation. Car une fois leur diplôme
en poche, il leur arrive bien trop
souvent de se retrouver seuls du jour
au lendemain sans (encore) disposer
du savoir-faire nécessaire pour s’orienter
dans les méandres de l’indépendance.
Enfin, et surtout, le manifeste est
un appel à tous les infographistes
pour ne pas se laisser aveugler par leur
amour de l’artisanat, de la créativité et
de la liberté. Pour une simple et bonne
raison : des conditions de travail équitables
et la sécurité sociale sont et
doivent être possibles pour toutes et
tous.
Anna Stahl
Le compte instagram de la branche
graphique syndicom
Une « CCT » pour les
indépendant-e-s
Michael Moser, secrétaire central secteur Médias
Le secteur Médias a négocié une
« CCT » pour les indépendant-e-s (voir
page 20). Celle-ci est quelque peu différente
des conventions s’appliquant
à des personnes salariées, mais elle
fonctionne de la même manière. Nous
avons négocié des normes minimales
en matière de conditions de travail,
qui ne peuvent pas être péjorées dans
les contrats individuels de travail.
Dans ce cas concret, la convention
règle la collaboration entre la maison
d’édition de BD Edition Moderne et
les auteur-e-s qu’elle publie. Par ailleurs,
nous avons convenu que
nous renégocierons chaque année la
convention de base et que nous l’améliorerons
si possible. Le fait que les indépendant-e-s
s’organisent collectivement
n’est pas nouveau. Transposer
les outils du partenariat social entre
employé-e-s et employeurs aussi sur
les indépendant-e-s élargit toutefois le
champ des améliorations possibles.
Ainsi, les indépendant-e-s peuvent bénéficier
des expériences et des acquis
des collègues salarié-e-s. Et lorsque les
conditions de travail sont améliorées
pour les personnes à leur compte, le
personnel employé en tire lui profit.
Avec la flexibilisation toujours plus
grande des formes de travail, il est plus
important que jamais d’éviter que les
contrats de travail « classiques » ne se
transforment en contrats de freelances
pour la simple raison que le
paiement des cotisations sociales n’y
est pas inclus, que la protection est lacunaire
ou que les revenus sont tout
simplement plus bas en général.
« Pour 2023, des objectifs réalistes et une meilleure conduite
s’imposent à presque tous les niveaux. » David Roth, secrétaire central logistique
17
La folle course aux objectifs
À La Poste, des objectifs de vente surréalistes débouchent sur
de graves échecs de conduite. syndicom veille au grain.
Les timbres ne suffisent pas et la Poste pousse pour la vente d’autres produits et services. (© Keystone-ATS)
Imaginons un instant que RéseauPostal
souhaite vendre des machines à
écrire et qu’il assigne à toutes ses
équipes l’objectif d’en vendre dix
pièces par jour. Six mois plus tard,
faute d’acquéreurs en nombre suffisant,
elles ont pris la poussière. Les
responsables de région et de secteur
ainsi que tous les autres responsables
se retirent pour délibérer et chercher
une solution au problème. Leur idée
géniale : remplacer désormais les objectifs
d’équipe par des objectifs individuels.
Et via les panneaux d’affichage,
les tableaux excel ou le
teamchat, tout le monde verra qui a atteint
ses objectifs. Aussi absurde que
cela paraisse , cette situation se rapproche
de celle que l’on rencontre encore
dans de nombreuses équipes de
RéseauPostal. Certes pas avec des machines
à écrire, mais avec les produits
financiers de PostFinance. Peu importe
qui on a interrogé : tout le monde
a rapporté que les objectifs avaient été
largement manqués.
syndicom a signalé très tôt en début
d’année que les objectifs étaient
irréalistes, mais son appel a été ignoré.
Il n’y a pas eu de correctifs et la
pression a été fermement maintenue
sur les responsables d’équipe et le personnel
de conseil à la clientèle.
Certains responsables de région
ou d’équipe ont logiquement été dépassés
par la situation et ont cédé à
cette pression inacceptable. On a ainsi
vu apparaître des méthodes de mesure
absurdes, notamment des listes de
compétition internes. Dans ce
contexte, des humiliations ont parfois
été infligées à des collègues supposé-e-s
moins performant-e-s. syndicom
a recueilli plus d’une centaine
d’exemples de telles méthodes de
conduite problématiques et choquantes.
Il a alors protesté auprès de
la direction nationale. Les discussions
à ce sujet ont débuté en mai déjà, mais
leurs effets restent timides.
Aujourd’hui, certaines équipes se
voient encore imposer des pratiques
similaires. Parfois même, des avertissements
sont inscrits aux dossiers
lorsque les objectifs ne sont pas remplis.
Nous devons nous y opposer. Il
faut pouvoir influencer et mesurer les
objectifs. La vente dans les offices de
poste est un travail d’équipe, et les secrétaires
régionaux-ales de syndicom
travaillent avec les équipes qui continuent
à dénoncer des cas d’objectifs
individuels. Mais le problème n’est
pas uniquement local. Il s’étend à tous
les niveaux et il semble temps d’adresser
un avertissement à RéseauPostal.
Pour 2023, des objectifs réalistes et
une meilleure conduite s’imposent à
presque tous les niveaux.
David Roth
Un automne
mouvementé
Urs Zbinden, secrétaire central secteur Logistique
Depuis quelques semaines, le monde
syndical suisse est en ébullition : à Genève,
les chauffeurs et chauffeuses des
TPG et les fonctionnaires ont battu le
pavé avec succès pour exiger plus de
salaire, les ouvriers-ères de chantier
ont protesté haut et fort contre les détériorations
de leur CCT, et à l’aéroport
de Zurich, des grèves du personnel
de Swissport et des pilotes de Swiss
ont été évitées de justesse grâce à de
meilleures CCT. Ces moments forts en
Suisse s’inscrivent dans une tendance
internationale à voir se multiplier les
conflits du travail.
Cette tendance s’affirme également
dans les entreprises privées de la
logistique en Suisse. Au cours des derniers
mois, le personnel de Planzer
KEP et Quickpac a contacté syndicom.
Chez Planzer, il en va du respect des
dispositions légales, des journées de
travail à rallonge, de la planification
du travail à brève échéance et de la sécurité
au travail (véhicules surchargés).
Trois quarts du personnel appuie
les revendications formulées au dépôt
de Zurich Altstetten. De même, chez le
concurrent Quickpac, une très grande
majorité des dépôts de Winterthour et
Dietikon soutient les revendications
pour un 13 e mois de salaire, contre des
jours d’attente en cas de maladie et
contre des déductions forfaitaires en
cas de dommages au véhicule.
Les négociations sur la CCT Logistique
posent une base importante
pour réguler la branche des prestataires
postaux privés. Les mouvements
collectifs en augmentation dans les
entreprises montrent toutefois que
cette CCT doit constituer non pas un
objectif final, mais un point de départ
pour des améliorations supplémentaires.
18 Politique
La fortune populaire de la
BNS pour renforcer l’AVS
Tandis que la Banque nationale suisse continue à amasser des
milliards de bénéfices, les caisses de pension traversent une
crise due aux intérêts négatifs. Leur rendement est en chute
libre et les rentes ne suffisent plus pour vivre. Dans le même
temps, le Conseil fédéral et le Parlement poursuivent leur projet
visant à relever l’âge de la retraite. Mais il existe une autre
solution : renforcer l’AVS avec les bénéfices de la BNS. C’est précisément
ce que veut l’initiative sur la BNS, lancée par l’USS.
Nous en discutons avec Sarah Wyss, conseillère nationale PS
de Bâle-Ville et membre du comité de l’initiative.
Texte : Federico Franchini
Image : Keystone-ATS et Michael Waser (portrait de Sarah Wyss)
Le franc a été l’un des produits les
plus exportés par la Suisse au cours
des dix dernières années : il a même
supplanté les exportations des produits
de la branche pharmaceutique
! Le monde entier voulait acheter
des francs, notamment à cause
de l’insécurité de la zone euro. La
Banque nationale suisse (BNS) en a
émis plus que jamais et les a vendus
aux investisseurs du monde entier
contre des euros et des dollars. Par
ailleurs, elle a engrangé des bénéfices
sur ces transactions. L’ordre de
grandeur de ces ventes de francs est
astronomique. Entre 2016 et 2021,
cette politique monétaire a permis
à la BNS de réaliser un bénéfice de
plus de 26 milliards de francs en
moyenne par an. L’actuelle convention
de distribution conclue avec la
BNS (valable jusqu’à 2025) stipule
que tout au plus 6 milliards de
francs peuvent être distribués à la
Confédération et aux cantons, ce
pour autant que le « bénéfice porté
au bilan » de la BNS se monte à au
moins 40 milliards de francs. L’initiative
sur la BNS propose qu’une
partie des bénéfices de la BNS soit
distribuée à l’AVS en cas de bénéfices
et de réserves de distribution
élevés.
Madame Wyss, pourquoi cette
initiative est nécessaire ?
Il est clair pour tout le monde que
nous avons un problème lié au financement
de l’AVS. Il ne se pose
pas aujourd’hui ni même demain,
mais nous y serons confrontés dans
une dizaine d’années. Nous disposons
donc d’assez de temps pour réfléchir
à la manière de garantir dans
le futur le financement additionnel
du premier pilier. L’initiative est par
conséquent nécessaire, car elle propose
une solution concrète et efficace
à ce problème. Les lacunes
financières de l’AVS pourront être
résorbées grâce aux bénéfices de la
BNS. Et cela sans entamer le pouvoir
d’achat par de nouvelles retenues
sur les salaires : la distribution des
bénéfices de la BNS à l’AVS renforce
la prévoyance vieillesse sans grever
le porte-monnaie des travailleuses-eurs.
Cette année toutefois, la Banque nationale
a annoncé de lourdes pertes.
Il est même probable qu’elle ne
réalise aucun bénéfice. Le timing
semble peu propice à l’initiative.
Qu’en est-il ?
En effet, le timing n’est pas idéal.
Mais 2021 était une année exceptionnelle
pour la BNS. L’année dernière,
la Banque nationale avait réalisé
un bénéfice de 21 milliards de
francs. L’analyse des dernières années
montre que la BNS a versé à la
Confédération environ 2 milliards
de francs par an – un chiffre faible
dû au fait que la redistribution des
bénéfices est plafonnée. Les bénéfices
étant très stables, on peut supposer
qu’à long terme, la Banque
nationale continuera à dégager des
résultats positifs et donc à verser de
l’argent dans les caisses de la Confédération.
« La majorité du Parlement veut que l’excédent versé
par la BNS soit utilisé pour réduire la dette publique.
Cela ne me semble pas une bonne idée, vu que le taux
d’endettement est déjà très bas en Suisse. Il est inutile
de le réduire avec les gains supplémentaires de la BNS
alors qu’investir cet argent dans le premier pilier avantagerait
en revanche l’ensemble de la population. »
Sarah Wyss, conseillère nationale PS de Bâle-Ville et
membre du comité de l’initiative BNS
Que se passe-t-il aujourd’hui avec
cet argent ?
En principe, deux tiers des bénéfices
sont redistribués aux cantons
et un tiers est attribué à la Confédération.
La convention stipule un
plafond de 6 milliards de francs. Sur
la somme distribuée à la Confédération,
un tiers est affecté au budget
ordinaire et deux tiers au budget extraordinaire.
Cette part sert actuellement
à réduire la dette. Or ce n’est
pas une bonne idée, car l’endettement
en Suisse est déjà très faible.
Il est donc inutile de réduire la dette
avec les gains de la BNS. Il serait
plus judicieux d’investir cet argent
dans le premier pilier, ce qui avantagerait
concrètement toute la population.
Pour cette raison, je pense que
cette initiative pourrait avoir des
chances devant la population.
En effet, les sondages prédisent
qu’une majorité en Suisse pourrait
soutenir ce projet. Comment l’expliquer
?
La discussion sur AVS 21 a clairement
fait émerger en Suisse un besoin
de réformer l’AVS d’ici à 2035.
La situation est aujourd’hui vraiment
exceptionnelle, et il convient de se
pencher sur la santé financière de
l’AVS à long terme. Cette idée est désormais
acceptée par la population :
tout le monde est conscient du fait
qu’un financement additionnel s’impose.
Or les solutions n’affluent pas.
D’aucuns proposent d’autres
solutions, comme relever l’âge de
la retraite…
Une chose est sûre : le financement
de l’AVS doit être renforcé d’ici une
dizaine d’années. La récente votation
sur AVS 21, malheureusement
acceptée, fait passer l’âge de la retraite
des femmes de 64 à 65 ans.
Le résultat serré montre cependant
que l’augmentation de l’âge de la retraite
n’aura pas la vie facile devant
le peuple. Une autre solution
consiste à augmenter les retenues
sur les salaires. L’important est que
nous ayons un projet – sous forme
d’initiative populaire – sur la table
une fois venu le moment de débattre
de ce sujet. Les Jeunes Libéraux-Radicaux
ont déposé une initiative
populaire visant à augmenter
progressivement l’âge de la retraite
à 66 ans pour les hommes et les
femmes. Ce projet affaiblira le premier
pilier. D’autant que de nombreuses
personnes prennent aujourd’hui
déjà une retraite anticipée.
Un relèvement de l’âge de la retraite
pénaliserait donc les personnes
touchant de bas salaires, qui ne
peuvent pas se permettre une préretraite.
Notre solution, liée aux bénéfices
de la BNS, nous paraît plus intéressante
et plus appropriée. A nos
yeux, il est clair qu’il faut renforcer
les rentes, et pas augmenter l’âge de
la retraite.
Les détracteurs du projet affirment
qu’il est dangereux de lier l’AVS aux
bénéfices de la BNS, car cela reviendrait
à faire dépendre le premier pilier
de la politique monétaire suisse.
Que répondez-vous ?
J’ai du mal à comprendre cet argument.
Le texte de l’initiative est modéré.
Il ne concerne pas la politique
monétaire et laisse intacte la part
distribuée aux cantons qui ont droit
à 4 milliards par an. Il me semble
normal que la Confédération puisse
décider comment elle entend disposer
des 2 milliards que la BNS lui
verse. Cela n’a aucun rapport avec
la politique de la Banque nationale.
Aujourd’hui, cet argent sert à éponger
la dette publique. Mais il pourrait
tout aussi bien être employé
pour l’AVS. Faute de quoi, il serait
également problématique de financer
les budgets cantonaux avec les
bénéfices de la BNS. Mais personne
ne s’est encore jamais préoccupé de
cette question. Selon moi, le seul
problème est celui où la BNS ne
verserait pas de bénéfices, comme
cette année. Mais les valeurs
moyennes précédentes et les perspectives
d’avenir nous indiquent
que cela adviendra uniquement
dans des années exceptionnelles.
Nous avons parlé du financement de
l’AVS. Mais un autre gros problème
est celui des rentes de vieillesse.
Là aussi, la gauche a déjà lancé une
initiative populaire – pour une
13 e rente AVS –, qui a abouti. Pourquoi
est-il important d’agir sur les
deux fronts ?
Pour la gauche, il est très important
d’agir sur deux fronts – financement
et augmentation des rentes – en
apportant nos solutions à la plus
importante assurance sociale de la
Suisse. Tout le monde reconnaît que
les rentes sont trop basses. Selon la
Constitution, elles devraient être
suffisantes pour vivre de manière
décente. Ce n’est actuellement pas
le cas. Le financement est important,
bien sûr. Il en est question
dans l’initiative sur les bénéfices de
la BNS. Mais il faut aussi agir au
niveau des rentes. A cet effet, nous
avons lancé l’initiative pour une
13 e rente AVS. Elle vise à donner un
peu plus d’oxygène à celles et ceux
qui dépendent avant tout du premier
pilier. En particulier aux
femmes. Car un tiers des retraitées
n’ont pas d’autre revenu que celui
de l’AVS.
La prévoyance professionnelle
(deuxième pilier) sera également
bientôt débattue au Parlement.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Il faut trouver une solution pour les
faibles taux d’occupation et pour les
personnes avec plusieurs emplois
sans couverture sociale. Mais je rappelle
que nous devons continuer à
nous concentrer sur le renforcement
du premier pilier. Car il s’agit
d’un accord intergénérationnel et
d’un projet de solidarité entre hauts
et bas revenus. Pour les syndicats,
il importe avant tout de renforcer
l’AVS et donc de faire aboutir l’initiative
sur les bénéfices de la BNS.
Pour signer et obtenir plus
d’informations sur l’initiative
20 Du côté des
employeurs
Une « CCT » sur mesure
pour les indépendant-e-s
Marie-France Lombardo, Julia Marti et Claudio Barandun
dirigent la maison d’édition Edition Moderne avec passion –
et depuis peu avec une « convention de base ».
l’euro : nous opérons à l’échelle
internationale, notre principal
marché est l’Allemagne. Une discussion
fondamentale s’impose sur ce
qu’apporte à notre société une
culture du livre vivante. Et il faut
une volonté politique pour la soutenir.
Le soutien à l’édition de l’Office
fédéral de la culture (dont bénéficie
également Edition Moderne pendant
la période de financement
2021-2024) y contribue, mais c’est
malheureusement aussi le seul de
ce genre.
Questions : Michael Moser
Photo : Anne Morgenstern
syndicom et Edition Moderne
viennent de signer une convention
de base. De quoi s’agit-il ?
Avec la convention de base, le syndicat
syndicom et Edition Moderne
comptent améliorer conjointement
les conditions de travail des auteure-s
de bandes dessinées. Les deux
parties veulent montrer que le travail
de création et de publication de
bandes dessinées doit et peut être
aménagé équitablement, et cela
dans l’intérêt de toutes les parties le
long de la chaîne de création de valeurs.
La convention de base procure
à Edition Moderne un important
instrument de médiation, qui
clarifie aussi pour l’avenir ce que
nous apportons en tant que maison
d’édition.
Que contient l’« accord sur la
co opération future » inclus dans la
convention de base ?
Cet accord définit nos objectifs
communs. Il prévoit qu’Edition Moderne
et syndicom puissent prolonger
chaque année la convention de
base, la renégocier en fonction de
notre marche des affaires ou y
mettre un terme. En tant qu’employeur,
nous nous engageons à
communiquer les conditions de la
convention négociée avant le début
des négociations et à ne pas les péjorer
ensuite lors des négociations
individuelles.
Qui est Edition Moderne ?
Edition Moderne est la seule maison
d’édition de BD et de romans graphiques
en Suisse alémanique et la
plus ancienne dans l’espace germanophone.
Elle s’engage à éditer des
livres de grande qualité en termes
de contenu et design, qui sont pertinents
sur le plan politique : même
des voix et des thèmes marginaux
reçoivent une plateforme. En 2021,
nous avons obtenu le Swiss Design
Award pour la « médiation » et avons
été désignés maison d’édition
suisse de l’année.
Le marché du livre est très tendu
actuellement. Quels sont selon vous
les principaux défis ?
La pénurie de papier, la rupture des
chaînes de livraison et l’explosion
des prix menacent également la survie
d’Edition Moderne. Mis à part le
temps englouti dans la recherche de
papier, il y a un déséquilibre des
prix, car le renchérissement ne peut
pas être répercuté intégralement.
A cela s’ajoutent la baisse du pouvoir
d’achat et le faible cours de
Depuis 2020, les illustrateur-rices
sont organisé-e-s chez syndicom.
Quelles sont vos observations
concernant ce processus ?
Avant que nous nous lancions dans
l’édition, Julia et Claudio travaillaient
comme illustratrice et illustrateur
et graphistes, et Marie- France
dans la promotion du design – nous
connaissons bien la situation des
personnes qui travaillent à leur
compte et font cavaliers seuls. Nous
sommes heureux que la branche de
l’illustration soit parvenue à s’organiser
collectivement chez syndicom,
ce qui permet de stimuler le discours
sur la création de valeur de ce
travail.
Dans quelle mesure cela correspond-il
aux valeurs d’Edition
Moderne et à la culture du livre que
vous défendez ?
D’abord gérée d’une seule main,
notre maison d’édition s’est transformée
en une petite structure collective
– constituée de nous trois et
notre apprenti Manuel – au cours
des deux dernières années. Malgré
un pourcentage modeste de postes
(220 %), nous voulons réaliser de
beaux livres et créer un climat de
travail valorisant et inspirant. Nous
accompagnons souvent les livres du
premier « storyboard » jusqu’à leur
conception, fabrication et distribution.
Plus que jamais, nous sommes
convaincus de la valeur du médium
livre : le « monde de dehors » en
pleine transition suscite des incertitudes.
L’univers des livres peut nous
aider à aborder le monde extérieur
de manière plus réfléchie, avec davantage
de sérénité et un peu plus
d’humour. Nous y consacrons toute
notre énergie.
Droit au but !
21
Cher service juridique,
J’ai travaillé pendant plus de 30 ans dans
une imprimerie. Lorsqu’elle a dû fermer,
je me suis inscrite auprès de la caisse de
chômage. Dans un cours qu’elle proposait,
j’ai appris à établir un dossier de candidature
actuel. Malgré de nombreuses candidatures,
je ne reçois que des refus. Je sais
qu’il est difficile de trouver un emploi à
mon âge (55 ans), surtout dans ma profession.
Or je viens de découvrir que beaucoup
de grandes entreprises ne lisent plus
elles-mêmes les CV, mais qu’un algorithme
s’en charge. Est-ce que c’est vrai ?
Lors du cours de techniques de recherche
d’emploi, ce sujet n’a pas évoqué. Je ne
sais pas d’avance si c’est un algorithme ou
le département du personnel qui examinera
mon dossier, et quels critères sont utilisés
pour la sélection. Est-il possible
d’adapter mon dossier de candidature en
conséquence et d’omettre d’indiquer mon
âge et ma nationalité ?
Si cette méthode s’applique, je n’ai quasiment
aucune chance de trouver un emploi.
L’utilisation d’un algorithme est pourtant
discriminante. Puis-je me défendre en
justice ?
La réponse du service juridique :
Oui, les algorithmes sont utilisés de plus en plus souvent
dans le monde du travail. En particulier lors du processus
de candidature, des critères sont prédéfinis (via des
mots-clés) pour pouvoir occuper le poste vacant au mieux.
Si ton CV ne remplit pas certains critères, ton dossier est
automatiquement écarté. Lors de la recherche d’un emploi,
ce processus augmente le risque de discrimination
fondée sur l’âge, le genre, la nationalité, la situation familiale
(marié-e, enfants), etc.
Il n’existe en principe aucune disposition en la matière.
Mais ces données peuvent revêtir une certaine importance
pour l’employeur. Les algorithmes cherchent en
fonction de mots-clés prédéfinis. Or s’ils manquent dans
les dossiers, la candidature est éliminée. Si tu ajoutes une
photo à ton CV, l’algorithme peut en déduire ton âge à
l’aide de la reconnaissance faciale automatisée. Ce logiciel
est de plus en plus utilisé, bien que l’on sache qu’il ne
reconnaît que des stéréotypes et n’est donc pas pertinent.
En fin de compte, l’algorithme reprend les préjugés des
personnes qui définissent les critères. Et un algorithme
ne reconnaît que les données dont il dispose. Moins il y
en a, plus le processus de sélection est subjectif.
Conformément à l’article 28 du Code civil (CC), tu peux
faire valoir une atteinte à la personnalité. Celle-ci doit
avoir un caractère illicite et elle dépend donc de savoir
si l’employeur potentiel peut avancer ou non un intérêt
prépondérant. Même si tu es en mesure de prouver que le
refus découle uniquement de ton âge, tu ne peux pas prétendre
à un engagement. Tu as uniquement la possibilité
d’exiger une réparation pour tort moral au sens de
l’art. 28a CC. Néanmoins, il n’existe encore aucun arrêt
du Tribunal fédéral à ce sujet. Pour la simple raison que
l’employeur n’est pas tenu d’indiquer le motif de son
refus. Une discrimination est par conséquent difficile à
prouver.
Toutes les rubriques
Droit au but !
22 Loisirs
Suggestions
© Cyril Schäublin
© mieux!
Le programme Movendo 2023
est en ligne !
Movendo, l’institut de formation
des syndicats, propose en 2023 un
nouveau programme de cours riche
et varié. La forte demande de formation
continue de cette année démontre
l’importance de ces rencontres
syndicales et de se former
tout au long de la vie. Dès aujourd’hui,
vous pourrez vous inscrire
aux cours du nouveau programme
2023 sur movendo.ch
Le programme 2023 présente
une offre de formation variée sur
l’économie, la politique, le droit du
travail, les assurances sociales, la
communication, l’organisation de
la vie privée et professionnelle, la
collaboration, l’informatique et les
instruments de travail pratiques.
Parmi les nouveautés du programme
figurent, entre autres, un
cours d’introduction à l’écologie politique,
un cours sur la conciliation
de sa fonction de proche aidant-e et
sa vie professionnelle, une formation
destinée à booster son employabilité
ou une formation sur le
fonctionnement des assurances
chômage et invalidité.
De plus, divers webinaires gratuits
sont également proposés tout
au long de l’année. Les cours Movendo
sont ouverts à toute personne
intéressée. Certaines formations
s’adressent spécifiquement aux
membres de représentations du personnel
ou aux militant-e-s. Chaque
membre de syndicom a droit à un
cours Movendo gratuit par année.
Nous prenons en charge les frais de
cours, de repas, de voyage en train et
payons selon le cours les frais de
nuitée. Alors n’hésitez plus à
consulter le nouveau programme !
Movendo
Unrueh de Cyril Schäublin
La plupart des gens associent surtout
l’anarchisme à une chose :
le bruit, la protestation et la résistance.
Ce n’est pas le cas du film de
Cyril Schäublin. Il raconte en
images douces l’histoire des horlogers-ères
jurassien-ne-s de la fin du
XIX e siècle, qui ont marqué de manière
irréversible l’anarchiste Piotr
Kropotkin. Tout à fait dans l’esprit
de l’anarchisme, le film suit un
mode de narration décentralisé : il
n’y a pas d’intrigue à proprement
parler et les personnages se
tiennent généralement sur les bords
de l’image. Bien qu’il s’agisse d’un
film historique, la thématique est
difficilement égalable en termes
d’actualité. Quel travailleur-euse ne
peut pas s’identifier aux horlogers-ères
dont la productivité est
mesurée par leurs supérieurs à
l’aide d’un chronomètre ? La critique
silencieuse du capitalisme
sous la forme de montres qui font
tic-tac traverse tout le film. Ainsi,
l’horloge de l’usine horlogère
avance toujours de huit minutes, ce
qui peut être interprété comme une
métaphore de la croissance économique
sans frein. La solidarité entre
eux, même avec les anarchistes
d’autres régions du monde, rompt
la monotonie du quotidien dans
l’usine de montres et maintient la
cohésion du mouvement. Grâce à
une narration ralentie, le film laisse
beaucoup de place à la réflexion personnelle.
Unrueh est l’anarchisme
dans sa forme la plus pure, à une
époque de progrès technologique
où les rêves d’un monde meilleur
semblaient encore possibles.
Catalina Gajardo
Mieux !, le média romand
engagé
Fondé en 2019, le média romand
Mieux ! est né d’un simple constat :
si la France regorge de youtubeurs
et de youtubeuses engagé-e-s sur la
thématique du climat, le paysage
médiatique suisse en est lui grandement
dépourvu. Mais la question
climatique n’est pas la seule en
manque d’un traitement médiatique
franc, recherché et progressiste.
Il en va également ainsi des
sujets féministes, de la communauté
LGBTQIA+ ou encore des personnes
racisées mises à nouveau
en lumière par le mouvement Black
Lives Matter. mieux ! questionne ces
multiples thèmes au travers de
contenus digitaux. Ce médias engagé
ne croit pas à l’objectivité dont se
revendiquent les journalistes des
mass-médias. Toute personne est
dotée de biais cognitifs desquels il
faut se méfier, elle en premier. C’est
la raison pour laquelle nous revendiquons
une position engagée qui
fait la part belle à la transparence.
Cette position engagée n’empêche
pas ces jeunes passionnés d’effectuer
un travail journalistique de
qualité basé sur des sources vérifiées
de qualité dans la conscience
de nos propres biais cognitifs. Et
bonne nouvelle, le format « Ça raisonne
» constitué de longues interviews
ayant pour but de faire résonner
la voix de celles et ceux qui
raisonnent est disponible aussi en
podcast sur les plateformes habituelles.
mieux !
Par ici pour consulter le
nouveau programme Movendo
Actuellement dans plusieurs
salles de cinéma suisses
A découvrir en ligne sur mieux.media
1000 mots
Ruedi Widmer
23
24 Evènements En cette fin d’année, syndicom poursuit son travail sur le terrain. Participation à
des manifestations, des formations, des visites d’entreprises, des conférences
de presse et même des excursions. Pendant que la collecte de signatures pour la
pétition « Prix en hausse ! Idem pour les salaires » bat son plein.
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1-6. Dans le cadre de la collecte de signatures pour la pétition « Prix en hausse ! Idem pour les salaires », de nombreuses visites d’entreprises ont eu lieu
dans le secteur de la logistique. (© syndicom)
7. Conférence de presse de l’USS avec Matteo Antonini (Responsable du secteur logistique chez syndicom, à gauche), Pierre-Yves Maillard
(Président USS) et Daniel Lampart (Premier secrétaire et économiste en chef USS) pour la campagne salariale de l’automne. (© USS)
8. Patrizia Mordini, responsable des groupes d’intérêt, lors de la conférence de Digital Nomads Switzerland le 1 er octobre à Berne. (© syndicom)
9. Séminaire TIC de la section de Zurich. (© syndicom)
10. Des coursiers-ères à vélo remettent une pétition à l’entreprise FWG à Zurich. (© syndicom)
11. Photo de groupe pour la sortie de la section rhétique à Valle di Lei aux Grisons. (© syndicom)
12. Cours de formation pour la section Tessin et Moesano. (© syndicom)
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26
Tranches
de vie
« Je ne dors bien le soir que si j’ai pu aider
les autres pendant la journée »
Agé de 39 ans, Mensur Memedi est
père de famille. A l’aube du nouveau
millénaire, il a quitté à 19 ans la Macédoine
pour immigrer en Suisse, où son
père travaillait déjà depuis une décennie.
Sa maturité en poche, il s’est inscrit
à l’Université de Berne pour étudier
les sciences politiques. Mais au
sixième semestre, sa famille a rencontré
des problèmes d’argent. Pour la
soutenir, Mensur Memedi a cherché un
job qu’il a trouvé auprès de l’employeur
de son père, à La Poste Suisse. Il y a
occupé plusieurs fonctions et travaille
actuellement dans l’agglomération de
Berne. Mensur vit dans le canton de
Fribourg et est membre actif de syndicom.
Texte : Basil Weingartner
Photo : Alexander Egger
« J’aimerais m’engager
en politique »
« Sans les syndicats, ça ne va pas.
Car en fin de compte, toutes les entreprises
veulent payer leur personnel
le moins possible. Les injustices
existent partout dans le monde du
travail. Certaines de mes connaissances
issues de la migration gagnaient
beaucoup moins que leurs
collègues au bénéfice d’un passeport
suisse alors qu’elles exerçaient le
même travail. C’est pourquoi il faut
des institutions qui apportent un
soutien. Dans le cas de mes connaissances,
le syndicat est intervenu et
a obtenu des augmentations de
salaire. Je suis une personne qui
cherche à aider chaque fois que c’est
possible.
Je ne suis pas seulement syndicaliste,
mais aussi chef d’équipe à La
Poste Suisse. A mes débuts en tant
qu’intérimaire, j’ai pu démontrer
mes compétences. Ensuite, je me
suis occupé de la répartition des
tournées et saisissais les souhaits de
la clientèle dans le système. Très vite,
j’ai été responsable de l’ensemble
des tournées dans la région de Berne,
en tant que responsable d’équipe
adjoint avec un contrat fixe. Puis j’ai
été promu au poste de teamleader.
Aujourd’hui, je dirige deux groupes
de 18 employée-e-s. L’un d’eux est
constitué de lève-tôt. L’autre est formé
du personnel en charge de la distribution
des colis. En parallèle, je
dirige des workshops destinés aux
équipes et je suis responsable du
lean management, aussi dénommé
Kaizen. Il trouve son origine dans les
usines automobiles de Toyota au Japon.
Ce système est utilisé pour tenter
d’exploiter le potentiel de l’ensemble
du personnel et rendre ainsi
l’entreprise prospère. Celles et ceux
qui travaillent au front savent au
mieux comment optimiser les processus.
L’idée est la suivante : éliminer
le gaspillage – non pas pour rationaliser
le personnel, mais pour
employer son temps de façon plus
judicieuse. Le lean management est
valorisant pour le personnel. Il lui
donne la possibilité de s’impliquer.
Et lorsque ses idées sont mises en
œuvre, il en est fier. Il permet également
de créer une culture constructive
de l’erreur, qui autorise aussi les
défaillances.
Cette philosophie de l’entreprise
est aussi en adéquation avec mes
convictions personnelles et ma foi
musulmane : je ne dors bien le soir
que si j’ai pu aider les autres pendant
la journée. Nous devrions toutes et
tous tirer à la même corde. Chacun-e
apporte quelque chose dont tu peux
apprendre et profiter toi-même. C’est
la seule façon de créer un monde pacifique.
Avec ma famille, j’ai demandé
à être naturalisé il y a quelques
années. Je me suis alors rendu
compte que la naturalisation en
Suisse coûtait non seulement cher,
mais qu’elle variait aussi beaucoup
d’un canton et d’une commune à
l’autre. Elle est arbitraire. J’aimerais
m’engager en politique pour changer
cette situation. Même les naturalisations
doivent se dérouler de manière
équitable. L’équité est essentielle
partout. Les gens travaillent pour gagner
suffisamment pour eux et leur
famille. Mais beaucoup sont tout
simplement exploités. Lorsqu’on
s’en aperçoit, il faut les aider, sinon
on se rend complice. »
Impressum
Rédaction : Robin Moret et Giovanni Valerio
(coresponsables), Rieke Krüger et Catalina Gajardo
Hofmann
Courriel : redaction@syndicom.ch
Traductions : Alexandrine Bieri, Laurence Strasser et
Gabriele Alleva
Dessins de portrait : Katja Leudolph
Layout, correction, impression : Stämpfli Kommunikation
Changements d’adresse : syndicom, gestion
des adresses, Monbijoustrasse 33, case postale,
3001 Berne. Tél. 058 817 18 18, fax 058 817 18 17
Annonces : priska.zuercher@syndicom.ch
Commande d’abonnements : info@syndicom.ch
Le prix de l’abonnement est inclus dans la cotisation
de membre. Non-membres : Fr. 35.– (Suisse),
Fr. 50.– (étranger)
Editeur : syndicom – syndicat des médias
et de la communication, Monbijoustr. 33,
case postale, 3001 Berne
Le magazine syndicom paraît six fois par année.
Le numéro 33 paraîtra le 10 février 2023.
L’illustration de Micha Dalcol se trouve en pages 6-7.
27
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
I
4 10
II
2
III
IV
V
VI
VII
11 7
3
5
VIII
IX
X
Mot mystère :
1 8
DÉFINITIONS
6
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Horizontalement : I. Acétique porté sur la
salade. Canards un peu vieillis. II. Mignon
légume. Vin de sapin. Fut. III. A-t-il du cœur ?
Bien dans son genre. Épicerie Le Pen.
IV. Matheux à 10 balles. Petite perfectionniste.
Grande Cyclade. V. Désigne. Matos. Exclut.
VI. Réservoir. Cubitus. VII. Adresse roumaine.
Pétrole distillé. Cheminerai. VIII. Mille-pattes.
Réflexion. Abrasa. IX. Fin sans fin. Entrée de
gamme. Citrouille. X. Conserve. Spécialiste.
Verticalement : 1. Irritant. Doléance. 2. On
l'aime garnie. 3. Chantée de haut en bas.
Trotskistes français. 4. Résiste. Vu la lumière.
5. Gagnerais. Coup de chance. 6. Voyage
sans limite. Débris. 7. Sur sa faim.
8. Abalourdi. Pas moi. 9. Génisse grecque.
Vitupérât. 10. Reprise. Blonde. Poilé.
11. Relatif au baudet. Question pipi.
12. Conserve. 13. Provenance. Grippe.
14. Dernier moulage. Pour soi. 15. À Fleur de
peau.
9
Mots croisés
Le-la gagnant-e, dont le nom paraîtra
dans le prochain magazine, recevra un
bon d’achat de notre partenaire Coop.
Prière d’envoyer votre solution (le mot
mystère seulement) jusqu’au 6 janvier
par e-mail à admin@syndicom.ch ou par
courrier à Rédaction syndicom, Monbijoustrasse
33, case postale, 3001 Berne.
Une seule participation possible par
membre.
Le gagnant du dernier mots croisés
La solution du mots croisés du
dernier numéro était « INFLATION ».
Le gagnant est Monsieur Etienne Oreiller
de Muraz. Il recevra une pièce en argent
de notre partenaire la banque Cler.
Chaleureuses félicitations !
Annonce
Yoann Provenzano
Ambassadeur romand de Comundo
Ensemble, apportons
un vrai changement
Donner plus de sens encore à ses compétences professionnelles et vivre une
expérience de vie unique ? C’est possible, par le biais d’un engagement à l’étranger
avec Comundo ! Sur la base de contrats d’un à trois ans, nous engageons des
professionnel·le·s qualifié·e·s auprès de nos organisations partenaires en Afrique
et en Amérique latine.
comundo.org
28 Interactifs
syndicom social
Indemnisation des esclaves de la Coupe du monde
Rapport choc sur Amazon
13.11.2022
Plus de 6500 esclaves modernes sont morts lors des
préparatifs de la Coupe du monde de football, qui se déroule
actuellement au Qatar. Des milliers d’ouvriers y
travaillent encore dans des conditions inhumaines pour
1 dollar de l’heure. La FIFA va réaliser des milliards de bénéfices,
mais refuse de dédommager les travailleurs et
leurs familles. Une pétition en ligne a donc été lancée, à
laquelle des milliers de personnes du monde entier ont
spontanément adhéré. secure.avaaz.org/page/fr
07.11.2022
256 articles commandés par jour, soit
32 par heure, moins de deux minutes
par article. Ce sont les chiffres des
employés d’Amazon, publiés par L’Humanité.
Des niveaux de stress insupportables
avec des gestes répétitifs
et épuisants. Un-e salarié-e sur 5
démissionne, alors qu’Amazon recourt
de plus en plus aux emplois
précaires avec 42 % d’intérimaires.
La commission du Conseil des Etats donne une
chance à la loi sur la responsabilité des
multinationales 07.09.2022
Le contre-projet à l’initiative sur les multinationales
responsables doit être complété par un
devoir de diligence concernant le travail forcé.
La porte est ainsi ouverte à une réforme globale
qui permettra à la Suisse de se hisser au niveau
de l’UE.
La fin des voitures autonomes ? 30.10.2022
Après avoir investi près de 4 milliards de dollars
dans le développement de voitures autonomes,
Ford et Volkswagen ont déclaré mettre un terme
aux activités de leur coentreprise Argo IA.
Le début de la fin de ce type de mobilité ?
La liberté des médias et la démocratie en danger
30.10.2022
Au Chili, comme dans de nombreux pays, on observe une
concentration du marché de l’édition qui conduit à un
véritable monopole idéologique. La démocratie ellemême
est en danger, tout comme le journal El Clarín,
l’une des rares voix indépendantes. Pour le soutenir,
syndicom appelle à signer la pétition :
syndicom.ch/9slze
L’ONU doit garantir la sécurité des médias 02.11.2022
A l’occasion de la Journée internationale de la fin de
l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes,
syndicom et la Fédération internationale des
journalistes (FIJ) demandent à la communauté internationale
de garantir enfin la sécurité et la protection
des professionnels des médias par le biais d’une
convention de l’ONU.
syndicom est sur Mastodon !
15.11.2022
Nous sommes désormais aussi sur Mastodon
! Pour l’instant, vous y trouverez les
mêmes contenus que sur notre Twitter,
mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
Suis-nous !
@gewerkschaftsyndicom @swiss.social
Nouveau podcast syndicom 15.11.2022
En Suisse alémanique aussi, nous
avons lancé un podcast sur la Poste.
Une fois par mois, Dominik Dietrich et Senol
Kilic, secrétaire syndicaux chez syndicom,
mettent en lumière le travail quotidien des employé-e-s
de la Poste. À écouter sur Spotify !
16 jours contre la violence envers les femmes :
cours en ligne 08.12.2022
En tant que syndicat, nous savons que les femmes
sont également harcelées sur leur lieu de travail.
Le 8 décembre, de 19h30 à 21h, les syndicats animeront
le cours en ligne « Violence sexualisée au travail »
(en allemand). Tu aimerais en savoir plus sur ce sujet ?
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