BOXOFFICE - N°01 / Mai 2024

Numéro 01 / Mai 2024
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : SOUFIANE SBITI
Le cinéma marocain a (enfin) son magazine
MAROC
N°01 / Mai 2024
LUTETIA,
UNE BOUFFÉE
D’OXYGÈNE À
CASABLANCA
COMÉDIE
MAROCAINE:
SES NOUVELLES
AUDACES
ASMAE
EL MOUDIR
MÉMOIRE À
TOUT PRIX

EDITO
MAROC
NOS DOULEURS
COLLECTIVES, UNE
VÉRITÉ À AFFRONTER
PAR SOUFIANE SBITI
Qui pour raconter nos souffrances ?
Au Maroc, la mémoire collective
demeure, jusqu’à aujourd’hui, toujours
empreinte d’un certain non-dit. Le dire
et le rappeler ne relève pas de l’audace, il
s’agit d’affirmer un fait : nous ne parlons
pas de certains moments de notre histoire.
Il s’agit de drames collectifs, de sombres
périodes, où la parole muselée avait laissé
place à une souffrance silencieuse.
Parler des cicatrices, c’est aussi voir comment
on peut les panser mais également
c o m m e n t é v i t e r
d’autres blessures.
L’histoire mondiale,
toute récente, nous le
prouve d’ailleurs. Tout
pays, à la mémoire
balafrée et entaillée par
des périodes dramatiques,
n’a pu se relever
que lorsqu’il a osé se regarder dans le
miroir. Et tout raconter à ses enfants.
Depuis fin 2023, le cinéma mondial découvre
une production marocaine : la Mère de tous
les mensonges, film-documentaire qui fait
son bonhomme de chemin dans les Festivals
les plus en vue. La réalisatrice Asmae El Moudir
y décide de déblayer les sombres souvenirs
de sa famille, et par cela aborder la question
des victimes des émeutes dit du pain,
survenues à Casablanca en 1981.
NOUS NE
PARLONS PAS DE
CERTAINS MOMENTS
DE NOTRE HISTOIRE
Et c’est tout en délicatesse, se basant sur son
drame familial, qu’elle raconte les années de
plomb au Maroc. Dans une prouesse technique,
saluée par toutes les critiques, Asmae
El Moudir va là où plusieurs cinéastes rechignaient
à aller. Elle le fait par passion, par
amour pour sa famille, mais aussi parce qu’en
tant que Marocaine, cette période l’a intriguée.
Sans attendre que le récit officiel
reconstruise les faits, elle décide elle-même
d’ébaucher une représentation d’un pan de
notre histoire. Son travail s’est fait sans crainte
d’atteindre les sensibilités, et sans en froisser
certaines.
Un travail d’artiste à
double message : Premièrement,
nous pouvons
le faire. Des jeunes
et moins jeunes peuvent
oser parler de nouvelles
choses, parler de ce qui
n’a pas encore été dit et dévoiler l’inédit de
notre histoire. Le tout avec pour seule conviction
et objectif : nous raconter.
Deuxièmement, une fois l’histoire racontée,
nous avons de quoi être fier de l’avoir fait.
Car c’est avec ses douleurs communes, ses
déceptions, ses rendez-vous manqués et son
traumatisme, qu’une nation, blessée mais
désireuse de grandir, peut affronter l’avenir.
Et c’est là, sans aucun doute, notre ambition
collective.●
Directeur de la publication
et de la rédaction
Soufiane Sbiti
Conseiller de la rédaction
Yacine Kaouti
Rédaction
Salma Hamri
Reda K. Houdaïfa
Jihane Bougrine
Chronique
Aïcha Akalay
Photos
Alexandre Chaplier
Mustapha Razi
MAP
Maquette
Pulse Media
Directeur artistique
Mohamed Mhannaoui
Maquettistes
Ezzoubair Elharchaoui
Zineb Azeddine
Direction générale
Fatima Zahra Lqadiri
fz@storyandbrands.com
Régie publicitaire
Story & Brands
Impression
Les imprimeries du Matin
Distribution
Sapress
Remerciements
Hôtel Le Casablanca
Fairmont La Marina Rabat Salé Hotel &
Residences
Cinéma Lutetia
BOXOFFICE MAROC
est édité par
Pulse Media
sous licence
The Boxoffice Company
de Global Cinema Maroc
Capital Business Office,
B 127, 6ème étage,
Bd Abdelmoumen,
Casablanca, Maroc
Site web :
www.boxoffice.com
Dépôt légal
10/2024
ISSN : en cours
Mai 2024 / Maroc
3

SOMMAIRE
16
28
70
06 SNAPSHOT
Une cheikha que tout le monde aime
08 LA PÉPITE DU MOIS
Ayoub Layoussifi le touche à tout du cinéma
marocain
12 LA RENCONTRE
Layla Triqui Une réalisatrice dans le vent
16 LA COUV’
« Ana Moukhrija ! »
Asmae El Moudir la cinéaste qui ausculte
les souvenirs
Road To Oscars
Quand Asmae El Moudir raconte le vertige
de la mémoire
28 EN SALLES
Dune : deuxième partie Voyage sensoriel sur
la planète désertique Arrakis
Jalal Eddine Soufi d’y croire
Les damnés ne pleurent pas Ils sont seuls
face au monde
One Life La vie devant soi
Race for Glory : Audi vs Lancia Roule
à toute vitesse
A Nose and Three Eyes à la vie à l’amour
Vol 404 de haute voltige
Bye Bye Tibériade Catalogue intime et
poétique d’une Palestine déchirée
Bob Marley : One Love Le refrain classique
d’un dandy
48 GUIDE DES SORTIES
52 ACTU-CINÉ
Les petites salles obscures reprennent des
couleurs
De Dali à Amy Winehouse des biopics, entre
célébration et business model
Dahomey de Matti Diop
quand les statues s’éveillent…
60 INTERVIEW PRO
Mohamed Beyoud - Pascal Mabille
66 REPORTAGE
Coulisses d’un tournage Au cœur de la blessure
Les jardins du paradis titre poétique pour une
histoire pathétique
74 INTERVIEW
Anas El Hatimi, au passé recomposé

74
84
46
96
78 DOSSIER PRO
Comédie marocaine: ses nouvelles audaces
84 ZOOM SUR UNE SALLE
Lutetia, une bouffée d’oxygène pour le cinéma
indépendant
90 UNE SALLE, UNE
HISTOIRE
Cinéma Eden, pionnier éphémère du 7ème
art à Marrakech
92 STREAMING/VOD
The Gentlemen Guy Ritchie se déchaine sur
8 épisodes
Ahlam Banat Une saison 2 prévue pour
Ramadan
Ourika Le thriller musclé de Booba
94 LIRE, VOIR ET ÉCOUTER
96 FINAL CUT
Sami Fekkak
98 LE CLAP DE AICHA
AKALAY
Quand les femmes sont à la maison

SNAPSHOT
UNE CHEIKHA QUE TOUT
LE MONDE AIME
Nabil Ayouch commence déjà à promouvoir
son très attendu long métrage Everybody
Loves Touda, qui sortira dans les salles de
cinéma au second semestre de cette année.
Le tournage avait démarré en novembre 2022
et s’est terminé fin mai 2023.
Sur Instagram, deux publications attisent la
curiosité des internautes. La première met en
avant un exemplaire du scénario, tandis que
la deuxième révèle les coulisses du tournage
avec l’actrice Nisrine Erradi qui campera le
rôle principal du film, celui de la Cheikha Touda.
Dans Everbody Loves Touda, Nabil Ayouch
suit les tribulations d’une jeune femme passionée
par l’art de l’Aita et qui se bat pour percer
comme cheikha grâce à sa voix et son
talent. Elle doit aussi assurer un avenir meilleur
à son fils sourd-muet à qui elle doit trouver
une école spécialisée.
«C’est un film sur le chant, la danse et ces
femmes poètes féroces connues sous le
nom de Cheikhates, qui ont émergé au
19ème siècle des montagnes du Maroc et
qui se sont installées dans les grandes villes
dans les années 1960 et 1970. Elles ont été
les premières femmes à oser chanter en
public l’amour, leur corps et leurs plaisirs à
une époque où seuls les hommes avaient
le droit de chanter », a déclaré Nabil Ayouch
à la presse.
Initialement titré Le chant de Touda, le film a
bénéficié du montant le plus élevé accordé
par la commission du Fonds d’aide à la production
des œuvres cinématographiques au
titre de la deuxième session de 2021: 5,5
millions de dirhams.●
PAR SALMA HAMRI / CRÉDIT : NABIL AYOUCH / INSTAGRAM
6 Maroc / Mai 2024

74
84
46
96
78 DOSSIER PRO
Comédie marocaine: ses nouvelles audaces
84 ZOOM SUR UNE SALLE
Lutetia, une bouffée d’oxygène pour le cinéma
indépendant
90 UNE SALLE, UNE
HISTOIRE
Cinéma Eden, pionnier éphémère du 7ème
art à Marrakech
92 STREAMING/VOD
The Gentlemen Guy Ritchie se déchaine sur
8 épisodes
Ahlam Banat Une saison 2 prévue pour
Ramadan
Ourika Le thriller musclé de Booba
94 LIRE, VOIR ET ÉCOUTER
96 FINAL CUT
Sami Fekkak
98 LE CLAP DE AICHA
AKALAY
Quand les femmes sont à la maison

LA PÉPITE DU MOIS
8 Maroc / Mai 2024

Ayoub
Layoussifi
LE TOUCHE-À-TOUT DU
CINÉMA MAROCAIN
Ayoub Layousifi multiplie les casquettes. Acteur, scénariste,
réalisateur et un peu tout à la fois. Ce qu’il aime le plus c’est
créer des ponts et collaborer avec les autres, comme sur la
série évènement « 3am ou Nhar » qui sort dans les prochains
mois et dont il est l’un des scénaristes et l’acteur principal.
PAR YACINE KAOUTI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
D
ans le salon de thé de l’hôtel Casablanca où on
l'attend, Ayoub Layoussifi porte un pull Andy
Wahloo, la marque créé par Hassan Hajjaj, un
ami pour qui il voue « un profond respect ». Avec sa
mèche rebelle, son regard intensément déterminé et le
flot rapide de ses paroles, le comédien-réalisateur a
longtemps traîné son spleen avant de véritablement se
trouver.
Le casablanco-parisien est un homme pressé. Actuellement
en plein tournage, il nous donne rendez-vous
lors de son seul jour de pause. « La journée sera longue,
je dois aller à Rabat au CCM (centre cinématographique
marocain) pour une question de paperasse, tu penses
qu’on aura assez de temps pour parler et faire le photoshoot
? »
Bac en poche, il part en France, à Tulles en Corrèze,
sans pour autant trouver sa voie. C’est en dehors des
bancs de l’université qu’il rencontre des amis passionnés
de cinéma et de théâtre avec qui il fonde une association.
« La passion nait un peu comme ça et me rattrappe
» nous dit-il. Dans la famille Layoussifi, on aime
le cinéma: le frère est ingé son, et le père organisait
chaque samedi des soirées VHS. Tel un Rastignac, il se
dirige vers la capitale française pour étudier sa passion,
« je décide de m’orienter vers le cinéma, et je me dis
que je vais peut être tenter une fac. Je suis pris à Paris
8, et je décroche mon master pro en 2010 en réalisation
et production et puis 2011, je décroche un master
recherche ».
L'année 2011 représente un jalon important, avec son premier
rôle dans un téléfilm marocain et son intégration à la formation
de l'Actor Studio. Mais c'est en 2014, sous la houlette
d'Abdelkrim Derkaoui, que Layoussifi s'illustre au cinéma et
obtient le premier rôle dans le film Les griffes du passé, une
rencontre qu’il qualifie de déterminante pour sa carrière.
Mai 2024 / Maroc
9

LA PÉPITE DU MOIS
FILMO DE
LAYOUSSIFI
2014
Joue dans Les
griffes du passé de
Abdelkrim Derkaoui
2019
Réalise son premier
court métrage
Tikitat Soulima
2019
Joue dans
l’Automne des
pommiers de
Mohamed
Mouftakir
2024
Co-réalise Chikha,
court-métrage de
fiction co-écrit avec
Yamina Zarou et
Zahoua Raji (en
festivals)
C’EST L’UNE DE MES PLUS
GRANDES FIERTÉS D’AVOIR PU
ÊTRE DIRIGÉ PAR WERNER
HERZOG
La réalisation s’impose alors comme une évidence, avec
son premier court métrage en 2015, Tikitat Soulima, un
succès critique et public couronné de prix, notamment
à Tanger et aux African Movie Academy Awards, l’équivalent
des Oscars en Afrique.
« C’était une aventure merveilleuse », nous glisse t-il. Une
aventure qui continue puisqu’il vient de terminer le tournage
il y a quelques mois de son deuxième court-métrage.
Ayoub Layoussifi a également cotoyé les plus grands en
donnant la réplique dans des films internationaux à
Vanessa Paradis ou encore Nicole Kidman dans le film
Queen of the Desert de Werner Herzog. « C’est l’une de
mes plus grandes fiertés d’avoir pu être dirigé par Werner
Herzog. Je l’étudiais à la fac. J’étudiais son cinéma
et son point de vue et je conaissais tous ses films ».
Actuellement, il est en tournage de son dernier projet,
la série 3am ou Nhar réalisée par Ayoub Lahnoud et produite
par Ali’n production. « J’ai rencontré Ayoub Lahnoud
en 2017 et nous voulions travailler ensemble. L’été
dernier, on dévelloppe le projet avec le scénariste Jawad
Lahlou, et puis tout s’est enchainé ». La série qui sera
diffusée dans les prochaines semaines sur Al Aoula est
en soit un petit évènement dans le paysage audiovisuel
marocain car elle explorera de manière audacieuse le
sujet de la moudawana et des défis sociaux au Maroc.
« Je suis très fier de ce projet. J’ai initié le mouvement
en voulant travailler avec Ayoub Lahnoud et Jawad
Lahlou, puis Basma El Hijri (co-scénariste) et Mounia
Magueri (dialoguiste) nous ont suivis » nous confie Ayoub
Layoussifi, pour qui la collaboration est très importante:
« Je n’aime pas être solitaire car ensemble on va loin ».
Et pour aller plus loin, il a décidé de s’entourer de celle
avec qui il partage sa vie et a deux enfants, Zahwa Raji,
avec qui il a étroitement collaboré pour son prochain
court métrage.●
10 Maroc / Mai 2024

Ayoub
Layoussifi
LE TOUCHE-À-TOUT DU
CINÉMA MAROCAIN
Ayoub Layousifi multiplie les casquettes. Acteur, scénariste,
réalisateur et un peu tout à la fois. Ce qu’il aime le plus c’est
créer des ponts et collaborer avec les autres, comme sur la
série évènement « 3am ou Nhar » qui sort dans les prochains
mois et dont il est l’un des scénaristes et l’acteur principal.
PAR YACINE KAOUTI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
D
ans le salon de thé de l’hôtel Casablanca où on
l'attend, Ayoub Layoussifi porte un pull Andy
Wahloo, la marque créé par Hassan Hajjaj, un
ami pour qui il voue « un profond respect ». Avec sa
mèche rebelle, son regard intensément déterminé et le
flot rapide de ses paroles, le comédien-réalisateur a
longtemps traîné son spleen avant de véritablement se
trouver.
Le casablanco-parisien est un homme pressé. Actuellement
en plein tournage, il nous donne rendez-vous
lors de son seul jour de pause. « La journée sera longue,
je dois aller à Rabat au CCM (centre cinématographique
marocain) pour une question de paperasse, tu penses
qu’on aura assez de temps pour parler et faire le photoshoot
? »
Bac en poche, il part en France, à Tulles en Corrèze,
sans pour autant trouver sa voie. C’est en dehors des
bancs de l’université qu’il rencontre des amis passionnés
de cinéma et de théâtre avec qui il fonde une association.
« La passion nait un peu comme ça et me rattrappe
» nous dit-il. Dans la famille Layoussifi, on aime
le cinéma: le frère est ingé son, et le père organisait
chaque samedi des soirées VHS. Tel un Rastignac, il se
dirige vers la capitale française pour étudier sa passion,
« je décide de m’orienter vers le cinéma, et je me dis
que je vais peut être tenter une fac. Je suis pris à Paris
8, et je décroche mon master pro en 2010 en réalisation
et production et puis 2011, je décroche un master
recherche ».
L'année 2011 représente un jalon important, avec son premier
rôle dans un téléfilm marocain et son intégration à la formation
de l'Actor Studio. Mais c'est en 2014, sous la houlette
d'Abdelkrim Derkaoui, que Layoussifi s'illustre au cinéma et
obtient le premier rôle dans le film Les griffes du passé, une
rencontre qu’il qualifie de déterminante pour sa carrière.
Mai 2024 / Maroc
9

LA RENCONTRE
LAYLA TRIQUI
UNE RÉALISATRICE
DANS LE VENT
Rencontre avec Layla Triqui, la réalisatrice marocaine à la trajectoire
singulière, qui vient de dévoiler son dernier opus, «Carved by the Wind», à
la Berlinale. Née à Rabat, formée à Paris, Berlin et Leipzig, elle s’est imposée
dans le paysage cinématographique avec une filmographie riche et variée,
allant de la télévision aux courts métrages primés. Son parcours, marqué
par des rencontres déterminantes avec des légendes du cinéma comme
Abbas Kiarostami et Martin Scorsese, laisse présager un long métrage
prometteur, fruit de son expertise et de sa passion pour le septième art.
INTERVIEW MENÉE PAR JIHANE BOUGRINE
CRÉDIT : LAYLA TRIQUI
12 Maroc / Mai 2024

Quelle est la genèse du film ? Pourquoi
parler de ce film basé sur des faits réels,
de la maternité et de la bi culturalité ?
Encore lycéenne, des récits poignants se
murmuraient au sein de ma grande famille.
Les histoires de proches en couples mixtes
qui avaient connu une fin bouleversante
dont les traces étaient indélébiles et ce au
début des années 80. Leurs récits vibrants
résonnaient encore dans mes pensées des
années plus tard.
Je m’interrogeais sur la douleur d’affronter de
telles épreuves pour les parents comme les
enfants et sur les chances de ces derniers,
devenus aujourd’hui adultes, de colmater leurs
identités fracturées , d’assumer leur double
héritage avec « les cicatrices » qu’il comporte.
En 2016, et en observant les vagues continues
de réfugiés de guerre affluents après 2011 vers
l’Europe, j’ai ressenti l’urgence d’entamer un
travail de recherche, de développement puis
d’écriture de scénario pour donner vie à ces
histoires à ma manière et lancer la réflexion
sur ce sujet et ses ramifications.
Au cours de ce processus de travail de réflexion
et d’écriture, j’ai été profondément interpellée
entant que femme et que mère par la question
de l’absence maternelle et de ses répercussions
sur la construction identitaire et la
vie d’un enfant mais plus particulièrement
d’une femme. La mère étant le premier être
existant dans la vie d’un enfant bien avant sa
naissance, un lien viscéral est gravé dans son
inconscient, dans sa conscience et dans la
mémoire de son corps.
Aussi ai je voulu explorer cet aspect sensible
dans le contexte précis de ces histoires.
Dans l’écriture, comment avez-vous pensé
votre personnage principal et comment
écrire sur son parcours émotionnel en
découvrant que sa mère française est toujours
en vie ?
Sophia découvre à l’âge adulte que sa mère
biologique est toujours en vie. Son père a
gardé ce secret pendant plus de 25 ans, lui
assurant qu’elle était décédée. Cette découverte
bouleverse son existence et déclenche
une vague d’émotions complexes et contradictoires
qui l’impacte autant que sa famille et
la mène vers un voyage initiatique.
Pour construire le personnage de Sophia, mon
co-scénariste Keith Cunningham et moi-même
avons exploré son passé. Nous avons étudié
son enfance, son adolescence, l’environnement
dans lequel elle a grandi, son rapport à
son père et à sa belle-mère, son rapport au
CRÉDIT : LAYLA TRIQUI
LE FILM PROPOSE UNE APPROCHE
NARRATIVE À LA FOIS RÉALISTE ET
POÉTIQUE. L’HISTOIRE EST ANCRÉE
DANS LE RÉEL TOUT EN LAISSANT
PLACE À L’ÉMOTION ET À LA POÉSIE
deuil de sa mère présumée décédée, la
manière dont elle se présente au monde et
son rapport à son métier / passion ( la photographie
). Cela nous a permis de comprendre
la femme qu’elle est devenue et comment
l’absence de sa mère biologique a teinté son
rapport à la féminité et à la maternité.
En parallèle, nous avons développé les histoires
des autres personnages clés intimement
liés au personnage principal ,en explorant
leurs passés et leurs motivations, nous
avons pu cerner aussi leurs relations avec
Sophia , la direction dans laquelle elles seraient
susceptibles d’évoluer et l’impact qu’ils ont
eu sur elle.
Le développement de la « backstory » du personnage
principal comme des autres personnages
s’est aussi inspiré des faits réels que
nous avons documenté au préalable.
Ce travail approfondi nous a permis de
construire le schéma comportemental de
Sophia et de comprendre ce qui déclencherait
ses réactions impulsives , motiverait ses
décisions, ce qui est susceptible de la transformer
et de guider son voyage à la recherche
d’un autre reflet de la vérité et d’une quête de
réconciliation éventuelle avec son histoire
familiale et son identité complexe.
Pouvez-vous nous parler du processus de
recherche et d’écriture du scénario, ainsi
que des influences artistiques et cinématographiques
qui ont façonné votre approche
narrative ?
Le scénario de Carved by the Wind explore
des thèmes universels : l’absence maternelle,
la découverte tardive d’un parent biologique,
les secrets de famille, le deuil ,la réconciliation
et l’identité complexe.
Mon co- scénariste Keith Cunningham et moimême
avons veillé au début à faire une
recherche approfondie. Des témoignages, des
consultations d’experts et des analyses
d’oeuvres ont enrichi l’histoire et apporté une
compréhension fine des enjeux psychologiques,
émotionnels et juridiques. Les personnages
à la fois complexes et attachants ont
été développés avec soin et à plusieurs
niveaux. Nous avons aussi pensé à avoir des
dialogues réduits et dosés. Le scénario a été
affiné au fil de plusieurs versions, enrichi par
la collaboration de mon co-scénariste et les
feedbacks d’un script-doctor.
Le film propose une approche narrative à la
fois réaliste et poétique. L’histoire est ancrée
dans le réel tout en laissant place à l’émotion
et à la poésie.
Mai 2024 / Maroc
13

LA RENCONTRE
La narration immersive invite le spectateur à
cheminer aux côtés des personnages principaux
et à partager leur ressentis. La focalisation
sur l’intériorité des personnages explore
leurs pensées, leurs blessures intérieurs, leurs
sentiments et leurs motivations.
CRÉDIT : LAYLA TRIQUI
L’écriture du scénario de ce film est le fruit
d’un processus de création riche et ambitieux,
qui offre une réflexion à la fois intime et universelle
sur les liens familiaux , la reconstruction,
le pardon et l’identité composée.
Comment s’est fait le choix de Ouidad Elma
et comment avez-vous travaillé avec elle la
psychologie du personnage ?
Durant la phase de casting, Ouidad Elma s’est
révélée être la plus proche à ce que je cherchais
pour le personnage de Sophia . Ses compétences
d’actrice que j’ai pu constater à travers
les « test self-tapes » que j’ai reçu d’elle
ainsi que ses divers performances précédentes
dont j’ai pris connaissance, m’ont convaincu
quant à sa capacité de capturer la dualité du
personnage de Sophia dans mon film.
Durant plus d’un an, nous avons collaboré
étroitement Ouidad et moi-même à travers
de longues séances de travail à distance (à
cause du Covid-19) pour explorer en profondeur
la psychologie de Sophia, les schémas
comportementaux du personnage et son
évolution au fil de sa quête. J’ai affiné avec
Ouidad les détails de son jeu, tant en amont
du tournage ; durant la phase de préparation
à Tanger ; que sur le plateau, afin de
rester dans un jeu juste , intériorisé, minimaliste,
et d’atteindre une cohérence entre sa
performance et ma vision.
Quelle réalisatrice êtes-vous sur un plateau
et comment dirigez-vous vos acteurs ?
La communication et la préparation sont mes
maîtres-mots avant le tournage. J’échange longuement
avec mon équipe artistique, mon chef
opérateur et les acteurs pour garantir une vision
commune et un tournage fluide. Cette approche
me permet d’être flexible et de m’adapter aux
imprévus de dernière minute sur plateau.
Je suis exigeante envers moi-même et envers
les autres et je suis également ouverte aux
idées et aux suggestions de l’équipe. La collaboration
est essentielle pour moi.
J’essaie tant que possible de maintenir un
équilibre entre exigence, bienveillance et collaboration
pour atteindre mes objectifs en tant
que réalisatrice tout en respectant et en valorisant
l’apport de chaque membre de l’équipe.
SUR LE PLATEAU, AVANT CHAQUE
SÉQUENCE, J’EXPLIQUE AUX ACTEURS
LA MISE EN SCÈNE PRÉVUE. JE LES
PRENDS ENSUITE INDIVIDUELLEMENT
POUR LEUR RAPPELER L’ATMOSPHÈRE
NARRATIVE ET PSYCHOLOGIQUE
La direction d’acteurs s’articule pour moi autour
de la communication, de la collaboration et
de l’écoute. Je m’efforce de créer un environnement
de confiance où les acteurs peuvent
s’exprimer pleinement et explorer leur créativité
pour donner vie aux personnages de
manière authentique et vibrante.
Plusieurs mois avant le tournage, j’entame des
discussions approfondies avec les acteurs
principaux autour du scénario et de leurs personnages·
Loin du stress du plateau, ces
échanges leur permettent de poser des questions,
d’apporter leurs suggestions et de s’approprier
le rôle. Une lecture italienne avec les
acteurs principaux finalise la préparation et
permet d’ajuster les derniers détails avant le
tournage.
Sur le plateau, avant chaque séquence, j’explique
aux acteurs la mise en scène prévue.
14 Maroc / Mai 2024

Je les prends ensuite individuellement
;quelques minutes; pour leur rappeler l’atmosphère
narrative et psychologique de la scène.
Je mets l’accent sur l’élément central que
chaque acteur doit garder en tête. Entre les
prises, j’apporte si nécessaire des indications
de jeu, de ton, de rythme ou encore des précisions
techniques.
L’image est belle. Comment avez-vous travaillé
avec le chef opérateur pour donner
vie à l’histoire visuellement et émotionnellement
à l’écran ?
L’image occupe une place prépondérante
dans mon univers créatif . Dès la genèse du
film Carved by the Wind, j’avais une vision précise
du genre de repérages et de lieux où je
voyais mes personnages évoluer. Un premier
voyage de repérage effectué durant l’écriture
du scénario m’a permis de conforter mes intuitions
et d’affiner ma perception.
En parallèle, j’avais défini une palette de
couleurs qui allait servir de référence pour
les décors, les costumes et les atmosphères
de l’image . Éléments importants qui contribuent
à donner vie à l’histoire visuellement
et émotionnellement.
Afin de traduire ma vision en réalité, j’ai collaboré
étroitement avec le chef opérateur. Durant
la préparation du film, nous avons eu plusieurs
séances de travail durant lesquelles je lui ai
transmis le dossier de documentation que
j’avais élaboré. Ce dernier regroupait des références
cinématographiques, photographiques
et d’arts plastiques qui illustraient mon propos
et nourrissaient mon inspiration pour ce film.
J’ai tenu à lui expliquer que la dimension de
la photographie dans le film était multiple. Elle
s’exprimait à travers le regard du personnage
principal et de son père, mais aussi à travers
celui de la réalisatrice. Je lui ai également
détaillé les raisons narratives pour lesquelles
je souhaitais adopter une certaine dynamique
au niveau des compositions du cadre ainsi
que du découpage et des mouvements de
caméra. Nous avons fait en sorte de planifier
séquence par séquence sur les décors en
amont afin que cela puisse assurer une fluidité
de réalisation le jour du tournage.
Après la phase indispensable et minutieuse
de l’étalonnage, j’ai pu mener l’image vers le
résultat que je souhaitais et qui s’alignait avec
mon approche de la réalisation pour ce film.
Pourquoi Tanger ?
Tanger s’est imposée comme une évidence
dès la phase d’écriture du scénario.
La ville m’offrait une lumière particulière à
divers moments de la journée , une architecture
riche et variée, des espaces intrigants ,
des vues magnifiques sur l’horizon maritime
et les forêts façonnées par le vent. En un mot
, Tanger rassemblait tous les éléments visuels
que je cherchais pour son film.
Mais au-delà de l’esthétique, c’est l’histoire et
la symbolique de Tanger qui m’ont profondément
intéressée . Cette ville, carrefour de
cultures et de civilisations, porte en elle les
traces d’un passé riche et complexe. Elle est
un lieu de rencontres et de mélanges, d’ouvertures
et de frontières, d’espoirs et de déceptions
mais aussi de secrets et de mystères.
Elle est à la fois ancrée dans le réel et ouverte
sur l’imaginaire. Cette dualité résonne parfaitement
avec l’histoire des protagonistes du
film. Tanger devient ainsi le miroir de leurs âmes
et le reflet de leurs questionnements intérieurs.
Choisir Tanger comme lieu de tournage n’était
donc pas une simple décision esthétique·
D’une part c’était le choix d’une ville qui m’inspirait
et qui me donnait la liberté de créer un
univers visuel et émotionnel adapté à ce que
je recherchais pour le film. D’autre part ce
choix symbolique fort me permettait de créer
une profondeur narrative.
En résumé, Tanger est à la fois le décor et un
personnage à part entière du film. Sa lumière,
ses paysages, son architecture et son histoire
contribuent à créer une atmosphère particulière
et à donner vie aux complexités et aux
contradictions des personnages.●
CRÉDIT : LAYLA TRIQUI
Mai 2024 / Maroc
15

LA COUV’
«na
ourija !»
Avec Kadib Abyad (La Mère de tous les mensonges),
Asmae El Moudir se nourrit d’une reconnaissance
incontestée à l’international comme au Maroc. Celle qui
répétait sans cesse dans son film « Ana Moukhrija » tantôt
au spectateur, tantôt à sa grand-mère qui s’entête à la
considérer comme journaliste, est aujourd’hui une figure de
prouesse qui hisse le cinéma marocain au septième ciel.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
16 Maroc / Mai 2024

Mai 2024 / Maroc
17

LA COUV’
ASMAE
EL MOUDIR,
la cinéaste
qui ausculte
les souvenirs
Asmae El Moudir a eu la révélation
du documentaire en 2012, à la
Fémis à Paris, après trois ans
d'études à l’Institut Supérieur des Métiers
de l'Audiovisuel et du Cinéma (ISMAC) de
Rabat. Elle commence à écrire son film en
2013 avant de se mettre en quête de financement,
puis développe son idée à l’aide
de son père qui réalise des figurines en
argile et une miniature du quartier de son
enfance à Casablanca, Sbata.
Elle a écrit, réalisé, produit et monté un projet
dont l’idée a finalement pris la forme d’un
long métrage hybride qui mêle documentaire
et fiction. Dix ans de travail, huit ans de tournage,
et 500 rushs plus tard, Kadib Abyad
fait sa première mondiale à Cannes, où il reçoit
deux prix: L’Oeil d’or ex-aequo avec Les Filles
d’Olfa, de Kaouther Ben Hania et le prix de
la mise en scène - section Un certain regard.
Le long métrage marque ensuite l’histoire
du Festival international du Film de Marrakech
(FIFM) en décrochant le 2 décembre
dernier la première Étoile d’or marocaine,
avant de rafler plusieurs prix internationaux,
notamment le premier prix du 70ème Festival
du film de Sydney.
Kadib Abyad a été shortlisté dans la course
aux Oscars 2024 et même sans victoire, la
prouesse est déjà là, car Asmae El Moudir
est en train d’accomplir ce que très peu de
films marocains sont parvenus à faire:
séduire à la fois professionnels et spectateurs.
et collectionner les nominations aux
prestigieuses cérémonies de récompense.
Asmae El Moudir avait 12 ans quand elle a
pris conscience qu’il n’existait aucune photo
d’elle enfant. Cette découverte déclenche
alors un processus d’investigation durant
lequel la cinéaste interroge les petits mensonges
qu’on lui a raconté et essaye de comprendre
pourquoi sa grand-mère, figure centrale
du film, interdisait les photos à la maison.
Grâce à une maquette de son quartier d’enfance
et des figurines qui représentent son
entourage, Asmae El Moudir décide alors
de raviver la mémoire de chacun pour recréer
les souvenir familiaux, ce qui la conduit vers
une libération de la parole autour d’une
mémoire collective ensevelie et des évènements
traumatisants passés sous silence :
les émeutes de Casablanca en 1981.
Dans le tourbillon de son emploi du temps
chargé et à l’interstice entre deux avant premières
nationales, Asmae El Moudir revient sur
la genèse de son film, les rouages de son dispositif
ingénieux, et sur ses bavardages d’esprit
autour des souvenirs et de la mémoire.●
18 Maroc / Mai 2024

Mai 2024 / Maroc
19

Vous enchaînez les avant-premières en
France et au Maroc, après une tournée
aux Etats-Unis. Comment vivez-vous ces
moments intenses ?
J’ai fait plus de 135 projections à l’international.
C’est très intense mais enivrant. Les
salles sont combles, les tickets sont sold out
et ça ne peut qu' être de bon augure pour
le film. Au Maroc comme à l’international,
les gens posent des questions sans arrêt
pendant les Q&A. (questions-réponses;ndlr)
Je suis toujours touchée quand le Maghreb
est présent dans la salle et quand j’ai des
questions similaires sur cette grand-mère
qu’on peut trouver dans toutes les maisons
arabes. Je suis très heureuse de voir qu’il y
a beaucoup de jeunes dans les salles, j'adore
aussi quand ils partagent avec moi leur émoi
quant à la manière avec laquelle je raconte
la mémoire et un événement auquel ni eux
ni moi même nous avions assisté. Donc oui
c’est fatigant de faire autant d’avant premières
mais gratifiant, et ce sentiment n’a
pas de prix.
Le film s’ouvre sur votre petite escapade
chez le photographe du quartier la nuit
de Laylat Al Qadr pour prendre une photo
à l’insu de vos parents. Quelle importance
donnez-vous à cet acte de rébellion qui
dessine dès les premières minutes l’esprit
du film ?
Il était indispensable pour moi de démarrer
par cet élément déclencheur: mon envie de
garder un souvenir photographique face à
l ’absence de photos de mon enfance à la
maison. Je tisse ensuite, autour de cette
histoire intime, une réflexion sur la mémoire
individuelle et collective, les souvenirs et
les archives, jusqu’à ce que le puzzle soit
complet à la fin. C’est pourquoi le fait de me
révolter et faire ma première photo réelle
MÊME SI JE POSE TROP DE QUESTIONS,
MON BUT ULTIME EST DE RACONTER DES
HISTOIRES À TRAVERS DES IMAGES ET
NON PAS MENER UNE INVESTIGATION
CRÉDIT : MUSTAPHA RAZI / BOXOFFICE MAROC
est un moment important qu’il fallait placer
au début. Il fallait mettre en avant ce côté
intime et raconter l’histoire de manière très
simple et simplifiée, ce qui est finalement
compliqué et complexe. D’ailleurs, ce n’est
qu’après 10 ans et 500 heures de rush que
j’ai réussi à pondre un dispositif filmique qui
fait dialoguer entre eux, un volet intime et
un autre national tous deux ayant trait à l'histoire
et à la mémoire.
Racontez-nous comment vous êtes passée
d’une histoire de famille à un traumatisme
national ?
En 2012, j’ai commencé à développer l’idée
de base de mon film; qui est celle de la mémoire,
des souvenirs d’enfance et des photos manquantes.
En 2016, je découvre via les infos
qu’un «cimetière des victimes des événements
de juin 1981 » sera bientôt inauguré. Et c’est à
ce moment là que je commence à me poser
des questions sur l’existence d’images d’archives
sur cet événement tragique. En l’absence
de photos, j’ai eu l’idée de créer mes
propres archives en donnant la paroles à des
personnes qui ont une relation directe avec
l'événement. Je n’ai jamais cherché les gens
coupables ni à les faire parler. Ce n’est pas
mon travail, c’est pourquoi j’insiste sur le fait
que je suis réalisatrice et non pas journaliste.
Je ne suis pas en train de faire une investigation
sur ce qui s’est passé mais plutôt en train
de créer et aguicher une interaction avec ma
famille et les voisins pour comprendre comment
on peut raconter une histoire quand on
n’a pas d’archives et par conséquent pas de
preuves.
Même si je pose trop de questions, mon but
ultime est de raconter des histoires à travers
des images et non pas mener une investigation.
Je raconte certes un point traumatique
de l’Histoire mais d’un point de vue cinématographique,
ce qui me permet de protéger
mes proches car la fiction ne peut jamais être
jugée, ça reste de l’ordre de l’imaginaire.
Comment décririez-vous votre relation aux
archives ?
J’adore observer le monde qui m’entoure, mais
aussi apprendre des choses sur l’Histoire. J’ai
commencé à m’intéresser aux archives durant
mes études de cinéma. Je me suis donc naturellement
posée des questions sur la mémoire
et je suis rentrée par la force des choses dans
une réflexion profonde autour des souvenirs
notamment à cause du manque de photos chez
moi. J’ai donc porté en moi cette envie de fouiner
dans les archives de notre histoire
Toutefois, lorsque j’ai commencé cette aventure,
il n’y avait que très peu d’archives. Il fal-
20 Maroc / Mai 2024

LA COUV’
lait donc fabriquer mes propres images avec
ma petite caméra, ce que j’appelle « mes
archives ». Et ce n'est qu’après avoir vu les rushs
que je me suis dit « ok maintenant je vais faire
le film, maintenant je dois voir comment intégrer
ces images que j'ai fait moi-même ». Le
tournage s’est déroulé dans ce que j’appelle
« le laboratoire », j’y ai rassemblé mes proches
et on y a créé avec mon père les figurines et
les modèles miniatures. J’ai fini donc par créer
mes propres archives, dans mon propre atelier
et avec mes proches. Il fallait aussi convaincre
mes proches, protagonistes de mes archives,
de participer au film, ce qui n'était pas simple
du tout, surtout avec ma grand-mère qui n’a fini
par accepter qu’à la dernière minute.
POUSSER LES GENS À PARLER N’EST
PAS SIMPLE, MAIS C’EST UNIQUEMENT
LORSQU’ON PARLE QUE L’ON COMPREND
À QUEL POINT LE SILENCE EST ÂPRE
Quel sens donnez-vous à ces figurines ?
Outre l’aspect artistique et l’attachement émotionnel
que j’ai pour elles du moment que c’est
l'œuvre de mon père, c'était pour moi une
nécessité. D’un côté, je n’avais pas le droit ni
l’autorisation de filmer mes proches dans pas
mal de décors, ce qui constituait un obstacle
et me retardait énormément. J’étais donc obligée
de créer des décors et des figurines qui
l'occupent pour raconter mon histoire. Les figurines
remplaçaient même mes proches à des
moments où ces derniers étaient dans des
moments de colère ou dans l’incapacité de
s’exprimer. Je n’avais pas de timeline non plus.
Les figurines étaient là pour raconter l’histoire
des protagonistes et si quelqu’un meurt en
cours de route, les figurines seront là pour finir
l’histoire. J’avais aussi comme objectif de faire
dialoguer les protagonistes et les figurines
pour libérer la parole et accélérer le processus
de sortie du silence et d’exorcisation.
Vous aviez dit dans le cadre d’une Q&A
que « nous ne mesurons pas à quel point
le silence est douloureux jusqu'au jour où
nous parlons ». Quand est-ce que vous
avez réalisé cela ?
Je l’ai réalisé en pleine discussion avec mes
proches. Tout le processus du film m’a appris
énormément de choses et le silence dont je
parle est intimement lié au processus. Je
découvre au fil des années et des échanges
de nouvelles choses sur les protagonistes,
autant à l'intérieur qu’à l'extérieur du « laboratoire
». Et c'est grâce à la libération de la
parole que j’ai fait ce constat: pousser les
gens à parler n’est pas simple, mais c’est uniquement
lorsqu’on parle que l’on comprend
à quel point le silence est âpre. Parler c’est
aussi un moyen de se protéger aussi, c’est
se forcer à digérer. Moi je dis: c’est bien de
faire face aux trucs qui nous font mal. C’est
thérapeutique et le fruit de cet exercice familial
d’exorcisation a été ressenti beaucoup
plus tard, je dirai après la projection à Cannes.
Le titre arabe du film se traduit par « petits
mensonges» ou «mensonges pieux » en français.
Pourquoi avez-vous choisi La mère de
tous les mensonges comme titre officiel.
Kadib Abyad, en plus d'être un clin d'œil culturel,
est le titre intime du film. Je commence le
film avec cette envie de lever le voile sur plusieurs
mensonges et de non dits au sein de la
famille. Toutefois, l’idée n’est pas de faire des
reproches à ma famille ni d’être dure avec elle.
Ces mêmes mensonges ne m’ont pas réellement
fait mal, je les considère donc comme
« Kedba Bayda », ça atténue la gravité de la
situation et ça me permet aussi d’en parler sans
culpabiliser ou blesser ma famille.
Je sais que ma mère m’a menti pour m’apaiser,
qu’elle m’a fait croire que j’apparais dans la
seule photo qu’on a pour me réconforter. Je
sais aussi qu’il y a une raison derrière l’interdiction
de prendre des photos à la maison ou l’absence
d’archives. Si ces mensonges me taraudaient
depuis toute petite, je les comprends
mieux à ce stade et je ne veux en aucun cas
être dure avec la partie intime de mon film .
Il y a cette idée que le titre arabe du film est
dédié à ma communauté marocaine, mais il y
a aussi cette envie de rappeler que je tisse mes
idées autour d’une histoire intime mais qu’au
film du film celle-ci devient collective, propriété
de tous, d’où le titre international La Mère de
tous les mensonges ou The Mother of all lies.
Le crescendo dans le titre est voulu et réfléchi.●
CRÉDIT : MUSTAPHA RAZI / BOXOFFICE MAROC
22 Maroc / Mai 2024

La course aux Oscars du
meilleur film étranger est un
processus unique, l’occasion
de revenir sur le chemin
parcouru par le film de Asmae
El Moudir depuis sa sélection
en septembre dernier par le
CCM pour représenter le
Maroc à cette prestigieuse
cérémonie.
Les Oscars, officiellement connus sous le
nom de The Academy Awards, sont la
cérémonie de remise de prix la plus attendue
pour le 7ème art. Ils récompensent depuis
1929 des pépites cinématographiques dans
quinze aspects différents : la réalisation, l'écriture
de scénario, la composition musicale, la
production, l’acting …
Pour être éligible, un film étranger doit répondre
à certains critères, notamment avoir été projeté
dans un cinéma de Los Angeles, aux Etats-
Unis, pendant au moins sept jours consécutifs.
Le film doit aussi être dans une langue
autre que l'anglais et doit avoir été diffusé dans
le pays d'origine pendant une période spécifique
définie par l'Académie.
Celle-ci est composée de professionnels du
cinéma des quatre coins du monde. Aujourd’hui,
cinq Marocains figurent parmi les 9 900
membres de cette académie, à savoir l’acteur
Saïd Taghmaoui, le réalisateur Nabil Ayouch,
les réalisatrices Houda Benyamina et Mariam
Touzani, ainsi que la productrice Khadija Alami.
ROAD TO
OSCARS
Le long métrage de Asmae El Moudir a été
choisi par le CCM en septembre 2023, pour
représenter le Maroc aux Oscars 2024, dans
la section Meilleur Film étranger. Deux autres
films marocains étaient en lice : Animalia de
Sofia Alaoui et Queens de Yasmine Benkiran.
Les membres de l'Académie font ensuite un
vote préliminaire pour établir des shortlists,
puis votent pour déterminer les 5 nominés
dans cette catégorie. Le long voyage du film
de Asmae El Moudir s’est malheureusement
arrêté au stade de la shortlist.
Une fois les nominations annoncées, une nouvelle
période de vote commence. Le point
culminant de ce processus est la cérémonie
des Oscars elle-même, où les enveloppes scellées
sont ouvertes et les gagnants révélés.●
Mai 2024 / Maroc
23

LA COUV’
QUAND ASMAE
EL MOUDIR
LA RACONTE CINÉASTE LE QUI
VERTIGE AUSCULTE DE LES
LA
SOUVENIRS
MÉMOIRE
24 Maroc / Mai 2024

CRÉDIT : HATEM NECHI
La grand-mère d'Asmae El Moudir contemple sa figurine.
Dans « Kadib Abyad », documentaire hybride encensé au
Maroc comme à l’international, Asmae El Moudir part, à
travers un retour dans le temps cathartique, d’une
exploration de ses souvenirs d’enfance aux horreurs des
années de plomb. Récit aigre-doux des douleurs du passé
et d’une mémoire collective ravivée.
la nuit où le Coran a été
révélé au prophète Mohamed.
“C’est
C’est aussi la nuit où Dieu pardonne
nos péchés. Mais pour moi, c’est la
nuit où j’ai gommé le mensonge de ma mère
et où j’ai pris ma première photo ».
Celle qui a grandi dans une famille où les
photos n’étaient pas autorisées, décide à
l’âge de 12 ans de sortir discrètement de la
maison pour prendre une photo chez le
photographe du quartier à l’occasion de
Laylat al-Qadr.
Le film s’ouvre sur cet acte de rébellion dans
lequel la réalisatrice nous plonge à l’aide
de figurines qu’elle fait déambuler dans une
miniature de son quartier d’enfance,
employant sa propre voix qui introduit l’absence
violente d’images. Une anecdote
absorbante, un dispositif ingénieux et une
signature sonore qui hypnotisent le spec-
UNE ANECDOTE ABSORBANTE,
UN DISPOSITIF INGÉNIEUX ET UNE
SIGNATURE SONORE QUI HYPNOTISENT
DÈS LES PREMIÈRES MINUTES DU FILM
Mai 2024 / Maroc
25

LA COUV’
Une idée lumineuse pour captiver le spectateur
et adoucit un sujet lourd. C'est aussi et
surtout une belle et tortueuse expérience de
docu-fiction à travers laquelle le spectateur
comprend que le rejet des images par la famille
de la réalisatrice était plus personnel et douloureux
qu'elle ne pouvait le soupçonner.
Le huis clos artistique avec les proches et
l’utilisation de figurines laisse advenir une
parole qui réveille le passé et restitue toute
l’inhumanité des années de plomb. Asmae
El Moudir parvient à évoquer avec une émotion
puissante et une audace poétique ce
qui pour tant de personnes demeure toujours
indicible : un souvenir que l’on s’est
efforcé d’oublier ou que l’on a remodelé
pour se protéger.
Kadib Abyad est le récit d’une famille où
les photographies et représentations, sauf
celles de Hassan II, étaient bannies, et un
questionnement autour de cette interdiction
devient le récit d’un trauma de quartier
: la douleur du survivant et celle du témoin
passif, et l’histoire d’un Casablanca affreusement
endeuillé après la grève réprimée
du 20 juin 1981 à Casablanca.●
Maroc
4 / 5
TITRE : La Mère de tous les mensonges
PAYS : Maroc
RÉALISATEUR : Asmae El Moudir
GENRE : Documentaire/Drame
DURÉE : 96 minutes
ANNÉE : 2023
tateur dès les premières minutes du film.
C’est avec cette même énergie qu’Asmae
El Moudir porte son « investigation » sur son
passé et celui de ses proches : une grandmère
grincheuse, des parents aimants, un
voisin jugé instable et un autre pieux. Tous
sont rassemblés dans un atelier « le laboratoire
» dans lequel ils seront amenés à
dialoguer entre eux et à servir le besoin viscéral
de la réalisatrice : comprendre.
Sous le regard glaçant de sa grand-mère,
surnommée Diwana, Asmae El Moudir anime
des figurines au rythme de son récit et compose
grâce à une maquette du quartier de
son enfance, réalisée avec son père, des
scènes presque enfantines, mais dotées
d'un grand pouvoir d'évocation.
CRÉDIT : DR
Une grand-mère qui tourne le dos à la vérité et au présent.
26 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
DUNE : DEUXIÈME PARTIE
VOYAGE SENSORIEL
SUR LA PLANÈTE
DÉSERTIQUE ARRAKIS
C’est l’un des meilleurs films de science-fiction de
l’histoire et la sortie américaine la plus attendue de
cette rentrée au cinéma. Prévu initialement en salles à
l’automne dernier, mais retardé en raison de la grève à
Hollywood, « Dune : Deuxième partie » prend enfin
l’affiche et offre une suite magistrale et visuellement
étourdissante avec un casting très convoité.
PAR SALMA HAMRI
28 Maroc / Mai 2024

LE FILM
DU MOIS
Dune : Deuxième Partie est « le mets
principal » déclarait à la presse Denis
Villeneuve en novembre dernier. Si
la première partie était très poétique et
contemplative, elle préparait aussi et surtout
le terrain à un deuxième volet beaucoup
plus rythmé surpassant toutes les
attentes. Explosions, combats au corps à
corps, scènes d’action plus brutales et des
séries de séquences époustouflantes sont
au rendez-vous.
Dans ce deuxième volet, Timothée Chalamet
reprend son rôle du jeune Paul, héritier
des Atréides, aux côtés de Zendaya qui
joue le rôle de Chani et dont la présence
sera plus marquée dans cette partie. Le film
débute là où le premier volet s’est arrêté
suivant le périple de Paul Atréides alors qu’il
s’unit avec Chani et les Fremen tout en préparant
sa revanche contre les Harkonnen
qui ont détruit sa famille.
DUNE 2 SUIT LA
MATURATION DE
PAUL ATRÉIDES QUI
PASSE DE JEUNE
HOMME TAISEUX À
UN ADULTE DANS
LE CONTRÔLE DE
SON DÉSIR DE
VENGEANCE
Mai 2024 / Maroc
29

EN SALLES
Le récap’ de la partie 1
Quelque part dans un futur lointain, nous
sommes à Arrakis (Dune), une planète
désertique recouverte de sable. Elle est la
seule qui produit l’Épice, une substance
précieuse essentielle pour le voyage
interstellaire. La famille Atréides se voit
confier la gestion d’Arrakis par l’Empereur,
pour s’occuper de l’extraction de l’Épice.
Lorsque la famille ennemie des Atréides,
Harkonnen, tuent le Duc Leto pour s’emparer
de L’Épice, Paul Atréides (timothée Chalamet)
s’enfuit avec sa mère d’Arrakis. Les deux
seront recueillis par le peuple indigène
Fremen. C’est en y trouvant refuge que Paul
fait la rencontre de Chani (Zendaya), la fille
dont il rêve dès l’ouverture du film.●
Dune 2 suit la longue maturation de Paul Atréides
qui passe de jeune homme taiseux et
confus à un adulte dans le contrôle de son
désir de vengeance des Harkonnen et tenté
de se prêter au jeu de figure messiaque espérée
par les Fremen, qui n’est pourtant pour
lui qu’une propagande destinée à les maintenir
sous l’emprise d’une puissance supérieure.
Paul mène ainsi la révolte du peuple Fremen
contre le joug des Harkonnen, tout en
entretenant une relation profondément
amoureuse avec Chani, qui est beaucoup
plus présente dans cette partie, voire même
domine l’histoire. Le premier volet avait
débuté par sa voix et son point de vue de
Fremen oppressée, le deuxième se
concentre sur la vie de ces natifs et leurs
coutumes à travers les yeux de Paul.
Si Dune 2 va directement au cœur de l’action,
les enjeux politiques gardent une
grande part dans le film. On parle d’écologie,
de fanatisme, de dérives religieuses et
de totalitarisme, sur fond de scènes d’actions
spectaculaires. D’ailleurs l’une des
scènes que Denis Villeneuve a le plus hâte
de montrer est l’épique chevauchée du ver
des sables par Paul Atréides. Ce nouvel
opus ne devrait pas laisser les fans indifférents,
surtout que Zendaya, le décrit comme
un « gros chagrin ».
Les spectateurs retrouveront une grande
partie des personnages principaux et en
découvriront de nouveaux. Feyd-Rautha, le
frère du comte Glossu Rabban et grand
antagoniste de cette deuxième partie est
campé par Austin Butler, personnage violent
et cauchemardesque. La princesse Irulan
est jouée par Florence Pugh, la Bene Gesserit
Margot Fenring incarnée par Léa Seydoux,
et l’Empereur Shaddam IV interprété
par Christopher Walken.
Au Box-office nord américain, Dune 2 a fait
sensation dès son lancement en salles, récoltant
pas moins de 81,5 millions de dollars.●
Maroc
4 / 5
TITRE : Dune 2
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : Denis Villeneuve
GENRE : SF/Aventure
DURÉE : 166 minutes
ANNÉE : 2024
30 Maroc / Mai 2024

1Dune est réalisé par Denis Villeneuve, un
réalisateur canadien qui se distingue par
son esthétique visuelle captivante et ses
narrations complexes. Il est connu pour
avoir notamment réalisé Incendies, Prisoners,
Arrival et Blade Runner 2049.
4La musique martiale du film est portée
par le compositeur de musique de film
allemand Hans Zimmer, célèbre pour
avoir créé les bandes sonores dé
Inception, The Dark Knight, et Gladiator...
2Le film est une adaptation
du premier tome d’une
œuvre littéraire éponyme
majeure dans le genre
de la science-fiction, écrite
en 1965 par Frank Herbert.
3
Il s’agit de la troisième adaptation
du roman à succès. Les deux
p r é c é d e n t e s , j u g é e s
« infructueuses » par les
critiques, étaient de l’œuvre
de David Lynch en 1984 et de
John Harrison avec une minisérie
télévisée, diffusée
en 2000.
GUIDE DE SURVIE
Si, comme beaucoup, vous avez été fascinés
par le chef-d’œuvre visuel qu’est Dune mais
la profusion de détails aussi denses que
complexes vous a donné le vertige, pas
d’inquiétude, ce guide est pour vous :
Atréides VS Harkonnen
Deux grandes familles s’affrontent
pour l’intendance d’Arrakis (Dune) :
Les Atréides, sont la famille à laquelle
appartient Paul (Timothée Chalamet).
On y trouve les parents de Paul, le Duc
Leto (Oscar Isaac) et sa concubine dame
Jessica (Rebecca Ferguson), mais aussi
Duncan Idaho (Jason Momoa), le maître
d’armes de la maison qui a formé Paul.
L’Empereur Padishah
L’Empereur Padishah est au sommet de
la hiérarchie politique d’Arrakis, plus connue
sous le nom de Dune, une planète désertique
aride, à la chaleur accablante et l’unique
source de l’Epice dans l’univers. Dans cet
univers, la possession et le contrôle de
l’Épice sont au cœur des luttes de pouvoir.
Le Bene Gesserit
Le Bene Gesserit est un ordre
exclusivement féminin et mystique
doté de capacités physiques et
mentales. Bien qu’officiellement
en dehors de la hiérarchie
politique, leur influence est
immense: elles manipulent
la politique dans l’ombre,
guidant secrètement
l’évolution génétique
de l’humanité selon leur
plan à long terme: le
Projet Kwisatz Haderach.
L’Epice
L’Épice est une substance précieuse
permettant le voyage interstellaire et
qu’on ne trouve que sur la planète
Arrakis. Elle est sécrétée par ses vers
des sables qui peuvent s’étendre sur
plusieurs kilomètres de long.
Consommée par des humains, elle les
rend plus résistants aux maladies et
prolonge leur vie.
Les Harkonnen, sont la famille ennemie
des Atréides. Dirigée par Vladimir
Harkonnen (Stellan Skarsgård), celle-ci
est connue pour sa soif de pouvoir
et ses pratiques cruelles, notamment
à l’égard des Fremen.
Les Fremen
Les Fremen sont les habitants indigènes d’Arrakis. Bien qu’à
première vue ils semblent être au bas de l’échelle politique,
leur maîtrise de l’environnement désertique et leur culture
guerrière en font une force politique et militaire avec laquelle
il faut compter, surtout sous la direction de Paul Atréides.
Janvier Mai 2024 / Maroc
31

EN SALLES
JALAL EDDINE
SOUFI D’Y CROIRE
« Jalal Eddine », le dernier opus de Hassan Benjelloun, nous
entraîne dans un voyage à travers les méandres de l’âme humaine.
Bien que le titre puisse évoquer le célèbre poète soufi Jalal Eddine
Rûmi, le réalisateur marocain nous plonge plutôt dans une histoire
contemporaine teintée de spiritualité.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : BENTAQERLA FILMS (MAROC)
JALAL EDDINE
EST L’HISTOIRE
D’UN HOMME EN
QUÊTE DE PAIX,
D’AMOUR ET DE
SPIRITUALITÉ
APRÈS AVOIR
TRAVERSÉ DES
ÉPREUVES DANS
SA VIE
Une scène du film « Jalal Eddine».
Hassan Benjelloun clarifie que son film
Jalal Eddine n’est pas une biographie
du poète soufi (il revendique ce
choix pour jouer sur les contrastes et les
attentes du public), et encore moins, il ne se
concentre pas exclusivement sur le soufisme,
mais plutôt sur les diverses facettes de la
vie. La zaouïa, lieu de refuge pour Jalal
Eddine suite à la perte de sa femme et de
son fils, devient le cadre de sa quête d’amour,
de vérité et d’autres aspirations.
Jalal Eddine est donc l’histoire d’un homme
en quête de paix, d’amour et de spiritualité
après avoir traversé des épreuves dans
sa vie. Le personnage principal, magistralement
interprété par Yassine Ahjam, ne
condamne pas les choix de ses proches et
embrasse finalement la voie soufie, devenant
lui-même un maître spirituel.
Ce récit, bien que teinté d’un esprit soufi,
explore les thématiques universelles de la résilience,
de la rédemption et de la quête de sens
dans un monde en perpétuelle évolution.
Ceci dit, Benjelloun ne cherche pas à donner
une définition stricte de ces concepts, mais
encourage plutôt une réflexion ouverte et discursive
sur ces notions.
Le film aborde également les défis contemporains
auxquels nous sommes confrontés
et illustre la lutte intérieure de l’homme
moderne pour trouver sa place dans un monde
en mutation rapide. De fait, au-delà d’un simple
divertissement cinématographique, le film
résonne comme une méditation profonde sur
la condition humaine, explorant les mystères
de l’existence avec sensibilité et émotion.
Jalal Eddine s’impose comme une œuvre
d’une belle profondeur et affirme une fois de
plus le talent et la sensibilité artistique de Hassan
Benjelloun. À la fois doux et contemplatif,
ce film laisse une empreinte dans l’esprit
du spectateur longtemps après le générique
de fin, invitant à la réflexion sur les grandes
questions de la vie et de la spiritualité. ●
Maroc
2 / 5
TITRE : Jalal Eddine
PAYS : Maroc
RÉALISATEUR : Hassan Benjelloun
GENRE : Drame
DURÉE : 90 minutes
ANNÉE : 2024
32 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
LES DAMNÉS
NE PLEURENT PAS
ILS SONT SEULS
FACE AU MONDE
Une immersion dans le parcours erratique et fusionnel d’une mère et de son
fils qui tentent de survivre à la misère par la prostitution et les petits boulots…
C’est le deuxième long métrage du réalisateur britannique d’origine marocaine
Fyzal Boulifa, « Les damnés ne pleurent pas ».
PAR SALMA HAMRI
Présenté en développement lors de
la première édition des Ateliers de
l’Atlas en 2018, puis en 2022 lors de
la Semaine de la critique à Venise, Les damnés
ne pleurent pas fait sa première au
Maroc deux ans plus tard.
CRÉDIT : NEW STORY
Le film raconte l’histoire de Fatima-Zahra
(Aïcha Tebbae), femme au passé obscur et
travailleuse du sexe à Casablanca. Après
quelques coups durs pour elle et son fils
Selim (Abdellah El Hajjouji), les deux se
lancent dans une nouvelle vie à Tanger où
Selim est embauché par un hôtelier expatrié
(Antoine Reinartz), pour des travaux de
rénovation dans son riad. S’installe alors
entre les deux hommes un lien trouble.
Les damnés ne pleurent pas est un voyage
émotionnel avec la densité d’un roman
naturaliste dénué de pathos, à travers
lequel le réalisateur parvient à faire coexister
des moments d’humour, de tendresse
LES DAMNÉS NE
PLEURENT PAS EST
UN VOYAGE
ÉMOTIONNEL AVEC
LA DENSITÉ D’UN
ROMAN
NATURALISTE
DÉNUÉ DE PATHOS
Une mère, un fils. Duo tourmenté et fusionnel à la recherche d’une vie meilleure.
et de désespoir, dans une atmosphère très
réaliste et immersive.
C’est aussi et surtout un double portrait
puissant d’une mère exubérante : sacs de
luxe contrefaits, rouge à lèvres et grosses
lunettes à la recherche de stabilité, et d’un
fils taiseux qui découvre son homosexualité.
Les deux essayent tant bien que mal
de se frayer une place dans une société
qui les considère comme marginaux.
Entre désaccords, engueulades et complicités,
le film offre un lot d’émotion sur fond
d’une relation tumultueuse mais fusionnelle
entre une mère en marge de la société
et un fils incompris. Les deux sont hantés
par leur passé et rattrapés par leur présent,
et portent tout au long du film le lourd
fardeau de la honte, si lourd qu’il pèse sur
le spectateur également. ●
3 / 5
TITRE : Les damnés ne pleurent pas
PAYS : Maroc
RÉALISATEUR : Fyzal Boulifa
GENRE : Drame
DURÉE : 110 minutes
ANNÉE : 2022
34 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
ONE LIFE
LA VIE DEVANT SOI
« One Life » donne à voir l’histoire vraie et émouvante de Nicholas
Winton, un héros qui a sauvé plusieurs enfants juifs du destin tragique des
camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : SQUAREONE ENTERTAINMENT
Se déroulant à Prague en 1938, le film
suit le périple éprouvant de Nicholas
Winton, un jeune banquier londonien
qui se lance dans une mission afin
de secourir des enfants des nazis. Alors
que la ville est sur le point de tomber aux
mains de l’ennemi, Winton organise le transport
de 669 enfants juifs vers l’Angleterre,
où ils trouveront refuge auprès de familles
d’accueil. Cinquante ans plus tard, son histoire
remarquable mais peu connue est
révélée lors d’une émission de télévision,
où il est surpris de découvrir que des
membres du public sont les enfants dont
il a sauvé la vie.
Le réalisateur James Hawes navigue habilement
entre deux époques, 1938 et 1988,
tissant de manière fluide le passé et le présent
pour illustrer l’impact des actions de
Winton. Avec une narration évocatrice, le
film plonge les spectateurs dans les eaux
troubles de l’Europe en guerre, capturant
à la fois le désespoir des réfugiés et la
détermination inébranlable de ceux qui se
sont battus pour les sauver.
Anthony Hopkins livre une performance
magistrale en tant que Winton âgé, hanté
par les fantômes des enfants qu’il n’a pas
pu sauver. Johnny Flynn, lui, inspiré par le
One Life rend un hommage émouvant à ceux qui ont risqué leur vie
pour protéger les plus vulnérables.
portrait de Hopkins, incarne avec brio la
vitalité et l’idéalisme juvénile du jeune banquier
intrépide, apportant profondeur et
authenticité à son personnage.
Cette réalisation n’est pas seulement un
récit historique, mais un témoignage de la
résilience de l’esprit humain face au mal
indicible. À travers une attention méticuleuse
aux détails et une mise en scène
ANTHONY
HOPKINS LIVRE UNE
PERFORMANCE
MAGISTRALE EN
TANT QUE NICHOLAS
WINTON ÂGÉ
puissante, le film jette une lumière sur le
courage fabuleux d’un homme et les innombrables
vies qu’il a touchées.
Alors que nous sommes témoins des actes
courageux de Winton, nous sommes rappelés
aux valeurs intemporelles de compassion,
de sacrifice et d’espoir. One Life
témoigne du courage d’un homme face à
une adversité inimaginable. ●
3 / 5
TITRE : One Life
PAYS : Royaume-Uni
RÉALISATEUR : James Hawes
GENRE : Biopic, Drame
DURÉE : 110 minutes
ANNÉE : 2024
36 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
RACE FOR GLORY :
AUDI VS LANCIA
ROULE À TOUTE VITESSE
Le film « Race for Glory: Audi vs Lancia » plonge les spectateurs dans
l’intensité de la compétition entre l’écurie italienne Lancia et l’équipe
allemande Audi, lors du championnat du monde des rallyes de 1983.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Une toute petite équipe (Lancia), sans grands moyens, bat une grosse
entreprise (Audi) qui détient l’argent et la supériorité technologique.
L’année 1983 a été le théâtre d’une rivalité
épique entre deux grandes écuries
automobiles. D’un côté, la Lancia, dirigée
par le charismatique Cesare Fiorio, et de
l’autre, l’Audi, sous la houlette redoutable de
Roland Gumpert. Mais c’est sur la piste que
cette rivalité a atteint son paroxysme, avec
les légendaires pilotes Walter Röhrl et Hannu
Mikkola aux commandes des voitures : la
Lancia Rally 037 et l’Audi Quattro.
L’idée de Race for Glory: Audi vs Lancia est
née de la rencontre entre Riccardo Scamarcio
et Cesare Fiorio, une figure emblématique
du sport automobile des années 70 et
80. Inspiré par les récits passionnants de Fiorio,
Scamarcio a souhaité retranscrire cette
rivalité sur grand écran. Le scénario s’appuie
UN FILM POUR
LES PASSIONNÉS
D’ADRÉNALINE ET
D’ÉMOTION SUR
GRAND ÉCRAN
sur les témoignages directs du directeur
sportif, offrant ainsi une perspective authentique
de cet affrontement légendaire.
Selon Scamarcio : « (le) protagoniste n’est ni
Ayrton Senna, ni Alain Prost, ni Michael Schumacher
ou Valentino Rossi […] On n’était pas
gêné par les contraintes du biopic. On n’a
CRÉDIT : METROPOLITAN FILMEXPORT
pas cherché à imiter ou à reproduire quoi
que ce soit. Il s’agit de notre interprétation
de cette histoire ».
Un feel-good movie
Race for Glory: Audi vs Lancia se veut avant
tout un film qui célèbre la passion et l’émotion.
Le réalisateur Stefano Mordini et son
équipe ont cherché à capturer l’énergie
et l’excitation de cette période tumultueuse
des années 80. Scamarcio explique : «
Même ceux qui ne sont pas passionnés
de voitures et de sport mécanique trouveront
qu’il se dégage une énergie folle de
cette histoire. Il ne s’agit pas tant de voitures
que d’êtres humains. Car, au-delà
des voitures, il y a des hommes et des
femmes. Des gens passionnés ».
Daniel Brühl, déjà connu pour son rôle de
Niki Lauda dans Rush en 2013, rejoint à nouveau
l’univers du sport automobile avec ce
film. L’acteur apporte son talent et son authenticité
à ce récit palpitant, promettant une performance
mémorable.
Race for Glory: Audi vs Lancia offre une plongée
captivante dans l’histoire du sport automobile,
mêlant rivalités des épiques, émotions
intenses et performances remarquables. Un
film pour les passionnés d’adrénaline et d’émotion
sur grand écran. Attachez vos ceintures !●
2 / 5
TITRE : Race for Glory : Audi vs Lancia
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : Stefano Mordini
GENRE : Biopic, Sports
DURÉE : 107 minutes
ANNÉE : 2024
38 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
A NOSE AND THREE EYES
À LA VIE À L’AMOUR
« A Nose and Three Eyes » est un film inoubliable, une adaptation
très réussie du roman du même nom d’Ihssan Abdel Koudouss, et
qui marque la signature d’Amir Ramses – ce réalisateur qui maîtrise
très bien la description des amours interdits.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : LAGOONIE FILM PRODUCTION
Amina Khalil et Dhafer El Abidine dans le film A Nose and Three Eyes.
L’histoire tourne autour du Dr. Hashem
(joué avec un bel appétit par Dhafer El
Abidine), un chirurgien plasticien
renommé, la quarantaine pimpante, qui reste
célibataire malgré quelques relations. Au cours
de sa vie, il s’est rapproché de deux filles, mais
a trouvé suffisamment de raisons pour rester
loin d’elles. Cependant, lorsqu’il rencontre Ruba
(Salma Abu-deif), une jeune femme de 25 ans,
il se retrouve incapable de résister à son charme
et à son allure malgré la différence d’âge. Cette
rencontre infléchira le cours du récit et le
mènera dans une direction captivante. À partir
de là, les événements s’intensifieront ; une
descente dans l’abîme du vice et une noyade
dans un marécage d’où Hashem venait de sortir.
En effet, il consultera une psychiatre, Aliaa
(Saba Mubarak), pour l’aider à expliquer son
attirance pour Ruba, qui gère son compte sur
les réseaux sociaux. Se demandant si cette
dernière pourrait ressembler à la mère du Dr.
Hashem, Aliaa lui quemande de commencer à
écrire un journal sur ses relations passées.
Hashem a des doutes, mais lorsqu’il rencontre
une autre ancienne flamme en sortant des
appartements d’Aalia, les pièces commencent
à se mettre en place.
Des dames de cœur pour un roi de pique
Ce n’est pas simplement une banale histoire
d’amour et de trahison, mais plutôt un récit où
nous tombons sous « l’empire » des sens. Le protagoniste
sacrifie tout pour sa passion : respect
et même les lois. Son amour est passionné, dévorant,
sans bornes, faisant fi de tous les obstacles.
Le réalisateur démontre sa rigueur artistique à
travers une série de plans-séquences qui accumulent
les scènes tout en explorant un thème
récurrent : l’amour sans retenue.
UN FILM CHARMANT QUI EXPLORE
LA VIE D’UN HOMME TROUBLANT
MAIS FASCINANT
Mais loin de tomber dans la mièvrerie de l’érotisme,
le réalisateur cherche à transmettre un
message clair : la transgression des interdits au
nom d’une morale ouverte. À force d’explorer
les limites de la sexualité, l’amour devient
presque platonique.
A Nose and Three Eyes est un film charmant
qui explore la vie d’un homme troublant mais
fascinant. Il incarne un héros complexe, tourmenté,
en quête désespérée de son identité,
qu’il trouve à travers son autodestruction délibérée
et sa libération des contraintes sociales
qui l’étouffent. ●
Maroc
3 / 5
TITRE : A Nose and Three Eyes
PAYS : Égypte
RÉALISATEUR : Amir Ramses
GENRE : Drame, Romance
DURÉE : 105 minutes
ANNÉE : 2024
40 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
VOL 404
DE HAUTE VOLTIGE
« Vol 404 » offre un regard poignant sur la rédemption et les luttes des
femmes dans la société égyptienne contemporaine. Mona Zaki incarne
brillamment le rôle d’une femme confrontée à son passé tumultueux, cherchant
le pardon dans un contexte de pressions sociales et familiales intenses.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Les événements de Vol 404 tournent
autour de Ghada (interprétée par Mona
Zaki), confrontée à un problème financier
quelques jours avant de se rendre à La
Mecque pour accomplir le hajj avec son père.
Son parcours est marqué par une rédemption
personnelle, ayant adopté une nouvelle
vision de ce qui est permis et interdit, cherchant
à purifier un passé tumultueux de prostituée
professionnelle. Contrainte de renouer
avec des personnes de son passé pour obtenir
de l’argent, elle se retrouve sous pression
pour régler des problèmes financiers
urgents liés à la santé de sa mère, hospitalisée
dans une clinique privée.
De fait, elle sollicite l’aide de son ancien
proxénète, Shahira (interprétée par Sherine
Reda), s’implique dans des affaires louches
de vente de terrains illégaux, et confronte
son ancien amant, Tariq (joué par Mohamed
Mamdouh), qui l’avait abandonnée après
l’avoir exploitée. Même son ex-mari, Tariq
(incarné par Mohamed Farag), s’avère être
une source de tourments et d’exploitation.
Sa rencontre avec ce dernier est poignante
ainsi que révélatrice, dévoilant les
motivations complexes des deux personnages
sans recourir à des flash-backs.
Chaque interaction est chargée d’émotion
et révèle la profondeur des tourments
intérieurs de Ghada.
Axée sur le doute et la confusion, cette
production suit notre héroïne dans sa quête
de rédemption et de purification de son
passé. La scène finale, où elle se dirige
CRÉDIT : FILM CLINIC
AXÉE SUR LE
DOUTE ET LA
CONFUSION, CETTE
PRODUCTION SUIT
NOTRE HÉROÏNE
DANS SA QUÊTE DE
RÉDEMPTION ET DE
PURIFICATION DE
SON PASSÉ
vers une lumière vive, symbolise son passage
vers un avenir meilleur, débarrassé
du poids de son passé.
À travers des dialogues savoureux et des
situations cocasses, le film offre une
réflexion sur la société égyptienne
contemporaine, abordant des thèmes tels
que la foi, le repentir, le pardon, l’amitié,
l’amour et la famille. Il soulève également
des questions importantes sur l’oppression
des femmes et les défis auxquels
elles sont confrontées dans la société
moderne, notamment la violence domestique,
le mariage précoce et d’autres
formes de discrimination. ●
Vol 404 présente une vision complexe de la condition féminine en Égypte, mettant en
lumière les luttes et les espoirs des femmes dans une société en pleine mutation.
Maroc
3 / 5
TITRE : Vol 404
PAYS : Égypte
RÉALISATEUR : Hani Khalifa
GENRE : Drame
DURÉE : 101 minutes
ANNÉE : 2024
42 Maroc / Mai 2024

EN SALLES
CRÉDIT : IMAGES D’ARCHIVE-LINA SOUALEM
Souvenirs de la Palestine à travers les yeux de trois générations de femmes.
« BYE BYE TIBÉRIADE »
CATALOGUE INTIME
ET POÉTIQUE D’UNE
PALESTINE DÉCHIRÉE
Avec son documentaire « Bye Bye Tibériade », Lina Soualem nous
ouvre son album photos et partage ses souvenirs les plus intimes
dans le village palestinien de Deir Hanna, sur fond des blessures
de déracinement transmises de génération en génération.
PAR SALMA HAMRI
44 Maroc / Mai 2024

En 2020, Lina Soualem réalise son premier
long métrage : Leur Algérie. Elle
explore à travers ce documentaire la
vie de ses grands-parents paternels, qui ont
immigré d’Algérie en France, dans les années
1950, pour questionner l’immigration, l’identité
et l’exil, thèmes profondément personnels
pour la réalisatrice qui poursuit cette
exploration dans Bye Bye Tibériade, du côté
maternel cette fois-ci.
CRÉDIT : BEALL PRODUCTIONS
Bye Bye Tibériade nous embarque dans l’histoire
et l’identité palestinienne à travers les
yeux de trois générations de femmes palestiniennes
: l’arrière-grand-mère de Lina Soualem,
Um Ali, chassée de Tibériade en 1948,
puis Nemat, sa grand-mère, qui éleva à Deir
Hanna ses dix enfants tout en poursuivant sa
carrière d’institutrice; et sa mère, Hiam Abbas,
qui a fait le choix de quitter le pays. Toutes
sont unies par des traumas qui reflètent ceux
d’un peuple entier.
Le documentaire se concentre sur cette mère
et son retour dans son village natal palestinien
qu’elle a quitté pour s’épanouir loin des
questions politiques qui lui pesaient. « J’étouffais,
j’avais besoin de respirer, de me trouver
», confiait Hiam Abbass à sa fille.
Pour créer un récit cathartique et retrouver
« l’odeur de la famille », Lina Soualem décide
de revenir avec sa mère à Deir Hanna, sur
les traces de mémoires éclatées sur quatre
générations de femmes, dont Lina Soualem
qui se sent par moment exclue, notamment
quand elle se rend compte qu’elle ne ressemble
à aucune des trois femmes sur lesquelles
elle écrit.
Dans Bye Bye Tibériade, Lina Soualem ondule
entre albums photos, images au caméscope
de ses étés passés avec sa famille palestinienne,
dialogue actuel entre mère et fille et
des scènes intimes de confidences et de
retrouvailles avec ses proches. Un enchevêtrement
de souvenirs et d’échanges qui
UN ENCHEVÊTREMENT DE SOUVENIRS
ET D’ÉCHANGES QUI ILLUSTRENT
AVEC BEAUCOUP D’ÉMOTIONS LA
TRANSMISSION ET LA RUPTURE
CRÉDIT : BEALL PRODUCTIONS
Hiam Abbass et sa fille Lina Soualem, entre rupture et transmission.
illustrent avec beaucoup d’émotions la transmission
et la rupture.
Bien que la réalisatrice tente d’entremêler
histoire intime et histoire de la Palestine
depuis la Nakba de 1948, le documentaire
semble accorder une importance disproportionnée
à des discussions légères sur l’amour
et la vie et aux films de vacances où Lina
Soualem se montre enfant, au détriment d’une
exploration plus profonde des thèmes historiques
et politiques.
Si dans La mère de tous les mensonges,
Asmae El Moudir démarre d’une histoire
intime pour tisser à travers elle une mémoire
nationale douloureuse, dans Bye Bye Tibériade,
la transition de l’intime au collectif
semble moins réussie. L’histoire de la Palestine
et par conséquent la mémoire collective
n’est finalement contée qu’en filigrane
laissant place à des scènes de retrouvailles
ou de deuil qui, certes, réchauffent le cœur
mais nous laissent sur notre faim surtout
dans un contexte douloureux de génocide
du peuple palestinien. ●
L’odeur de la famille réunie.
Maroc
3 / 5
TITRE : Bye Bye Tibériade
PAYS : France
RÉALISATEUR : Lina Soualem
GENRE : Documentaire
DURÉE : 82 minutes
ANNÉE : 2024
Mai 2024 / Maroc
45

EN SALLES
BOB MARLEY : ONE LOVE
LE REFRAIN
CLASSIQUE
D’UN DANDY
PAR REDA K. HOUDAÏFA - CRÉDIT PHOTO : PARAMOUNT PICTURES
Au funeste 11 mai 1981, la voix de Bob
s’est définitivement tue, laissant dans
son sillage une traînée bruissante de
souvenirs, des bijoux perdus. Du tréfonds de
notre mémoire surgirent des mélodies, des
bluettes et des ritournelles qui nous firent traverser
le temps, effeuiller les années.
Bob Marley s’est éteint le
11 mai 1981. Quarante-trois
ans après sa disparition, la
légende du reggae est
devenue un mythe. Le 14
février est sorti le biopic
« Bob Marley : One Love »,
réalisé par Reinaldo
Marcus Green, visant à
ranimer la Marleymania.
On entend dans le biopic, Bob Marley : One
Love, réalisé par Reinaldo Marcus Green et scénarisé
par Zach Baylin en collaboration avec
Ziggy Marley, le fils aîné du chanteur, une sélection
minutieuse des plus grands succès de Marley
et ses Wailers, ces inusables hymnes et brûlots
tels que Get Up Stand Up, Exodus et One
Love, restés d’une insolente fraîcheur. Ces tubes
emblématiques sont habilement intégrés au
récit, afin de garantir l’immersion du spectateur
dans l’univers musical du « Roi du reggae et
prophète des opprimés ».
Ensuite, on retrouve bien sa voix lors des scènes
de concert, ainsi que pendant des scènes en
studio où l’on ressent toute l’ivresse de la création.
Interprété par Kingsley Ben-Adir, Bob Marley
prend vie à l’écran avec sa luminosité et
ses doutes les plus profonds. Cependant, certains
pourraient reprocher un manque de folie
sur scène de la part de l’acteur, qui ne parvient
pas toujours à restituer pleinement l’aura charismatique
de Marley.
Qui plus est, le film explore également les
aspects politiques et sociaux de l’époque – en
particulier la tension politique en Jamaïque
dans les années 1970 -, moyennant des flashbacks
et des séquences oniriques. Ce qui ajoute
une profondeur supplémentaire au récit et offre
un aperçu des luttes personnelles et des convictions
spirituelles de Marley.
Autre atout du film : le choix d’avoir tourné en
grande partie en Jamaïque, avec une majorité
d’acteurs et de musiciens jamaïcains, confère
au film un vernis d’authenticité. De plus, l’articulation
du biopic autour d’un moment clé de
la carrière de Marley, notamment le concert
UNE ŒUVRE POÉTIQUE ET POLITIQUE
QUI REND HOMMAGE AU COMBAT,
AINSI QU’À LA MUSIQUE D’UNE
LÉGENDE
historique One Love Peace de 1978 à Kingston,
permet de creuser en profondeur les moments
décisifs de sa vie.
Malgré quelques maladresses où la narration
semble s’éparpiller, Bob Marley: One
Love reste une œuvre poétique et politique
qui rend hommage au combat, ainsi qu’à la
musique d’une légende dont l’image est
aussi emblématique que celles du Christ ou
du Che. Jah… rastafari !.●
Maroc
4 / 5
TITRE : Bob Marley : One Love
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : Reinaldo Marcus Green
GENRE : Biopic
DURÉE : 107 minutes
ANNÉE : 2024
46 Maroc / Mai 2024

GUIDE DES SORTIES
DEPUIS LE 17 AVRIL 2024
DEPUIS LE 19 AVRIL 2024
NOM DU FILM : Oui, je le veux ?
DURÉE : 95 minutes
GENRE : Comédie, Romance, Drame
RÉALISATEURS : Michael Jacobs
PAYS : France
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama,
Marrakech : Megarama
Rabat : Megarama,
Fès : Mégarama
Tanger : Megarama, Goya, Tanger
City Mall
DEPUIS LE 24 AVRIL 2024
NOM DU FILM : Challengers
DURÉE : 72 minutes
GENRE : Épouvante-horreur
RÉALISATEUR : Anna Halberg,
Spenser Cohen
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie, Ciné-théâtre Lutetia
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 1 ER MAI 2024
NOM DU FILM : Monkey Man
DURÉE : 120 minutes
GENRE : Action, Thriller
RÉALISATEUR : Dev Patel
PAYS : Singapour
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie, Eden Club
El Jadida : CinéAtlas
Marrakech : Megarama
Rabat : Megarama, CinéAtlas,
La Renaissance
Fès : Mégarama
Meknès: Caméra
Tanger : Megarama, Goya, Tanger
City Mall, Roxy, Alcazar
DEPUIS LE 23 AVRIL 2024
DEPUIS LE 30 AVRIL 2024
NOM DU FILM :
Moroccan Badass Girl
DURÉE : 73 minutes
GENRE : Comédie, Drame
RÉALISATRICE : Hicham Lasri
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 1 ER MAI 2024
DEPUIS LE 17 AVRIL 2024
NOM DU FILM : Ce qui se passe
à Marrakech reste à Marrakech
DURÉE : 90 minutes
GENRE : Comédie
RÉALISATEUR : Said Khallaf
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Marrakech : Megarama
Rabat : Megarama, CinéAtlas
Fès : Mégarama
Tanger : Megarama, Goya, Tanger City
El Jadida : CinéAtlas
NOM DU FILM : Back to Black
DURÉE : 107 minutes
GENRE : Biopic, Drame, Musical,
Romance
RÉALISATEUR : Sam Taylor-
Johnson
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca: Mégarama, Pathé
Californie, Ciné-théâtre Lutetia
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama, Le Colisée
Tanger : Mégarama (Sauf
Mégarama Tanger Goya)
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
NOM DU FILM : The Fall Guy
DURÉE : 125 minutes
GENRE : Action, Comédie, Drame
RÉALISATEUR : David Leitch
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
NOM DU FILM : Les Cartes du mal
DURÉE : 131 minutes
GENRE : Drame, Romance
RÉALISATEUR : Luca Guadagnino
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 2 MAI 2024
NOM DU FILM : The Slave
DURÉE : 102 minutes
GENRE : Drame, Fiction
48 Maroc / Mai 2024

RÉALISATEUR : Abdelilah El Jaouhary
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
Famille, Fantastique
RÉALISATEUR : John Krasinski
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 8 MAI 2024
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Marrakech : Le Colisée
Rabat : CinéAtlas
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 8 MAI 2024
NOM DU FILM : Ducobu passe
au vert
DURÉE : 80 minutes
GENRE : Comédie
RÉALISATEUR : Elie Semoun
PAYS : France
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 15 MAI 2024
DEPUIS LE 8 MAI 2024
DEPUIS LE 11 MAI 2024
NOM DU FILM : La Planète des
Singes : Nouveau Royaume
DURÉE : 145 minutes
GENRE : Action, Aventure,
Science-Fiction
RÉALISATEUR : Wes Ball
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie, Éden Club
Rabat : Mégarama, CinéAtlas,
La Renaissance
Marrakech : Mégarama,
Le Colisée
Tanger : Mégarama, Alcazar
Meknès : Caméra
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 8 MAI 2024
NOM DU FILM : Blue & Compagnie
DURÉE : 104 minutes
GENRE : Aventure, Comédie,
NOM DU FILM : Wake Up
DURÉE : 104 minutes
GENRE : Épouvante-horreur,
Thriller
RÉALISATEUR : De Anouk
Whissell, François Simard,
Yoann-Karl Whissell
PAYS : Canada
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Californie
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
Tanger : Mégarama,
Fès : Mégarama
NOM DU FILM : Super Lion
DURÉE : 77 minutes
GENRE : Aventure, Animation,
Famille
RÉALISATEUR : Rasmus A.
Sivertsen, Jean-Luc Julien |
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Marrakech : Le Colisée
Rabat : CinéAtlas
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 15 MAI 2024
NOM DU FILM : Les Intrus (The
Strangers: Chapter 1)
DURÉE : 91 minutes
GENRE : Épouvante-horreur, Thriller
RÉALISATEUR : Renny Harlin
NOM DU FILM : Coup de tampon
DURÉE : 96 minutes
GENRE : Drame, Comédie
RÉALISATEUR : Rachid El Ouali
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé Californie
Rabat : CinéAtlas
El Jadida : CinéAtlas
Mai 2024 / Maroc
49

GUIDE DES SORTIES
DEPUIS LE 15 MAI 2024
PAYS : Maroc
PROJECTIONS : Rabat :
CinéAtlas, Colisée, Megarama
Casablanca : Megarama, Pathé
Californie
Marrakech : Megarama)
Fes : Megarama
Tanger : Megarama City Mall,
Megarama Tanger Goya
El Jadida : CinéAtlas Corniche
Le Colisée
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
INFOS PRATIQUES
NOM DU FILM : Déserts
DURÉE : 160 minutes
GENRE : Drame
RÉALISATEUR : Faouzi Bensaïdi
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
DÈS LE 26 JUIN 2024
DÈS LE 24 JUILLET 2024
DÈS LE 22 MAI 2024
NOM DU FILM : Mystère sur la
colline aux gâteaux
DURÉE : 70 minutes
GENRE : Aventure, Animation,
Comédie
RÉALISATEUR : Will Ashurst
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Marrakech : Le Colisée
Rabat : CinéAtlas
El Jadida : CinéAtlas
DEPUIS LE 20 DEC 2023
NOM DU FILM : Ana Machi Ana
DURÉE : 120 minutes
GENRE : Comédie
RÉALISATEUR : Hicham El Jebbari
NOM DU FILM : Kinds of
Kindness
DURÉE : 105 minutes
GENRE : Drame
RÉALISATEUR : Yórgos Lánthimos
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
Le Colisée
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
DÈS LE 10 JUILLET 2024
NOM DU FILM : Longlegs
DURÉE : 101 minutes
GENRE : Épouvante-horreur,
Thriller
RÉALISATEUR : Oz Perkins
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
NOM DU FILM : Deadpool &
Wolverine
DURÉE : 101 minutes
GENRE : Action, Comédie,
Science-Fiction
RÉALISATRICE : Shawn Levy
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama,
Le Colisée
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
50 Maroc / Mai 2024

ACTU-CINÉ
LES PETITES SALLES OBSCURES
REPRENNENT DES COULEURS
Le projet de mise en service de 150 salles de cinéma prend enfin forme. Jusqu’à
présent, 50 salles de cinéma de proximité ont été inaugurées, suivant le même modèle :
une programmation 100 % marocaine pour les adultes et alléchante pour le jeune public et
un prix du ticket accessible pour tous, afin de réconcilier le public avec les salles obscures.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTO : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Le 6 mars dernier, plusieurs acteurs du
7ème art se sont donnés rendez-vous
au centre culturel de Tamesna, dans
lequel le ministre de la Culture, Mehdi Bensaid,
a inauguré la nouvelle salle de cinéma
de la ville et a annoncé l’ouverture simultanée
de 49 autres salles sur les 150 envisagées
par son département.
L’inauguration de 100 autres salles de
cinéma suivront celle de la première tranche
de ce projet ambitieux qui consiste à s’appuyer
sur un réseau de Maisons de jeunes,
présentes à la fois dans les zones urbaines
et rurales, afin de les transfomer en complexes
culturels avec un mono-écran de
cinéma chacune.
Fruit d’un partenariat entre le ministère de la
Culture, de la Jeunesse et de la Communication,
le ministère de l’Économie et des Finances
et le Centre cinématographique marocain
(CCM), ce projet ambitieux « revêt une importance
particulière » selon Mehdi Bensaid, car
« il permet non seulement de créer un lien entre
le cinéma et le citoyen, mais aussi de révolutionner
le modèle économique de l’industrie
cinématographique marocaine ».
La date d’ouverture initiale était prévue fin
2022, puis repoussée à l’automne 2023. Il
a fallu dans un premier temps attendre l’ouverture
des frontières avec la Chine pour
recevoir les équipements. Il était ensuite
question de trouver des ressources
humaines pour la gestion des salles puis
les former, notamment sur les aspects techniques.
Le ministère compte s’appuyer dans un premier
temps sur ses propres ressources
humaines pour la gestion des cinquante
salles, il cherche aussi à identifier des compétences
au sein de ses directions régionales
et provinciales.
Au programme, le biopic sur la sociologue
marocaine Fatema Mernissi réalisé par
Mohamed Abderrahman Tazi, Al Ikhwane,
de Mohamed Amine El Ahmar en tête du
box-office national en 2022, et la comédie
Hollywood Smile de Ali Tahiri.
52 Maroc / Mai 2024

50 NOUVELLES SALLES DE CINÉMA
INAUGURÉES À TRAVERS LE ROYAUME
1- Centre culturel de Tétouan
2- Centre culturel Bnimakada
3- Maison de la culture de Fnideq
4- Théâtre Lalla Aicha
5- Centre culturel Martil
6- Complexe culturel à Nador
7- Centre culturel de Bouarfa
8- Centre culturel de Debdou
9- Théâtre Mohammed VI à Oujda
10- Conservatoire régional de la musqiue à Oujda
11- Centre culturel 02 octobre Wtatelhaj
12- Centre d’éducation culturel Hay al massira
13- Centre culturel Mohamed Mennouni
14- Conservatoire de musique Taza
15- Théâtre de Taza
16- Centre culturel Ain kadous
17- Centre culturel Azrou
18- Centre culturel Hajeb
19- Centre culturel Skhirat
20- Centre culturel Tamesna
21- Centre culturel Kénitra
22- Centre culturel de Sidi Slimane
23- Salle Bahnini
24- Centre culturel Belksiri
25- Centre d’animation culturelle et artistique de Tabriquet
26- Centre culturel Zagora
27- Centre culturel Kalaat M’gouna
28- Centre culturel Rissani
29- Centre culturel d’Errachidia
30- Centre culturel Arfoud
31- Centre culturel Ain Harrouda Casablanca
32- Centre culturel Ben Ahmed Casablanca
33- Maison de culture Bouskoura
48
34- Centre culturel Settat
35- Centre culturel Ben Slimane
36- Maison de culture Firdaous
37- Théâtre Afifi El Jadida
49
38- Centre culturel Beni Mellal
39- Centre culturel Fkih Bensaleh
40- Centre culturel Azilal
41- Maison de la culture Kaduki à Safi
42- Cité des arts à Safi
43- Centre culturel Mohammed Kheir Eddine à Tiznit
44- Centre culturel de Taroudant
45- Centre culturel Oum Saad à Laayoune
46- Centre culturel Sid Ahmed Rguibi à Smara
47- Centre culturel de Tarfaya
48- Maison de culture Alwalaa
49- Maison de culture Al Wahda
50- Centre d’animation culturelle à Zag
47
45
46
50
42 41 40
43
37
44
2 3
5 1
6 7
4
9
21
25
16 8 10
24 11
23
19 17
12
32
20 22 13 15
36
18
35
14
34
33 38
39
30
28
27
29 26
LE MINISTÈRE
COMPTE
S’APPUYER DANS
UN PREMIER
TEMPS SUR SES
PROPRES
RESSOURCES
HUMAINES POUR
LA GESTION DES
CINQUANTE SALLES
Quant à la programmation cinéma jeune public,
ce sont Super Mario Bros et Les Minions qui
divertiront les jeunes de la ville ce mois-ci, car
« il n’y a toujours pas de films d’animations
maroco-marocains, donc pour ne pas oublier
les jeunes on a essayé de leur proposer des
films d’animation internationaux », précise Bensaid.
Si la programmation peut sembler anachronique,
le ministre de la culture explique qu’il
s’agit dans un premier temps de projeter les
films sortis en 2023 et 2023 avant de passer
aux sorties de l’année « pour être sûr de proposer
au citoyen une programmation riche et
constante et lui permettre de voir certains films
qui n’ont pas été projetés dans les petites villes
», notamment ceux projetés actuellement dans
les 50 nouvelles salles de proximité.
Côté tarifs, le prix du ticket pour accéder à ces
salles est fixé à 20 dirhams (DH). Les titulaires
du « pass jeune » pourront quant à eux bénéficier
d’un tarif avantageux de 15 DH.●
Mai 2024 / Maroc
53

ACTU-CINÉ
DE DALÍ À AMY WINEHOUSE,
DES BIOPICS, ENTRE CÉLÉBRATION
ET BUSINESS MODEL
En cette année 2024, le monde du cinéma est en ébullition avec la sortie
de plusieurs biopics très attendus mettant en lumière des figures
iconiques. Que ce soit dans le domaine de la peinture ou de la musique, ces
films promettent de captiver les spectateurs par leurs récits fascinants et
leurs performances d’acteurs remarquables.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : DIAPHANA DISTRIBUTION
Edouard Baer dans le rôle de Dali, et Anaïs
Demoustier, la journaliste.
Le premier biopic à faire sensation est
Daaaaaalí ! (avec 6 « a » s’il vous plaît).
Réalisé par Quentin Dupieux, ce film
offre une vision comique et décalée de la vie
de Salvador Dalí. Avec un casting impressionnant
comprenant Gilles Lellouche, Anaïs
Demoustier, Jonathan Cohen, Pio Marmaï,
Edouard Baer, Romain Duris, Didier Flamand,
Agnès Hurstel et Jérôme Niel, le film explore
de manière originale la rencontre entre une
journaliste française et le célèbre peintre surréaliste.
De surcroît, c’est Thomas Bangalter
(ex-Daft Punk) qui a assuré la bande originale.
En parallèle, le biopic Bob Marley : One
Love, dirigé par Reinaldo Marcus Green,
attire l’attention sur la vie et l’héritage musical
de la légende du reggae. Avec Kingsley
Ben-Adir dans le rôle principal et Lashana
Lynch dans celui de sa femme Rita, le film
offre un hommage poignant à l’icône jamaïcaine,
mettant en lumière son message
d’amour et d’unité à travers sa musique.
Écrit par Zach Baylin en collaboration avec
Ziggy Marley, fils aîné du chanteur, le scénario
retrace la vie et la carrière de Bob Marley,
débutant en 1976 avec la création de
l’album Exodus, au moment où il quitte la
Jamaïque pour Londres après une tentative
de suicide. À quelques semaines de la sortie
du film, Ziggy Marley s’est exprimé sur
le choix de Kingsley Ben-Adir pour incarner
le rôle-titre, défendant l’acteur contre les
critiques concernant son accent jamaïcain,
tout en affirmant que Ben-Adir apporte une
humanité authentique à la personnalité de
Bob Marley et parvient à restituer fidèlement
sa manière d’être et de parler.
Enfin, le biopic Back to Black explore de
manière poignante le parcours tourmenté
de la regrettée chanteuse Amy Winehouse
à travers la genèse de son album emblématique
du même nom. Réalisé par Sam
Taylor-Johnson et porté à l’écran par Marisa
Abela dans le rôle d’Amy Winehouse, le film
offre une exploration intime de sa vie, depuis
ses modestes débuts à Camden jusqu’à sa
montée fulgurante vers la célébrité, ponctuée
par sa tragique disparition à l’âge de
27 ans. Respectant l’héritage familial de
54 Maroc / Mai 2024

CRÉDIT : PARAMOUNT PICTURES
Kingsley Ben-Adir incarnant Bob Marley.
Marisa Abela dans la peau d’Amy Winehouse.
RETRAÇANT LA VIE DE PERSONNAGES
CÉLÈBRES, CES FILMS ATTIRENT UN PUBLIC
VARIÉ, SOUVENT AVIDE DE DÉCOUVRIR LES
COULISSES DE LA VIE DE LEURS IDOLES
Winehouse et porté par la remarquable performance
de Marisa Abela, ce biopic promet
d’être un vibrant hommage à l’une des
voix les plus emblématiques de sa génération,
en mettant particulièrement l’accent
sur sa relation passionnée et tourmentée
avec Blake Fielder-Civil, facteur crucial dans
la création de son œuvre iconique.
Les biopics, ou films biographiques, ont évolué
au fil des décennies pour devenir un genre
cinématographique à part entière. Retraçant
la vie de personnages célèbres, qu’ils soient
issus du monde de la politique, de la musique,
du sport, ou d’autres domaines de la vie
publique, ces films attirent un public varié,
souvent avide de découvrir les coulisses de
la vie de leurs idoles. Mais derrière chaque
succès cinématographique se cache un
CRÉDIT : STUDIOCANAL
business model complexe, où la recherche
de l’équilibre entre rentabilité et respect de
l’histoire est primordiale.
Le succès commercial
Les biopics bénéficient souvent d’une forte
traction commerciale, en grande partie grâce
à la notoriété des personnages qu’ils mettent
en scène. En choisissant des figures emblématiques
et souvent appréciées du grand
public, les producteurs minimisent les risques
financiers liés à la production du film. En effet,
le simple fait de pouvoir annoncer un biopic
« basé sur une histoire vraie » constitue un
argument de vente puissant, capable d’attirer
un large auditoire.
De plus, les biopics offrent aux acteurs l’opportunité
de se distinguer dans des rôles
souvent complexes et exigeants, ce qui peut
conduire à une reconnaissance critique et
à des récompenses prestigieuses telles que
les Oscars ou les Césars. Cette dynamique
crée un cercle vertueux où la qualité de la
performance des acteurs renforce la crédibilité
du film et attire davantage de spectateurs.
Les défis artistiques et éthiques
Cependant, malgré leur potentiel commercial,
les biopics présentent également des
défis artistiques et éthiques. La nécessité de
condenser la vie souvent complexe et nuancée
d’une personnalité en deux ou trois
heures de film peut entraîner des compromis
narratifs et historiques. Les réalisateurs
doivent jongler avec la fidélité historique tout
en maintenant l’intérêt du public, ce qui peut
parfois conduire à des simplifications ou des
distorsions de la réalité.
Mai 2024 / Maroc
55

ACTU-CINÉ
CRÉDIT : TFM DISTRIBUTION
soulignant son impact sur la société
marocaine contemporaine.
Des biopics à la
sauce marocaine
Le cinéma marocain
s’évertue également à
célébrer son héritage
culturel et historique à
travers une nouvelle
vague de biopics.
On croyait tout savoir de nos icônes
marocaines. Erreur. Les biopics nous montrent
que derrière les figures célébrées se cachent
des personnages à multiples-visages.
Comme en témoigne La sultane inoubliable
qui met en lumière la vie de Fatema Mernissi,
figure emblématique du féminisme au Maroc.
Avec un casting minutieusement choisi et
une réalisation de Mohamed Abderrahman
Tazi, cousin de Mernissi - ce qui ajoute une
dimension personnelle au récit -, le film illustre
les liens familiaux qui ont façonné à la fois
l’artiste et son sujet. Ce biopic offre un regard
profond sur l’enfance de Mernissi à travers
son roman Rêves de femmes, tout en
Dans le même esprit, la commission d’aide
à la production cinématographique avait
accordé une avance sur recettes
de 4 millions de dirhams à Zhor Fassi Fihri
pour son projet de long métrage intitulé,
L’homme des signes, qui met en lumière
l’artiste-peintre Mehdi Qotbi, président de la
Fondation des musées.
En parallèle, Anoual qui explore l’héritage
de la résistance marocaine à travers la vie
d’Abdelkrim El-Khattabi, incarné par Rabie
Kati. Bien que le film suscite des débats sur
le choix de la langue de tournage, il souligne
néanmoins l’importance de commémorer les
héros nationaux et les luttes historiques.
Quant à Chaïbia, la paysanne des arts,
premier long métrage de Youssef Britel, il
rend hommage à l’artiste-peintre marocaine
Chaïbia Talal. Avec un casting de talent,
dont Younèss Mégri et Saadia Azagoun,
ainsi qu’un scénario coécrit par David
Villemin et Youssef Britel lui-même, ce
biopic, produit par Hicham Hajji et Hamid
Herraf, retrace avec sensibilité le parcours
remarquable de Chaïbia Talal, icône de l’art
naïf au Maroc.
Ces biopics, chacun à sa manière,
témoignent de la richesse et de la diversité
du patrimoine culturel marocain. En explorant
les vies et les accomplissements de figures
emblématiques, le cinéma marocain
s’efforce de préserver la mémoire collective
tout en inspirant les générations futures.●
La Môme : un film emblématique qui a ouvert la voie à une
série de biopics à succès, avec Marion Cotillard dans le
rôle d’Édith Piaf (Oscar de la meilleure actrice).
De plus, les biopics sont confrontés au défi
de représenter leurs sujets de manière équilibrée,
en montrant à la fois leurs réalisations
et leurs imperfections. Trop idéaliser
ou diaboliser un personnage risque de compromettre
la crédibilité du film et d’aliéner
une partie du public. Trouver le juste équilibre
entre admiration et critique constitue
donc un défi majeur pour les réalisateurs et
les scénaristes.
Malgré ces défis, le genre du biopic continue
d’évoluer pour répondre aux attentes
changeantes du public. De nouvelles
approches narratives, telles que la focalisation
sur des périodes spécifiques de la vie
d’un personnage ou sur des événements
particuliers, permettent aux réalisateurs de
proposer des récits plus dynamiques et captivants.
Cette diversification du genre ouvre
la voie à des explorations plus approfondies
des personnages et de leur impact sur le
monde qui les entoure.
En fin de compte, le succès des biopics
repose sur leur capacité à capturer l’imagination
du public tout en offrant un regard
authentique et perspicace sur la vie des personnalités
célèbres. En naviguant habilement
entre les impératifs commerciaux et
artistiques, les réalisateurs peuvent créer
des films qui résonnent avec le public et
marquent l’histoire du cinéma.●
56 Maroc / Mai 2024

ACTU-CINÉ
DAHOMEY DE MATTI DIOP
QUAND LES STATUES
S’ÉVEILLENT…
Dans son dernier film plein de sens, Mati Diop donne vie aux statues endormies pour
évoquer un passé colonial persistant. À travers une exploration cinématographique
audacieuse, la réalisatrice met en lumière les enjeux de restitution des trésors africains dans un
documentaire au dispositif à part qui lui a valu l’Ours d’or a la dernière édition de la Berlinale.
PAR JIHANE BOUGRINE
«Les Statues meurent aussi » ? Chez
Mati Diop, il en est hors de question.
Au contraire. La réalisatrice de Atlantique
primé à Cannes en 2019, redonne la
voix à un passé oublié, à une Afrique pillée.
A travers un documentaire hybride curieux
et plein d’imagination, la réalisatrice franco-sénégalaise
revient sur cet évènement
de novembre 2021, plus de 60 ans après
l’indépendance du Benin où 26 des milliers
d’antiquités nationales pillées ont été restituées
par la France à leur terre africaine.
Et de façon intelligente et subtile, Dahomey
comme un levier mince qui fissure la caisse
scellée de l’histoire coloniale, fait tomber
dans la lumière une centaine de ses effacements
et injustices associés. Parce que
Dahomey est un Royaume sur la côte atlantique
du Bénin, qui a existé dans un militarisme
redoutable pendant 300 ans jusqu’en
1894 et qui inspiré des films comme The
Woman King de Gina Prince-Bythewood.
En reste des statues exposées au Musée
du Quai Branly à Paris qui sont sur le point
de regagner leur terre. L’on assiste à une
chorégraphie maitrisée d’œuvres emballées
en vue de leur transport, le soin pris
pour ne pas endommager l’idole, le papier
qui protège son dos comme une couche,
la construction interne compliquée de la
boîte conçue pour s’assurer qu’il n’est pas
secoué en transit. Mais un sentiment de
malaise règne malgré tout. Il s’agit tout de
même d’un guerrier à terre.
C’est sûrement pour cette raison que la réalisatrice
lui donnera la parole de façon bril-
58 Maroc / Mai 2024

lante et efficace. Sitôt le couvercle fermé une
statue en bois du roi Gézo défiant un guerrier
avec le poing levé et une statue mi-requin
mi-homme du dernier véritable dirigeant du
Dahomey, le roi Behanzin, ont en fait une voix.
Ils réfléchissent à leur retour chez eux alors
que leur transit soigneux est achevé, déconcertés
alors qu’ils sont désignés par des numéros
plutôt que par des noms, dans des voix
numérisées au son mystique qui ressemblent
étrangement à celles des Transformers.
DES « MAUX »
JUSTES MAIS QUI
VIENNENT PER-
TURBER LA
PROMESSE DE MATI
DIOP D’UN DOCU-
MENTAIRE DE 68
MINUTES
C’est à la fois déroutant et surprenant. La
promesse est belle, les trente premières
minutes du film nous plongent dans œuvre
habitée et pour le moins à part où les points
de vue sont multiples, où la caméra de Matti
Diop prend des libertés et des risques. Soudain
nous entendons les pensées de la statue
comme si sa voix nous parvenait à travers
de longs tunnels temporels.
Ce malaise à la fois mystique et délicieux
ne durera pas longtemps, entrecoupé par
des interludes plus descriptives telles que
la parade qui accueille les artefacts de retour,
ou la conservatrice béninoise cataloguant
la cargaison pour enfin donner la parole aux
étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi,
qui expriment leur frustration face à l’héritage
colonial persistant et à la lenteur des
restitutions. Leur voix, bien que souvent
marginalisée, ajoute certes une dimension
contemporaine et politique à l’œuvre mais
la replonge dans le documentaire classique
à la limite du reportage.
Les étudiants expriment leur frustration de
ne pas pouvoir parler la langue de leurs
ancêtres; le français est la langue officielle
du Bénin, mais 54 autres langues sont parlées
par les 14 millions d’habitants du pays.
Un autre souligne que s’il a fallu 127 ans
pour que 26 des 7 000 articles estimés
soient restitués, il en faudra des centaines
avant d’en voir d’autres avant qu’une étudiante
ne confie : « On m’a dit que j’étais
issue d’esclaves », dit-elle avec force, « Mais
je descends des Amazones ».
Des « maux » justes mais qui viennent perturber
la promesse de Matti Diop d’un documentaire
de 68 minutes au dispositif redoutable.
Un film nécessaire qui nous laisse sur
notre faim, presque aussi incomplet que
cette histoire de restitution….●
Mai 2024 / Maroc
59

INTERVIEW PRO
CRÉDIT : MAP
La programmation constitue le fer de lance
d’un festival. En coulisses, les directeurs
artistiques sont à la manœuvre. Nous avons
rencontré celui du Festival international de
cinéma d’animation de Meknès (FICAM),
prévu du 10 et le 15 mai : Mohamed Beyoud.
INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA
MOHAMED BEYOUD
« L’UNE DES AMBITIONS
DU FICAM EST DE
DEVENIR UN MOTEUR DE
CRÉATION D’EMPLOIS
DANS LE DOMAINE DE
L’ANIMATION »
Quelle est la ligne éditoriale du FICAM ?
Notre approche vise à présenter des films
avec une large diversité de techniques du
cinéma d’animation, allant de la pâte à modeler
au stop-motion, en passant par le papier
découpé et la peinture animée, permettant
ainsi au public marocain de découvrir toute
la richesse et la variété de ce genre cinématographique
à Meknès.
En outre, le festival privilégie l’échange et
le débat avec le public en choisissant des
films en fonction de leurs thématiques et du
discours de leurs réalisateurs ou réalisatrices.
Le FICAM s’engage également dans
la formation, et cette année, nous célébrons
les 20 ans de notre programme d’ateliers.
Depuis 2004, nous avons développé des
formations visant à initier la jeunesse marocaine
aux métiers du cinéma d’animation.
Qui plus est, nous sommes ravis d’inaugurer
cette édition, au cinéma Caméra, un lieu
que nous chérissons et pour lequel nous
nous efforçons de garantir sa survie et son
accessibilité au grand public.
60 Maroc / Mai 2024

Mohamed Beyoud, directeur artistique du FICAM.
Le FICAM souffle sa 22ème bougie. 22
ans, c’est un bel âge pour un rendez-vous
rituel. Mais c’est aussi le
temps au bilan…
Chaque année, nous procédons à une évaluation
de nos actions et de nos choix. Les
équipes de la Fondation Aïcha, de l’Institut
français (IF) de Meknès, ainsi que de l’IF
Maroc, se réunissent pour discuter et échanger,
remettant ainsi en question nos stratégies.
De plus, cette édition célébrera le 3ème
Forum des métiers du film d’animation.
Celui-ci réunira des studios d’animation du
Maroc, du Maghreb, voire d’Afrique. Sa mise
en œuvre découle des discussions et des
échanges entre nos équipes, et il reflète
CETTE ÉDITION CÉLÉBRERA LE 3ÈME
FORUM DES MÉTIERS DU FILM
D’ANIMATION. CELUI-CI RÉUNIRA DES
STUDIOS D’ANIMATION DU MAROC, DU
MAGHREB, VOIRE D’AFRIQUE
Mai 2024 / Maroc
61

INTERVIEW PRO
CREDIT : NORA DANT
FICAM : Une célébration dans la joie et dans
la bonne humeur.
l’orientation que nous souhaitons donner au
festival, ainsi que son positionnement futur
sur le continent. Cette démarche est véritablement
le fruit de notre engagement envers
la pérennité et l’essor du festival.
Comment sont choisis les films d’animation
pour le FICAM ?
En tant que programmateur, je me rends religieusement
chaque année au festival international
du film d’animation d’Annecy. Comme
tout professionnel de l’industrie, je prépare
minutieusement des rendez-vous, assiste pratiquement
à toutes les projections et établi surtout
des contacts avec différents studios d’animation.
Grâce à notre réseau mondial, nous
avons accès à un large éventail de films que
nous sélectionnons avec soin, notamment pour
la compétition internationale du long métrage
d’animation. Parallèlement, nous organisons
une compétition de courts métrages d’animation,
où les studios, réalisateurs et professionnels
peuvent soumettre leurs œuvres. Ensuite,
un jury de présélection se réunit (du 4 au 10
mars cette année -ndlr) pour choisir cinq programmes
d’une durée d’une heure et quart,
qui seront diffusés pendant le festival. De plus,
nous restons constamment à l’affût de l’actualité
cinématographique, visionnant des films,
entretenant des contacts et sollicitant les distributeurs,
comme le font tous les programmateurs
de festivals. De nombreuses personnes
proposent des films, ce qui témoigne de l’engagement
et de l’intérêt suscités par notre événement.
En somme, la sélection des films pour
le FICAM est un travail continu tout au long de
l’année. À peine une édition terminée, nous
nous lançons déjà dans la préparation de la
suivante.
En observant les films présentés, quelles
sont, selon vous, les nouvelles tendances
de la création ?
Nous constatons actuellement une augmentation
significative de la diffusion de longs
métrages d’animation, avec des distributeurs
marocains investissant dans ce domaine cinématographique.
Désormais, il est possible de
trouver des longs métrages d’animation pratiquement
chaque semaine, ce qui contraste
nettement avec la situation d’il y a quelques
années. Cette tendance répond à une demande
exprimée depuis un certain temps et constitue
un progrès notable. À présent, toutes les sorties
de l’animation japonaise internationale sont
disponibles dans les salles au Maroc, notamment
au cinéma Caméra de Meknès, ce qui
représente une avancée significative pour la
communauté cinéphile. En ce qui concerne le
festival, comme je l’ai mentionné précédemment,
nous sélectionnons des films d’animation
utilisant diverses techniques. Nous accordons
bien sûr de l’importance à la technique
utilisée, mais le sujet du film revêt également
une grande importance pour nous.
Une des spécificités du FICAM est de
proposer l’expertise des films d’animation…
Nous recevons régulièrement des demandes
de collaboration de la part de festivals du monde
entier, notamment pour des initiatives telles
que des cartes blanches permettant de présenter
des artistes. Au fil des ans, nous avons
progressivement développé un réseau étendu.
Par exemple, il y a quelques années, le Festival
d’Annecy nous a donné carte blanche afin
de présenter le cinéma d’animation dans le
Maghreb ; plus récemment, le Forum des images
nous a également sollicités pour participer au
Carrefour de l’animation… Une aubaine pour
mettre en avant nos favoris, les remarquables
films d’animation africains, ainsi que les réalisateurs
et réalisatrices qui ont marqué le festival.
Notre objectif est de faciliter les échanges,
notamment à travers le Forum des métiers de
l’animation, qui vise à rassembler les acteurs
du secteur pour favoriser les collaborations,
échanger des contacts et offrir des opportunités
d’emploi aux jeunes loups. En fin de compte,
l’une des ambitions du FICAM est de devenir
un moteur de création d’emplois dans le
domaine de l’animation.
A quoi ressemble le paysage du cinéma
d’animation au Maroc ?
Depuis 2020, nous avons été témoins d’un
développement significatif, voire historique,
qui revêt une grande importance à mes yeux.
En effet, les deux chaînes publiques marocaines
ont inclus dans leurs appels d’offres
des quotas dédiés aux séries d’animation
marocaines. Cette décision, d’une portée
considérable, contribue à l’émergence de
l’industrie du cinéma d’animation au Maroc.
Bien que cette industrie en soit encore à ses
débuts, nous observons une dynamique
encourageante au sein des studios d’animation,
qui recrutent activement de jeunes
talents marocains. Cette dynamique s’est traduite
par la création de plusieurs séries d’ani-
62 Maroc / Mai 2024

mation, désormais diffusées sur les chaînes
nationales. Nous soutenons cette évolution
en collaborant avec les responsables des
chaînes et saluons leur courage d’investir
dans un secteur coûteux. car, la production
de séries d’animation représente un investissement
considérable. Par ailleurs, nous
constatons d’autres initiatives prometteuses,
notamment celle de la jeune réalisatrice Sofia
El Khyari, que nous accompagnons depuis
plusieurs années : son court-métrage, L’ombre
des papillons, a été sélectionné en compétition
officielle au festival d’Annecy, et elle
travaille actuellement sur un magnifique long
métrage d’animation inspiré du cinéma
Chahrazad à Casablanca. En somme, le
Maroc connaît une véritable effervescence
dans le domaine de l’animation !
Le cinéma d’animation est encore à ses
balbutiements…
Je suis fermement convaincu que nous avons
largement dépassé cette phase initiale. Les
studios sont dynamiques, certes, l’implication
NOUS ASSISTONS À L’ÉMERGENCE DE
PROJETS D’ANIMATION TRÈS
INTÉRESSANTS, ANCRÉS DANS LES
VALEURS ET L’HISTOIRE DE NOTRE PAYS
du secteur public, notamment à travers des
commandes significatives, demeure essentielle.
Il serait pertinent de rappeler le cas de
la France, aujourd’hui considérée comme un
acteur majeur de l’industrie cinématographique,
qui a bénéficié d’un soutien gouvernemental
crucial à partir de 1981 avec le lancement
du plan image. Ce plan a notamment
accompagné le développement des studios
d’animation, ce qui a permis à la France de
devenir le troisième plus grand producteur
de films d’animation, après les États-Unis et
le Japon. Ainsi, ce qui se passe au Maroc va
bien au-delà de simples débuts. Nous assistons
à l’émergence de projets d’animation
très intéressants, ancrés dans les valeurs et
CREDIT : NORA DANT
l’histoire de notre pays. Ainsi, il serait réducteur
de qualifier cette évolution de simple balbutiement.
Certains rangent le cinéma d’animation
sous la bannière « pour enfant »…
Il est vrai que cette perception selon laquelle
le cinéma d’animation est souvent associé à
un public jeune ou infantile persiste. Toutefois,
nous ne rencontrons pas ce problème, grâce
aux efforts que nous avons déployés et que
nous continuons de fournir pour garantir la
diversité des publics. Nous proposons des
séances éducatives, certaines accompagnées
de ressources pédagogiques, mais la compétition
de courts métrages n’est en aucun cas
destinée aux enfants. Celle-ci cible plutôt les
étudiants et les adultes. De plus, nos séances
familiales rencontrent un vif succès, où les
parents viennent avec leurs enfants pour partager
une expérience cinématographique. Ces
séances familiales sont le fruit d’un travail de
longue date et revêtent une grande importance
pour nous. Une fois de plus, le débat et
le message des artistes sont essentiels pour
susciter un échange avec le public.
Le cinéma d’animation permet-il, selon
vous, au réalisateur d’aller jusqu’au bout
des choses ?
Dans notre sélection, nous constatons
qu’en effet certains réalisateurs véhiculent des
messages puissants et bien définis. Il convient
de noter que le FICAM propose également
des documentaires animés, dans lesquels les
réalisateurs explorent des thèmes spécifiques
avec une grande profondeur. Ainsi, le cinéma
d’animation offre à ces artistes une plateforme
idéale pour partager et communiquer leurs
idées avec le public, ce qui constitue l’un des
principaux objectifs de notre festival.
Le réalisateur japonais de films d’animation, Isao Takahata, au FICAM.
Que faut-il attendre pour 2024 ?
Nous aspirons à ce que le forum des métiers
prenne une envergure encore plus grande que
lors des deux précédentes éditions. Nous
aurons le plaisir d’accueillir des studios d’animation
du Maroc, d’Afrique et du monde arabe,
avec pour ambition de favoriser le développement
d’un marché du film d’animation en Afrique
et dans le monde arabe. En tant qu’équipe,
nous sommes résolus à réaliser cette vision.●
Mai 2024 / Maroc
63

INTERVIEW PRO
Le marché marocain
connaît actuellement une
vague de modernisation
sans précédent et offre une
opportunité unique aux
nouvelles salles de se doter
des dernières avancées
technologiques
Pourriez-vous nous présenter la marque
Kelonik Cinema Sound (KCS), ainsi que de
vos enceintes, aujourd’hui considérées
parmi les plus performantes et innovantes
dans le domaine du cinéma ?
La société Kelonik, une société créé en 1983,
dispose d’une vaste expérience quasiment
exclusivement dédiée au secteur du cinéma.
Notre principal engagement ça a été d’offrir à
nos clients les meilleurs produits et les meilleurs
services en tout temps. C’est pour cela
que lorsque nous avons développé dans les
années 1990 les enceintes KCS, nous les avons
dotées des fonctionnalités et capacités les plus
avancées sur le marché à l’époque, de façon à
ce qu’elles soient correctement dimensionnées
pour les salles de cinéma. Notre objectif était
d’avoir, avec l’expérience de services que nous
avions, du matériel performant et de qualité.
Ensuite, nous sommes devenus l’un des précurseurs
sur le son immersif, en collaborant
avec la société espagnole IMM Sound, qui a
créé le son immersif bien avant Dolby Atmos.
Nous avons été la première entreprise à créer
des enceintes de plafond adaptées à la technologie
développée pour cette société, chose
que nous avons continué à faire lorsque Dolby
a racheté cette société et a créé Dolby Atmos.
Nous avons donc toujours été au cœur du développement
et aujourd’hui, nous somme sur environ
300 salles Dolby Atmos qui sont équipées
en enceintes KCS sur un total de 6 000 salles
dans le monde.
Comment les solutions de KCS améliorent-elles
l’expérience globale des
cinéphiles au sein d’une salle de cinéma ?
Avant de parler du spectateur, nous apportons
à l’intégrateur, qui lui aussi va apporter sa touche
d’installation, un service d’ingénierie spécialisé
dans la définition et la sélection précise des
enceintes les mieux adaptées à chaque projet.
A ce niveau déjà, nous réalisons les études
techniques pour les salles Atmos, fournissons
des plans de la salle à équiper et apportons les
meilleures propositions.
Sur un autre niveau, il faut noter que le secteur
du cinéma est, depuis la pandémie du
Covid-19, en perpétuelle dynamique d’innovation
aussi bien sur le plan technique qu’en
termes d’amélioration de l’expérience offerte
au spectateur. Les salles de cinéma sont
aujourd’hui en quête d’innovation et donc
depuis quelques années on voit beaucoup
arriver sur des chaînes de cinéma des salles
dotées de son immersif, de panneaux LED sur
les côtés qui procurent une immersion totale,
des fauteuils automatisées et ajustables, des
écrans sur les côtés, des services de restauration
… Nous attestons à des niveaux de
confort inégalés et jamais vus auparavant.
Toutes ces améliorations permettent au spectateur
de pouvoir bénéficier d’une expérience
cinématographique bien différente et nouvelle
par rapport à ce qui était proposé jusqu’à présent.
En tant que Kelonik, nous apportons
notre expertise non seulement en
64 Maroc / Mai 2024

NOUS
APPORTONS
NOTRE EXPERTISE
NON SEULEMENT
EN MATIÈRE DE
SONORISATION,
MAIS AUSSI POUR
GARANTIR UNE
INTÉGRATION
FIDÈLE AU DESIGN
DE LA SALLE
matière de sonorisation, mais aussi pour garantir
une intégration fidèle au design de la salle
sans entraver ses autres spécificités. Dans ce
sens-là nous essayons d’apporter toute notre
expérience sur ces nouvelles innovations, et
donc apporter notre pierre à cet édifice qu’est
une expérience cinématographique unique.
En considérant l’évolution rapide de la
technologie cinématographique, quelles
tendances majeures KCS anticipe-t-elle et
comment vous préparez-vous à ces
changements ?
Comme je disais tout à l’heure, nous sommes
au plus proches de nos clients, intégrateurs
mais aussi spectateurs, de façon à pouvoir leur
apporter la meilleure expérience possible,
notamment en ce qui concerne la partie sonore.
En outre, il y a des innovations et des produits
qu’on essaie de développer pour toujours améliorer
la qualité. Là, par exemple, nous sommes
en train de développer une nouvelle enceinte
que nous espérons pouvoir sortir à la mi-2024.
Ce sera une enceinte de dix pouces qui permettra
de sonoriser les salles avec des spécificités
et des accroches différentes.
De manière générale, c’est en termes de notre
expertise que nous continuons à développer
nos services de dimensionnement des
enceintes, et c’est ainsi que nous arrivons à
donner la meilleure expérience aux clients.
Hakim Chagraoui (Cinerji) et Pascal Mabille (KCS)
Passons maintenant au marché marocain.
Parlez-nous de votre collaboration avec
Cinerji au Maroc ?
Nous avons commencé notre collaboration avec
Cinerji en juin 2022. Personnellement, j’étais
déjà en contact avec Hakim Chagraoui depuis
février 2022, car nous collaborions sur un projet
du ministère de la Culture, mais c’est en juin
2022 qu’on a commencé vraiment à discuter
du projet Cinerji. Durant toute cette période,
nous avons développé des relations tant sur le
plan professionnel que personnel pour présenter
des solutions de qualité et en particulier pour
la sonorisation de la nouvelle salle Cinerji Oma
qui nécessite une étude vraiment approfondie
pour garantir une sonorisation adéquate et spécifique
à chaque balcon de celle-ci.
Les salles Oma, ayant la spécificité d’avoir des
balcons à différents niveaux la sonorisation de
chaque balcon, leur sonorisation doit être correctement
étudiée et donc on a essayé d’apporter
des solutions pour la salle entière et pour
chaque balcon. En parallèle, M. Chagraoui souhaite
également doter d’autres salles plus petites
de solutions Dolby Atmos et donc nous offrons
là aussi notre expertise en vue d’équiper ces
salles des enceintes spécifiquement développées
pour les salles Atmos s’intègrent parfaitement
dans le design de ces salles.
L’idée c’est qu’il s’agisse de produits KCS ou de
Dolby Atmos, nous apportons des solutions
d’intégration sonore adaptées aux spécificités
de chaque salle et sur mesure pour que l’installation
sonore soit au point de la technologie
tout en tenant compte des particularités de
chaque projet pour garantir une expérience
sonore optimale.
Enfin, ce que je trouve vraiment intéressant sur
le marché marocain, c’est que c’est un marché
qui connaît actuellement une vague de modernisation
sans précédent et qui offre une opportunité
unique à ces nouvelles salles de se doter
des dernières avancées technologiques et
garantir un confort inégalé au public. Contrairement
à des marchés plus matures comme la
France ou l’Europe dans sa globalité, où on
retrouve beaucoup de salles de cinéma vieillissantes
qui ne sont pas toutes modernisées, au
Maroc, il y existe aujourd’hui une forte demande
pour de nouvelles salles de cinéma nouvelles.
Par conséquent, et c’est ce qui est unique en
soi à mon avis, toutes ces salles qui vont ouvrir
seront dotées d’une technologie, d’un confort
et d’une qualité de 2023. C’est vraiment une
chance pour le marché marocain d’avoir des
salles dans le futur qui soient les plus à même
d’offrir à la population marocaine les expérience
cinématographiques les plus avancées.●
Mai 2024 / Maroc
65

REPORTAGE
COULISSES D’UN TOURNAGE
AU CŒUR DE LA BLESSURE
En plein quartier des Habous à Casablanca, une équipe de film passionnée
tente de raconter une histoire avec émotion. « The Wound » ou « La blessure »,,
premier film de la réalisatrice Seloua El Gouni s’attaque au sujet de l’avortement
clandestin au Maroc avec un casting XXL composé de Oumaima Barid, Amal
Ayouch, Mansour Badri , Brice Brexter El Glaoui et Soraya Azzabi. Immersion
dans une aventure cinématographique certes, mais qui reste humaine avant tout.
PAR JIHANE BOUGRINE
CRÉDIT : THE WOUND
66 Maroc / Mai 2024

Concentration, bonne humeur et l’envie d’être
là. C’est ce que l’on ressent lorsqu’on foule
le plateau de tournage de Seloua El Gouni
sous le regard bienveillant du co-scénariste
et producteur Taha Benghalem. « Silence sur
le plateau ! » raisonne comme un début d’aventure au supplément
d’être. Tout le monde s’exécute, Amal Ayouch commence
à réciter son texte. L’équipe se délecte de cette scène
importante pour le film. « Bien que l’idée de notre film soit
née de la question de l’avortement en tant que problème
sérieux à l’échelle mondiale sur le plan humain, et nationalement
à tous les niveaux, du juridique au sociétal, elle s’est
élargie pour traiter d’autres sujets tels que les droits des
femmes et les conflits générationnels, entre autres » confie
la réalisatrice du film qui explique que la motivation derrière
le choix de ce sujet est qu’il y a un manque de représentations
et traitements de ce sujet dans le cinéma marocain. «
Ils n’ont jamais pleinement rendu justice à cette réalité, bien
que nous ayons tous entendu des histoires dans les médias
ou au sein de notre communauté, et que nous ayons tous, à
un moment de notre vie, connu quelqu’un ayant subi ou ayant
été affecté par un avortement illégal. À partir de là, cette idée
a germé comme la graine qui a ensuite donné naissance à
la présentation et à la représentation d’autres enjeux sociétaux
sur lesquels The Wound met en lumière » continue la
même source. Un sujet délicat où il a fallu puiser dans des
témoignages de mères ayant perdu leurs filles à cause d’avortements
illégaux, des femmes ayant subi ces pratiques, ainsi
qu’avec des personnes ayant perdu des amis ou des proches
dans ces circonstances. « Nous avons également rencontré
des avocats, des Adouls (notaires islamiques) et avons eu
des entretiens avec un médecin ayant pratiqué des avortements
illégaux » ajoute Taha Benghalem..
L’histoire d’un destin brisé
Ce film émouvant raconte l’histoire de Leila, une jeune femme
déchirée entre les désirs de son cœur et les attentes de la
société et de sa famille. Le film met en lumière l’influence omniprésente
des normes culturelles, les luttes auxquelles font face
les femmes dans la société, et l’impact profond des choix personnels
sur les individus et leurs proches. À travers le prisme
de la tragédie de Leila, The Wound examine les blessures profondes
infligées par les attentes sociétales, exposant les cicatrices
cachées que tant de personnes portent. « Nous avons
souhaité mettre en lumière plusieurs aspects de la réalité marocaine
en matière d’avortement à travers notre film. Tout d’abord,
nous avons voulu aborder les conséquences tragiques des
avortements illégaux, en mettant en évidence les risques pour
les femmes, notamment des jeunes filles mineures. Ensuite,
nous avons cherché à explorer les pressions sociales et familiales
qui poussent certaines femmes à recourir à des avortements
clandestins, ainsi que les défis juridiques et sociétaux
auxquels elles sont confrontées. Enfin, nous avons voulu offrir
une réflexion sur les solutions possibles pour améliorer l’ac-
UN SUJET DÉLICAT OÙ IL A
FALLU PUISER DANS DES
TÉMOIGNAGES DE MÈRES AYANT
PERDU LEURS FILLES À CAUSE
D’AVORTEMENTS ILLÉGAUX
Mai 2024 / Maroc
67

REPORTAGE
cès à des services d’avortement sûrs et légaux, tout en respectant
les droits et la dignité des femmes ».
La mise en scène des émotions
Sur le plateau, le travail se fait dans la justesse de l’émotion
et l’intuition. Ce n’est surement pas pour rien que le scénario
a été amélioré sur le tournage, bien plus qu’il n’a été modifié.
Ce processus a permis d’approfondir les nuances des
personnages et de rendre l’histoire encore plus captivante,
selon la réalisatrice. Et pour permettre aux mots de prendre
forme, la force de l’interprétation et le choix des acteurs est
primordial. Selon l’équipe, le processus de casting a pris le
plus de temps, avec une attention particulière portée à chaque
personnage, quelle que soit son importance pour l’histoire.
Les personnages dans The Wound se complètent mutuellement,
c’était donc une tâche méticuleuse de choisir le bon
Adam campé par Brice Bexter El Glaoui ou encore Leila incarnée
par l’actrice pleine de fraicheur, Oumaima Barid. Quant
à Amal Ayouch, elle faisait partie d’un rêve éveillé pour le
co-scénariste et la réalisatrice. « Le rôle de la mère de Leila
a pratiquement été ecrit pour elle. Je n’osais pas imaginer
que cela devienne réalité. Quand elle a lu le scénario, elle a
demandé s’il était possible de changer et d’améliorer quelques
scènes et elle nous a tout simplement dit : quand est-ce que
je commence ? » se souvient un Taha Benghalem plein d’enthousiasme.
« Travailler avec les acteurs sur des thèmes aussi
délicats que l’avortement a nécessité du temps et de la sensibilité.
Chaque acteur a eu l’opportunité de discuter de son
point de vue sur le sujet et de s’assurer que sa compréhension
du sujet était précise et compatible avec la vision globale
du film » précise la réalisatrice qui se décrit comme une
réalisatrice réaliste mais authentique sur un plateau. Son
objectif est de maintenir la cohérence entre les personnages
afin que la livraison puisse être aussi sincère et authentique
que possible. À travers The Wound, Seloua El Gouni espère
transmettre un message d’empathie et de compassion au
public. Elle souhaite que chacun remette en question ses
convictions et cultive davantage d’empathie envers ceux qui
l’entourent. Elle espère également que le film contribuera au
débat sur l’avortement et les droits des femmes au Maroc,
incitant les gens à réfléchir et à agir pour le changement.
Alors que le tournage touche à sa fin, l’équipe se remémore
les moments mémorables qui ont jalonné cette aventure. Les
larmes et les émotions étaient présentes, mais c’est cet engagement
envers l’histoire qui a permis à chacun de surmonter
les défis rencontrés. « Nous avons décidé d’auto-produire
ce film parce qu’il n’y avait pas de fonds disponibles à ce
moment-là pour commencer rapidement la production. De
plus, nous ne voulions pas attendre car ce sujet est actuellement
pertinent et nous ne voulions pas perdre d’élan. De
plus, étant issus d’un milieu de production, nous croyions
être capables de raconter cette histoire dans les délais impartis
avec les modestes ressources dont nous disposions »
explique la réalisatrice dont la principale difficulté lors du
tournage était les lieux de tournage, principalement parce
qu’ils ont choisi de rester authentiques en filmant les décors
dans leur état simple avec peu de modifications, à l’exception
de quelques-uns. « Ainsi, la durée de tournage dans
chaque décor était limitée, mais grâce à notre incroyable
équipe et à notre merveilleux casting, nous avons réussi ! ».
La post-production est en cours, avec l’objectif de produire
un film qui rendra tout le monde fier. Malgré les difficultés
rencontrées en cours de route, l’équipe est confiante dans
le potentiel du film à toucher les cœurs , à susciter le changement
et à panser « la blessure »…●
68 Maroc / Mai 2024

REPORTAGE
LES JARDINS DU PARADIS
TITRE POÉTIQUE POUR
UNE HISTOIRE PATHÉTIQUE
Le sourire bien en coin, Sonia Terrab est une romancière et cinéaste qui
s’efforce, tout simplement, d’être une femme de son temps. Avec
« Les jardins du paradis », elle a décidé de franchir le pas du court métrage,
en attendant l’opportunité de faire du long. Les fragments d’un tournage.
PAR REDA K. HOUDAÏFA / CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC
70 Maroc / Mai 2024

Le dimanche 25 février 2024. Extérieur, jour; il est
13 heures. Nous sommes à l’école Umar ibn Abd
al-Aziz, située dans le bidonville Mrissa, à quelques
kilomètres de Dar Bouazza. Tout le monde était
sur place dès 9 heures du matin, prêt à tourner à
10 heures, comme indiqué sur la feuille de service n°6.
Dans cette école, occupée par une vingtaine de personnes,
certaines se tiennent debout, d’autres sont adossées aux
murs, et quelques-unes sont assises sur des cubes. Seules
trois personnes sont installées sur des chaises : la réalisatrice,
Sonia Terrab, la scripte, Zineb Chefchaouni, et l’ingénieur
du son, Yassir Ghraba. Autour d’une caméra portée par
une femme blonde aux cheveux dorés et à la silhouette diaphane,
Chloé Terren, une équipe technique, composée
presque entièrement de jeunes, s’active.
Tout cela pour Les jardins du paradis, le premier court-métrage
de la romancière et cinéaste (grande et (in)supportable
militante) Sonia Terrab. Connue pour ses documentaires
tels que Shakespeare à Casablanca, L7sla, ou
encore Madrassat Al Hayat, ainsi que pour sa minisérie
sur le web, Marokkiates, Sonia Terrab met une fois de
plus les pieds dans le plat.
L’intrigue, nous y voilà. La population d’un bidonville se trouve
confrontée à la destruction de leurs habitations, mais se voit
offrir un logement sur d’autres terres. Cette transition entraîne
la démolition de l’école fréquentée par tous les enfants du
« Karianne ». Or, dans le nouveau lieu de résidence, il y a bel
et bien une école, ce qui semble normal. Cependant, l’inscription
des enfants dans cet établissement requiert la signature
d’un document par les pères autorisant le transfert de
leur enfant. Le problème se pose lorsque certains enfants
n’ont pas de père. Et pour remuer le couteau dans la plaie :
les mères marocaines se retrouvent dans l’incapacité d’entreprendre
de telles démarches pour leurs enfants, faute de
pouvoir exercer la tutelle.
Cette nouvelle œuvre se veut différente, tout en continuant
dans la lignée de son travail précédent, critiquant les travers
de la société marocaine. Toutefois, Sonia prend le risque
d’être cataloguée, un risque qu’elle assume pleinement :
« La législation actuelle prive les femmes du droit de solliciter
des documents administratifs officiels pour leurs enfants,
tels que les passeports, les carnets de santé et même les
certificats de scolarité (…) Pour donner vie à ce projet, j’ai fait
DANS CETTE PRODUCTION,
NOUS AVONS ÉTÉ TÉMOINS DE
LA LENTE AGONIE D’UNE FEMME
ABANDONNÉE
Mai 2024 / Maroc
71

REPORTAGE
Chloé, la technicité et
la créativité
La lumière est une composante essentielle de la
cinématographie; celui qui en possède la charge, le
directeur de la photographie (D.O.P.), est une personne
de l’ombre. Chloé Terren, cette femme aux trois yeux
(l’œil physique, l’œil de la caméra et l’œil du cœur)
nous explique, ici, ses choix esthétiques dans « Les
jardins du paradis », le court-métrage tricoté de la
main de Sonia Terrab.
« Je m’inspire toujours de la psychologie des personnages
et de leur évolution pour concevoir l’éclairage. Dans ce
film, notamment lors des séquences où le personnage
principal est en quête pour retrouver son mari, nous avons
largement recouru à des jeux de lumière en silhouette,
privilégiant l’éclairage des fonds et beaucoup moins des
visages, symbolisant ainsi l’effacement du personnage
face au monde extérieur ».
« Par ailleurs, nous avons consacré une réflexion
approfondie à la présence de la caméra, optant finalement
pour un style de tournage presque entièrement à l’épaule,
caractérisé par une instabilité constante. Cette approche
vise à refléter le point de vue de la protagoniste,
constamment plongée dans l’incertitude quant à son
avenir. Progressivement, la caméra se désoriente à mesure
qu’elle se rapproche de la source de son conflit intérieur,
pour ensuite se stabiliser brusquement lorsqu’elle prend
la décision de ne pas se soumettre, et demeurer ainsi
jusqu’à la fin du film. »
« En ce qui concerne la palette, j’ai généralement tendance
à choisir un panel de couleurs restreint de teintes qui
instaure une atmosphère visuelle spécifique, tout en
permettant de créer des contrastes en les faisant varier
pour certaines scènes. Cependant, pour le film de Sonia,
j’ai adopté une approche différente. Elle souhaitait que
les décors soient aussi proches que possible du réel, ce
qui, à mon sens, nécessitait un plus grand fourmillement
et une certaine liberté au niveau des couleurs. »
« À l’exception de quelques éléments, tels que le lieu de
travail qui devrait contraster par sa monochromie par
rapport à l’effervescence
des couleurs du
bidonville, ou encore le
foulard du personnage
qui, d’un beige terne,
évolue vers des tons
plus vibrants selon son
état d’esprit... Et d’autres
éléments similaires,
l’objectif était que ces
changements ne soient
pas très apparents ni
explicites, mais plutôt qu’on le
sente plus qu’on ne le remarque. »●
Chloé
Terren.
appel à Merieme Addou, une productrice de documentaires
exceptionnelle. Ensemble, nous avons mené des recherches
sur le terrain, découvrant ainsi de nombreux récits poignants.
Cependant, nous avons vite réalisé les risques encourus en
exposant ces histoires dans un documentaire, tant pour les
mères que pour les enfants. De fait, nous avons commencé
à douter de la meilleure approche à adopter. C’est alors que,
sur les conseils de ma productrice française Julie Viez, nous
avons choisi de transformer cette enquête en un court-métrage
de fiction. cela a demandé plusieurs mois d’écriture
intensive, en collaboration avec Aurthur Baumann et Léane
Cordel, tous deux producteurs associés à Julie (…) Nous
avons veillé à développer le film dans des conditions échappant
aux contraintes économiques habituelles des courts-métrages
au Maroc pour adopter un cadre similaire à celui d’un
long-métrage ».
Au-delà de ce court-métrage, émergent des questionnements
essentiels : Quel est le nombre de femmes
concernées par cette situation ? Quelles en sont réellement
les raisons sous-jacentes ? Comment parviennent-elles
à faire face à cette réalité ? Envisagent-elles
un quelconque avenir ?
Dans cette production, nous avons été témoins de la
lente agonie d’une femme abandonnée. Il est indéniable
qu’une femme confrontée à un tel abandon puisse rencontrer
des difficultés pour se relever. Par conséquent,
elle pourrait résister avec obstination à l’idée de se venger
de celui qui l’a blessée ainsi que du destin même…
72 Maroc / Mai 2024

« L’histoire est inspirée des témoignages recueillis pendant
mon enquête. J’ai voulu restituer cette vérité en choisissant
des acteurs ayant une expérience personnelle similaire.
Par exemple, Khadija, qui incarne le rôle principal de
Naïma, a elle-même vécu cette situation. La plupart des
femmes ayant un rôle dans ce film ont également été
confrontées à ce problème de tutelle, ainsi qu’à d’autres
problématiques sociales telle que la précarité », explique
Sonia tout en faisant un clin d’œil à Amine : « bien qu’étranger
à ladite situation, cet enfant a su apporter toute sa sensibilité
et sa douceur au personnages d’Ahmed ».
Donner forme aux vérités cachées
La raison se limite à percevoir ce qu’elle voit, mais Sonia,
quant à elle, discerne au-delà de la réalité apparente.
C’est précisément là que réside le délire du cinéma :
capturer la vérité cachée des êtres en filmant ce qui est
visiblement apparent.
Vision humaniste, sensible, curieuse
Séquence 23. Assistée de son assistant Amine Louadani,
Sonia supervise une scène qui sera filmée à l’épaule. Naïma
doit demander un stylo à une écolière qui sort des toilettes
pour signer justement ledit document, mais le stylo ne fonctionne
pas. Une panique s’empare des personnes présentes.
Sonia, contrariée derrière son moniteur de retour
vidéo, demande qu’un stylo noir soit apporté. Après
quelques répétitions, la caméra est prête à tourner lorsque
soudain, un avion passe au-dessus d’eux, attirant l’attention
de tous.
Alors que nous essayions pourtant de nous faire discrets,
les gargouillements de nos estomacs trahissaient notre
présence. À 14 heures, l’équipe se retrouve enfin autour
du buffet installé par la régie dans l’une des classes. Les
discussions vont bon train, entre anecdotes sur les études
du clapman, Jordan El Amrani, à l’ESAV, blagues et questions
sur le choix du repas. Ces instants dévoilent les réalités
cachées de chaque technicien, des réalités cachées
(pardonnez le pléonasme -ndlr) que Sonia s’efforce de
dépister, d’affleurer, et de mettre « en boite ! ».
De retour sur le plateau, la cour de l’école se transforme
en lieu de tournage. Naïma se tient cette fois au milieu
d’une foule excitée de mamans-voisines, observant silencieusement
ce qui l’entoure. Au cours d’un changement
de plan, notre D.O.P. remarque un détail incohérent et la
scène est interrompue pour être reprise : « Zute ! soupire
Chloé. Arrêtez ! La dame ne se tient plus sur ‘’ses marques’’.
On recommence ?! ».
« Ce projet, à mi-chemin entre fiction et documentaire,
explore une esthétique singulière et des choix de mise en
scène audacieux. Je suis ravie d’avoir pu expérimenter
pleinement ma vision artistique et je suis reconnaissante
envers toutes les personnes qui m’ont soutenue dans cette
aventure, en me permettant de réaliser ce projet avec le
plus grand confort possible », se réjouit Sonia.
Après tout, le tournage s’est déroulé dans une ambiance
sereine, avec une cadence de quatre ou cinq séquences
par jour. Prévu pour durer six jours, il doit prendre fin
aujourd’hui.
Ni en retard ni en avance sur leur planning, l’équipe entamera
bientôt les dernières scènes de la journée. « Moteur
demandé. » « Tourne son. » « Action. ».●
Mai 2024 / Maroc
73

INTERVIEW
ANAS EL HATIMI
AU PASSÉ
RECOMPOSÉ
CRÉDIT : ACHRAF KHALIS, 2023
Je ne suis pas
un bohémien
travaillant au
gré de ses
humeurs !
74 Maroc / Mai 2024

CRÉDIT : MAGHREBIAN ART COMPANY, 2020
Imane Bahiji dans The Secret Garden of Tsunami.
Anas El Hatimi était
récemment parmi nous, le
mercredi 28 février, afin de
présenter son œuvre, « The
Secret Garden of Tsunami », au
cinéma Ritz. Une aubaine que
nous avons saisie pour le faire
parler. Il nous a répondu
comme à son habitude, sans
ambages et avec pertinences.
INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA
Quel est le point de départ de The Secret
Garden of Tsunami ?
J’ai commencé à écrire ce film bien avant de
rencontrer Imane Tsunami en 2013. Je me
suis inspiré d’un article de Nouhad Fathi. J’ai
été particulièrement séduit par la façon dont
elle décrivait ce personnage à une époque
où elle n’était pas encore célèbre, mais plutôt
une habituée des soirées privées chez
diverses personnalités, notamment des
artistes, entre Casablanca et Marrakech. À
ce moment-là, j’étais encore étudiant et j’ai
saisi l’opportunité d’un atelier d’écriture pour
les jeunes cinéastes en soumettant mon dossier.
C’est seulement lorsque j’ai été accepté
dans cet atelier que j’ai finalement rencontré
Imane. Le premier contact m’a permis de la
découvrir bien plus qu’une simple chikha.
Imane était une femme exceptionnelle, dotée
d’un mystère qui m’a profondément attiré et
motivé à la filmer au cours des quatre années
qui ont suivi. Avoir l’accès à un monde aussi
peu exploré que celui des chikhates a été
une source de motivation majeure pour la
réalisation de ce film.
Qu’avez-vous souhaité montrer sur la vie
d’Imane ?
Je ne considère pas avoir réalisé un biopic
sur Imane, et l’idée de dépeindre une partie
spécifique de sa vie ne m’a jamais effleuré
l’esprit. Dans le film, même l’approche narrative
est non conventionnelle. Elle balaye d’un
revers de main les traditionnels trois actes.
Au lieu de cela, le film présente des fragments
de vie destinés à transmettre au spectateur
l’énergie vibrante de cette femme, telle que
je la perçois, à travers son art, sa relation avec
sa troupe, sa famille et elle-même... En somme,
l’idée était de capturer l’essence même
d’Imane Tsunami à travers le prisme de ma
propre vision.
LE TERME POÉTIQUE EST SOUVENT
EMPLOYÉ POUR DÉCRIRE MES FILMS.
PERSONNELLEMENT, JE TROUVE QUE
CE TERME EST ASSEZ VAGUE ET NE
REND PAS JUSTICE À LA COMPLEXITÉ
DE MON TRAVAIL
Mai 2024 / Maroc
75

INTERVIEW
La dimension collective est au cœur de
cette œuvre...
Nous avons donc jugé essentiel de la mettre
en avant, ainsi que la hiérarchie qui prévaut
dans le monde des chikhates, que je considère
comme une forme de minorité matriarcale...
Bien que cet aspect soit présent dans le film,
mon intérêt principal en tant que cinéaste était
de présenter Imane en tant qu’individu au sein
de sa troupe. Cependant, une dimension individualiste
émergeait par moments dans le film,
à une ou deux reprises, voire jusqu’à trois fois.
J’ai choisi de filmer et de conserver ces instants
de solitude pour mettre en lumière cette facette
solitaire que peuvent ressentir notamment les
artistes lorsqu’ils se confrontent à la scène.
CRÉDIT : MAGHREBIAN ART COMPANY
Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de cette
réalisation ?
C’est surtout l’importance des arts traditionnels
dans notre société. Ces formes artistiques sont
intrinsèquement liées à notre identité culturelle.
Il est essentiel de leur accorder davantage d’attention
et de continuer à explorer de nouvelles
façons de les présenter dans des contextes
contemporains. En mettant en lumière l’aïta à
travers ce film, je souhaite souligner la pérennité
de cette tradition et son importance dans
notre héritage culturel.
La réalisation de ce film a été rendue possible
en partie grâce à l’existence préalable d’œuvres
telles que le film d’Izza Genini avec Fatna Bent
L’houcine, ou encore Le blues des cheikhats
d’Ali Essafi. Pour être franc, je ne suis pas certain
que j’allais pouvoir entreprendre ce projet
avec Imane si ces films n’avaient pas existé.
Avec mon film, j’ai cherché à présenter ce monde
à travers une vision contemporaine et une
approche adaptée à notre époque. Tous ces
films nous rappellent que ces traditions sont
toujours vivantes et qu’elles évoluent avec le
temps, pour le meilleur ou pour le pire.
Visuellement, de quelle manière avez-vous
pensé le film ?
J’ai conçu le film dans une optique de cinéma
direct. Ce que vous voyez à l’écran reflète ma
propre réalité subjective plutôt que celle de
tous. Il n’y avait ni mise en scène ni dialogues
écrits. Pendant plus d’un an et demi après ma
rencontre avec Imane, je suis resté sans toucher
ma caméra. Les personnes, y compris ellemême
et sa famille, continuaient simplement à
vivre leur vie, et je ne voulais pas les contraindre
à jouer un rôle. Mon objectif était de m’intégrer
dans leur réalité, et ce n’est qu’après avoir trouvé
ma place que j’ai commencé à filmer. Le film a
été conçu pour rendre toute la réalité tangible.
En termes d’esthétique, mes influences principales
viennent du kitsch et de l’univers d’Andy
Imane, alias Tsunami, dans une scène du film.
Warhol, entre autres. Mes références ne se
limitent pas au cinéma. Vous remarquerez que
dans le film, l’image n’est pas nécessairement
prédominante. Le son est privilégié, suivi de la
narration (par le biais de la voix off que vous
entendez), et enfin vient l’image. Les glitchs, les
saturations d’image et les tremblements font
partie intégrante de la direction artistique que
j’avais prévue, ajoutant une dimension particulière
à l’esthétique du film.
Comment avez-vous dirigé l’ensemble pour
obtenir une certaine alchimie ?
J’ai adopté une approche très méthodique
dans mon travail. Malgré ce que l’on pourrait
penser en regardant mes films, je ne suis pas
un bohémien travaillant au gré de ses humeurs
! Mon processus de création se divise en trois
étapes distinctes : tout d’abord, il y a une phase
préalable au tournage qui consiste en une
immersion profonde dans le sujet, une étape
qui peut s’étendre sur environ un an et demi.
Ensuite, vient la période de tournage, et enfin,
la post-production. Pendant ces différentes
phases, je rédige ce que l’on pourrait appeler
une « bible ». C’est un document où je
consigne minutieusement tous les aspects du
film, que ce soit l’esthétique de l’image, le son,
et bien plus encore. Tout est planifié avec une
grande attention aux détails ! Bien que je
conserve cette bible pour moi-même, je donne
des instructions très précises à chaque
membre de l’équipe. C’est ainsi que je parviens
à réaliser mes films avec l’harmonie et
la cohérence que vous avez pu observer
Considérez-vous ce film comme purement
poétique ?
Le terme poétique est souvent employé pour
décrire mes films. Personnellement, je trouve
que ce terme est assez vague et ne rend pas
justice à la complexité de mon travail. Reda Benjelloun,
le directeur des magazines de l’information
et des documentaires, a, à mon avis,
trouvé une description plus précise du film en
le qualifiant de «film d’auteur populaire». C’est
une appellation qui semble mieux refléter l’essence
et la portée de mon œuvre.
L’atmosphère du tournage...
Très immersive ! À un moment donné, nous
avons tous ressenti que nous faisions partie
intégrante de leur monde, et non pas simplement
en train de participer à un tournage.
C’était comme si nous étions témoins d’un
instant authentique de la vie. À cet instant
précis, la réalité prévalait sur le fait qu’elle
était filmée. C’est ce qui rend le cinéma direct
si particulier et si exceptionnel : il capture la
vie telle qu’elle est, sans artifice ni mise en
scène, et cela crée une connexion profonde
entre le spectateur et les sujets filmés.●
76 Maroc / Mai 2024

DOSSIER
LES AUDACES
DE LA NOUVELLE
COMÉDIE
MAROCAINE
De la mièvrerie, une dose de bons sentiments, une pincée de guimauve, tels étaient
les ingrédients qui composaient une comédie marocaine, jusqu’à ce qu’une poignée
de jeunes loups ruent dans les brancards pour faire valoir une perception aussi novatrice
qu’audacieuse. Il en résulta une floraison d’œuvres que le public trouva à son goût,
consacrant ainsi le renouveau de la comédie marocaine. Renouveau dont nous vous
entretiendrons dans ces modestes pages, parce qu’il mérite largement que l’on s’y attarde.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Des scènes, répliques,
et situations
quotidiennes sont
représentées, dans Les
bandits, de manière à
nous immerger dans la
réalité.
La mutation profonde est marquée
notamment par l’affranchissement des
contraintes, à la fois formelles et thématiques,
dans lesquelles la comédie marocaine
était enserrée. Du reste, le carcan était
tellement lourd qu’il a fallu de multiples
années pour s’en défaire tant soit peu.
CRÉDIT : STEEVEN DISTRIBUTION
Le cinéma marocain allait cahin-caha, il va
mieux que bien. On efface d’un trait rageur
les années d’amertume ressassée. On se
polarise sur les indices du redressement
prometteur de lendemains enchanteurs. De
fait, les deux dernières décennies ont produit
une impression qui invite à l’optimisme.
Une kyrielle de long métrages commis,
émergence de jeunes cinéastes pétris de
talent (Mahmoud Frites, Brahim Chkiri, Driss
Mrini, Taha Mohamed Ibn Slimane, Rabii
Chajid, Hicham Regragui, Hicham Jebbari,
Doha Moustaquim), surgissement d’une nouvelle
génération d’acteurs promis à une
flamboyante popularité (Aziz Dadas, Rafik
boubker, Majdouline Idrissi, Dounia Bou-
78 Maroc / Mai 2024

Aziz Saâdallah,
dans une scène
de Number One.
tazout, Soukaina Darabil, Rajaa Latifine, Ilham
Ouaziz, Wisal Perez, Rachid Rafik, Talis,
Mohamed Bassou). Et surtout de singuliers
« essais ».
Naciri pour le meilleur et pour le rire
A commencer par la rutilante fantaisie Les
bandits, signée par l’étonnant Said Naciri et
portée haut par lui-même. Ensuite,
Ex-chamkar tricoté de la main de Mahmoud
Frites. On ne manquera pas de désigner
Number One, la fable rafraîchissante inventée
par Zakia Tahiri. Mais Les bandits d’abord,
Les bandits évidemment, qui, depuis son
entrée sur scène, avait bloqué le baromètre
de l’humeur cinéphile sur un beau fixe à juste
raison unanimiste. Plus de 500 000 spectateurs
happés par cet opus au fil duquel Said
Naciri étale son obstination radicale à réinventer
la comédie marocaine.
Said Naciri a fait ses débuts au cinéma après
avoir forgé sa carrière sur scène, dans le
théâtre et principalement dans le one man
show. Fort de sa longue expérience sur les
planches, il a investi le septième art où ses
films ont immédiatement rencontré un franc
succès auprès du public. Son apogée est
symbolisé par Les bandits, qui a dominé le
box-office en 2004 et 2005. Ses autres réalisations
telles que Abdou chez les Almohades
(2006) – une sorte de remake marocain
de Les visiteurs -, Le clandestin (2010),
Un Marocain à Paris (2011), Sara (2013) et
son dernier film, Nayda (un remake marocain
du film Le terroriste dans lequel joue
Adel Imam), maintiennent la lignée de succès
de Naciri. Avec ce dernier opus, il
demeure fidèle à sa formule éprouvée qui a
assuré le triomphe de ses films. Bien qu’Un
Marocain à Paris n’ait pas été un échec retentissant,
il n’a pas atteint le même niveau de
succès que ses autres œuvres phares.
Les films de Naciri présentent une structure
narrative similaire, mettant en scène un protagoniste
confronté aux défis découlant des
rapports sociaux prédominants. Ces comédies
sont ancrées dans la réalité sociale et
abordent des thèmes profondément enracinés
dans la vie quotidienne, avec les personnages
principaux généralement du côté
des classes populaires.
CRÉDIT : CÔTÉ DISTRIBUTION
UN CINÉMA DIFFÉRENT, OÙ IL Y A DU
COMIQUE DE SITUATIONS, DU GAG VISUEL,
DU RYTHME, DU MOUVEMENT,
DE L’ACTION ET DE L’AMOUR
Le héros de Les bandits vient d’un bidonville
avant de réussir socialement, celui du Clandestin
est un transporteur vivant dans l’informel,
celui de Sara est un ancien détenu
se livrant à de petites combines, et celui de
Nayda provient d’un milieu défavorisé et se
retrouve malgré lui impliqué dans un acte
terroriste à Casablanca avec deux autres
personnages. La trame narrative de ces films
reflète la définition même de la comédie, qui
consiste à divertir en mettant en lumière les
travers, les us et coutumes parfois dépravés
de la société.
Nouveau souffle
Des œuvres et des raisons circonstanciées
pour observer un frémissement qui passe
agréablement dans notre cinéma. Frémissement.
Le mot paraissait faible. Emportée
par l’euphorie, la critique ne cessait de
célébrer sur l’air des lampions, le renouvellement
esthétique et la soudaine jouvence
de notre cinématographie nationale.
Un cinéma différent, où il y a du comique
de situations, du gag visuel, du rythme, du
mouvement, de l’action et de l’amour. A
seule fin de changer les spectateurs de ce
qu’il a l’habitude de rencontrer dans les
films marocains : lenteur, nonchalance, longueur.
Le public se tourne vers ces films qui
mettent en scène son quotidien, évoquent
son vécu, font cas de ses soucis et de ses
préoccupations, parlent sa langue… Le tout
livré avec cocasserie et ironie. Maria, fringante
avocate et cinéphile invétérée à ses
heures perdues ne manque pas une seule
comédie : « J’y suis accro, parce que je m’y
retrouve. Ces films, pour la plupart, nous
renvoient le reflet de notre société et ne
nous présentent pas des héros parfaits,
mais des personnages réalistes, ancrés
dans la vie ».
Mai 2024 / Maroc
79

DOSSIER
CRÉDIT : FREEMONKEYS
CRÉDIT : IMAGE FACTORY
Aziz Dadas et Younes
Bouab dans le film
Road to Kabul.
Prémices encourageantes
Said Naciri est le porte-drapeau d’une relève
dont l’absence fut longtemps la maladie
endémique de la comédie sur grand écran.
Pourtant, révélée grâce à Zeft de Tayeb Saddiki,
À la recherche du mari de ma femme
de Mohamed Abderrahman, ou encore Lalla
hobby de Noureddine Sail, pour n’en citer
que quelques-unes, ces diamants de la plus
belle eau tardèrent, pourtant, à sauter le
pas, au point qu’on les enterra. Perceptiblement
tant et tant de « pourtant », et pourtant…
A tort. C’est Said Naciri qui, le premier,
mit le pied à l’étrier en fréquentant
subtilement Les bandits.
Mahmoud Frites lui emboita le pas, avec son
sulfureux Ex-Shamkar. Il s’est écoulé beaucoup
d’eau sous les ponts avant que Brahim
Chkiri ne vînt armé du fantastique Road To
Kabul, le premier film du monde arabe à utiliser
la technologie d’images de synthèse.
Sorti en 2012, il a dominé le box-office marocain,
passant en première position en 2012,
en troisième en 2013, et en deuxième en
2014, ce qui en fait l’un des films les plus
acclamés du pays. Quant à Abdellah Toukouna
(Ferkous), il a obtenu la première place
du box-office marocain en 2015 avec Le coq,
attirant 100 000 spectateurs. Quelques mois
plus tard, Driss Mrini donna le premier tour
de manivelle à son long métrage, intitulé Lahnech.
Brahim Chkiri a réalisé Massood Saida
et Saadan, un film qui a attiré 200 000 spectateurs
et a connu quinze semaines de succès
ininterrompu avant que Taha Mohamed
Ibn Slimane ne franchisse Cambodia.
CRÉDIT : ZORO LIGHT
Salah Ben Salah et Rafik Boubker
dans le film Cambodia.
80 Maroc / Mai 2024

CRÉDIT : CONCEPT MENA
De gauche à droite : Majdouline Idrissi, Jamila El Haouni, Rafik
Boubker et Ibtissam Laaroussi sur l’affiche du film Dados.
Et puis, comment ne pas mentionner 30
Melyoun, concocté par Rabii Chajid, Green Card,
de Hicham Regragui, Al Ikhwane, de Mohamed
Amine Al Ahmar, Dados (Rabii Chajid) et Hollywood
Smile (Ali Tahiri) qui ont rencontré un
franc succès au box-office marocain ?
La maîtresse d’œuvre de Bye bye la France,
Doha Moustaquim, est une de ces jeunes qui,
malgré leur sourire à pleines voiles, ont les dents
longues, mais la tête sur les épaules. Elle n’a
pas foncé tête baissée dans la réalisation de
ce long-métrage, malgré qu’elle y eût le risque
d’y laisser des plumes. Lorsqu’une aubaine s’est
présentée, elle l’a saisie avec la fougue carac-
IL S’EST
ÉCOULÉ
BEAUCOUP D’EAU
SOUS LES PONTS
AVANT QUE
BRAHIM CHKIRI NE
VÎNT ARMÉ DU
FANTASTIQUE
ROAD TO KABUL
CRÉDIT : GO! PROD
Driss Chalouh, Karima Gouit, Ibtissam
Tiskat et Mehdi Azekri dans 30 melyoun.
Mai 2024 / Maroc
81

DOSSIER
CRÉDIT : SPECTOP CRÉDIT : CHAOUI PRODUCTION
CRÉDIT : HI PROD
Aziz Dadas et Kalila Bounaylat dans le road movie Masood Saida et Saadan.
Said Naciri dans le film Nayda.
CRÉDIT : NOUR FILM STUDIOS
Rafik Boubker, Nasser Akabab et Tarik Bakhari dans Bye Bye La France.
De gauche à droite : Dounia Boutazout, Majdouline Idrissi et Soukaina Darabil dans le film
Ana machi ana.
téristique des êtres impatients de percer. Un
coup d’essai, coup de maître. C’est dire qu’elle
était à mesure d’aborder, sans risque de boire
la tasse, les rivages du cinéma.
Enfin, Nayda de Said Naciri et Ana machi ana,
réalisé par Hicham Jebbari, ont intégré le top
10 marocain et sont restés à l’affiche plus que
10 semaines. Ces films comiques attirent un
large public vers les cinémas grâce à l’appréciation
des acteurs et actrices. Leur nature hilarante
et sociale contribue à maintenir l’intérêt
des spectateurs, assurant ainsi leur présence
continue dans les salles obscures depuis leur
sortie en salles en 2023.
Résumons-nous. Quand bien même elle aurait
les dents longues, la jeune garde n’entendrait
pas croquer les vieux briscards sur son passage.
Ceux-ci ne comptent pas décrocher et ils
ne font pas encore figure de reliques respectables.
Ils tiennent toujours la barre et les jeunes
ne leur disputent pas ce rang. Ce qu’ils désirent,
c’est tout juste apporter un nouveau souffle.
Notre comédie en a besoin. Bon vent !●
82 Maroc / Mai 2024

ZOOM SUR UNE SALLE
LE LUTETIA, UNE
BOUFFÉE D’OXYGÈNE
POUR LE CINÉMA
INDÉPENDANT
Grâce à deux passionnés du cinéma, Karim et sa fille Lamia
Bengelloun, le Lutetia s’est réinventé préservant son charme
d’antan et son architecture art déco rehaussée. Il est
aujourd’hui le lieu de rencontre par excellence des cinéphiles
casaouis et un joyau architectural et culturel au coeur battant
de la ville de Casablanca.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTO : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
84 Maroc / Mai 2024

À
l’origine détenu par des Français qui
ont quitté le Maroc après la déclaration
d’indépendance, le cinéma Lutetia
a été inauguré au début des années 50.
Il a ensuite été repris dans les années 60 par
le père de l’actuel gérant Karim Bengelloun
et grand-père de la programmatrice Lamia
Bengelloun, qui en était l’un des actionnaires.
Le cinéma s’est distingué dès son inauguration
par une programmation de qualité qui
attire un public de cinéphiles et n’a jamais
cessé son activité. Il a toutefois enregistré
une perte progressive d’appétence du public
à partir de la fin des années 1990, à l’instar
des autres cinémas indépendants du royaume.
A l’approche des années 2000, un grand
nombre de salles a définitivement mis la clé
sous le paillasson, en raison d’une désaffection
drastique du public et par conséquent
d’une chute des recettes. C’est dans ce
contexte que Karim Bengelloun a pris les
manettes du cinéma Lutetia et a décidé de la
rénover. Un projet audacieux et un défi relevé
avec brio par Lamia et Karim Bengelloun.
Avec un coup de pouce du Centre cinématographique
marocain (CCM) qui a octroyé
une aide à la salle de cinéma pour rénovation
et numérisation, le duo investit une partie
de son fonds propre et l’intégralité de son
énergie dans les travaux qui dureront un an.
« La rénovation fut extrêmement difficile.
Avec des sièges importés d’Espagne, un
écran motorisé venu de Belgique, une refonte
complète de la salle, l’agrandissement de la
scène, et un budget néanmoins limité, coordonner
l’ensemble a été un réel défi. Les travaux
ont pris un an entre les différents allers-retours,
mais nous sommes finalement satisfaits du résultat
», nous a confié Lamia Bengelloun.
La salle est maintenant parée d’équipements
modernes mais l’âme du Lutetia est préservée.
Le cinéma comprend une seule et grande salle
avec un orchestre au rez-de-chaussée et un
balcon à l’étage. Au total 750 fauteuils sont mis
à disposition des spectateurs qui pourront regarder
les films projetés avec une résolution 4K et
un système audio 5.1. Le sol a conservé sa belle
mosaïque d’origine, et des fauteuils en simili
cuir rouge ont remplacé les vieux sièges bleus.
Par ailleurs, une buvette a été aménagée au
premier étage, devant les portes du balcon pour
que les clients puissent acheter des boissons
et sucreries avant la projection ou se retrouver
après et débattre du film.
Si le cinéma dit « d’auteur », ou d’« art et
essai », serait coupable de ne pas divertir
le grand public, il est à l’honneur au Lutetia.
« En général, j’oriente mes choix vers le
cinéma d’auteur, en cherchant vraiment à
programmer des films qui me plaisent ou
qui pourraient me plaire, des films que j’aurais
moi-même choisi d’aller voir au cinéma.
Je m’efforce aussi de diversifier les genres
et types de films ».
Au Lutetia, Lamia Bengelloun propose également
des films commerciaux et des films
pour le jeune public, tous diffusés en version
originale sous-titrée et en moyenne
pendant deux semaines, afin d’assurer une
programmation diversifiée. Le prix d’entrée
est à 20 dirhams pour une place à l’orchestre
et de 30 dirhams au balcon.●
Mai 2024 / Maroc
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ZOOM SUR UNE SALLE
Si la nouvelle salle du Lutétia est parée d’équipements modernes, elle qui
préserve avant tout son âme.
L’entrée du cinéma Lutétia, situé au cœur de la métropole.
86 Maroc / Mai 2024

La cafétéria du cinéma fabrique à pop-corn et bar à boissons.
Mai 2024 / Maroc
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ZOOM SUR UNE SALLE
88 Maroc / Mai 2024

La cafétéria du cinéma fabrique à pop-corn et bar à boissons.
Mai 2024 / Maroc
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UNE SALLE, UNE HISTOIRE
CINÉMA EDEN, PIONNIER
ÉPHÉMÈRE DU 7ÈME
ART À MARRAKECH
Surnommée par les Marrakchis “Kanaria”, le
cinéma Eden est le premier de la ville ocre et à
l’instar du cinéma Boujloud de Fès, l’un des
premiers cinémas marocains destinés à un
public arabe. Face à la crise du cinéma en salle,
Eden baisse malgré lui son rideau en 2009 suite
à une mort à petit feu. Muré depuis, il aurait
presque vécu 100 ans.
PAR SALMA HAMRI
En 1913, une année après le Protectorat
français, M.Leuthardt, un exploitant et
organisateur de spectacles expérimenté
venu d’Alger, décide d’investir au Maroc. Il
crée le cinéma Eden au cœur de la médina à
l’intention d’un public européen concentré à
l’époque dans le quartier de Riad Zitoun El
Jdid à Marrakech.
La Première Guerre mondiale l’oblige à
confier son cinéma à M. Maheu, le propriétaire
du Café Glacier de Jemaa El Fna
qui décide pour sa part de se tourner
vers un public marocain faisant
de cet espace l’un des premiers
cinémas du royaume destiné à un
public arabe.
Le cinéma Eden est aussi l’une des premières
salles de cinéma plein air des années
30 au Maroc, nous apprend Tarik Mounim, le
président fondateur de l’Association « Sauvons
les salles de cinéma au Maroc ». L’Eden
était composé de deux cinémas plein air et
d’une salle couverte de 250 places comprenant
l’orchestre avec ses sièges en bois et
un balcon avec des sièges plus confortables.
La salle «était très connue durant des années
pour avoir diffusé des films indiens mais on
raconte que pendant la seconde guerre, l’armée
allemande l’utilisait pour faire sa propagande»,
confie Tarik Mounim.
L’Eden était en avance sur son temps et un
trésor culturel qui s’est vite fait connaître à
l’international. La revue de cinéma hebdomadaire
Mon Ciné, publiée de 1922 à 1937 en
France, lui a d’ailleurs consacré un article en
1927 dans le numéro du 2 juin. L’artiste peintre
90 Maroc / Mai 2024

UNE FAÇADE ORNÉE D’AFFICHES
DÉCOLORÉES ET DES SIÈGES DÉCOLLÉS,
CASSÉS ET ÉPARPILLÉS, C’EST CE QUI
RESTE AUJOURD’HUI DU CINÉMA EDEN
Louis Favre décrit le cinéma
Eden dans le numéro du 2
juin 1927 du magazine
français mon Ciné.
« Et, bien souvent, je fus témoin d’un événement
fort curieux. Pour marquer sa joie, sa
satisfaction pour le dénouement d’un film
mouvementé à souhait, toute la salle (public
marocain) applaudit… applaudit, mais d’une
façon étrange, pittoresque. Tout d’abord un
seul claquement sec des mains avec un
ensemble quasi mécanique puis un deuxième
claquement des mains après un temps, puis
un troisième après un temps moins long et
ainsi toujours en précipitant la cadence (à la
façon d’un train qui s’ébranle pour finalement
arriver à pleine vitesse). L’effet est prodigieux,
indescriptible, tant l’ensemble était parfait ».
Dans les années 1960-1970, le cinéma tombe
en désuétude et devient un lieu de projection
pour films hindous et de karaté, puis en
2009, le mythique cinéma Eden est contraint
de mettre la clé sous la porte.●
français Louis Favre y décrit avec beaucoup
d’enthousiasme la salle de cinéma et son
public qui ne cesse d’attiser sa curiosité.
Le cinéma Eden était constitué de deux salles,
une pour l’hiver et une pour l’été, avec des
loges en bambou et un écran peint sur le mur,
nous apprend-il. On y diffusait deux programmes
par semaine : un arabe et un européen,
et son propriétaire faisait de la publicité
sur de petites voitures qu’on poussait
dans les rues étroites de la médina.
Louis Favre consacre son séjour au Maroc à
l’étude des réactions produites sur le public
marocain par le cinéma. «Les Marocains
adorent le cinéma», s’exclame-t-il, comme si
c’était inconcevable de voir des «indigènes»
s’approprier un «plaisir européen» qui présente
en plus une barrière linguistique.
L’engouement des Marocains pour le cinéma
est palpable. « Le vendredi, on se bat aux guichets,
aux portes. Le Marocain est passionné
de cinéma et le nom de Douglas ou celui de
Rio Jim vient plus souvent sur les lèvres des
jeunes marocains, certes que celui du Pacha
ou même du Sultan », raconte-t-il.
Une fois dans la salle de cinéma, le public est
emporté par les retournements inattendus et
les moments de triomphe. L’audience est
absorbée. Entre exclamations étouffées et
murmures, les émotions fluctuent au gré des
péripéties, mais ce sont les applaudissements
de spectateurs qui fascinent Louis Favre.
Louis Favre décrit le cinéma Eden dans le numéro du 2 juin
1927 du magazine français mon Ciné.
Mai 2024 / Maroc
91

STREAMING/VOD
THE GENTLEMEN
GUY RITCHIE SE DÉCHAINE SUR 8 ÉPISODES
Bonne nouvelle pour les fans de Guy
Ritchie qui pourront à partir du 7 mars
2024 sur Netflix, replonger dans l’univers
culte du film The Gentlemen,
dans un spin-off de huit épisodes du
même réalisateur.
La plateforme de streaming a dévoilé
les premières images de The Gentlemen.
La série raconte dans une ambiance très
anglaise, les tribulations d’Eddie Horniman
AHLAM BANAT
UNE SAISON 2 PRÉVUE POUR RAMADAN
Le feuilleton Ahlam Banat (Rêves de jeunes filles) revient pour une saison 2, disponible
sur la plateforme Shahid pendant le mois de Ramadan, en même temps que
sa programmation sur la
chaîne MBC5.
La série nous plonge dans l’univers
de trois femmes réunies
sous un même toit dans le centreville
de la capitale (Salwa
Zarhane, Sandia Tajeddine et
Hanan Lakhdar). Si elles
partagent tout et se lient d’une
forte amitié, chacune d’elles
cache un secret qui crée un
effet suspens autour duquel la
série est tissée.
Chapeautée par Ali Mejboud,
la saison 1 de ce drame social
a drainé un grand taux d’audience.
C’est donc forte de cette
popularité que la série reviendra
pour une saison 2 et accompagnera
les nuits ramadanesques
des spectateurs sur 30 épisodes
de 40 minutes chacun.●
(incarné par Theo James) un jeune et
riche aristocrate britannique qui hérite
de son père la plus grande ferme de
cannabis d’Europe, ce qui va l’enfoncer
dans le monde du crime organisé.
Au casting de cette série à l’intrigue
haletante et aux personnages charismatiques,
on retrouvera Theo James, Kaya
Scodelario, Joely Richardson, Vinnie
Jones, Daniel Ings , etc …●
OURIKA
LE THRILLER MUSCLÉ
DE BOOBA
Ourika, la nouvelle série française co- créée
par Booba, débarque sur la plateforme Prime
vidéo en mars 2024 et devrait s’étendre selon
le rappeur, sur « plus ou moins quatre saisons
». La bande-annonce de ce « western urbain »,
inspiré des émeutes de 2005 qui ont secoué
les banlieues françaises, vient d’être révélée.
Ourika se dévoile à travers de premières images
explosives et prometteuses où drogues, affrontements
avec les forces de l’ordre et règlements
de comptes dans un cité française plantent le
décor … Les quartiers de banlieue s’embrasent
et la tension est à son comble. Au casting
d’Ourika, les acteurs Noham Edje Adam Bessa,
Salim Kechiouche Max Gomis, Sawsan Abès…
et Booba qui fera ses premiers pas en tant
qu’acteur, dans un rôle secondaire.
Le thriller raconte l’histoire de la famille Jebli
qui règne en maître sur le trafic de cannabis,
jusqu’au jour où elle voit son commerce s’effondrer
à la suite d’une opération des stups.
Driss, le plus jeune de la famille, est contraint
de reprendre l’affaire familiale alors qu’il se
destinait à une carrière dans la finance. En plein
ascension, il devra faire face à William un flic de
quartier débutant et ambitieux, déterminé à
mettre fin aux réseaux de trafic de cannabis.●
92 Maroc / Mai 2024

LIRE, VOIR ET ÉCOUTER
CLIP
3ADI JIDAN
LIVRE
LE CINÉMA AMAZIGH/
BERBÈRE ET LES
AUTRES MÉDIAS
Le livre « Le cinéma amazigh/berbère et les
autres médias », dirigé par Amar Ameziane et
Daniela Merolla, explore les liens entre le cinéma
amazigh et d’autres médias comme la télévision
et l’Internet. Il met en lumière l’influence de ces
médias sur la technique et les sujets cinématographiques
en amazigh, ainsi que l’émergence
de nouveaux thèmes grâce à l’intertextualité
médiatique. À travers une série d’articles, cet
ouvrage analyse également la réception de ces
nouveaux thèmes et films. En se penchant sur
ces interactions médiatiques souvent négligées,
cet ouvrage offre une perspective enrichissante
sur la production cinématographique amazigh/
berbère contemporaine.●
Le dernier clip de Dada, intitulé 3adi Jidan
et produit par YAN, est une ode à la vie,
à l’amour et à la persévérance. Lancé sur
la plateforme YouTube le 23 février 2024,
le clip a rapidement grimpé dans les
tendances musicales, se hissant à la 8 ème
place. Réalisé par Doha Moustaquim
(la maîtresse d’œuvre de Bye bye la France),
ce clip offre une expérience visuelle captivante
qui accompagne parfaitement
la musique.
Le clip adopte un ton dynamique et contemplatif,
alternant entre des séquences de
rythme rapide et d’autres plus lentes. Ces
variations de rythme contribuent à exprimer
toute la gamme des émotions évoquées
dans la chanson, allant de l’excitation à la
réflexion. La réalisation de Doha Moustaquim
offre une esthétique visuelle saisissante,
capturant avec talent les moments
de la vie quotidienne tout en les imprégnant
d’une touche de poésie et de profondeur.
3adi Jidan de Dada est une réussite tant
sur le plan musical que visuel. Il offre une
expérience cinématographique immersive
qui invite les spectateurs à réfléchir sur
les défis et les beautés de la vie, tout en
célébrant la persévérance et la joie de vivre.●
* « Le cinéma amazigh/berbère et les autres
médias », collectif sous la direction d’Amar
Ameziane et Daniela Merolla, L’harmattan,
2024 (11 janvier 2024), 232 p., 24 €.
PROJECTION
DIMA PUNK
Le dimanche 25 février, l’American Arts Center
projette, dans le cadre de sa série Filmmaker
Spotlight, le documentaire réalisé par Dominque
Caubet. Dima Punk raconte l’histoire de Stof,
qui est devenu punk à l’âge de 14 ans en
2006, près de 40 ans après la mort de Sid
Vicious, et tente de maintenir son identité
punk plus de dix ans plus tard. Le film suit
Stof depuis 2010, de l’âge de 17 à 26 ans, à
travers les quartiers populaires de Casablanca.
Entre ironie et autodérision, Stof nous emmène
dans son monde décalé : des concerts punk
à la monotonie de sa vie quotidienne, en
passant par ses retrouvailles joyeuses avec
des amis perdus depuis longtemps. De l’insouciance
de la jeunesse aux moments plus
sombres de solitude, Stof poursuit sa quête
de liberté avec fierté et dignité. Cependant,
son indépendance a un prix élevé lorsqu’il
se retrouve arrêté.●
94 Maroc / Mai 2024

FINAL
CUT
SAMI FEKKAK
Sami Fekkak, l’acteur francomarocain
réputé pour son rôle
dans la web-série « Switchers »,
prochainement en salles de
cinéma aux côtés de Liam
Hemsworth et Laura Dern.
CRÉDIT PHOTO : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Pitch nous ton dernier projet
C’est Taxi, c’est un film hollandais sur les
barons de la drogue en Hollande et au Maroc
et comment ils font passer de la drogue de
part et d’autre de la frontière et mon rôle
était le propriétaire d’un beach club, un des
meilleurs potes du personnage principal,
quelqu’un qui le connaissait depuis longtemps
et qui blanchit son argent grâce à ce
beach club. Ce qui est intéressant avec ce
projet, c’est qu’ils ont déjà 6 saisons de série
et chaque fin de saison il y a un film sur un
personnage en particulier.
Ton plus beau souvenir de ta carrière ?
C’était un rôle avec deux grandes stars
américaines, Liam Hemsworth et Laura
Dern. Le film s’appelle Lonely Planet,
il sortira bientôt sur Netflix. J’ai
passé une audition et c’était un
coach qui s’occupait du casting
parce qu’avec ce rôle en particulier,
ils ne savaient pas qui
prendre. Et là, j’arrive devant lui
et il est juste tombé amoureux
de moi. Il avait un contact direct
avec la réalisatrice Susannah
Grant et le soir même, il m’appelle
et il me dit : « Félicitations
Sami, tu l’as. » C’était un moment
incroyable, j’attends avec impatience
que le projet sorte.
Préfères-tu jouer dans des séries
plutôt que dans des films ?
Je préfère quand je fais des films
parce que tu construis plus ton personnage
que dans une série. Dans une
série, tout va vite et c’est moins artistique
parce que tu travailles sous la pression.
On me voit dans des séries plus que dans
des films parce qu’il y a beaucoup de films
que j’ai tournés qui ne sont pas encore sortis,
dont un thriller où j’ai partagé l’écran avec
Salwa Zarhane, c’était Jamal Belmejdoub le
réalisateur. Il y en a un autre qui va sortir aussi
qui s’appelle The Wound, avec Taha Benghalem
et Seloua El Gouni.
Quel est ton film préféré de tous les
temps ?
Le Comte de Monte-Cristo avec Guy Pearce
dedans, parce que c’est un livre que j’avais
lu quand j’étais au collège et quand je l’ai vu,
tout ce que j’avais lu, je l’ai vu et j’ai adoré
ça parce que l’histoire est juste incroyable.
Je pense que tout le monde devrait
le regarder parce qu’il y a énormément
de messages à l’intérieur,
comment est-ce qu’il faut faire
attention à ses amis, ses ennemis
on les connaît et on n’a pas forcément
peur d’eux parce qu’on a déjà
trois coups d’avance sur eux, alors que ses
amis, on est familier avec la confiance, et ce
film-là, c’est un film de vengeance.
Le dernier film que tu as vu ?
Le dernier film que j’ai vu, c’est Bye Bye La
France, parce que j’aime bien regarder les
films marocains et j’essaie de les cibler, parce
que je vois les réalisateurs, et j’ai déjà travaillé
avec Doha Moustaquim, elle est super
talentueuse, et elle accepte toutes tes propositions.
Elle les étudie dans sa tête en
moins de 10 secondes et elle te dit : « Allez,
on fait ». Et je savais que Nasser Akabab
jouait dans ce film, et je voulais trop le voir
jouer, parce que c’est un ami à moi, je l’adore
et il est juste phénoménal.
La dernière fois que tu as pleuré devant un
film ?
En 2019, il y avait un film qui est sorti sur
Netflix qui était incroyable, c’était un film turc
Miracle in Cell No. 7. C’était un autiste qu’on
enferme parce qu’on l’accuse à tort d’avoir
tué une fille alors qu’il voulait juste la sauver.
Il était juste incroyable et je ne pouvais
pas, en fait, j’avais les larmes aux yeux en
plus je n’avais pas de mouchoir, c’était
quelque chose. J’ai beaucoup, beaucoup
pleuré durant ce film.
La dernière fois que tu as été déçu d’un
film ?
C’était hier, mon cousin m’a dit : « il y a un film
qui est sympathique, il s’appelle Solo, c’est un
film espagnol, c’est un peu comme Cast Away
avec Tom Hanks… » Mais non en fait, c’était un
surfeur qui s’est accroché à une falaise et qui
est tombé, mais le film était trop lent, il était lent
à la détente, les 20 premières minutes, 30
premières minutes étaient trop lentes, et je
n’avais pas envie de voir un truc comme ça,
même pendant l’action on voyait que la tête
du gars qui est en train de faire des grimaces,
vraiment à ne pas voir du tout.
La dernière fois que tu as ri au cinéma ?
C’était un film que mon pote Salim Benmoussa
m’a montré, c’est un film français et le réalisateur
c’était le fils de François Hollande avec
Nassim Lyes, c’était Nouveaux Riches. C’était
trop marrant et moi j’arrivais même plus à respirer,
Salim et moi, on était explosés de rire, on
n’arrivait pas en fait à respirer et je recommande
ce film, j’invite tout le monde à le regarder.
Quels sont tes projets futurs ?
Il y a une docu-série sur Netflix qui est sortie
et qui s’appelle Testament: The Story of
Moses. J’y ai joué le général de guerre de
Moïse qui s’appelle Joshua. Après, il y a
d’autres projets qui vont sortir mais ça, c’est
le plus récent.●
96 Maroc / Mai 2024

LE CLAP DE AICHA AKALAY
QUAND LES FEMMES
SONT À LA MAISON
Traiter d’inceste sur petit écran, à
l’heure où toutes les familles marocaines
se retrouvent après la rupture
du jeune, était osé. Le nom de la
série, Dar Nsa (la maison des femmes)
promettait en plus, un regard féminin sur
le sujet. La recette de la réalisatrice Samia
Akariou, aurait pu être alléchante pour
ceux, peu nombreux dit-on, qui aimeraient
que la société marocaine aborde
plus facilement et ouvertement les sujets
tabous. Les ingrédients n’auraient présenté
aucun attrait pour la masse conservatrice,
que l’on caricature par sa propension
à vociférer. Dar Nsa met d’accord
plus de 10 millions de Marocaines et
Marocains, enregistre des pics à plus
40% de taux d’audience, et il est là, le
principal sujet. Une série marocaine,
écrite par des artistes marocaines, produite
par une entreprise nationale, bénéficiant
d’un budget d’une chaine publique,
racontant la vie comme elle va, valorisant
un dialecte national – sa musicalité
et l’imaginaire qu’il convoque-, sous la
lumière de Tanger, l’une des plus belles
villes au monde, et une audience au rendez-vous.
Ce maillage de créativité,
savoir-faire, courage, travail et service
IL EST POSSIBLE ET MÊME
SOUHAITABLE DE TOUT SE DIRE,
QUAND ON A À CŒUR DE TISSER DU
SENS COMMUN
public de divertissement, qui permet à
une série populaire de rencontrer son
public ne doit rien au hasard, mais tout
à un effort collectif. Cet effort industriel
est à saluer.
Sur le fond, Dar Nsa fait une démonstration
importante : traiter d’inceste, de viol,
d’adultère, de sexe hors mariage, de
drogue… n’a pas pour corollaire de choquer
les Marocains dans leur pudeur,
valeur ô combien négligée. Rien n’est
éludé, mais les sujets sont finement abordés.
Il est possible et même souhaitable
de tout se dire, quand on a à cœur de tisser
du sens commun. La philosophe belge
Isabelle Stengers, expliquait au micro de
la journaliste française Laure Adler que
ce sens commun, c’est l’imagination qui
permet à tout un chacun de comprendre
que l’autre pense autrement. En s’intéressant
à la multiplicité, sans chercher à imposer
sa vision du monde ou ses valeurs,
ceux qui s’expriment puis s’écoutent ont
le bonheur et la fierté de faire émerger
un commun possible, où les uns n’ont pas
vaincus au détriment des autres, mais
dans lequel chacun a pu apporter et être
entendu. Pas de morale matraquée avec
des gros sabots dans Dar Nsa. Mais l’intuition
in fine qu’il est quand même souhaitable
pour tous, homme, femme et
enfant, d’avoir des droits, d’en jouir de
manière équitable et d’être protégés par
la justice. Cette série n’est peut-être pas
de l’art pour tous, elle n’en demeure pas
moins l’un des meilleurs miroirs de notre
société. Et de son actualité.●
98 Maroc / Mai 2024