Nouvelles de Jérusalem 107 - Pâques 2024

Nouvelles de Jérusalem
Lettre aux amis de l’École biblique
et archéologique française
N° 107 - Pâques 2024
École
biblique e
archéolog
française
Jérusalem

L’ÉCOLE BIBLIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE
FRANÇAISE DE JÉRUSALEM
est une institution dominicaine de recherche fondée par le
Père Lagrange. Elle accueille, depuis 1890, des étudiants et
chercheurs du monde entier dans une atmosphère de dialogue.
Située aux portes de la Vieille ville de Jérusalem, là où la
tradition chrétienne vénère le martyre de saint Étienne,
l’École offre des conditions exceptionnelles pour étudier la
Bible au pays de la Bible :
• Un sanctuaire
• Une bibliothèque spécialisée de plus de 460 000 volumes
• Une équipe internationale de chercheurs de haut niveau
• Des visites archéologiques
• Des programmes de recherche
• Des publications scientifiques
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École biblique et archéologique française de Jérusalem
83-85 Nablus road, P.O.B. 19053 Jerusalem - secretariat.ebaf@gmail.com
École
biblique et
archéologique
française de
Jérusalem
Éditorial
« La vie n’est pas un long fleuve tranquille ». La célébrissime réplique du
film culte d’Étienne Chatiliez s’applique parfaitement à la vie à Jérusalem.
L’éducation, l’enseignement, une école n’ont, au fond, qu’une seule mission
: « Recevoir et transmettre » selon le mot du frère Poquillon, nouveau
Directeur de l’Ébaf. Au delà des écoles de pensée, une École s’honore à
se recevoir de plus loin qu’elle même et à perpétuer son idéal. Plus encore
quand cet idéal est un apostolat et non pas une carrière. Celui des Lettres
bibliques au pays de la Bible, ces « document et monument » chers au
Père Lagrange.
L’année 2023-2024 aura été une année de transition et de renouveau pour
l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. En dépit des
vents contraires et des tragédies de l’Histoire, la rentrée à été assurée,
les étudiants accueillis, les cours honorés, la liturgie tenue, les voyages
effectués, les flambeaux transmis.
Saluons ici ceux qui sont rentrés : les frères Cyrille Jalabert, Jean-Jacques
Pérennès, Benoît Vandeputte, Stanislas Gurgul, Jean-Baptiste Humbert,
Jean-Michel de Tarragon, Thomas Carrique. Rendons hommage au frère
Étienne Nodet. Ils ont écrit leurs pages d’histoire. Recevons les frères
Robert Krishna, Olivier Poquillon, Kevin Stevens, Jean-Ariel Bautza-
Salinas. De passage ou à demeure, ils écriront les leurs. Tous, serviteurs
inutiles de l’Évangile et de leur Ordre.
Ce numéro des Nouvelles de Jérusalem est empreint de la gravité du moment.
Il témoigne aussi du pari pour la vie qu’une poignée de religieux avec leurs
amis tente de vivre et de perpétuer. Ce pays, tel un sceau dans la cire, vous
marque de son empreinte. Indélébile. Paysages, vestiges, visages… Terre
d’Incarnation et de Résurrection, de toujours et à jamais.
Ad multos annos.
Fr. Benoît Vandeputte, o.p.
Rédacteur en chef
← Couverture : Vue sur la Mer morte depuis Massada.

Vie de l’École
Étudier l’Écriture en temps de guerre
Chercheur, étudiant ou professeur,
ils répondent aux questions des
Nouvelles de Jérusalem. Comment
étudier « tranquillement » alors que
la guerre fait rage à Gaza ?
Pourquoi êtes-vous à l’Ébaf depuis
début octobre ?
Dr. Nina Heereman : Ancienne
élève de l’École, j’y ai soutenu ma
thèse en 2017 sur le Cantique des
Cantiques. Après avoir enseigné
cinq ans au séminaire Saint-Patrick
à San Francisco, je reviens
à l’Ébaf en année sabbatique, que
je consacre à l’écriture d’un commentaire
sur les livres de Ruth
et Esther pour la série Catholic
Commentary on Sacred Scriptures.
Beatriz de Isasi : Je voulais pratiquer
le latin concrètement après trois ans
en lettres classiques à l’E.N.S. Je participe
au programme de recherches
de La Bible en ses Traditions.
4
Abbé Claude Otabela : Ce séjour
est comme une « retraite intellectuelle
» et spirituelle. Je prépare la
publication de ma thèse soutenue
en 2022 à la KU Leuven sur le
livre de l’Exode et j’écris quelques
articles d’exégèse biblique grâce
à la riche bibliothèque de l’Ébaf.
Fr. Dominic Mendonca, o.p. :
Professeur à l’Ébaf depuis 2014, je
donne un cours sur les É́ vangiles
de Jean et Marc. Je viens de la Province
de l’Inde. Une partie de mon
apostolat est consacrée à la nombreuse
communauté chrétienne
indienne de Terre sainte.
Quel écho le 7 octobre a-t-il eu
pour vous ?
Nina : Il m’a fallu quelques jours
pour prendre conscience de ce qui
arrivait. En voyant s’inquiéter les
Palestiniens qui travaillent ici, j’ai
commencé à comprendre.
Beatriz : Sur le coup j’étais
hébétée, sans rien pouvoir imaginer
de la suite. J’ai été saisie
d’effroi à la vue des images, et
prise d’une grande tristesse face à
la laideur du mal.
Dominic : Deux jours après mon
retour à Jérusalem, la guerre a
éclaté. Le nombre grandissant de
massacres d’innocents a suscité
en moi de la colère, puis de la
compassion et enfin une prière
suppliant que la guerre ne se transforme
en conflit mondial.
Quel impact la guerre a-t-elle sur
votre quotidien à l’Ébaf ?
Claude : Je consulte un peu plus
les informations pour comprendre
la situation. Heureusement, on
peut prier ardemment, ici, en Terre
sainte, pour demander la paix.
Je n’ai pas songé à rentrer car
on se sent en confiance à l’Ébaf.
Les frères présents depuis longtemps
nous aident à contextualiser
la situation. Tous, volontaires,
étudiants, chercheurs, professeurs,
ont la volonté de faire
famille. J’apprécie énormément la
simplicité des rapports que nous
entretenons.
Beatriz : Je n’ai pas peur pour
moi. On vit une transition historique
et l’Espérance est éprouvée.
Je vis cette guerre comme une
expérience spirituelle qui exige
de cultiver la prière et de croire
Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
en la force de cette dernière. Finalement,
la vie de pèlerin prend un
autre tour, plus intérieur.
Dominic : L’assemblée de la
communauté indienne de Tel Aviv
pour laquelle j’ai célébré six fois la
messe depuis le 7 octobre a grossi,
terrifiée par la situation. Toutes ces
personnes travaillent pour des familles
juives. En prêchant, je leur
ai rappelé que nous ne sommes pas
là pour prendre parti, mais pour
prier pour la paix et la sécurité de
chacun.
Nina : Tous les soirs depuis le 7
octobre, le chapelet avec les frères
avant les vêpres est très beau. Prier
avec une guerre qui nous entoure
rend l’Évangile vivant. On se recentre
sur l’essentiel : préserver
la paix de son cœur pour qu’il
demeure un canal de transmission
de la paix que le Christ ressuscité
a communiqueé il y a 2000 ans, au
Cénacle, à un kilomètre d’ici.
Propos recueillis par
Charlotte Desachy
Chargée de communication

Academical life
“ Roman Holiday ”
In order to study in Jerusalem,
Frère Robert, “notre frère
australien”, had to take some
exams…in Rome! A requirement
which could have put in jeopardy
by the war. Nonetheless, he
found a way to endure the pain
and assure the challenge.
My “Roman holiday” almost
never began. I was booked to fly
on October 12th to take exams
before the Pontifical Biblical
Commission in Aramaic and
Hebrew, French, and the basics
of Catholic exegesis, for a Baccalaureate
in Sacred Scripture.
The Hamas massacre on the 7th,
and the war that resulted, led to
the cancellation of my flight. So,
like many others, I had to change
flights at very short notice.
It was odd that I was flying to
Europe for a pre-planned return
trip during a conflict. On my
eventual flight on the 14th, my
fellow travellers included several
families with young and newborn
children looking to escape
the dangers of war.
In Rome, I stayed at the Angelicum
(see p. 13), where the
brethren received me with great
hospitality and friendliness. I
had planned to return to Jerusalem
soon after my exams,
but the international disruption
in flights extended my Roman
trial by a three-weeks Roman
holiday. I had to do the best of a
bad situation.
Rome is an inexhaustible city,
particularly for a Catholic. On a
wet Saturday, a friend and I went
to Ostia Antica, the ancient port
near Rome, where saint Augustine
had stayed, and where St
Monica died and was initially
buried.
Ostia is a very well-preserved
Roman city eventually abandoned
because of the shoreline
receded from it. Amongst the
treasures of Ostia are mosaics
and a variety of buildings characteristic
of the daily life of a
busy port city in late antiquity,
including several granaries,
two Christian Basilicas, a Synagogue,
and several temples to
the god Mithra or Mithrea. I was
able to say Mass at the altar at
Monica’s original burial site in
the Church of St Aurea.
In my previous trip to Rome,
I had missed seeing the catacombs.
This time I visited five,
those of Priscilla and Agnes,
near the present church of St
Agnes-Outside-The-Walls, and
Callixtus, Sebastian, and Domitilla
on the Appian Way. Apart
from the tombs, catacombs also
feature much early Christian
art, including the earliest known
depiction of the Virgin and child
(Priscilla), and the earliest depiction
of Christ as the Good
Shepherd (Callixtus). Next to
the church of St Agnes is located
also the best preserved Constantinian
church, the Mausoleum of
Santa Costanza.
Thanks to Fr Lawrence Lew OP
who also took this photograph of
me, I was able to join a private
tour of St Peter’s, including the
Capella Paolina and the Sala Reggia
with paintings by Michelangelo,
Giorgio Vasari, and others.
Apart from Rome, I also visited
Florence spending a day
between the Uffizi gallery, San
Marco, San Lorenzo, and Santa
Maria Novella, all rich repositories
of art, Milan, where St
Ambrose is buried, and Pavia,
where Saint Augustine’s relics
came to rest.
After all that, despite the war,
I still returned to Saint Etienne
in Jerusalem, because I feel at
home in the community here and
part of something worthwhile
and larger than myself. It is easier
and better to attend classes
at the École in person rather
than online, and the library is
enormous. So, while Rome was
a nice place to visit, for me,
Jerusalem is more conducive to
study.
Fr Robert Krishna OP
Student
6 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024

Bibliothèque
Le fonds de Sœur Abraham
en héritage
D’origine suédoise, luthérienne
devenue catholique, Kirsten Pedersen
vécut les cinquante dernières
années de sa vie à Jérusalem, en
ermitage, chez les bénédictines du
Mont des Oliviers.
Archéologie
Pour moi, l’École c’est...
Retour à Saint-Étienne pour l’archéologue
Laura Vié. Entre fouilles
et dépoussiérages, elle revient sur ce
qu’elle aime à l’École biblique et archéologique
française de Jérusalem.
Historienne, chercheuse, Sœur
Abraham fut une grande experte
de la présence éthiopienne à
Jérusalem. À sa mort en 2017,
les sœurs décidèrent de mettre sa
bibliothèque personnelle et scientifique
à disposition des chercheurs.
Le projet fut initié par les directeurs
du Centre Français de Recherche à
Jérusalem (C.F.R.J.) et de l’Ébaf,
à l’époque, Vincent Lemire et
Jean-Jacques Pérennès, o.p. Un
remarquable travail d’archivage
fut mené en un temps record par
Stéphane Ancel, spécialiste de
l’Éthiopie, et Lyse Baer Zerbit
(C.R.F.J), dans le cadre de la synergie
qui unit ces institutions depuis
2021 autour d’un patrimoine de
recherche commun. L’Institut français
du Proche-Orient (Ifpo) fut
aussi de la partie.
En présence de François-Xavier
Fauvelle, nouveau directeur du
C.R.F.J., de Stéphane Ancel
(C.N.R.S.-C.R.F.J.), Bernard
Ntamak, o.p., bibliothécaire, et
Amir Abdallah, bibliothécaireassistant,
ont réceptionné quatorze
cartons d’archives et sept
caisses de livres et périodiques,
soit, pas moins de 290 volumes
qui enrichissent désormais la
bibliothèque.
Frère Bernard l’affirme : « Ce
fonds, qui compte de très rares
manuscrits en langue éthiopienne,
permet d’étendre notre champ de
recherche jusqu’à Addis-Abeba, en
passant par l’Égypte. Il offre aussi
aux chercheurs des ressources
exceptionnelles sur la vie des premiers
chrétiens de Terre sainte ».
Charlotte Desachy
Chargée de communication
Ce lieu m’a fait grandir en tant
qu’archéologue. En 2013, alors
petite étudiante en Master 2, j’y
avais étudié pour la première fois
un lot de poteries, provenant des
fouilles du Notre-Dame-Center (ex
Notre-Dame-de-France à Jérusalem).
J’ai ensuite pu y passer une
année universitaire pour le début de
ma thèse dans le cadre d’une bourse
de l’Académie des Inscriptions et
Belles Lettres.
Heures passées dans les caves à
étudier des tessons par milliers, sous
l’œil pédagogue et bienveillant du
frère Jean-Baptiste Humbert, toujours
prêt à prodiguer des conseils.
J’y travaille en collaboration depuis
maintenant un peu plus de dix ans, sur
de nombreux projets archéologiques.
Pour moi, travailler à l’Ébaf a quelque
chose « d’historique » : on entre dans
la longue tradition des archéologues
spécialisés dans les pays arabes, et
des orientalistes qui s’y sont succédés,
depuis les pères Vincent, Jaussen,
Savignac et de Vaux.
Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
Nouvelles de Jérusalem N° 107 Pâques 2024
C’est aussi le « Musée », la partie
archéologique de l’école. Ce bâtiment
est une chance et une occasion
unique pour les chercheurs. Peu
de lieux de recherches permettent
d’avoir de telles conditions de travail
: des grandes tables pour étaler
le matériel archéologique, des
tables à dessin, etc. Mais aussi de
nombreuses discussions avec des
chercheurs de passage, ainsi qu’avec
les frères présents, qui permettent
souvent d’avoir un regard différent
sur ses propres recherches.
Pour moi l’Ébaf est donc ce lieu
privilégié pour l’archéologie du sud
du Proche-Orient, un lieu de formation,
de collaboration dynamique et
international.
Laura Vié
Archéologue
8 9

Vie académique
Suivre sa vocation...
Quand l’explosion de la violence
interroge la vocation du prêcheur.
Depuis mon arrivée en Terre
sainte en 2016, je suis étudiant à
l’Université hébraïque de Jérusalem.
Après un Master de « Bible
et Orient ancien » et un apprentissage
intensif de l’hébreu, je
me suis inscrit en « Talmud
et Halakhah » (loi juive). J’ai
commencé en 2020, pendant la
Covid, une thèse sur le jeûne
dans la littérature rabbinique et
chrétienne primitive (troisième
siècle de notre ère).
Quelle est la place laissée au
jeûne privé et à la liberté de
l’individu face à l’autorité religieuse
? Comment les tentatives
d’encadrement par les rabbins et
la jeune Église parviennent-elles
ou non à créer une identité et
une théologie communes ? Avec
l’accord des frères prieur et directeur,
en route pour une année
oxonienne, à « Blackfriars ».
Le but ? Terminer la thèse et
pouvoir à mon retour intégrer
l’équipe enseignante de l’École
avec tous les diplômes requis.
Le couvent d’Oxford est un studium,
c’est-à-dire un couvent
qui forme les jeunes frères de
la Province d’Angleterre. C’est
aussi un hall de l’Université
d’Oxford qui dispense des enseignements
à une quarantaine
d’étudiants chaque année. Les
journées sont rythmées par la
liturgie, du temps pour travailler
(pas de déjeuner à midi !) mais
aussi par quelques conférences.
Oxford est fidèle à sa réputation :
une ville universitaire ancienne
regorgeant de bâtiments néogothiques
et de bibliothèques
richement pourvues.
A peine étais-je installé dans
cette ambiance studieuse et propice
à l’écriture que la guerre
éclatait. Déjà les horreurs innommables
du 7 octobre qui
ont ébranlé en profondeur la
société israélienne et mes amis
juifs avec qui j’ai partagé ma
peine et mes prières ; puis la
guerre à Gaza. Envie de rentrer
à Jérusalem, d’être auprès de ma
communauté, de m’engager dans
du bénévolat en Terre sainte…
Inutilité de ces mouvements de
l’âme et du cœur troublé.
M’étant un peu ressaisi, j’ai
redécouvert le sens profond de
ma vocation dominicaine. Ni
soldat, ni politique, ni membre
d’une O.N.G., je suis un moine
qui étudie, ce que nos frères juifs
appellent un « talmid hakham »,
le « disciple du Sage ». L’étude
est notre forme de prière et notre
prédication : quand la barbarie
surgit, que nos convictions
morales sont ébranlées, il ne
reste au frère dominicain que le
pouvoir de sa pensée et de son
étude. Conserver la mémoire
vivante d’une tradition juive
et chrétienne, penser que cette
étude contribue à un monde
meilleur fondé sur l’intelligence
et l’étude de la Parole de Dieu
dans son acception la plus large.
Cette année est donc un temps
de préparation non seulement
bien sûr à l’enseignement et à la
recherche mais aussi – et surtout
– une préparation à la prédication.
Après les destructions et les
haines, le manque de confiance
dans les forces de l’esprit, j’ose
penser que les frères de l’École
dont je suis auront toute leur
place dans le travail de reconstruction
morale et intellectuelle.
Cette année est donc pour moi
le temps des semences d’un
nouveau printemps qui, malheureusement,
n’est pas encore là.
Fr. Olivier Catel, o.p.
Doctorand
10 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024

Dominican Institutions
The Master’s houses
The École biblique et archéologique
française de Jérusalem
shares with several other Dominican
institutions the peculiarity
of being, with the friars who live
there, under the direct jurisdiction
of the Master of the Dominican
Order. Lest’ have a tour.
The Leonine Commission or
College of Editors of the Works
of Saint Thomas Aquinas in
Paris is a group of scholars
whose task is to edit the complete
works of Thomas Aquinas
(1226 c. – 1274). In 1879, Pope
Leo XIII sponsored the idea and
financed the Institution. The
friars named it after him: “Commission
Léonine”. It is nowadays
part of the “Carré Glacière” in
Paris, a compound which includes
the Saint-Jacques priory,
the library-Bibliothèque du
Saulchoir, Le Jour du Seigneur,
the catholic weekly program
on TV for the Catholic church
in France created by the friars
in 1948; and the Istina Institute
dedicated to œcumenical studies.
► www.commissio-leonina.org
↑ Fr Gerard Francisco Timoner III, OP,
Master of the Dominican order since july 2019.
The Historical Institute of the
Order of Preachers in Rome
(Institutum Historicum Ordinis
Praedicatorum) was established
in Rome in 1930 by the French
friar Martin Stanislas Gillet,
Master of the Order. Its mission
is to study the history of the Order
and to present the results of
its research in scientific publications,
lectures, etc.
► www.op.org
The Angelicum in Rome was established
in 1222 as a Dominican
studium conventuale. Nowadays
it is a pontifical university which
stresses the unity of faith and
reason. Students, professors,
and staff share in Dominican
study, prayer, community and
preaching.
The distinctively pedagogical
character of the Dominican apostolate,
as intended by Saint
Dominic at the birth of the Order,
the first order instituted by
the Church with an academic
mission, is succinctly expressed
by the Order’s mottos, “Contemplare
et contemplate aliis
trader”, (to contemplate and to
bear the fruits of contemplation
to others). Its present church,
Saint-Dominic-and-Saint Sixtus,
was built in 1569 by Pope Saint
Pius V (1566-1762), himself a
Dominican.
► www.angelicum.it
The Albertinum in Fribour,
Switzerland. The Dominicans
have been present in Fribourg
since 1890. In response to an
invitation from the founders of
the local University, the Master
of the Order sent professors there
from different Provinces to teach
philosophy and theology. They
bought the buildings of the old
Hôtel de Fribourg to make it the
residence of the professors and a
theological convict.
It is till nowadays the current
priory of Saint-Albert-the-Great,
aka Albertinum near the Misericordia
University.
► www.albertinum.org
Fr. Benoît Vandeputte, o.p.
Rédacteur en chef
12 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
13

Bible
Un séjour bouleversé
Jeune profès solennel, professeur
de Lettres, frère Thomas Carrique,
du studium de Lyon, est arrivé
deux semaines avant la guerre
et y a passé un semestre académique.
Sa mission ? Collaborer
au programme de la Bible en ses
Traditions.
Qu’étiez-vous venu chercher en
Terre sainte ?
Une plus grande proximité avec
la Parole de Dieu. J’étais là pour
scruter la Bible et la gloser dans le
cadre d’un travail pour la Bible en
ses Traditions. Nous développons
l’application BibleArt, qui éditera
entièrement une nouvelle traduction
française de la Bible latine
de saint Jérôme, la Vulgate. Elle
sera accompagnée d’une armada
de notes magnifiques sur l’histoire
de la Bible, et sur toute son influence
en Occident dans les arts,
la culture, sur les liturgies juives,
chrétiennes. C’est gigantesque.
Comment la guerre a-t-elle
changé votre vie ?
Les larmes que j’ai déjà pu verser
face à tous ces morts, à cette
haine que l’on voit à l’œuvre, et
qui trouvent leur écho dans le
monde entier...
Ici, la Bible vous rattrape nécessairement.
Elle vous « saute au
visage » si j’ose dire. Quand
on la lit, quand on chante les
psaumes plusieurs fois par jour
en communauté, ou encore par
la toponymie des lieux. Imaginez,
je voyais le dôme du Saint-
Sépulcre depuis ma fenêtre !
Chaque nuit, la croix à son sommet
brille dans l’obscurité. La
foi et l’histoire du salut sont au
cœur du quotidien.
Avec cette guerre terrible, je
mesure à quel point la Parole
de Dieu est absolument vivante,
vraie, nécessaire : à quel point
elle vient à notre secours. Tout
résonne ! Que ce soit dans l’ordre
de l’espérance, de la joie malgré
l’épreuve, ou dans la désolation
la plus totale. Dieu met sur nos
lèvres les mots que nous avons
déjà confusément sur le cœur.
Et cela nous sauve. Je crois que
c’est vraiment le même Christ
qui nous sauve, celui qui est mort
pour nous tous là-bas, à un quart
d’heure à pied de mon couvent,
à une époque pas si lointaine ; et
celui qui me parle aujourd’hui
par les Écritures, par son Esprit.
C’est Lui qui sauve, et comme je
voudrais que tous, dans ce pays,
soient illuminés par Lui...
Et puis il y a le chapelet, le Rosaire
que nous nous sommes mis
à prier ensemble au couvent, étudiants
et frères, pour les victimes
et pour la paix, chaque soir à 19
heures. C’est un moment bienfaisant
et grave.
Qu’aimeriez-vous dire à ceux
qui prient pour la Terre Sainte ?
« Paix sur Israël ! ». C’est ce que
le Christ a dit avant sa mort :
« Je vous laisse la paix, je vous
donne ma paix ». Il y a toujours
beaucoup de raisons de faire
la guerre, le meurtre appelle le
meurtre...
Vienne la paix de Dieu, pas la
vengeance des hommes. « Justice
et paix s’embrassent » lit-on
au psaume 84. Pas « justice et
vengeance », ni « vengeance et
paix ».
Propos recueillis par
Fr. Benoît Vandeputte, o.p.
Rédacteur en chef
Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
14 15

Œcuménisme
Le long temps sabbatique
de deux passionnés de la Terre sainte
Rencontre avec Dr. Michaela
Bauks et Wolfgang Hüllstrung, un
couple de luthériens allemands
en période sabbatique à l’Ébaf du
1 er octobre au 20 décembre.
Elle, est professeur d’Ancien
Testament et d’histoire des religions
à l’Université de Coblence.
Lui, est pasteur de l’Église protestante
d’Allemagne, chargé
des relations judéo-chrétiennes
ainsi que de la formation continue
dans ce domaine pour les
pasteurs.
En 2019, Michaela avait déjà
passé un mois à l’Ébaf. Depuis,
elle est devenue la collaboratrice
du programme de recherche de la
Bible en ses Traditions.
Wolfgang, lui, dédie son semestre
sabbatique à un projet de recherche
dans le cadre de Studium
in Israel, une association
allemande organisant des séjours
étudiants sur le judaïsme, à
Jérusalem. Son projet est focalisé
sur la perception des Israéliens
sur les chrétiens et sur le christianisme.
Impliqué dans les relations
entre l’Église protestante
d’Allemagne et des institutions
chrétiennes œuvrant en Terre
sainte, il vit tout particulièrement
l’impact de la guerre. Pour lui, depuis
le 7 octobre, les événements
ont renforcé la valeur d’une com-
munication à la fois auprès de
ses interlocuteurs israéliens et
palestiniens.
Pour ce semestre qu’elle consacre
à la rédaction d’un commentaire
exégétique des chapitres un à
onze de la Genèse, Michaela a
de nouveau choisi l’Ébaf et son
« excellente bibliothèque ». Elle
fit l’honneur d’une conférence
donnée aux Jeudis de L’Ébaf,
le 14 décembre dernier, sur
la « chute » de Caïn et le mal
inévitable dans l’histoire primordiale
(Gn 4, 1-16).
Ici, Michaela reconnait « être
impressionnée de rencontrer
en personne les grandes figures
qu’elle découvrit, comme jeune
chercheuse. Et de mentionner
Jean-Baptiste Humbert, Émile
Puech, Étienne Nodet et Jean-
Michel de Tarragon.
Ses journées s’égrennent principalement
dans la bibliothèque
mais elle apprécie aussi être
« encadrée par les laudes, les
vêpres et les repas en communauté
ainsi que les sorties avec
les étudiants ». Si Michaela et
Wolfgang sont restés malgré la
guerre, c’est parce que l’Ébaf
leur a offert un cadre serein et
solidaire, et des temps de prière
fervents.
En tant que protestants au cœur
d’un couvent dominicain, Michaela
et Wolfgang ont « à cœur
de s’adapter sans se trahir »
(Michaela). « Ici, s’est ouvert
un portail plus intérieur sur le
catholicisme, auprès de croyants
authentiques et réfléchis » (Wolfgang).
Pour ce dernier, comme pour Michaela,
la force de l’Ébaf réside
dans « son grand projet : faire
tenir deux mondes en harmonie ;
la recherche scientifique d’excellence
et la spiritualité chrétienne,
dans un environnement pluriel
avec des étudiants, des prêtres,
des chercheurs reconnus, des
jeunes et vieux moines... ».
De la bibliothèque aux conférences
publiques, en passant
par les longues discussions au
réfectoire et les cinéclubs des
étudiants, ils se mêlent à merveille
à la vie de la maison qui
sera désormais un passage obligé
lors de leurs prochaines visites en
Terre sainte.
Charlotte Desachy
Chargée de communication
16 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
17

Testimony
Standing by the Cross of the Lord
On his return to France, frère
Benoît Vandeputte offers a meditation
on the three years he spent
in the Holy Land.
In a priory founded close to
Damascus gate and the walls
of Jerusalem, on the traditional
spot of Saint Stephen’s martyrdom,
live 24 friars students,
professors or staff, and as many
researchers and students, lay
people, priests or nuns. There,
in one of the most fabulous
libraries, 460,000 volumes are
stored. This is a place unique in
the Holy Land: welcome to the
École biblique et archéologique
française de Jérusalem, aka Ébaf
(French Biblical and Archeological
School aka Ébaf).
Our forefathers had a fine motto,
which they repeated proudly
and…boldly: “Rapprocher le
document du monument”. In
other words, study the biblical
texts in the land they arose.
When he wrote these words, Father
Marie-Jopseh Lagrange was
positioning the emerging Ébaf in
the -sometimes fierce- debates
and battles of his century. Who
would have the last word? Reason?
Faith? Science?
Everyone wants to explain the
world! But…was it created in
seven days? Did the Hebrews
spent 40 years in the desert before
entering the Promised Land? Did
Jonah rest for three days in the
belly of the whale? Because it
would seem there is no sea anywhere
near Nineveh, no trace of
the long wandering of thousands
of exiles-refugees in the Sinai desert,
and the Big Bang happened
somehow. We were going to have
to learn to read the Word of God
differently, see the Bible through
different lenses.
Great things were to come from
these scientific and religious
challenges, and from the prayers
on the spot: The adventure of
the Jerusalem Bible, the epic
of Qumran and the Dead Sea
Scrolls, and today the constellation
of digital projects born
out of the Bible In its Traditions
project, with its latest addition:
BibleArt. Here is a new software:
an application-guide to
the Scripture, to the Holy Land
and to our culture…freely accessible:
une révolution !
Living in the Holy Land is a
privilege. It comes at a high
price. In these tragic days, few
voices refuse to choose between
Israelis and Palestinians who
are at each other’s throats. We
must dare to associate ourselves
with such voices refusing to
choose, being well aware of the
lack of justice and of the denial
of “the other”.
This could be the motto of our
School for our times: “To stand
by the cross of the Lord” as one
of our younger friars puts it.
Indeed, in the Holy Sepulchre,
we THINK that THE tomb is
there, we BELIEVE in the Resurrection…
We KNOW what
happened on the Golgotha.
Is there any better place to live
than close to where we know
our Saviour died and rose from
the dead ?
Fr. Benoît Vandeputte, o.p.
Rédacteur en chef
18 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
19

Portrait
L’interim bouleversé du frère Anthony
Le Frère Giambrone, directeur
adjoint, a piloté et assuré la
rentrée 2023 dans l’attente du
nouveau directeur, le frère Olivier
Poquillon. Mission accomplie
en dépit des circonstances
éprouvantes.
Sphinx hiératique ou aigle majestueux
? Il y a du mystère dans cette
figure que beaucoup admirent.
L’éclat d’un regard sombre, un
chef noir de jais, un profil sigillaire
: il y a du Carlo Maria Giulini,
le maestro italien, chez cet
homme là. Les Giambrone ne
sont-ils pas italo-américains ? Le
grand-père débarqua en Normandie.
Avec une mère montréalaise,
frère Anthony est un Américain
de l’Est très international et parfait
polyglotte. Pourtant, il le
reconnait, il vécut une double
expatriation : « l’École biblique
est un îlot français dans un pays
compliqué » ...
Malgré un naturel discret et
confiant, il témoigne franchement
: « Si j’avais un conseil
à donner ? Ne jamais accepter
d’être directeur par interim pendant
une guerre ! ».
Sa responsabilité fut d’assurer
la vie académique de l’École,
en libérant des considé́rations
sécuritaires afin de permettre
à chacun de travailler. Mission
accomplie pour un jeune directeur
doté d’une impavide force
tranquille.
Ce fils de l’Ohio évoque encore
avec émotion son arrivée des
États-Unis en février 2016. Depuis,
il nourrit ses innombrables
travaux en exégèse biblique du
genius loci de la Terre sainte.
Très vite, après sa soutenance de
thèse, son provincial l’appelle
et lui apprend son assignation
à Jérusalem par le Maître de
l’Ordre. « Surprise quasi totale,
confie-t-il, mais, pour un bibliste,
c’est un honneur, un privilège. En
outre, j’ai une dévotion profonde
pour le Père Lagrange alors je
suis extrêmement reconnaissant
envers Dieu ».
Sa vocation de chercheur, « vocation
dans la vocation », insistet-il,
se dessine alors qu’il rejoint
les dominicains en 2003, après
avoir étudié comme séminariste
pour le diocèse de Cincinnati.
D’un air espiègle, il explique son
cheminement jusqu’à la théologie
biblique grâce à une « histoire
drôle ». Pendant ses études, le
premier cours est donné par un
« dominicain robuste, juif russe
converti, vétéran du Vietnam, un
monstre intellectuel de Harvard ».
À la lecture de son premier travail,
ce dernier veut le voir. Frère
Anthony se souvient : « J’étais
terrifié ». Verdict ? Il choisira Anthony
pour successeur et l’enverra
faire des études bibliques. « La
seule chose que je devais faire : ne
pas dire non. Ce n’était pas mon
choix, mais je l’ai embrassé ».
La suite de l’histoire est ponctuée
par une licence canonique de
théologie en langues sémitiques,
puis en science biblique, un doctorat,
« Christianity and judaism
in antiquity ». Couronné du prix
Alexander von Humboldt Fellow
de la Ludwig-Maximilians-
Universität de Munich, il est
l’auteur de nombreuses publications,
dont la dernière : The Bible
and the Priesthood: Priestly Participation
in the One Sacrifice for
Sins (Grand Rapids, MI, Baker
Academic - 2022).
Dans une autre vie, il aurait sans
doute été franciscain du Bronx,
ou se serait passionné pour
Dante, l’italien et la littérature.
Aujourd’hui il confie qu’il rêve
d’une vie en trois actes : professeur
à l’École biblique, missionnaire
demain, et chapelain
de moniales un jour...
Fr. Benoît Vandeputte, o.p.
et Charlotte Desachy
20 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
21

Événement
L’École biblique sur Seine
Événement
Radio France Internationale
pose ses micros chez les dominicains
À l’initiative de l’Association des
Amis de l’École biblique et archéologique
française de Jérusalem, les
Bernardins, ont accueilli l’Ébaf à
Paris, à l’automne dernier.
Samedi 21 octobre dernier, une journée
de conférence et de colloque
s’est tenue sous le titre « La Bible
au pays de la Bible » au Collège des
Bernardins, à Paris. Tandis que la
Terre sainte était déjà plongée dans la
guerre depuis le début du mois, cette
rencontre a raisonné d’un écho particulier.
Faisant salle comble dans les
deux amphithéâtres, la journée s’est
déroulée dans une ambiance grave et
chaleureuse à la fois, mêlant dialogue
et érudition.
Après les conférences des frères
Olivier-Thomas Venard, sur l’importance
des Écritures au pays de la
lettre même, et Olivier Catel, sur le
renouveau contemporain des études
juives, frère Olivier-Thomas reprit la
parole. Et de conclure sur la question
de la réception interconfessionnelle
et interculturelle de la Bible. Il a
souligné combien l’expérience de
cette Parole est performative en Terre
sainte, citant la liturgie juive de Souccot
ou les Chemins de croix le long
de la Via Dolorosa, le Vendredi saint.
À titre de petites capsules dynamiques,
nous avons pu, Léo Dérumaux
et moi-même, prendre un
instant la parole en tant que directeur
général et rédacteur en chef de
l’association PRIXM-Bernardins,
pour dire notre joie. Joie d’écouter
nos amis dominicains de passage à
Paris, joie de constater que les gradins
étaient pleins, joie de voir réunies
en une même occasion les deux
“mamelles” de PRIXM, fondée en
2016 à Jérusalem, et dont l’histoire
se poursuit avec les dominicains mais
aussi avec le Collège des Bernardins
depuis 2021.
Dernier temps de cette belle aprèsmidi,
la table-ronde sur saint Jérôme
a sans doute été le plus délicieux
sommet d’érudition. Pierre Assouline
(de l’Académie Goncourt), Olivier
Munnich (professeur émérite à la
Sorbonne) ont régalé l’assemblée.
Thomas Costrel
Rédacteur en chef de PRIXM
Quand les médias sollicitent l’École
alors que la guerre éclate.
Samedi 7 octobre 2023, Israël subit
l’une des pires attaques de son histoire.
1200 personnes (en majorité
des civils) sont tuées par des commandos
du Hamas infiltrés sur le
territoire de l’État hébreu. En représailles,
l’armée israélienne « ouvre
les portes de l’enfer à Gaza ». Un
déluge de bombes s’abat sur l’enclave
palestinienne, faisant deux fois
plus de victimes gazaouies en une
dizaine de jours.
Face à l’ampleur historique du
drame, R.F.I. bouleverse ses programmes
et décide de délocaliser
son antenne à Jérusalem le 20
octobre, pour être au plus près des
événements. Et donner la parole
la plus directe possible, aux Israéliens
et aux Palestiniens. Mais c’est
un véritable défi. De la colère, de
l’émotion, des traumatismes…
Comment et où recueillir ces paroles
? L’Ébaf apparaît alors comme
une évidence, au cœur d’une ville
divisée en deux, à l’image des
sociétés qui y habitent. Seul lieu,
suffisamment neutre et géographiquement
central, à cheval entre
l’Est palestinien et l’Ouest israélien
de la Ville sainte.
22
Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
Les frères nous ouvrent grandes
leurs portes. Et grâce à la bienveillance
de ses communautés religieuses
et intellectuelles, les uns et
les autres, chacun à leur tour, ont pu
témoigner de leur douleur.
Une vingtaine d’invités israéliens
et palestiniens. Experts, spécialistes
des deux sociétés se succédèrent
au micro. Mais aussi de simples citoyens
et des victimes de cette nouvelle
guerre. Trois heures d’émission
spéciale, qui s’achèveront à midi
(heure de Jérusalem), au son des
cloches de la basilique de Saint-
Étienne.
Sami Boukhelifa
Correspondant de RFI au Proche-Orient

Topographie
La Galilée contre vents et marées
Alors que la guerre éclate et que la
violence menace partout, comment
mener une vie académique à la fois
exigeante…et prudente ?
Le déclenchement des combats le
7 octobre 2023 a introduit dans
notre quotidien, à nous étudiants,
volontaires et chercheurs nouvellement
installés à Jérusalem, une dimension…
inattendue et tragique.
Néanmoins, en accord avec le
Consulat général de France à Jérusalem,
l’École a promptement
réagi afin de préserver des conditions
d’études sécurisantes et satisfaisantes,
en nous offrant, entre
autres, un enseignement sur le terrain.
Et en nous permettant de nous
rendre une semaine en Galilée.
En effet, dans le cadre des cours
de topographie dispensés par le
frère Yunus Demirci, des visites
archéologiques ont été maintenues
dans le pays et ses alentours. En
tant qu’étudiante en archéologie,
bénéficiaire de la bourse d’études
archéologiques de l’Académie
des Inscriptions et Belles Lettres
(A.I.B.L.), ces cours dispensés sur
le terrain étaient une vraie motivation,
pour ne pas dire la motivation
à ma venue dans ce pays. Ils nous
offrent la possibilité d’arpenter et
d’étudier la région, permettant une
compréhension pratique et unique
des sites archéologiques et de leur
organisation, au-delà de la simple
théorie. Ainsi, ce voyage d’étude
en Galilée comptait beaucoup pour
nous, tant du point de vue archéologique
que pour la découverte des
sites liés à l’histoire biblique.
Loin d’être de tout repos, ce périple
nous a donc menés de Megiddo à
Tabgha, en passant par Nazareth et
Capharnaüm ; en cinq jours, nous
avons parcouru une vingtaine de
sites archéologiques, des vestiges
d’églises et de synagogues autour
du lac de Tibériade. Dans le contrat
du voyage d’études, nous, étudiants,
devions présenter au reste
du groupe un site choisi en amont,
selon nos intérêts.
Pour ma part, j’ai pris plaisir à
guider mes camarades à travers les
ruines de Megiddo. Bien que ce site
revête une importance certaine dans
l’histoire biblique, j’ai néanmoins
choisi de le présenter à travers le
filtre de mes études d’archéologie
sur l’émergence de l’urbanisation
du Levant. Cette approche a pu offrir
aux autres étudiants une vision
renouvelée et moins théologique.
Sa situation géographique et sa stratigraphie
importante en font un cas
d’étude qui s’insère parfaitement
dans mon champ de recherche. Ou
comment appliquer mes connaissances
théoriques à une étude pratique
du terrain.
Cette première expérience en tant
que guide s’est révélée particulièrement
positive et concluante,
au point que le frère Yunus me
proposa de la reproduire. Restant
toute l’année, j’espère avoir bientôt
l’occasion de présenter ce site
passionnant à d’autres groupes !
Quel enrichissement ! Tant sur le
plan intellectuel que social : nous
avons pu souder des liens qui ont
dépassé les frontières du milieu
académique pour sceller de véritables
amitiés. Nous tenions pour
cela à remercier l’ensemble du
Conseil de l’École de nous avoir
permis de vivre cette semaine en
Galilée. Merci à lui !
Charlotte Damanio-Boulland
Boursière de l’Académie des
Inscriptions et Belles Lettres
Déléguée des étudiants
24 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024

Consécration
Va, vers la montagne
que je te montrerai (Gn 12,1-5)
Le 7 décembre 2023, après bien des
vicissitudes, Marie-Reine Fournier
a prononcé sa consécration dans
l’Ordre des vierges dans les mains
de sa Béatitude Pierbattista, Cardinal
Pizzaballa, o.f.m., Patriarche
latin de Jérusalem. Un immense
moment de joie pour elle et pour
tous.
Quand Abraham quitta Ur et se mit
en route, il ne savait pas exactement
où il allait mais il savait qui il suivait.
Suivre le Christ est une aventure
pleine de surprises. Dans mon cas,
qui aurait pu croire que cela me
conduirait à Jérusalem ? Je n’en
avais pas pris la direction mais, dès
le début, Dieu la pointait du doigt.
Une terre en héritage
La Terre sainte est venue à moi avant
même que je ne pense à la visiter.
Tout commenca en 2003, le jour
de ma vêture, quand mon frère et
ma sœur, tout juste rentrés de leur
pèlerinage, me rapportèrent un message
de là-bas : « Aujourd’hui, les
sœurs clarisses de Nazareth prient
pour toi ». La Terre sainte venait de
frapper à ma porte et par la prière je
la rejoignais. Ne pensant pas voir, un
jour, les lieux saints de mes propres
yeux, c’est dans une bibliothèque
que je fis mon premier pèlerinage
en parcourant les livres de ceux qui
y avaient vécu. J’étais passionnée
par les écrits du père Lagrange, les
dernières découvertes archéologiques
; je me repérais avec les atlas
bibliques et écoutais les récits des
pèlerins de la Bible sur le Terrain.
Terre de la rencontre
Connaitre la Terre sainte de l’extérieur
est un début mais la connait-on
vraiment tant qu’on ne l’a pas vue,
entendue, touchée ? Il me fut donné
de m’y rendre par trois fois. Ce fut
d’abord un pèlerinage d’une semaine
avec mes parents, puis un deuxième
de quinze jours à l’invitation de ma
sœur ; enfin, je revins trois mois en
2019 à la demande d’un frère dominicain
pour travailler à la rédaction
du Dictionnaire Jésus. Trois séjours
intenses en découvertes, rencontres
et grâces reçues. Parce qu’ici le
Verbe s’est fait chair, la terre rend
présent son passage. Quotidiennement
il est possible d’aller s’unir aux
souffrances du Christ à Gethsémani,
d’écouter ses enseignements au bord
du lac, de se placer au pied de la
croix au Golgotha. Tous les jours,
c’est Noël à Bethléem et Pâques à
l’Anastasis. Parce que c’est la terre
de l’Incarnation, ici plus qu’ailleurs,
se réalise La rencontre : celle avec
Dieu et celle avec l’Homme.
Terre de combat
Rencontre qui n’est pas toujours
paisible : comme Jacob en a fait
l’expérience elle devient souvent
combat, même quand il s’agit de
Dieu. Combat intérieur d’abord pour
faire grandir en nous le Christ, Combat
extérieur aussi, hélas, à chaque
fois que nous ne voyons plus dans
les hommes qui vivent à nos côtés,
les frères que Dieu nous a donné à
aimer. De cette terre trop souvent
ensanglantée, un cri s’élève encore
aujourd’hui, pareil à celui d’Abel.
Ce cri je l’ai entendu un jour de la
bouche d’un jeune dans la vieille
ville : « I need love ».
Terre de feu
« Je suis venu jeter un feu sur la
terre » (Lc 12,49) avertissait Jésus.
Le feu de l’Amour, descendu ici à
la Pentecôte sur la première communauté
chrétienne, doit brûler plus
intensément encore aujourd’hui dans
le cœur de l’Église-Mère pour pouvoir
éclairer et réchauffer l’humanité
plongée dans les ténèbres. Par
mon travail, depuis trois ans, pour
la Bible en ses Traditions, j’espère
contribuer, avec l’École, à la diffusion
dans le monde de la lumière de
la Vérité.
Par ma consécration dans l’Ordo
Virginum reçue lors des vigiles de
l’Immaculée Conception, je rejoins
l’Église de Jérusalem et ses veilleurs
qui, dans la nuit, du haut des
remparts, tiennent leurs lampes allumées
; rappelant ainsi au monde que
« l’amour est fort comme la mort »
(Ct 8,6) et que la nuit finira quand
l’époux sera là.
Sr. Marie Reine Fournier
Ordo Virginum
26 Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024

In memoriam
Frère Étienne Nodet, 1944-2024
Les frères dominicains et les
membres de l’École biblique
et archéologique française de
Jérusalem saluent la mémoire
du frère Étienne Nodet, o.p.,
décédé le 4 février 2024 à
Jérusalem.
Né en 1944 à Bourg-en-Bresse,
ville natale du père Lagrange,
son entrée chez les dominicains
en 1967, puis son arrivée
à l’École en 1977, semblaient
s’imposer. Polytechnicien, doté
d’une maîtrise en philosophie et
en théologie ainsi que d’un BA
en Talmud, le frère Étienne était
un esprit brillant et polymathe.
Au noviciat à Lyon, il découvre
l’exégèse biblique qu’il part
approfondir à l’Université
hébraïque de Jérusalem en 1974.
Il rejoint la maison Saint-Isaïe
de la Province dominicaine de
France, à l’ouest de la ville.
C’est là qu’il étudie la société
israélienne, et se passionne pour
l’histoire du judaïsme antique.
Étienne s’attaque à son œuvre
majeure : traduire, contextualiser,
expliquer et annoter les
Antiquités juives de Flavius
Josèphe. Inspiré par la
littérature rabbinique, il a
été l’un des premiers à vouloir
réinventer la manière
d’éditer la Bible, convaincu
de la richesse d’une lecture
comparative des différentes
sources bibliques et de leur
réception.
Cette intuition inspire aujourd’hui
le programme de recherche
de la Bible en ses Traditions.
Esprit déconcertant et provocateur,
il ne s’interdit jamais
d’explorer de nouvelles voies,
des Samaritains aux Esséniens,
en passant par une nouvelle
traduction de la Bible. Bourreau
de travail et extrêmement
rigoureux, tous se souviennent
d’Étienne comme d’un homme
original et passionné.
Arrivant à l’Ébaf, il reçoit la
charge des visites topographiques
et sillonne le pays à
bord de sa Jeep à travers
désert et pistes abandonnées
pour faire découvrir les sites
archéologiques et bibliques.
Visionnaire à bien des égards,
il fut le premier à l’Ébaf à utiliser
un ordinateur portable pour
prototyper un nouveau clavier
contenant toutes les variétés
28 29
Nouvelles de Jérusalem - N° 107 - Pâques 2024
de symboles possibles et imaginables.
Il permit ainsi aux
étudiants et chercheurs de
rédiger en grec ancien !
« Je lis l’Écriture dans la foi »,
disait Étienne à sa communauté.
Exégète historico-critique, il
vécut jusqu’au bout la tension
entre l’aridité de la raison et son
témoignage d’un “Dieu vivant”.
À travers son engagement de
frère prêcheur auprès du chemin
néocatéchuménal et son travail
au sein de l’institut Ratisbonne,
il témoigna de sa profonde
humanité.
Le couvent Saint-Étienne et
l’École biblique et archéologique
française rendent hommage à
Étienne Nodet, un esprit libre,
exigeant, et plein d’humour. Il
mit toute son énergie et son temps
pour vivre la parole de Dieu et la
transmettre à des générations
d’étudiants. Sa mort soudaine
laisse un vide immense au sein
du monde de la recherche.
Propos recueillis auprès de Marc
Leroy, o.p., d’Augustin Tavardon,
o.c.s.o., et de l’abbé Émile Puech
par Émeline d’Hautefeuille
Chargée de communication

Volontariat
De Nestlé à l’Ébaf
Charlotte Desachy termine une mission
de chargée de communication
qu’elle a brillamment menée à Saint-
Étienne. Envoyée à Jérusalem par
Dom&Go, le service missionnaire de
la Province dominicaine de France,
elle revient sur son expérience.
Après deux ans d’apprentissage
en e-commerce chez Nescafé, il
me faut valider une expérience à
l’étranger qui achèvera mon master
à l’Essec. Me voici donc, depuis le
6 septembre 2023, chargée de communication
à Jérusalem !
Un bagage littéraire, l’appel de
l’Autre, et la soif de grandir, m’ont
sans doute menée jusqu’ici. Je
voulais me mettre au service d’une
organisation où je vivrais un fort
décentrement culturel, intellectuel,
et spirituel. C’est avec admiration
que j’ai découvert les dominicains
de Jérusalem. Ils ont ceci d’absolument
extraordinaire qu’ils préservent
un écrin de fraternité et de
contemplation éclairée, au cœur
d’une terre déchirée.
À l’Ébaf, entre Orient et Occident,
ma mission consiste à rencontrer
les chercheurs de passage, valoriser
la vie intellectuelle qui remonte
des tréfonds de la bibliothèque,
rendre compte des explorations
archéologiques... Les occasions de
nourrissant partages avec les chercheurs,
étudiants et amis de l’École
ne manquent pas.
Depuis le 7 octobre, la mission est,
bien sûr, marquée par la gravité. Je
me suis malgré tout sentie en sécurité
chez les frères, dont la plupart
3
sont - malheureusement - aguerris
par les nombreuses crises qui
marquent la région. Mais quel choc,
pour moi qui ne connaissait rien à la
guerre ! J’ai pourtant célébré Noël
en la basilique de Bethléem. Làbas,
on sent le conflit de bien plus
près. Mon regard sur tous ces événements
est encore très naïf. Alors,
j’observe. Et je fais tout mon possible
pour cultiver la paix et la joie
là où je suis, dans une Jérusalem
triste mais épargnée par la violence.
Ici se joue une conversation dans
l’altérité avec le divin et la sagesse
des hommes. Pouvoir me mettre à
l’écoute et apprendre de tous ceux
que je rencontre ici et qui sortent
complètement de mon cadre de
référence est, peut-être, le plus beau
cadeau de cette mission.
Charlotte Desachy
Chargée de communication
Nouvelles de l’École et des anciens élèves
À la demande du Chapitre provincial
de Suisse, le Maître de l’Ordre,
le frère Gerard Francisco P. Timoner
III, o.p., par décret en date du
15 septembre 2023, a conféré au fr.
Jean-Michel Poffet, o.p. (Directeur
de l’Ébaf 1999-2008), le rang
et la dignité de « Maître en Sacrée
Théologie ». Ce titre est conféré
par l’Ordre des Prêcheurs à ceux
de ses membres qui ont apporté
une contribution remarquable aux
sciences théologiques.
Isabelle Lemelin (Ébaf 2021-22),
a publié sa thèse de doctorat : À
l’origine des femmes martyres.
La mère de 2 Maccabées 7, (Judaïsme
Ancien et Origines du
Christianisme, 24), Turnhout,
Brepols, 2022.
Xavier Lafontaine (Ébaf 2020-
21), vient de publier sa thèse de
doctorat : Hellénisme et prophétie.
Les Oracles sibyllins juifs et
chrétiens (Semitica et Classica.
Supplementa, 4), Turnhout, Brepols,
2023.
Raphaëlle Ziadé (Ébaf 1992-93),
a reçu la « mention spéciale »
du jury du 12 e Prix littéraire de
L’Œuvre d’Orient 2023 pour son
livre L’Art des chrétiens d’Orient.
De l’Euphrate au Nil, Paris, Éditions
Citadelles & Mazenod, 2022.
Le 21 Septembre 2023, Osório
Citora Afonso, I.M.C. (Ébaf
2010-11), a été nommé évêque
auxiliaire de Maputo, au Mozambique.
Le fr. Benedict T. Viviano, o.p
(1940-2023), est décédé,
à l’âge de 83 ans, le 24 Mai
2023. Né le 22 Janvier 1940,
il entra chez les dominicains,
dans la Province Saint-Albertle-Grand
(Chicago), en 1959 et fut
ordonné prêtre en 1966. Il fut professeur
de Nouveau Testament à l’Ébaf
de 1984 à 1995. Il termina sa carrière
de professeur à l’Université de Fribourg,
en Suisse, de 1995 à 2011. Il
était spécialiste de l’évangile selon
saint Matthieu.
M gr Marcel A. Gervais (1931-
2023), archevêque émérite
d’Ottawa au Canada, est décédé,
à l’âge de 92 ans, le 6
Août 2023. Né le 21 Septembre
1931, ordonné prêtre pour le
diocèse de London (Ontario) en 1958,
il fut étudiant de l’Institut Biblique de
Rome (1959-1960) et à l’Ébaf (1960-
1961). Ordonné le 11 Juin 1980 pour
être évêque auxiliaire de London
(Ontario), il devient cinq ans plus
tard évêque de Sault-Sainte-Marie,
puis archevêque d’Ottawa en 1989.
Il était émérite depuis 2007.
30 Lettre aux amis de l’ÉBAF - N° 95 - Printemps 2018
Quatrième de couverture : Étudiants lors du voyage d’études en Galilée, Hippos, ville de la Décapole.
→

Étudiants, frères, chercheurs et volontaires,
l’École biblique et archéologique française de Jérusalem
vous souhaite de paisibles fêtes de Pâques.
NOUS SOUTENIR
École biblique et archéologique française de Jérusalem
83-85 Nablus road, P.O.B. 19053 Jerusalem - secretariat.ebaf@gmail.com
École
biblique et
archéologique
française de
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