Magazine CNC été 2024
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Trouver<br />
l’équilibre<br />
Les efforts de conservation efficaces permettent<br />
de répondre aux besoins de la nature<br />
et à ceux de la population<br />
TKTKTKTKTKTKT<br />
natureconservancy.ca<br />
WINTER 2021 1
ÉTÉ <strong>2024</strong><br />
SOMMAIRE<br />
Conservation de la nature Canada<br />
4 Avec la nature, c’est possible<br />
La nature a toujours <strong>été</strong> la clé d’un<br />
monde prospère.<br />
6 Site d’interprétation de<br />
Fort Ellice<br />
Entrez en contact avec la nature, l’histoire<br />
et la culture dans une magnifique prairie<br />
du Manitoba.<br />
7 La nature vous passionne?<br />
La 4 e édition du Grand Bioblitz de <strong>CNC</strong> aura<br />
lieu la première fin de semaine d’août.<br />
7 Marchons dans la même<br />
direction<br />
Les chaussures de randonnée de Hari Balasubramanian<br />
lui rappellent notre lien à la planète.<br />
8 Vers un avenir prospère<br />
Un travail de conservation efficace permet<br />
autant à la nature qu’à la population<br />
de bénéficier d’aires protégées et de<br />
paysages résilients.<br />
12 La grenouille à pattes rouges<br />
Cette grenouille se distingue par le rouge<br />
translucide sous ses pattes arrière.<br />
14 <strong>CNC</strong> à l’œuvre<br />
Un projet communautaire à Terre-Neuve;<br />
maximiser notre impact dans les prairies de<br />
la Colombie-Britannique; protection d’alvars<br />
rares à l’échelle mondiale et d’une forêt<br />
intacte en Ontario.<br />
16 Le monde entier est<br />
un théâtre<br />
Un guide-interprète chantant et<br />
dansant assure maintenant la direction<br />
du collectif PARKS+.<br />
18 Des désherbeuses<br />
à quatre pattes<br />
Un troupeau de chèvres à l’appétit<br />
vorace est embauché pour lutter contre<br />
les espèces envahissantes.<br />
C’est extra!<br />
Visitez magazinecnc.ca pour accéder à du<br />
contenu supplémentaire en lien avec ce<br />
numéro de notre magazine.<br />
Conservation de la nature Canada<br />
365, rue Bloor Est, bureau 1501, Toronto, ON M4W 3L4<br />
magazine@conservationdelanature.ca | Tél. : 416 932-3202 | Sans frais : 1 877 231-3552<br />
Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) est la force rassembleuse au pays pour la sauvegarde de la nature. Par la<br />
conservation permanente de vastes territoires, <strong>CNC</strong> apporte des solutions à la double crise du déclin rapide de la<br />
biodiversité et des changements climatiques. <strong>CNC</strong> est un organisme de bienfaisance enregistré.<br />
Avec la nature, nous créons un monde prospère.<br />
Le magazine Conservation de la nature Canada est offert aux personnes qui appuient <strong>CNC</strong>.<br />
MC<br />
Marque de commerce de La Soci<strong>été</strong> canadienne pour la conservation de la nature<br />
FSC MD n’est pas responsable des calculs<br />
concernant l’économie des ressources<br />
réalisée en choisissant ce papier.<br />
Imprimé au Canada avec des encres végétales par Warrens Waterless Printing.<br />
La publication de ce magazine a sauvegardé 11 arbres et 10 786 litres d’eau*.<br />
GÉNÉRÉ PAR : CALCULATEUR.ROLLANDINC.COM. PHOTO : ADAM BIALO/KONTAKT FILMS.<br />
2 SUMMER <strong>2024</strong>
Cette page : Péninsule Saugeen<br />
(Bruce), Ont.<br />
Couverture : Parc sauvage Shaw,<br />
N.-É. Photo : <strong>CNC</strong>.<br />
MARIE-MICHÈLE ROUSSEAU-CLAIR : ÉTIENNE BOISVERT; CORY PROULX : AVEC SA PERMISSION; J. BRUCE FALLS : <strong>CNC</strong>.<br />
Chères amies,<br />
Chers amis,<br />
Au début de ma carrière en conservation de la nature, je<br />
m’attendais à passer beaucoup de temps sur le terrain,<br />
puisque j’avais choisi ce domaine par amour du plein air et<br />
pour travailler avec toutes sortes d’espèces. Le contact avec la nature<br />
demeure essentiel pour moi, mais j’ai appris que faire des rencontres<br />
l’est tout autant. Il faut dire que prendre soin de la nature, c’est aussi<br />
veiller sur les gens et les générations futures qui pourront en profiter.<br />
Dans ce numéro du magazine Conservation de la nature Canada,<br />
nous explorons le dernier des quatre principes CARE (Connectivité,<br />
Adéquation, Représentation et Efficacité). L’efficacité consiste<br />
à trouver un équilibre entre les résultats attendus en conservation,<br />
les ressources disponibles ainsi que les besoins de la population<br />
locale. Autrement dit, comment conserver les milieux naturels tout<br />
en aidant les collectivités?<br />
Ce dernier principe permet de redéfinir l’ancien paradigme selon<br />
lequel la protection de la nature se fait en fragmentant le territoire,<br />
ce qui peut créer des aires protégées isolées les unes des autres.<br />
Nous devons plutôt mobiliser les collectivités concernées dès le<br />
début des projets afin de favoriser la collaboration dans les régions<br />
visées et en tenant compte de l’activité humaine qui s’y déroule.<br />
Ainsi, nous pouvons bâtir un monde prospère en atteignant à la fois<br />
les objectifs de conservation et ceux des communautés.<br />
Comme vous le découvrirez dans l’article principal (page 8), les<br />
projets de conservation efficaces génèrent des résultats positifs,<br />
comme l’assainissement de cours d’eau, l’augmentation d’occasions<br />
de loisirs et le renforcement de la mobilisation communautaire.<br />
J’espère que cet enthousiasme pour la conservation de la nature<br />
ainsi que les efforts déployés par des personnes et des organisations<br />
dévouées de partout au pays vous inspireront. Ce sont nos efforts<br />
collectifs qui propulsent le travail de <strong>CNC</strong>. Après tout, nous ne<br />
faisons qu’un avec la nature.<br />
Merci de votre soutien continu envers notre mission.<br />
Avec vous pour la conservation,<br />
Marie-Michele Rousseau-Clair<br />
Marie-Michèle Rousseau-Clair<br />
Cheffe de la conservation<br />
Ont collaboré<br />
à ce numéro<br />
Cory Proulx est un<br />
illustrateur basé à<br />
Vancouver (C.-B.).<br />
Son parcours créatif<br />
se concentre sur<br />
l’essence de la nature,<br />
de la faune, de<br />
l’aventure, de la<br />
planche à roulettes,<br />
et bien plus. Cory a<br />
illustré l’article de la<br />
page 18.<br />
In Memoriam<br />
C’est avec une profonde<br />
gratitude et un grand<br />
respect que nous nous<br />
souvenons de J. (James)<br />
Bruce Falls (1923-<strong>2024</strong>),<br />
qui a joué un rôle déterminant<br />
dans la création<br />
de <strong>CNC</strong>. Pour en savoir<br />
plus sur le remarquable<br />
héritage qu’il laisse<br />
derrière lui, consultez<br />
conservationdelanature.ca/<br />
brucefalls.<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 3
D’UN OCÉAN<br />
À L’AUTRE<br />
Avec la<br />
nature,<br />
c’est<br />
possible<br />
Source de vie, de résilience,<br />
de guérison et d’inspiration,<br />
la nature a toujours <strong>été</strong> la clé<br />
d’un monde prospère.<br />
L<br />
a nature nous rend d’innombrables services. Les milieux humides filtrent<br />
et purifient notre eau, les sols fertiles nous permettent de cultiver des<br />
aliments, les végétaux purifient l’air et nous fournissent de l’oxygène.<br />
Les milieux naturels enrichissent notre vie en nous offrant également des sites<br />
de choix pour pratiquer des loisirs comme la randonnée, le canot et la baignade. Le<br />
temps passé au grand air nous procure aussi du bonheur. Des études montrent en<br />
effet qu’une promenade en forêt, tout comme l’odeur de la terre, apaise notre esprit.<br />
Aussi, le simple fait d’écouter les sons de la nature nous détend.<br />
Aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin de la nature, car la vie sur<br />
Terre a changé. La crise climatique et la disparition d’espèces menacent notre<br />
mode de vie et notre avenir. Mais comme toujours, la nature est porteuse d’espoir.<br />
Pendant que la planète se réchauffe et que la fréquence des phénomènes<br />
m<strong>été</strong>orologiques extrêmes augmente, les marais continuent d’absorber les eaux<br />
de crue, les prairies nous protègent des sécheresses en emmagasinant l’eau, et<br />
les arbres rafraîchissent l’air des villes.<br />
Et ce n’est pas tout, les écosystèmes naturels atténuent les impacts des<br />
changements climatiques en stockant le carbone qui contribue au réchauffement<br />
planétaire. Aussi, en fournissant un habitat essentiel aux espèces sauvages, ils<br />
freinent leur disparition.<br />
Puisque nous faisons partie de la nature, nous pouvons aussi faire partie de la<br />
solution. Unissant leurs forces pour créer un changement tangible, les personnes<br />
qui appuient <strong>CNC</strong> de différentes façons sont aux premières lignes de cette solution.<br />
Ensemble, nous pouvons continuer à protéger la nature et à défendre sa remarquable<br />
capacité à subvenir à nos besoins et à ceux de nos communautés afin que la<br />
vie sur Terre puisse prospérer.<br />
TKTKTKTKTKTKT<br />
SHUTTERSTOCK.<br />
4 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
Grâce à votre soutien, nous pouvons tous et toutes continuer de profiter des<br />
bienfaits de la nature. Voici des témoignages de membres du personnel<br />
de <strong>CNC</strong> et de personnes qui nous appuient sur l’importance de la<br />
nature dans leur vie.<br />
Vie<br />
Fondamentalement, nous ne pouvons<br />
survivre sans les services que nous<br />
rend la nature. « La nature est l’essence<br />
même de mon existence et de celle<br />
des générations futures. »<br />
Romana Prokopiw, responsable de la<br />
santé et de la sécurité à <strong>CNC</strong>.<br />
« La nature m’a<br />
transmis de précieux<br />
enseignements et m’a<br />
appris à garder la tête<br />
haute et à persévérer. »<br />
Samantha Black, assistante au<br />
développement et aux communications<br />
Sagesse<br />
à <strong>CNC</strong> au Canada atlantique.<br />
DE HAUT EN BAS : ANDREW HERYGERS/<strong>CNC</strong>; LETA PEZDERIC/<strong>CNC</strong>;<br />
SEAN FEAGAN/<strong>CNC</strong>; SEAN FEAGAN/<strong>CNC</strong>; KONTAKT FILMS; KONTAKT FILMS.<br />
Les milieux naturels ont une incroyable<br />
capacité à se renouveler et à se restaurer, en<br />
réparant les dommages causés par des pratiques<br />
non durables. Plus nos paysages seront résilients,<br />
mieux nous pourrons nous adapter aux changements,<br />
et ce, au profit de toutes les espèces.<br />
Résilience Paix<br />
Les moments passés à l’extérieur<br />
nous apportent calme, gratitude et<br />
joie. Être près de la nature nous incite<br />
à en prendre soin, ce qui crée un<br />
cercle vertueux qui aide toutes les<br />
formes de vie à prospérer.<br />
Santé<br />
Plusieurs études révèlent que passer du temps en plein air peut<br />
améliorer la mémoire, réduire le stress, favoriser un meilleur sommeil<br />
et fournir de nombreux autres avantages pour la santé physique<br />
et mentale. C’est pourquoi plus de 13 000 spécialistes de la santé de<br />
partout au Canada ont commencé à prescrire des sorties en plein air<br />
dans le cadre du programme Prescri-Nature.<br />
Un avenir<br />
plus vert<br />
Les forêts, les milieux humides et les prairies du Canada sont nos alliés face à la<br />
double crise des changements climatiques et de la perte de biodiversité. En stockant<br />
des milliards de tonnes de carbone et en en retirant continuellement de l’atmosphère,<br />
ces écosystèmes contribuent à l’épanouissement des communautés actuelles et futures.<br />
Participez à la discussion!<br />
Qu’est-ce que la nature rend possible pour vous?<br />
Répondez à cette question en soumettant un texte, un<br />
enregistrement, une photo, une chanson ou un dessin!<br />
Utilisez le mot-clic #AvecLaNatureC’estPossible dans les<br />
médias sociaux, et votre réponse pourrait être publiée.
SUR LES<br />
SENTIERS<br />
Site d’interprétation<br />
de Fort Ellice<br />
Au cœur d’une magnifique prairie du Manitoba, le site de<br />
Fort Ellice permet de se rapprocher de la nature et de découvrir<br />
l’histoire et la culture régionales.<br />
LÉGENDE<br />
Cairn<br />
• Stationnement<br />
• Cercle de partage<br />
Kiosque<br />
• Banc<br />
--- Sentier<br />
PHOTO PRINCIPALE : THOMAS FRICKE; MÉDAILLONS : KALE COHEN/<strong>CNC</strong> (HAUT), THOMAS FRICKE (BAS); LETA PEZDERIC/<strong>CNC</strong>; CAMERON MEUCKON. CARTE : PHILINA CHAN.<br />
Ouvert à l’année, ce site d’interprétation de Conservation de la nature Canada<br />
(<strong>CNC</strong>), près de Saint-Lazare, est un joyau des prairies ainsi qu’un espace<br />
communautaire où l’on peut se renseigner sur la nature, l’histoire, la culture et<br />
l’économie régionales. <strong>CNC</strong> est fier d’avoir collaboré avec des membres de la collectivité<br />
à la création de ce lieu où les gens peuvent renforcer leur lien au territoire.<br />
Fort Ellice s’étend sur les terres ancestrales des Premières Nations des Cris, des<br />
Nakotas et des Anichinabés, sur le territoire non cédé de la nation Dakota, et sur la<br />
patrie de la nation métisse. Lieu de rencontre pour des cérémonies culturelles, Fort<br />
Ellice reçoit également des étudiant(e)s, des scientifiques et des archéologues qui<br />
viennent étudier ses nombreuses merveilles. Lieu de rassemblement millénaire, Fort<br />
Ellice continuera de pouvoir accueillir les générations futures pour qu’elles s’y<br />
connectent à la nature.<br />
Le site comprend un sentier pédestre et des kiosques d’interprétation sur<br />
l’ancien fort, les Premières Nations et communautés locales et leur lien au territoire<br />
et à ce fort.1<br />
Pour en savoir plus : conservationdelanature.ca/fortellice.<br />
ESPÈCES À OBSERVER<br />
• Bourdon terricole<br />
• Bruant à ventre noir<br />
• Goglu des prés<br />
• Monarque<br />
• Ours<br />
• Pipit de Sprague<br />
• Wapiti<br />
6 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
ACTIVITÉ<br />
LES<br />
INDISPENSABLES<br />
Marchons dans<br />
la même direction<br />
DENNIS MINTY; AARON MCKENZIE FRASER.<br />
La nature vous<br />
passionne?<br />
En août, joignez-vous à des milliers d’adeptes<br />
de la nature lors d’une activité qui plaira à tous<br />
et à toutes. Où que vous soyez au Canada, repérez des<br />
espèces étonnantes : plantes, oiseaux, insectes,<br />
mammifères et bien plus encore! Le quatrième Grand<br />
BioBlitz de <strong>CNC</strong> est votre chance de mieux connaître<br />
ces espèces. Amusant et gratuit, vous n’aurez besoin<br />
que d’un téléphone intelligent, d’une tablette ou d’un<br />
appareil photo pour y participer.<br />
QU’EST-CE QU’UN BIOBLITZ?<br />
Un bioblitz est un effort scientifique communautaire<br />
visant à documenter le plus grand nombre d’espèces<br />
possible dans une zone et durant une période donnée.<br />
Le Grand Bioblitz de <strong>CNC</strong>, qui se tiendra du 1 er au 5<br />
août prochains, est l’occasion de vous joindre à des<br />
milliers de personnes pour documenter les espèces<br />
présentes au Canada.<br />
Plus nous en savons sur la nature, plus nous pourrons<br />
la protéger. C’est pourquoi les scientifiques et les<br />
organisations environnementales comme <strong>CNC</strong><br />
veulent obtenir le plus de données possible sur les<br />
végétaux et les animaux qui se trouvent au pays.<br />
UNE ACTIVITÉ POUR TOUS ET TOUTES<br />
Pour les néophytes<br />
Vous voulez protéger la nature, sans savoir par<br />
où commencer? Où que vous soyez, prenez votre<br />
téléphone intelligent, votre tablette ou votre appareil<br />
photo. Photographiez une plante, un oiseau, un<br />
insecte ou tout autre organisme vivant. Partagez<br />
ensuite vos observations pour aider les scientifiques<br />
à faire le suivi d’espèces en péril et lutter contre celles<br />
qui sont envahissantes.<br />
Pour les familles et les proches<br />
Créez un groupe, en personne ou virtuel! Si des<br />
enfants en font partie, n’oubliez pas de consulter<br />
notre coin des enfants pour imprimer des fiches<br />
d’activités et plus encore!<br />
Inscrivez-vous dès aujourd’hui à legrandbioblitz.ca.<br />
En pleine nature comme au bureau, les chaussures de<br />
randonnée de Hari Balasubramanian lui rappellent notre<br />
lien à la planète<br />
Mon travail, qui consiste à<br />
associer des ressources<br />
à des solutions environnementales,<br />
m’amène à voyager à<br />
travers le monde. La seule chose<br />
qui me suit partout, que ce soit<br />
pour une réunion ou pour explorer<br />
un site naturel, c’est une paire de<br />
chaussures confortables. Cela peut<br />
sembler banal, mais, aussi loin que<br />
je me souvienne, j’ai toujours opté<br />
pour une bonne vieille paire de<br />
bottes brunes. Je les porte autant<br />
avec un complet pour une réunion<br />
à Manhattan ou à Londres qu’avec<br />
un pantalon et un chandail de laine<br />
pour parcourir des sites parmi les<br />
plus magnifiques de la planète.<br />
En plus de nous faciliter la vie,<br />
des chaussures confortables nous<br />
rappellent que pour lutter contre la<br />
double crise des changements climatiques<br />
et de la perte de biodiversité,<br />
nous devons marcher avec et<br />
sur le même chemin que nos collègues,<br />
notre clientèle et les communautés<br />
avec lesquelles nous travaillons.<br />
Chaussé de ces bottes, j’ai<br />
arpenté des sentiers boueux de<br />
l’Amazonie péruvienne, franchi<br />
d’étroits cols de montagne au Chili,<br />
découvert des forêts à Madagascar<br />
et ses lémurs, et fait d’innombrables<br />
randonnées sur la côte de la Nouvelle-Écosse.<br />
Je les portais quand<br />
j’ai joué au soccer sur le plateau du Hari Balasubramanian est membre du<br />
Tibet, et quand j’ai gratté ma guitare conseil de <strong>CNC</strong> au Canada atlantique.<br />
devant un feu de camp dans l’arrière-pays<br />
australien. Elles m’ont<br />
aussi suivi dans de nombreux bureaux au beau milieu de jungles de béton.<br />
Quand j’enlève mes bottes en fin de journée, je pense à toutes ces aventures<br />
et aux liens que j’ai noués. Au-delà du confort qu’elles m’apportent, elles évoquent<br />
toutes ces relations si essentielles à la transition vers la durabilité.1<br />
conservationdelanature.ca<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 7
aven<br />
Vers un<br />
prospère<br />
TKTKTKTKTKTKT<br />
YVES CHEUNG.<br />
8 SUMMER <strong>2024</strong> natureconservancy.ca
TKTKTKTKTKTKT<br />
ERIC GILES.<br />
ir<br />
Bien gérés, les projets de<br />
conservation profitent autant<br />
à la nature qu’à la population<br />
PAR Brishti Basu et Jensen Edwards<br />
Oiseaux survolant un marais,<br />
Long Point, Ont.<br />
Médaillon : Le Marsh Master.<br />
Aux commandes d’un véhicule<br />
Marsh Master aux allures<br />
de char d’assaut conçu pour le<br />
travail de terrain en milieux<br />
humides, Kyle Borrowman ne voit pas grandchose<br />
devant lui. Nous sommes à Long Point,<br />
dans le comté de Norfolk, dans le sud-ouest<br />
de l’Ontario. Malgré les denses peuplements<br />
de roseaux communs (ou phragmites) de<br />
3 à 5 mètres de haut qui obstruent son champ<br />
de vision, il parvient à s’orienter à l’aide d’une<br />
carte sur sa tablette et aux indications de quelqu’un installé<br />
sur le toit du véhicule.<br />
Apparu à Long Point il y a plus de 20 ans, le roseau<br />
commun, une plante envahissante, a radicalement modifié<br />
l’habitat dont dépendent des espèces en péril comme le<br />
râle élégant et le pluvier siffleur. Ses répercussions sur les<br />
écosystèmes locaux ont <strong>été</strong> énormes. Par exemple, il forme<br />
des fourrés très compacts qui empêchent les tortues et<br />
d’autres animaux terrestres de se déplacer librement. Aussi,<br />
ses inflorescences empêchent la lumière du soleil d’atteindre<br />
les petites plantes indigènes et ses imposantes tiges bloquent<br />
les sentiers de randonnée, les fossés de drainage et la vue<br />
sur le lac Érié.<br />
Long Point est une bande de terre de 40 kilomètres qui<br />
s’avançe vers le sud dans le lac Érié. On y trouve un parc provincial,<br />
deux réserves nationales de faune, des plages publiques,<br />
des terrains de camping, des chalets et un observatoire d’oiseaux.<br />
« C’est un véritable terrain de jeu pour les adeptes de<br />
plein air », affirme M. Borrowman, directeur du programme de<br />
restauration des habitats de Conservation de la nature Canada<br />
(<strong>CNC</strong>) pour l’Ontario. « La collectivité locale est consciente<br />
que nous dépendons des bienfaits et des services fournis par<br />
la nature », ajoute-t-il. La population sait aussi que pour protéger<br />
les espèces et les lieux qui lui sont chers, elle doit se mobiliser<br />
pour lutter contre le roseau commun.<br />
C’est pourquoi M. Borrowman et ses collègues et partenaires<br />
— clubs de chasse, agriculteur(-trice)s, résident(e)s,<br />
représentant(e)s du secteur universitaire et de tous les ordres<br />
gouvernementaux — ont formé la Long Point Phragmites<br />
Action Alliance, une coalition visant à coordonner les efforts<br />
d’éradication de l’espèce dans la région. Ce groupe composé de<br />
personnes de tout horizon partage un objectif commun : restaurer<br />
les écosystèmes de Long Point pour le bien de la nature<br />
et de la population. À ce jour, il a recueilli plus de 1 million $ et<br />
restauré plus de 2000 hectares envahis par le roseau commun.<br />
Il s’agit du plus important projet de restauration du genre<br />
mené en Ontario.<br />
Cette initiative montre à quel point les projets qui tiennent<br />
compte à la fois des besoins de la nature et de la population<br />
peuvent avoir un grand impact sur la conservation.<br />
« Que ce soit pour rehausser la biodiversité, favoriser<br />
les possibilités de loisirs, dégager la vue sur le lac ou nettoyer<br />
les fossés de drainage, tout le monde ici souhaite éliminer<br />
cette plante, déclare M. Borrowman. En travaillant ensemble,<br />
nous livrons des résultats durables et efficaces dans l’ensemble<br />
du paysage. »<br />
conservationdelanature.ca<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 9
Chercher un terrain<br />
d’entente<br />
Des propriétaires de ranchs dans les Prairies<br />
aux pêcheurs et pêcheuses dans les<br />
Maritimes, bien des Canadiens et Canadiennes<br />
ont un mode de vie et un moyen de<br />
subsistance inextricablement liés à la nature.<br />
Toutefois, certaines personnes croient encore<br />
que la nature ne peut prospérer que si<br />
l’humain en est absent. Les gens, les végétaux,<br />
les animaux et les paysages naturels<br />
dépendent pourtant les uns des autres.<br />
« Au moment de déterminer les milieux<br />
où seront déployées des stratégies de<br />
conservation, nous devons tenir compte des<br />
personnes qui y vivent, y travaillent et y<br />
pratiquent des activités. Cela nous permet<br />
d’atteindre des objectifs communs en<br />
matière de conservation », explique Marie-<br />
Michèle Rousseau-Clair, cheffe de la<br />
conservation à <strong>CNC</strong>. Principe fondamental<br />
de la conservation moderne (voir encadré<br />
p. 11), cette philosophie aide <strong>CNC</strong> à adapter<br />
ses approches en fonction d’un paysage<br />
particulier et des collectivités qui y vivent.<br />
Les projets de conservation efficaces sont<br />
ceux qui tiennent compte des besoins des<br />
populations et des effets de l’activité<br />
humaine sur le paysage.<br />
Mme Rousseau-Clair affirme également<br />
qu’en développant son amour pour la nature<br />
et en s’investissant dans sa protection, les<br />
collectivités sont plus enclines à en prendre<br />
soin, ce qui favorise la prospérité.<br />
Bécasseau<br />
semipalmé.<br />
Roseaux communs<br />
envahissants, Long Point, Ont.<br />
Trouver l’équilibre<br />
La prise en compte des besoins humains dans<br />
la planification de la conservation est un<br />
concept relativement nouveau au Canada.<br />
« À cause de l’attitude coloniale, la nature<br />
était autrefois considérée comme une entité<br />
dépourvue d’êtres humains; les peuples<br />
autochtones étaient souvent exclus de<br />
l’équation. On s’imaginait que les magnifiques<br />
paysages de certaines régions avaient<br />
toujours <strong>été</strong> intacts et que les Autochtones<br />
n’avaient jamais contribué à leur gestion »,<br />
raconte Joseph Bennett. Il confie qu’au début<br />
de sa carrière, il y a un peu plus de 20 ans,<br />
il a commencé à observer un changement<br />
dans la façon dont les scientifiques de la<br />
conservation envisageaient la relation entre<br />
les humains et la nature. Cela est attribuable<br />
au fait que les scientifiques occidentaux ont<br />
tiré des leçons du passé et ont écouté les<br />
communautés autochtones lorsqu’elles ont<br />
affirmé leur expertise et leurs connaissances<br />
culturelles profondément enracinées. Il affirme<br />
également que partout dans le monde, on<br />
cherche à trouver des solutions pour que les<br />
initiatives de conservation profitent autant<br />
à la nature qu’aux gens.<br />
Professeur et chercheur en biologie<br />
à l’Université Carleton à Ottawa (Ont.),<br />
M. Bennett a travaillé en étroite collaboration<br />
avec <strong>CNC</strong> pour mettre au point des outils<br />
fondés sur l’apprentissage automatique (qui<br />
fait partie de l’intelligence artificielle) qui<br />
s’harmonisent aux principes de conservation<br />
reconnus à l’échelle mondiale. Exploitant<br />
d’énormes jeux de données sur la répartition<br />
des espèces, la couverture du sol, le climat<br />
et d’autres facteurs, ces technologies<br />
permettent aux spécialistes de modéliser<br />
différentes mesures d’intendance ou de<br />
gestion des terres et de tester une vari<strong>été</strong><br />
de scénarios de conservation.<br />
Mme Rousseau-Clair et ses collègues<br />
utilisent ces outils pour répondre à la<br />
question : comment conserver les espèces,<br />
les terres et les eaux, tout en garantissant<br />
aux populations l’espace, la nourriture et les<br />
ressources dont elles ont besoin? Il s’agit<br />
d’un défi, si l’on tient compte des études<br />
récentes (dont certaines ont <strong>été</strong> menées par<br />
<strong>CNC</strong>) qui révèlent que près d’un tiers des<br />
zones prioritaires pour la conservation de<br />
la biodiversité dans le monde (soit environ<br />
la superficie de l’Amérique du Nord) sont<br />
également d’intérêt pour l’industrie et le<br />
développement urbain. Il est donc évident<br />
qu’à l’heure où le monde tente de protéger<br />
30 % des terres et des eaux de la planète<br />
d’ici 2030, des conflits risquent de surgir<br />
entre les objectifs climatiques, les objectifs<br />
de conservation et les objectifs de<br />
développement. Or, en combinant l’analyse<br />
de données à la mobilisation communautaire,<br />
nous pourrons mieux gérer ces tensions.<br />
Les outils de modélisation de données<br />
ont permis à l’équipe de recherche de <strong>CNC</strong>,<br />
en partenariat avec d’autres spécialistes,<br />
de démontrer que la protection de l’habitat<br />
des pollinisateurs indigènes en milieu<br />
agricole au Canada peut en fait augmenter<br />
les rendements, bénéficiant ainsi autant<br />
à la population qu’à l’écosystème. Aussi,<br />
protéger cet habitat renforce la sécurité<br />
alimentaire régionale, soutient les espèces<br />
indigènes et crée des opportunités économiques.<br />
C’est cette approche équilibrée<br />
de l’utilisation et de la conservation des<br />
terres qui inspire <strong>CNC</strong> à s’associer à des<br />
propriétaires de ranch dans les Prairies,<br />
puisque le bétail améliore la santé des<br />
étendues herbeuses locales. Puisque que la<br />
nature nous est vitale, nous pouvons nous<br />
aussi lui rendre service par des pratiques<br />
durables favorisant la biodiversité.<br />
GREGG MCLACHLAN; JORDAN MYLES/<strong>CNC</strong>.<br />
10 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
JASON LEO BANTLE; JOHN E. MARRIOTT.<br />
Coexister avec la nature<br />
Même lorsque les besoins immédiats en<br />
matière de biodiversité ne se prêtent pas<br />
à la participation directe du public, <strong>CNC</strong><br />
trouve des moyens de sensibiliser les gens<br />
à la conservation. Prenons l’exemple de<br />
la réserve d’oiseaux de rivage et centre<br />
d’interprétation de <strong>CNC</strong> à Johnson’s Mills,<br />
au Nouveau-Brunswick. Situé dans la<br />
baie de Fundy, ce site exceptionnel pour<br />
l’observation des oiseaux attire chaque <strong>été</strong><br />
des milliers de personnes qui viennent y<br />
admirer les bécasseaux semipalmés.<br />
Tapissant les plages de la baie, ces oiseaux<br />
font halte dans la région pour se nourrir<br />
d’invertébrés, accumulant ainsi suffisamment<br />
d’énergie pour soutenir leur migration<br />
automnale sans escale de trois jours vers<br />
l’Amérique du Sud. Lorsque la marée monte<br />
et recouvre les vasières qui leur servent de<br />
buffet, ils ont besoin d’une plage sécuritaire<br />
pour se reposer sans être dérangés.<br />
En effet, la présence de personnes<br />
bruyantes, de chiens ou de faucons pèlerins<br />
provoque parfois l’envol de milliers d’oiseaux,<br />
qui se mettent alors à tournoyer en synchronie<br />
dans le ciel, montrant tantôt leur dos foncé,<br />
tantôt leur ventre blanc. Il faut toutefois<br />
savoir que ce ballet aérien grandiose nuit<br />
aux oiseaux.<br />
« S’ils sont dérangés trop souvent,<br />
ils dépensent les réserves qu’ils ont<br />
emmagasinées pour migrer », explique Jordan<br />
Myles, coordonnatrice de la mobilisation pour<br />
la conservation au centre d’interprétation<br />
de Johnson’s Mills. « Ils doivent engraisser<br />
beaucoup, en peu de temps », renchérit-elle.<br />
C’est pourquoi pendant l’<strong>été</strong>, Mme Myles<br />
et ses collègues sensibilisent le public à la<br />
situation et les incitent à quitter la plage pour<br />
se rendre au poste d’observation de <strong>CNC</strong>,<br />
d’où les oiseaux peuvent être observés à<br />
distance. Il est ainsi plus probable que les<br />
bécasseaux et les autres espèces d’oiseaux<br />
de rivage puissent atteindre leur aire<br />
d’hivernage. Il est important de mentionner<br />
que les effectifs des oiseaux de rivage ont<br />
chuté d’environ 40 % depuis les années 1970.<br />
Se rallier pour la<br />
conservation<br />
Alors que les effets des changements<br />
climatiques aggravent les inondations, les<br />
sécheresses et les incendies, les milieux<br />
humides, les forêts et les prairies contribuent<br />
grandement à atténuer ces menaces qui<br />
pèsent sur les collectivités et leur moyen de<br />
subsistance. Voilà qui démontre clairement<br />
la valeur des services écosystémiques. En<br />
retour, nous pouvons soutenir la nature en<br />
renforçant la résilience des paysages naturels.<br />
Selon les savoirs locaux et autochtones, les<br />
humains doivent apprendre à coexister<br />
avec la nature.<br />
Mme Rousseau-Clair précise que<br />
tout le monde a un rôle à jouer dans la<br />
conservation et que les particuliers, les<br />
entreprises, les collectivités et tous les<br />
ordres gouvernementaux commencent<br />
à saisir l’importance de la nature dans<br />
notre avenir commun.<br />
Par exemple, des soci<strong>été</strong>s d’assurance<br />
comme Intact appuient des projets de<br />
conservation afin de réduire les risques<br />
d’inondation; des partenaires de <strong>CNC</strong> qui<br />
exploitent des ranchs, comme la Waldron<br />
Grazing Co-Operative, contribuent au<br />
maintien de la sécurité alimentaire en<br />
protégeant des espèces et des paysages; et<br />
plusieurs autres entreprises s’emploient à<br />
renforcer la capacité de la nature à diminuer<br />
les risques d’incendie, à atténuer les impacts<br />
des ondes de tempête et à stocker le<br />
carbone. Sur tout le continent, les nations<br />
autochtones réaffirment leurs liens à leurs<br />
territoires traditionnels. De nombreuses<br />
personnes se mobilisent aujourd’hui pour<br />
préserver la nature, ajoute Mme Rousseau-<br />
Clair, et leurs efforts, bien que motivés par<br />
des raisons différentes, ont les mêmes<br />
retombées sur le terrain.<br />
« De plus en plus, les gens prennent<br />
conscience de l’importance de passer à<br />
l’action et se rendent compte qu’ils peuvent<br />
contribuer. Ils souhaitent s’investir, que ce<br />
soit en faisant don de leur temps, de leur<br />
argent ou de leur terre », déclare-t-elle. De<br />
plus, toutes les entreprises avec lesquelles<br />
<strong>CNC</strong> travaille, que ce soit dans le secteur des<br />
assurances, de l’industrie, des finances ou de<br />
l’agriculture, envisagent un avenir plus vert au<br />
bénéfice de leurs activités, de leur personnel,<br />
de leur clientèle et de la planète. Il s’agit<br />
d’une bonne façon de mener des projets de<br />
conservation efficaces. Partout au pays, <strong>CNC</strong><br />
collabore avec des propriétaires de ranch,<br />
des titulaires de droits sur le bois d’œuvre et<br />
d’autres entreprises axées sur les ressources<br />
pour assurer la gestion durable de plus de<br />
169 000 hectares, contribuant ainsi à protéger<br />
des espèces comme le tétras des armoises et<br />
le renard véloce et à soutenir les économies<br />
locales et le gagne-pain de la population.<br />
L’élimination du roseau commun et la gestion<br />
durable des ranchs par <strong>CNC</strong> et ses partenaires<br />
sont des exemples d’initiatives de conservation<br />
efficaces, puisqu’elles considèrent la manière<br />
dont les activités humaines peuvent<br />
contribuer à l’atteinte des objectifs en matière<br />
de biodiversité et de climat.<br />
« La conservation est l’affaire de tout le<br />
monde, déclare Mme Rousseau-Clair. Nous<br />
devons unir nos efforts pour protéger la<br />
planète. »1<br />
CARE<br />
<strong>CNC</strong> souhaite voir la nature prospérer;<br />
voilà rien d’étonnant. Pour ce<br />
faire, les aires conservées et protégées<br />
doivent être Connectées,<br />
contenir des habitats dont la qualité<br />
est Adéquate, être Représentatives<br />
de toutes les espèces et être gérées<br />
de manière Efficace. Ces principes<br />
(CARE) sont mondialement reconnus<br />
pour soutenir la création de paysages<br />
résilients. Si les sites conservés<br />
répondent à ces critères, les paysages<br />
pourront résister aux changements<br />
climatiques et à la perte de<br />
biodiversité. De plus, s’ils sont<br />
résilients, nous serons assurés de<br />
construire un monde prospère<br />
avec la nature.<br />
Les projets de conservation efficaces<br />
sont ceux qui tiennent compte de<br />
l’activité humaine dès leur planification.<br />
Ce principe nous aide à<br />
atteindre à la fois les objectifs<br />
communautaires et de conservation.<br />
Dans ce numéro de notre magazine et les<br />
trois précédents, nous vous avons présenté<br />
comment des partenaires d’à travers le pays<br />
aident la nature - et l’humain - à s’adapter<br />
et à prospérer dans un monde en mutation.<br />
Quand la nature est résiliente, les espèces<br />
se déplacent librement sur le territoire,<br />
accédant ainsi à tous les écosystèmes dont<br />
elles ont besoin pour prospérer.<br />
conservationdelanature.ca<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 11
PROFIL<br />
D’ESPÈCE<br />
Grenouille à<br />
pattes rouges<br />
Cette grenouille se distingue par la couleur<br />
rouge translucide sous ses pattes arrières.<br />
LAURIE MACBRIDE / ALAMY STOCK PHOTO.<br />
12 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
APPARENCE<br />
La grenouille à pattes<br />
rouges est un petit amphibien<br />
de 7 à 10 centimètres de long. Elle<br />
est d’un brun rougeâtre parsemé<br />
de taches noires. Son nom lui<br />
vient de la couleur rouge<br />
translucide sous ses pattes<br />
postérieures.<br />
HABITAT<br />
Cette grenouille se reproduit<br />
dans des habitats aquatiques,<br />
notamment des étangs d’eau douce,<br />
des sources, des marais et des milieux<br />
humides. Ses habitats terrestres<br />
privilégiés sont le bord des étangs,<br />
les zones riveraines boisées et<br />
d’autres milieux riverains à<br />
végétation dense.<br />
MENACES<br />
En Colombie-Britannique, les<br />
populations de grenouilles à pattes<br />
rouges ont diminué. Son aire de répartition<br />
étant principalement restreinte aux zones à<br />
forte densité de population humaine, l’espèce<br />
fait face à des risques élevés de mortalité dus<br />
à la présence de routes, à l’exploitation<br />
forestière, à la pollution et au développement<br />
urbain. Des espèces envahissantes,<br />
notamment le ouaouaron,<br />
menacent également<br />
sa survie.<br />
Que fait <strong>CNC</strong> pour sauvegarder<br />
l’habitat de cette espèce?<br />
Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) contribue à<br />
protéger plus de 1 300 hectares d’habitats importants<br />
pour les populations de grenouilles à pattes rouges<br />
dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique et sur<br />
l’île de Vancouver, dont l’aire de conservation de la<br />
rivière Ryan, la réserve de l’île Clayoquot et l’aire de<br />
conservation de l’estuaire Gullchucks.<br />
De plus, dans le cadre d’un projet novateur s’appuyant<br />
sur les technologies de la conservation, et avec le<br />
soutien de Gestion de placements Manuvie, <strong>CNC</strong><br />
a récemment modélisé la qualité des habitats de cette<br />
grenouille dans son aire de répartition connue. Le<br />
modèle combine les observations du public avec une<br />
série de données prédictives environnementales,<br />
notamment sur le climat, la topographie et la couverture<br />
du sol, afin de produire des cartes de répartition<br />
très détaillée. Ces cartes bonifient considérablement<br />
les données sur l’espèce, pour laquelle les<br />
études sont limitées et l’aire de répartition<br />
incertaine. <strong>CNC</strong> est ainsi en<br />
mesure de mieux définir les zones<br />
prioritaires à conserver afin d’assurer<br />
sa survie et de satisfaire les besoins et<br />
les objectifs communautaires.<br />
L’avenir des travaux de<br />
modélisation de la répartition<br />
des espèces<br />
À ce jour, <strong>CNC</strong> a modélisé la répartition de plus de<br />
1 000 espèces (endémiques, représentatives et en péril)<br />
en exploitant la puissance de l’intelligence artificielle et<br />
de l’informatique infonuagique. Voilà un bon exemple<br />
de projet qui allie les connaissances concrètes et les<br />
analyses de données modernes menant à de nouvelles<br />
perspectives. Ces modèles amélioreront grandement<br />
l’échelle et la disponibilité des données sur les espèces<br />
dans l’ensemble du Canada et permettront de mieux<br />
éclairer la prise de décision en conservation.1<br />
Probabilité<br />
d’occurrence<br />
de l’espèce<br />
AIRE DE<br />
RÉPARTITION<br />
On trouve cette grenouille dans le<br />
nord-ouest de la Californie, l’ouest de<br />
l’Oregon et de l’État de Washington, et<br />
dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique<br />
(aussi loin au nord que<br />
le Smith Sound). Au Canada, elle<br />
vit principalement sur l’île<br />
de Vancouver.<br />
Océan<br />
Pacifique<br />
Île de<br />
Vancouver<br />
0<br />
Faible<br />
1<br />
Élevé<br />
COLOMBIE-<br />
BRITANNIQUE<br />
natureconservancy.ca<br />
conservationdelanature.ca<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 13
<strong>CNC</strong><br />
À L’ŒUVRE<br />
1<br />
Mise en valeur d’un projet<br />
communautaire de conservation<br />
TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR<br />
2<br />
MERCI!<br />
Votre appui a permis la réalisation de<br />
ces projets. Pour en savoir plus, visitez<br />
conservationdelanature.ca/nous-trouver<br />
3<br />
1<br />
Sur l’île de Terre-Neuve, les collectivités d’Indian Bay, d’Elliston,<br />
de Corner Brook et de Whitbourne ont déployé des efforts pour<br />
aider le Canada à atteindre son objectif de protéger 30 % de ses<br />
terres et de ses eaux d’ici 2030.<br />
Avec le soutien de Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) et de<br />
la Stewardship Association of Municipalities, plus de 2600 hectares de<br />
terres publiques sont maintenant reconnus comme des aires protégées<br />
municipales. Ces aires naturelles abritent des forêts boréales, des milieux<br />
humides, des éboulis et des habitats côtiers. L’adoption de mesures<br />
visant à y préserver les réserves d’eau publiques ainsi que les zones<br />
d’intendance et de loisirs bénéficiera à l'ensemble de la population.<br />
Soutenu par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et par<br />
Environnement et Changement climatique Canada, le projet continue<br />
à susciter la participation de nouvelles collectivités et à prendre de<br />
l’ampleur grâce au pouvoir des partenariats.<br />
2<br />
Conservation des prairies de la<br />
Colombie-Britannique<br />
CRANBROOK, COLOMBIE-BRITANNIQUE<br />
Pic de Lewis.<br />
Par l’acquisition de la prairie Skookumchuck, <strong>CNC</strong> assure la<br />
conservation de l’habitat d’espèces dépendantes des milieux de<br />
prairie dans le sillon des Rocheuses de la Colombie-Britannique.<br />
Située au nord de Cranbrook, cette aire de conservation de 270 hectares<br />
protège des prairies situées au fond de vallées, des forêts ouvertes et des<br />
milieux humides d’importance vitale.<br />
Le développement urbain, la conversion en terres agricoles et la croissance<br />
des forêts y ont contribué à la raréfaction des prairies et des forêts<br />
ouvertes, réduisant ainsi l’habitat des espèces qui dépendent de ces<br />
écosystèmes. La prairie Skookumchuck est une zone importante pour la<br />
reproduction du courlis à long bec et du pic de Lewis. Le wapiti et le<br />
blaireau d’Amérique (une espèce menacée), y trouvent également refuge.<br />
ISTOCK; JOLENE RUDISUELA/<strong>CNC</strong>.<br />
Prairie Skookumchuck, C.-B.<br />
14 WINTER 2023 natureconservancy.ca
En mémoire d’un grand<br />
allié de la conservation<br />
Ray Dunsmore<br />
1935-2023<br />
Membre du cercle<br />
La nature en héritage<br />
« Ray Dunsmore a grandi à<br />
Rocanville, en Saskatchewan,<br />
sur une ferme entourée de la<br />
beauté des Prairies. Il a adoré<br />
cette époque où il passait<br />
le plus de temps possible<br />
à l’extérieur, constamment<br />
émerveillé par le paysage<br />
unique de la vallée de la<br />
rivière Qu’Appelle.<br />
ESME BATTEN/<strong>CNC</strong>; RAY DUNSMORE : PHOTO REPRODUITE AVEC SA PERMISSION.<br />
Île Cockburn, Ont.<br />
3<br />
Protection d’un habitat rare à l’échelle mondiale<br />
PÉNINSULE SAUGEEN (BRUCE) ET ARCHIPEL DE L’ÎLE MANITOULIN, ONTARIO<br />
Des forêts intactes et des alvars rares à l’échelle mondiale sont désormais<br />
protégés à long terme le long d’un important corridor de migration du centreouest<br />
de l’Ontario. Point chaud de biodiversité dans la région des Grands<br />
Lacs, la péninsule Saugeen (Bruce) abrite de nombreuses espèces et habitats rares<br />
et en péril. La forêt Sturgeon Bay, un territoire de 65 hectares situé au nord-est de<br />
Wiarton, sera également protégée à perpétuité. Le projet s’appuie sur les travaux déjà<br />
réalisés par <strong>CNC</strong> et ses partenaires dans la région. La péninsule fait partie du territoire<br />
de la Nation des Ojibways de Saugeen (NOS), qui comprend la Première Nation<br />
non cédée des Chippewas de Nawash et la Première Nation des Chippewas de<br />
Saugeen. <strong>CNC</strong> et la NOS travaillent à sa protection depuis 2014.<br />
Parallèlement, l’acquisition de 40 hectares de forêts et d’alvars vient agrandir<br />
l’aire conservée sur l’île Cockburn, à l’ouest de l’île Manitoulin (lac Huron), contribuant<br />
ainsi à la sauvegarde de ses espèces rares et en péril. L’alvar, un habitat rare,<br />
est caractérisé par la présence d’un sol mince couvrant un affleurement rocheux.<br />
<strong>CNC</strong> assure l’intendance de plus de 60 % de la superficie de l’île Cockburn, soit<br />
près de 10800 hectares d’une grande valeur écologique pour la population et les<br />
espèces sauvages. L’île Cockburn est située sur le territoire du Peuple des Trois Feux,<br />
une alliance formée par les peuples de la Nation Anishinabek, qui regroupe les nations<br />
Ojibway, Odawa et Pottawatomi. On y trouve aujourd’hui les réserves de la Première<br />
Nation Zhiibaahaasing.<br />
C’est avec gratitude et respect que <strong>CNC</strong> reconnaît le rôle significatif et continu des<br />
peuples autochtones sur ce territoire et se réjouit à l’idée de poursuivre les discussions<br />
avec eux quant à la manière dont ces terres, auxquelles ils sont inextricablement<br />
liés, peuvent continuer à subvenir à leurs besoins.1<br />
conservationdelanature.ca<br />
À sa retraite, Ray a vendu sa ferme et s’est installé<br />
à Kamloops (C.-B.). On pouvait souvent le croiser,<br />
marchant parmi les arbres pour se connecter<br />
à la nature. Il a pris connaissance du travail de<br />
Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) en 2014, lors<br />
d'un événement à l’aire de conservation du ranch<br />
du Lac-Napier, dont il avait entendu parler dans<br />
les médias. C’est là qu’il a rencontré des membres<br />
du personnel de <strong>CNC</strong> et posé des questions sur les<br />
objectifs et les programmes de l’organisme sur ce<br />
territoire et dans d’autres régions de la Saskatchewan<br />
qui lui étaient chères.<br />
Son intérêt pour la conservation s’est alors mis à<br />
grandir et il était impatient d'en savoir plus sur les<br />
programmes mis en œuvre près de chez lui. Peu<br />
après, il a visité l’aire de conservation des prairies<br />
patrimoniales Old Man on His Back, en Saskatchewan,<br />
avec comme guide Nathalie Hassett, responsable<br />
de programmes de <strong>CNC</strong> dans cette province.<br />
Après avoir pris sa retraite du secteur agricole, il a<br />
sillonné le Canada et a tout particulièrement aimé<br />
visiter certains sites conservés par <strong>CNC</strong> et aussi des<br />
parcs nationaux.<br />
Ray estimait que ses valeurs et ses intérêts<br />
personnels se reflétaient dans les réussites de <strong>CNC</strong>.<br />
Il soutenait grandement le travail de l’organisme<br />
dans les Prairies et les Rocheuses. C'était pour lui<br />
une grande source de fierté et, au fil des ans, il a<br />
tissé des liens avec un grand nombre de membres<br />
du personnel d'à travers le pays et de divers<br />
secteurs d’activité.<br />
Ce véritable allié de <strong>CNC</strong> nous a quittés l’an<br />
dernier. Sa famille et ses proches se souviendront<br />
de lui avec émotion, de même que nous tous,<br />
qui avons eu le plaisir de faire l’expérience de sa<br />
vivacité d'esprit et du charme qui le caractérisait,<br />
et ce, tout en partageant avec lui un même amour<br />
de la nature. »<br />
~Jackie Mersereau,<br />
Directrice principale, Dons planifiés et<br />
dons majeurs (par intérim)
UNE FORCE POUR<br />
LA NATURE<br />
Le monde<br />
entier est<br />
un théâtre<br />
Le travail de guide-interprète chantant et dansant de Don Carruthers Den Hoed l’a<br />
préparé à éventuellement assurer la direction du collectif PARKS+.<br />
ALBERT LAW.<br />
16 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
ALBERT LAW.<br />
Don Carruthers Den Hoed a grandi<br />
entouré de nature dans les<br />
contreforts est des montagnes<br />
Rocheuses, en Alberta. Dès l’âge<br />
de 16 ans, il a commencé à travailler<br />
à Alberta Parks, pour par la suite devenir guideinterprète<br />
dans la région de Kananaskis. Il y a<br />
contribué à perpétuer une tradition de spectacles<br />
de théâtre musicaux éducatifs.<br />
Il se souvient avec émotion de l’époque de Broadway in the<br />
Bushes durant laquelle il rédigeait des scénarios, se costumait, chantait<br />
et dansait et sentait naître, grâce à cette approche alternative, un<br />
enthousiasme grandissant envers le monde naturel.<br />
« L’interprétation s’est taillé une place dans tout ce que j’ai fait par<br />
la suite, explique-t-il. C’était une occasion pour moi de susciter chez<br />
les gens un vif enthousiasme envers, par exemple, une chauve-souris,<br />
un arbre ou le ciel nocturne, et de constater l’impact que ça avait. Certaines<br />
personnes étaient étonnées, et commençaient à se demander si<br />
elles pouvaient vivre autrement sur cette Terre. »<br />
Aujourd’hui associé de recherche à l’Université de la Colombie-Britannique,<br />
où il dirige le collectif PARKS+, financé par le Conseil canadien<br />
des parcs et Parcs Canada, M. Carruthers Den Hoed combine<br />
à la fois son travail académique et le développement de leaders dans<br />
le domaine des parcs, des aires protégées et conservées. En 2018,<br />
il a contribué à la création du Collectif des parcs canadiens pour<br />
l’innovation et le leadership (maintenant connu sous le nom de<br />
collectif PARKS+).<br />
Son travail a croisé celui de membres du personnel de Conservation<br />
de la nature Canada (<strong>CNC</strong>) participant aux programmes de<br />
développement du leadership du collectif PARKS+. L’approche de<br />
M. Carruthers Den Hoed lui vient de l’époque où il était guide-interprète.<br />
« Ç’a ouvert la voie à tout mon travail, c’est-à-dire comment<br />
être le catalyseur de conversations qui n’avaient pas encore eu lieu,<br />
se souvient-il en riant. Même si je ne chante plus autant et ne porte<br />
plus de costumes! »<br />
Avant d’occuper ses fonctions actuelles, il a <strong>été</strong> à l’emploi d’Alberta<br />
Parks près de trois décennies dans les domaines de l’éducation, de<br />
l’inclusion, de l’engagement et de la gestion des terres.<br />
Avec le recul, M. Carruthers Den Hoed constate que les gestionnaires<br />
de parcs et d’aires protégées peuvent finir par travailler en vase<br />
clos, réagissant chaque jour à la tâche la plus urgente à accomplir,<br />
comme il l’a si souvent fait. Participer à un programme de gouvernance<br />
du Conseil canadien des parcs l’a aidé à changer de perspective,<br />
tout en le mettant en contact avec d’autres professionnel(le)s des<br />
parcs et du domaine de la conservation. « Ce que j’ai appris, c’est<br />
qu’il y avait des gens qui faisaient le même travail et qui pouvaient<br />
s’entraider, explique-t-il. Nous pouvions apprendre les uns des autres,<br />
partager des ressources et des conseils. »<br />
Le collectif PARKS+, qui offre des programmes de gouvernance<br />
à travers le Canada, a pris de l’ampleur. Il inclut maintenant un réseau<br />
de recherche et soutient le développement d’employé(e)s des parcs<br />
et des aires protégées, ainsi que des universitaires, étudiantes et étudiants,<br />
tous guidé(e)s par une approche inclusive et collaborative.<br />
Devant la double crise des changements<br />
climatiques et de la perte de biodiversité, travailler<br />
dans le domaine de la conservation<br />
amène des défis de taille. Faire croître une<br />
communauté de soutien mutuel destinée aux<br />
professionnel(le)s de la conservation sans se<br />
soucier des organismes et des différences<br />
pourrait être la solution, estime M. Carruthers<br />
Den Hoed, spécifiquement pour ceux et celles<br />
qui font face à des situations comme l’épuisement<br />
professionnel et l’écodépression.<br />
Les personnes travaillant dans le secteur<br />
de la conservation sont en effet confrontées à<br />
un grand nombre de difficultés — il n’a jamais<br />
<strong>été</strong> aussi urgent et opportun de se demander<br />
comment nous pouvons les aider à préserver<br />
leur santé mentale en milieu de travail »,<br />
conclut-il.<br />
Don Carruthers Den Hoed, associé de recherche<br />
à l’Université de la Colombie-Britannique.<br />
Grâce à la recherche universitaire, à<br />
l’étude de l’inclusivité et à la collaboration<br />
avec des collègues autochtones, Don Carruthers<br />
Den Hoed confie que d’être exposé<br />
à de nombreuses façons de penser et de vivre<br />
a <strong>été</strong> un plus pour lui. Il considère que le fait<br />
de se connecter à la nature, pour quiconque<br />
adhère à la profession et à la recherche,<br />
s’avère une pratique réparatrice souvent<br />
négligée, qui peut faire croître la résilience<br />
au sein des organismes de conservation.<br />
« À une époque où les gens sont en quête<br />
de contrôle et de certitude, ou qu’ils craignent<br />
l’incertitude et le changement, les milieux naturels<br />
sont des espaces où je peux me rendre<br />
et constater combien le changement fait partie<br />
de la vie quotidienne, explique-t-il. Nous<br />
pouvons y arriver et la nature est là pour nous<br />
en donner les moyens. Je pense qu’elle est<br />
porteuse d’espoir et que nous pouvons en être<br />
reconnaissants, parce qu’il y a là tout un<br />
monde sur lequel nous pouvons compter pour<br />
nous soutenir. »1<br />
conservationdelanature.ca<br />
ÉTÉ <strong>2024</strong> 17
GRANDEUR<br />
NATURE<br />
Des désherbeuses<br />
à quatre pattes<br />
Par Alia Snively, responsable des travaux de restauration écologique de <strong>CNC</strong> en Alberta<br />
Les journées ensoleillées et venteuses passées sur<br />
le terrain me rappellent l’<strong>été</strong> où j’ai eu l’immense<br />
plaisir de travailler avec une équipe exceptionnelle,<br />
enthousiaste et passionnée dans un champ couvert<br />
de plantes atteignant la hauteur des hanches. Il y a tout<br />
juste un an, Conservation de la nature Canada (<strong>CNC</strong>)<br />
s’est en effet attaqué au défi d’y éliminer les espèces envahissantes<br />
qui avaient pris le dessus sur les espèces indigènes.<br />
Pour l’aider à contrôler ces plantes indésirables,<br />
l’organisme a recruté nul autre qu’un troupeau de<br />
500 chèvres à l’appétit vorace.<br />
C’est au site de conservation Nodwell, au sud-ouest de<br />
Drumheller, en Alberta que <strong>CNC</strong> s’affaire depuis 1998 à<br />
restaurer une zone cultivée en prairie. Depuis le début<br />
des travaux, 34 hectares ont <strong>été</strong> ensemencés avec des<br />
graminées qui bruissent maintenant dans le vent.<br />
Guidé par Jeannette Hall, une bergère passée maître<br />
en comportement, en gestion et en soin à apporter aux<br />
chèvres, le troupeau a brouté la végétation envahissante<br />
pendant 10 jours, c’est-à-dire avant qu’elle ne monte en<br />
graine. En broutant et en se déplaçant, les chèvres ont<br />
aussi contribué à décomposer la litière végétale et<br />
à exposer les plantes indigènes à plus de lumière, créant<br />
ainsi les conditions propices à leur épanouissement.<br />
Ces chèvres s’amusaient! Quelques-unes grimpaient<br />
sur les machines utilisées pour enfoncer les piquets de<br />
clôture pour avoir une meilleure vue d’ensemble du site.<br />
Le moment le plus touchant a <strong>été</strong> ma rencontre avec<br />
les chevreaux qui sont nés sur place, dont l’un baptisé<br />
Nodwell, du nom du site conservé par <strong>CNC</strong>.<br />
C’était un plaisir d’observer les chèvres à l’œuvre et<br />
leur capacité à cibler les espèces envahissantes tout en<br />
s’amusant. Le troupeau, mené par la bergère, se déplaçait<br />
dans le champ de façon méthodique et efficace. J’ai <strong>été</strong><br />
fascinée par cette méthode de contrôle des mauvaises<br />
herbes et par le dévouement de la bergère qui dormait<br />
sur place. Je ne suis pas prête d’oublier cette expérience,<br />
et j’ai hâte d’accueillir à nouveau le troupeau cet <strong>été</strong> dans<br />
le cadre d’une stratégie pluriannuelle de lutte contre les<br />
espèces envahissantes.1<br />
CORY PROULX.<br />
18 ÉTÉ <strong>2024</strong> conservationdelanature.ca
La vie sur Terre a changé. Une crise<br />
climatique et le déclin des espèces menacent<br />
aujourd’hui notre mode de vie, et notre<br />
avenir. Mais il y a de l’espoir, puisqu'une<br />
solution se trouve sous nos yeux. Une<br />
solution d’une puissance et d’une ampleur<br />
telle, qu’elle peut remédier à ces menaces.<br />
La nature a toujours <strong>été</strong> la solution. C’est<br />
notre atout le plus précieux. Elle est source<br />
de vie… Résilience… Guérison et inspiration.<br />
Les vagues qui déferlent et les montagnes<br />
éternelles qui s’élèvent vers le ciel nous<br />
ramènent à la source même de notre<br />
existence. Mais ça n’a jamais <strong>été</strong> seulement à<br />
propos d’un arbre, d’un ruisseau ou d’une<br />
personne. Nous savons que c’est en unissant<br />
nos forces que nous pouvons créer un<br />
changement réel et tangible.<br />
Conservation de la nature Canada, nous<br />
agissons. Nous collaborons. Nous sommes<br />
architectes du changement. Ensemble, nous<br />
protégeons la nature et son incroyable<br />
capacité à prendre soin de nous et de nos<br />
communautés. Alors, allons-y, unissons-nous<br />
pour conserver, restaurer et veiller sur la<br />
nature. Relevons ce défi. Soutenons tout le<br />
pouvoir de la nature. Pour que la vie sur<br />
Terre puisse non seulement perdurer,<br />
mais prospérer.<br />
aveclanaturecestpossible.ca
VOTRE<br />
IMPACT<br />
Conservation des milieux de<br />
prairies : un jalon important<br />
La conservation du ranch McIntyre, dans<br />
le sud-ouest de l’Alberta, marque un<br />
jalon dans la conservation des étendues<br />
herbeuses des Prairies canadiennes.<br />
Rendu possible grâce à ses propriétaires,<br />
la famille Thrall, ainsi que <strong>CNC</strong>, en<br />
collaboration avec Canards Illimités<br />
Canada, ce projet historique illustre tout<br />
le pouvoir d’une gestion durable et d’un<br />
important soutien sociétal. Les quelque<br />
22 000 hectares de milieux de prairies et<br />
de milieux humides du ranch constituent<br />
des habitats vitaux pour une diversité<br />
d’espèces typiques des prairies, comme la<br />
buse rouilleuse, l’antilope d’Amérique et<br />
le blaireau d’Amérique. Plus vaste projet<br />
de conservation de prairies privé de<br />
l’histoire du Canada, le ranch McIntyre est<br />
un bastion des spectaculaires milieux de<br />
prairies des provinces de l’Alberta, de la<br />
Saskatchewan et du Manitoba.<br />
Aujourd’hui, <strong>CNC</strong> est fier d’annoncer<br />
la conclusion de la campagne visant<br />
à recueillir 3 millions $ pour conserver et<br />
entretenir à long terme ce site si spécial.<br />
Cet incroyable projet s’est concrétisé<br />
grâce au soutien des gouvernements<br />
fédéral et provincial et de donatrices et<br />
donateurs privés.<br />
Merci d’en faire autant pour la nature au Canada!<br />
Une<br />
bénédiction<br />
pour les<br />
oiseaux et la<br />
population<br />
Située dans un milieu fortement<br />
agricole de la région du Centredu-Québec,<br />
la tourbière de Saint-<br />
Sylvère joue un rôle important<br />
dans la filtration et la régulation<br />
de l’eau dans la communauté, en<br />
plus de stocker du carbone. Elle<br />
fait partie d’un corridor de milieux<br />
humides parallèle au fleuve Saint-<br />
Laurent. Ce site de conservation<br />
est stratégiquement situé près<br />
d’autres espaces naturels clés<br />
comme la réserve naturelle du<br />
Patrimoine-des-Hébert, la réserve<br />
écologique Léon-Provancher<br />
et la zone de concentration des<br />
oiseaux aquatiques du lac Saint-<br />
Paul-Rivière Godefroy. Aujourd’hui,<br />
l’avenir de 116 hectares, dont<br />
90 sont des milieux humides, est<br />
maintenant assuré grâce à un don<br />
de Cascades.<br />
Financé par le projet Accélérer<br />
la conservation dans le sud du<br />
Québec du gouvernement du<br />
Québec, le Programme de conservation<br />
du patrimoine naturel du<br />
gouvernement du Canada et le<br />
U.S. Fish and Wildlife Service, ce<br />
projet démontre ce qui devient<br />
possible en mobilisant le pouvoir<br />
de la nature pour que la vie sur<br />
Terre puisse non seulement perdurer,<br />
mais prospérer.<br />
G. À D. : LETA PEZDERIC/<strong>CNC</strong>; JAYNE GULBRAND.
Contribuer ensemble<br />
à la création de paysages<br />
résilients<br />
Partenariat entre<br />
Conservation de la nature Canada<br />
et Parcs Canada
La présence<br />
de paysages<br />
résilients est<br />
essentielle<br />
Aussi vastes soient-ils, les parcs<br />
nationaux ne sont pas à l’abri<br />
des impacts des changements<br />
climatiques et de l’activité humaine,<br />
qui menacent de dégrader leurs<br />
précieux écosystèmes et de<br />
provoquer le déclin de la biodiversité<br />
qu’ils renferment.<br />
Si nous voulons protéger ces<br />
espaces naturels et leurs bienfaits<br />
sur les espèces et les collectivités,<br />
il faut s’assurer qu’ils puissent<br />
prospérer dans un monde en<br />
constante évolution.<br />
Voilà pourquoi Conservation de la<br />
nature Canada (<strong>CNC</strong>) et Parcs Canada<br />
ont établi un partenariat pour<br />
répertorier et conserver de manière<br />
stratégique des aires naturelles<br />
situées autour de certains parcs<br />
nationaux, et ce, à travers le pays.<br />
PARC NATIONAL KOOTENAY, COLOMBIE-BRITANNIQUE<br />
L’impact d’un grizzly sur les écosystèmes<br />
Le grizzly parcourt<br />
en moyenne plus de<br />
200 kilomètres par an<br />
à la recherche de nourriture,<br />
de partenaires ou d’une<br />
tanière où passer l’hiver.<br />
Les déplacements sur<br />
de grandes distances de<br />
cette espèce en péril ont<br />
de profonds impacts sur<br />
les écosystèmes qu’elle<br />
fréquente. C’est ce qui<br />
en fait une espèce clé de<br />
voûte; c’est-à-dire une<br />
espèce dont la présence<br />
indique le bon fonctionnement<br />
des écosystèmes.<br />
LÉGENDE<br />
Parc national Kootenay<br />
Terre conservée par <strong>CNC</strong><br />
Réserve des Premières Nations<br />
Aire protégée<br />
–– Parcours des ours<br />
1 Répandre des graines avec des excréments<br />
En <strong>été</strong>, dans le sillon des Rocheuses, le grizzly<br />
se régale d’airelles, de shépherdies du Canada<br />
et d’autres plantes. En se déplaçant sur le territoire,<br />
il disperse des graines en laissant derrière lui<br />
ses excréments.<br />
2 À la recherche de provisions pour l’hiver<br />
Le grizzly doit consommer beaucoup de nourriture<br />
afin d’accumuler les réserves d’énergie dont il<br />
a besoin pour son repos hivernal. Si la nourriture<br />
(racines, baies de fin de saison, poisson...) se fait<br />
rare, il est plus susceptible de fréquenter des<br />
milieux urbains, ce qui peut s’avérer dangereux<br />
aussi bien pour lui que pour la population.<br />
3 Errance printanière<br />
À son réveil, le grizzly affamé se nourrit de jeunes<br />
pousses, en commençant par celles qui se trouvent<br />
dans les fonds de vallées, où le printemps arrive<br />
en premier, puis se déplace en altitude au fur et à<br />
mesure que la température s’adoucit. En conservant<br />
une vari<strong>été</strong> d’écosystèmes au sein de son aire de<br />
distribution, à l’intérieur comme à l’extérieur des<br />
parcs nationaux, on permet à l’espèce d’accéder<br />
aux ressources dont elle a besoin pour survivre et<br />
élever ses petits.<br />
COUVERTURE ET CETTE PAGE : JOHN E. MARRIOTT. CARTE : JACQUES PERRAULT.<br />
Cet effort de conservation permettra<br />
aux animaux de se déplacer au sein<br />
des écosystèmes dont ils dépendent,<br />
ainsi qu’au-delà des limites des parcs,<br />
et que des processus naturels comme<br />
la pollinisation et le cycle de l’eau<br />
continuent de subvenir aux besoins<br />
de la nature et des collectivités.<br />
3<br />
PARC<br />
NATIONAL<br />
KOOTENAY<br />
2<br />
Invermere<br />
Lac Windermere<br />
1<br />
PHOTO CREDIT.
PARC NATIONAL ET LIEU<br />
HISTORIQUE NATIONAL KEJIMKUJIK,<br />
NOUVELLE-ÉCOSSE<br />
Le périple de<br />
l’omble de fontaine<br />
Tout comme les communautés,<br />
l’omble de fontaine a besoin d’eau<br />
potable et d’habitats adéquats pour<br />
prospérer. Pour trouver les bons sites<br />
où se nourrir et frayer, il peut nager<br />
sur plusieurs kilomètres au sein d’un<br />
réseau de cours d’eau et de lacs. Sa<br />
simple présence peut indiquer l’état<br />
de santé d’un écosystème.<br />
1 Le printemps comme point de départ<br />
Au début du printemps, l’omble de fontaine<br />
commence à se déplacer aux alentours du lac<br />
Kejimkujik et dans les ruisseaux. À mesure<br />
qu’il remonte vers la surface, il trouve de la<br />
nourriture, ou devient la collation de prédateurs<br />
comme des oiseaux de proie, des loutres et<br />
des visons.<br />
2 À la recherche d’un peu de fraîcheur<br />
Au printemps et en <strong>été</strong>, quand la température<br />
de l’eau augmente, l’omble de fontaine peut<br />
parcourir plus de 10 kilomètres par jour en<br />
quête d’oxygène dans les eaux froides et<br />
profondes du lac Kejimkujik ou de ses sources<br />
froides. Sans ces cours d’eau interconnectés,<br />
il risque de souffrir de la chaleur.<br />
3 Frayères<br />
Pour frayer, l’omble de fontaine a besoin<br />
d’eau claire et de lits de gravier en ruisseaux,<br />
en rivières ou en lacs peu profonds. Il parcourt<br />
fréquemment de grandes distances à l’intérieur<br />
et à l’extérieur des limites des parcs en quête<br />
de conditions idéales.<br />
3<br />
PHOTOS PHOTO : ISTOCK. CREDIT. CARTE : JACQUES PERRAULT.<br />
4 Repos hivernal<br />
L’omble de fontaine peut passer une grande<br />
partie de l’hiver dans les profondeurs du<br />
lac Kejimkujik, en se déplaçant très peu pour<br />
conserver son énergie. Le fond du lac est<br />
alimenté en nutriments par la décomposition<br />
des espèces qui ne survivent pas aux rigueurs<br />
de l’hiver.<br />
LÉGENDE<br />
Parc national et lieu historique<br />
national Kejimkujik<br />
–– Parcours des poissons<br />
1<br />
PARC NATIONAL<br />
ET LIEU<br />
HISTORIQUE<br />
NATIONAL<br />
KEJIMKUJIK<br />
4<br />
Lac Kejimkujik<br />
2
La nature sans frontières<br />
Parcs Canada s’est engagé à versé 15 millions $ à <strong>CNC</strong><br />
pour l’aider à cibler et à conserver des aires naturelles<br />
autour de parcs nationaux. Pour amplifier notre impact<br />
sur la nature, nous amassons des fonds de contrepartie.<br />
Le travail de conservation soutenu par ce partenariat sera<br />
concentré autour de plus de 10 parcs nationaux situés<br />
à travers le pays, dont le parc national Kootenay (C.-B.) et le<br />
parc national et lieu historique national Kejimkujik (N.-É.).<br />
En collaboration avec des nations et des communautés<br />
autochtones, des propriétaires fonciers et d’autres<br />
partenaires, nous conserverons des territoires situés<br />
à l’extérieur de parcs nationaux grâce à des acquisitions<br />
de terres, des dons, des accords d’intendance et d’autres<br />
mesures de conservation efficaces par zone.<br />
Même si les limites des parcs demeureront inchangées,<br />
la nature profitera de ce nouvel effort, puisque comme le<br />
démontrent l’aire de répartition du grizzly et le périple<br />
de l’omble de fontaine, la nature n’a pas de frontières. En<br />
améliorant le réseau de zones protégées autour des parcs<br />
nationaux, nous renforçons la capacité des paysages<br />
à prospérer dans un monde en constante évolution.<br />
Pour en savoir plus et pour soutenir le travail de <strong>CNC</strong><br />
pour conserver de vastes paysages à travers le pays,<br />
visitez conservationdelanature.ca/resilience.<br />
COLIN WAY.<br />
PHOTO CREDIT.