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360° magazine / octobre-novembre 2023

Numéro 227

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m’a fallu faire un chemin de près de quinze ans pour<br />

me réconcilier avec la foi », détaille-t-il.<br />

DES PONTS ENTRE IDENTITÉ<br />

RELIGIEUSE ET QUEERNESS<br />

De fait, malgré les violences infligées aux<br />

personnes queer dans leur communauté<br />

religieuse et la méfiance des communautés<br />

LGBTIQ+ à l’égard des instutitions, de nombreuses<br />

personnalités et initiatives émergent afin de recréer<br />

des ponts jusqu’alors brisés entre identité religieuse<br />

et queerness. Cela passe parfois par l’investissement<br />

de positions clés au sein des institutions. C’est<br />

la voie qu’a emprunté Josué Ferreira, rabbin trans*<br />

exerçant dans une synagogue de Montpellier et<br />

enseignant à l’École rabbinique de Paris. Affilié au<br />

mouvement du judaïsme libéral, il a à cœur d’investir<br />

l’accueil des personnes queer au sein de sa<br />

synagogue, en « les recevant sans distinction » et en<br />

laissant ouverte la possibilité de « parler de problématiques<br />

relatives à leur identité LGBTIQ+ ». Josué<br />

Ferreira intervient également dans des associations<br />

juives de personnes concernées pour «faire<br />

des sessions d’étude sur la Torah centrées sur des<br />

thématiques LGBTIQ+». Dans cette perspective,<br />

les personnes concernées s’emparent progressivement<br />

des espaces religieux afin de reprendre la<br />

place qui leur a été arrachée.<br />

L’antenne LGBTI de l’Église protestante de<br />

Genève en est un autre bon exemple, la<br />

structure organisant « deux rencontres mensuelles,<br />

un échange thématique pour parler d’un sujet lié<br />

aux identités LGBTIQ+ et à la spiritualité et une rencontre<br />

plus récréative pour que les personnes de la<br />

communauté puissent se retrouver ». L’antenne propose<br />

par ailleurs une ligne téléphonique d’entraide<br />

pour les personnes qui ont besoin d’être écoutées.<br />

Tous insistent sur une dimension centrale de<br />

la réappropriation du fait religieux lorsqu’on<br />

est queer : la relecture des textes sous un prisme<br />

critique qui ne condamne pas leur existence. C’est<br />

ce qu’explique Jamal, prenant l’exemple de l’histoire<br />

du peuple de Lot, racontée dans le Coran : « Environ<br />

70 fois y est mentionnée la question de ce que tout<br />

le monde a appelé homosexualité. Mais ce terme<br />

en tant que tel n’existe pas dans le Coran. L’enjeu<br />

moral soulevé dans le récit du peuple de Lot, c’est le<br />

péché de la violation. Au lieu de ramener l'accusation<br />

au refus de l'hospitalité aux jeunes étrangers, au<br />

brigandage, on a accusé l'homosexualité ». Jamal<br />

évoque par ailleurs des études qu’il a menées avec<br />

des imams queer et/ou progressistes, mettant en<br />

lumière la présence dans le texte de figures qu’on<br />

considérerait aujourd’hui comme des femmes trans*,<br />

les mukhannathun, et comme des hommes trans*,<br />

les moustarjilate. Josué Ferreira abonde en ce sens :<br />

« Les personnes queer ont parfois entendu toute leur<br />

enfance des discours homophobes ou transphobes<br />

justifiés par la lecture de textes religieux. En les réinterprétant<br />

différemment, ces arguments peuvent<br />

être démontés facilement. On peut avoir une spiritualité<br />

et une autre approche des textes. Ce n’est<br />

pas incompatible ».<br />

C’est aussi le travail que propose la collective<br />

Oh My Goddess !, lequel multiplie les initiatives<br />

: le podcast Bonne Nouv·elle, qui relit les Évangiles<br />

sous un prisme féministe, des traductions modernes<br />

de textes religieux pour « donner des choses nouvelles<br />

à entendre », et enfin un livre, Dieu·e (Éditions de l’Atelier,<br />

<strong>2023</strong>), qui invite à repenser le christianisme à la lumière<br />

des questions féministes et de genre... Astrid de<br />

Chassey en est certaine : se réapproprier le message<br />

religieux, c’est déjà lutter. « Je pense à mon prof de philosophie<br />

fétiche à la faculté jésuite de Paris. Selon lui,<br />

l’Église catholique existerait pour transmettre quelque<br />

chose qu’elle n’a pas compris. Quand je lui ai demandé<br />

ce que ça commandait comme rapport à l’Église, il a<br />

répondu : de la transgression ».<br />

REMETTRE L’INTIME<br />

AU CŒUR DU DÉBAT<br />

Progressivement, les ponts se créent et les<br />

mains se tendent. « Au début, je ressentais<br />

beaucoup de méfiance, se souvient Adrian<br />

Stiefel. Du côté de l’Église, on me voyait comme<br />

un militant gai qui venait faire du lobbying au sein<br />

de l’Église, avec tous les stéréotypes que ça suscite,<br />

et de l’autre côté, le secteur associatif craignait<br />

une volonté prosélyte de ramener des personnes<br />

LGBTIQ+ à l’Église. D’un côté comme de<br />

l’autre, cette méfiance s’est levée avec le temps,<br />

cela s’est fait au fil des collaborations, en apprenant<br />

à se faire confiance. ». Astrid de Chassey, quant à<br />

elle, insiste sur l’hétérogénéité des mouvements catholiques<br />

et sur la revalorisation d’autres points de<br />

vue, lesquels sont la preuve d’« une tradition vivante<br />

et complexe », s’incarnant aussi dans des « écoles<br />

catholiques plus progressistes et plus à l’aise avec<br />

les avancées contemporaines sur les questions de<br />

genre et de sexualité ».<br />

Finalement, tous·tes·x s’accordent sur une<br />

chose : l’importance de remettre la question<br />

du sens et de l’intime au cœur du débat afin de<br />

pouvoir réconcilier les deux facettes de son identité.<br />

« La question de la foi, c’est avant tout celle du sens.<br />

La théologie, c’est l’étude du sens de la vie ! » défend<br />

Astrid de Chassey. Jamal la rejoint : « L’identité, c’est<br />

comme la foi, c’est une chose à soi. On ne peut pas<br />

nous l’enlever. Il n’y a pas de Monsieur Islam qui peut<br />

définir ce qu’est pour moi la religion. » Sans attendre<br />

ni les changements de mentalité ni l’inclusion effective<br />

des personnes LGBTIQ+ dans les lieux de culte<br />

et dans les textes saints, la révolution religieuse<br />

queer est déjà en marche.<br />

18 SOCIÉTÉ RELIGION<br />

IMAGE : MARC ASEKHAME<br />

Éléments<br />

BOLÉRO / FAUN / NOETIC<br />

Ballet du Grand Théâtre de Genève<br />

DÈS CHF 17.—<br />

Chorégraphies de<br />

Exceptionnel<br />

festival<br />

de Belcanto<br />

Trilogie_1<br />

Scénographie<br />

de Marina<br />

Abramović<br />

Éléments_1<br />

Errance<br />

initiatique<br />

avec Damien<br />

Jalet<br />

Planet [wanderer]_1<br />

Sidi Larbi Cherkaoui<br />

et Damien Jalet<br />

18 au 22 <strong>novembre</strong> <strong>2023</strong><br />

Le Ballet<br />

rencontre<br />

La Plage<br />

Outsider_1<br />

GTG.CH<br />

ro<br />

l

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