skilled 1-24 Lieux de formation

skilled
N°1
2024
La revue de la Haute école fédérale en formation professionnelle
Lieux de formation

skilled 1/24
Éditorial
Trois constantes dans un
domaine en évolution
PROCÉ
DURES DE QUA
LIFICATIONsous
la loupe
Journée nationale
L’Observatoire suisse de la formation professionnelle
OBS HEFP présente son nouveau rapport de tendance.
17.09.2024, Casino de Berne
Le conseiller
fédéral
Guy Parmelin
remet le prix
ENTERPRIZE 2024
NOUVEAU : catégorie
internationale
Cher lecteur, chère lectrice,
L’entreprise, l’école professionnelle et
les cours interentreprises sont les trois
lieux entre lesquels évolue toute personne
effectuant un apprentissage
classique en mode dual, et ce sont aussi
de véritables piliers de la formation
professionnelle en Suisse.
Or c’est justement là que l’on rencontre
un défi majeur : lorsque théorie
et pratique sont bien imbriquées dans
l’apprentissage, il est plus aisé pour les
apprenti-e-s d’acquérir les compétences
professionnelles visées. Ce qu’il
faut pour relever ce défi est mis en évidence
dans le premier article de ce numéro
consacré aux lieux de formation.
Pour être bien vécus au quotidien, les
échanges entre ces lieux requièrent
compréhension réciproque, engagement
personnel et capacités d’anticipation.
Le numérique permet aussi de plus
en plus de se former sans contrainte
de lieu. Qui aurait pu imaginer, il y a
peu, que le personnel soignant puisse
se déplacer virtuellement dans les couloirs
d’un hôpital pour effectuer certaines
tâches ?
Notre définition des contextes de
formation adéquats évolue, et de nouvelles
formes d’apprentissage prennent
de l’importance. L’apprentissage individuel
auto-organisé se développe,
comme le confirme notamment Eliane
Grichting, en dernière année de formation
de gestionnaire du commerce
de détail dans une filiale des apprenti-e-s
; elle nous explique pourquoi il
s’agit à ses yeux d’un modèle idéal de
formation. Mobilité et compétences en
HEFP / Ben Zurbriggen
↑ Barbara Fontanellaz
« Le concept des trois lieux de formation existe depuis
longtemps, mais la manière dont nous donnons vie
à ces lieux et en faisons des espaces d’apprentissage ne
cesse quant à elle d’évoluer. »
langues étrangères sont aussi davantage
demandées.
Nouvelles formes d’apprentissage
riment avec nouvelles exigences pour
les personnes formatrices qui, dans
leur entreprise, se confrontent souvent
au dilemme de la nécessité de former
et de produire. Une équipe de la
HEFP a mené une étude sur les conditions-cadres
souhaitées par les personnes
formatrices.
D’après la Suva, le nombre d’apprenti-e-s
victimes d’un accident du
travail s’élève à 23 000 par an, leur
risque d’accident étant deux fois plus
élevé que celui des autres employé-e-s.
Edith Müller Loretz, membre de la Direction
de la Suva, évoque les mesures
envisageables dans un entretien.
Une conclusion s’impose à la lecture
de ce numéro : si le concept des
trois lieux de formation existe depuis
longtemps, la façon dont nous leur
donnons vie et en faisons des espaces
d’apprentissage ne cesse d’évoluer.
C’est là un beau témoignage de notre
volonté de moderniser constamment
notre système de formation professionnelle.
Bonne lecture !
Dre Barbara Fontanellaz,
directrice de la HEFP
1

Projet photographique
pour « skilled »
Mettre en scène les lieux
de formation
Pour cette édition, de futur-e-s interactive media designers de
l’école romande d’arts et communication (eracom) à
Lausanne ont réfléchi à la manière de traduire en images le sujet
des lieux de formation.
Huit élèves de 1ʳᵉ année ont pris part à ce projet photographique.
La rédaction de la revue a été séduite par la photographie
de Jemima Lioto, qui illustre la couverture de cette édition.
Nous remercions les apprenties et apprentis, Cécile Monnier,
photographe et enseignante de l’eracom à l’origine du projet,
ainsi que Michaela Varin, responsable de la formation en
interactive media design, et la direction de l’école,
qui ont rendu possible cette collaboration.
▶ www.eracom.ch
Portrait : Andreas Bischof du groupe Bühler
→ Page 30
32 Accompagnement d’apprentissage exigeant
« Ici du sucré, là du salé »
Comment la collaboration entre lieux de formation est encouragée
→ Page 4
14 La question
Qu’est-ce qui fait que la formation
dans votre entreprise est au top ?
Portrait : Eliane Grichting, gestionnaire du commerce de détail
→ Page 36
33 Tour de Suisse consacré au blended learning
Dynamique et diversité dans
les écoles professionnelles
4 Coopération entre les lieux de formation
L’art de la coordination
et de la coopération
8 Hors de la salle de classe traditionnelle
Quand l’espace d’apprentissage
influe sur la pédagogie
10 Environnements de formation
Les territoires d’apprentissage
liés au numérique
12 Réalité virtuelle et enseignement de la culture générale
À la recherche des
défauts de logement
16 L’importance des conditions-cadres en entreprise formatrice
Pour que l’entreprise soit
un lieu de formation de qualité
18 Projets menés pour la coopération
Encourager efficacement
le transfert des acquis
20 Développement des compétences linguistiques
Oui, ja, sì, yes : les langues
étrangères dans la formation
professionnelle initiale
22 Formateurs et formatrices des cours interentreprises
Une formation pédagogique
doublement bénéfique
24 Programme de formation continue des HEP
Immersion dans le quotidien
de la formation professionnelle
26 Formation initiale à temps plein
Des cursus ancrés dans le
monde professionnel
27 La formation professionnelle duale au Pays basque
Le rôle déterminant joué par l’école
28 Edith Müller Loretz, membre de la Direction de la Suva
« Les apprenti-e-s doivent
pouvoir dire stop »
34 Méthodes de formation novatrices
« Innovazione et Didattic@ » :
une communauté hybride
35 Nouvelles
News de la HEFP
36 Eliane Grichting, formée dans une filiale d’apprenti-e-s
« Les relations inter personnelles
sont différentes ici »
38 Helen Schneider : CAS Enseignement bilingue à la HEFP
« Bigarré, multilingue, inspirant »
39 7 questions à Maurice Wörnhard, HEFP
« Notre avantage est d’être neutres »
13 Formation initiale et continue pour le personnel infirmier
Plonger dans le monde hospitalier
grâce à la réalité virtuelle
23 Les débuts des nouveaux/elles enseignant-e-s
L’école professionnelle comme
premier lieu de formation
30 Andreas Bischof, responsable Formation, groupe Bühler
« Un semestre de test pour
tout le monde »
40 Le Conseil : Adrian Wüthrich
Quand la table de la cuisine
devient lieu de formation

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Lieux de formation
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Lieux de formation
Synergie entre lieux de formation
L’art de la coordination
et de la coopération
Par Eveline Krähenbühl et Alexandra Strebel
Une collaboration efficace entre entreprise, école professionnelle et cours interentreprises
est importante pour l’acquisition des compétences professionnelles par les apprenti-e-s.
Il est donc nécessaire de coordonner les processus d’apprentissage entre les lieux de
formation. Cette coopération est encouragée de façon systématique dans le
développement des métiers.
Chacun des lieux de formation fonctionne selon sa propre
logique et contribue, à sa façon, à la formation des apprenti-e-s.
L’école professionnelle a pour mission d’enseigner
la théorie du métier. Dans l’entreprise, les apprenti-e-s
exercent les compétences et aptitudes pratiques et,
dans les cours interentreprises (CIE), elles et ils découvrent
et apprennent à maîtriser des travaux pratiques hors du
quotidien de l’entreprise.
La formation professionnelle est née au début du
XXᵉ siècle de l’apprentissage auprès d’un maître, c’est-àdire
en entreprise. La formation scolaire a ensuite été
introduite afin de mieux former la main-d’oeuvre et d’améliorer
la qualité des produits. C’était aussi un moyen d’atténuer
les tensions sociales par l’éducation à la morale,
la religion et la citoyenneté, comme l’indique Lorenzo
Bonoli, chercheur et responsable du Master of Science
en formation professionnelle à la HEFP. Quant au troisième
lieu de formation, il est issu des cours de préapprentissage
et des cours d’introduction, qui sont devenus
aujourd’hui les CIE.
Ancrés dans la loi depuis près de 100 ans
La question de la collaboration s’est posée dès l’ancrage
institutionnel des trois lieux de formation dans la loi sur
la formation professionnelle de 1930. Aujourd’hui, l’orientation
vers les compétences opérationnelles exige une
coopération étroite ainsi qu’une coordination au niveau
des contenus de la formation, de manière à assurer une
acquisition durable des compétences professionnelles.
À cet effet, la coordination et la coopération entre les
lieux de formation sont encouragées lors du processus
de développement des métiers.
Les formations professionnelles initiales font régulièrement
l’objet d’examens visant à en vérifier l’actualité.
À cet égard, les associations professionnelles et les personnes
formatrices en entreprise jouent un rôle central :
au cœur du monde du travail, elles observent l’évolution
des exigences dans leur champ professionnel. Si un métier
connaît de grands changements, une révision de la
formation est préparée.
La formation scolaire a été introduite afin
de mieux former la main-d’oeuvre
et d’améliorer la qualité des produits.
Des objectifs définis en commun
Des personnes représentant tous les lieux de formation
participent au développement des professions. Elles définissent
ensemble les objectifs et les contenus de la formation
professionnelle initiale. Une analyse du champ
professionnel permet de relever les compétences opérationnelles
essentielles pour le métier. Sur cette base, les
formateurs/trices, les enseignant-e-s et les responsables
des CIE conçoivent le plan de formation, qui décrit le niveau
d’exigences du métier sous forme d’objectifs évaluateurs.
Elles et ils se fondent systématiquement sur les situations
professionnelles et les objectifs de prestations
de l’entreprise comme lieu de formation et veillent à la
cohérence des apprentissages entre les trois lieux. Les
← Photographie de Haydée Cuenat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media
4 5
designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

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Lieux de formation
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Lieux de formation
responsables de la formation professionnelle élaborent
ensuite un tableau de coordination, qui présente de façon
transparente le calendrier d’acquisition des compétences
pour les apprenti-e-s et les lieux de formation.
Des documents de formation harmonisés
Afin que les apprenti-e-s puissent développer leurs compétences
dans les meilleures conditions, les représentant-e-s
des trois lieux de formation élaborent les documents de formation
spécifiques, avec le soutien de spécialistes en pédagogie
professionnelle : programmes de formation, dossier
de formation pour les entreprises formatrices, plan d’études
pour les écoles professionnelles et programmes de formation
pour les CIE, le tout fondé sur le tableau de coordination
des lieux de formation.
Les spécialistes en pédagogie professionnelle s’assurent
en outre de la coordination générale des travaux
et présentent aux ateliers les documents de formation
des autres lieux pour que les participant-e-s puissent donner
leur avis et les valider. Cela permet par exemple de
déterminer à quel moment tel élément sera entraîné en
entreprise, de sorte que l’école puisse s’appuyer sur ces
expériences, mais aussi de définir les thèmes qui seront
d’abord introduits par l’école professionnelle ou les CIE.
Qu’entend-on au juste par coopération ? Elle se définit
comme une collaboration ciblée, à des degrés
divers, entre plusieurs parties ayant des objectifs
communs. Dieter Euler, professeur émérite en gestion
de la formation, établit la gradation suivante
dans la formation professionnelle : information réciproque,
coordination et collaboration.
L’échange d’information représente le degré
élémentaire de la coopération : par exemple, toutes
les parties sont au fait du déroulement de la formation
en termes de calendrier et de contenus par
les plans d’études et les programmes de formation.
↑
Photographie de Nartan Yildiz, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media
designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Promouvoir la coopération par des tâches communes
La coopération passe d’abord par les acteurs et actrices
de terrain. Néanmoins, les organisations du monde du
travail peuvent la promouvoir en intégrant dans les documents
de formation des tâches communes aux différents
lieux.
Un travail de projet pour le métier d’opticien-ne fournit
un bon exemple : les personnes en formation apprennent
à l’école les notions théoriques sur les médias
traditionnels et numériques. Dans les CIE, elles conçoivent
en groupe une publicité pour un produit d’optique en utilisant
différents médias. Elles approfondissent ainsi leurs
connaissances et leurs aptitudes en matière de promotion
de produits. De retour dans l’entreprise formatrice,
elles appliquent les compétences acquises à l’école et aux
CIE en présentant un produit sur un canal de médias sociaux.
Nouvelles possibilités offertes par le numérique
La numérisation permet de soutenir, de renforcer et de
repenser les connexions entre les lieux de formation. Les
outils numériques peuvent faciliter l’échange d’informations
et le suivi des personnes en formation par les formateurs/trices
et les enseignant-e-s. Ils aident aussi les apprenti-e-s
à mieux faire le lien entre les savoirs transmis
De l’information à la collaboration rapprochée
On parle de coordination lorsqu’il y a harmonisation
des tâches entre les lieux de formation au
niveau des délais et des contenus. Exemple : l’école
introduit le modèle des quatre oreilles du psychologue
Friedemann Schulz von Thun, qui décrit différents
aspects dans la communication d’un message,
et les apprenti-e-s l’utilisent ensuite dans les
CIE pour mener un entretien de conseil.
Au niveau suivant, les lieux de formation collaborent
de façon directe. Dans le cadre de la coopération
proprement dite, les responsables d’un
lieu de formation reprennent des éléments d’un
autre lieu et les intègrent dans leur travail. Les enseignant-e-s
axent par exemple leurs cours sur les
situations que les apprenti-e-s rencontrent en entreprise.
La collaboration peut encore être intensifiée
lorsque des objectifs et des tâches sont définis et
mis en œuvre en commun par les responsables de
l’ensemble des lieux de formation. Le concours de
toutes les parties est alors nécessaire pour atteindre
les buts fixés, par exemple pour des travaux
de projet transversaux.
et les tâches professionnelles. Lorsque les expériences
pratiques en entreprise sont documentées sous forme électronique,
ce bagage peut ensuite être utilisé à l’école professionnelle
ou dans les CIE.
Une plateforme commune permettant aux formateurs/
trices et aux enseignant-e-s d’entrer en contact pour organiser
des projets facilite la coopération entre les lieux
de formation. Le Centre pour le développement des métiers
de la HEFP a étudié de près les environnements d’enseignement
et d’apprentissage numériques et accompagne
les associations professionnelles dans le choix de la plateforme
et l’aménagement pédagogique-didactique, y compris
la mise en place de procédures de qualification appropriées.
Aujourd’hui, les lieux de formation utilisent souvent
des plateformes différentes, ce qui oblige les apprenti-e-s
à jongler entre les environnements numériques et fait
obstacle au développement coordonné des compétences.
Tel est le constat posé par Sabine Seufert, professeure en
pédagogie économique à l’Université de Saint-Gall, dans
le cadre du projet « Modèles d’avenir pour la coopération
entre les lieux de formation ».
Dans l’idéal, elle souhaiterait la création d’une plateforme
globale, axée sur les besoins des personnes en formation.
Associée à un système de portfolio, cette interface
favoriserait le développement individuel des compétences.
Plus que jamais, les apprenti-e-s seraient au cœur du processus,
avec un apprentissage autogéré et des voies de formation
adaptées à chacun-e. Les frontières entre les lieux
de formation pourraient alors se muer en véritables
connexions.
La coopération ne va pas de soi
Les trois lieux de formation se sont développés au fil du
temps et sont aujourd’hui gages de stabilité dans la formation
professionnelle. Pourtant, des défis subsistent. Si
cette pluralité permet aux apprenti-e-s d’expérimenter
diverses formes d’enseignement et d’apprentissage, elle
pourrait aussi rendre plus difficile la mise en relation des
éléments transmis sur chacun des lieux de formation.
La coopération ne va pas de soi. Elle doit être soutenue
de façon systématique par les associations professionnelles
et les spécialistes en pédagogie professionnelle. Cette exigence
se pose dans le processus de développement des
métiers, auquel participent tous les lieux de formation.
Plusieurs approches peuvent être envisagées pour renforcer
la coordination et la coopération dans une profession :
échange d’information simplifié et transparence, contenus
harmonisés au niveau temporel ou tâches impliquant
différents lieux – avec ou sans plateformes numériques.
L’élaboration commune des instruments de formation présente
par ailleurs un autre bénéfice non négligeable : les
réseaux qui se tissent entre les responsables des lieux de
formation facilitent par la suite la coopération concrète
(cf. aussi pp. 18–19).
L’investissement en vaut la peine, sachant que la coordination
et la coopération entre entreprise formatrice,
école professionnelle et CIE ont pour but de proposer
une formation de qualité et de soutenir de façon optimale
les apprenti-e-s dans l’acquisition des compétences.
■ Eveline Krähenbühl, responsable de projet au Centre pour le
développement des métiers, HEFP ■ Alexandra Strebel, spécialiste
du développement des métiers au Centre pour le développement des
métiers, HEFP
Bibliographie
■ Bonoli, L. (2022). Der weltberühmte Kompromiss. NZZ Geschichte,
(février), 48–52.
■ Euler, D. (1999). Lernortkooperation in der beruflichen Bildung. Stand
und Perspektiven aus Sicht wirtschaftspädagogischer Forschung.
In : Harney, K.; Tenorth, H.-E. (éd.) : Beruf und Berufsbildung.
Weinheim u.a. Beltz, 249–272.
■ Seufert, S. (2023). Comment l’intelligence artificielle pourrait
simplifier la coopération entre les lieux de formation. Transfer.
Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 8(6).
▶ https://lernortkooperation.ch (en allemand)
▶ https://www.hefp.swiss/cdm
6 7
↑
Photographie de Haydée Cuenat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Brève vidéo explicative de la
HEFP sur la coopération entre
les lieux de formation :

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Lieux de formation
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Lieux de formation
Hors de la salle de classe traditionnelle
Quand l’espace d’apprentissage
influe sur la pédagogie
Par Antje Barabasch
Des espaces d’un genre nouveau facilitent l’organisation du travail et de l’apprentissage.
Physiques ou numériques, ils favorisent l’autogestion et la prise en compte des besoins
individuels. Les contextes d’apprentissage modernes sont multiples et évoluent en
permanence. Tels sont les constats tirés d’une enquête auprès de responsables de la
formation professionnelle dans des entreprises suisses.
Les exigences changent au fil du temps. Aujourd’hui,
l’orientation vers les compétences opérationnelles est ancrée
dans les plans d’études cadres de la formation professionnelle.
Ce principe invite à développer davantage
les compétences transversales, à mieux articuler la théorie
et la pratique et à soutenir des parcours individualisés.
Les espaces d’apprentissage sont appelés à évoluer
en conséquence. Certains concepts suivent la logique du
makerspace : un atelier ouvert qui se réinvente sans cesse.
La société Schindler Aufzüge AG mise sur cet atout pour
éveiller l’intérêt des jeunes pour les métiers techniques.
Des environnements d’apprentissage ouverts
En Suisse, beaucoup de grandes entreprises innovent dans
les concepts de bureaux et proposent des espaces de travail
multiples, qui intègrent aussi des lieux de retrait, des
La mobilité ouvre de nouveaux espaces
Les apprenti-e-s s’approprient aussi de nouveaux espaces en travaillant
dans d’autres secteurs de l’entreprise ou dans des sociétés partenaires en
Suisse ou à l’étranger. Swisscom et Login offrent par exemple un changement
de site tous les six mois. En Suisse romande, la Poste et Swisscom ont
mis en place des échanges afin de faire découvrir d’autres postes de travail.
Chez Schindler, les apprenti-e-s de commerce peuvent effectuer leur
formation sur quatre ans, dont une année dans une entreprise étrangère –
six mois en France et six mois en Angleterre. La société Huber+Suhner
propose à ses apprenti-e-s des stages dans un autre secteur. Un polymécanicien
s’est ainsi rendu chez un outilleur et un laborantin en physique
auprès du CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire).
Des dessinateurs-constructeurs industriels vont découvrir la société
Prodartis AG à Appenzell, spécialisée dans l’impression 3D, et des
apprenti-e-s en logistique changent d’entreprise.
salles de réunion sur réservation ou des coins silence.
D’autres vont plus loin et optent pour des environnements
d’apprentissage ouverts.
Là, les apprenti-e-s trouvent leur place entre différents
espaces. Du mobilier mobile et modulable permet de jouer
sur la proximité ou au contraire d’offrir distance et tranquillité.
Si on a besoin d’un espace fermé, on utilise des
cloisons pliantes. Celles-ci peuvent aussi servir de support
pour écrire, comme dans le campus d’innovation du
groupe Bühler. S’y ajoutent des sièges inhabituels, qui
modifient l’angle de vue et invitent à la créativité.
Cette transformation ne concerne pas que les espaces
de formation classiques, mais aussi les machines ou les
salles des machines. Instruction et production se rapprochent
physiquement, ce qui facilite la coordination et
permet d’apprendre, d’échanger et d’expérimenter en
commun.
Accès en ligne depuis l’étranger
Le transfert vers des espaces numériques prend toute son
importance lorsque la formation se déroule en partie à
l’étranger, comme dans le groupe Bühler, actif à l’international.
Mis au point en 2011, le concept de formation
numérique « Class unlimited » permet de connecter des
apprenti-e-s de l’étranger à leur groupe de formation en
Suisse. On applique ici le principe de la classe inversée :
les connaissances sont transmises via les contenus mis
en ligne, qui sont ensuite débattus en classe.
Dans les « Digilabs » de Schindler, les apprenti-e-s en
informatique peuvent organiser des « ateliers de hacking »
pour en appréhender les dangers. Le numérique a aussi
conquis en partie l’apprentissage sur machines : le pilotage
ou la surveillance d’une installation sont exercés sur
un jumeau numérique – un modèle virtuel – avant d’être
pratiqués en situation réelle. Cette solution permet de former
plusieurs personnes en même temps sur une machine.
S’approprier les espaces d’apprentissage
Les nouveaux espaces ne suscitent pas toujours un intérêt
durable et certaines idées sont abandonnées. Le shop
Swisscom et la filiale de la Poste gérés par des apprenti-e-s
ou la colocation TIC de Swisscom ont ainsi disparu.
L’expérience montre que les jeunes gens préfèrent s’approprier
les espaces d’apprentissage et qu’ils apprécient
de participer à leur création.
Suivre de près les processus d’apprentissage
Qui dit nouveaux espaces, dit nouveaux concepts pédagogiques.
Les enseignant-e-s et les formateurs et formatrices
professionnelles doivent s’adapter à ces nouveaux modes
d’apprentissage. Ces deux figures assument plus souvent
un rôle de coach et sont amenées à suivre plus étroitement
des processus d’apprentissage individualisés.
De leur côté, les personnes en formation recherchent
davantage les échanges entre pair-e-s et les possibilités
de rencontre – espaces de coworking, cafétérias ou ateliers
d’apprentissage. Plus que jamais, elles sont appelées
à se prendre en charge et à développer des stratégies pour
faire face aux revers et aux impondérables.
■ Antje Barabasch, responsable du champ de recherche « Enseignement
et apprentissage dans la formation professionnelle », HEFP
▶ www.hefp.swiss/nouvelles-cultures-dapprentissage
▶ www.hefp.swiss/cultures-dapprentissage-etudes-de-cas
8 9
↑
Photographie de Florian Cuttat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Les nouveaux espaces ne suscitent pas
toujours un intérêt durable et certaines
idées sont abandonnées.

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Lieux de formation
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Lieux de formation
Environnements de formation
Les territoires
d’apprentissage liés
au numérique
Par Marc Gagnepain † et David Perrenoud
D’où apprenons-nous ? Les appareils mobiles connectés nous donnent accès à une quantité incommensurable de
connaissances. Grâce à eux, apprendre devient une possibilité de tous les instants, où que nous nous trouvions, au
point que les limites entre formation formelle, informelle et non formelle se révèlent très ténues. Cette hybridation
incessante des lieux et des moments d’apprentissage ne malmène-t-elle pas la légitimité des murs physiques des
établissements ? Et n’interroge-t-elle pas le statut des acteurs/trices de la formation ?
L’irruption des nouvelles technologies dans la sphère éducative,
qu’elle soit assumée ou subie, remet fondamentalement
en question « l’idée que la formation – et donc
l’apprentissage – doit s’inscrire dans une triple unité de
temps […], de lieu […] et d’action », relève Philippe Carré,
professeur en sciences de l’éducation. Déstabilisante,
cette nouvelle donne invite à s’interroger sur les opportunités
qu’elle offre et les responsabilités qu’elle induit.
Frontières de l’école in[dé]finies
Les écoles et institutions de formation se sont progressivement
équipées d’outils numériques et de plateformes
d’apprentissage (LMS) permettant aux enseignant-e-s de
créer et de proposer aux apprenant-e-s des ressources,
des moyens de communication et des
activités hors du temps et des murs
physiques des établissements. Pour
beaucoup, la conscience de cette « plurilocalisation
» de l’apprentissage, relativement
récente, s’est renforcée au gré des contraintes
liées à la situation de confinement, dans une tonalité souvent
plus propice à « faire avec » qu’à exploiter réellement
les potentialités.
Une telle situation invite à repenser et à « redéfinir les
frontières de l’École à l’ère du numérique », écrit Jean-François
Céci, sociologue du numérique et de l’éducation. Cette
porosité entre différents lieux d’apprentissage, relevant
tantôt de l’académique, tantôt du social et de l’intime,
n’est pas sans créer un sentiment de perte d’orientation,
de sens et de contrôle, chez les apprenant-e-s comme
Il ne suffit pas d’équiper
les apprenant-e-s
d’ordinateurs.
chez les enseignant-e-s. Ne considérons-nous pas un peu
vite que les usagers/ères de ces environnements détiennent
les clefs et les codes qui leur permettent de se
déplacer de manière autonome dans les méandres de ces
lieux virtuels ?
Baliser et encadrer l’école virtuelle
La configuration des locaux, le vocabulaire – bâtiment,
classe, tableau, casier, réfectoire – et le règlement de l’école
physique nous sont familiers et ont été pensés pour celles
et ceux qui les occupent. En contraste, l’école virtuelle
nous semble livrée « nue » : la disposition, la logique et le
glossaire – équipe, canal, section, onglet – de l’école virtuelle
nous sont abstraits et étrangers. Ses règles internes,
telles que permissions, accès, notifications,
restent le plus souvent à établir
pour qu’elle soit vi(v)able. En
d’autres termes, l’appropriation de
l’école virtuelle ne tombe pas sous le
sens et il ne suffit pas d’équiper les apprenant-e-s d’ordinateurs
pour cela. Ces lieux du numérique ont aussi besoin
de guides, de balises et de modus operandi communs.
Une posture émergente ?
Comment se donner les moyens d’appropriation des lieux
du numérique ? Une piste consiste à appréhender à sa
juste mesure le déséquilibre engendré par cette multiplication
des espaces et des moments d’apprentissage. Pour
certain-e-s enseignant-e-s, comme on a pu l’observer lors
du CAS Environnement numérique en formation professionnelle
à la HEFP, l’usage croissant des environnements
numériques a fonctionné comme un déclic, comme un
facteur de remise en question. Ainsi, la « mise en concurrence
» avec d’autres sources de connaissance, comme
l’évoque le philosophe Michel Serres, ainsi qu’une prise
de conscience accrue que les apprentissages se vivent
également « ailleurs », hors de la présence de l’enseignant-e
et avec un accompagnement continu, constituent
autant d’éléments susceptibles d’interroger les postures
professionnelles.
Paradoxalement, la posture qui émerge ici est loin
d’être inédite. Elle est défendue depuis des années par les
sciences de l’éducation et implique une forme de décentration
: la figure du « maître » seul détenteur du savoir,
associé à un lieu unique de transmission tel que la classe
physique ou l’atelier, survit mal à la multiplicité des territoires
d’apprentissage. Cette transition ne saurait se faire
sans l’appui et la reconnaissance des institutions.
Articuler lieux physiques et virtuels
Ainsi, si le rôle de l’enseignant-e consiste idéalement à
organiser et à orchestrer des situations qui favorisent les
apprentissages, force est de constater que les configurations
possibles – en présence, à distance, en « synchrone »,
en « asynchrone » – se diversifient. Anticiper l’articulation
de ces moments, de ces espaces, devient alors un enjeu
essentiel, qui confère à l’enseignant-e une centralité
nouvelle, non plus dans son omniprésence physique, mais
dans son travail de scénarisation et de suivi du parcours
de l’apprenant-e. La prise en main accompagnée des
« nouveaux territoires » mentionnés plus haut constitue
l’une des dimensions incontournables de ce processus.
Il s’agit de tirer parti de cette porosité des frontières,
de s’appuyer sur les possibilités offertes par ces nouvelles
configurations, plutôt que de les subir. De faire en sorte
que ces différents lieux demeurent « des espaces qui favorisent
l’envie d’apprendre ensemble, où croître-ensemble
», comme le souligne Denis Cristol, chercheur en
sciences de l’éducation. Vaste programme.
■ David Perrenoud, responsable de projet, Formation, HEFP
■ Marc Gagnepain, responsable de projet, Formation, HEFP, décédé
le 22 avril 2024
Bibliographie
■ Carré, P. (2016). « L’apprenance, des dispositions aux situations ».
Autour de l’apprenance. Éducation Permanente, 207, 7–24.
https://hal.parisnanterre.fr/hal-01410790/
■ Céci, J-F. (2020). Transition de la forme scolaire au prisme du
Numérique : le Numérique comme catalyseur et révélateur. Thèse de
doctorat. Pau. https://hal.science/tel-03279180/
■ Cristol, D. (2022) : « Pour une mésologie de l’apprenance ». Phronesis,
11(4), 112–132. https://doi.org/10.7202/1092337ar
■ Serres, M. (2012) : Petite poussette. Paris. Le Pommier.
▶ www.hefp.swiss/cas-environnement-numerique-en-formationprofessionnelle
10 11
↑
Photographie d’Alessandro Cauzo, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom),
Lausanne
↑
Photographie de Timote Zin, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media
designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

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Lieux de formation
skilled 1/24
Lieux de formation
Réalité virtuelle et enseignement de la culture générale
À la recherche des
défauts de logement
Par Christopher Keller et Gaby Walker
Formation initiale et continue pour le personnel infirmier
Plonger dans le monde
hospitalier grâce
à la réalité virtuelle
Par Patrizia Salzmann, Kezia Löffel et Andrea Volpe
↑
Le potentiel offert par la réalité virtuelle peut-il être mis
à profit dans l’enseignement de la culture générale ? Un
projet BeLEARN a permis à une équipe de recherche de
la HEFP de concevoir, en collaboration avec des enseignant-e-s,
un scénario didactique portant sur la reprise de
logement et ayant pour but le gain de nouvelles connaissances
à ce sujet. Il s’agissait notamment de savoir si les
personnes en formation peuvent appliquer leurs connaissances
dans l’espace virtuel – et les premiers résultats obtenus
sont plutôt prometteurs.
Photographie de Florian Cuttat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Extrêmement varié, l’enseignement de la culture générale
dans les écoles professionnelles suisses se compose de
deux domaines : « Langue et communication » et « Société
». C’est en particulier dans ce second domaine d’apprentissage
que l’on trouve diverses possibilités d’avoir recours
à la réalité virtuelle (RV). Accompagnée par des personnes
enseignant les « modes de vie et habitats » à l’école professionnelle
du Centre de formation Limmattal, une équipe
de la HEFP a développé, testé et évalué un scénario didactique
faisant intervenir une situation de test par RV.
Utile à l’apprentissage et à l’examen
Composé de quatre étapes, le scénario didactique développé
permet d’abord aux enseignant-e-s de culture générale
d’exposer les principaux contenus relatifs aux défauts
et dégâts en matière de logement, le but étant surtout de
savoir les repérer. Les apprenti-e-s répètent ensuite individuellement
la matière apprise, puis la consolide grâce
à un quiz interactif. Enfin, les acquis font l’objet d’un test
en RV : il est demandé d’inspecter dans le virtuel un appartement
vide et d’y repérer le plus de défauts possible.
Expérience menée et résultats obtenus
Deux groupes ont été constitués aléatoirement ; le premier
a dû inspecter le logement virtuel à l’aide d’un visiocasque
de RV, qui donne l’impression de se trouver
réellement dans l’appartement. Le second a quant à lui
effectué l’inspection sur un ordinateur portable, donc en
immersion virtuelle incomplète.
Les deux groupes ont été invités, avant et pendant l’inspection,
à commenter à haute voix les défauts et dégâts
constatés, et leurs commentaires ont été enregistrés. Au
terme de l’expérience, un questionnaire a été rempli sur les
aspects cognitifs, motivationnels et émotionnels observés.
Selon les premiers résultats, les personnes ayant opéré
avec un visiocasque ont pu repérer plus de défauts et
de dégâts. Si l’analyse des données est encore en cours,
le potentiel que revêt la RV pour l’enseignement de la
culture générale est toutefois déjà bien mis en évidence.
Les tâches à effectuer peuvent en effet être répétées sans
difficulté, et la RV stimule aussi des facteurs favorisant
l’apprentissage, comme la motivation, l’attention, la satisfaction
et l’efficacité personnelle, d’où des effets positifs
sur les processus d’apprentissage en jeu.
■ Christopher Keller, senior researcher dans le champ de
recherche « Technologies pour l’apprentissage dans la formation
professionnelle », HEFP ■ Gaby Walker, étudiante du MSc en
formation professionnelle et assistante scientifique dans le champ de
recherche « Technologies pour l’apprentissage dans la formation
professionnelle », HEFP
▶ www.hefp.swiss/vr-formation-professionnelle-explorer
▶ https://belearn.swiss/projekt/exploring-immersive-learning-360-
pictures-for-general-education-classes-abu/ (en anglais)
Une vidéo immersive et interactive à 360° a été réalisée dans le cadre du projet
digi-care : numérisation et transmission des informations cliniques dans
le domaine des soins. Elle montre une remise de service entre infirmiers/ères
dans un hôpital.
Dans le couloir, devant un chariot de
soins, Luca et Christine échangent des
informations importantes au sujet
d’une patiente. Les deux collègues se
rendent dans sa chambre, puis la remise
de service a lieu à son chevet.
Christine lit et documente des informations
dans le système d’informations
cliniques.
Situations hospitalières réalistes
Cette scène du quotidien hospitalier
se fonde sur une situation réelle observée,
reconstituée ici par des comédien-ne-s.
La vidéo a été tournée avec
une caméra à 360°. Cette technique
permet de s’immerger dans une situation
de soins proche de la réalité,
avec des lunettes de réalité virtuelle
(RV). Des éléments interactifs ont été
par ailleurs intégrés dans la vidéo :
des illustrations et des exercices d’apprentissage
nécessitant une confrontation
critique à la situation.
La vidéo a été réalisée dans le cadre
du projet digi-care. Celui-ci fait partie
du Programme national de recherche 77
« Transformation numérique » du Fonds
national suisse, qui élabore des connaissances
en termes d’opportunités et de
risques relatifs à la numérisation en
Suisse. La HEFP et les responsables informatiques
de la Haute école spécialisée
bernoise ont mis le projet en œuvre
en collaboration avec des hôpitaux et
des institutions de formation dans les
soins, actifs en Suisse alémanique et italienne.
La vidéo a été tournée avec
une caméra à 360°.
Cette technique permet de
s’immerger dans une
situation de soins proche
de la réalité, avec des
lunettes de réalité virtuelle.
Un instrument prometteur
La vidéo doit permettre d’améliorer les
compétences numériques lors de la
transmission et la documentation d’informations
cliniques des patient-e-s
dans le domaine des soins. Aucune
compétence numérique ne figure actuellement
dans les plans d’études
cadres en soins infirmiers. Ainsi, un
catalogue idoine de compétences à l’intention
du personnel infirmier diplômé
a vu le jour à l’appui de cette vidéo.
Il s’agit par exemple de connaître les
dispositions légales relatives à la protection
des données sensibles de patient-e-s
dans le système d’informations
cliniques. La vidéo prend en
compte cette compétence.
↑ Photographie d’Ophély Gabriel, 1ʳᵉ année
d’apprentissage d’interactive media designer, école
romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Retours positifs
Lors de l’atelier de clôture, les partenaires
de la pratique associé-e-s ont
émis la critique que l’usage des lunettes
de RV pour visionner la vidéo
peut provoquer des vertiges. L’évaluation
s'est avérée positive quant à la
convivialité d’utilisation, le réalisme
et la pertinence de la vidéo.
La vidéo est disponible sur demande
et peut être utilisée dans les institutions
de formation des soins ou au lieu de
travail, notamment dans les hôpitaux.
■ Patrizia Salzmann, responsable du champ
de recherche « Reconnaissance de
l’expérience et de l’apprentissage tout au
long de la vie », HEFP ■ Kezia Löffel,
collaboratrice scientifique dans le champ de
recherche « Reconnaissance de l’expérience
et de l’apprentissage tout au long de la vie »,
HEFP ■ Andrea Volpe, collaboratrice
scientifique dans le champ de recherche
« Reconnaissance de l’expérience et de
l’apprentissage tout au long de la vie », HEFP
▶ www.hefp.swiss/digi-care
Vidéo de démonstration
du prototype multimédia
(en italien) :
12 13

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Lieux de formation
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Lieux de formation
La question
Qu’est-ce qui fait que la formation
dans votre entreprise est au top ?
Enquête : Lucia Probst, rédactrice en chef et responsable de projets de communication, HEFP Photos : MÀD
La rédaction de « skilled » a demandé aux responsables de cinq entreprises formatrices ce qui les
avait motivé-e-s à obtenir la certification TOP Entreprise formatrice, ce que ce processus
leur avait apporté et ce à quoi elles et ils attachent une importance particulière dans la formation
de leurs apprenti-e-s.
’Association suisse des constructeurs
navals nous a présenté le pro-
« L
gramme de la fondation TOP Entreprise
formatrice lors de son congrès. En tant
qu’entreprise familiale, il nous tient à cœur
de transmettre notre passion pour la
construction navale. Notre père s’était déjà
engagé en faveur de la formation au sein
de l’association. Nous avons constaté que
nous répondions aux critères de certification
et que celle-ci est perçue positivement
aussi bien par les jeunes qui postulent chez
nous que par leurs parents. Notre clientèle
nous donne également des retours positifs.
Commencer un apprentissage constitue
un tournant des plus significatifs dans
la vie. Il nous importe d’aller chercher les
jeunes gens et d’allumer en eux la passion
du métier. Si nous y parvenons, ils traverseront
l’apprentissage avec le vent en
poupe et ne se rendront même pas compte
à quel point cela peut être contraignant.
Je suis formateur à la pratique professionnelle
depuis peu et j’ai beaucoup appris
de ce cours, sur le plan tant personnel que
pédagogique. Si nos jeunes gens sont fiers
de leurs performances, alors moi aussi. »
Luca Hächler, co-directeur de
l’entreprise et formateur à la pratique
professionnelle, Hächler Bootbau AG,
Oberhofen et Einigen
u Rocca Living Hotel Group, nous
« Aavons toujours veillé à rester en
phase avec notre temps, notamment en
prenant le pouls des changements dans
notre secteur. Notre certification de TOP
Entreprise formatrice a stimulé cet effort
et l’a orienté vers le monde des jeunes.
Une véritable prise de conscience de l’ampleur
des changements survenus dans ce
monde est ainsi née, associée à la nécessité
d’adapter notre approche de la formation
en conséquence et de l’articuler en
fonction des particularités de chaque personne
que nous formons. Nous avons également
simultanément pris conscience
de l’importance d’offrir aux jeunes non
seulement la possibilité de se former,
otre entreprise est petite – un ou-
peintre, un ouvrier tôlier,
« Nvrier
un-e apprenti-e dans chaque domaine et
moi. Nous pouvons ainsi consacrer plus
facilement du temps à nos apprenti-e-s et
nous organiser pour leur apporter le soutien
nécessaire. La certification ‹ TOP Entreprise
formatrice › nous a apporté une
vision plus large de la problématique générationnelle.
Le monde des jeunes évolue
de plus en plus vite. Il est souvent dur
de suivre la cadence.
Grâce à son système de cours réguliers,
le programme favorise la formation continue
des formateurs et formatrices. Le plus
mais aussi de bénéficier d’un enseignement
de qualité, raison pour laquelle nous
nous sommes engagé-e-s à améliorer nos
méthodes de formation.
Au-delà de l’enseignement, nous pensons
qu’il est important de faire sentir aux
personnes formées qu’elles font partie
d’une équipe et de l’entreprise en leur transmettant
notre expérience professionnelle,
le tout dans un contexte de respect mutuel
et d’échange d’informations. »
Sheila Citriniti, responsable des
ressources humaines et de la formation,
La Rocca Living Hotel Group, Ronco sopra
Ascona
grand changement, à mon avis, était le niveau
de la compréhension de l’autre. On
ne peut jamais être à sa place mais on peut
faire plus attention à comprendre son apprenti-e
et à l’accompagner. Le plus important,
c’est de transmettre les connaissances
et les valeurs du métier pour la pérennité
de nos corps de métier. Au fil du temps
nous avons égaré tellement de connaissances.
»
Blaise Birbaum, patron et responsable
de formation, Carrosserie Mettraux SA,
Echallens
ous voulions faire partie des pre-
entreprises de jardinage
« Nmières
et de paysagisme à obtenir la certification
TOP Entreprise formatrice. Nous accordons
en effet une grande importance
à la formation des apprenti-e-s. Le processus
de certification nous a permis de
valoriser cela et de former notre personnel
de façon ciblée à tous les niveaux.
Chez nous, tout le monde doit s’occuper
des apprenti-e-s. Nous tenons à éveiller
leur enthousiasme pour le métier de paysagiste.
Sans démontrer beaucoup d’initiative
personnelle, il est impossible de
gérer la lourde charge de travail durant
l’apprentissage.
otre système de bonus est assu-
au cœur de notre concept
« Nrément
de formation. Il permet à nos apprenti-e-s
d’influencer leur salaire selon leurs performances.
Les performances fournies au
cours d’un semestre sont déterminantes
pour le calcul du bonus mensuel du semestre
suivant.
Avant la certification, nous nous engagions
déjà beaucoup en faveur de notre
relève professionnelle et la certification
nous a confirmé la qualité élevée de nos
formations. Il nous importe d’offrir aux
jeunes un bon départ dans la vie professionnelle
et de les aider à devenir autonomes
et responsables. Chez nous, les personnes
en formation sont des membres
de l’équipe à part entière et leur participation
à la réflexion est souhaitée. Elles
doivent aussi pouvoir s’épanouir individuellement
et découvrir leurs forces. La
formation devient ainsi une école de vie
dont nous sommes garant-e-s.
Nous formons aujourd’hui comme
avant la certification, mais essayons désormais
de motiver d’autres entreprises
qui forment au top à se faire certifier. »
Iris Zimmermann, propriétaire de
l’entreprise et formatrice à la pratique
professionnelle, Stadt-Metzg AG, Ilanz
L’époque où les apprenti-e-s se contentaient
de suivre le mouvement est définitivement
révolue. Encouragements et sollicitations
sont souhaités. Pour répondre
à ces exigences, nous accordons une
grande valeur à la formation et la formation
continue de notre personnel formateur
à la pratique professionnelle. Les
cours de TOP Entreprise formatrice nous
aident à former notre personnel en permanence.
Nous utilisons en outre notre
certificat marketing pour le recrutement. »
Marco Meier, directeur de l’entreprise
Hodel & Partner Gartenunternehmen,
Malters
14 ▶ https://topausbildungsbetrieb.ch/fr
15

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Lieux de formation
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Lieux de formation
L’importance des conditions-cadres en entreprise formatrice
Pour que l’entreprise soit
un lieu de formation de qualité
Dans le système de formation professionnelle
duale, les entreprises formatrices
jouent un rôle primordial dans
la formation des apprenti-e-s et la préparation
d’une future main-d’œuvre
qualifiée. Au quotidien, les formateurs
et formatrices en entreprise sont
confronté-e-s à d’importants défis.
Certains sont propres à leur fonction,
d’autres typiques du système dual, tels
que la tension particulièrement vive
entre produire et former.
Le quotidien des formateurs et formatrices
en entreprise est aussi marqué
par le manque de temps, la faible
reconnaissance de la fonction, les innombrables
tâches liées à la formation
des apprenti-e-s et une organisation de
la formation tributaire du travail productif
comme le montrent des études
Par Nadia Lamamra et Matilde Wenger
L’entreprise est un lieu-clé de la formation professionnelle duale. Pour garantir la qualité de la formation, les personnes
formatrices qui y travaillent doivent pouvoir compter sur de bonnes conditions d’exercice. Une étude menée
dans l’ensemble de la Suisse permet d’interroger l’entreprise comme cadre formatif.
Les répondant-e-s ont d’abord
plébiscité le fait d’avoir du temps
et d’obtenir une décharge
pour former les apprenti-e-s.
83 %
Avoir le temps pour
la formation des
apprenti-e-s (décharge)
de la HEFP. Ces aspects impactent l’entreprise
comme cadre formatif et la
qualité de la formation délivrée. Partant,
les conditions-cadres souhaitées
par les formateurs et formatrices permettent
d’interroger les conditions
d’une formation de qualité.
Voir les enjeux de la formation
en entreprise
Des données issues d’une enquête en
ligne menée à la HEFP auprès de plus
de cinq mille formateurs et formatrices
en entreprise dans toute la Suisse, ont
identifié les conditions-cadres nécessaires
à une formation de qualité. L’enquête
a été réalisée dans le cadre d’un
mandat de la Fondation « TOP Entreprise
formatrice ». Différentes réponses
étaient proposées.
Les répondant-e-s ont d’abord plébiscité
le fait d’avoir du temps et d’obtenir
une décharge pour former les apprenti-e-s
; ensuite, vient la possibilité
d’avoir un statut reconnu dans l’entreprise
; enfin, un engagement formel
de l’entreprise en faveur de la formation
des apprenti-e-s est attendu.
La première réponse reflète la tension
entre produire et former et sa
traduction quotidienne en termes de
temps insuffisant ou fractionné. Avoir
une décharge semble indispensable
pour former sans recourir à des stratégies
à la limite de l’acceptable : former
durant les pauses ou en dehors
des horaires de travail, comme l'ont
montré des études précédentes.
Les autres réponses renvoient davantage
à l’enjeu de la reconnaissance,
tant formelle que symbolique,
soit en termes de statut, de cahier des
charges ou d’engagement de l’entreprise.
Si le cahier des charges permet
de circonscrire les tâches liées à la
fonction, le statut et l’engagement de
l’entreprise soutiennent le rôle de formateurs
et formatrices dans le collectif
de travail.
Avoir une rétribution ou des objectifs
liés à la formation des apprenti-e-s
arrivent après. La reconnaissance se
Conditions-cadres souhaitées par les répondant-e-s pour une formation de qualité
62 % 53 % 43 % 40 % 39 %
Avoir un statut reconnu
dans lʼentreprise
Avoir un engagement sur
la formation des
apprenti-e-s de la part
de lʼentreprise
Avoir un cahier
des charges
Avoir une rétribution
spécifique
(salaire, prime)
Avoir des objectifs
annuels en lien avec la
fonction de personne
formatrice
joue donc à un niveau statutaire ou
symbolique, et non nécessairement
matériel.
La taille de l’entreprise et la
fonction de la personne comptent
Les analyses comparatives montrent
des différences selon la taille de l’entreprise
et la fonction occupée : plus
l’entreprise est grande, plus le nombre
de conditions-cadres retenues augmente.
Les conditions d’exercice, reflétées
par ces choix, semblent donc
préoccuper davantage les personnes
travaillant dans de grandes entreprises
que leurs collègues des micro-,
petites et moyennes entreprises.
L’écart se creuse sur deux aspects : rétribution
et temps, conditions davantage
retenues dans les grandes entreprises.
Ces mêmes aspects divergent
selon que l’on occupe une fonction de
patron-ne-s ou de formateur/trice.
Une similarité apparaît dans les réponses
des personnes qui forment et
des employé-e-s de grandes entreprises
d’une part, ainsi que des patron-ne-s
et des employé-e-s de micro-entreprises
et de PME d’autre part.
Ce constat souligne l’hétérogénéité des
situations selon le contexte d’exercice,
les patron-ne-s s’occupant souvent des
apprenti-e-s dans les petites entités.
Dans celles-ci, où la pression à la rentabilité
est maximale, la formation doit
se soumettre au primat de la production.
Même si des conditions-cadres
pour une formation de qualité y sont
souhaitées, elles ne sont guère envisageables.
Libérer du temps de production
ou rétribuer les personnes formatrices
est un coût peu supportable
pour les petites structures, mais facilement
gérable pour les grandes.
Rentabilité contre qualité ?
Les conditions d’exercice des formateurs
et formatrices reflètent le
double défi des entreprises : assurer
leur rentabilité tout en offrant un accompagnement
aux apprenti-e-s au
plus près de la réalité économique.
Dès lors, faire de l’entreprise un lieu
de formation de qualité passe par la
mise en œuvre et l’amélioration des
conditions-cadres des personnes formatrices.
Celles-ci leur permettent de se sentir
reconnu-e-s dans leur rôle, essentiel
à la pérennité du système dual,
en particulier à l’heure où certains
secteurs peinent à recruter. En effet,
la qualité du système dual repose non
seulement sur celle des différents
lieux qui le composent, mais aussi sur
la reconnaissance de tou-te-s ses acteurs
et actrices.
■ Nadia Lamamra, responsable du champ
de recherche « Processus d’intégration et
d’exclusion », HEFP ■ Matilde Wenger, senior
researcher, champ de recherche « Processus
d’apprentissage et soutien », HEFP
Bibliographie
■ Berger, J.-L., Wenger, M., & Sauli, F. (2020).
La qualité de la formation professionnelle
duale en Suisse. Éducation permanente,
(2), 91–99.
https://doi.org/10.3917/edpe.223.0091
■ Lamamra, N., & Besozzi, R. (2019). Former
en entreprise : les pratiques éducatives au
cœur du monde du travail. Revue Suisse de
Sociologie, 45(3), 317–336.
■ Wenger, M. & Lamamra, N. (2023).
Les besoins et préférences en matière de
formation continue des personnes
formatrices d’apprenti-e-s. Analyses de
l’enquête en ligne – Rapport final. HEFP.
▶ www.hefp.swiss/besoins-des-formateurset-formatrices-entreprise
▶ www.hefp.swiss/qualite-formationprofessionnelle-initiale
▶ www.hefp.swiss/formateurs-formateursentreprise-personnes-clefs
▶ https://topausbildungsbetrieb.ch/fr/
Source : Wenger & Lamamra, 2023. Graphique : HEFP / Captns
16 17
↑
Photographie d’Erwan Hiroz, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media designer, école
romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

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Lieux de formation
skilled 1/24
Lieux de formation
Vingt ans de projets menés à la HEFP pour la coopération entre les lieux de formation
Encouragement
efficace du transfert
des acquis
Par Marlise Kammermann et Andreas Frey
Obligatoire selon la loi fédérale sur la formation professionnelle, la collaboration
entre les lieux dispensant la formation professionnelle initiale en Suisse n’est pas
toujours mise en œuvre à satisfaction. Pour une coopération qui fonctionne bien, il
est essentiel que le contenu de la formation soit défini conjointement et coordonné
par les personnes formant les apprenti-e-s sur les trois lieux de formation. À la HEFP,
il est possible pour les formateurs et formatrices en activité principale de s’y préparer
via un projet à réaliser durant la formation de base.
« Alles LOGO » : une porte de garage fait le
pont entre deux lieux de formation
Instructeur CIE dans le village fribourgeois de Villaz-Saint-Pierre, Nicolas Lüdi forme des installateurs/trices-électricien-nes ainsi que
des électricien-nes de montage. Il a développé et mis en œuvre un projet avec le professeur de branches professionnelles pour aider
ses élèves de troisième année à travailler sur des commandes compactes dans plusieurs lieux de formation. N. Lüdi nous présente
son projet, qui requiert la programmation, l’installation, le paramétrage et la mise en service d’une porte de garage électrique :
es apprenti-e-s devaient program-
sur un modèle d’exercice, un
« Lmer,
commutateur pour porte de garage utilisant
des capteurs optiques. La théorie a d’abord
été étudiée dans le cours de connaissances
professionnelles. L’exercice consistait ensuite
à programmer seul-e-s une commande
compacte et à échanger leurs idées
en groupe. Grâce à un programme gratuit,
diverses méthodes de programmation sur
ordinateur ont pu être testées.
Pour le transfert dans la pratique lors
du CIE, les apprenti-e-s ont dû apporter
« J’espère que cette approche
transversale permettra
aux apprenti-e-s d’obtenir
de meilleurs résultats
lors de la procédure de
qualification. »
leur propre programmation pour la porte
de garage afin de la transférer, avec mon
aide, sur un module LOGO. La mise en
service du commutateur a été réalisée par
leurs propres soins. En cas d’erreur, je les
encourageais à chercher des solutions par
elles- et eux-mêmes.
Notre projet a montré que les apprenti-e-s
ont compris comment fonctionne
un processus de programmation et se sont
senti-e-s capables de l’appliquer. J’espère
que cette approche transversale leur permettra
d’obtenir de meilleurs résultats en
technique des commandes compactes lors
de la procédure de qualification. » mka
Veiller à une bonne harmonisation des
contenus facilite le transfert des acquis
entre l’entreprise, l’école professionnelle
et les cours interentreprises (CIE). Dans le
cadre de la filière d’études HEFP certifiante
destinée aux formateurs/trices à titre principal
dans les CIE et les autres lieux de formation
comparables ainsi que dans les
écoles de métiers et les autres institutions
de formation à la pratique professionnelle
reconnues (CFP), des étudiant-e-s développent
un projet de collaboration avec un
autre lieu de formation à titre de contrôle
de compétence. Ces projets aident les personnes
en formation à combiner de manière
optimale ce qu’elles apprennent dans
deux lieux différents.
Rétrospective
Depuis la modification de la loi sur la formation
professionnelle en janvier 2004,
des efforts importants ont été entrepris
pour développer et proposer des formations
de base pour tous les domaines de
la formation professionnelle et toutes les
catégories de responsables de la formation,
à titre principal ou accessoire, dans
toutes les branches, les écoles professionnelles,
les centres CIE et autres lieux de
formation. L’un des défis majeurs a été de
savoir comment initier et encourager la
coopération entre les entreprises, les
écoles professionnelles et les prestataires
de CIE dès la formation initiale.
Ces 20 dernières années, les étudiant-e-s
du CFP à la HEFP ont coordonné
et mis en œuvre des projets passionnants
avec d’autres responsables de la formation
professionnelle. Les projets « Alles LOGO »
et « The Hours » illustrent bien le potentiel
que recèlent, pour les apprenti-e-s, ces
coopérations entre les lieux de formation.
■ Marlise Kammermann, senior researcher du Service d’évaluation et dans le champ de recherche
« Identité professionnelle et diversité », et senior lecturer Msc en formation professionnelle, Formation,
HEFP ■ Andreas Frey, professeur de pédagogie professionnelle et économique à la Haute école de
l’Agence allemande pour l’emploi HdBA, Mannheim & Schwerin, et professeur invité à la HEFP
Illustration: Captns
« The Hours » : création de costumes historiques
via deux lieux de formation
Melinda Müller travaille comme formatrice à l’École de Couture de Sierre, qui est un atelier de formation pour les créateurs/trices
de vêtements ainsi que les confectionneurs/euses. Les mandats externes constituent une partie importante de la formation. L’un
de ces mandats a servi à M. Müller de point de départ pour lancer un projet de coopération entre lieux de formation, qu’elle a
développé dans le cadre de l’évaluation de ses compétences faite par la HEFP, et qu’elle nous présente en quelques mots :
n décembre 2022, un cinéma de
« ESierre prévoyait de projeter « The
Hours », film mettant en scène trois
femmes à différentes époques. La Ville de
Sierre a demandé à l’École de Couture de
confectionner des vêtements authentiques
pour ces trois époques, en vue de
les exposer à l’entrée du cinéma.
Avec ma collègue d’atelier et la personne
enseignant le dessin de mode à
l’école professionnelle, j’ai élaboré un
« Concevoir et fabriquer un
vêtement pour une exposition
s’est avéré très motivant
pour les apprenti-e-s. »
concept pour la collection qui a ensuite
été créée avec les apprenti-e-s.
Les dessins techniques ont été réalisés
à l’école professionnelle, puis repris à
l’atelier pour réaliser les patrons, découper
les costumes et enfin coudre les vêtements.
Les apprenti-e-s ont planifié, documenté
et analysé leur travail dans un
journal de bord : y sont notamment consignés
le modèle, le dessin technique, la
mercerie, l’utilisation et la composition
des tissus, le devis, la gestion du temps et
les objectifs. Concevoir et fabriquer un
vêtement pour une exposition s’est avéré
très motivant. Dans l’ensemble, ce projet
a été une belle réussite. » mka
18 19

skilled 1/24 Pour la pratique skilled 1/24 Pour la pratique
Développement des compétences linguistiques
Oui, ja, sì, yes : les langues
étrangères dans la formation
professionnelle initiale
Par Kathrin Jonas Lambert et Patricia Notter
Véritables atouts personnels et professionnels, les compétences en langues étrangères gagnent en importance sur le
marché du travail. De plus en plus d’organismes responsables de formations font ainsi le choix d’intégrer une ou plusieurs
langues étrangères. Le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation SEFRI a donc élaboré
avec la HEFP un guide portant sur l’intégration des langues étrangères dans la formation professionnelle initiale.
Ce guide indique les ressources organisationnelles et didactiques nécessaires dans chacun des lieux de formation.
Imaginons un employé de commerce de détail qui aurait
affaire à une cliente ne comprenant que l’anglais, ou des
soignant-e-s devant prendre en charge un patient ne pouvant
s’exprimer que dans une langue étrangère. Lorsque,
dans une profession, il faut pouvoir communiquer, lire
ou effectuer des recherches en plusieurs langues, il apparaît
judicieux d’intégrer des langues étrangères dans
la formation. L’approche du plurilinguisme fonctionnel
semble alors la plus indiquée pour leur acquisition.
Le terme « fonctionnel » se réfère à l’emploi d’une
langue permettant de communiquer dans des situations
de travail concrètes. L’exigence d’une maîtrise parfaite
n’est pas de mise.
Selon la Commission européenne pour l’éducation, la
jeunesse, le sport et la culture, les connaissances en langues
étrangères font partie des compétences clés transversales.
Elles jouent un rôle important pour la perméabilité
du système de formation et peuvent faciliter la poursuite
d’une formation après l’apprentissage. Elles offrent aussi
un avantage en termes de mobilité sur le marché du travail
et augmentent les chances d’embauche – ainsi que le
montrent diverses études.
Voici les points essentiels pour réussir l’intégration
d’une langue étrangère dans une formation initiale :
3.
Intégrer les nouveautés dans les prescriptions sur la
formation et les faire figurer dans les certificats
Le niveau d’exigence en langues étrangères est précisé dans
le profil de la profession associé à chaque formation initiale,
dans les descriptions de situations et dans les objectifs évaluateurs
des lieux de formation. Les notes spécifiques à la
profession dans les suppléments descriptifs des certificats
détaillent l’emploi de la langue étrangère dans la pratique
professionnelle. Les compétences en langues peuvent également
être spécifiées dans le livret scolaire et dans le certificat
d’apprentissage.
Well
done!
It’s
ready.
4.
Oui
Ja
Sì
Yes
Développer les compétences en langues étrangères
à l’école professionnelle
L’enseignement des langues étrangères à l’école professionnelle
s’effectue selon une approche orientée vers l’action. Les
objectifs généraux à viser sont les suivants : soit approfondir
les connaissances d’entrée des apprenti-e-s (A2 selon le Cadre
européen de référence) de manière spécifique à la profession,
soit les développer à un niveau supérieur (B1). Le but
de cette acquisition est défini au sein du partenariat de la
formation professionnelle, en fonction des
besoins de la profession.
L’unité d’enseignement conçue pour les fleuristes,
accessible ici, montre comment la langue
étrangère peut être développée dans le cadre des
connaissances professionnelles :
1.
Formuler les
besoins spécifiques
La décision d’introduire une langue étrangère dans la formation
professionnelle initiale se prend dans le cadre du
partenariat de la formation professionnelle, selon les besoins
du marché du travail. Les organismes responsables
peuvent discuter de cette décision dans le cadre de l’examen
quinquennal ou aborder le sujet lors de journées et événements
organisés par la branche. Le choix entre une deuxième
langue nationale ou l’anglais dépendra du marché du travail
au niveau local.
2.
Définir des objectifs évaluateurs
pour les lieux de formation
Dans certaines formations, l’accent est mis sur la communication
avec la clientèle, comme pour les prestations de
conseil ; dans d’autres, c’est la compréhension écrite qui primera.
Les objectifs évaluateurs pour les lieux de formation
se définissent en fonction des situations de travail dans lesquelles
des compétences en langues étrangères sont requises.
Cela suppose une bonne coordination entre les lieux de formation.
Pour bien conseiller une cliente de leur entreprise,
les apprenti-e-s doivent y avoir été préparé-e-s à l’école professionnelle,
par exemple par des jeux de rôle spécifiques
aux situations de conseil.
Le guide de référence comporte un certain nombre
d’exemples d’objectifs évaluateurs pour les différents lieux
de formation dès la page 22.
Illustration: Captns
■ Kathrin Jonas Lambert, responsable du Centre de compétences bili et
langues, HEFP ■ Patricia Notter, responsable de projet au Centre pour le
développement des métiers, HEFP
▶ www.hefp.swiss/guide-integration-langues-etrangeres
▶ www.hefp.swiss/bili
20
21
5.
Employer et développer des langues étrangères
dans la pratique professionnelle
Les apprenti-e-s doivent pouvoir réaliser des actions dans la
langue étrangère. Il leur faut des occasions de s’exercer pour
appliquer, par combinaison, ce qu’elles et ils ont appris dans
des situations constamment nouvelles, et ainsi gagner en
assurance.
Les langues étrangères font partie du quotidien dans nombre
d’entreprises. Mais il faudrait que les organismes responsables
aident les entreprises formatrices peu confrontées aux langues
étrangères à développer les compétences linguistiques de leurs
apprenti-e-s. Les mesures qui s’y prêtent sont en particulier les
suivantes : supports de formation dans la langue étrangère, formations
sur le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour l’acquisition
de langues étrangères ou coopérations
avec des entreprises formatrices actives dans
d’autres langues ainsi que tandems linguistiques.
L’IA peut être un soutien à cet égard,
à l’instar du tuteur linguistique (en anglais) :
6.
Renforcer les coopérations entre écoles
ainsi que la formation continue
L’intégration des langues étrangères dans les compétences
opérationnelles nécessite une collaboration plus étroite entre
le corps enseignant de langues étrangères et celui qui enseigne
les connaissances professionnelles. Dans certains cantons,
des tandems d’enseignant-e-s sont formés pour concevoir
du matériel d’enseignement permettant de garantir la
qualité sur les plans linguistique et technique. De manière
générale, il est recommandé que le corps enseignant suive
des formations continues en langues et en didactique.

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Lieux de formation
skilled 1/24
Lieux de formation
Formateurs et formatrices des cours interentreprises
Une formation pédagogique
doublement bénéfique
Par Jessica Chauvet-Maurer
Entrée en fonction des nouvelles enseignantes et enseignants professionnels
L’école professionnelle comme
premier lieu de formation
Par Olivier Neuhaus
Apprécié-e-s et reconnu-e-s dans leur
métier, des professionnel-le-s s’investissent
dans la formation professionnelle
: en tant que formateurs et formatrices
des cours interentreprises.
Or, plusieurs d’entre elles et eux ne
sont pas tenu-e-s de suivre une formation
pédagogique.
L’entrée dans le métier des nouveaux/elles enseignant-e-s
professionnel-le-s n’est pas chose facile. Souvent, l’accueil
au sein des écoles repose sur des aspects davantage organisationnels
que pédagogiques. Pour inverser la tendance,
un dispositif expérimental appelé « Cafés pédagogiques »
a été mis en place à Fribourg. Il est la base d’un travail de
thèse de doctorat réalisé par un maître d’enseignement
de la HEFP.
La formation professionnelle initiale
prend place dans trois lieux de formation
: l’entreprise, l’école professionnelle
et les cours interentreprises (CIE).
Le Secrétariat d’État à la formation, à
la recherche et à l’innovation SEFRI
donne dans sa publication « La formation
professionnelle en Suisse – Faits
et chiffres 2022 » une définition des
CIE : « Ils servent à la transmission et à
l’acquisition d’aptitudes pratiques fondamentales,
en complément de la formation
dispensée en entreprise et à
l’école professionnelle. »
La formation des formateurs et des
formatrices CIE est prescrite par l’ordonnance
sur la formation professionnelle
(OFPr), qui dit à l’art. 45
qu’elles et ils doivent être au bénéfice
d’une formation pédagogique. Leur
particularité est qu’elles et ils doivent
maintenir une activité dans leur domaine
pour intervenir dans ces cours.
Pas d’obligation à se former
La continuité et la réalité professionnelle
sont ainsi assurées. Il est courant
qu’un-e professionnel-le s’investisse
dans les CIE pour un total de
moins de quatre heures hebdomadaires
en moyenne. Dans ce cas, selon
l’art. 47 de l’OFPr, elle ou il n’a pas
d’obligation à se former.
↑
Photographie de Florian Cuttat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media designer, école
romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
Ces formateurs et formatrices s’engagent
avec motivation, plaisir et énergie
dans la formation de la relève de
leur métier. Elles et ils sont recruté-e-s
par les organisations du monde du travail
(Ortra) et animent plusieurs fois
par an des formations destinées aux
apprenti-e-s, selon un contenu défini
par l’ordonnance de formation du métier
concerné. Elles et ils s’intéressent
à la didactique, pourtant, les portes
des formations habilitantes leur sont
fermées.
Une nouvelle identité
Plusieurs de ces professionnel-le-s
décident de suivre par elles- et euxmêmes
une formation pédagogique.
En Suisse romande, les Ortra organisent
également des formations spécifiques
via la HEFP pour ce public à
hauteur d’un à trois jours, afin de leur
permettre d’avoir les bases pédagogiques
utiles à leur activité d’enseignement.
Dans ces cours, elles et ils
ont l’opportunité de se former pour
assurer au mieux le développement
des compétences des apprenti-e-s.
Comme effet supplémentaire, on
peut observer une évolution identitaire
de la posture de professionnel-le
à la posture de formateur et formatrice.
Cette nouvelle identité répond
au besoin de légitimité des professionnel-le-s
qui deviennent formateurs et
formatrices. Elles et ils se reconnaissent
en tant que professionnel-le-s
en raison de leur légitimité à transmettre
leur savoir et à accompagner
le développement des compétences
des futur-e-s professionnel-le-s. La formation
pédagogique, aussi courte soitelle,
a donc un double effet bénéfique
pour ces professionnel-le-s.
■ Jessica Chauvet-Maurer, responsable de
produit, Formation, HEFP
▶ www.hefp.swiss/formateurs-en-coursinterentreprises-moins-de-4-heureshebdomadaires
Échanger sur leur pratique, mais également se sentir moins
seul-e-s durant leur première année d’enseignement : c’est
ce qu’offrent les « Cafés pédagogiques » aux nouveaux/elles
enseignant-e-s. Ce dispositif a été imaginé et mis en place
en 2019 par l’École des Métiers de Fribourg. Il faisait suite
à un sondage mené la même année.
L’enquête révélait qu’une majorité des enseignant-e-s
entrant dans la profession ne bénéficiaient que d’un soutien
organisationnel durant leur première année de métier.
Or, selon les personnes interrogées, c’est précisément
au moment de leur entrée en fonction qu’un accompagnement
pédagogique leur serait le plus utile.
En pleine action
Les « Cafés pédagogiques » visent à pallier ce manque. Ainsi,
des groupes de deux ou trois novices sont créés. Les
professeur-e-s se retrouvent trois à quatre fois durant leur
année d’entrée dans le métier en compagnie d’un-e facilitateur/trice,
qui s’avère être un-e collègue expérimenté-e.
Pour chaque rencontre, elles et ils apportent la vidéo d’une
situation emblématique filmée dans leur classe : par
exemple, l’accueil des étudiant-e-s ou la correction d’un
exercice.
Évaluation croisée
La rencontre prend alors la forme d’une évaluation croisée
entre pair-e-s : tour à tour, chaque novice présente
sa vidéo, puis les collègues font part de leurs commentaires.
Pour faciliter les échanges, une analyse sur une
vidéo tierce a été préalablement menée.
L’exercice permet de former les nouveaux/elles enseignant-e-s
aux différents registres d’analyse développés par
Alain Muller et Valérie Lussi Borer, chercheur et chercheuse
en sciences de l’éducation à l’université de Genève,
à savoir la description, l’interprétation et l’évaluation.
Un exemple qui fait école
L’évaluation croisée entre pair-e-s permet aux nouveaux
enseignant-e-s de sortir de leur sentiment de solitude et
de se donner de nouvelles ressources ou idées à réaliser
avec la classe. L’école professionnelle devient ainsi le premier
lieu de leur formation pédagogique.
Après l’instauration du dispositif à Fribourg, celui-ci
a également été mis en place dans une école à Lausanne.
■ Olivier Neuhaus, maître d’enseignement Formation et doctorant en
sciences de l’éducation, HEFP
Bibliographie
Neuhaus, O. (2022). Lʼévaluation croisée entre pairs pour accompagner
l’entrée dans le métier des enseignants professionnels. In : Journal
international de recherche en éducation et formation (e-JIREF), 8 (3),
93–115. https://zenodo.org/records/8334709
22 23
↑
Photographie de Florian Cuttat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

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Lieux de formation
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Lieux de formation
Programme de formation continue proposé par les hautes écoles pédagogiques
Immersion dans le quotidien
de la formation professionnelle
Par Barbara Fontanellaz, Véronique Eicher et Ellen Laupper
Un enrichissement – et pas
seulement pour la relève
Le programme pilote est suivi par les
équipes d’évaluation de la HEFP et de
la HEP saint-galloise. Dans le cadre de
l’évaluation qui en est faite, des entretiens
sont menés avec les participant-e-s
et les responsables du programme, et
les portfolios sont analysés.
Selon les premiers résultats, il est
tout à fait réalisable et judicieux d’organiser
dix stages sur un an. Les participant-e-s
ont également fait savoir
que les lieux de formation sollicités
avaient réagi très positivement, et
qu’elles et ils avaient pu en apprendre
beaucoup dans les différents lieux visités
: des situations d’apprentissage
peuvent ainsi être observées et être
utiles plus tard pour l’enseignement,
ou des thèmes nécessitant un approfondissement
peuvent être identifiés.
Si le but est de qualifier la relève
dans les HEP, il s’est toutefois avéré
dès la phase de conception que les
Extrêmement varié, le domaine de la formation professionnelle se définit par ses différents lieux de formation, les nombreuses
matières enseignées et les quelque 250 professions représentées. Pour que les formateurs et formatrices mais
aussi le corps enseignant puissent être préparés au mieux à leur mission, il est important que le personnel enseignant
des hautes écoles pédagogiques (HEP) soit familier du quotidien professionnel et des défis qui le composeront. Un nouveau
projet permet des immersions passionnantes dans la pratique grâce à des stages d’observation.
Le personnel enseignant de la HEFP
et d’autres HEP dispensant des formations
initiales et continues destinées
aux responsables de la formation professionnelle
est confronté à un double
défi : il lui faut en effet disposer à la
fois de connaissances dans une discipline
de référence (la physique ou les
langues, par ex.) et à la fois de compétences
pédagogiques et didactiques.
Il doit également connaître les spécificités
et les défis liés à la profession
des apprenti-e-s (par ex. celle d’installateur/trice-électricien-ne),
sans
compter ceux qui proviennent du fait
de se former dans trois lieux de formation
différents.
Pour permettre l’acquisition de ce
profil de compétences exigeant, la
HEFP a développé un programme de
formation continue spécifique en collaboration
avec les HEP de Lucerne,
Saint-Gall et Zurich. Il est co-financé
par swissuniversities dans le cadre du
programme pilote qui vise à consolider
ce double profil pour la relève des
hautes écoles spécialisées et des HEP.
Dix demi-journées de stages
d’observation
Prévu sur un an, le programme se compose
de plusieurs éléments, le principal
étant formé par des stages personnalisables
qui permettent de visiter différents
lieux de formation. Il est ainsi
possible d’observer des situations d’apprentissage
et d’identifier des thèmes
qui se présentent dans le quotidien des
enseignant-e-s ou des formateurs/trices
(en entreprise ou en cours interentreprises).
En parallèle des stages, qui se déroulent
sur une demi-journée, les participant-e-s
créent un portfolio avec
leurs observations et découvertes, et
en tirent des idées de transfert pour
leur propre pratique. Des événements
destinés aux différentes hautes écoles
sont aussi organisés durant la phase
pilote.
Des approches très diverses
sont possibles
Trois membres du personnel enseignant
de la HEFP participant au programme
donnent un aperçu de la diversité
des stages effectués : « J’ai voulu étudier
la manière dont les enseignant-e-s
de la maturité professionnelle appréhendent
l’interdisciplinarité, et comment
leur approche interdisciplinaire
s’intègre dans les cours », explique
Luca Bausch, maître d’enseignement à
Lugano.
« J’ai voulu étudier la manière
dont les enseignant-e-s de
la maturité professionnelle
appréhendent l’interdisciplinarité,
et comment leur
approche interdisciplinaire
s’intègre dans les cours. »
Responsable de projet senior pour
la formation continue à Zollikofen,
Claudia Rapold a déjà effectué quelques
stages : « Ayant assisté à des cours de
formation pratique (FPra) dans une
école professionnelle, j’ai pu observer
comment sont gérés les grands écarts
de performance dans une même
classe. » Forte de ces observations, elle
entend s’en inspirer pour le développement
des offres de formation continue
sur le thème de l’encouragement et du
coaching des apprenti-e-s.
Formant des enseignant-e-s de
branches professionnelles à Zollikofen,
Regula Künzi fait part de ses premières
idées de transfert : « Les discussions
que j’ai menées dans une menuiserie
et à l’école professionnelle m’ont fait
voir le désir des apprenti-e-s d’être traité-e-s
en professionnel-le-s et d’être autonomes
et responsables ». Des expériences
qui l’encouragent à développer
à la HEFP des contextes de formation
autogérés, à l’instar des « student driven
studies » – qui servent de « modèle et
d’expérience personnelle pour les futur-e-s
enseignant-e-s ».
Ces exemples illustrent bien la diversité
des thématiques abordées, qui
sont autant de questions et de développements
que l’on retrouve également
dans l’initiative « Formation
professionnelle 2030 ».
Le programme peut ainsi être
considéré comme participant
également au développement du
personnel et de la qualité.
stages pouvaient aussi être enrichissants
pour le personnel enseignant
expérimenté. Les changements en
cours dans la société, comme la numérisation
et le changement climatique,
influent sur le monde du travail
et sur les professions elles-mêmes, et
le personnel enseignant des HEP se
doit de connaître le quotidien professionnel
en évolution des groupes
cibles pour pouvoir l’intégrer dans les
cours. Le programme peut ainsi être
considéré comme participant également
au développement du personnel
et de la qualité. Il continuera donc
d’être proposé par la HEFP, même une
fois le soutien de swissuniversities
terminé.
■ Barbara Fontanellaz, directrice, HEFP
■ Véronique Eicher, responsable de projet,
Service d’évaluation, HEFP ■ Ellen Laupper,
responsable de projet, Service d’évaluation,
HEFP
▶ www.hefp.swiss/evaluation-programmedetudes-enseignant-e-s
24 25
↑
Photographie de Haydée Cuenat, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive media designer, école
romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

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Lieux de formation
skilled 1/24
Lieux de formation
Formation initiale à temps plein
Des cursus ancrés dans le
monde professionnel
Par Sabrina Streuli
La formation professionnelle duale au Pays basque
Le rôle
déterminant
joué par l’école
Par Barbara Petrini et Rolf Felser
Des modèles de formation mixtes ou à temps plein permettant d’obtenir un
certificat fédéral de capacité complètent le dispositif de la formation duale régulièrement
plébiscité en Suisse et à l’international. Focus avec deux exemples
entre tradition et innovation : l’approche de l’horlogerie et celle du business
numérique.
Fondées il y a plusieurs décennies
pour maintenir des savoir-faire locaux,
les six écoles d’horlogerie helvétiques
ont été progressivement
étatisées, à l’image de l’École technique
de la Vallée de Joux ETVJ en
1992. Son directeur, Frédéric Schütz,
raconte : « Les cantons ont repris des
écoles hétérogènes avec un ancrage et
un passé communal, ce qui explique
l’identité propre de chaque école
d’horlogerie. »
Nombreux échanges avec
les entreprises
Actuellement, l’ETVJ dispense les
cours des filières duales et les cours
interentreprises, ainsi que des formations
initiales et supérieures à plein
temps, s’inscrivant comme un pôle
de compétences intégré dans le tissu
économique. « Les entreprises reçoivent
nos jeunes en stage, pour des
travaux de diplôme (pour la formation
supérieure) mais surtout les engagent
au terme de leur formation.
Nous collaborons activement avec
elles pour développer la formation
continue et ainsi répondre aux besoins
de ces entreprises », précise le
directeur. Et d’ajouter : « Il arrive que
nous reprenions des contrats d’apprentissage
lorsqu’un-e jeune est en
difficulté et, inversement, qu’un apprentissage
commencé à l’école se
termine en entreprise. »
La pratique s’acquiert grâce à des
tâches très diverses : travaux sur des
pièces d’exercice, mandats en sous-traitance,
prestations de service aprèsvente
ou encore projets spécifiques,
comme la réalisation de la pendule
pour le Parlement vaudois dont la livraison
est prévue en 2024. Frédéric
Schütz relève d’autres plus-values,
comme la possibilité d’effectuer une
maturité professionnelle intégrée ou
de former de la main-d’œuvre indépendamment
des marques et des fluctuations
économiques.
↑
Photographie de Jemima Lioto, 1ʳᵉ année
d’apprentissage d’interactive media designer,
école romande d’arts et communication (eracom),
Lausanne
Formation pratique intensive
Un autre exemple concerne le nouveau
métier de « développeur/développeuse
de business numérique ». Les
entreprises peuvent opter pour la voie
duale ou le « Dual Boost ». En Suisse
romande, ce modèle déjà éprouvé avec
succès pour la formation en médiamatique
résulte d’une collaboration entre
ICT Médiamatique romande et le
centre de formation 3Sheds sur les
sites d’Yverdon, Genève et Fribourg.
Dans le cadre d’un contrat de prestations
avec les entreprises formatrices,
le centre accueille ces futur-e-s
spécialistes des données et de la numérisation
pour leur première année
d’apprentissage. Leurs compétences
de base sont développées conformément
au plan de formation, au travers
des mandats confiés par leurs employeurs/euses.
La suite du cursus se
déroule essentiellement en entreprise,
avec la possibilité de bénéficier du soutien
du centre au gré des besoins.
■ Sabrina Streuli, responsable de projet au
Centre pour le développement des métiers,
HEFP
▶ www.etvj.ch
▶ https://cpih.ch/apprentissages
▶ https://ict-mediamatique-romande.ch
▶ https://3sheds.ch
Outre la Suisse, d’autres régions d’Europe proposent une
formation professionnelle en mode dual. Jon Labaka, directeur
du Centre basque pour la recherche appliquée en
formation professionnelle, présente pour « skilled » le système
dual de formation professionnelle du Pays basque et
détaille le rôle joué par les différents lieux de formation.
Que ce soit dans la métallurgie ou dans les soins, l’apprentissage
en Espagne s’effectue généralement sur deux ans,
et les jeunes particulièrement doué-e-s peuvent accomplir
une troisième année de formation. Le rôle joué par
l’école professionnelle est central dans la formation initiale,
comme le montre l’entretien réalisé avec J. Labaka,
directeur du Centre Tknika, avec lequel la HEFP collabore
depuis 2022, notamment pour organiser des stages
d’observation destinés aux enseignant-e-s.
La pratique fait partie de l’enseignement
Durant les deux premières années, les apprenti-e-s
basques passent environ 500 heures, dont 150 la première
année, dans l’entreprise. Comme le précise J. Labaka,
« l’école se charge alors de s’assurer que les apprenti-e-s
acquièrent de l’expérience pratique tout autant que les
connaissances théoriques nécessaires ». L’accent est mis
sur les compétences générales requises pour la profession
choisie. La formation en entreprise est donc courte,
mais les apprenti-e-s développent aussi leurs aptitudes
pratiques en classe.
De manière générale, les deux premières années de formation
sont fortement dirigées par l’école. Selon J. Labaka,
l’école au Pays basque a une « influence déterminante sur
les compétences à acquérir ». Seule la moitié environ du
contenu de la formation est identique, pour une profession
donnée, dans toute l’Espagne ; une autre partie est
spécifique au Pays basque, et la troisième partie est définie
et transmise aux entreprises par l’école.
Troisième année ciblée sur l’entreprise
Durant la troisième année, suivie par quelque 10 pour cent
des apprenti-e-s, l’accent est mis sur la formation en entreprise.
Les apprenti-e-s passent alors les 70 pour cent de
leur temps de formation dans l’entreprise et disposent d’un
contrat de travail. Jouant un rôle essentiel, les formateurs
et formatrices en entreprise élaborent un plan de formation
avec chaque apprenti-e, en veillant à une bonne adéquation
avec sa situation personnelle et avec l’école. Les
compétences professionnelles acquises sont spécifiques
à l’entreprise, ce qui rend la formation duale difficile en
troisième année, sur le plan organisationnel, puisque les
apprenti-e-s suivent un enseignement commun.
J. Labaka termine en constatant que le système est
certes assez complexe mais qu’il est toutefois bien adapté
à la situation du Pays basque et qu’il fonctionne très
bien aujourd’hui, après plusieurs années de mise en route.
D’ailleurs, la grande majorité des diplômé-e-s trouvent
aisément leur place sur le marché du travail une fois leur
formation accomplie.
■ Barbara Petrini, responsable de projet senior au Centre pour le
développement des métiers, HEFP ■ Rolf Felser, responsable de
domaine au Centre pour le développement des métiers, HEFP
▶ https://tknika.eus/en/ (en anglais)
26 27
↑
Photographie de Jemima Lioto, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne

skilled 1/24
Rencontre
Edith Müller Loretz, membre de la Direction de la Suva
« Les apprenti-e-s doivent
pouvoir dire stop »
Madame Müller Loretz, vous avez
effectué un apprentissage
de droguiste. Avez-vous vécu des
situations critiques ?
Aucune circonstance n’a été réellement
dangereuse. Toutefois, je devais
bien manipuler des acides et d’autres
produits chimiques. On m’a montré
une fois comment il fallait faire, puis
j’ai continué seule. C’était normal, les
mesures de sécurité n’étaient alors pas
aussi rigoureuses qu’aujourd’hui.
Entretien : Peter Bader
Le nombre d’apprenti-e-s victimes d’un accident est deux fois plus élevé que celui des
adultes. En 2012, l’assurance-accidents suisse Suva a lancé une campagne afin d’y
remédier. Edith Müller Loretz, membre de la Direction de la Suva en est convaincue : les
personnes formatrices devraient instaurer une culture de la sécurité et de la prévention
convenant aux apprenti-e-s.
Vous avez deux enfants. Ont-ils
vécu des incidents dangereux au
cours de leur formation ?
Ils ont tous deux suivi le cursus scolaire
habituel, et sont devenus des
sportifs de pointe dans des disciplines
à risque : ma fille pratique le
handball, et mon fils est gardien de
but au FC Lucerne. Heureusement,
aucun n’a encore souffert de blessures
graves.
Chaque année, la Suisse enregistre
des accidents professionnels
touchant un-e apprenti-e sur huit et
dont deux sont mortels. Le risque
d’accident est deux fois plus élevé
que chez les adultes. Pourquoi ?
Les apprenti-e-s n’appréhendent pas
encore les dangers, ou alors les sous-estiment.
Tendanciellement, les jeunes
sont plus enclin-e-s au risque et l’expérience
leur fait défaut. Voilà pourquoi
non seulement les apprenti-e-s, mais
MÀD /@grund.photo
aussi les jeunes employé-e-s en général,
présentent un risque élevé de subir
un accident. Ce groupe n’est pas encore
très familier avec les procédures
systématiques permettant de minimiser
les risques au travail. En outre, les
personnes formatrices ne fournissent
souvent pas suffisamment d’instructions
et de surveillance.
Existe-t-il des scénarios
typiques d’accident ?
Il est difficile de généraliser, car les
rouages exacts des accidents ne sont
pas toujours connus. Une chose est
sûre : la plupart des apprenti-e-s se
blessent aux mains – en coupant, perçant
ou piquant.
Les jeunes hommes sont-ils
plus souvent accidentés que
les jeunes femmes ?
Oui. D’une part, les hommes travaillent
plutôt dans des métiers à risque : foresterie,
construction de voies ferrées,
travail sur chantier. D’autre part, ils
sont plus enclins au risque, ce qui se
reflète également dans le nombre assez
élevé d’accidents de loisirs.
« La plupart des apprenti-e-s
se blessent aux mains – en
coupant, perçant ou piquant. »
Quel rôle jouent le stress et la pression
des délais dans les accidents ?
Le stress et la pression des délais sont
le pain quotidien de nombreuses entreprises.
Dans les périodes d’effervescence,
il est d’autant plus important
de respecter les règles vitales et
d’oser dire stop dans des moments critiques.
Il n’est pas toujours aisé pour
les apprenti-e-s de faire preuve de fermeté
; la Direction doit avant tout encourager
et exiger un environnement
de travail sécurisé et sain, et le vivre
elle-même ainsi.
La Suva a lancé en 2012 la campagne
« Un apprentissage sécurisé
et sain » : à qui s’adresse-t-elle ?
En priorité aux personnes formatrices
: elles sont tenues de sensibiliser
les jeunes aux dangers et de leur
présenter une procédure systématique.
Il est très important que les apprenti-e-s
puissent à tout moment
dire non aux situations incommodes.
L’experte en sécurité
Edith Müller Loretz, 55 ans, est droguiste
de formation. Après son apprentissage,
elle étudie l’économie d’entreprise et
effectue une formation continue en
communication et en psychologie du
travail et des organisations. Elle rejoint
la Suva en 1998 en tant que cheffe de
la campagne sports de neige, assume
diverses fonctions dirigeantes et devient,
en 2019, cheffe du département
protection de la santé et personnel ainsi
que membre de la Direction de la Suva.
E. Müller Loretz a deux enfants adultes et
vit avec sa famille à Kriens.
Quelles sont les plus importantes
mesures de la campagne ?
Nous disposons de listes de contrôle
et de guides expliquant comment présenter
le sujet aux apprenti-e-s. Nous
avons produit des vidéos de sécurité
et disposons d’un matériel pédagogique
permettant aux jeunes de réfléchir
à leur propre comportement
à risque. Nous présentons notamment
un parcours de sécurité à notre
stand aux SwissSkills. Nous mettons
par ailleurs à la disposition des écoles
professionnelles une documentation
en faveur d’un enseignement sécurisé
du sport.
Quel accueil a-t-on réservé
à ces mesures ?
Les entreprises et les personnes formatrices
apprécient notre soutien.
L’accueil auprès des jeunes dépend
de la manière dont les mesures leur
sont transmises. Notre influence n’est
donc pas directe.
Un enseignant d’éducation physique
à l’École professionnelle lucernoise
est très astucieux : il part en excursion
à vélo avec les jeunes et leur
donne des conseils de sécurité à appliquer
aisément durant leurs loisirs.
Le parcours de sécurité est également
apprécié : l’un des postes exige
de porter un casque sur lequel percute
une boule de billard. L’effet est
impressionnant : que se passerait-il
sans protection ? De telles expériences
sont marquantes.
« La Direction doit avant tout
encourager et exiger un
environnement de travail
sécurisé et sain, et le vivre
elle-même ainsi. »
Quel impact a eu cette campagne ?
Il est réjouissant de constater une légère
diminution du risque d’accident
ces dernières années, notre campagne
étant l’une des explications possibles
de cette évolution. L’accroissement généralisé
de la conscience des dangers
pourrait aussi en être une cause. Le
travail préventif reste toutefois essentiel.
En effet, en apprenant un comportement
sécurisé et sain durant leur
formation, les apprenti-e-s l’appliqueront
ultérieurement et sont donc à
leur tour de bons exemples à suivre
pour la relève.
Quels sont les défis actuels
les plus importants ?
Les problèmes psychiques se sont notoirement
accrus chez les jeunes. Ces
troubles peuvent notamment mener
à davantage de situations de stress
dans le travail quotidien et avoir un
impact sur la sécurité. L’une de nos
principales tâches consiste donc à
sensibiliser les entreprises à ce sujet.
■ Peter Bader, rédacteur indépendant,
Communication HEFP
▶ www.suva.ch/apprentissage
28 29

skilled 1/24
De la pratique
Andreas Bischof, responsable de la formation professionnelle auprès du groupe technologique Bühler
« Un semestre de test
pour tout le monde »
Par Peter Bader
Andreas Bischof dirige la formation professionnelle du groupe Bühler, actif internationalement. Son équipe et lui
veillent à ce que le groupe forme lui-même sa main-d’oeuvre : l’entreprise propose aux jeunes des conseils en
gestion de carrière ou des engagements à l’étranger. Pour A. Bischof, la vision de la formation professionnelle du
futur va encore plus loin.
HEFP / Ben Zurbriggen
Tout commence par la traversée d’un
lac. Adolescent, A. Bischof traverse le
lac de Constance à la nage : 13 km en
près de cinq heures. Un journal rend
compte de cet exploit attirant ainsi l’attention
du recteur de l’école professionnelle
d’Arbon. Ce dernier connaissait
déjà ce jeune homme comme moniteur
au club de natation d’Arbon. Il se dit :
« voilà un enseignant pour notre école
professionnelle. » Dès lors, le dessinateur
sur machines forme des apprenti-e-s
comme enseignant d’école professionnelle
et, depuis 15 ans, comme
responsable de la formation professionnelle
du groupe Bühler, qui emploie
env. 600 personnes en formation
dans le monde entier. 291 d’entre elles
travaillent au siège du groupe à Uzwil
(SG) comme polymécaniciennes,
constructrices, automaticiennes ou informaticiennes.
Certificat sans grande importance
Nous avons rendu visite à cet enseignant
de 58 ans au Bühler Energy
Center inauguré depuis peu à Uzwil,
un bâtiment futuriste d’acier, de bois
et de verre symbolisant entre autres
les efforts de l’entreprise déployés en
faveur de la formation professionnelle.
On y trouve notamment un hall de production
et des locaux de formation modernes.
Chaque année, jusqu’à 90 personnes
débutent leur formation à Uzwil
et Appenzell ; parmi elles, deux tiers
restent au sein du groupe Bühler après
← Andreas Bischof au Bühler Energy Center, qui réunit sous un même toit
la formation initiale des métiers techniques.
« Nous ne regardons pas
les notes du certificat en
premier lieu. »
leur apprentissage. « Nous formons
nous-mêmes notre main-d’oeuvre », indique
A. Bischof.
« Tout le monde peut poser sa candidature,
nous ne regardons pas les
notes du certificat en premier lieu »,
déclare-t-il. Un bilan a lieu après un
stage d’initiation : « Bien sûr, nous tâchons
de relever des habiletés chez une
personne. Mais il s’agit aussi de percevoir
en elle de l’intérêt et de la passion
envers la profession, et si elle se fond
dans notre culture d’entreprise. »
Lorsqu’une personne obtient une
place d’apprentissage, l’équipe d’A.
Bischof prend contact avec l’enseignant-e
et lui indique comment les
jeunes peuvent se préparer à la formation.
Le responsable de la formation
professionnelle est en contact avec de
nombreuses écoles au-delà des frontières
intercantonales. « Les enseignant-e-s
doivent constater que nous
nous occupons bien de nos apprenti-e-s.
Cela augmente les chances qu’un
apprentissage soit recommandé chez
nous », précise-t-il.
S’adapter aux conditions locales
Durant leur apprentissage, les personnes
en formation ont la possibilité
de travailler trois à six mois sur un site
Bühler à l’étranger et de participer en
ligne à l’enseignement habituel de
l’école professionnelle. Elles peuvent
en outre bénéficier d’un conseil en gestion
de carrière une fois la moitié de
leur formation accomplie.
A. Bischof passe un bon mois par an
sur les sites Bühler implantés à l’étranger.
Il s’efforce que des formations y
soient proposées dans les métiers requis
par le groupe Bühler. Le profil professionnel
du « technical service engineer
» est ainsi apparu aux États-Unis.
« Notre formation professionnelle
duale doit toujours être adaptée aux
conditions sur site », explique-t-il.
Depuis quatre ans, il représente l’industrie
des machines, des équipements
électriques et des métaux à la Commission
fédérale de la formation professionnelle.
Il s’est investi avec succès
afin que l’initiative « viamia », offrant
des bilans gratuits de compétences professionnelles,
soit également proposée
dans le canton de Saint-Gall.
Telle est sa vision de l’apprentissage
du futur : « toute personne en formation
devrait en premier lieu opter pour
une branche professionnelle spécifique
au sein d’une entreprise puis
choisir un métier concret un semestre
plus tard seulement. Nous aurions ainsi
plus de main-d’oeuvre satisfaite au
bon endroit. »
■ Peter Bader, rédacteur indépendant,
Communication HEFP
31

skilled 1/24
Recherche et développement
skilled 1/24
Formation
«
Accompagnement d’apprentissage exigeant
Ici du sucré, là du salé »
Par Anna Keller
Tour de Suisse consacré au blended learning
Dynamique et diversité dans
les écoles professionnelles
Par Claudia Rapold, Thomas Ruoss et Ruth Weber-Bürki
Le monde du travail est en constante mutation. L’apprentissage
auto-organisé revêt d’autant plus d’importance
pour les apprenti-e-s. L’école professionnelle leur donne
l’occasion de s’exercer à ce type d’apprentissage. Les enseignant-e-s
les accompagnent dans cette démarche. Une
étude d’entretiens menée par la HEFP a examiné la perception
de soi des enseignant-e-s qui misent de plus en
plus sur l’apprentissage autogéré.
La recherche de son propre rôle est un processus continu
pour les enseignant-e-s. Cela vaut tout particulièrement
dans les séquences d’enseignement où intervient l’apprentissage
auto-organisé. Ce phénomène est mis en évidence
par une étude de la HEFP sur la base d’entretiens avec des
enseignant-e-s. Ces personnes se perçoivent comme designer
d’environnements d’apprentissage, comme coachs ou
comme accompagnant-e-s d’apprentissage. L’intention est
de créer un environnement d’apprentissage le plus idéal
possible. « Ma conception de l’enseignement est de recouvrir
une table avec autant d’objets que possible. Ici du sucré,
là du salé, voilà ce que j’imagine. Ensuite, j’invite les
apprenti-e-s à table à y choisir quelque chose. Mais elles et
ils doivent manger tout seul-e-s », confie une enseignante.
Les enseignant-e-s ne cessent d’améliorer l’accompagnement
de l’apprentissage, ce qui leur permet d’apprendre
également. « On n’est pas seulement enseignant-e-s, on apprend
aussi continuellement », résume un enseignant.
Attentes contradictoires
Définir son propre rôle est souvent un défi pour les enseignant-e-s,
car les attentes des directions d’école, des autorités
sans oublier celles des apprenti-e-s sont elles-mêmes
contradictoires. On voit que les images de rôles traditionnels
comme passeurs et passeuses de connaissances ainsi
que le monopole du savoir ont la vie dure. Les enseignant-e-s
racontent par exemple que les apprenti-e-s rejettent
souvent spontanément un nouvel aménagement
des rôles et leur réclament de « faire de la vraie école ».
Nouveaux modes d’action demandés
Comment alors structurer le nouveau rôle des enseignant-e-s
? Et les questions qui en découlent : à quel point
↑ Photographie d’Ophély Gabriel, 1ʳᵉ année d’apprentissage d’interactive
media designer, école romande d’arts et communication (eracom), Lausanne
se reprendre et apporter un soutien individuel réel dans
des séquences d’enseignement avec autoapprentissage ?
Quand intervenir pour reprendre la main ? « Et quid, quand
je donne des tâches et si les apprenti-e-s ne travaillent
pas ? », se demande une enseignante. « Je leur dis qu’il faut
s’y mettre, parce que sinon le travail ne sera pas terminé ?
Ou est-ce que je les laisse faire ces erreurs ? ». Les enseignant-e-s
rapportent qu’échanger avec des collègues est le
plus utile pour discuter de ces questions et d’autres, ainsi
que pour développer des modes d’action appropriés.
■ Anna Keller, collaboratrice scientifique dans le champ de recherche
« Cultures d’apprentissage et didactique », HEFP
▶ www.hefp.swiss/coaching-signification-école-professionnelle
Les dix étapes du Tour de Suisse 2023 ont permis de dresser
un portrait des pratiques des écoles professionnelles en
matière de blended learning. Le rapport final montre que
l’apprentissage mixte repose sur un équilibre complexe.
Identifier les bonnes pratiques dans le domaine du
blended learning : tel était l’objectif du Tour de Suisse organisé
l’an dernier par la Table Ronde Écoles Professionnelles,
avec le concours de la HEFP. Dix établissements
ont dévoilé leur stratégie et leur façon de l’appliquer.
Le suivi scientifique du projet était assuré par des étudiant-e-s
de la filière de Bachelor en formation professionnelle
de la HEFP. L’analyse portait avant tout sur la
vision qu’ont les écoles professionnelles du blended learning,
les potentiels et les défis qu’elles rencontrent ainsi
que sur les facteurs de succès essentiels. Chaque étape a
donné lieu à un bref rapport présentant les observations
faites ainsi que les entretiens et le sondage réalisés. Ces
comptes rendus ont ensuite été analysés
pour le rapport final.
Il en ressort que les écoles voient
l’apprentissage mixte avant tout
comme un éventail de méthodes fondées
sur des outils techniques. Leur
priorité consiste à mettre en lien les
groupes spécialisés et les disciplines
en vue de favoriser le développement
de l’école. Cet aspect passe avant la coopération entre
lieux de formation.
Facteurs de succès
Combiner des méthodes éprouvées avec de nouvelles pratiques
didactiques représente le plus grand défi du
blended learning pour les écoles. En outre, les personnes
en formation qui n’ont que peu d’expérience de l’apprentissage
auto-organisé peuvent avoir des difficultés à s’y
adapter.
Les formations continues pour le corps enseignant,
une communication transparente et la volonté de la direction
d’ouvrir des espaces de changement dans la
culture de l’institution sont cités comme des facteurs clés
pour le succès de ces approches pédagogiques.
Il ressort du rapport que
les écoles voient l’apprentissage
mixte avant tout
comme un éventail de
méthodes fondées sur des
outils techniques.
↑ Une étape du Tour de Suisse 2023 : accueil par la rectrice Claudia Hug au
centre de formation Limmattal.
Une intégration réussie du blended learning dans les
pratiques de formation des écoles professionnelles repose
sur un équilibre complexe entre
les exigences techniques, les concepts
pédagogiques, la motivation et la qualification
des enseignant-e-s d'un côté
et les besoins individuels des apprenti-e-s
de l’autre.
Dernière étape à la HEFP
L’évaluation s'est achevée avec le rapport
final. Vu le succès rencontré, le Tour de Suisse jouera
les prolongations en 2024. Cette fois-ci, huit écoles
professionnelles feront découvrir leurs bonnes pratiques.
La dernière étape est prévue le 10 décembre à la HEFP,
qui abordera la transformation numérique du point de
vue de la formation, de la recherche et du développement
des métiers.
■ Claudia Rapold, responsable de projet senior, Formation, HEFP
■ Thomas Ruoss, responsable de la filière BSc en formation
professionnelle, Formation, HEFP ■ Ruth Weber-Bürki, étudiante du
BSc en formation professionnelle, Formation, HEFP
▶ www.ehb.swiss/tour-de-suisse-schlussbericht (en allemand)
32 33
HEFP / Claudia Rapold

skilled 1/24 Formation skilled 1/24 Nouvelles
«
Méthodes de formation novatrices
Innovazione et Didattic@ » :
une communauté hybride
Filières de la HEFP
Du BSc au diplôme
d’enseignement
Direction de la haute école HEFP
Nouveau responsable
Formation à la HEFP
Journée HEFP-OBS
Les examens
sous la loupe
Par Siegfried Alberton et l’équipe de la formation continue de Lugano
Le secteur Formation continue de Lugano réfléchit depuis des années à des méthodes novatrices de formation des
enseignant-e-s, des formateurs et des formatrices, en mettant l’accent sur une promotion de l’innovation collaborative
provenant de l’activité sur le terrain. Cette réflexion a mené à l’élaboration d’un projet de constitution d’une
communauté professionnelle fondée sur le thème de l’innovation didactique.
La participation des membres aux activités
d’une communauté professionnelle
ne signifie pas seulement recevoir
des contenus, mais aussi analyser
activement les besoins de leur
public cible, en codéveloppant des
projets et des solutions avec le reste
de la communauté. Pour soutenir de
tels processus, il s’est avéré nécessaire
de mettre en place des espaces hybrides,
c’est-à-dire virtuels et physiques,
qui favoriseraient l’apprentissage
par la participation aux activités
de la communauté.
Comparaison continue
Certaines recherches mettent en évidence
le rôle essentiel du numérique
dans le renforcement d’éléments fondamentaux
des communautés tels que
la fréquence de participation, comme
le relève le psychologue de la communication
Giuseppe Riva. Aussi, la HEFP
a créé deux types d’espaces numériques
: un groupe LinkedIn, d’env. 200
membres, et « Didattic@ », une plateforme
permettant aux utilisateurs et
utilisatrices d’identifier des outils numériques
utiles pour l’enseignement
et de poster des évaluations et des commentaires
à leur sujet.
Relations et créativité favorisées
« Le numérique seul ne suffit pas à
construire une communauté et il est
essentiel d’offrir des moments présentiels
pour consolider la confiance
↑ Photographie de Florian Cuttat, 1ʳᵉ année
d’apprentissage d’interactive media designer,
école romande d’arts et communication
(eracom), Lausanne
entre les membres et développer des
projets communs », souligne Giuseppe
Riva.
C’est dans ce but qu’une salle de
classe a été aménagée sur le site de la
HEFP à Lugano, meublée pour favoriser
les modes de travail informels –
notamment par le biais de canapés colorés
– mais aussi les modes de travail
créatifs, grâce à des outils tels que le
tableau noir ou le flipchart. En outre,
pour un événement spécifique comme
le concours Hack4Le@rning, la communauté
peut bénéficier des espaces
dédiés au travail de groupe pendant
deux jours consécutifs, ceci grâce à la
collaboration avec la section d’informatique
de gestion de l’École supérieure
d’économie de Bellinzone.
Les mots de la communauté
Comme il est ressorti d’un atelier réalisé
selon la méthodologie Lego Serious
Play destiné à coconstruire les
objectifs de la communauté, bien que
les technologies numériques maximisent
les opportunités d’échange, il
est essentiel de se retrouver dans des
espaces physiques pour partager de
bonnes pratiques, co-concevoir et
créer un réseau avec d’autres personnes
unies par un intérêt commun
pour l’innovation didactique.
■ Siegfried Alberton, responsable régional
Formation continue, Formation, HEFP
Bibliographie
Riva, G. (2014). Nativi digitali. Crescere
e apprendere nel mondo dei nuovi media.
il Mulino.
▶ https://www.linkedin.com/
groups/12783090/
▶ https://suffp-didattica.com/ (en italien)
▶ www.suffp.swiss/formazione-continua/
hackathon-suffp (en italien)
Objectifs de la
communauté, affiche
élaborée dans le cadre
de l’atelier Lego Serious
Play (en italien):
↑ Le BSc en formation professionnelle proposé
par la HEFP offre davantage de diversité.
L’offre d’études de la HEFP est davantage
intégrée et assouplie : à partir de l’automne
2024, les études de Bachelor of Science en
formation professionnelle (BSc) s’harmoniseront
sur les filières d’enseignement de
la culture générale et des connaissances
professionnelles, ce qui permettra une seconde
formation raccourcie. La HEFP tient
ainsi compte des besoins des écoles professionnelles
ainsi que des différents parcours
d’apprentissage et objectifs professionnels
des personnes en formation.
Les personnes intéressées suivant une
filière BSc peuvent désormais prendre
contact avec les écoles professionnelles
pour s’orienter vers une compétence pédagogique
ultérieure. De leur côté, les titulaires
d’un BSc ayant bénéficié d’une formation
étendue en sciences sociales constituent
un groupe cible attrayant pour les
filières habilitant à enseigner. L’offre en
formation de la HEFP sera en outre davantage
axée sur l’apprentissage tout au long
de la vie.
Cet automne, les personnes intéressées
pourront rejoindre le BSc en formation professionnelle
à la HEFP dans le cadre du début
intermédiaire. De même, le Master of
Science en formation professionnelle, davantage
axé sur la recherche, offre la possibilité
d’une rentrée intermédiaire. bwi
▶ www.hefp.swiss/bsc
▶ www.hefp.swiss/msc
34
35
AdobeStock
MÀD
↑
Christian Rosser
Christian Rosser sera le responsable national
du secteur Formation de la HEFP dès
le 1ᵉʳ octobre 2024. Le Conseil de la HEFP,
sur demande de Barbara Fontanellaz, directrice
de la HEFP, l’a nommé à ce poste
clé et comme membre de la direction de la
haute école.
Depuis sept ans, Christian Rosser est
Chief Operating Officer du Swiss Institute
for Translational and Entrepreneurial Medicine
(sitem-insel AG). Actuellement, il
est également directeur a.i. de la sitem-insel
School, un centre de formation continue
de la Faculté de médecine de l’Université
de Berne. En 2011, il a obtenu un
doctorat en sciences politiques et administratives
à l’Université de Berne et y enseigne
depuis lors dans le domaine de la
formation continue. En 2022, il a obtenu
l’Executive Master of Business Administration
de l’Université de Zurich.
Christian Rosser dispose d’une connaissance
approfondie du système éducatif
suisse. Ayant effectué d’abord un apprentissage
de monteur-électricien, il a, pendant
ses études ultérieures, enseigné les
langues et la culture générale dans diverses
écoles. com
HEFP
↑ La journée HEFP-OBS de septembre sera
consacrée aux procédures de qualification.
Les questions d’actualité relatives aux procédures
de qualification dans la formation
professionnelle initiale ne manquent pas.
L’équipe de recherche de l’Observatoire
suisse de la formation professionnelle OBS
HEFP débattra de cette thématique et présentera
son nouveau rapport de tendance
sur ce thème lors de la journée nationale
HEFP-OBS, le 17 septembre prochain au
Casino de Berne.
Les interventions porteront sur l’actualité
et la pertinence des procédures de qualification
ainsi que sur leur importance aux
niveaux pédagogique, social et économique
– en regard notamment des taux
d’échec élevés enregistrés dans certaines
professions. Les résultats présentés seront
ensuite discutés avec des représentant-e-s
de la pratique, du monde politique et de la
recherche en matière de formation professionnelle.
La journée se terminera par la remise
du prix Enterprize 2024, sous le patronage
du conseiller fédéral Guy Parmelin. Récompensant
des projets innovants réalisés
dans le domaine de la formation professionnelle,
ce prix sera pour la première
fois également décerné dans une catégorie
internationale. com
Pour obtenir plus d’informations et pour s’inscrire :
▶ www.hefp.swiss/journee-nationale-2024
▶ www.enterprize.swiss

skilled 1/24
En formation
Eliane Grichting, future gestionnaire de commerce de détail dans un point de vente des apprenti-e-s
« Les relations inter personnelles
sont différentes ici »
Par Lucia Probst
Enfant, elle aidait dans l’épicerie du village. Adolescente, elle opte pour un apprentissage dans le commerce de
détail. Eliane Grichting effectue sa troisième année d’apprentissage de gestionnaire de commerce de détail
au magasin Coop Deisswil (BE), point de vente des apprenti-e-s. Depuis l’été dernier, elle fait partie de l’équipe qui
comprend huit apprenti-e-s.
« Rien ne va sans motivation » ; la
confiance en soi et l’esprit d’équipe sont
aussi requis, explique la jeune femme
de 20 ans. « Les différences entre nous
sont radicales. » Pourtant, depuis l’été
passé, l’équipe est formée avec un objectif
commun : gérer la filiale Coop
Deisswil bernoise. « Vou üsä Ladä »
(« De notre magasin »), peut-on lire sur
la grande affiche orange, où l’on vous
sourit déjà devant le magasin.
E. Grichting et son collègue devant
le four à pain emballent les pains frais
dans des sacs en papier. « Humer l’odeur
du pain revigore le matin », remarquet-elle.
« Le pain » constitue son rayon
préféré. « Cela me plaît d’arranger joliment
les petits pains sur les étals. » À
midi, la station de chauffage doit être
bien remplie de pizzas et de pâtisseries.
« Ici, le minutage est important afin que
tout soit prêt à temps. »
36
« Nous nous entraidons »
Il y a peu, E. Grichting a cédé son poste
au rayon pain. Il va de soi qu’elle continue
de soutenir ses collègues. « Nous
nous entraidons lorsque l’un-e de nous
ignore ou ne maîtrise pas encore assez
bien quelque chose. »
E. Grichting était initialement sceptique
: « Je craignais ne pas bien m’entendre
avec les autres apprenti-e-s. » Cependant,
après avoir été motivée par son
formateur, elle a postulé pour un emploi
dans cette filiale particulière. Après
un entretien d’embauche, elle a été engagée.
« Je me suis ensuite beaucoup réjouie
du changement d’emploi, tout en
ayant quelques craintes à ce propos. »
Dix caisses en trop
« Surmenée ? Non, je n’éprouve pas
cette sensation ici », déclare-t-elle aujourd’hui.
« La courbe d’apprentissage
est toutefois abrupte. Il s’agit cependant
d’un modèle d’apprentissage idéal », remarque
E. Grichting. « Je constate que
je suis meilleure que je ne le pensais. »
Il lui arrive parfois de commettre
des erreurs. Une fois, elle a commandé
onze caisses de tartes aux pruneaux
au lieu d’une seule. « Par chance toutefois,
nous pratiquons une culture positive
de l’erreur : cette bévue n’a donc
« Je constate que je suis
meilleure que
je ne le pensais. »
pas été mal perçue. Et les tartes ont finalement
toutes été vendues. »
Avec leurs deux coachs, les apprenti-e-s
se sont préparé-e-s à trois ateliers
dans le point de vente Coop : règles à
respecter au sein de l’équipe, comportement
interpersonnel, planification
et organisation, ainsi que rôle des deux
coaches qui les assistaient. « Je suis très
satisfaite de leur travail », indique E.
Grichting. « Lorsque je souhaite vraiment
savoir quelque chose, je le leur
demande. »
Toutefois, les apprenti-e-s s’efforcent
tout d’abord de s’entraider.
« C’est ce que j’apprécie le plus ici »,
déclare-t-elle. « C’est réjouissant d’apprendre
avec des gens du même âge. »
La compréhension réciproque est différente
de celle dans une équipe traditionnelle.
« Les défis à affronter sont
similaires pour toute l’équipe. »
Presque aucune différence
La coach Melanie Ruch travaillait déjà
à la Coop Deisswil. Actuellement,
elle suit une formation continue et
trouve aussi qu’il s’agit d’une « chouette
expérience » de travailler dans un tel
point de vente. Accorder davantage de
responsabilité aux apprenti-e-s pour
accroître leurs connaissances : tel est
l’objectif poursuivi par Coop avec cette
offre spéciale. « Les apprenti-e-s font
tourner le magasin, il fonctionne vraiment
bien », explique M. Ruch. Pour
elle, c’est clair : « les apprenti-e-s voient
et apprennent bien plus qu’autrement. »
E. Grichting caresse un souhait : devenir
plus tard formatrice. « Je donne
volontiers des explications aux autres,
c’est un plaisir. Je pense que cette profession
pourrait me convenir. »
■ Lucia Probst, rédactrice en chef et responsable
de projets de communication, HEFP
▶ www.coop.ch/apprentis-deisswil
→ Eliane Grichting est convaincue que les expériences acquises dans le
point de vente des apprenti-e-s lui ouvriront de nouvelles portes.
HEFP / Ben Zurbriggen

skilled 1/24
Diplômée
skilled 1/24
7 questions à …
Helen Schneider : CAS Enseignement bilingue à la HEFP
« Bigarré, multilingue,
inspirant »
Propos recueillis par Peter Bader
Maurice Wörnhard, responsable de projet au Centre pour le développement des métiers, HEFP
« Notre avantage est
d’être neutres »
Interview : Lucia Probst
Le CAS Enseignement bilingue est la
première filière de formation continue
de la HEFP organisée au niveau national.
Helen Schneider, enseignante
en culture générale à l’École d’Arts
Visuels Berne et Bienne, a apprécié
« l’être-ensemble bigarré, inspirant
et multilingue » – ainsi que les astuces
concrètes pour l’enseignement.
ien que l’annonce de cette
« Rformation m’a interpellée :
elle se déroule en ligne et dans divers
lieux de cours en Suisse pour être ensuite
complétée par des manifestions
et activités culturelles communes. De
plus, des enseignant-e-s de toutes les
régions du pays y participent. Voilà
qui promettait un être-ensemble bigarré,
inspirant et multilingue.
Et c’est exactement ce qui s’est passé.
On parlait allemand, français, italien
et anglais tout en transmettant
l’idée phare de l’enseignement bilingue
: la communication prime sur
les erreurs commises dans l’expression
linguistique. Les maîtres et maîtresses
d’enseignement étaient ellesmêmes
un exemple de ce message.
Cette formation continue m’a transmis
de nombreux outils concrets pour
ma vie professionnelle quotidienne.
Dans mes cours de culture générale,
quand je traite en anglais un thème
spécifique avec mes étudiant-e-s, il est
MÀD
↑ Le projet de CAS d’Helen Schneider lui a
valu une contribution d’encouragement.
« Cette formation continue
m’a transmis de nombreux
outils concrets pour
ma vie professionnelle
quotidienne. »
important de les solliciter, mais sans
excès. Comment y arriver ? Jusqu’où
dois-je les aider, par exemple en matière
de vocabulaire ? Le premier module
a fourni beaucoup d’indications
utiles. En outre, en collaboration avec
ma collègue Corinne Zürcher de l’École
d’Arts Visuels, j’ai pu préparer et mettre
directement en œuvre à l’école de nombreuses
courtes séquences d’enseignement.
Nous avons rapporté nos expériences
dans la filière de formation, les
avons discutées et ainsi avons profité
d’échanges stimulants.
Pendant le deuxième module,
toutes les personnes y participant ont
travaillé sur un projet individuel. Ma
collègue et moi avons développé le
‹ Bili Square › pour la plateforme numérique
d’apprentissage de notre
école. En effet, les enseignant-e-s
peuvent y charger du matériel didactique
ou des exercices, mais les personnes
en formation ont elles aussi
la possibilité de publier des éléments
intéressants. On peut également y publier
des événements prochains et
proposer des objets à la vente sur la
place de marché. Utilisée fréquemment
et surtout en plusieurs langues,
la ‹ place › ne cesse de se développer.
Nous avons régulièrement discuté
de ce projet dans la formation et en
avons récolté de précieux apports. Le
‹ Bili Square › nous a valu une contribution
d’encouragement au projet,
décernée par la fondation Paul-Bösch –
ce qui est un grand honneur. La fondation
Paul-Bösch décerne des prix
d’encouragement à des personnes en
formation et des enseignant-e-s de
l’École d’Arts Visuels.
Bref, je ne peux que recommander
à tous et à toutes de suivre cette formation
continue – utile pour la pratique,
stimulante et fédératrice ! »
■ Peter Bader, rédacteur indépendant,
Communication HEFP
▶ www.hefp.swiss/casbili
(prochaine session en 2025)
Spécialiste en formation professionnelle,
Maurice Wörnhard a obtenu un
diplôme norvégien d’enseignant en
école professionnelle, avant de décrocher
un master en administration
des systèmes et réseaux. Au Centre
pour le développement des métiers, il
aide les associations professionnelles
à tenir à jour leurs formations et met
son expertise au service de l’enseignement
et de l’apprentissage numériques.
Formateur des expert-e-s aux
examens, il exerce aussi cette fonction
pendant son temps libre.
38 39
1
Maurice Wörnhard, pourquoi
aimez-vous votre travail ?
Parce que l’être humain s’y trouve au
centre. Tout notre travail a pour but
d’ouvrir l’accès aux voies de formation,
cela me donne des ailes. Je travaille
sur des thèmes aussi larges que
variés. Je trouve aussi extraordinaires
les échanges de connaissances et expériences
au sein de notre équipe.
2
Comment contribuez-vous
au développement de
la formation professionnelle ?
Dans le processus de développement
des métiers, de nombreuses règles du
jeu sont clairement établies. Notre
avantage est d’être neutres – telle une
charnière, nous pouvons donner des
impulsions et faciliter des dialogues importants,
qui suscitent des nouveautés.
3
HEFP / Ben Zurbriggen
↑ Maurice Wörnhard
Comment l’innovation
s’exprime-t-elle dans
la formation ?
On ne va pas construire un nouvel
édifice de la formation professionnelle,
mais plutôt remettre en question
certains murs, voire les modifier.
Oser penser autrement favorise l’innovation.
4
Vous vous intéressez de près
à la technologie dans la
formation professionnelle : quelle
sera la prochaine grande étape ?
Des parcours de formation individualisés,
à l’appui de l’analyse des données,
de même qu’une meilleure convergence
entre les formes de formation et
« Les EXP doivent consolider
leurs compétences
interpersonnelles. »
d’examen. L’objectif serait d’évaluer de
la même manière que l’on a formé,
pour le numérique également – tout en
restant proche de la pratique. Comme
le constate Dylan Wiliam, un chercheur
en éducation : « La technologie est une
révolution de la formation qui se poursuit
50 ans encore après ses débuts ».
La technologie ne constitue pas seule
une grande étape, mais a bien son impact
lorsqu’elle est déployée au profit
de l’enseignement et de l’apprentissage.
5
Les outils numériques facilitent
la coopération entre les
lieux de formation. Que faut-il pour
qu’elle réussisse ?
Les fondamentaux, en fait : un outil
abordable et convivial, utilisé à bon
escient par les trois lieux de formation.
6
Vous formez des EXP et exercez
vous aussi cette fonction.
Le plus important dans ce que vous
transmettez ?
L’apprentissage est double : les EXP
doivent savoir distinguer, en situation
d’examen, l’observation de l’évaluation,
mais doivent aussi consolider
leurs compétences et aptitudes interpersonnelles.
Il faut beaucoup de
doigté pour créer un climat d’examen
agréable.
7
Votre métier de rêve quand
vous étiez enfant ?
Pompier. J’aime l’eau, le feu et l’action.
Plus tard, en tant qu’informaticien,
j’ai dû éteindre bien des feux.
Récemment, en regardant une émission
sur les reconversions vers le métier
de pompier, j’ai réalisé que cela
m’attire toujours autant.
■ Lucia Probst, rédactrice en chef et responsable
de projets de communication, HEFP

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Le Conseil
Quand la table de la
cuisine devient
lieu de formation
TRANSFORM
TOMO RROW
HEFP / Ben Zurbriggen
↑ Adrian Wüthrich
« Les nouvelles applications et donc les nouvelles exigences
ne doivent pas être vues comme une menace par le personnel
formateur et enseignant mais ne doivent pas non plus
entraîner de surcharge. »
Vous les connaissez certainement,
ces thèmes très tendance qui sont subitement
sur toutes les lèvres. L’intelligence
artificielle (IA) en est un,
même pour mes fils, qui sont en 5e et
7e années et qui en ont parlé récemment
à table. Le plus jeune avait utilisé
ChatGPT pour son exposé, et son
frère ne trouvait pas cela correct,
craignant qu’il n’apprenne plus rien.
J’ai alors pris l’exemple de la machine
à calculer, dont on ne se passerait
plus aujourd’hui. Notre conclusion a
été que les nouvelles technologies
pouvaient être utilisées quand cela
40
est permis, mais que leur utilisation
devait être annoncée clairement.
Cette conclusion familiale rejoint
d’ailleurs, de manière simplifiée, les
recommandations faites par la HEFP
sur le recours à l’IA.
Peu après ces échanges, j’ai testé
ChatGPT pour la rédaction de cet article.
La machine m’a fourni un texte
cohérent, de 2000 caractères, sur le
sujet des lieux de formation. J’ai
constaté qu’il évoquait simplement
les lieux où l’on peut apprendre. J’ai
alors pensé à notre table de cuisine.
Mais comme l’importance spécifique
des lieux de formation pour la formation
professionnelle n’y figurait pas,
je n’ai pas poussé plus loin l’exercice
et me suis mis à écrire moi-même.
La pédagogie pour la formation
professionnelle doit inclure les trois
lieux de formation, ce que la HEFP
parvient à faire, pour le bien des apprenti-e-s,
grâce à l’orientation sur la
pratique et les compétences opérationnelles.
L’évolution des technologies
offre de vastes possibilités. Les
nouvelles applications et donc les
nouvelles exigences ne doivent pas
être vues comme une menace par le
personnel formateur et enseignant
mais ne doivent pas non plus entraîner
de surcharge. Qualité de l’apprentissage
et coordination entre les lieux
de formation peuvent s’en trouver
améliorées. La HEFP offre une formation
complète et tournée vers l’avenir
en intégrant théorie et pratique,
de même qu’apprentissage informel.
Et les étudiant-e-s qui en bénéficient
dispenseront à leur tour à leurs apprenti-e-s
une formation complète
afin de les préparer au mieux aux défis
du monde du travail.
Bien entendu, l’éducation et l’apprentissage
reçus en famille autour
de la table de la cuisine devenant lieu
de formation sont également de précieux
atouts.
Adrian Wüthrich,
Président du Conseil de la HEFP
BACHELOR OF SCIENCE
EN FORMATION PROFESSIONNELLE
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permettre la lecture aux personnes malvoyantes ou non voyantes : www.hefp.swiss/skilled
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Communication HEFP, Kirchlindachstrasse 79, 3052 Zollikofen, skilled@hefp.swiss Équipe de rédaction Isabelle Antenen, Laurène Camenzind, Bruno Chiarelli, Regina Diering, Luca Dorsa, Viviane Ducraux,
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Viallon Traduction Service linguistique HEFP Révision Transpose SA (FR), Silvia Devoti (IT), Stefanie Lüscher (DE) Mise en page, graphisme et illustration Captns & Partner GmbH, 3122 Kehrsatz,
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