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Résumés<br />
Sophie Bava<br />
« Dieu va ouvrir la mer »1. Migrations africaines, encadrement chrétien et constructions<br />
théologiques au Maroc.<br />
Le blocage des frontières européennes et africaines depuis plus d’une vingtaine d’années incite<br />
les migrants à s'installer de plus en plus durablement en Afrique méditerranéenne. Certains<br />
deviennent dans le contexte marocain les acteurs du déploiement d’une offre religieuse<br />
chrétienne multiple et dynamique autour d’institutions religieuses, de lieux de cultes,<br />
d’associations, d’ONG confessionnelle ou d'origine confessionnelle et d'espaces de formation<br />
religieuse. Ainsi le Maroc, qui a mis en œuvre deux campagnes de régularisation depuis 2013,<br />
voit de nombreuses instances religieuses ou d'origine confessionnelle s'organiser afin de<br />
faciliter l’accueil, la formation et l'accompagnement social et spirituel des migrants venus<br />
d’Afrique subsaharienne. En migration, la reconnaissance passe souvent par les communautés<br />
religieuses qui deviennent ainsi des communautés de destin ou de sens. La création en 2012<br />
d'un lieu de formation universitaire chrétien à Rabat au Maroc, l'institut œcuménique de<br />
théologie Al Mowafaqa, destiné aux futurs responsables religieux originaires d'Afrique<br />
subsaharienne, est le point de départ de cette communication. Cette expérience portée par les<br />
Églises catholique et protestante, s’est construite dans un paysage religieux marocain<br />
transformé par les migrations intra-africaines chrétiennes. Selon certains, l'institut est une<br />
« bénédiction » qui a permis de rendre visible l’Église au Maroc et d’assoir sa position<br />
d'intermédiaire entre leurs préoccupations, celles de leurs institutions, celles des migrants et<br />
celles des autorités religieuses marocaines. J’aborderai la création de cet institut comme le<br />
reflet d'un lieu-moment où les acteurs religieux des églises historiques au Maroc se sont saisis<br />
des défis qui se présentaient à eux grâce à la diversité religieuse des populations migrantes<br />
installées ou de passage au Maroc. Si les migrations africaines ont indéniablement revitalisé la<br />
pratique chrétienne, notamment par le biais des églises de maison et de la naissance d’une<br />
théologie de la migration, elles l’ont aussi enrichie de débats qui s’inscrivent désormais au-delà<br />
de l'histoire chrétienne et dans un contexte où le Maroc interroge également la diversité<br />
religieuse de son territoire dans une optique résolument plus africaine. Ce christianisme qui se<br />
reconstruit par les Sud n'est pas celui des colons, ni des croisades, ni celui des églises africaines<br />
transnationales, même si le lien n'est pas coupé il est le produit de tout cela. Cette religion d'en<br />
bas rappelle à une marge de la société marocaine l'urgence d'accueillir la religion de l'autre<br />
comme un effet miroir de la situation des marocains musulmans vivant en Europe.<br />
Patrick Haenni<br />
La reterritorialisation du jihad global : le cas de HTS à Idlib (Syrie)<br />
Nous nous intéressons ici à la création d’un territoire politique (la poche de Idlib au Nord-Ouest<br />
de la Syrie). Ce territoire de 4 millions de personnes est dirigé par une administration mise en<br />
place par le mouvement Hayat Tahrir al Sham, ancienne franchise syrienne de al Qaeda.<br />
Confrontés aux défis stratégiques du moment (confrontation avec l’armée syrienne ; protection<br />
turque) et aux impératifs de gestion locale dans un contexte de faiblesse (faiblesse en termes de<br />
ressources financières, mais aussi en ressources humaines), le mouvement entre dans un<br />
processus d’interaction avec la société et se fera profondément transformer par « l’inertie du<br />
social » (F Furet). La transformation tient de la conspiration du silence : elle avance sans<br />
discours, sans aggiornamento théologique, sans « murajaat » comme l’ont fait d’autres<br />
1<br />
En référence à notre ouvrage: Bava Sophie, Bernard Coyault & Malik Nejmi, ‘Dieu va ouvrir la mer.<br />
Christianismes africains au Maroc’, ed.Kulte, 2022.<br />
Collège des Bernardins<br />
20 rue de Poissy - 75005 Paris<br />
www.collegedesbernardins.fr