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Intelligences

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1<br />

2<br />

INTELLIGENCES<br />

Différentes<br />

par nature<br />

Une exposition du Pôle Bretagne culture scientifique<br />

produite et diffusée par l’Espace des sciences de Rennes.<br />

Adaptation de l’exposition co-produite par<br />

l’Espace des sciences de Rennes,<br />

le Muséum d’histoire naturelle de Nantes,<br />

le Musée du Fjord à Saguenay (Québec).<br />

<br />

Julie Bouchard,<br />

Kévin Bouchard,<br />

Audrey Dussutour,<br />

Catherine Lenne,<br />

Emmanuelle Pouydebat,<br />

Guy Théraulaz<br />

Conception et rédaction<br />

Science by Art, Sciencéa.<br />

Graphisme<br />

Antoine Groborne<br />

MINUSCULES<br />

mais pas si<br />

bêtes !<br />

Les bactéries sont une des premières<br />

formes de vie apparues sur Terre.<br />

Sont-elles déjà dotées d’une intelligence ?<br />

La question n’est pas tranchée.<br />

<br />

<br />

de la bactérie<br />

Impression<br />

Agelia<br />

Crédit photos<br />

Shuttersock, Adobe Stock<br />

Sous le microscope des scientifiques, les bactéries<br />

dévoilent leurs talents. Elles se déplacent pour se<br />

nourrir et se reproduire. Face à un danger,<br />

elles ont les ressources pour réagir et se protéger.<br />

Regroupées en colonies, elles communiquent entre<br />

elles et adoptent des comportements bénéfiques<br />

à chacune d’elles.<br />

Selon certains chercheurs, ces capacités ne sont<br />

que des réponses automatiques aux contraintes<br />

de l’environnement. Pour d’autres, les bactéries<br />

sont en mesure de percevoir leur milieu, de traiter<br />

et d’intégrer l’information. Elles trouvent des<br />

solutions en fonction de chaque situation : elles sont<br />

intelligentes à leur manière.<br />

capter l’information<br />

<br />

garder en mémoire.<br />

assimiler, intégrer<br />

une information.<br />

apprécier une quantité.<br />

prévoir pour réagir.<br />

agir face à une situation.<br />

échanger<br />

de l’information entre bactéries<br />

ou avec d’autres organismes.<br />

coordonner une action<br />

avec d’autres bactéries.<br />

D’après Pamela Lyon, Université<br />

d’Adélaïde (Australie).


3<br />

4<br />

5<br />

LE BLOB<br />

un champion<br />

sans cerveau<br />

LES PLANTES<br />

sont-elles<br />

intelligentes ?<br />

INSECTES<br />

SOCIAUX<br />

Une intelligence<br />

en essaim<br />

Ni animal, ni végétal, ni champignon,<br />

le blob est une cellule géante. Il peut<br />

se déplacer, apprendre et transmettre<br />

de l’information.<br />

De son vrai nom Physarum polycephalum, le blob<br />

est un être unicellulaire présent sur terre depuis<br />

plus d’un milliard d’années. Curiosité : son unique<br />

cellule contient des millions de noyaux ! Il est capable<br />

de se déplacer en déployant des ramifications et<br />

de traverser des labyrinthes pour trouver de la<br />

nourriture. Lorsqu’il fusionne avec un autre blob,<br />

il peut lui transmettre sa mémoire, ses goûts…<br />

Ses capacités n’ont pas fini de surprendre les<br />

scientifiques.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

saisir les transformations de son<br />

<br />

des réponses adaptées. Il a de la<br />

<br />

<br />

<br />

Au cœur d’une plante, l’information circule<br />

entre les cellules des racines, du bois,<br />

des feuilles… pour assurer au végétal une<br />

forme de « cognition » distribuée.<br />

Fixés au sol, les végétaux sont limités dans leurs<br />

déplacements. Ils s’adaptent aux variations de leur<br />

environnement : lumière, température, nourriture<br />

disponible… Ils sont équipés de capteurs qui leur<br />

servent « d’organes des sens ». Par des signaux<br />

électriques et chimiques, ils échangent de<br />

l’information sur la qualité de l’air et du sol, sur<br />

la présence de maladies ou sur une attaque de<br />

prédateurs. Grâce à leurs aptitudes à traiter une<br />

grande quantité de données, les plantes assurent<br />

leur croissance et leur reproduction.<br />

<br />

<br />

<br />

à l’Université<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

Termites, fourmis, abeilles ou guêpes<br />

démontrent de réelles prouesses<br />

d’action collective : construction de<br />

nids, recherche de nourriture…<br />

Les insectes sociaux sont capables, par l’accumulation<br />

de comportements individuels, la coordination<br />

et la communication entre tous les membres de la<br />

colonie, de combiner leurs actions pour conduire<br />

à des réalisations surprenantes. Chaque membre<br />

de la colonie occupe une fonction prédéfinie pouvant<br />

évoluer selon les besoins du groupe, de l’âge et des<br />

capacités des individus. Alors que la structure<br />

nerveuse de chaque individu est très simple, c’est le<br />

groupe qui est intelligent.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

COMMENT LE BLOB FAIT-IL<br />

POUR SE DÉPLACER ?<br />

Le blob, vu au microscope, présente des veines parcourues<br />

d’un liquide qui fluctue de manière oscillatoire et dont le<br />

débit augmente quand l’extrémité de l’embranchement<br />

a découvert de la nourriture. Les « bras » qui n’ont rien<br />

trouvé dépérissent.<br />

UN EXEMPLE DE CAPACITÉ VÉGÉTALE :<br />

LE REDRESSEMENT DES TRONCS<br />

Dans les régions soumises à un puissant vent dominant,<br />

les arbres construisent des troncs capables de résister à des<br />

forces importantes. En laboratoire, les chercheurs ont montré<br />

qu’une jeune plante est capable d’apprendre et de mémoriser un<br />

effort de flexion. Les parois de la tige ou du tronc se renforcent<br />

du bon côté pour supporter les efforts demandés. Ils sont<br />

capables de discriminer des tensions répétées ou passagères.<br />

DE VRAIS INGÉNIEURS<br />

La construction d’une termitière nécessite la participation de toutes les ouvrières,<br />

car chacune d’elles possède dans ses gènes le « programme » pour fabriquer<br />

une partie de la structure. Réalisée à partir de boulettes de terre, d’excréments<br />

et de salive, l’architecture peut être déconstruite et reconstruite lors<br />

d’une attaque de prédateurs ou d’aléas climatiques. Les termitières<br />

disposent de chambres spécialisées et d’un ingénieux système<br />

de ventilation et de régulation thermique.<br />

6<br />

S’inventer<br />

DES OUTILS<br />

7<br />

PROUESSES<br />

ANIMALES<br />

8<br />

Toutes<br />

INTELLIGENTES !<br />

De nombreuses études démontrent<br />

que la fabrication et l’utilisation d’outils<br />

ne sont pas le « propre de l’Homme ».<br />

Les recherches sur les capacités de<br />

multiples espèces animales documentent<br />

des comportements « intelligents » qui<br />

n’ont rien à envier à ceux des humains.<br />

Sur la longue durée de l’évolution<br />

des espèces, les capacités cognitives des<br />

êtres vivants se sont continuellement<br />

élaborées et transformées.<br />

L’usage d’outils a longtemps été considéré comme un<br />

critère d’intelligence réservé à « l’élite » des animaux<br />

(les grands singes, les humains). Aujourd’hui, il est<br />

montré que les espèces possédant ces capacités<br />

sont très diversifiées. Certaines espèces sont<br />

capables de fabriquer leurs outils. Les chercheurs<br />

ont même élargi la notion d’outil, qui peut être<br />

constitué d’une partie du corps, par exemple<br />

les oreilles des chauves-souris ou le bec des oiseaux.<br />

LE CRABE BOXEUR<br />

Ce petit crabe, vivant dans les océans<br />

Indien et Pacifique, tient en permanence<br />

une anémone de mer urticante, tentacules<br />

vers le bas, dans chacune de ses pinces.<br />

Tel un boxeur, il les brandit pour intimider<br />

ses prédateurs. Tel une pom-pom girl,<br />

il effectue, de droite à gauche, de larges<br />

mouvements de balancement, afin que<br />

les anémones récoltent les proies dont ils<br />

se nourrissent tous les deux.<br />

Les chercheurs sur les espèces animales ont<br />

contribué à ouvrir la « boite noire » des intelligences.<br />

En observant de près les comportements, ils ont<br />

constaté que loin d’être de simples manifestations<br />

« instinctives », les actions sont le résultat sinon<br />

d’une réflexion, du moins d’un traitement adaptatif<br />

et pertinent des informations. En montrant que de<br />

nombreuses espèces sont capables d’apprentissage,<br />

de mémorisation, de ruse, de communication avec<br />

les membres de leurs groupes, ils ont élargi le cercle<br />

des porteurs d’intelligence dans le règne animal.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

d’adaptations comportementales<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

Aujourd’hui, les scientifiques définissent l’intelligence<br />

comme la capacité à résoudre de manière innovante<br />

et adaptée un problème posé par l’environnement.<br />

Chaque espèce vivante est donc porteuse d’une<br />

forme d’intelligence, qui lui est propre.<br />

L’humain ne trône plus au sommet de la hiérarchie<br />

des êtres vivants. La représentation de l’évolution<br />

présenterait un « buisson des intelligences ».<br />

LA DANSE DES BUTINEUSES<br />

Dans les années 1940, l’éthologue Karl<br />

von Frisch a étudié la danse des abeilles<br />

butineuses quand elles reviennent à la<br />

ruche. Par l’inclinaison de leur danse en 8,<br />

elles indiquent l’orientation vers laquelle<br />

se trouvent les bonnes fleurs. Par la<br />

vibration de leur abdomen, elles donnent une<br />

évaluation de la distance à parcourir pour<br />

les atteindre.<br />

DÉCOUPER UNE FEUILLE<br />

Le corbeau de Nouvelle-Calédonie utilise des feuilles de Pandanus<br />

pour fabriquer l’outil qui lui permet de transpercer et tirer les<br />

larves cachées dans les arbres. À l’aide de son bec, il fabrique<br />

un outil adapté aux trous qu’il rencontre : simple, large et fin<br />

ou complexe et cranté. Il s’agit du plus haut niveau de complexité<br />

dans la fabrication d’outils : en plus de deux étapes et sculptage<br />

fin en 3 dimensions.<br />

L’ÉCOLE DES SURICATES !<br />

Des chercheurs anglais ont observé des sociétés de suricates dans le désert<br />

du Kalahari en Namibie. Les femelles adultes « enseignent » à leurs petits<br />

comment attraper des scorpions venimeux sans se mettre en danger.<br />

Elles les mettent d’abord en présence de scorpions dont le dard a été coupé.<br />

Puis elles leur montrent comment enlever la partie dangereuse de<br />

l’arthropode pour qu’ils deviennent autonomes dans la chasse aux scorpions.<br />

LA PYRAMIDE DES INTELLIGENCES<br />

Depuis l’Antiquité, l’intelligence est considérée comme l’apanage<br />

des humains. Cette illustration où l’Homme trône au sommet<br />

de la pyramide du Vivant, au-dessus des cailloux, des végétaux<br />

et des animaux, est attribuée à Charles de Bovelles. Elle date de 1509.<br />

Cette représentation héritée de la philosophie grecque,<br />

critiquée par les scientifiques, est encore vivace aujourd’hui<br />

dans la culture commune.


9<br />

10<br />

11<br />

HANS<br />

Le cheval<br />

qui « savait »<br />

compter<br />

LE CERVEAU<br />

DIRECTEUR<br />

L’intelligence a-t-elle<br />

besoin d’un chef ?<br />

SAPIENS<br />

Notre cerveau<br />

est-il différent ?<br />

Les humains ont, de tous temps, été<br />

fascinés par les animaux qui manifestent<br />

des capacités proches des leurs.<br />

Comme dans un miroir, ils y voient des<br />

signes de leur intelligence.<br />

Au début du 20 e siècle, à Berlin, une attraction de<br />

foire connaît un immense succès. Sa vedette est un<br />

cheval. Son propriétaire, Wilhelm von Osten, est un<br />

ancien professeur de mathématiques. Hans saurait<br />

apparemment compter et résoudre des énigmes.<br />

Serait-il intelligent ? La renommée de Hans dépasse<br />

les frontières ! Mais l’histoire ne s’arrête pas là…<br />

Des savants se sont penchés sur son cas. La destinée<br />

de Hans parvient jusqu’à nous, sous des formes<br />

toujours renouvelées et insoupçonnées.<br />

L’EFFET HANS<br />

Durant une dizaine d’années, Hans a<br />

fasciné ses contemporains et incarné<br />

la question de l’intelligence animale.<br />

Il aura une longue postérité scientifique<br />

et deviendra emblématique du risque<br />

de biais dans les observations animales,<br />

quand le sujet observé est influencé par<br />

sa relation à l’expérimentateur. C’est ce que<br />

les chercheurs ont appelé : « l’effet Hans ».<br />

Faut-il posséder un cerveau pour être<br />

intelligent ? Tout dépend de l’organisation<br />

du système nerveux. Chez les espèces<br />

animales, il prend des formes très variées.<br />

Chez la plupart des animaux, les comportements<br />

intelligents sont orchestrés par leur système<br />

nerveux. Ce dernier reçoit les informations<br />

captées par les organes des sens et coordonne les<br />

actions appropriées. Pour répondre aux besoins<br />

spécifiques de l’espèce, le réseau de récepteurs et de<br />

terminaisons nerveuses peut être centralisé autour<br />

d’un organe central comme le cerveau, mais il peut<br />

également prendre une forme décentralisée comme<br />

le réseau des ganglions dans les tentacules de la<br />

pieuvre. Comme quoi avoir « la grosse tête » n’est pas<br />

un critère d’intelligence !<br />

QUI A LE PLUS GROS<br />

CERVEAU ?<br />

L’animal qui aurait le plus gros cerveau,<br />

en tout cas le plus lourd, serait le cachalot,<br />

une espèce de cétacés : environ 8 kg,<br />

beaucoup plus que celui de l’humain (1,4 kg).<br />

Les scientifiques s’interrogent cependant<br />

sur les relations entre capacités cognitives<br />

et dimensions du cerveau. Plus que le poids<br />

ou le volume, ils étudient la surface du<br />

cortex (fonction du nombre de ses replis),<br />

le nombre de neurones, le type de<br />

connexions entre les neurones… Du point<br />

de vue des neurosciences, les intelligences<br />

gardent encore leurs mystères !<br />

Le cerveau humain ressemble à celui des<br />

autres espèces de la lignée des hominidés.<br />

Pourtant, ses fonctions cognitives sont<br />

hors du commun.<br />

Parmi les espèces animales, sapiens porte-t-il bien<br />

son nom : « celui qui sait » ? Il domine maintenant<br />

la planète et possède les connaissances pour<br />

accomplir des réalisations culturelles, scientifiques<br />

et techniques incomparables. Plusieurs hypothèses<br />

sont émises pour expliquer cette prédisposition :<br />

un accident dans l’évolution du patrimoine génétique,<br />

une complexité des structures neuronales inégalée,<br />

une naissance « prématurée » (néoténie), une<br />

vie sociale diversifiée… Le caractère unique de<br />

l’intelligence de l’homme moderne reste un mystère<br />

dont il n’a lui-même pas toutes les clés.<br />

<br />

<br />

Chromosome<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

UN GÈNE DU LANGAGE ?<br />

Le gène FoxP2 a été découvert en 1998<br />

par des chercheurs anglais qui étudiaient le<br />

génome d’une famille dans laquelle plusieurs<br />

membres présentaient des problèmes<br />

d’élocution. De nombreux travaux, chez<br />

l’Homme et chez différentes espèces<br />

animales (dont la chauve-souris), ont depuis<br />

montré que l’absence ou l’altération de ce<br />

gène pouvait conduire à des troubles du<br />

langage ou de la communication. Mais la<br />

nature des liens entre gènes et intelligence<br />

reste une question très ouverte.<br />

UNE INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE<br />

Hans ne savait sans doute pas compter comme le font les humains.<br />

Mais il était doué d’une sensibilité très développée pour ressentir<br />

la relation à son maître et au public. Il «sentait» quand c’était le moment<br />

d’arrêter de compter. Aujourd’hui, les spécialistes diraient que Hans<br />

était doué d’une intelligence émotionnelle ou sociale : la capacité à se<br />

mettre à la place de l’autre et à ressentir ce qu’il ressent.<br />

UNE CERVELLE D’OISEAU, ET ALORS ?<br />

Avoir une cervelle d’oiseau est une expression péjorative. Pourtant,<br />

malgré la petite taille de leur cerveau (proportionnelle à celle de leur<br />

corps), les oiseaux sont très intelligents à leur manière. Ils savent voler,<br />

communiquer, ils ont la mémoire de leur territoire, ils construisent<br />

des nids, certains font des migrations de milliers de kilomètres…<br />

Le cerveau d’un oiseau peut être très performant !<br />

UN RECORD DE COMPLEXITÉ<br />

Le cerveau humain est une structure complexe. Le nombre total de cellules<br />

nerveuses qu’il contient est de l’ordre de 100 milliards. Par comparaison, le cœur<br />

n’en possède que 40 000. Ces neurones, qui se forment tout au long de la vie,<br />

se répartissent en quelques centaines de catégories. Chacun d’eux peut établir<br />

jusqu’à 10 000 contacts avec d’autres neurones : un gigantesque réseau de<br />

connexions. L’originalité de la connectivité neuronale dans le cerveau humain<br />

pourrait être une des bases biologiques de l’intelligence humaine.<br />

12<br />

13<br />

14<br />

MESURER<br />

L’INTELLIGENCE ?<br />

INTELLIGENCES<br />

MULTIPLES<br />

DEVIENT-ON<br />

INTELLIGENT (E) ?<br />

La méthode des tests de QI fait débat<br />

parmi les scientifiques. L’intelligence a<br />

du mal à se traduire en chiffres et en<br />

statistiques.<br />

Pour Howard Gardner, il n’y a pas qu’une<br />

forme d’intelligence, il y en a plusieurs.<br />

Son approche a inspiré de nouvelles<br />

pédagogies.<br />

Les scientifiques se disputent pour savoir<br />

si l’intelligence s’hérite à la naissance ou si<br />

elle résulte de l’éducation.<br />

Les tests d’intelligence font l’objet de critiques qui<br />

portent notamment sur les méthodes utilisées pour<br />

traiter les données et sur l’environnement dans<br />

lequel ils sont passés. Pensées dans un contexte<br />

culturel occidental, les épreuves ne peuvent pas<br />

prétendre à l’universel. De plus, les épreuves de<br />

QI ont donné lieu à des discriminations raciales et<br />

sociales. Enfin, si les tests de quotient intellectuel<br />

évaluent certaines performances cognitives, à<br />

un moment donné, ils ne tiennent pas compte des<br />

différentes formes d’intelligence, comme l’intelligence<br />

corporelle, sociale ou émotionnelle.<br />

L’INVENTION DU QI<br />

Au début du 20 e siècle, le psychologue Alfred Binet et le médecin<br />

Théodore Simon proposent une méthode permettant de quantifier<br />

l’intelligence. Celle-ci est destinée à repérer les élèves présentant<br />

des faiblesses intellectuelles. En se basant sur les capacités des enfants<br />

en fonction de leur âge, ces deux chercheurs définissent des<br />

« âges mentaux ». Le but de ces tests est alors d’aider les professeurs<br />

à mettre en place des pédagogies spécialisées.<br />

L’EFFET FLYNN<br />

À la fin des années 1970, le politologue<br />

James Flynn constate que les quotients<br />

intellectuels mesurés dans les pays<br />

occidentaux augmentent au fil des années.<br />

Faut-il en conclure que les gens deviennent<br />

plus intelligents ? En fait, cette tendance<br />

statistique, appelée « effet Flynn », serait<br />

plutôt liée à l’influence de facteurs culturels,<br />

comme la scolarité ou le milieu familial.<br />

Cet effet s’inverse d’ailleurs depuis le milieu<br />

des années 1990. Cette récente régression<br />

pourrait résulter, d’après certains<br />

chercheurs, de l’impact des modèles<br />

cognitifs exercés par la culture numérique,<br />

notamment chez les jeunes.<br />

Pour Howard Gardner, professeur, psychologue,<br />

neurologue et philosophe américain, il faut<br />

abandonner la notion d’intelligence unique. En 1983,<br />

il propose la théorie des « intelligences multiples ».<br />

Cette théorie a donné lieu à de nombreuses<br />

controverses dans le monde de la psychologie, de<br />

l’éducation et de la politique, liées au manque de<br />

données expérimentales recueillies. Mais elle a aussi<br />

inspiré de nouvelles méthodes d’éducation dans le<br />

monde.<br />

<br />

<br />

utiliser et comprendre les mots<br />

et les nuances de sens.<br />

résoudre des problèmes<br />

logiques ou mathématiques.<br />

trouver son chemin, établir des relations<br />

entre les objets dans l’espace.<br />

contrôler les mouvements de son corps,<br />

exprimer un sentiment.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

se former une représentation de soi<br />

précise, l’utiliser dans la vie.<br />

comprendre les autres,<br />

communiquer avec eux.<br />

percevoir, créer et reconnaître<br />

des modèles musicaux.<br />

être sensible à ce qui est vivant,<br />

comprendre l’environnement.<br />

Pour les partisans de l’intelligence innée, cette<br />

dernière est une faculté donnée à la naissance :<br />

on naît intelligent… ou pas. Au contraire, pour les<br />

adeptes de l’acquis, tout individu est potentiellement<br />

intelligent : l’environnement seul peut favoriser (ou<br />

pas) l’expression de ses capacités. Pour de nombreux<br />

chercheurs, c’est le mélange des facteurs relevant<br />

de l’inné et de l’acquis qui explique les capacités<br />

cognitives d’une personne à un moment donné.<br />

DU CÔTÉ DE L’ACQUIS<br />

Dans ce modèle, les facteurs génétiques sont mis au second plan.<br />

L’accent est porté sur l’apprentissage et sur le rôle de l’école<br />

ou de la famille, qui permettent de valoriser toutes les facettes<br />

disponibles de l’intelligence. Cette école de pensée a connu aussi<br />

ses dérives : dans les années 1930 en URSS, l’agronome Trofim<br />

Lyssenko a contribué à l’emprisonnement des généticiens russes<br />

qui représentaient un risque pour le modèle « socialiste ».<br />

DU CÔTÉ DE L’INNÉ<br />

Dans ce modèle, le bagage génétique se<br />

traduit par des performances dans les<br />

tests de quotient intellectuel, alors que<br />

les facteurs environnementaux ont une<br />

influence négligeable, voire nulle. Poussée<br />

à l’extrême, cette thèse alimente ceux<br />

qui militent pour diminuer la fertilité des<br />

populations dites inférieures (eugénisme).<br />

Aujourd’hui, nombreuses sont les<br />

recherches sur les gènes impliqués dans<br />

la mémoire et la capacité d’apprendre.


15<br />

INTELLIGENCES<br />

DU MONDE<br />

La capacité à transmettre des savoir-faire<br />

au sein d’un groupe facilite le maintien<br />

des traits culturels au fil des générations.<br />

Chaque culture développe ses formes<br />

d’intelligences.<br />

Les formes de l’intelligence humaine sont<br />

étonnamment diversifiées et contrastées. Elles sont<br />

fortement marquées par la culture des peuples et<br />

des civilisations. Elles ont une histoire très ancienne.<br />

Par exemple, les peuples autochtones du Nord<br />

canadien ont inventé la méthode de construction des<br />

kayaks ou des igloos. Chacun hérite de cette longue<br />

histoire, à travers le langage, les techniques, les arts<br />

et les sciences. Certains chercheurs appellent cette<br />

forme de savoir collectif l’intelligence cumulative ou<br />

culturelle.<br />

LES PREMIERS PAS<br />

SUR LA LUNE<br />

DES PÊCHOIRS INGÉNIEUX !<br />

Les techniques de pêche remontent aux temps immémoriaux.<br />

Chaque peuple, pour trouver une nourriture dans la mer ou les<br />

lacs, a développé ses propres techniques en fonction de son<br />

environnement et des types de poissons qui y vivent. Au Sri Lanka,<br />

les pêcheurs ont confectionné des « pêchoirs » avec des poteaux<br />

et des sièges. Cette méthode permet de regrouper les pêcheurs<br />

au moment où les poissons se font les plus abondants, sans qu’ils<br />

ne se gênent. De plus, avec une position surélevée,<br />

ils peuvent observer les bancs de poissons et ajuster leurs gestes.<br />

En 1969, les premiers hommes à poser le<br />

pied sur la Lune lors de la mission Apollo 11<br />

sont Neil Armstrong et Buzz Aldrin.<br />

Ces astronautes ont été les premiers<br />

humains à quitter la Terre dans une fusée et<br />

à alunir grâce au module lunaire « Eagle ».<br />

Cette mission a permis de ramener sur Terre<br />

des fragments de sol lunaire, pour étudier<br />

sa géologie et comprendre sa création.<br />

Grâce notamment au travail des ingénieurs<br />

aéronautiques, l’humain découvre l’Espace<br />

et les astres qui le composent.<br />

16<br />

NAISSANCE<br />

DES IA<br />

Copier le cerveau<br />

humain<br />

Nommé dans les années 1950<br />

« intelligence artificielle » (IA), un nouveau<br />

champ de recherches s’invente autour<br />

des algorithmes intelligents.<br />

À la sortie de la Deuxième Guerre Mondiale, ingénieurs<br />

et théoriciens se passionnent pour une nouvelle<br />

discipline qui cherche à reproduire le fonctionnement<br />

du cerveau humain. Grâce à la puissance montante des<br />

ordinateurs, l’idée est de simuler le neurone cérébral<br />

et de créer des réseaux de neurones artificiels.<br />

Deux écoles de pensée s’opposent sur la conception :<br />

l’approche structuraliste cherche à maitriser en<br />

amont les contenus fournis à l’algorithme ; l’approche<br />

connexionniste propose de rentrer des données<br />

et de confier à la machine des tâches d’apprentissage.<br />

UN CONGRÈS FONDATEUR<br />

En 1956 s’est tenu aux Etats-Unis le Congrès de Dartmouth, qui passe<br />

pour la rencontre fondatrice de la discipline « Intelligence Artificielle ».<br />

Réunissant des ingénieurs, des théoriciens du traitement de<br />

l’information, des neuroscientifiques…, il a officialisé l’usage d’une<br />

terminologie promise à un grand avenir : intelligence artificielle, neurone<br />

artificiel, apprentissage machine…<br />

UN NEURONE ARTIFICIEL<br />

L’expression « neurone artificiel »<br />

désigne un opérateur algorithmique<br />

simple qui, à l’image du neurone biologique,<br />

permet un transfert d’information.<br />

À une donnée d’entrée, il applique<br />

un traitement logique et transmet<br />

des données pondérées à différents<br />

canaux de sortie. Comme dans un cerveau,<br />

les neurones artificiels sont assemblés<br />

en couches et en réseaux qui constituent<br />

de véritables opérateurs collectifs du<br />

traitement de l’information.<br />

17<br />

CETTE<br />

PERSONNE<br />

N’EXISTE PAS !<br />

La fabrique<br />

du fake<br />

Un exemple du travail des IA : des visages<br />

sont « reconstitués » à partir de vrais<br />

portraits, mais ils n’appartiennent pas<br />

à des personnes existantes.<br />

Un algorithme d’apprentissage profond (deep learning)<br />

capte différents éléments (yeux, bouche, cheveux…)<br />

à partir d’une banque de données de visages réels.<br />

Il les attribue ensuite, dans le désordre, à des modèles<br />

de visages fictifs. Deux réseaux de neurones sont<br />

utilisés : le premier crée l’image à partir des données<br />

d’origine ; le second décide si la représentation est<br />

conforme. Si ce n’est pas le cas, le premier réseau<br />

recommence. Ce programme est utilisé par les<br />

illustrateurs, dans les jeux vidéo, la publicité ou pour<br />

créer de faux profils sur les réseaux sociaux.<br />

<br />

<br />

calcul<br />

ou opération logique, entre une<br />

<br />

ensemble de<br />

<br />

suite d’opérations<br />

mathématiques qui mènent à un<br />

résultat.<br />

<br />

la machine apprend par intégration<br />

d’un grand nombre de données.<br />

la machine<br />

apprend en autonomie, à l’instar<br />

du fonctionnement<br />

du cerveau humain.<br />

18<br />

19<br />

20<br />

LES IA<br />

PRENNENT<br />

LE VOLANT !<br />

NOS DATAS<br />

valent de l’or<br />

ET SI TURING<br />

avait vu juste ?<br />

Les IA investissent le monde de l’automobile<br />

pour réaliser des véhicules autonomes.<br />

Les enjeux éthiques et industriels sont de<br />

taille.<br />

Les enjeux de productivité et de contrôle<br />

liés à l’intelligence artificielle suscitent des<br />

préoccupations concernant la protection<br />

de la vie privée.<br />

En 1950, Alan Turing imaginait un jeu<br />

d’imitation dont l’objectif est de tester la<br />

capacité d’une machine à se faire passer<br />

pour un être humain.<br />

Depuis plusieurs décennies, des recherches sont<br />

menées pour développer des véhicules autonomes<br />

allant du transport de marchandises dans des<br />

circuits réservés à la conduite entièrement<br />

automatisée des automobiles. Que doivent faire les<br />

algorithmes devant un obstacle sur la chaussée ?<br />

Qu’en est-il des responsabilités en cas d’accident ?<br />

La législation est en évolution pour accueillir ces<br />

innovations. L’industrie automobile, elle, est en pleine<br />

mutation.<br />

<br />

<br />

conduite assistée avec conducteur.<br />

L’ algorithme contrôle soit la direction, soit la vitesse.<br />

autonomie partielle sans les mains.<br />

L’IA accélère, freine et dirige la voiture.<br />

autonomie conditionnelle sans regarder<br />

la route. Le pilote est l’IA. Mais le conducteur doit<br />

être capable de reprendre le contrôle de la conduite.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

autonomie élevée sans penser.<br />

L’IA conduit sans action ni supervision humaine.<br />

autonomie complète sans conducteur.<br />

Il n’y a pas d’humain dans le véhicule<br />

qui se déplace en totale autonomie.<br />

Les conversations, les déplacements, les recherches<br />

sur internet… tout est enregistré dans d’immenses<br />

bases de données individuelles ou collectives.<br />

Et ceci, à l’insu des utilisateurs. Ces gigantesques<br />

montagnes de données peuvent être utilisées à des<br />

fins commerciales ou statistiques. Sans contrôle<br />

ni autorisation, les opérateurs peuvent modifier<br />

des comportements, des opinions... Jumelés à<br />

la puissance de diffusion des réseaux sociaux,<br />

ces dispositifs augmentent considérablement les<br />

performances des IA et posent la question de leur<br />

influence sur toute une population ou sur la société.<br />

LES RISQUES DE BIAIS<br />

Un algorithme n’est pas neutre. Il peut être biaisé, car il est<br />

le reflet des valeurs et des choix de ses concepteurs et des<br />

données qui le nourrissent. Lorsqu’une intelligence artificielle<br />

s’entraîne, elle doit catégoriser des images, des sons et des<br />

mots. Ses décisions sont imprégnées par le point de vue<br />

personnel du programmeur et influencées<br />

À QUI SONT LES DATAS ?<br />

par les éléments qui alimentent l’ensemble des bases<br />

de données. Pour certains experts, ces biais incontournables<br />

dans le fonctionnement des intelligences artificielles,<br />

en constitueraient le principal danger, en accentuant,<br />

par exemple, les stéréotypes (genre, couleur de peau,<br />

orientation sexuelle...) et les risques de discrimination.<br />

Avec internet, les IA trouvent une<br />

« nourriture » de choix. Chaque action des<br />

internautes, démultipliée à l’échelle mondiale,<br />

alimente la grande collecte des données<br />

sociales. Ces bases de données permettent<br />

l’apprentissage machine des algorithmes<br />

qui deviennent ainsi de plus en plus<br />

performants. Ces collections de datas sont<br />

l’objet d’un véritable marché des données,<br />

qui s’échangent, moyennant finances,<br />

entre opérateurs. Les grandes puissances<br />

du numérique possèdent des gisements<br />

de données qui dépassent celles des États.<br />

Le test de Turing repose sur l’intelligence artificielle.<br />

Il propose un dispositif pour démontrer qu’une<br />

machine est capable d’imiter la conversation humaine.<br />

Turing pariait sur le fait que « d’ici cinquante ans,<br />

il n’y (aurait) plus moyen de distinguer les réponses<br />

données par un homme ou un ordinateur ».<br />

Aujourd’hui, nous sommes entourés d’IA qui nous<br />

parlent, nous informent, prennent soin de nous…<br />

Elles imitent les humains et passent le test de Turing<br />

haut la main !<br />

DES ENCEINTES<br />

QUI PASSENT LE TEST<br />

QUAND LA RÉALITÉ REJOINT LA SCIENCE-FICTION<br />

Alan Turing (1912-1954) est un mathématicien anglais<br />

ont accru leurs performances et leurs capacités de mémoire.<br />

qui a ouvert de nombreuses voies à l’informatique.<br />

Turing était persuadé que les années 2000 seraient le début<br />

Dès 1936, il a conçu un outil programmable capable de<br />

du règne des machines pouvant apprendre et confondre<br />

réaliser tous les calculs imaginables. Il a travaillé sur<br />

l’intelligence humaine. Il voyait juste.<br />

les prototypes d’ordinateurs qui, à partir de 1945,<br />

L’intelligence artificielle produit des<br />

assistants personnalisés qui reconnaissent<br />

leur interlocuteur, lui parlent et répondent<br />

à ses questions. Les enceintes intelligentes<br />

décodent le langage humain : leur IA a été<br />

entraînée à la reconnaissance vocale.<br />

Elles s’expriment et traduisent oralement<br />

des textes écrits dans différentes langues.<br />

L’usager peut très facilement croire qu’il a<br />

affaire à un serviteur humain : le test<br />

de Turing est franchi !

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