2023_09_22_PR_Géopolitique_CR
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Département Politique et religions<br />
<strong>Géopolitique</strong> et religions autour de la<br />
Méditerranée, entre permanence et recomposition<br />
Séance du <strong>22</strong> septembre <strong>2023</strong><br />
Intervenants :<br />
Luc Chantre, Charlotte Gasc, Jean Marcou<br />
Pèlerinages, lieux partagés et lieux réservés<br />
Coordination :<br />
Stéphanie Laithier, chargée d’études et de recherche, Institut d’études des religions et de la<br />
laïcité (IREL), EPHE (PSL)<br />
Intervenants :<br />
Luc Chantre, maître de conférences en histoire contemporaine, Université Rennes 2<br />
Charlotte Gasc, doctorante en anthropologie, à l’IDEMEC et l’IREMAM (Aix-Marseille<br />
Université / CNRS), à Aix-Provence<br />
Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble, chercheur associé à l’Institut français d’études<br />
anatoliennes (IFEA) d’Istanbul<br />
Introduction<br />
La question des pèlerinages, notamment dans l’espace méditerranéen, fait depuis quelques<br />
années l’objet d’études scientifiques, notamment anthropologiques, alors qu’elle a longtemps<br />
été délaissée par les sciences humaines et sociales. La notion même de pèlerinage est définie<br />
comme le déplacement de fidèles d’une religion vers un espace tenu pour sacré qui renvoie à<br />
un lien spécifique avec une divinité. Si les pèlerinages sont bien antérieurs à l’émergence des<br />
monothéismes, ces derniers en sont toutefois des acteurs importants, les lieux de dévotion<br />
s’étant multipliés au cours de leur histoire, certains spécifiques à une tradition religieuse,<br />
d’autres en revanche s’apparentant à des espaces partagés.<br />
Des pratiques dévotionnelles sont ainsi mises en œuvre sur des lieux religieux communs, tandis<br />
que d’autres sont exclusives à des traditions particulières. L’espace méditerranéen, berceau des<br />
trois grands monothéismes, est particulièrement marqué par la présence de ces espaces de<br />
dévotion et de déplacement de populations dans une perspective religieuse, à la fois sur ses<br />
rivages du Sud et de l’Est, mais aussi dans sa partie Nord. Les sanctuaires de pèlerinage sont<br />
ainsi des lieux de mémoire, celle d’un événement premier auquel se sont parfois ajoutés au fil<br />
du temps d’autres événements, et ils sont par ailleurs créateurs de mémoire pour ceux qui s’y<br />
rendent, mémoire spécifique ou mémoire partagée, relevant de la pratique individuelle d’une<br />
part et de l’expérience collective d’autre part. Si la démarche du pèlerinage est par ailleurs<br />
commune à la plupart des diverses confessions représentées au sein de l’espace méditerranéen,<br />
les formes en sont toutefois diversifiées. Il nous faudra donc revenir à la fois sur les caractères<br />
communs et sur les différences qui caractérisent les modalités et les configurations pèlerines.<br />
Espaces de pratiques cultuelles et d’appropriation religieuse et symbolique, au sein desquels se<br />
nouent des relations multiples, les lieux saints sont également, dans certains cas, des territoires<br />
sur lesquels s’exercent des pratiques sociales particulières et des revendications à caractère<br />
Collège des Bernardins<br />
20 rue de Poissy - 75005 Paris<br />
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politique. La riche histoire religieuse du monde méditerranéen tout comme les tensions<br />
politiques dont il est souvent le cadre en ont ainsi fait à la fois une région très dense en matière<br />
de lieux sacrés, objets de pèlerinages, parfois communs, mais aussi un monde dans lequel les<br />
identifications religieuses peuvent être convoquées comme des instruments au service<br />
d’objectifs politiques et nationaux particuliers. Le séminaire aura pour ambition de revenir<br />
également sur la dimension géopolitique des pèlerinages religieux dans l’espace méditerranéen,<br />
et sur les enjeux qui les accompagnent dans un tel contexte.<br />
Luc Chantre<br />
Le pèlerinage à La Mecque (hajj), un lieu de mémoire européen ?<br />
À plus d’un titre, le pèlerinage à La Mecque (hajj) apparaît comme le lieu fondateur d’une<br />
identité collective fondée sur la distinction entre « musulmans » et « non-musulmans ». C’est<br />
un récit tout autre que nous livre l’histoire des relations entre l’Europe et le pèlerinage<br />
musulman saisie dans la longue durée : celui d’une familiarité perdue, où, des décennies durant,<br />
de nombreux acteurs européens qu’ils soient voyageurs, écrivains, administrateurs, officiers,<br />
diplomates, médecins, ou tout simplement pèlerins, ont séjourné, visité et mis en récit les lieux<br />
saints de l’islam. Si certains de ces acteurs ont pu contribuer à « ensauvager » le pèlerinage<br />
musulman pour les besoins du projet colonial, d’autres ont œuvré en sens inverse à intégrer le<br />
hajj dans un imaginaire partagé, qu’il soit politique (les empires européens décrits comme<br />
« puissances musulmanes ») ou culturel (le hajj comme lieu privilégié d’une rencontre entre<br />
Orient et Occident). Cette contribution examinera dans quelle mesure et à quelles conditions il<br />
est possible aujourd’hui encore de parler du hajj comme d’un « lieu de mémoire » européen,<br />
voire plus largement d’une « mémoire européenne du hajj » en dépit du processus d’effacement<br />
dont celle-ci a été l’objet depuis plusieurs décennies.<br />
Charlotte Gasc<br />
Le tombeau des Patriarches : réappropriation religieuse et dynamiques patrimoniales<br />
autours d’un lieu saint divisé.<br />
La vieille ville d’Hébron s’est historiquement et géographiquement construite autour du<br />
tombeau des Patriarches. Ce monumental sanctuaire abrite selon les trois grands monothéismes,<br />
les cénotaphes des patriarches Abraham, Isaac et Jacob ainsi que leurs épouses Sarah, Léa et<br />
Rebecca. Pour les fidèles musulmans et juifs, il constitue le second lieu saint régional après<br />
Jérusalem. Bien que gardant son intégrité architecturale, le site est séparé en deux parties : l’une<br />
pour les Juifs, l’autre pour les Musulmans. Cette séparation se matérialise notamment par<br />
l’attribution de deux entrées différentes pour chaque fidèle après un attentat en 1994.<br />
Divisé plus que partagé, le tombeau des Patriarches est au cœur d’enjeux géo-politiques,<br />
religieux et patrimoniaux et constitue un espace paradigmatique du conflit Israélo-Palestinien.<br />
Le lieu saint est revendiqué par deux entités nationales, chacune défendant un droit légitime de<br />
contrôle, et sa préexistence politique. Dans ce contexte il tient une place prépondérante au sein<br />
des politiques et dynamiques patrimoniales étatiques. Cette communication se propose<br />
d’interroger les réappropriations religieuses de ce lieu saint conteste, à travers sa reconnaissance<br />
en tant que patrimoine.<br />
Jean Marcou<br />
La reconversion de Sainte-Sophie en mosquée<br />
Le 24 juillet 2020, à Istanbul, Sainte-Sophie (Ayasofya en turc) a accueilli, pour la première<br />
fois depuis 85 ans, la prière du vendredi, comme à l'époque ottomane. Cette prière,<br />
solennellement célébrée, a été rendue possible par une décision du danıştay, le Conseil d'État<br />
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turc, qui avait annulé, une quinzaine de jours auparavant, le décret de 1934 de Mustafa Kemal<br />
Atatürk transformant en musée l'ancienne basilique byzantine devenue une mosquée, après la<br />
prise de Constantinople, en 1453. Que nous dit cet événement, après les transformations<br />
successives antérieures de ce lieu emblématique, sur la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan ?<br />
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