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Numéro 03 / Août 2024
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : SOUFIANE SBITI
Le cinéma au Maroc a enfin son magazine
MAROC
N°03 / Août 2024 . 25DH
COULISSES DE
TOURNAGE
AUTISTO, L’OMBRE
D’UN TROUBLE
LES DESSOUS DE
LA DISTRIBUTION
CINÉMATOGRAPHIQUE
AU MAROC
EVERYBODY
LOVES NISRIN
ERRADI
EDITO
MAROC
UN MAROC QUI BRILLE
PAR SOUFIANE SBITI
Depuis tout récemment, c’est devenu
une soudaine et savoureuse habitude
: en matière de football, le Maroc
brille à l’international, et médias étrangers
comme réseaux sociaux s’enflamment à
l’évocation du nom de notre pays. Que cela
soit au Qatar, lors du Mondial 2022 ou cet
été à Paris, lors des Jeux Olympiques, nos
équipes de football ont réussi des exploits.
Tout le monde s’en est réjoui, notre fierté
nationale en est rehaussée, tandis que l’attractivité
du pays s’est vue renforcée. .
Une bien jolie histoire,
lorsqu’on sait l’état où
se trouvait le football
marocain, à la peine et
en état perpétuel de
crise. Derrière ces
exploits, des efforts
consentis mais aussi
des investissements colossaux, par moment
critiqués mais qui aujourd’hui portent leurs
fruits. Ces performances sont également
dues à une toute nouvelle relève, impressionnante,
humble et qui honore la confiance
qu’on a pu lui accorder.
Pourquoi en parler ici, à Boxoffice Maroc,
dans un magazine de cinéma ? C’est qu’on
aimerait bien que le Maroc brille grâce à ce
qu’il peut aussi produire au cinéma.
Tout cinéphile, tout passionné par ce qui
passe dans le 7ème art au niveau international,
ne pourrait qu’être intéressé par le
fait de voir son pays s’aligner parmi les
grands. L’ambition serait aussi d’aller un peu
AUCUN DÉFI
N’EST PLUS GRAND
QUE L’AMBITION
D’UNE JEUNESSE
plus loin, voir plus grand, envisager que
toute production cinématographique marocaine
n’est pas nécessairement destinée
qu’aux Marocains, et qu’elle porterait en elle
un quelque chose d’universel.
Comment donc faire de notre cinéma, une
fierté nationale ? Un atout de plus pour notre
pays, essentiellement touristique ?
Les ingrédients sont simples mais nécessitent
une mise en exécution périlleuse, qui
ne serait pas sans
embûches mais qui ne
peut qu’être salvatrice.
Il faudrait dans un premier
temps l’ambition
et la volonté de faire du
cinéma plus que ce qu’il
est aujourd’hui.
S’ensuit un élément essentiel, que nous
abordons en filigrane dans ce numéro avec
en couverture l’actrice Nisrin Erradi, mais
aussi dans nos précédents numéros : la
nécessité de faire confiance à la relève
pour relever les défis. Aucun défi n’est plus
grand que l’ambition d’une jeunesse, l’histoire
nous l’a appris récemment. Et aucun
défi ne peut être surmonté, que si une profonde
introspection est entamée, conduisant
autant à des refontes qu’à des réformes
institutionnelles, vitales pour l’avenir du
cinéma au Maroc.
C’est du moins ce que nous voulons. Et par
les temps qui courent, toutes les bonnes
volontés sont les bienvenues.●
Directeur de la publication
et de la rédaction
Soufiane Sbiti
Conseiller de la rédaction
Yacine Kaouti
Rédaction
Salma Hamri
Reda K. Houdaïfa
Chronique
Aïcha Akalay
Photos
Alexandre Chaplier
MAP
Maquette
Pulse Media
Directeur artistique
Mohamed Mhannaoui
Maquettistes
Ezzoubair Elharchaoui
Zineb Azeddine
Direction générale
Fatima Zahra Lqadiri
fz@storyandbrands.com
Régie publicitaire
Story & Brands
Impression
Les imprimeries du Matin
Distribution
Sapress
Remerciements
Hotel Sofitel Tour Blanche
ESAV de Marrakech
Hana Aissami
Atelier Ali Drissi
BOXOFFICE MAROC
est édité par
Pulse Media
sous licence
The Boxoffice Company
de Global Cinema Maroc
Capital Business Office,
B 127, 6ème étage,
Bd Abdelmoumen,
Casablanca, Maroc
Site web :
www.boxoffice.com
Dépôt légal
10/2024
ISSN : 2024PE0026
Août 2024 / Maroc
3
SOMMAIRE
24
44
52
SNAPSHOT ׀ 06
Gladiator II : Scènes spectaculaires tournées
au Maroc
LA PÉPITE DU MOIS ׀ 08
Ayoub Gretaa
L’acteur à la sensibilité débordante
COULISSE ׀12
Le FIFM rend hommage à Nabil Ayouch
Hicham Lasri : un souffle pour
l’animation marocaine
Série premium : le nouveau terrain
de jeu de Lakhmari
Abdeslam Kelai prépare deux nouveaux films
ACTU-CINÉ ׀ 14
Better : Vitesse éternelle
Marrakech Short Film Festival
Acte IV, le plaisir du cinéma
Adil El Arbi et Bilall Fallah
Les Bad Boys du cinéma hollywoodien
Une nouvelle vie pour le cinéma Dawliz de Meknès
Les salles de cinéma, nouvel Eldorado
des concerts
COUV’ LA ׀ 24
Nisrin Erradi La couleur des sentiments
Interview avec Nisrin Erradi : Le rôle de sa vie
Les réalisateurs parlent de Nisrin Erradi
EN SALLES ׀ 36
Deadpool & Wolverine
Un film aussi fou que ses héros
Mon ami le petit manchot Une leçon de vie
Trap Un Shyamalan en demi-teinte
Un été à Boujad Chronique d’un ado en quête
d’identitémi-teinte
Le Comte de Monte-Cristo à l’écran, une complexité
simplifiée
LA RENCONTRE ׀ 44
Alaa Eddine Aljem Traversées créatives du
papier à l’écran
INTERVIEW ׀ 48
Mouhcine Malzi Relever des défis, conquérir
des cœurs
REPORTAGE ׀ 52
Fragments : Bribes de vies reconstituées
DOSSIER PRO ׀ 58
Les dessous de la distribution
cinématographique au Maroc
66
80
76
84
66
׀ INTERVIEW Ayoub Lahnoud
Capter le hors-champ marocain
70
׀ ZOOM SUR UNE SALLE Cinéma Renaissance
Un écrin de culture au coeur de Rabat
76
׀ INTERVIEW PRO Lamia Chraïbi
Réaliser un film représente un investissement
conséquent en temps et en ressources
80
׀ REPORTAGE Autisto : L’ombre d’un trouble
84
׀ UNE SALLE, UNE HISTOIRE
Le Caméra : Un joyau Art déco à Meknès
88
׀ COUPS DE COEUR Quelle année pour le cinéma !
90
׀ GUIDE DES SORTIES 92
׀ STREAMING/VOD The Union Sous haute tension
Elizabeth Taylor: The Lost Tapes
L’intime dévoilé
Wolfs Un duo légendaire pour
un thriller haletant
La Cité de Dieu 20 ans après le film culte,
la lutte continue
Les Anneaux de Pouvoir
Les ténèbres s’élèvent
94
׀ LIRE, VOIR ET ÉCOUTER Série documentaire : Voir
Livre : Histoires de films
Podcast : Variations
96
׀ FINAL CUT Walid Ayoub
98
׀ LE CLAP DE AICHA AKALAY
SNAPSHOT
GLADIATOR II :
SCÈNES
SPECTACULAIRES
TOURNÉES AU
MAROC
La bande annonce de Gladiator II a récemment
été dévoilée, et avec elle les premières
images du tournage, en partie réalisé à Ouarzazate,
où une arène géante avait été
construite. Le tournage avait été interrompu
suite à un accident d’effets spéciaux, lorsqu’une
énorme boule de feu avait englouti le plateau
lors d’une séquence à gros budget.
La bande annonce, la plus regardée parmi les
productions de la Paramount, promet un spectacle
encore plus grandiose et sanglant que
le premier opus, sorti en 2000. Gladiator II qui
sera en salle le 13 novembre prochain, suivra
les descendants de Meridius, avec l’acteur
Paul Mescal dans le rôle principal de Lucius et
Denzel Washington dans la peau de Macrinus,
deux nouvelles têtes.●
PAR SALMA HAMRI / CRÉDIT : PARAMOUNT PICTURES
6 Maroc / Août 2024
LA PÉPITE DU MOIS
Ayoub Gretaa, étoile montante du cinéma marocain.
8 Maroc / Août 2024
Ayoub
Gretaa
L’ACTEUR À
LA SENSIBILITÉ
DÉBORDANTE
C’est l’acteur qui tient le premier rôle dans le deuxième long
métrage de Saïd Hamich Benlarbi « La Mer au loin » projeté à
la Semaine de la Critique lors de la 77ème édition du Festival de
Cannes. Le parcours de Ayoub Gretaa, ponctué de dévouement
et de passion fait de lui une figure incontournable du cinéma
marocain et une étoile montante à suivre de près.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
A
youb Gretaa a été bercé dès son plus jeune
âge par le cinéma. Dans la maison de son grandpère
à Meknès, il passait des heures à regarder
des films indiens et égyptiens grâce à une collection
de cassettes vidéos que ses oncles échangeaient
avec les voisins. Cette éducation informelle à l’image et
aux films a forgé sa passion pour le septième art, mais
cela n’a pas suffi à le propulser dans le monde du cinéma.
Il a fallu qu’il assiste pour la première fois à une pièce
de théâtre pour comprendre qu’il est destiné à être sur
scène, nous confie-il.
« J’étais convaincu que je n’étais pas fait pour suivre un
chemin conventionnel, ou avoir un travail de bureau,
mais je ne savais pas exactement ce que je voulais faire
de ma vie », explique Gretaa. « La toute première pièce
de théâtre à laquelle j’ai assisté jeune a eu un effet
cathartique sur moi, je me rappelle avoir pleuré à la fin
de la pièce, et c’est à ce moment-là que j’ai compris ma
vocation. Aujourd’hui mon métier est l’équivalent d’une
thérapie ».
Ayoub Gretaa a ensuite intégré l’Institut Supérieur d’Art
Dramatique et d’Animation Culturelle (ISADAC). Il a commencé
par jouer dans des pièces de théâtre, avant d’être
repéré par le réalisateur Noureddine Dougena qui lui a
donné sa première chance à la télévision, puis Adil El
Fadili. Mais c’est surtout grâce à son rôle de Hamid dans
la série ramadanesque à deux saisons L’Mektoub, que
Gretaa s’est fait connaitre par un public plus large. Ayoub
Gretaa y a joué le rôle d’un époux détestable et infidèle.
Un rôle qui l’a propulsé et qui lui a valu beaucoup d’ap-
Août 2024 / Maroc
9
LA PÉPITE DU MOIS
FILMO DE
GRETAA
2019
Azzaima
(Série télévisée)
2020
Masrah Al Maghrib
(Pièces de théâtre)
2021
Wlad Al Am (Série
télévisée)
2022
L’Maktoub
(Série télévisée)
2023
L’Maktoub 2
(Série télévisée)
2024
La Mer au loin
(Long-métrage)
Ayoub Gretaa, une boule d’énergie.
Un acteur reconnu pour sa capacité à
incarner des rôles divers et complexes.
plaudissements. Il ne souhaite toutefois pas être défini
par un seul personnage mais plutôt être reconnu pour
sa capacité à incarner des rôles divers et complexes.«
Cette diversité, c’est tout le plaisir de l’acting », souligne
l’acteur.
Côté théâtre, Ayoub a participé à une diversité de projets,
le plus connu étant Masrah Al Maghrib, un projet
artistique lancé en 2020 sous la direction de la chaîne
MBC 5 qui avait pour volonté de relancer le mouvement
théâtral. L’écriture de la série de spectacles était confiée
à Abdellah Didane, Hassan Fouta et Meryem Idrissi. Une
constellation de stars et de figures prometteuses toutes
lauréates de l’ISADAC, ont participé à cette pièce aux
côtés d’Ayoub Gretaa, notamment Hajar Cherki, Yasser
El Tarjmani, Ayoub Krikeaa, Mohamed Bajiou, Lamiaa
Kharbouch, Yassine El Sekkal et Khalid El Lmghari.
Les 20 représentations de la troupe du Masrah Al
Maghrib, actuellement disponibles sur la plateforme
Shahid, avaient eu lieu sur la scène du cinéma Rialto de
JE SUIS UN GRAND FAN
DE LARBI BATMA. J’AVAIS
D’AILLEURS LA MÊME COUPE
DE CHEVEUX ET J’AI DÉVORÉ SON
AUTOBIOGRAPHIE, CE SERAIT
PLUS QU’UN HONNEUR
D’INCARNER CE PERSONNAGE !
10 Maroc / Août 2024
Un homme sensible, émotif passionné et passionnant.
Casablanca les jeudis, vendredis et samedis de chaque
semaine, et chaque spectacle était une représentation
d’une histoire à thèmes différents.
Avec chaque nouveau rôle, Ayoub démontre son talent
et sa passion pour le cinéma, mais c’est en interprétant
le personnage de Nour dans La Mer au Loin qu’il a réussi
à attirer sur lui les projecteurs nationaux et internationaux.
Réalisé par Saïd Hamich, le film a été présenté le 17 mai
en séance spéciale à la Semaine de la Critique au Festival
de Cannes. Sur Instagram, plusieurs images immortalisent
la fin de séance. On y voit Ayoub Gretaa (Nour
dans le film), l’acteur, le sensible, le passionné, ému
devant un public charmé et un réalisateur fier.
Le tournage de La Mer au loin a représenté un défi
majeur pour Ayoub. Ayant le premier rôle, il était stressé
par les nombreux enjeux. « Le réalisateur m’a fait
confiance, je devais faire de mon mieux », confie-t-il. Les
défis ne manquaient pas : maîtriser le dialecte d’Oujda
et la langue française en un mois, et perdre 15 kilos en
un laps de temps très court. Malgré ces obstacles, le
jeune acteur réussit à incarner son personnage avec
brio, montrant sa capacité à s’adapter et à se dépasser.
Dans une déclaration du réalisateur donnée aux médias à
l’occasion de la projection du film à la Semaine de la Critique
au Festival de Cannes, Saïd Hamich a expliqué qu’il
avait mis du temps à trouver le parfait acteur pour incarner
le rôle de Nour. « J’avais besoin d’un acteur qui soit physiquement
très à l’aise dans son corps pour évoluer sur dix
ans avec des scènes de danse, etc. Mais surtout, je voulais
quelqu’un jouant avec sa sensibilité et son émotion,
qui soit à l’aise de jouer en silence, avec le regard ».
« On m’a alors parlé d’Ayoub Gretaa qui est connu au
Maroc pour avoir joué dans une série très populaire. Il
avait exactement le regard et le physique que je recherchais.
J’ai découvert un homme très sensible, très émotif,
toujours prêt à accueillir l’émotion de l’autre. Et puis
son regard avait quelque chose de lumineux, rieur mais
aussi très mélancolique dans sa tendresse. En un instant,
il pouvait passer du jeune fougueux à l’homme mature
et posé », poursuit-il avant de conclure : « Nous avons
réalisé deux ou trois essais, et j’ai su que nous ferions le
film ensemble. Et je me suis dit : « voilà, cela va être beau
que ce film soit regardé à travers ses yeux ».
Dans La Mer au loin et sur fond de musique raï, de 1990
à 2000, le spectateur évolue avec Ayoub Gretaa qui se
met avec délicatesse et sensibilité dans la peau de Nour
un jeune de 27 ans qui est arrivé clandestinement à Marseille
où il va mener une vie marginale et festive, naviguant
entre découvertes, déboires et frissons amoureux.
Ayoub Gretaa a plusieurs projets en perspective pour les
mois et années à venir : du théâtre aux longs-métrages en
passant par la télévision, mais s’il y a un rôle qu’il désire de
tout cœur incarner, ça serait celui de Larbi Batma dans un
biopic, nous confie-t-il. « Je suis un grand fan de Larbi Batma,
j’étais une groupie littéralement. J’avais d’ailleurs la même
coupe de cheveux et j’ai dévoré son autobiographie Al Rahil,
ce serait plus qu’un honneur d’incarner ce personnage ! ».●
Août 2024 / Maroc
11
COULISSES
SÉRIE PREMIUM :
LE NOUVEAU
TERRAIN DE JEU
DE LAKHMARI
Le réalisateur Nour-Eddine
Lakhmari est actuellement en
plein travail sur une série
premium, de huit épisodes,
produite par Khadija Alami. Cette
production sera un élément
phare de la chaîne 2M, pour
laquelle « nous nous efforcerons
de réunir les ressources
humaines et logistiques
nécessaires pour la réaliser dans
des conditions optimales,
explique Lakhmari. Cela signifie
prendre le temps nécessaire
pour l’écriture et pour la
production. Khadija Alami, forte
de son expérience en production,
apportera son expertise (…)
Nous cherchons à innover et à
offrir une série qui reflète un
Maroc en mouvement ».●
LE FIFM REND HOMMAGE
À NABIL AYOUCH
Le Festival International du Film de Marrakech
(FIFM) souffle sa 21 ème bougie, du 29 novembre
au 7 décembre 2024, et rend un hommage
tout particulier à Nabil Ayouch, connu pour ses
films engagés et souvent controversés. Qui
plus est, le FIFM organisera l’avant-première
marocaine de son dernier long-métrage, Everybody
Loves Touda.
Longtemps considéré comme le fer de lance
d’une nouvelle génération de cinéastes marocains,
Nabil Ayouch a su confirmer les espoirs
placés en lui. Ses premiers succès, notamment
ses courts métrages présentés au Festival de
Tanger, ont laissé entrevoir un talent prometteur.
Bien que son ascension vers le long
métrage ait été semée d’embûches, il tissa
HICHAM LASRI : UN SOUFFLE POUR
L’ANIMATION MAROCAINE
Le réalisateur, scénariste, romancier et dessinateur,
Hicham Lasri, connu pour ses œuvres cinématographiques
audacieuses, annonce un nouveau tournant
dans sa carrière. Après le succès de son court-métrage
vi(ri)ol, notre Daddy Desdenova se lance dans un
métrage d’animation qui promet d’être aussi innovant
que perturbant. Ce nouveau projet, fortement inspiré
du riche folklore marocain amazigh, nous plongera
dans un univers mêlant science-fiction et fantasy.
L’histoire, encore tenue secrète, devrait offrir une
relecture moderne et onirique des mythes et légendes
de cette culture ancestrale. Avec ce film, Hicham Lasri
vise à positionner le Maroc à l’avant-garde du cinéma
d’animation en Afrique et à proposer une œuvre aussi
esthétique que profondément enracinée dans son
identité culturelle.●
subtilement son Mektoub. Avec Ali Zaoua, il
a profondément marqué les esprits par son
réalisme poignant et sa capacité à donner voix
aux marginalisés. Ce film a rencontré un succès
qui s’inscrit dans la continuité de son parcours
cinématographique, marqué par des œuvres
telles que les courts-métrages Les pierres
bleues du désert et Hertzienne connexion,
qui avaient déjà révélé un cinéaste sensible
et doté d’un regard acéré sur la société.●
ABDESLAM KELAI PRÉPARE
DEUX NOUVEAUX FILMS
Le réalisateur marocain Abdeslam Kelai est actuellement
en post-production de deux longs métrages. Le premier,
intitulé Sonates nocturnes, nous plonge dans l’intensité
d’une passion amoureuse fulgurante et éphémère. « Ce
film raconte l’histoire fugace de deux âmes en quête
d’amour. Leurs destins se croisent, s’enflamment puis
s’éteignent en quelques nuits intenses. Une rencontre
brève, mais marquante, qui explore les facettes les plus
complexes et les plus belles de l’amour passionnel »,
confie le réalisateur. Le second, Quand la nuit s’achève,
aborde avec sensibilité les liens compliquées entre un
père et son fils, sur fond de maladie. L’absence, le regret
et la maladie sont au cœur de ce film, où un réalisateur
revient sur son incapacité à être présent auprès de son
père mourant, en proie aux épreuves du temps.●
12 Maroc / Août 2024
ACTU-CINÉ
BETTER
VITESSE ÉTERNELLE
Kamal Ourahou présentera bientôt « Better », un documentaire de
92 minutes qui retrace l’histoire de Nassim Lachhab, le premier
skateur professionnel marocain et africain.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC
Kamal Ourahou, le réalisateur du film-documentaire « Better ».
14 Maroc / Août 2024
Nassim Lachhab, le premier skateur professionnel
marocain et africain, dans « Better ».
Better est une contribution à l’histoire
du skate marocain. Ce documentaire
de 92 minutes suit le skateur, Nassim
Lachhab, depuis ses débuts à Rabat jusqu’à
son ascension sur la scène internationale du
skateboard.
CRÉDIT : KAMAL OURAHOU CRÉDIT : KAMAL OURAHOU
« Avec ce film, j’ai eu l’ambition de synthétiser
ma vision du skate marocain et de rendre
hommage à la communauté qui l’anime. Bien
que le sujet soit vaste et que de nombreux
récits restent à explorer, je crois avoir apporté
ma pierre à l’édifice en réalisant ce film », souligne
le réalisateur Kamal Ourahou.
Rêve en vol
À l’âge de 27 ans, Nassim Lachhab incarne
la quintessence de la sous-culture skate :
anticonformiste, radical, plein de second
degré et incroyablement doué. Né à Rabat,
Nassim a passé son adolescence à skater
au White Spot à Hay Riad. En 2015, il part
s’installer à Perpignan, en France, pour étudier,
mais il se consacre rapidement au skateboard
à plein temps. En 2018, il obtient un
« Passeport Talent » et s’installe à Barcelone,
la capitale européenne du skateboard.
« Entre 2009 et 2011, j’ai filmé et monté les
toutes premières vidéos de skateboard de
Le skate, avant tout, représente une culture et un art de vivre qui combinent sport, état d’esprit cool
hérité de ses origines surf californiennes et musique autour du totem, la fameuse planche à roulettes.
Nassim Lachhab à Rabat, au Maroc. En 2020,
après avoir résidé entre la France et l’Espagne,
Nassim est devenu le premier skateur professionnel
marocain et africain au monde. Depuis,
je n’ai cessé de me demander : Comment Nassim
a vécu son ascension au-devant de la
scène skate internationale en parallèle de son
parcours d’immigré ? Comment sa trajectoire
inédite résonne avec les enjeux actuels de la
scène marocaine ? », raconte Kamal Ourahou.
Skateboard’n’roll
Dans un bruit sec de planches qui claquent
contre le ciment, on y voit Nassim s’élancer,
plié en deux et tee-shirt au vent, dans les fosses
incurvées d’un skate-park. Il se sait observé
Août 2024 / Maroc
15
ACTU-CINÉ
Skate élévation
Le skate et la vidéo, cette double passion, ont conduit Kamal Ourahou
à réaliser « Better », un film qui transcende la simple biographie pour
offrir une plongée inspirante dans le monde du skate marocain à travers
l’ascension de Nassim.
À quel moment l’idée du film Better a-t-elle
germé ?
L’étincelle de ce projet jaillit lorsque Nassim
Lachhab accéda au statut de skateur
professionnel. En parcourant mes archives
CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC
vidéo, retraçant sa trajectoire depuis ses
débuts jusqu’à sa consécration, je me suis
retrouvé face à un trésor caché. Ces images
témoignaient d’un parcours hors du commun,
et en les visionnant, j’ai ressenti l’urgence de
raconter une histoire qui transcendait la
simple biographie de Nassim. Convaincu que
son expérience pouvait toucher et inspirer
l’ensemble de la communauté skate, et plus
largement la jeunesse marocaine, je me suis
lancé dans l’aventure Better.
Vous donnez la parole à d’autres personnes
que Nassim…
Mon rôle en tant que réalisateur était de
m’effacer et de laisser la parole aux
protagonistes. Le film donne ainsi voix à
Nassim, bien sûr, mais également à d’autres
skateurs marocains qui partagent leurs
expériences et leurs perspectives. Il était
crucial pour moi de présenter le point de vue
marocain dans ce film. Soit ! En parallèle de
la réussite de Nassim, le film expose
également les difficultés rencontrées par les
skateurs au Maroc.
Vous avez opté pour une image sobre et
épurée…
L’utilisation d’optiques argentiques a permis
d’obtenir une profondeur de champ
appréciable et une luminosité optimale,
BIEN PLUS QU’UN SIMPLE FILM DE
SPORT, BETTER MONTRE COMMENT LE
SKATE A AIDÉ NASSIM ET SES AMIS À
SE TROUVER ET À S’ÉPANOUIR...
conférant ainsi au film une atmosphère
cinématographique empreinte de réalisme.
Loin de surenchérir sur l’aspect visuel
spectaculaire du skate, j’ai opté pour des
plans simples, fixes et classiques, laissant
ainsi l’action parler d’elle-même.
On y trouve également une symbiose entre
image et son…
En effet, j’ai abordé le montage sonore comme
une extension du montage visuel, cherchant
à créer une harmonie entre les deux. Par
exemple, le bruit des roues de skate s’inscrit
ainsi comme un élément à part entière de la
narration, soulignant les mouvements des
skateurs et accentuant l’intensité des
séquences. Ainsi, sa répétition et sa variation
créent une mélodie singulière qui accompagne
le spectateur tout au long du récit.
Pouvez-vous nous expliquer le choix du
titre ?
Il reflète une réflexion profonde sur le sens
du mot et son écho dans le récit. La phrase
de Nassim, « You try to be a better skater
everyday, to be a better person as well
everyday », illustre l’essence du message. La
seconde mention dudit vocable dans
l’interview du CEO d’Etnies évoque les défis
de la communauté skate au Maroc,
transformant le titre en un appel à l’action
pour améliorer les conditions de pratique. La
dernière apparition, avec la citation de
Nassim, « There’s always to think about better
then always to take but words », souligne la
quête et cheminement perpétuel vers une
version meilleure de soi-même. ●
CRÉDIT : KAMAL OURAHOU
mais ne croise aucun regard, excessivement
concentré sur ses trick. Il s’envole parfois aussi,
ses pieds lâchent la planche qui fait deux tours
sur elle-même comme une hélice, puis se
réceptionnent, impeccablement. Et lorsqu’il
rate un manœuvre, il se relève d’un bond et
cogne le skate par terre, énervé.
Le réalisateur entremêle habilement les
images de Nassim en pleine action avec des
interviews de sa famille, de ses sponsors et
de ses amis, afin de dresser un portrait complet
de l’homme et de l’athlète, révélant sa
personnalité, ses motivations et son parcours.
Comme le souligne Kamal Ourahou,
ces entretiens, bien que centrés sur les
exploits de Nassim, laissent parfois transparaître
des bribes d’une jeunesse en quête
de sens et d’affirmation de soi. Ainsi, le film
met en lumière non seulement le talent et la
détermination de Nassim, mais aussi les sacrifices
et les épreuves qui ont jalonné sa route
vers le succès.
Bien plus qu’un simple film de sport, Better
montre comment le skate a aidé Nassim et
ses amis à se trouver et à s’épanouir, malgré
les nombreux obstacles qu’ils rencontrent.
Une scène du film « Better ».
16 Maroc / Août 2024
Kamal Ourahou à Casablanca, le 8 juin 2024.
On découvre ainsi leur passion pour ce sport et
leur détermination à surmonter les difficultés.
Le skate, c’est une manière de vivre et, donc,
de s’habiller. Pas question de monter sur sa
planche, sans l’attirail indispensable : pantalon
baggy avec quelques centimètres de
caleçon apparent, gros pull flashy, sweat
barré d’un logo ou d’un graff, grosses baskets
délacées, bonnet très bas sur les yeux
ou, à défaut, coupe de cheveux n’importe
comment mais surtout pas comme tout le
monde. Nassim, lui, a une belle afro.
CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC
Better donne à voir la culture urbaine ou tout
simplement une histoire humaine. « Il vise à
inspirer les jeunes marocains, en leur démontrant
que la réussite est possible, même face
à des obstacles. Le parcours de Nassim illustre
l’importance de la persévérance, du travail
et de la recherche d’opportunités au-delà de
ses frontières », conclut le réalisateur. ●
Dans « Better », le réalisateur Kamal Ourahou dresse un portrait
fascinant de la communauté des skaters.
Août 2024 / Maroc
17
ACTU-CINÉ
MARRAKECH SHORT FILM FESTIVAL
ACTE IV, LE PLAISIR DU CINÉMA
Le Marrakech Short Film Festival s’apprête à vivre sa quatrième
édition, du 27 septembre au 2 octobre 2024.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : MARRAKECH SHORT FILM FESTIVAL
« The Crawling Birds », un film de Karim Taj, produit par le Marrakech
Short Film Festival pour le Low Budget Film Program 2023.
Intégré au programme « Marrakech Capitale
de la Culture Islamique », le festival positionne
la ville ocre au cœur des influences
artistiques et cinématographiques du monde
islamique. En écho à cette thématique, une
sélection de films provenant de pays musulmans
sera présentée, avec un focus particulier
sur le Qatar, pays à l’honneur de cette édition.
Pour la première fois, le Marrakech Short
Film Festival s’associe au Doha Film Institute
(DFI), une institution qatarie de premier plan
dédiée au financement, à la production, à
l’éducation et aux festivals de cinéma. Cette
collaboration enrichit considérablement le
panorama cinématographique international
proposé lors de l’événement.
L’édition 2024 accueille un jury émérite présidé
par l’actrice et productrice éminente
Maysae Maghrebi, célèbre pour ses rôles
marquants dans les séries Hawamir Alsahraa
et Lelhob Jonun2. Elle est accompagnée de
la réalisatrice primée Sofia Alaoui, connue
pour le court métrage Qu’importe si les bêtes
meurent, César du meilleur court métrage de
fiction 2021, et pour le long métrage Animalia,
prix spécial du jury au festival du film de
Sundance 2023. Complétant ce jury prestigieux,
la talentueuse Nadia Kounda citée par
NOUS TABLONS À OFFRIR AU PUBLIC
DES EXPÉRIENCES CINÉMATOGRA-
PHIQUES DIFFÉRENTES ET PEU CONSOM-
MÉES PAR LE PUBLIC MAROCAIN
Vogue Arabia parmi les actrices qui se
démarquent dans le cinéma arabe en 2020,
apportant ainsi une expertise internationale
en études cinématographiques à Montréal.
Ce jury d’exception aura la lourde tâche d’évaluer
et de récompenser les meilleures créations
cinématographiques de cette édition.
Le Marrakech Short Film Festival 2024 promet
une sélection captivante de courts
métrages nationaux et internationaux, mettant
en lumière les talents émergents et confirmés
du Maroc et d’autres pays. « Nous accordons
la plus grande importance à la profondeur
des traitements des sujets », avance Ramia
Beladel, fondatrice du festival. « Nous estimons
que si la profondeur et l’esprit de recul
existent dans la recherche, le résultat ne peut
qu’être pluriel, marqué par la pluralité, l’humilité
et surtout le tact créatif ».
La sélection nationale comprendra neuf films,
tandis que la sélection internationale présentera
quinze films provenant de divers horizons,
tels que la France, le Liban, le Brésil, le
Canada, la Pologne, le Sénégal, la Tunisie,
l’Azerbaïdjan, l’Irak, l’Arabie saoudite, la Palestine
et la Norvège.
Le public aura l’opportunité de découvrir des
films à la fois singuliers et représentatifs de la
diversité culturelle du monde islamique.
« Nous tablons à offrir au public des expériences
cinématographiques différentes et peu consommées
par le public marocain », explique Ramia
Beladel. « Dans le film norvégien; on retrouve
le scepticisme en dérision; dans le film brésilien
on retrouve un rapport à la fois bestial et
spirituel à la nature et dans le film de l’Azerbaïdjan
on est face aux reliefs du corps humain
et de la nature ».
« Le format intimiste et professionnel du festival
garantit de vraies connexions entre intervenants
et participants », souligne Ramia Beladel.
« L’année dernière, deux réalisateurs ont
rencontré la productrice Lamia Chraibi lors
du festival et depuis, leurs collaborations se
sont fructifiées. De nombreuses autres belles
collaborations se sont créées durant et après
le festival, y compris des amitiés dont nous
sommes très fiers ».●
18 Maroc / Août 2024
ACTU-CINÉ
CRÉDIT : AP
ADIL EL ARBI ET BILALL FALLAH
LES BAD BOYS DU CINÉMA
HOLLYWOODIEN
Adil El Arbi et Bilall Fallah.
Adil El Arbi et Bilall Fallah, duo de réalisateurs belgo-marocains
au style percutant et à l’énergie débordante, ont conquis Hollywood
avec leur dernier succès fulgurant : « Bad Boys: Ride or Die ».
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Propulsés sur la scène internationale
grâce au triomphe de Bad Boys for
Life (2020), troisième volet de la franchise
culte avec Will Smith et Martin Lawrence,
Adil El Arbi et Bilall Fallah ont enchaîné
les succès avec la série Ms. Marvel pour Disney+
(2022) et le film Rebel (2022).
Leur dernier film, Bad Boys: Ride or Die, sorti
en mai 2024, a une nouvelle fois cartonné
au box-office, confirmant leur statut de réalisateurs
incontournables à Hollywood. Au
1er juillet 2024 , ce projet a rapporté 166,5
millions de dollars (M$) aux États-Unis ainsi
qu’au Canada, et 166,7 M$ dans d’autres territoires,
pour un total mondial de 333,2 M$,
devenant ainsi le neuvième film le plus rentable
de 2024.
Retour dans la cour des grands
Invités dans l’émission de Collider, Adil et
Bilall ne cachèrent pas leur surprise face à
ce nouveau succès: « On ne pensait pas
revenir dans la franchise après Bad Boys for
Life. C’est pour ça qu’on l’a appelé Bad Boys
for Life ! », plaisante Bilall, conscient de l’ironie
du titre du quatrième opus.
LEUR APPROCHE CINÉMATOGRA-
PHIQUE SE CARACTÉRISE PAR DES
SCÈNES D’ACTION DYNAMIQUES,
UNE ÉNERGIE DÉBORDANTE ET UN
HUMOUR DÉCALÉ
Le duo est revenu avec un scénario explosif
et des techniques innovantes pour plonger
le public au cœur de l’action. Cette fois-ci,
Mike et Marcus se retrouvent dans la peau
de fugitifs, renversant la formule bien-aimée
des Bad Boys. Déterminés à laver le nom
du capitaine Howard (Joe Pantoliano) après
son arrestation posthume, ils se retrouvent
eux-mêmes traqués par les criminels et la
police de Miami.
Leur approche cinématographique se caractérise
par des scènes d’action dynamiques,
une énergie débordante et un humour
décalé. Inspirés par les films d’action des
années 80 et 90, ils y ajoutent leur touche
personnelle, citant parmi leurs influences
des réalisateurs comme Michael Bay, John
Carpenter et Quentin Tarantino.
Dessein
Malgré leur ascension fulgurante, leur parcours
n’a pas été sans obstacles. En 2022,
leur film Batgirl a été annulé par Warner Bros.
juste avant sa sortie, une décision qui a suscité
une vive controverse. Mais loin de se
laisser abattre, Adil et Bilall rebondissent et
multiplient les projets.●
20 Maroc / Août 2024
UNE NOUVELLE VIE POUR
LE CINÉMA DAWLIZ DE MEKNÈS
Le cinéma Dawliz à Meknès, dernier rescapé de la chaîne de cinémas
Dawliz, a enfin réouvert ses portes. Le cinéma a accueilli ses premiers
spectateurs la semaine du 10 juillet, avec une programmation riche et
variée qui satisfait tous les goûts et les âges.
PAR SALMA HAMRI
CRÉDIT : HIND KHARIFI
Cinéma Dawliz de Meknès.
Créée dans les années 1980 par le réalisateur,
producteur, distributeur et
exploitant Souheil Ben Barka, la
chaîne de cinémas Dawliz ciblait au départ
une clientèle bourgeoise qui évitait de fréquenter
les cinémas des centres-villes devenus,
selon les habitués, de plus en plus mal
fréquentés.
Le Dawliz de Meknès a été inauguré en février
2003, alors que les Dawliz de Tanger et de
Casablanca venaient tout juste de fermer. A
son ouverture, trois salles étaient aménagées.
Celles-ci passent au nombre de deux,
quelques mois après l’ouverture, avant que
l’une des deux ne soit finalement transformée
en commerce.
En 2020, le cinéma Dawliz de Meknès reçoit
une subvention à hauteur de 623 803 dirhams
comme aide à la modernisation, suite à la
réunion annuelle de la commission d’aide à
la numérisation, à la modernisation et à la
création des salles de cinéma du centre cinématograohique
marocain (CCM).
LA CHAÎNE DE CINÉMAS CIBLAIT AU
DÉPART UNE CLIENTÈLE BOURGEOISE
QUI ÉVITAIT DE FRÉQUENTER LES
CINÉMAS DES CENTRES-VILLES DEVE-
NUS, SELON LES HABITUÉS, DE PLUS
EN PLUS MAL FRÉQUENTÉS
Les premières photos des rénovations ont
été partagées en avril 2023, date à laquelle
la réouverture était prévue. Finalement, ce
n’est qu’en juillet de cette année que le
Dawliz, aujourd’hui une monosalle de 144
places, a officiellement réouvert ses portes.
Les tarifs sont de 30 dirhams le ticket, du
lundi au vendredi, et passent à 40 dirhams
les week-ends.
Mohamed Beyoud, directeur artistque du festival
international de cinéma d’animation de
Meknès (FICAM) se réjouit de cette ouverture
et dit « militer depuis toujours » au côté
d’un collectif d’amis « pour que ce cinéma
puisse reprendre ses activités ». « On travaille
sur la communication digitale parce qu’elle
est très importante pour la jeunesse. Le
cinéma a réouvert avec 4 séances par jour,
et les films sont tous projetés en version originale
sous-titrée », poursuit-il.
Par ailleurs, Beyoud explique que cette réouverture
permettra d’avoir un autre lieu de projection
pour le FICAM. « Si le festival a 4 ou
5 lieux équipés avec des projecteurs numériques
c’est plus que génial ».●
Août 2024 / Maroc
21
ACTU-CINÉ
LES SALLES DE CINÉMA,
NOUVEL ELDORADO
CRÉDIT : DR
DES CONCERTS
Le ciné-concert représente l’une des
nombreuses expériences originales
visant à revaloriser les salles de
cinéma qui, en quête de nouvelles
sources de revenus, deviennent le
nouvel Eldorado des concerts, attirant
une audience variée et passionnée, tout
en générant des revenus significatifs
pour les artistes, exploitants et
distributeurs.
PAR : SALMA HAMRI
La tournée Born Pink du quatuor féminin sud-coréen Blackpink arrive sur grand écran.
Au Maroc, la tournée Born Pink du
quatuor féminin sud-coréen
Blackpink arrive sur grand écran.
Elle sera diffusée le 31 juillet et les 3 et 4
août au Mégarama et à Pathé, avec des
séances en technologie 4DX. Au cinéma
Pathé, il faut prévoir entre 120 et 170 dirhams
le ticket. Le cinéma Megarama propose quant
à lui une vente des tickets sur place. Le film
montre le spectacle et présente des versions
exclusives des hits de Blackpink dévoilées
pendant ce concert incluant les performances
au Gocheok Dome de Séoul ainsi
que des images filmées dans plusieurs autres
villes de la tournée internationale.
CRÉDIT : DR
La diffusion de concerts dans les salles de
cinéma est une pratique aussi vieille que le
cinéma qui est revenue à la mode ces der-
22 Maroc / Août 2024
CRÉDIT : PATHÉ LIVE
Concert des BlackPink au cinéma, l’expérience d’un concert
live avec le confort d’une projection cinématographique.
nières années. Ce concept innovant qu’on
appelle également le « hors-film » dans les
salles de cinéma, combine l’expérience d’un
concert live avec le confort d’une projection
cinématographique. Il permet aux fans de vivre
des performances musicales de leurs artistes
préférés d’une manière nouvelle et immersive
sans forcément se déplacer dans un autre
pays. Ces projections sont devenues de véritables
événements où les fans chantent en
choeur et s’habillent comme pour un concert
en direct, créant une atmosphère festive et
communautaire.
Les salles de cinéma ont trouvé en ces projections
une nouvelle manière de diversifier leurs
sources de revenus. En effet, les concerts, Permettent
de revitaliser ces espaces et d’attirer
de nouveaux publics. Ce modèle répond non
seulement à une demande croissante de la part
des fans qui souhaitent vivre l’ambiance d’un
concert en direct sans les contraintes géographiques,
mais pourrait devenir la première
source de recettes des salles de cinéma et un
élément essentiel de leur modèle économique.
CE CONCEPT INNOVANT PERMET AUX
FANS DE VIVRE DES PERFORMANCES
MUSICALES IMMERSIVES SANS FORCÉMENT
SE DÉPLACER DANS UN AUTRE PAYS
Taylor Swift, par exemple, a su exploiter ce filon
avec brio. Son film de concert The Eras Tour,
filmé lors de sa tournée éponyme a généré
plus de 100 millions de dollars en préventes à
l’échelle mondiale, établissant un record pour
un long métrage de concert. Les ventes du
premier jour ont d’ailleurs surpassé celles de
premières très médiatisées comme Star Wars:
Le Réveil de la Force et Spider Man: No Way
Home, selon les données de Cinelytic.
Selon les estimations, le film concert de
Taylor Swift, qui a été projeté dans 8 500
cinémas à travers le monde, a engrangé 96
millions de dollars de recettes lors de son
premier week-end d’exploitation. Il s’agissait
du meilleur weekend au box-office
nord-américain depuis la sortie simultanée
de Barbie et Oppenheimer. Avant lui, les meilleures
recettes de films sur des concerts revenaient
à Justin Bieber avec Never Say Never,
qui a recueilli au total 73 millions de dollars
en 2011, et le film This Is It sorti quelques mois
après la mort de Michael Jackson en 2009,
avec 72,1 millions de dollars.
Pour le film concert de Taylor Swift, le prix du
billet coûtait 19 dollars, rendant l’expérience
très accessible. Ce business modèle profite
donc autant aux exploitants qu’à l’artiste en soi,
faisant fructifier encore plus les tournées grâce
à l’argent généré.●
Août 2024 / Maroc
23
LA COUV’
NISRIN ERRADI
LA COULEUR DES
SENTIMENTS
À l’affiche du dernier film
de Nabil Ayouch, Everybody Loves
Touda, Nisrin Erradi, a tout joué et
beaucoup vécu, et il est temps à présent
pour elle, d’exister et de parler sans retenue.
PAR YACINE KAOUTI
CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
STYLISME : ALI DRISSI
24 Maroc / Août 2024
Août 2024 / Maroc
25
LA COUV’
NISRIN ERRADI
LE RÔLE DE
SA VIE
26 Maroc / Août 2024
Avant de commencer, un aveu à faire : percer
le mystère de Nisrin Erradi n’a pas été
une tâche facile. Car avec elle, c’était plutôt
mal parti. Notre premier rendez-vous avait
lieu dans un restaurant chic de Casablanca.
Je m’attendais à rencontrer une actrice réservée,
réticente à se dévoiler. À ma grande
surprise, Nisrin était ouverte, chaleureuse,
et surtout, curieuse. Elle tenait entre ses
mains notre numéro 1 de Boxoffice Maroc,
avec Asmae El Moudir en couverture.
« J’aime ce que vous faites avec ce magazine
», me glisse-t-elle en souriant. Nisrin
Erradi accepte finalement d’être sur la couverture
de ce numéro, mais pas sans une
certaine réserve. « Je veux que cela soit
authentique », insiste-t-elle.
Nous nous retrouvons dix jours plus tard, au
dernier étage du Sofitel à Casablanca pour
le shooting. Toute l’équipe est là, sauf le
make-up artist, qui a décidé de nous faire
faux bond ce jour-là. La panique commence
à s’installer lorsque, par miracle, nous trouvons
une nouvelle make-up artist et le shooting
peut finalement avoir lieu. Nisrin, caméléon,
se transforme sous nos yeux. Les tenues
d’Ali Drissi l’enveloppent comme une seconde
peau, incarnant tour à tour la grâce et la puissance,
la vulnérabilité et la force.
Troisième et dernier acte. Nous nous
revoyons pour notre grand entretien à son
retour de quelques jours de repos à Marseille.
Nisrin arrive en tenue décontractée,
les cheveux en bataille, loin de l’image glamour
du shooting. Elle est là, authentique,
sans artifice. Elle a cette manière de peser
chaque mot, de creuser les silences, puis de
soudainement planter son regard dans le
vôtre avec une intensité désarmante. Nous
parlons de Touda, le « rôle de sa vie », de
son amour pour Tennessee Williams, et de
ce qu’il reste de ses rêves.
Avec à son actif 15 ans de carrière et autant
de rôles différents : une mère rebelle dans
Reines de Yasmin Benkiran (2022), une jeune
femme handicapée dans Poissons rouges
de Abdeslam Kelai (2022), ou encore une
mère célibataire dans Adam de Maryam Touzani
(2019), jusqu’à l’éclat dans Everybody
Loves Touda qui sortira en fin d’année.
« C’est une comédienne très à l’écoute de
ses émotions, qui a une fragilité et en même
temps une force incroyable. Elle a aussi
quelque chose de blessé dans son regard,
d’habité, de gai. J’ai vu en elle tout ce que
je recherchais », disait Maryam Touzani à
propos de leur collaboration sur le film Adam.
Dans Everybody Loves Touda, Nisrin incarne
Touda, une Cheikha qui chante sans pudeur
ni censure des textes de résistance, d’amour
et d’émancipation. Touda nourrit l’espoir d’un
avenir meilleur pour elle et son fils. Maltraitée
et humiliée, elle décide de tout quitter
pour les lumières de Casablanca. La performance
de Nisrin dans ce film est décrite
comme électrisante, apportant une profondeur
émotionnelle qui transcende l'écran.
Nisrin Erradi est une actrice aussi complexe
qu’intense. Chaque personnage qu’elle joue
est une part d’elle-même, une part de nous
tous. En définitive, Nisrin Erradi demeure une
énigme fascinante, une étoile dont nous
avons tenté de percer le mystère lors de
cette rencontre.●
Août 2024 / Maroc
27
LA COUV’
Racontez-nous comment vous avez
accepté le rôle de Touda
Lorsque j’ai joué dans Adam de Maryam Touzani,
Nabil Ayouch, qui en était le producteur,
avait apprécié mon jeu. Pendant la tournée
des festivals, il m’a dit : « Nisrin, je
voudrais que tu joues dans mon prochain
film ». Nous étions au festival d'El Gouna en
Égypte, et Maryam m’avait demandé quel
rôle je rêvais de jouer. Je lui ai répondu que
je rêvais de jouer une cheikha. C’est alors
que Nabil m’a annoncé que son prochain
film porterait sur l’histoire d’une cheikha.
C’était comme un alignement parfait des
étoiles, et il a commencé à écrire le film.
Un jour, il m’a appelée pour me dire de venir
récupérer le scénario. Je l'ai pris avant de partir
pour Marrakech, mais je me suis refusée à
le lire dans le train. Je l'ai commencé chez
moi, et dès la page 5, j'avais déjà les larmes
aux yeux. Je lisais le scénario en m’imaginant
le film. En le terminant, j'ai su que c’était le
rôle que j’attendais, le rôle de ma vie.
Qu’est-ce cela fait d’avoir reçu ça le rôle
de votre vie ?
J’y pense beaucoup ! Maintenant que j’ai eu
le rôle que je voulais depuis longtemps, je me
demande ce qu’il me reste pour la suite. Est-ce
que je dois prendre ma retraite (rires) ? À 33
ans, avoir reçu ce rôle m’honore énormément.
Mais ce n’est plus mon objectif désormais. J’ai
de nouveaux objectifs pour la suite de ma carrière.
Les personnages que j’ai eu la chance
d’interpréter font partie de moi aujourd’hui, et
il me reste encore plusieurs rôles à explorer.
Prêt d’un an et demi de préparation
avant le tournage, vous n’avez pas
trouvé le temps long ?
Nabil Ayouch m’a offert des conditions
idéales pour préparer le personnage de
Touda. J'avais une année et demi pour me
préparer, ce qui m'a permis de prendre cette
responsabilité très au sérieux. Durant cette
période, j'ai eu la chance de rencontrer plusieurs
artistes pour m’entraîner, le premier
étant Hajib. Lorsque Nabil lui a demandé si
je pouvais chanter pour le film, Hajib a
répondu par la négative (rires).
Après cette rencontre, j'ai dit à Nabil que je
ne souhaitais pas travailler avec Hajib, car il
n'a pas cru en moi et ne m'a pas permis de
rêver. Ensuite, j'ai eu la chance d'être dirigée
vers la regrettée Fatima Al Bidaouia, qui m'a
énormément aidée. Pendant près d'un mois,
nous nous retrouvions tous les soirs avec
son groupe chez Ali'n Production, la société
de production de Nabil Ayouch. Malheureusement,
elle est tombée malade peu de
temps après et nous a quittés. J'ai pu garder
sa taarija et j'ai tenu à l'avoir avec moi
pendant le tournage.
Par la suite, j'ai travaillé avec Siham Mesfiouiya,
une jeune professionnelle de la Aïta.
Nous avons passé plusieurs semaines à Safi
pour parfaire ma formation. J'ai également
collaboré avec Houda Nachta, une artiste de
Casablanca. Avec elle, j'ai appris la difficulté
JE LISAIS LE SCÉNARIO EN
M’IMAGINANT LE FILM. EN LE TERMINANT,
J'AI SU QUE C’ÉTAIT LE RÔLE QUE
J’ATTENDAIS, LE RÔLE DE MA VIE
du métier de cheikha, ce qui a été une expérience
incroyablement enrichissante.
Avec autant de préparation, n’avez-vous
pas douté de votre capacité à porter le
rôle principal dans Touda ?
Évidemment, j'ai eu des doutes. Quelques
semaines avant le tournage, j'ai réalisé que
je n'avais pas les compétences nécessaires
pour chanter dans ce film. Nous avons donc
décidé de faire un casting voix, ce qui m'a
beaucoup rassuré au final.
Le tournage de Touda s’est étalé sur un
an et a été filmé pendant les quatre
saisons de l’année. Comment avez-vous
vécu cette expérience ?
Le tournage a commencé à Casablanca avec
les scènes de la vie de Touda. Deux semaines
plus tard, nous devions filmer une scène en
plan séquence, l’un des moments forts du
film. Je me souviens qu’à la fin d’une prise,
Nabil est venu me serrer dans ses bras. Je
crois que c'est à ce moment-là qu'il s'est dit
que je pouvais jouer le rôle d’une cheikha,
cela l'a rassuré (rires). Ensuite, nous nous
sommes déplacés à Azilal, où les conditions
de tournage étaient difficiles à cause de la
neige et des différents extérieurs..
28 Maroc / Août 2024
LA COUV’
Dans votre film précédent, Reines de
Yasmine Benkiran, vous jouez le rôle
d’une mère rebelle, dans ce road movie
à la Bonnie and Clyde. Comment
choisissez-vous vos rôles et vos films ?
Avant de choisir un rôle, je dois avant tout
faire confiance au réalisateur. Je n’ai pas une
baguette magique; on ne va pas utiliser mon
nom pour faire un film. On m’appelle, et si le
film est réussi, c’est grâce à une collaboration.
Du coup, je m’informe beaucoup sur le
réalisateur, son travail, la production, et les
équipes. Avec le temps, j’ai appris à mieux
me connaître, à comprendre mes limites et
à faire les choix qui me conviennent le mieux.
Il m’arrive de me tromper, mais je rectifie rapidement
le tir.
Avant sa sortie au Maroc et à l’étranger,
le film a connu sa première à Cannes.
Comment avez-vous vécu cette première
projection ?
Je me demandais si c’était vraiment ce que
je voulais. Je ne réalisais pas ce qui se passait.
Le lendemain, après les premières critiques
positives de la presse, Nabil m’a
demandé ce que j’en pensais, mais je n’arrivais
pas à mettre des mots sur ce que je
ressentais. On attendait sûrement de moi
JE DOIS AVANT TOUT FAIRE CONFIANCE
AU RÉALISATEUR. JE N’AI PAS UNE
BAGUETTE MAGIQUE; ON NE VA PAS
UTILISER MON NOM POUR FAIRE UN FILM
que je sois heureuse de ce moment, alors si
c’est ce que vous voulez entendre, oui, j’étais
heureuse.
Pour moi, les premiers échos positifs du film
et les différents retours me touchent énormément.
Je porte ce film de bout en bout à
l’écran, et c’est surtout grâce à toute l’équipe
qui m’a aidée et m’a permis de réaliser ce
film dans les meilleures conditions possibles.
Nabil Ayouch reçoit souvent le reproche
de faire des films qui touchent plus un
public étranger et qui peuvent paraître
un peu trop clichés pour le public
marocain. Qu’en pensez-vous ?
Avant d’être mon réalisateur, Nabil Ayouch
est avant tout mon ami, et je connais très bien
l’homme et l’artiste. Quand Nabil choisit de
faire un film, il le fait avec son cœur. Nous
nous sommes retrouvés, tous les deux, dans
l’amour et la passion que nous portons pour
notre métier. Contrairement à ce que certains
peuvent penser, il ne fait pas des films pour
plaire aux autres. Ses succès le démontrent,
et cela n’a rien à voir avec cette question de
plaire ou non à un public occidental.
Vous êtes lauréate de l’ISADAC et vous
avez fait un stage à la Comedia dell'Arte,
alors que l’on voit aujourd’hui de plus en
plus de comédiennes et comédiens sans
formation dramatique se faire une place,
notamment dans les séries télévisées
marocaines. Pensez-vous que les écoles
d’arts dramatiques ont encore de
l’importance ?
Oui pour moi l’ISADAC a été une expérience
fondatrice. J’ai été bercée par le théâtre et
j’en fais depuis mes six ans. J’ai continué au
collège et au lycée avant d’entrer à l’ISADAC.
Les textes de Tennessee Williams sont ceux
qui me touchent le plus. J’avais choisi un de
ses textes pour le concours d’entrée à l’ISA-
CRÉDIT : AD VITAM
Joud Chamihy et Nisrin Erradi dans le film Everybody Loves Touda.
30 Maroc / Août 2024
Everybody
Loves Touda
Synopsis : Touda rêve de devenir une Cheikha,
une artiste traditionnelle marocaine, qui chante
sans pudeur ni censure des textes de
résistance, d’amour et d’émancipation,
transmis depuis des générations. Se produisant
tous les soirs dans les bars de sa petite ville
de province sous le regard des hommes, Touda
nourrit l’espoir d’un avenir meilleur pour elle
et son fils. Maltraitée et humiliée, elle décide
de tout quitter pour les lumières de
Casablanca…●
TITRE : Everybody Loves Touda
PAYS : Maroc
RÉALISATEUR : Nabil Ayouch
CASTING : Nisrin ErradiI, Joud Chamihy, Jalila
Tlemsi, El Moustafa Boutankite Lahcen
RazzouguiI
PRODUCTIONS : ALI N’ PRODUCTIONS / LES
FILMS DU NOUVEAU MONDE / VELVET FILMS /
SNOWGLOBE / VIKING FILM / STAER
DURÉE : 102 minutes
ANNÉE : 2024
Le public marocain délaisse de plus en
plus les films qualitatifs et va au cinéma
plutôt pour regarder des comédies
populaires
Je ne vois pas ça comme un problème. Pour
moi, un bon film sera toujours regardé, que
ce soit aujourd’hui ou dans cent ans. Un film
n’a pas de durée de vie limitée. Je ne pense
pas au succès commercial des films dans
lesquels je joue. Il est vrai qu’il y a une problématique
de fréquentation des salles, et
je pense que le public marocain préfère souvent
ne pas payer pour une place de cinéma.
C’est une culture difficile à changer et le chemin
est encore long.
DAC et c’est aussi avec un de ses textes que
j’ai réalisé mon projet de fin d’études. Ses
œuvres se rapprochent le plus du cinéma,
une raison de plus pour moi d’apprécier son
travail. C’est un peu mon guide spirituel.
Pendant vos premières années à
l’ISADAC, vous avez eu votre première
grande expérience au cinéma en jouant
un rôle dans le film Les Ailes de l’amour
d’Abdelhai Laraki
Il faut savoir comment j’ai été prise pour ce
film ! Je travaillais ce jour-là dans la bibliothèque
de l’ISADAC, et je reçois un message
sur Facebook, me demandant de me présenter
à un casting. Le réalisateur Abdelhai Laraki
souhaitait me rencontrer. Je pensais vraiment
que c’était une blague, je n’y croyais pas ! Je
me suis présentée à Casablanca pour le casting
et j’ai obtenu le rôle. C’est ainsi que tout
a commencé. Je n’oublierai jamais ce jour où
Abdelhai Laraki m’a offert l’une de mes expériences
les plus importantes.
Comment voyez-vous votre futur ? Que
reste-t-il de vos rêves ?
Mes rêves sont actuellement en stand-by. Je
me sens un peu perdu, j'ai envie de faire
d'autres choses dans la vie et je me demande
si le cinéma est vraiment ce que j'aime le
plus. Ce n'est pas la seule chose qui me stimule.
Les trois ou quatre derniers personnages
que j'ai joués m'ont demandé énormément
d'énergie. J'ai tout donné pour eux.
Aujourd'hui, je ressens le besoin de prendre
du temps pour moi et de faire autre chose.
Le moment où vous avez reçu la proposition
du rôle par Nabil Ayouch était
particulier, pouvez-vous nous en parler ?
Lorsque Nabil Ayouch m'a proposé le rôle,
je venais de perdre mon père. J'étais encore
en deuil et complètement perdue. Pour moi,
Touda est devenue plus qu'un personnage,
elle était ma boussole. Elle m'a accompagnée
dans ce moment difficile, elle m'a réparée
et je pense l'avoir réparée en retour.
C'était plus qu'un simple rôle, c'était une
amie. C'est peut-être pour ça que je considère
que c'est le rôle de ma vie.●
Août 2024 / Maroc
31
LA COUV’
Nisrine Erradi arbore toute l'étendue de son talent.
32 Maroc / Août 2024
LES RÉALISATEURS
PARLENT DE NISRIN ERRADI
une actrice qui impressionne par sa capacité à incarner des rôles complexes et émotionnellement exigeants.
Nisrin Erradi n'est pas seulement une actrice qui illumine l'écran par son
talent, mais aussi une professionnelle respectée et admirée par ses pairs.
Depuis ses débuts modestes jusqu'à sa montée fulgurante dans le cinéma
marocain, Nisrin a constamment impressionné par sa capacité à incarner
des rôles complexes et émotionnellement exigeants.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Dans Les Ailes de l'amour de Abdelhai
Laraki, sorti en 2011, Nisrin Erradi joue
un rôle significatif qui marque ses
débuts dans le cinéma. Abdelhai Laraki la
remarque en 2010, lors d’une visite à l’ISADAC
pour le casting de son long métrage., Il a dès
lors vu en elle « un potentiel immense qui ne
demandait qu'à être exploité », confie-t-il.
Dans ce long métrage, Nisrin Erradi incarne le
personnage de Keltoum, l’épouse offerte à
Thami (Omar Lotfi) de tiraillée entre les pressions
sociales et ses propres désirs, ce qui lui
permet de démontrer sa capacité à exprimer
une large gamme d'émotions et jouer des
scènes intenses. Ce rôle, son premier au
cinéma, a sans doute été une étape importante
dans sa carrière, contribuant à la faire connaître
du grand public et des professionnels.
Elle a ensuite enchaîné avec plusieurs rôles
marquants, autant à la télévision qu'au
cinéma. Et en plus de démontrer sa capacité
à s'immerger complètement dans des rôles
difficiles et émotionnellement chargés, Nisrin
a poussé la polyvalence plus loin en jonglant
entre drame et comédie à travers sa
participation dans des sitcom marocaines.
Les réalisateurs qui ont eu la chance de travailler
avec elle ne tarissent pas d'éloges sur
sa capacité à capturer l'essence de ses rôles
avec une authenticité désarmante. Son
approche du métier, alliant sensibilité et
détermination, fait d'elle une collaboratrice
précieuse sur les plateaux de tournage. Voici
ce que quelques-uns des réalisateurs avecs
lesquelles Nisrin Erradi a travaillé ont à dire
sur elle :●
Août 2024 / Maroc
33
LA COUV’
Abdelhai Laraki - « Les Ailes de l’amour »
« Dans Les Ailes de l’amour, le personnage de Keltoum,
paysanne timorée dans le scénario, se métamorphose
au fil du tournage en une femme libre et émancipée,
qui brise ses chaînes comme un papillon qui s’extirpe
de son cocon pour prendre son premier envol, tout
comme Nisrine prendra le sien. Cette révélation s'est
confirmée par la suite dans ma série Ma9tou3 men
Chajra et dans d'autres longs métrages où elle a
souvent sublimé les rôles qui lui étaient confiés. Avec
son éventail de jeu à 360 degrés, son caractère
pugnace et déterminé, tout en étant à l'écoute et
inventive, Nisrine est une actrice unique sur la scène
marocaine, sa capacité à incarner des personnages
complexes avec profondeur et authenticité et son
jeu subtil et puissant, toujours border line, font d'elle
une actrice créative et anticonformiste ».
34 Maroc / Août 2024
Yasmine Benkiran - « Reines »
« Nisrin irradie. Elle capte immédiatement
les regards et, naturellement, la caméra.
Quelque part entre une présence
magnétique et un naturel impertinent et
solaire. C’est aussi le fruit d’un vrai travail.
Nisrin est bosseuse. Sur le plateau, elle
est extrêmement professionnelle et d’une
grande générosité : elle donne tout. Elle
m’a beaucoup appris. C’est une grande
actrice qui m’est devenue très chère ».
Abdeslam Kelai - « Poissons rouges »
« Nisrin Erradi est une comédienne très
généreuse qui a une intelligence émotionnelle
très développée. Son courage la rend d’ailleurs
très spéciale. Sur mon dernier long métrage
de cinéma Poissons rouges, Nisrin a osé
jouer le rôle d’une jeune femme atteinte
d’une infirmité motrice. Dans ce rôle, elle
avait un visage distordu et un corps mutilé.
Difficile pour n’importe quelle comédienne.
Nisrin l’a fait merveilleusement bien et je
pense que c’est l’une de nos grandes actrices
marocaines ».
Maryam Touzani - « Adam »
« Nisrin est passionnée de cinéma, quelqu’un qui a énormément
de talent et qui sait aller chercher à l’intérieur d’elle-même la
justesse dans les émotions, et ça c’est très beau à vivre pour un
réalisateur. C’est une femme très sensible, à l’écoute et avec une
vraie force de caractère. C’était une belle rencontre dans le cadre
d’Adam et sa puissance de jeu est exceptionnelle. Le travail de
préparation du personnage avec elle était d’ailleurs passionnant
parce qu’elle avait cette soif d’aller à la rencontre de son personnage ».
Août 2024 / Maroc
35
EN SALLES
DEADPOOL & WOLVERINE
UN FILM AUSSI FOU
QUE SES HÉROS
Créé par l’auteur-dessinateur Rob Liefeld et le scénariste Fabian Nicieza,
« Deadpool & Wolverine » est un feu d’artifice qui s’éteint trop vite. Entre humour trash et
action démesurée, ce buddy movie divise. Les fans seront servis, les autres moins convaincus.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Séparé de Vanessa et rejeté par les
Avengers, Wade Wilson devient vendeur
de voitures d’occasion. Un haut
responsable du Tribunal des Variations Anachroniques
lui propose une mission pour devenir
un héros, mais à un prix : la destruction de
son monde et de ceux qu’il aime. Wade refuse
l’offre et part à la recherche de Wolverine
pour sauver son univers. Sa mission, plus difficile
que prévu, le mènera à croiser divers
individus… Impossible de révéler le reste de
l’intrigue, car cela gâcherait inévitablement la
fête pour les lecteurs de ces lignes. Concentrons-nous
plutôt sur l’essentiel.
Deadpool & Wolverine est donc un buddy
movie extrême, aussi imparfait que génial,
rempli de trash, de gore et d’irrévérence.
Le duo formé par Ryan Reynolds et Hugh Jackman
fonctionne ici à merveille, propulsant l’action
à toute vitesse. Les gags fusent de toutes
parts, les références à la pop culture abondent
et les scènes d’action sont spectaculaires. Toutefois,
si l’aspect divertissant est indéniable, le
scénario manque parfois de profondeur. En
effet, certaines intrigues secondaires semblent
bâclées et les motivations des personnages
ne sont pas toujours claires. Qui plus est, on
y retrouve un rythme inégal et des plans censés
être iconiques mais sans éclat.
Pour ceux qui ont grandi durant les années
90 et ont vu l’arrivée des premiers personnages
Marvel sur grand écran, ce film offre
une dose de nostalgie. Cependant, bien que
la réapparition de certaines visages emblématiques
soit réjouissante, l’histoire et les
raisons de leur retour sont peu développées.
Malgré ces quelques défauts, Deadpool &
Wolverine est un film qui plaira aux fans de
la saga et aux amateurs de films d’action
déjantés. Néanmoins, il est difficile de le
DEADPOOL & WOLVERINE EST DONC
UN BUDDY MOVIE EXTRÊME, AUSSI
IMPARFAIT QUE GÉNIAL, REMPLI DE
TRASH, DE GORE ET D’IRRÉVÉRENCE
considérer comme une œuvre majeure du
genre. En somme, il s’agit d’un divertissement
efficace, mais sans plus.●
Maroc
3 / 5
TITRE : Deadpool & Wolverine
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : Shawn Levy
GENRE : Action, Comédie, Science-Fiction
DURÉE : 127 minutes
ANNÉE : 2024
CRÉDIT : 2024 20TH CENTURY STUDIO / TM 2024 MARVEL
36 Maroc / Août 2024
EN SALLES
TRAP
UN SHYAMALAN
EN DEMI-TEINTE
Malgré quelques idées intéressantes, « Trap » ne parvient pas à convaincre
pleinement. Le réalisateur, M. Night Shyamalan, semble chercher à renouer
avec ses premiers succès, mais le résultat est mitigé.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
M. Night Shyamalan, qui nous fait douter
de tout, nous offre avec Trap une
expérience cinématographique peu
singulière. Le réalisateur, connu pour ses intrigues
tortueuses et ses rebondissements inattendus,
semble ici explorer de nouveaux territoires,
mêlant horreur et comédie noire.
Le film démarre sur les chapeaux de roue,
nous plongeant dans un univers où un tueur
en série se retrouve coincé dans un concert
géant. Le huis clos initial est maîtrisé, la tension
palpable. Shyamalan, en véritable showman,
met en scène les coulisses de l’événement
avec brio, créant une atmosphère
oppressante. L’intrigue est originale, prometteuse,
et le réalisateur parvient à nous tenir
L’INTRIGUE EST ORIGINALE,
PROMETTEUSE, ET LE RÉALISATEUR
PARVIENT À NOUS TENIR EN HALEINE
PENDANT UNE BONNE PARTIE DU FILM
en haleine pendant une bonne partie du film.
Malheureusement, l’enthousiasme retombe
rapidement. Après un début prometteur, le
récit s’essouffle et semble perdre de sa substance.
Les personnages, malgré quelques
efforts d’écriture, restent plutôt plats et peu
attachants. Les rebondissements, bien que
présents, manquent d’impact et ne parviennent
pas à nous surprendre véritablement.
Le ton du film est également déroutant. Shyamalan
oscille entre l’horreur et la comédie,
sans jamais trouver le juste équilibre. Le résultat
est un mélange des genres qui ne convainc
pas totalement. Si quelques scènes parviennent
à faire sourire, d’autres tombent à
plat, manquant cruellement de subtilité.
CRÉDIT : WARNER BROS
Si le réalisateur démontre une fois de plus
son talent pour créer des ambiances particulières,
il ne parvient pas à livrer un film à la
hauteur de ses précédents succès. Les amateurs
de Shyamalan seront sans doute déçus
par ce long-métrage qui, malgré quelques
qualités indéniables, laisse un goût d’inachevé.
Trap est un film inégal qui plaira aux amateurs
de thrillers efficaces, mais l’on regrettera
un manque d’ambition. Shyamalan livre
ici un film correct, mais qui ne restera pas
dans les annales de sa filmographie. ●
Josh Harnett et Ariel Donoghue dans « Trap ».
Maroc
2 / 5
TITRE : Trap
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : M. Night Shyamalan
GENRE : Thriller
DURÉE : 105 minutes
ANNÉE : 2024
38 Maroc / Août 2024
UN ÉTÉ À BOUJAD
CHRONIQUE D’UN ADO
EN QUÊTE D’IDENTITÉ
Dans son premier long-métrage « Un été à Boujad », Omar Mouldouira
connu pour son court métrage « Margelle », nous invite à un voyage introspectif
à travers le regard de Karim, un adolescent de 13 ans et à une exploration des
défis du retour au pays natal après des années d’exil en France.
PAR SALMA HAMRI
CRÉDIT : AWMAN PRODUCTIONS
les premiers émois de l’adolescence et la
quête d’une double acceptation : celle de
la famille et des habitants du quartier. Omar
Mouldouira réussit à capturer l’incommunicabilité
entre un père accablé par la honte
de ses échecs passés notamment son incapacité
à apprendre correctement l’arabe à
son fils, et ce dernier qui cherche désespérément
une affection qu’il ne trouve pas à
la maison.
La dualité est une constante dans le film.
Elle est relationnelle, émotionnelle, géographique
mais aussi spatiale. En effet, la tension
est palpable à l’intérieur de la maison,
illustrée par des travaux de réaménagement
symbolisant la rupture. À l’extérieur, Karim
trouve une figure identificatoire pansement :
Mehdi un voisin du quartier avec qui il expérimentera
une nouvelle vie, plus libre et
authentique, loin des contraintes familiales
mais non sans blessures du rejet.
Karim (Yassir Kazzouz) et son père Messaoud (Hatim Seddiki) de retour au pays natal.
Nous sommes en été 1986 et Karim
(Yassir Kazzouz), orphelin de mère
depuis 7 ans, revient à Boujad pour
passer ses vacances avec sa famille recomposée.
Son père, Messaoud (Hatim Seddiki),
après avoir travaillé 20 ans en usine en
France, a accepté un chèque de retour pour
refaire sa vie au pays. Pour Karim, ce retour
est loin d’être simple. Surnommé « le Français
» par les enfants du quartier, il vacille
entre les attentes de son père garagiste et
la dynamique complexe d’une nouvelle
famille avec une belle-mère (Laila Fadili) et
un demi-frère qu’il n’accepte toujours pas.
Le film fonctionne comme un récit d’apprentissage,
illustrant les douleurs de l’exclusion,
LE FILM FONCTIONNE COMME UN RÉCIT
D’APPRENTISSAGE, ILLUSTRANT LES
DOULEURS DE L’EXCLUSION ET LES
PREMIERS ÉMOIS DE L’ADOLESCENCE
Un été à Boujad est une chronique de la
pré-adolescence imprégnée d’une tendresse
et d’une violence tacite dans les interactions
humaines que Karim engage, et résonne
profondément avec les thèmes de l’identité
et de l’appartenance.●
Maroc
3 / 5
TITRE : Un été à Boujad
PAYS : Maroc
RÉALISATEUR : Omar Mouldouira
GENRE : Drame
DURÉE : 80 minutes
ANNÉE : 2024
Août 2024 / Maroc
39
EN SALLES
MON AMI LE PETIT MANCHOT
UNE LEÇON DE VIE
« Mon ami le petit manchot », film brésilien réalisé par David Schürmann,
nous embarque dans une aventure touchante et inspirée d’une histoire vraie.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
après une erreur de prononciation d’un
enfant qui tenta de dire le mot portugais
« pinguim »), revient le voir l’été suivant, juste
avant son anniversaire, parcourant des distances
inconnues pour retrouver son sauveur.
Depuis, DinDim revient voir João année
après année, à chaque mois de juin, retrouvant
son chemin malgré les obstacles.
Plutôt que de créer des manchots artificiels
en CGI ou en animation, David Schürmann
a ainsi filmé un groupe de vrais manchots
ayant vécu des expériences similaires à celles
du scénario. Leur bien-être était la première
priorité du tournage. Cela a permis l’émergence
de liens organiques et profondément
touchants entre les acteurs (Jean Reno,
Adriana Barraza et Rocío Hernández) et les
manchots.
« Le film est basé sur une merveilleuse histoire
vraie qui a étonné le monde, mais ce
que j’y ai surtout vu, c’est une belle fable
intemporelle. J’espère que les spectateurs
de tous âges et de tous horizons seront touchés
par cette aventure bouleversante. Nous
avons voulu faire un film qui soit non seulement
amusant, divertissant et visuellement
passionnant, mais qui capture quelque chose
de plus profond à propos de l’amour et de
l’enchantement que la nature nous offre »,
lit-on dans la note d’intention du cinéaste
qui s’est basé sur son expérience personnelle
d’une vie passée sur l’océan, ayant
vécu en mer depuis l’enfance.
En 2011, le pêcheur brésilien João
Pereira de Souza découvert un manchot
recouvert de goudron échoué
sur la plage d’Ilha Grande, près de Rio de
Janeiro. Après l’avoir recueilli chez lui, nourri
et soigné, il le relâche. À sa grande surprise,
le manchot, baptisé DinDim (appelé ainsi
LE FILM EST BASÉ SUR UNE MERVEILLEUSE
HISTOIRE VRAIE QUI A ÉTONNÉ LE MONDE,
MAIS CE QUE J’Y AI SURTOUT VU, C’EST UNE
BELLE FABLE INTEMPORELLE
Au-delà de l’histoire d’amitié, Mon ami le
petit manchot semble être un plaidoyer pour
la protection de la nature. D’autant plus qu’il
nous montre les dangers auxquels sont exposés
les animaux marins à cause de la pollution
et nous encourage à agir pour préserver
notre environnement.●
3 / 5
TITRE : Mon ami le petit manchot
PAYS : États-Unis
RÉALISATEUR : David Schürmann
GENRE : Aventure, Famille
DURÉE : 97 minutes
ANNÉE : 2024
40 Maroc / Août 2024
EN SALLES
CRÉDIT : PATHÉ
LE COMTE DE MONTE-
CRISTO À L’ÉCRAN,
UNE COMPLEXITÉ
SIMPLIFIÉEPrésentée comme
Pierre Niney dans Le Comte de Monte-Cristo,
un Edmond Dantès vindicatif, transformé par l’injustice.
une relecture contemporaine
du chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, l’adaptation
du Comte de Monte-Cristo par Alexandre de La
Patellière et Matthieu Delaporte, réinvestit le
blockbuster à la française. Ce film de cape et d’épée
offre une épopée visuelle captivante et plonge le
spectateur dans un tourbillon de vengeance et de
rédemption.
PAR SALMA HAMRI
L
a nouvelle adaptation du chef d’oeuvre
Le Comte de Monte-Cristo par
Alexandre de La Patellière et Matthieu
Delaporte nous plonge dans une épopée
visuelle captivante mais controversée. Si
certains vantent la capacité du film à moderniser
le récit, les puristes de Dumas s’offusquent
des changements apportés.
Condenser 1200 pages du roman Le Comte
de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas en un
film de trois heures est un pari audacieux
mais toutefois réussi aux dépends de la complexité
des personnages et de leur évolution,
mais aussi des machinations de vengeance
du Comte qui se résument dans le
CONDENSER 1200 PAGES DU ROMAN
D’ALEXANDRE DUMAS EN UN FILM DE
TROIS HEURES EST UN PARI
AUDACIEUX MAIS RÉUSSI AU DÉPEND
DE LA COMPLEXITÉ DES PERSONNAGES
42 Maroc / Août 2024
CRÉDIT : PATHÉ
(Gérard de Villefort), Anaïs Demoustier
(Mercedès) et Anamaria Vartolomei (Haydée).
En effet, Pierre Niney incarne un
Dantès convaincant dans sa jeunesse,
LE FILM mais peine par sa prestation qui
DU MOIS
manque parfois d’intensité et de profondeur,
à capturer la transformation
en Monte Cristo.
La concision du passage de Dantès à Monte
Cristo, renforce d’ailleurs le manque de complexité
du personnage et l’absence du vertige
dramatique des scènes de dévoilement
de son identité, une composante essentielle
de l’œuvre de Dumas. Si la simplification
excessive des personnages et des intrigues
est criante, le film réussit néanmoins
à mieux à capturer le souffle romanesque
du livre par rapport à l’autre chef-d’œuvre
d’Alexandre Dumas Les Trois Mousquetaires,
produit et scénarisé par Matthieu
Delaporte et Alexandre de La Patellière
Synopsis
L’histoire suit Edmond Dantès, un homme
injustement emprisonné pour un crime qu’il
n’a pas commis. Après des années de
souffrance et de désespoir, il découvre un
trésor caché sur l’île de Monte Cristo grâce
aux informations fournies par un compagnon
de cellule mourant. Utilisant cette richesse,
Edmond se réinvente en tant que mystérieux
et puissant Comte de Monte Cristo.
Il retourne à la société avec un seul objectif :
se venger de ceux qui l’ont trahi. Il
démantèle progressivement la vie de ses
ennemis mais au fur et à mesure que sa
vengeance progresse, se retrouve
confronté à des dilemmes moraux,
questionnant la véritable nature de la justice
et de la rédemption.●
film à des crises de colère et à de longs
monologues.
Durant les trois heures, le film parvient à
maintenir un rythme soutenu et à captiver
le spectateur qui, même si les dialogues
s’éternisent et ennuient par moments, se
retrouve plongé dans la beauté des décors
romanesques magnifiquement capturés et
des costumes et musique qui contribuent
à l’immersion dans l’époque.
Visuellement, le film est une réussite. Cependant,
la simplification des personnages et
des intrigues est notable. Les nuances des
personnages du roman sont souvent gommées
dans le film, au profit d’une dichotomie
plus manichéenne : on a les méchants
d’un côté et les bons désemparés d’un autre.
Les tortures psychologiques qu’orchestre
Dantès dans le livre ne sont pas très bien
exploitées et la vengeance se résume en
des duels ou coups de couteaux.
Quant au jeu des personnages, celui-ci
reste modeste malgré le casting talentueux,
notamment Pierre Niney (Edmond Dantès),
Patrick Mille (Danglars), Laurent Lafitte
Le Comte de Monte-Cristo est un sombre
récit de vengeance où un homme (Edmond
Dantès) transformé par la trahison devient
un instrument de justice implacable (Le
Comte de Monte-Cristo). « Maintenant c’est
moi qui punis, c’est moi qui récompense »
qu’adresse Edmond Dantès à Dieu à un
moment charnière du récit, marque d’ailleurs
ce passage de la naïveté et bonté du
cœur à une noirceur implacable.
Cependant, même dans les ténèbres les plus
profondes, l’amour et la rédemption trouvent
une lueur, offrant une issue à l’âme torturée
du Comte de Monte Cristo. Une conclusion
qui diverge du roman, mais qui est compréhensible
dans une optique de rendre le film
« feel good » pour un large public en
recherches d’émotions positives et satisfaisantes
renforcées par une musique qui force
la note épique. La vengeance du Comte
envers Mercédès, qui dans le roman consistait
à la laisser se repentir seule, est ici remplacée
par une réconciliation improbable.●
Maroc
3 / 5
TITRE : Le Comte de Monte-Cristo
PAYS : France
RÉALISATEUR : Alexandre de La
Patellière, Matthieu Delaporte
GENRE : Aventure/Thriller
DURÉE : 178 minutes
ANNÉE : 2024
Août 2024 / Maroc
43
LA RENCONTRE
ALAA EDDINE ALJEM
TRAVERSÉES
CRÉATIVES DU
PAPIER À L’ÉCRAN
Il est réalisateur, scénariste, producteur et depuis
quelques mois, directeur de la filière réalisation de
l’École supérieure des arts visuels de Marrakech
(ESAV). Alaa Eddine Aljem nous embarque pour
quelques heures dans ses errances et rencontres
fortuites, partage sa vision du cinéma et son chemin
créatif en écriture et nous parle de son deuxième
long métrage « Eldorado ». Rencontre avec un esprit
vagabond qui cache sous son calme un pétillant
bavardage d’esprit.
INTERVIEW MENÉE PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Alaa Eddine Aljem, directeur de la filière réalisation de l’École supérieure des
arts visuels de Marrakech (ESAV).
44 Maroc / Août 2024
Alaa Eddine Aljem, comment en êtesvous
venu à faire du cinéma ?
Adolescent, je n’ai jamais pensé aux métiers
du cinéma ni à être réalisateur, d’ailleurs je
n’ai même pas été cinéphile comme mes collègues
avant d’intégrer l’ESAV. J’étais plutôt
un scientifique qui voulait poursuivre ses
études dans ce domaine au Japon, mais faute
de bourse, j’ai dû rester au Maroc et revoir
mes choix. Je ne savais pas vraiment ce que
je voulais faire, jusqu’au jour où je vois à la
télé Vincent Melilli, ancien directeur de l’ESAV
faire la promotion de cette école de cinéma
qui venait tout juste d’ouvrir ses portes à Marrakech.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé
de m’installer à Marrakech et de poursuivre
des études de cinéma.
Vous avez commencé par réaliser des
courts métrages avant de vous lancer
dans votre première expérience de long.
Racontez-nous vos débuts de carrière.
J’en ai fait quatre au total avant de réaliser mon
premier long métrage, Le Miracle du saint
inconnu. Les Poissons du Désert, mon dernier
court métrage sorti en 2015, avait remporté le
Grand Prix du meilleur court-métrage, le prix de
la critique et du scénario au Festival National
du film de Tanger. Cette projection était particulière,
car même si j’avais remporté trois prix
sur quatre dont le Grand Prix, le public s’ennuyait
et ne l’avait pas du tout compris. J’entendais
les gens pousser des soupirs et se demander
quand est-ce que ce film allait s’arrêter,
c’était très violent pour moi, parce que j’ai fait
ce film avec beaucoup d’émotion et d’amour.
Le court-métrage aborde la question de la
relation père-fils, et j’étais vraiment en phase
avec le sujet à ce moment-là car ma femme
était enceinte de mon premier fils et par
conséquent en pleine réflexion sur la paternité
et les changements que ça implique.
C’est un court qui est assez long et vu que
c’est un film en plan séquence, caméra sur
pied, pas de dialogue, ni de musique, on a
l’impression que ça dure plus que 35 minutes.
Outre les quelques émotions négatives et frustrations,
je me suis rendu compte en me mettant
devant mon court métrage projeté, et en
retraçant dans ma tête les étapes et les émotions
par lesquelles je suis passé quand je le
préparais, que c’est un moment magique.
Devant mon court métrage, je me suis dit « J’ai
envie de revivre ça encore et encore et très
vite. Mais cette fois-ci, je veux faire un film qui
ne snobe pas le public, sans pour autant m’éloigner
de ce que j’aime faire ». Et c’est comme
ça qu’est né Le Miracle du saint inconnu.
Août 2024 / Maroc
45
LA RENCONTRE
Quelle importance donnez-vous à
l’écriture dans votre processus créatif ?
Je prends énormément de plaisir à écrire, pour
moi et pour les autres. C’est un plaisir différent
de celui que procure la réalisation, car on
se sent moins seul. J’ai le même rituel d’écriture
: deux, trois endroits pour l’inspiration, du
thé à la menthe à volonté et des prises de
notes à la main. Taper sur l’ordinateur est vraiment
une dernière étape dans ce processus.
Le Miracle du saint inconnu est fait de beaucoup
d’observations du monde qui m’entoure.
Il est aussi nourri d’énormément d’anecdotes.
Le médecin dans le film est inspiré de
l’histoire de ma sœur médecin, qui a été affectée
dans une zone rurale où elle n’avait que
le générique du Doliprane et du coton. Elle
était aussi dans une zone berbérophone,
langue qu’elle ne parlait pas donc il y avait
ce souci de communication aussi que je
reprends dans le film. Beaucoup de personnages
sont tirés d’histoires de famille, d’amis
ou d’observations…
Comment trouvez-vous l’équilibre entre
le dramatique et le comique dans vos
scénarios ?
Dans mon processus d’écriture, il y a toujours
cette même ligne directrice : je pars d’une
situation absurde et je cherche à l’exploiter
à la fois dans son potentiel dramatique, mais
aussi dans son potentiel comique, sans que
ça soit de la grosse comédie. C’est souvent
de la comédie visuelle avec un ancrage social.
Le dosage varie bien évidemment d’un film
à l’autre, mais ce sont généralement des histoires
inscrites dans un univers, ou une esthétique
qui prend beaucoup de place, plus que
la narration. Dans Le Miracle du saint inconnu,
j’ai voulu questionner la relation qu’entretiennent
le gens autour de moi avec la foi, la
spiritualité et l’argent.
On retrouve aussi souvent dans mes films
des archétypes de la société. C’est des personnages
qui existent d’abord par leur fonction,
puis par leur histoire. Dans Le Miracle
du saint inconnu, on ne sait même pas d’où
vient ce médecin, ni pourquoi il est là. Le
voleur pareil, on ne sait même pas d’où il a
volé cet argent. J’ai toujours écrit comme ça
parce que j’adore faire des films choraux. Je
ne suis pas un grand fan des backstories mais
je donne suffisamment de détails pour pouvoir
suivre l’histoire. Je suis avant tout dans
une narration visuelle et je tiens à garder ça.
« Eldorado », votre second long métrage
est en train de prendre forme. Comment
Un adepte de la comédie visuelle avec un ancrage social.
DANS MON PROCESSUS D’ÉCRITURE, IL Y
A TOUJOURS UNE MÊME LIGNE DIRECTRICE :
JE PARS D’UNE SITUATION ABSURDE ET
JE CHERCHE À L’EXPLOITER DANS SES
POTENTIELS DRAMATIQUE ET COMIQUE
l’absurde est exploité cette fois-ci ?
J’ai commencé à écrire ce film en 2020. Il est
maintenant en phase de financement. Idéalement,
si on arrive à avoir tous les sous qu’il
nous faut, on tournerait en 2025, pour une sortie
en 2026. C’est une tragi-comédie sur un
groupe de migrants d’Afrique subsaharienne
qui arrive au Maroc avec l’idée de traverser la
mer pour arriver sur une île secrète qui s’appelle
Eldorado. La légende dit que sur cette
île, il y a un monde juste et équitable. Mais,
suite à une petite erreur dans le planning avec
le passeur, ces migrants se retrouvent dans
une usine de tomate, à fabriquer du Ketchup
et de la sauce tomate pour une marque qui
s’appelle « Eldorado, le goût du Sud ».
C’est un film choral avec une panoplie de personnages
qui sont dans la même situation et
qui rentrent dans une réflexion autour de la
liberté et des envies profondes. Ils tentent en
fait tout au long du film de répondre à cette
question : « à quoi peut-on renoncer pour
avoir une vie meilleure ? ». Et puis, le film est
entrecoupé de fausses pubs de cette sauce
tomate. Il y a donc un côté bien pop, bien
kitsch dans ce film avec des acteurs connus
qui joueront leur propre rôle dans ces mêmes
pubs. Je trouve ça un peu loufoque.
Est-ce qu’on doit s’attendre à une forte
présence masculine comme dans votre
premier long métrage?
J’ai beaucoup eu droit à cette question à la
sortie du Miracle du saint inconnu. J’ai toujours
répondu que dans mon monde imaginaire
il y a une dominance de l’absurde et un
côté rude, et j’ai toujours eu cette impres-
46 Maroc / Août 2024
sion, en tout cas dans mon premier film, que
la présence de femmes ajouterait de la douceur
et de la rationalité là-dedans. C’est peut
être faux, c’est subjectif ce que je dis, si ça
se trouve les femmes sont beaucoup plus
folles que les hommes, mais avoir un personnage
féminin dans Le Miracle du saint inconnu
aurait rajouté une espèce de douceur dans
ces milieux rudes. Dans Eldorado, les femmes
sont certes toujours minoritaires mais un des
personnages principaux est une femme, une
journaliste, qui sera jouée par une superbe
actrice que j’adore. Il y aura aussi des femmes
dans les publicités, mais c’est vrai qu’il y a
beaucoup plus d’hommes.
Vous êtes également en phase d’écriture
d’un troisième long métrage. Quelques
indiscrétions ?
Ce film sera très différent de tout ce que j’ai
fait auparavant. C’est un film de genre ou plutôt
de mélange de genre. Il mêle science-fiction,
horreur, comédie et sera en noir et blanc.
L’histoire se déroule dans un monde futuriste
qui est coupé en deux par un grand mur, et
suit l’errance de trois personnages, deux
hommes et une femme. Les deux jeunes
hommes sont un peu des marginaux et ils
ont un rêve : passer de l’autre côté du mur
et participer à leur émission télé préférée. il
y a un truc un peu délirant là-dedans, c’est
tout ce que je peux te dire maintenant.
Ces dernières années, plusieurs films
marocains se sont distingués dans de
grands festivals internationaux, mais ont
fait très peu d’entrées au Maroc. Quel
est, selon vous, le principal obstacle au
succès de ces films sur le marché local ?
Il y a une très belle évolution du cinéma marocain,
avec de la quantité et de la qualité. Toutefois,
on a plus de visibilité à l’international
qu’au Maroc et c’est malheureux. Je pense
que c’est le plus grand point faible de l’industrie
cinéma du pays. Les films qui passent
dans de grands festivals à l’étranger font très
peu d’entrées au Maroc et ce n’est jamais
par malchance. Il faut arrêter de dire ça, car
il y aura toujours une grosse comédie marocaine
à côté, un Joker, un Batman. C’est plu-
Un esprit vagabond qui cache sous son calme un
bavardage d’esprit et une imagination débordante.
tôt symptomatique du fait qu’il n’y ait pas de
marché local pour les films d’auteurs et du
manque d’éducation du public à l’image. En
France, Le Miracle du saint inconnu est sorti
en même temps que Star Wars, il a quand
même fait des entrées impressionnantes
parce que ce n’est tout simplement pas le
même public.
Le Centre cinématographique marocain (CCM)
doit être structuré pour avoir d’autres types
d’aides que l’avance sur recette, une aide
automatique par exemple pour les films qui
marchent à l’international ? Les Meutes de
Kamal Lazrak, je ne sais pas combien de fois
l’équipe est passée pour avoir l’avance sur
recettes, trois fois ou plus. Asmae El Moudir
ne l’a jamais eu pour La Mère de tous les
mensonges, et j’en passe.
Dans le monde imaginaire de Alaa Eddine Aljem, il y a une dominance de l’absurde et un côté rude.
C’est simple de dire « oui, on est fiers de nos
réalisateurs marocains… On va donner une
aide à la finition ou une prime à la qualité »,
mais sur le moment quand on passe devant
les commissions, on est traité de tous les
noms. Je me souviens du premier passage
du Miracle du saint inconnu. On m’avait juste
insulté quoi, c’était vraiment dégradant avec
des commentaires du style : « il faut que tu
apprennes à écrire, il faut que t’apprennes à
réaliser… ». C’est malheureux parce qu’une
institution comme le CCM devrait vraiment
être la structure qui accompagne cette émergence
là, l’institution qui accompagne ce
dynamisme que connaît actuellement le
cinéma marocain. ●
Août 2024 / Maroc
47
INTERVIEW
MOUHCINE MALZI
CRÉDIT : DR
RELEVER DES
DÉFIS, CONQUÉRIR
DES CŒURS
Devenir acteur
ne faisait pas
partie de mes
rêves d’enfant
48 Maroc / Août 2024
Loin de se laisser griser par
la célébrité, Mouhcine Malzi
évoque l’acting à son aise, et
son bonheur, avec discrétion.
Pour lui, l’interprétation est
avant tout une question de
partage et d’émotion. Il se
glisse dans la peau de ses
personnages avec une justesse
et une sensibilité rares. Tête-àtête
avec un homme de tête
très épanouie.
INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA
Comment vous avez préparé votre rôle
dans Taxi Bied 2 ? Et comment vous vous
êtes connecté personnellement avec le
personnage que vous avez interprété ?
Dans Taxi Bied 2, je reprends le rôle de
Bouaouina, qui m’accompagne depuis plusieurs
années. J’ai d’ailleurs participé à l’écriture
du film. Ce trafiquant de drogue use de
son intelligence pour promouvoir sa marchandise
et dominer le marché face à ses concurrents.
Pour ce personnage complexe, j’ai cherché
à composer une apparence et une attitude
neutres, ne révélant rien de ses intentions. Un
brin de malice s’ajoute cependant, pour servir
la dimension comique de ce film dramatique.
Quelles règles vous êtes-vous fixées pour
l’interprétation de votre personnage ?
Pour cerner le personnage, il est essentiel de
retrouver le rythme de ses mouvements, sa
gestuelle et le ton de sa voix dès les prémices
du travail. Cette exploration s’étend à sa dimension
psychologique, physique et sociale, afin
de comprendre ses motivations et les ressorts
de ses actions.
Pouvez-vous décrire vos méthodes de
travail et l’atmosphère du tournage ?
Le tournage du film s’est étalé sur environ un
mois et demi, dans une ambiance empreinte
de professionnalisme et de convivialité.
Entouré d’une brochette de talents, composée
de figures emblématiques du cinéma
marocain comme Mohammed Khiari, Fatiha
Ouatili, Mohamed Choubi, Abdelkebir Rgagna
et Mansour Badri, et de jeunes acteurs prometteurs
tels que Ilham Karaoui, Simohamed
Sriri et Maryam Elgaraa, j’ai pu évoluer au sein
d’une équipe soudée.
Rythme par des rires et ponctué par la fatigue
due à la diversité des lieux de tournage, de
jour comme de nuit, le tournage a été une
expérience riche en émotions.
Avez-vous une propension pour les films
comiques ou ces rôles s’imposent à vous ?
Si l’on me propose souvent des rôles dramatiques,
ma formation me prédispose à explorer
des registres variés, y compris la comédie,
qui me séduit davantage. En effet, j’ai eu l’opportunité
d’incarner des personnages tantôt
SI L’ON ME PROPOSE SOUVENT DES
RÔLES DRAMATIQUES, MA FORMATION
ME PRÉDISPOSE À EXPLORER DES
REGISTRES VARIÉS, Y COMPRIS LA
COMÉDIE, QUI ME SÉDUIT DAVANTAGE
CRÉDIT : DR
Le rôle marquant de Mouhcine Malzi dans « Al Wajeh Al Akhar » a pu laisser croire à un début
de carrière, alors qu’il a déjà interprété une variété de personnages dans d’autres productions.
Août 2024 / Maroc
49
INTERVIEW
comiques, tantôt tragiques, sur les planches
comme à l’écran.
Un acteur accompli doit posséder la palette
d’outils et les techniques nécessaires pour
incarner des rôles multiples et s’affranchir
des stéréotypes qui risquent d’étouffer sa
créativité.
Qu’est-ce qui vous a le plus poussé à
bifurquer vers le métier d’acteur, bien que
ce ne fût pas votre vocation initiale ?
Sincèrement, devenir acteur ne faisait pas partie
de mes rêves d’enfant. C’est un heureux
hasard qui m’a conduit sur cette voie. Poussé
par mon frère Moncef, réalisateur du film Taxi
Bied, et encouragé par des amis, je me suis
inscrit à l’institut supérieur d’art dramatique et
d’animation culturelle. C’est là que j’ai obtenu
mon diplôme de professeur d’éducation artistique,
et que mon véritable voyage dans le
monde du théâtre a débuté.
Y a-t-il un film en particulier dans lequel
vous vous êtes identifié ou que vous avez
trouvé particulièrement fascinant ?
Parmi les films qui m’ont marqué, Le Parfum
occupe une place à part. Depuis ma première
vision, il ne cesse de hanter ma mémoire. Bien
d’autres films me plaisent, certes, mais celui-ci
possède une dimension inoubliable.
Quel cinéphile êtes-vous ?
Adepte des comédies et des films d’action, je
suis également fasciné par le cinéma iranien.
Ses sujets et ses personnages, toujours
empreints d’une grande profondeur, ne
cessent de me captiver.
Malgré votre formation à l’ISADAC, vous
vous êtes éloigné du théâtre. Aujourd’hui,
l’idée d’affronter les planches et de vous
(re)plonger à nouveau dans une pièce
vous attire-t-elle ?
Auparavant, et plus particulièrement avant la
CRÉDIT : DR
Ilham Karaoui, Zakaria Alaoui, Hafid Belemkaddem et Mouhcine Malzi dans « Taxi Bied 2 ».
CRÉDIT : SIGMA TECHNOLOGIE
pandémie de Covid-19, le théâtre occupait une
grande place dans ma vie. J’ai dû m’éloigner
de la scène pendant un certain temps, mais
aujourd’hui je me replonge avec ferveur dans
une nouvelle pièce. L’objectif ? Retrouver l’atmosphère
enivrante du théâtre, sa magie, et
me remémorer les techniques et les exigences
du jeu scénique.
Houda Majd et Mouhcine Malzi dans la série « Mal Denia », diffusée sur MBC 5 en 2023.
Comment le théâtre a-t-il enrichi votre
palette d’outils d’expression ?
Le théâtre, c’est une source de vitalité pour
l’acteur. Il aiguise sa mémoire, tant mentale
que physique, et le maintien en permanence
en contact avec les mécanismes du jeu et la
proximité du public.●
50 Maroc / Août 2024
REPORTAGE
FRAGMENTS
BRIBES DE VIES
RECONSTITUÉES
A Skhirat, dans le jardin d’une villa
donnant sur l’océan, deux réalisateurs,
Fatine Janane Mohammadi et Abdelilah
Zirat ainsi que leur équipe technique
s’apprêtent à filmer la scène de
dénouement de leur premier long métrage
co-réalisé « Fragments ». Les principaux
acteurs sont tous réunis : Khouloud Betioui,
Ismail Abou-El-Kanater, Ayoub Layoussifi,
Sarah Perles et Said Amel. La tension est à
son paroxysme. Immersion dans les
fragments de cette journée de tournage.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
52 Maroc / Août 2024
Une mère et son fils retissent des liens perdus dans les méandres de la maladie.
Août 2024 / Maroc
53
REPORTAGE
Samedi 29 février. Extérieur, jour. Il est 9
heures du matin et nous sommes à 20
minutes de la capitale, devant une villa vue
sur mer à Skhirat, le décor dans lequel la
coréalisatrice du long métrage Fragments,
Fatine Janane Mohammadi nous a donné rendez-vous.
Ce plateau de tournage est plus qu’un simple décor, il
sera le cadre des dernières scènes du film, d’où l’intensité
palpable dès notre arrivée sur les lieux.
L’équipe technique, déjà au complet, s’affaire à la mise
en place. Les décorateurs ajustent les moindres détails,
les costumiers repassent les quelques chemises qui
restent et les machinistes courent dans tous les sens.
Au même moment, la script est plongée dans la relecture
minutieuse du scénario, une tâche indispensable à
la continuité et la cohérence des scènes. Enfin, dans un
coin, les co-réalisateurs, Fatine Janane Mohammadi et
Abdelilah Zirat, complices et concentrés, discutent les
derniers découpages.
« Ce n’est pas évident de faire la co-réalisation mais dans
notre cas on est des amis qui se connaissent depuis vingt
ans et on a toujours eu les mêmes idées, les mêmes penchants
artistiques, les mêmes univers cinématographiques.
J’ai déposé ce film plusieurs fois au Centre cinématographique
marocain (CCM) mais il n’a pas été retenu, ce n’est
qu’après avoir retenté ma chance avec Abdelilah que le
film a été accepté par la commission », nous confie Fatine.
De son côté, Abdelilah dit avoir adoré et adopté le scénario
dès la première lecture de la première version. «
C’est vrai que plusieurs personnes se demandent pourquoi
on réalise un film à deux, c’est très rare au Maroc, et
cela surprend plus qu’un mais c’est normal pour moi. La
réalisation est quelque chose de très individuel et personnel
mais puisqu’on est sur la même longueur d’onde
Fatine et moi, ça change la donne… ça ne veut pas dire
qu’on est d’accord sur tout, heureusement d’ailleurs, mais
on l’est sur le plus important : la vision artistique. Ensuite
on discute le découpage, la mise en scène… »
Il est 10 heures, les deux acteurs principaux atteints d’Alzheimer,
dans le film, sont déjà prêts, coiffés et habillés.
Khouloud Betioui qui incarne le rôle de Ghita, ancienne
chanteuse de Malhoun, fait des va-et-vient dans le jardin
de la villa, sans doute pour se décontracter et renforcer
sa concentration, tandis que Ismail Abou-El-Kanater
qui campe le rôle de l’ex-commandant, est allongé
sur un canapé, un verre de thé à la main.
CE PLATEAU DE TOURNAGE EST
PLUS QU’UN SIMPLE DÉCOR, IL
SERA LE CADRE DES DERNIÈRES
SCÈNES DU FILM
Passage obligatoire des acteurs par l’étape make-up. Ici Sarah Perles
et Ayoub Layoussifi se mettent dans la peau de leur personnage.
54 Maroc / Août 2024
Synopsis
Dans ce long métrage, trois histoires s’entremêlent explorant les thèmes
centraux de l’oubli, de l’amour, de la mémoire, et de la reconstitution de
souvenirs perdus. Ghita ( Khouloud Betioui ) et Hassan ( Said Amel ), un couple
d’artistes septuagénaires de Meknès, voient leur vie paisible bouleversée par
la maladie d’Alzheimer de Ghita. Leurs enfants, doivent faire face à cette perte
progressive de la mémoire de leur mère, notamment Karim ( Ayoub Layoussifi
), qui revient du Canada pour s’occuper de sa mère et mieux comprendre les
phases par lesquelles elle passe. Parallèlement, un commandant solitaire à
Rabat ( Ismail Abou-El-Kanater ), traumatisé par la Guerre des Sables, devient
de plus en plus agressif et s’oublie et oublie par la même occasion ses
souvenirs. Sa fille, Amal (Sarah Perles), revient elle aussi du Canada pour
l’aider. Karim et Amal se rencontrent d’ailleurs à l’aéroport de Rabat-Salé alors
qu’ils arrivent au Maroc pour soutenir leurs parents, une peine commune qui
tissera des liens forts entre les deux.●
Les acteurs tournent les premières scènes de la journée
et dernières du long métrage.
Les deux acteurs principaux qui incarnent la jeunesse,
Ayoub Layoussifi dans le rôle de Karim et Sarah Perles
(Amal) arrivent ensuite. Chacun, à son rythme, passe par
la case maquillage puis costume. Les personnages
prennent vie sous les mains expertes des maquilleurs
et stylistes. Une fois prêts, ils se dirigent vers le jardin
pour une séance de répétition. Chaque réplique est discutée
et quelques fois légèrement modifiée jusqu’à la
perfection.
Les répétitions commencent. Les réalisateurs et les
acteurs collaborent étroitement, ajustant les intonations
et les mouvements, à la recherche de l’émotion juste.
L’ambiance est à la fois sérieuse et détendue et les
moments de concentration intense sont ponctués par
des éclats de rire.
Les coréalisateurs répètent avec les acteurs principaux la scène de dénouement.
Une fois les instructions finales données aux acteurs, les
techniciens vérifient une dernière fois l’éclairage, le
cadrage, et le son, puis avec le premier clap de la journée,
le tournage des premières scènes commence et la
magie opère.
Août 2024 / Maroc
55
REPORTAGE
Dans la peau
de Karim
Les deux réalisateurs discutent les
derniers détails avant la première prise.
Tout au long de la journée, les prises se succèdent. Les scènes
s’enchaînent, tantôt dans un calme total, tantôt dans une frénésie
créative. « On a une très belle équipe technique et nos
acteurs sont juste exceptionnels. Khouloud Betioui et Ismail
Abou-El-Kanater sont excellents et leur renommée parle
d’elle-même », déclarent les co-réalisateurs.
« Quant aux jeunes acteurs, ils apportent une fraîcheur
incontestable. Sarah fait une entrée fracassante et Ayoub
est très méticuleux. Il a beaucoup de patience et une certaine
capacité à se concentrer. Il a aussi envie de tout
savoir et de bien faire les choses. C’est d’ailleurs le premier
à venir au plateau de tournage et le dernier à le quitter
», nous expliquent les co-réalisateurs.
« Je joue le personnage de Karim. C’est le deuxième
enfant de Ghita, qui est une ancienne chanteuse de
Malhoun. Il est parti étudier au Canada et travaille là-bas
en tant qu’ingénieur en aéronautique. C’est quelqu’un
de très sensible et très proche de sa maman et le fait
qu’il soit loin d’elle crée des sentiments de remords
par moments. Il culpabilise aussi énormément du fait
qu’il n’ait pas été assez à ses côtés, au moment où la
maladie d’Alzheimer s’est déclarée. Une annonce qu’il
prend de plein fouet. Dans le film, Karim rentre donc
au Maroc et essaye de rattraper le temps perdu. Il
essaye de passer le plus de temps possible avec sa
mère et de stimuler sa mémoire. Il lui ramène à titre
d’exemple un magnétophone pour qu’elle puisse se
rappeler de ses chansons ou s’enregistrer. Il y aura ces
moments de lucidité où la maman va parler de son
premier amour, donc c’est très doux et tendre et d’autres
moments où celle-ci va confondre son fils Karim avec
son premier amour et avoir du mal à se rappeler de
plusieurs éléments du quotidien. Karim
est en fait le fils bienaimé de Ghita
et au fur et à mesure de l’évolution
de la maladie, une histoire
d’amour se tisse entre lui et Amal
(Sarah Perles) dont le père est
également atteint d’Alzheimer ».●
Ayoub
Layoussifi et
Khouloud
Batioui
« Les lauréats de l’Institut Supérieur d’Arts Dramatique
et d’Animation culturelle (ISADAC) sont pour leur part
extraordinaires, ils vont jouer les rôles du Maroc des
années 70. A travers le casting, on a repéré des pépites,
dont la belle découverte, Wiam Chakar qui va crever
l’écran ! », s’enthousiasment les co-réalisateurs.
L’Alzheimer au cinéma
Fait divers pour certains, cruelle réalité pour d’autres, la
maladie de l’Alzheimer a rarement été traitée dans le
cinéma marocain. Au cœur de la trame narrative de Fragments,
« cette maladie, personnage à part entière, va tisser
les destins des personnages principaux, offrant une
perspective unique et touchante sur un sujet souvent
négligé », promettent-ils.
Ce film se concentre sur des septagénaires atteints d’Alzheimer,
et montre comment l’entourage doit composer
avec la démence des proches et d’autres défis liés à l’Alzheimer.
Il ne se contente pas de montrer la maladie,
mais explore aussi ses répercussions sur les relations
familiales et amicales.
Il s’agit d’un « récit riche en flash-backs vers le Maroc des
années 1970, et en souvenirs enfouis, révélant des aspects
cachés de leur vie et de leurs relations. La trame secondaire,
centrée sur le commandant solitaire à Rabat et sa
fille Amal, « offre un parallèle poignant, soulignant l’isolement
et les défis supplémentaires posés par la maladie ».●
56 Maroc / Août 2024
DOSSIER PRO
58 Maroc / Août 2024
LES DESSOUS DE
LA DISTRIBUTION
CINÉMATOGRAPHIQUE
AU MAROC
La distribution de films, bien que cruciale, reste l’un des métiers les plus méconnus et les
plus vulnérables du cinéma marocain. En dépit de son rôle essentiel dans la commercialisation
et la promotion des films, la distribution fait face à de nombreux défis au Maroc, soulevés par
des acteurs interrogés par Boxoffice Maroc, dont notamment Mohamed Khouna de Films Event
Consulting et sous distributeur de Pathé BC Afrique, distribuant exclusivement des films
étrangers et Malika Chaghal de la Cinémathèque de Tanger dont la société distribue principalement
des films d’auteurs. D’autres professionnels se sont exprimées sous couvert d’anonymat.
PAR SALMA HAMRI
Août 2024 / Maroc
59
DOSSIER PRO
Au Maroc, plusieurs acteurs se disputent
le marché de la distribution
cinématographique. Le paysage
est pourtant dominé par une poignée de
grands acteurs français, souvent critiqués
pour leur position monopolistique.
Il s’agit donc de Megarama, Pathé BC Afrique
et CinéAtlas. Selon le rapport du CCM de
2022, Film Event Consulting se distingue
comme le premier distributeur grâce à ses
droits africains sur les catalogues de Warner,
Universal, TF1, et Pathé Gaumont.
La société de distribution de Mohamed
Khouna avait distribué 47 films étrangers en
2022, sur un total de 200 films d’origine
marocaine et étrangère et occupait la première
place parmi les distributeurs, avec une
part de marché de 23,5 %.
En deuxième position, toujours selon les
chiffres du CCM de 2022, Mégarama, avec
une part de marché de 21,5 %. Notons qu’en
plus de distribuer des films marocains et
étrangers, Mégarama détient un monopole
de fait sur l’exploitation des salles de cinéma.
Ensuite vient Marrakech Spectacles (15,5 %),
détenue par la famille Layadi propriétaire
notamment du cinéma Colisée à Marrakech.
Celle-ci distribue toutes les franchises de
films d’Hollywood, notamment Métropolitan
et Disney (Marvel, Pixar, Star Wars). En 4ème
position, CinéAtlas (5 %) un autre distributeur
notable et exploitant par la même occasion,
commercialisant les films de Warner et
d’indépendants européens.
En termes de distributeurs marocains, Films
Event Consulting s’impose comme un nouvel
entrant prometteur. Il était d’ailleurs le
premier distributeur de films marocains pendant
deux années consécutives en 2021 et
en 2022. Il passe à la 3ème position en 2023
avec 23 films distribués, pour se concentrer
sur d’autres projets, notamment la programmation
des films dans les 150 salles de
cinéma lancées par le ministère de la Culture,
explique Mohamed Khouna.
Le métier de distributeur
« Le distributeur est l’interface entre le producteur
et l’exploitant de salles de cinéma
», avance Mohamed Khouna qui nous
explique en détail le rôle des distributeurs.
Celui-ci ne se limite pas à l’acquisition puis
la simple diffusion des films, il englobe éga-
FILM EVENT CONSULTING SE DISTINGUE COMME
L’UN DES PREMIERS DISTRIBUTEUR GRÂCE À SES
DROITS AFRICAINS SUR LES CATALOGUES DE
WARNER, UNIVERSAL, TF1, ET PATHÉ GAUMONT
CRÉDIT : PATHÉ
Cinéma Pathé Californie inauguré en décembre 2023.
60 Maroc / Août 2024
Pathé Californie, premier multiplexe marocain du groupe français Pathé,
compte huit salles équipées de technologies de projection IMAX et 4DX.
CRÉDIT : PATHÉ
Part de marché des 4 premières sociétés de
distribution au Maroc en 2022
Film Event Consulting
47 FILMS*
23,5 %
Megarama Maroc
43 FILMS
21,5 %
Marrakech Spectacles
31 FILMS
15,5 %
*Sur 200 films marocains et étrangers distribués en 2022
Ciné Atlas Holding
10 FILMS
5 %
lement la gestion de la stratégie de communication
et de marketing, incluant la définition
des dates de sortie pour maximiser
le succès du film en évitant une concurrence
directe.
CRÉDIT : MAP
La distribution intervient après la production
d’un film, une fois celui-ci terminé. Le
distributeur est chargé de faire en sorte que
le film soit vu par le public. Ce rôle commence
par l’acquisition des droits de diffusion
auprès du producteur, via un minimum
garanti (MG) quand il s’agit de productions
étrangères, ce qui fait du distributeur un
co-producteur du film. Le distributeur devient
responsable de l’évaluation du potentiel
commercial du film et de sa promotion, un
processus qui englobe des campagnes d’affichage,
des bandes-annonces, des relations
presse.
Le distributeur, détenteur des droits, transmet
ensuite une copie du film à chaque
exploitant pour poursuivre sa promotion
auprès du public cible, avant de le projeter
dans les salles. Les recettes générées par
les spectateurs sont ensuite partagées en
fonction de l’accord négocié entre le distributeur
et l’exploitant.
Mohamed Khouna, président de la Commission d’aide à la numérisation,
à la tête de la boite de distribution Film Event Consulting.
Mohamed Khouna met avant l’importance
de la culture de spécialisation qui commence
à s’installer dans le secteur et qui permet
une compréhension approfondie du public
cible. « Le secteur couvre désormais un
large éventail de productions marocaines
et étrangères, y compris les films d’auteur,
les films éducatifs et les films écologiques,
et chaque distributeur se spécialise dans
un genre ou thème », salue-t-il. A titre
d’exemple, Film Event Consulting distribue
62 Maroc / Août 2024
DOSSIER PRO
CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC
LE MONOPOLE DES GRANDS
EXPLOITANTS COMME MÉGARAMA ET
CINÉATLAS LIMITE LES OPPORTUNITÉS POUR
LES DISTRIBUTEURS INDÉPENDANTS
exclusivement des films étrangers. « Je n’ai
pas les codes de la distribution de films
marocains, c’est des avants premières, des
tournées, du bouche à oreille…Pour le
moment je suis plus à l’aise avec les codes
du film étranger ».
Mohamed Khouna nous donne ensuite une
idée sur combien dépense à peu près un
distributeur. « Sur un film d’auteur : c’est
entre 30 000 et 50 000 dirhams (DH), sur
une animation on n’est pas loin des 80 000
DH, c’est ce que nous dépensons hors partenariat,
et pour une animation connue (Viceversa
ou Les Minions), ça coûte plus cher
(on est entre 100 000 DH et 150 000 DH
hors partenariat) ».
Cinéma Le colisée à Marrakech, géré par la famille Layadi, également distributeurs (Marrakech Spectacles).
Les embûches de la distribution
La distribution de films au Maroc est confrontée
à plusieurs défis majeurs. Le monopole
des grands exploitants comme Mégarama
et CinéAtlas limite les opportunités pour les
distributeurs indépendants. Selon Mohamed
Khouna, ces exploitants ne reconnaissent
pas toujours le rôle crucial des distributeurs
et ne se rendent pas compte de la différence
entre les deux métiers. Il souligne également
que les coûts de distribution et de promotion
peuvent souvent surpasser les revenus
générés par les entrées en salles.
Notre second interlocuteur qui a préféré garder
l’anonymat évoque les pratiques déloyales
dans le secteur, où les grands exploitants qui
sont par la même occasion distributeurs
imposent des conditions défavorables aux
distributeurs indépendants. « On est amené
à partager notre line-up avec les exploitants
et souvent on nous refuse des dates pour
placer en priorité les films des exploitants/
distributeurs qui ne sont même pas finalisés
dans la majorité des cas ».
Ce même distributeur fait observer que le
métier n’est pas pris au sérieux et méprisé de
la part des producteurs et exploitants qui
pensent tous pouvoir faire ce métier. « Il faudrait
professionnaliser le métier à travers des
lois et des circulaires, pour imposer le respect
et une connaissance approfondie des rouages
de la distribution », ajoute notre source.
Du côté des producteurs, notre interlocuteur
se plaint du fait que ces derniers font
appel aux distributeurs aux dernières étapes
de conception du film. Les distributeurs
doivent souvent intervenir tardivement dans
le processus de production, ce qui limite
leur capacité à influencer la stratégie de
Août 2024 / Maroc
63
CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Malika Chaghal à la tête de la
Cinémathèque de Tanger et distributrice.
CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
communication et de promotion du film, alors
qu’ils devraient être impliqués dès les premières
étapes, « parce qu’une sortie ne s’improvise
pas, c’est un travail en amont qui
doit être réalisé au moins trois à quatre mois
avant la sortie du film », se désole-t-il. De
plus, « les distributeurs touchent rarement
les avances sur recettes du CCM accordées
aux producteurs, celles-ci restant entre les
mains de l’équipe de production du film ».
Un autre problème majeur est le nombre limité
de salles de cinéma au Maroc, malgré les
ouvertures récentes. « Le potentiel de distribution
est restreint, exacerbant la concurrence
entre les films marocains et étrangers », nous
explique-t-on. En outre, les films marocains
peinent souvent à obtenir une visibilité adéquate.
Ainsi, les producteurs se tournent souvent
vers les grands exploitants qui sont aussi
distributeurs, comme Mégarama pour assurer
la visibilité de leurs films, mais cela n’aboutit
pas toujours aux résultats escomptés.
Pour Malika Chaghal, à la tête de la Cinémathèque
de Tanger et distributrice au Maroc
du film d’Asmae El Moudir La Mère de tous
les Mensonges, il est très compliqué de distribuer
des films d’auteurs au Maroc. Elle
nous confie qu’« il y a plusieurs années, je
voulais projeter un film palestinien pour
enfants à la Cinémathèque. J’ai donc contacté
les distributeurs Pyramide Films qui m’avaient
proposé 1 800 euros pour une dizaine de
séances. J’ai répondu « non à ce prix-là
j’achète le film et je le garde toute l’année
et je le distribue au Maroc ». C’est ce que j’ai
fini par faire et c’est comme ça que je me
suis lancée dans la distribution, sauf que
quand je m’y suis mise, les films que je distribuais
(principalement des films d’auteurs)
n’intéressaient pas les autres salles de
cinéma. J’ai donc arrêté car je distribuais
souvent à perte. J’ai repris depuis peu la distribution,
parce que les salles s’ouvrent maintenant
à plusieurs types de programmations,
et c’est réconfortant.●
64 Maroc / Août 2024
INTERVIEW
AYOUB
LAHNOUD
CAPTER
LE HORS-
CHAMP
MAROCAIN
La fiction est
un tableau
qu’on fait à
50 mains
Ayoub Lahnoud, réalisateur de la série tendance «Am ou Nhar».
66 Maroc / Août 2024
Un réalisateur qui braque sa caméra sur un Maroc hors champ.
C’est dans un petit café à côté
du marché central de
Casablanca, qu’on s’est donné
rendez-vous avec Ayoub
Lahnoud, le réalisateur de la
série tendance « Am ou Nhar »,
diffusée actuellement sur
Al Aoula. Dans cet échange,
Lahnoud nous dévoile sa
vision artistique et les coulisses
du processus créatif derrière
sa série.
INTERVIEW MENÉE PAR SALMA HAMRI
CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Vous êtes réalisateur depuis 2011.
Pourtant, ce n’est que récemment que
votre travail a gagné en visibilité,
notamment depuis la série Moul Lmlih.
Qu’est ce qui explique cette
reconnaissance tardive?
Je suis lauréat de l’École supérieure des arts
visuels de Marrakech (ESAV) en 2011. Après
mes études de cinéma, j’ai travaillé dans un
premier temps en tant que co-réalisateur,
pour des expériences de courts métrages,
de pubs, un téléfilm. J’ai aussi co-réalisé un
épisode de la série Une heure en enfer.
Ensuite, de 2016 jusqu’à 2019, je me suis
particulièrement concentré sur le travail
d’écriture sérielle et cinématographique,
avant de me relancer dans la réalisation en
2022, avec la série Moul Lmlih pour commencer,
puis la mini-série Ors Dib, l’année
d’après et Am ou Nhar l’année qui suit. Il y
aussi une autre série que j’ai réalisée et écrite
qui sera prochainement diffusée sur la chaîne
2M Ayn Libra.
Comment décririez-vous votre style de
réalisation et comment a-t-il changé au fil
des années ?
Je ne dirais pas que j’ai un style particulier
mais je suis plutôt à la recherche d’un style.
Je me suis depuis mes débuts armé de plusieurs
références et aujourd’hui j’essaye d’être
plus conscient dans l’usage de ce que je filme
et des outils et je tente surtout de marier un
effet de mise en scène qui reste esthétique
et qui ressemble exactement au cinéma que
j’admire avec la réalité marocaine. Un ingénieur
du son qui bossait avec moi sur la série
Am ou Nhar avait d’ailleurs dit « on est en train
de faire 70 % de fiction et 30 % de documentaire
». Son ressenti n’est pas relatif uniquement
au son, ça se reflète aussi au niveau des
costumes, du décor, du jeu d’acteur. Je suis
toujours à la recherche d’un truc qui ressemble
le plus au réel. En fait, je pense qu’il y a deux
Maroc celui qu’on filme et celui qui est en horschamp.
Moi je tourne toujours ma caméra juste
un peu vers celui qui est en hors-champ, pour
voir le Maroc qui n’est pas fait pour être filmé
ou qu’on filme de manière fortuite.
Comment choisissez-vous les projets sur
lesquels vous travaillez ?
Il y a deux manières pour moi de procéder :
soit j’initie le projet, soit on m’approche. Dans
Août 2024 / Maroc
67
INTERVIEW
IL FAUT QU’IL Y AIT UN CORDON
OMBILICAL ENTRE LE PROJET ET MOI ET
CELA PART DU SENTIMENT DE RECHERCHE
DE L’AVENTURE, C’EST INDISPENSABLE
Le conventionnel n’a pas sa place dans le
langage cinématographique de Lahnoud.
les deux cas, il y a un seul critère qui m’importe,
c’est que ça soit un projet qui sort du
lot, que ça soit quelque chose d’audacieux.
Un drame social où on rit beaucoup, un drame
social saupoudré d’action, en tout cas ça doit
être un terrain dans lequel on s’aventure dans
les genres. J’ai peur d’être dans le conventionnel
et de travailler avec les acquis. Il faut
qu’il y ait un cordon ombilical entre le projet
et moi et cela part du sentiment de recherche
de l’aventure, c’est indispensable.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers le projet
Am Ou Nhar ?
L’idée du film vient d’un ami auteur et de moi.
Au départ, nous voulions raconter l’histoire
d’une femme dont l’ex-partenaire continue
de lui rendre la vie infernale, même après
leur séparation. Une fois l’idée proposée pour
l’appel d’offres, il fallait contextualiser et installer
un ancrage culturel marocain. Je me
suis ensuite rappelé l’histoire de l’amie d’une
tante à moi qui devait se cacher de son
ex-mari parce qu’elle risquait de perdre la
garde de son enfant du moment qu’elle s’est
mariée avant la fin de la période d’une année
et un jour fixée par la loi. Je me suis dit c’est
tellement absurde que ça mérite d’en faire
une série. Il fallait trouver quelque chose d’insolite.
Dans Am ou Nhar c’est l’histoire d’une
femme de loi, avocate qui devient hors-la-loi
parce qu’elle tombe amoureuse d’un homme
avec lequel elle décide de faire sa vie avant
l’échéance d’une année et un jour. J’ai vu
dès le départ un potentiel comique absurde
parce que ce sont deux personnages mariés
qui vivent une histoire d’amour interdit, et ça
c’est très marocain et très intéressant, c’est
ce qui m’a attiré dans le projet. La fiction c’est
un tableau qu’on fait à 50 mains ça ne ressemble
jamais au point de départ mais le
résultat est exceptionnel.
Racontez-nous le processus créatif autour
de la série et vos collaborations avec les
scénaristes et équipe techniques
Pour l’écriture de la série, il y avait un atelier
d’écriture composé de cinq personnes, ce qui
était avantageux c’est qu’on est multidisciplinaires
dans le sens où chacun vient d’un background
différent. Il y avait une journaliste, Basma
El Hijri, un scénariste de formation, Jawad Lahlou.
Ayoub Layoussifi, un des acteurs et qui est aussi
réalisateur, était également parmi nous, ainsi
que Mounia Magueri, dialoguiste et comédienne
engagée dans la défense des droits des femmes.
Cela crée un pool de conditions complémentaires
et ça nous aide à avancer vite dans les
deadlines strictes et serrées. Cela donne un
excellent rendu, on arrive à l’épisode 27 et 28
sans que l’histoire s’épuise, pourtant 30 épisodes
c’est très long. La création a dépassé
l’atelier d’écriture et s’est également développée
au niveau du tournage. Il y avait toujours
ce souci de qualité qui primait, tout le monde
était impliqué, et ça a donné un produit homogène,
tellement que des automatismes se sont
installés, on se comprenait facilement.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de
vos projets futurs ? Y a-t-il des thèmes ou
des genres que vous aimeriez explorer
davantage ?
il y a beaucoup de choses qui ne sont toujours
pas encore entamées mais au stade
embryonnaire, et s’il y a des genres que j’aimerais
explorer dans l’audiovisuel marocain
en général ce serait des films ou séries de
genre, j’aimerais bien qu’on ait un polar marocain
ou un thriller ou même une comédie à
l’anglaise, quelque chose de marocain mais
typé pour explorer quelque chose d’alléchant
et qu’on puisse sortir de tout ce qui
est série de drame social où l’on revoit les
mêmes histoires et personnages.●
68 Maroc / Août 2024
ZOOM SUR UNE SALLE
CINÉMA
RENAISSANCE
UN ÉCRIN
DE CULTURE AU
CŒUR DE RABAT
Le cinéma Renaissance, salle emblématique
de la capitale, a ouvert ses portes en octobre
1923. Si l’histoire derrière sa création et
conception demeurent quelque peu mystérieuse,
le cinéma Renaissance de Rabat n’est pas
seulement un cinéma, c’est un symbole de la
vitalité culturelle, un lieu où l’histoire et la
modernité se rencontrent.
PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTO : BOXOFFICE MAROC
70 Maroc / Août 2024
E
n 1925, Joseph Seiberras, un
Algérois d’origine maltaise, qui
était à l’époque le plus important
exploitant de salles de
cinéma en Afrique du Nord a
décidé d’acheter le cinéma Renaissance.
Ouverte en 1923, la Renaissance était dans
un premier temps un théâtre qui a accueilli
plusieurs stars internationales, notamment
Joséphine Baker qui a joué dans une pièce
de théâtre pour les soldats américains en
1943.
La Renaissance a ensuite subi une importante
rénovation au début des années 1950
avant de rouvrir une année plus tard avec
un confort amélioré et une capacité réduite
de 850 à 774 sièges, permettant une meilleure
expérience pour les spectateurs. Elle
était d’ailleurs une des rares salles à être
équipée en 70 mm au Maroc et d’un système
de sonorisation Western Electric, faisant
d’elle la première salle sonorisée de
Rabat et l’une des premières au Maroc.
Sa façade a été rehaussée, perdant certains
de ses attributs néomauresques d’origine,
mais l’entrée en marbre blanc et noir
a été conservée. Toutefois, malgré son succès
initial, la Renaissance a fermé ses portes
en 2007, victime d’une désertion.
Quelques temps plus tard, le roi décide de
la racheter et confie en 2013 sa gestion à
la Fondation Hiba qui a transformé le lieu
en complexe culturel, entre salle de spectacles
et cinéma d’art et d’essai. Depuis, le
cinéma Renaissance est devenu « l’un des
endroits de référence dans l’écosystème
culturel Rbati grâce au travail des équipes
de la Fondation Hiba. Le cinéma est pensé
comme un lieu versatile capable à la fois
d’accueillir des projections de films ainsi
que du spectacle vivant (concert, théâtre,
etc.) », assure le directeur général de la
Fondation Hiba, Marwane Fachane.
« La particularité du cinéma, qui en fait l’exception
dans le paysage des salles au Maroc
et la capacité de passer d’une configuration
avec des places assises lorsque les
sièges sont déployés à une salle ou nous
pouvons accueillir 700 personnes pour des
événements qui le nécessitent », poursuit-il.
Notons que le nombre de sièges est passé
de 774 avant rénovation à 340 fauteuils
actuellement.
La force du cinéma Renaissance réside
dans sa programmation éclectique. Le
cinéma présente à la fois des blockbusters,
des films d’animation, d’auteur ainsi que
des films inédits, souvent primés, dans le
cadre de cycles en partenariat avec des
acteurs culturels.
Parmi ces cycles, on trouve La semaine du
film européen, le cycle Rai Cinema, le cycle
Venezia, la semaine du film scandinave et
Les Polish Film Nights; pour n’en nommer
que quelques-uns. En plus de ces partenariats,
la Renaissance crée également ses
propres événements, comme Roots Rabat
– les rencontres du Cinéma Africain, qui a
vu le jour en 2023. Un programme qui vise
à réunir les acteurs de la filière cinématographique
en Afrique pour renforcer la coopération
Sud-Sud.
« S’agissant du spectacle vivant, nous proposons
à notre public une programmation
dans l’air du temps qui se veut éclectique
et accessible à toutes et à tous, où nous
mettons en avant des artistes émergents
et d’autres plus établis. Ceci permet au
public de découvrir des artistes émergents
tout en profitant des prestations de leurs
artistes favoris, quelle que soit la discipline
», précise notre interlocuteur. Il s’agit
notamment de Fatima Zahra Lahouitar, Hoba
Hoba Spirit, M’jid Bekkas, Nadia Benzakour
et bien d’autres.
« Notre public est notre force. Nous avons
réussi à créer une communauté qui va de
l’étudiant aux grands noms des acteurs de
notre industrie dans le monde en passant
par les familles qui viennent voir des choses
qui leurs mettent des étoiles dans les lieux.
Dans la même semaine vous pourrez croiser
des réalisateurs et des critiques de
cinéma ainsi que des gens qui viennent
pour voir des choses qui participent à l’enrichissement
de leur culture», conclut le DG
de la Fondation Hiba.●
Août 2024 / Maroc
71
ZOOM SUR UNE SALLE
Le cinéma Renaissance devient en 2013 un complexe culturel qui accueille films et spectacles.
Le café est un lieu de rencontre par excellence de toutes les générations.
72 Maroc / Août 2024
Nombre de fauteuils
340
Taille de l’écran
10M X 5,5M
Ratio de l’écran
16 :09
Marque du
projecteur
CHRISTIE
Modèle
CP-4220
Résolution
du projecteur
4K
Son
5.1
Le cinéma Renaissance, un des endroits de référence dans l’écosystème culturel Rabati.
RENAISSANCE
Le cinéma dispose d’une salle, d’un café et d’un espace de vente
de créations d’artistes marocains (poster, livres, bijoux ...).
La façade du cinéma Renaissance rappelle qu’il s’agit d’un lieu où l’histoire et la modernité se rencontrent.
Août 2024 / Maroc
73
ZOOM SUR UNE SALLE
Si la façade a perdu certains de ses attributs néomauresques d’origine, l’entrée en marbre blanc et noir a été conservée.
L’espace café et rencontres du cinéma Renaissance.
Un vieux projecteur du cinéma Renaissance, exposé dans l’espace café.
Un lieu qui accueille une communauté qui va de l’étudiant aux retraités en passant par
les grands noms de l’industrie cinématographique et culturelle en général.
74 Maroc / Août 2024
Le nombre de sièges est passé de 774 avant rénovation à 340 fauteuils actuellement.
Les loges qui accueillent les artistes venus du monde entier.
Une programmation éclectique: Blockbusters, films d’animation, d’auteur ainsi que des films
inédits, souvent primés, dans le cadre de cycles en partenariat avec des acteurs culturels.
Les coulisses du cinéma Renaissance.
La billetterie du cinéma Renaissance.
Août 2024 / Maroc
75
INTERVIEW PRO
LAMIA CHRAÏBI
RÉALISER UN FILM
REPRÉSENTE UN
INVESTISSEMENT
CONSÉQUENT EN
TEMPS ET EN
RESSOURCES
Dans cette interview, la productrice Lamia
Chraïbi discute ouvertement de son métier,
de ses relations avec les réalisateurs, et des
défis du cinéma.
INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA
CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Comment apportez-vous votre expertise
au projet du réalisateur ?
Je commence par rencontrer le réalisateur
pour discuter de son idée et développer un
scénario. La recherche de financement est
cruciale, nécessitant des partenaires qui
croient en notre vision. Je préfère m’impliquer
dès le début pour mieux comprendre la
vision du réalisateur et la concrétiser en une
œuvre réussie.
La singularité des réalisateurs influencet-elle
votre approche ?
Ce qui m’attire, c’est leur style et leur capacité
à briser les conventions. Mon rôle est de
soutenir le réalisateur en apportant un regard
extérieur et en l’aidant à trouver les meilleures
façons de partager son film. Par exemple,
Hicham Lasri, lui, je l’ai aidé à structurer son
récit et à obtenir les financements nécessaires
pour ses idées audacieuses.
Comment la diversification des financements
et l’internationalisation des séries
transforment-elles l’industrie ?
Les modèles de production traditionnels ne
suffisent plus. Je crois en l’internationalisation
dès la conception des séries, avec des financements
diversifiés comme les plateformes
de streaming et les coproductions internationales.
Cela permet de créer des séries plus
ambitieuses et de meilleure qualité.
Votre activité de productrice ne se limite
pas uniquement aux films de fiction…
Je suis également passionnée par la production
de documentaires qui explorent des thématiques
sociales et humaines profondes et engagées.
76 Maroc / Août 2024
Comment choisissez-vous les acteurs ?
Le réalisateur a souvent une vision précise
des acteurs. Je m’assure que leur personnalité
correspond à celle des personnages et,
si le film est destiné à l’international, je privilégie
des acteurs reconnus pour élargir le
public. Pour les films marocains, je mets en
avant des talents locaux.
Quels défis rencontrez-vous dans la
production cinématographique ?
La production d’un film est longue et complexe.
Par exemple, le prochain film de Hicham
Lasri est en développement depuis 10 ans.
Nous avons fait notre première résidence
d’écriture en 2013 et le tournage a eu lieu en
2023. Le film devrait être finalisé en 2024 ou
2025 et sortira en salles en 2026.
La production d’un film n’est pas une course
Fascinée par le pouvoir d’influence de la télévision, Lamia Chraïbi a choisi d’utiliser ce média
pour diffuser des messages positifs et inspirants. Après une carrière en publicité en France,
elle retourne au Maroc et se lance dans la production audiovisuelle.
MON RÔLE EST DE SOUTENIR LE
RÉALISATEUR EN APPORTANT UN REGARD
EXTÉRIEUR ET EN L’AIDANT À TROUVER LES
MEILLEURES FAÇONS DE PARTAGER SON FILM
solitaire, mais plutôt un orchestre harmonieux
où chaque musicien joue sa partition. La collaboration
entre le réalisateur, la productrice
et l’équipe du film est vitale pour mener à bien
ce projet d’envergure.
Derrière la magie du cinéma se cachent
des réalités économiques. La recherche
de financements est une étape capitale et
souvent ardue. Il est important de séduire
les investisseurs, de les convaincre du
potentiel du projet et d’être prêt à adapter
le film si nécessaire pour répondre à
leurs attentes.
Le tournage représente une étape importante
dans la vie d’un film. C’est le moment où les
acteurs incarnent les personnages, où les
décors prennent vie et où l’histoire se déroule
sous nos yeux. Cependant, le tournage n’est
pas la fin du processus. La post-production
joue un rôle essentiel pour peaufiner l’image,
le son et l’ambiance du film, lui insufflant ainsi
son identité finale.
Août 2024 / Maroc
77
INTERVIEW PRO
La série panarabe « Meskoun » de Lamia Chraïbi, confrontée à des obstacles financiers
et politiques, vise à sensibiliser sur les réalités de l’Afrique du Nord.
Créativité et
innovation : Des
clés pour se
démarquer !
Lamia Chraïbi : « Les jeunes cinéastes
marocains ont beaucoup à offrir et ils
doivent être encouragés à exprimer leur
vision unique du monde. C’est pourquoi,
à travers la Fondation Tamayouz, nous nous
engageons à accompagner ces jeunes
talents en leur fournissant les outils et les
ressources dont ils ont besoin pour réaliser
leurs premiers longs métrages et participer
à des festivals internationaux ».
La BO est-elle importante ?
Oui, la musique enrichit l’expérience cinématographique.
J’ai eu le plaisir de collaborer
avec Walid Ben Selim, du groupe N3rdistan.
J’ai également eu l’occasion de travailler avec
d’autres compositeurs marocains talentueux,
tels que Oum. Ceci m’avait permis de mettre
en avant la richesse et la diversité de la
musique marocaine, tout en contribuant à la
promotion des talents locaux.
CREDIT : DR
Qu’est-ce que « Productrice Designer » ?
Cela implique parfois de m’impliquer dans la
direction artistique, en participant aux choix
de décors, costumes, et casting, pour affiner
la vision globale du film.
Réunir plusieurs réalisateurs pour un projet commun sur un thème précis : c’était l’ambition de Lamia Chraïbi avec
« Terminus des Anges » . Un défi de taille, car concilier les différentes visions et personnalités n’est jamais facile.
Comment adapter un projet aux
contraintes budgétaires ?
Il faut ajuster le scénario et rechercher des
financements complémentaires. Réduire le
nombre de séquences de jours de tournage
peut aider, tout comme obtenir des fonds supplémentaires
auprès d’investisseurs.
Une fourchette des budgets…
Les budgets des films que je produis
varient en fonction de leur ampleur et de
leurs ambitions. Les budgets oscillent entre
800 000 euros et un million d’euros (M€),
avec certains allant jusqu’à 3 M€. Les documentaires
ont des budgets plus modestes,
autour de 600 000 dirhams.
Réaliser un film représente un investissement
conséquent en temps et en ressources. Le
processus de développement et de production
peut s’étendre sur plusieurs années, la
moyenne se situant entre 3 et 10 ans. Il est
donc crucial de mettre en perspective les
budgets alloués à ces projets par rapport à
la durée et à l’ampleur du travail entrepris.
C’est clair que les budgets des films que je
produis varient en fonction de leur nature et
de leurs ambitions. Cependant, il est important
de souligner que ces investissements
représentent bien plus que de simples coûts
de production. Ils constituent une contribution
essentielle à la création d’œuvres artistiques,
au développement de l’industrie cinématographique
et à la stimulation de
l’économie locale.
Comment améliorer la qualité du cinéma
marocain ?
En formant mieux les producteurs et scénaristes.
Une meilleure maîtrise des aspects
financiers, juridiques et techniques permet
de créer des films de qualité et d’améliorer
l’exportation du cinéma marocain.
Percevez-vous des changements dans le
cinéma marocain ?
La nouvelle génération de cinéastes est prometteuse
et créative, avec un potentiel pour
l’internationalisation. En soutenant ces jeunes
talents, nous pouvons rendre l’industrie marocaine
plus dynamique et influente.
Quels obstacles doivent être surmontés ?
Le cinéma marocain doit diversifier ses financements,
surmonter la dépendance au financement
public, et faire face aux défis comme
le manque de salles et le piratage. Il est crucial
de soutenir les cinéastes et d’améliorer
l’accès aux financements privés.
Comment les plateformes de streaming
influencent-elles l’industrie ?
Elles diversifient l’offre cinématographique
et permettent aux films d’avoir une « seconde
vie ». Elles complètent les salles de cinéma,
enrichissent l’expérience et favorisent la créativité,
tout en préservant l’immersion unique
des salles. ●
78 Maroc / Août 2024
REPORTAGE
AUTISTO
L’OMBRE D’UN
TROUBLEFassi Fihri.
PAR REDA K. HOUDAÏFA
Silence ça tourne ! Jérôme Cohen-
Olivar, scénariste et réalisateur, tourne
actuellement son prochain film « Autisto »
à Casablanca, un projet profondément
personnel et engagé, produit par Zhor
Le réalisateur et scénariste du film
Autisto, Jérôme Cohen-Oliva.
80 Maroc / Août 2024
CRÉDIT : Z FILMS
Août 2024 / Maroc
81
REPORTAGE
CRÉDIT : Z FILMS
Tournage à Casablanca en juin 2024.
Inspiré par son propre fils autiste, Jérôme Cohen-Olivar
utilise son vécu pour offrir un récit authentique
et sensible, mettant en lumière la vie des personnes
atteintes de troubles autistiques.
Au départ réticent à aborder l’autisme au cinéma, l’adolescence
de son fils l’a convaincu de l’importance du
sujet. « J’ai compris le pouvoir du cinéma comme outil
de communication et de compréhension », explique-t-il.
La rencontre avec la productrice, Zhor Fassi-Fihri, a été
déterminante dans la concrétisation de ce projet.
Travaillant sur ce film depuis cinq ans, le réalisateur cherchait
un producteur partageant sa vision créative. De
fait, la collaboration entre Jérôme et Zhor, basée sur la
confiance et le partage d’idées, a permis d’enrichir le
projet. « Le film est une production 100% marocaine »,
souligne la productrice. Initialement conçu comme un
film à gros budget en coproduction et tourné dans plusieurs
pays, le scénario a été réécrit et l’histoire réadaptée
pour s’inscrire dans une production nationale.
Un film en marche malgré les défis
Impressionnée par la passion de Jérôme Cohen-Olivar, la
productrice Zhor Fassi-Fihri a décidé de soutenir pleinement
ce film, convaincue de son potentiel au Maroc et à
l’international. Malgré les défis financiers et de temps,
l’équipe s’engage avec ferveur et fait progresser le projet
positivement.
Le tournage a débuté le 10 juin et s’étale sur six semaines.
Le budget initial est d’environ 8,5 millions de dirhams,
mais il devrait être revu à la hausse en post-production.
« En effet, le réalisateur souhaite ajouter des effets spéciaux
et une nouvelle levée de fonds sera nécessaire
pour compléter le financement, notamment par la
recherche de sponsors », nous dit Zhor.
Autisto plonge, donc, le spectateur dans l’univers bouleversant
d’une mère confrontée à l’autisme de son fils
adolescent. Ce récit poignant explore l’amour inconditionnel
qui lie une mère à son enfant, tout en mettant en
lumière les défis quotidiens auxquels sont confrontées
les familles touchées par l’autisme.
AUTISTO PLONGE LE
SPECTATEUR DANS L’UNIVERS
BOULEVERSANT D’UNE MÈRE
CONFRONTÉE À L’AUTISME DE
SON FILS ADOLESCENT
82 Maroc / Août 2024
Ancré dans le contexte social marocain, le film invite à
une réflexion profonde sur l’acceptation de la différence,
la résilience et la force du lien mère-enfant. Il se veut un
plaidoyer pour la sensibilisation à l’autisme, brisant les
préjugés et suscitant l’empathie.
Le scénario quant à lui n’est pas figé dans une écriture
rigide, mais se nourrit au contraire des interactions avec
les acteurs et l’équipe. « Le film est un processus créatif
en constante évolution, inspiré par les échanges et
les improvisations », explique Cohen-Olivar.
La collaboration entre le réalisateur et la productrice Zhor
Fassi-Fihri s’avère essentielle pour la réussite du projet.
Passionnée de cinéma et impliquée dans le processus
créatif, Zhor apporte une vision audacieuse qui donne au
film sa force et son originalité. « Nous partageons une
vision commune du film, ce qui facilite grandement notre
travail en équipe », souligne Cohen-Olivar.
CRÉDIT : Z FILMS
Echange d’idées et de perspectives entre le réalisateur,
Jérôme Cohen-Olivar, et sa productrice, Zhor Fassi-Fihri.
CRÉDIT : Z FILMS
Un casting prometteur
Loubna Abidar incarne, ici, avec puissance et émotion la mère
d’Adam, un adolescent atteint d’autisme sévère. Entourée
d’un jeune casting talentueux, dont Youssef Jabri et Ismail
Abou-El-Kanater, elle porte le film sur ses épaules.
« J’ai choisi Loubna pour la qualité de son jeu et son intensité
émotionnelle », explique le réalisateur. Et d’en rajouter : « elle
est parfaite pour ce rôle exigeant et incarne avec justesse la
complexité des sentiments de cette mère courageuse ».
Loubna Abidar, de retour au Maroc après près de dix ans,
retrouve le cinéma national avec ce film poignant.
« J’étais très heureuse de revenir et de relever ce nouveau
défi », confie-t-elle.
Zhor Fassi-Fihri sur le tournage d’Autisto.
CRÉDIT : Z FILMS
Le personnage de la mère d’Adam est confronté à de
nombreux défis quotidiens pour aider son fils à s’épanouir
et à s’intégrer à la société. Pour s’imprégner de
ce rôle complexe, Loubna Abidar a effectué un travail
de préparation approfondi.
« J’ai rencontré des associations qui travaillent avec des
enfants autistes et j’ai suivi les conseils d’un psychiatre,
explique-t-elle. Il était important pour moi de comprendre
les comportements et les besoins d’un enfant autiste
pour pouvoir jouer mon rôle avec authenticité ».
Au-delà de son récit poignant, ce projet ambitionne de susciter
le débat et la réflexion autour de l’autisme. « Je suis
convaincu que ce film touchera et marquera le public »,
s’enthousiasme le réalisateur Jérôme Cohen-Olivar.
Ambiance lunaire d’une attente vague.
Conscient de la sensibilité du sujet, le réalisateur espère
que son film contribuera à une meilleure compréhension
de l’autisme et à une société plus inclusive. En brisant
les préjugés et en favorisant l’empathie, Autisto a
le potentiel de changer les regards et d’améliorer la vie
des personnes touchées par ce trouble.●
Août 2024 / Maroc
83
UNE SALLE, UNE HISTOIRE
Le mythique cinéma Caméra de Meknès s’est
offert une cure de jouvence, en préservant
son charme mystérieux et inégal.
La fresque murale intérieure de 70 mètres carrés, réalisée
par Marcel Couderc, constitue un véritable patrimoine
artistique qu’il convient de préserver.
84 Maroc / Août 2024
LE CAMÉRA : UN JOYAU
ART DÉCO À MEKNÈS
Trônant fièrement au cœur de la ville impériale
de Meknès, le Caméra se distingue comme un
joyau Art déco, un sanctuaire cinématographique
qui défie les affres du temps. Chaque pierre, chaque
fresque, chaque recoin du Caméra murmure une
histoire, un héritage précieux qui nous renvoie à
l’âge d’or du cinéma classique.
PAR REDA K. HOUDAÏFA - CRÉDIT PHOTO : MOHAMMED ELKHALKI
La salle s’est offert un lifting complet ! Les 200 sièges
du balcon et les 9 loges ont été entièrement refaits à
neuf, portant la capacité d’accueil à 600 places.
Août 2024 / Maroc
85
UNE SALLE, UNE HISTOIRE
CRÉDIT : DR
Il était souvent nécessaire d’acheter ses billets quelques jours avant la séance choisie, afin d’éviter les files d’attente
interminables où la fébrilité atteignait son paroxysme lorsque retentissait la sonnerie stridente annonçant le début de la séance.
L’histoire du Caméra est intimement liée
à celle de la famille Sandeaux, fondatrice
d’un empire cinématographique à
Meknès. Cosmos Xanthopoulos, un Grec visionnaire,
s’installe à Meknès au début du XXème
siècle et y construit un réseau de salles de
cinéma qui deviendra le fleuron du divertissement
local : l’Empire, le Caméra et le Mondial.
En face du Caméra, il conçoit un complexe
commercial avant-gardiste, incluant un café et
un passage couvert surmonté d’un cinéma à
l’architecture moderne. Son décès en 1952
interrompt ce projet novateur, mais son héritage
perdure à travers ses salles de cinéma.
Marius Sandeaux: un exploitant passionné
Cosmos lègue le Caméra à Antoine, l’un de
ses fils, tandis que Marius, le cadet, se lance
dans l’exploitation cinématographique,
gérant d’abord le Mondial puis l’Empire.
Quelques décennies plus tard, c’est au tour
de Marius de reprendre les rênes du Caméra
et du Rif, après le départ d’Antoine et de sa
famille pour la France.
Pour Marius, bien plus qu’un métier, l’exploitation
de sa salle de cinéma est une véritable
passion. Son talent exceptionnel pour
négocier avec les distributeurs de films à
Casablanca le propulse au rang des meilleurs
exploitants de salles du Maroc. Son
caractère trempé, son humour et sa sincérité
lui valent l’estime de ses pairs et nouent
des amitiés durables dans le milieu.
Une histoire de famille et de cinéma à Meknès
Trônant fièrement au cœur de Meknès, le
Caméra se distingue comme le fleuron des cinémas
Sandeaux, une famille d’exploitants de la
ville. Bâtie en un temps record grâce à sa structure
en béton armé, cette salle de cinéma a
ouvert ses portes le 27 décembre 1938, après
un dépôt de permis de construire en février de
la même année.
L’escalier menant au balcon du Caméra est orné
d’une fresque réalisée par Marcel Couderc, professeur
de dessin au lycée Poeymireau (actuellement
lycée Paul-Valéry). C’est aujourd’hui la
famille Tazi qui veille sur ce lieu d’exception,
suite à son acquisition dans les années 1970
par feu Alami Tazi, également propriétaire du
cinéma Rif à Meknès.
Le Caméra est un exemple rare de l’architecture
de cinéma Art déco des années 1930, un
bâtiment exceptionnel, peut-être unique au
monde. Parfaitement conservé dans son état
d’origine, il a subi peu de modifications depuis
son ouverture. La salle n’a jamais été numérisée
et fonctionnait toujours en 35 mm.
La renaissance
Cependant, en réponse à l’enthousiasme des
habitants de Meknès et au soutien des distributeurs
marocains, Jamal Tazi, propriétaire du
cinéma, a initié un vaste projet de réhabilitation
et de modernisation de cet établissement. Le
13 mai 2023, après deux mois de travaux, le
Caméra a soufflé ses 85 bougies, paré de ses
habits neufs. La projection événement de la
comédie marocaine Dados a marqué le début
d’une nouvelle ère pour cette salle mythique.
Cette renaissance tant attendue est l’aboutissement
de la première phase d’un ambitieux
projet de réhabilitation. Celui-ci a permis de restaurer
la façade, le bâtiment et la salle de 650
places, tout en dotant la cabine d’un projecteur
numérique de pointe. Un écran et un projec-
LE CAMÉRA N’EST PAS QU’UN SIMPLE
CINÉMA, C’EST UN LIEU DE MÉMOIRE, UN
TÉMOIN DE L’HISTOIRE CINÉMATOGRAPHIQUE
DE MEKNÈS DEPUIS 85 ANS
86 Maroc / Août 2024
Un lieu de mémoire et de cinéma
Le Caméra, c’est bien plus qu’une simple salle de cinéma. C’est un lieu de mémoire,
un témoin privilégié de 85 années d’histoire du cinéma à Meknès. Fondé en 1938
par la famille Sandeau, il a été racheté par Alami Tazi au début des années 60, qui
a également construit le cinéma Rif, un autre fleuron de la ville.
Durant des décennies, le Caméra a été le rendez-vous des cinéphiles de Meknès,
diffusant une programmation riche et variée. Mais, comme de nombreuses salles à
travers le pays, il a dû faire face à la crise du cinéma des années 90, marquée par
le piratage et la désaffection du public.
« Nous avons résisté avec nos projecteurs 35mm aussi longtemps que possible »,
explique Jamal Tazi. « Mais face à la raréfaction des films en argentique et à la
mobilisation de la communauté cinéphile, nous avons décidé de rénover et de rouvrir
le Caméra », conclut-il.●
Une des photographies de la collection
personnelle de Claude Sandeaux.
Un véritable coup de fouet électrique a été donné à la salle ! Le passage de 110 à 220 volts
permettra d’alimenter un équipement plus performant et d’améliorer la qualité de la projection.
Le Caméra
en chiffres :
Année de construction :
1938
Investissement pour
la première phase de
rénovation :
2-3 MILLIONS
DE DIRHAMS
Prix d’entrée :
Orchestre:
30 DH
Balcon :
ENTRE 45 ET 50 DH
Tarif étudiant :
20 DH
teur de seconde main de très bonne qualité
complètent l’équipement en attendant des technologies
dernier cri d’ici fin d’année. « C’est une
vieille dame qui renaît de ses cendres », confiait
Jamal Tazi, propriétaire du cinéma et héritier
d’une longue histoire familiale dans le monde
du 7ème art. « Nous avons opté pour un matériel
performant tout en préservant l’âme et le
caractère d’antan du Caméra », précise-t-il.
Soit ! Le Caméra n’est pas qu’un simple cinéma,
c’est un lieu de mémoire, un témoin de l’histoire
cinématographique de Meknès depuis 85
ans. Il a traversé les époques, diffusant une programmation
riche et variée pour le bonheur des
cinéphiles de la ville.
Un nouveau souffle pour le 7ème art à Meknès
La réouverture du Caméra est une bouffée d’oxygène
pour le cinéma à Meknès. La nouvelle
programmation généraliste s’adresse à tous les
publics : familles, étudiants, amateurs de films
d’auteur ou de blockbusters. Des projections
spéciales en argentique seront également organisées,
permettant de redécouvrir la magie du
celluloïd grâce aux deux projecteurs Cinemeccanica
d’origine.
Avec des places à des prix abordables, le
Caméra ambitionne de devenir un lieu de vie
et de culture incontournable pour les Meknassis.
Au-delà du divertissement, le cinéma prévoit
d’organiser des débats, des rencontres
avec des réalisateurs et des cycles thématiques.
Ces initiatives permettront de créer
un véritable pôle culturel et d’animer la vie
artistique de la ville.
La renaissance du Caméra est plus qu’une
simple rénovation, c’est un symbole d’espoir
pour le cinéma marocain. Elle démontre la
volonté de préserver le patrimoine cinématographique
du pays et de proposer une alternative
aux multiplexes standardisés.●
Août 2024 / Maroc
87
COUPS DE COEUR
DE LA RÉDACTION
Pitch
QUELLE ANNÉE
POUR LE CINÉMA !
Entre les sorties en salles et les pépites découvertes en
streaming, les choix ont été difficiles. Nous vous dévoilons les
films et les séries qui ont marqué nos collègues et qui méritent
selon nous votre attention.
PROPOS RECUEILLIS PAR REDA K. HOUDAÏFA - BOXOFFICE MAROC
« Fallout » de Jonathan Nolan & Wayne Yip
La série Fallout est d’ores et déjà considérée
comme l’une des meilleurs adaptations d’un
jeu vidéo. Disponible sur Prime Video, la série
surfe sur l’habituelle vague du post-apocalyptique,
avec une ambiance futuriste. Du déjà vu
pourrait-on croire, mais la création de Jonathan
Nolan, frère de Christopher Nolan et à qui on
doit aussi Westworld, arrive à se démarquer sur
un point essentiel souvent ignoré par les séries
de science-fiction : un scénario fouillé, une
esthétique raffinée et une intrigue bien préparée.
Un savant mélange qui donne aux spectateurs,
à la fois un produit fini de qualité mais aussi et
surtout, une histoire qui fait réfléchir.
SOUFIANE SBITI : Directeur de la publication
« Kind of Kindness » de Yorgos Lanthimos
Kind of Kindness est le film qui a marqué jusqu’à
présent mon année 2024. Le réalisateur de
Poor Things revient avec un triptyque fascinant.
On suit un homme se libérant d’une relation
paternaliste, un policier retrouvant sa femme
disparue et des membres d’une secte cherchant
à ressusciter les morts. Ce qui frappe le plus
chez Lanthimos c’est sa mise en scène virtuose,
mêlant humour noir et moments de beauté
poignante. Certes, la structure en triptyque peut
sembler artificielle, et certains pourraient y voir
un film paresseux. Mais c’est justement ce qui
le rend captivant. Kind of Kindness confirme
Lanthimos comme l’un des cinéastes les plus
audacieux de notre époque.
YACINE KAOUTI : Conseiller de la rédaction
« Les Filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania
Les Filles d’Olfa est un portrait poignant d’une
mère tunisienne aux prises avec les traditions,
le patriarcat et la quête de liberté de ses filles.
Ce sixième long métrage de la réalisatrice
Kaouther Ben Hania, shortlisté aux Oscars 2024,
s’immisce dans l’intimité d’une famille déchirée
par l’enrôlement des deux filles aînées d’Olfa dans les rangs jihadistes en Libye. Mêlant habilement
documentaire et fiction, le film offre un récit sincère et émouvant, où des moments spontanés
côtoient des scènes reconstituées. À travers les yeux d’Olfa et de ses deux filles cadettes, ainsi
que des actrices qui incarnent les aînées, Ben Hania explore les origines de ce départ tragique
et les conséquences de ce choix radical sur une famille.
SALMA HAMRI : Journaliste
88 Maroc / Août 2024
« Sweet Tooth » de Toa Fraser, Robyn Grace et Jim Mickle
Dans un futur ravagé par une mystérieuse pandémie, Gus, un jeune garçon
mi-cerf, mi-humain, part à l’aventure aux côtés de Tommy, un ermite solitaire.
Cette série (disponible sur Netflix), adaptée des comics de Jeff Lemire, nous
plonge dans un monde dystopique où la nature reprend ses droits et où les
hybrides comme Gus sont chassés. Les trois saisons nous tiennent en haleine
du début à la fin, grâce à des personnages attachants, une intrigue riche en
rebondissements et une réalisation soignée. On y retrouve tous les codes du
genre post-apocalyptique, mais aussi une dimension plus intimiste qui explore
les thèmes de l’amitié, de la famille et de la différence. Sweet Tooth est bien
plus qu’une simple série de science-fiction, c’est une œuvre touchante et
optimiste qui nous rappelle que même dans les moments les plus sombres,
l’humanité peut triompher.
MOHAMED MHANNAOUI : Directeur artistique
« The Beekeeper » de David Ayer
Ce film d’action (Amazon Prime Video) est un véritable régal pour
les amateurs du genre. Jason Statham y livre une performance
solide, incarnant à la perfection le dur à cuire solitaire qu’il maîtrise
si bien. Le scénario, classique mais efficace, nous plonge dans une
intrigue simple mais palpitante, ponctuée de scènes d’action
brutales et de répliques cultes. The Beekeeper aborde la problématique
des escroqueries en ligne, un fléau qui touche un grand nombre
d’entre nous et qui se traduit souvent par le vol de nos fonds.
ZINEB AZEDDINE : Maquettiste
« Beverly Hills Cop : Axel F » de Mark Molloy
Beverly Hills Cop: Axel F (Netflix) est un cocktail
réussi de nostalgie et de modernité. Axel Foley
(Eddie Murphy) est de retour, plus drôle et
impulsif que jamais, aux côtés de nouveaux
personnages et de ses anciens complices. Le
film reprend les codes qui ont fait son succès :
humour décalé, poursuites effrénées et ambiance
californienne. Mais, il se renouvelle avec une
intrigue actuelle et des relations familiales
complexes. Le duo père-fille formé par Axel et
sa fille avocate apporte une touche d’émotion
à l’action. Les fans de la saga retrouveront avec
plaisir l’esprit des premiers films, revisité avec
des séquences d’action spectaculaires et une
mise en scène dynamique.
EZZOUBAIR ELHARCHAOUI : Maquettiste
« Anatomie d’une chute » de Justine Triet
Anatomie d’une chute est une véritable maîtrise du récit
cinématographique. Le film s’articule autour d’un procès
faisant suite au décès mystérieux de Samuel, retrouvé au pied du
chalet familial en montagne. Sa femme, Sandra, devient la principale
suspecte. Au fil des débats, nous sommes entraînés dans un
labyrinthe de témoignages contradictoires et de perspectives
changeantes. Triet utilise habilement la salle d’audience comme
scène de bataille psychologique. Les récits des personnages
s’entremêlent et s’affrontent, révélant la fragilité de la vérité et la
malléabilité de la mémoire. Le film souligne comment notre
compréhension des événements est façonnée par nos propres
biais et désirs. Anatomie d’une chute suggère que la vérité est
souvent insaisissable et que ce qui importe le plus, c’est l’histoire
que nous choisissons de croire. Le motif récurrent de la cécité,
incarné par le fils malvoyant du couple, souligne l’idée que nous
construisons souvent nos propres réalités.
REDA K. HOUDAÏFA : Journaliste
Août 2024 / Maroc
89
GUIDE DES SORTIES
DEPUIS LE 24 JUIN 2024
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé
Meknès : Camera
CineAtlas
Marrakech : Megarama, Le Colisée
Tanger : Megarama,
Cinémathèque de Tanger, Alcazar
El Jadida : CineAtlas
Fès : Megarama
CineAtlas
Marrakech : Megarama, Le Colisée
Tanger : Megarama,
Cinémathèque de Tanger, Alcazar
El Jadida : CineAtlas
Fès : Megarama
Meknès : Dawliz, Camera
NOM DU FILM : Maxxxine
DURÉE : 101 minutes
GENRE : Horreur, Crime, Mystère
RÉALISATEUR : Ti West
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Megarama
Rabat : Megarama
Marrakech : Megarama
Tanger : Megarama
DEPUIS LE 24 JUILL 2024
DEPUIS LE 24 JUILL 2024
DEPUIS LE 31 JUILL 2024
DEPUIS LE 28 JUIN 2024
NOM DU FILM : Le comte de
Monte-Cristo
DURÉE : 173 minutes
GENRE : Aventure, Histoire
RÉALISATEUR : Alexandre de
La Patellière, Matthieu Delaporte
PAYS : France
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Rabat : Mégarama, CineAtlas
DÈS LE 10 JUILLET 2024
NOM DU FILM : Longlegs
DURÉE : 101 minutes
GENRE : Épouvante-horreur,
Thriller
RÉALISATEUR : Oz Perkins
PAYS : États-Unis
NOM DU FILM : Deadpool &
Wolverine
DURÉE : 127 minutes
GENRE : Action/Comédie
RÉALISATRICE : Shawn Levy
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé, Megarama,
Eden Club
Rabat : Megarama, Renaissance,
CineAtlas
Marrakech : Megarama, Le Colisée
Tanger : Megarama,
Cinémathèque de Tanger, Alcazar
El Jadida : CineAtlas
Fès : Mégarama
Meknès : Dawliz, Camera
NOM DU FILM : Un p’tit truc en plus
DURÉE : 99 minutes
GENRE : Comédie
RÉALISATEUR : Victor-Artus
Solaro
PAYS : France
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé, Megarama
Rabat : Megarama, Renaissance,
NOM DU FILM : QLAB 6/9
DURÉE : 105 minutes
GENRE : Comédie
RÉALISATEUR : Mohamed Ali
Laaouini
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé, Megarama
Rabat : Megarama, Renaissance,
CineAtlas
Marrakech : Megarama, Le Colisée
Tanger : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
Fès : Mégarama
Meknès : Dawliz, Camera
DEPUIS LE 24 JUILL 2024 DEPUIS LE 31 JUILL 2024
NOM DU FILM : Garfield : Héros
malgré lui
DURÉE : 101 minutes
GENRE : Enfants/Comédie
RÉALISATEUR : Mark Dindal
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Pathé, Megarama
Rabat : Megarama, Renaissance,
NOM DU FILM : Un été à Boujad
DURÉE : 90 minutes
GENRE : Drame
RÉALISATEUR : Omar Mouldouira
PAYS : Maroc
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
90 Maroc / Août 2024
NOM DU FILM : Mon ami le petit
manchot
DURÉE : 97 minutes
GENRE : Familial, Aventure, Drame
RÉALISATEUR : David Schurmann
PAYS : Brésil, États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama, CineAtlas
Marrakech : Mégarama, Le Colisée
Tanger : Mégarama (sauf Goya)
El Jadida : CineAtlas
GENRE : Comédie, Familial
RÉALISATEUR : Léa Lando
PAYS : France
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Rabat : Mégarama, CineAtlas
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
El Jadida : CineAtlas
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
GENRE : Drame, Romance
RÉALISATEUR : Justin Baldoni
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
RÉALISATEUR : Fede Álvarez
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama
Rabat : Mégarama, CineAtlas
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
El Jadida : CineAtlas
Fès : Mégarama
INFOS PRATIQUES
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
NOM DU FILM : Borderlands
DURÉE : 102 minutes
GENRE : Action, Science-Fiction,
Aventure
RÉALISATEUR : Eli Roth
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Rabat : Mégarama, CinéAtlas
Marrakech : Mégarama
Tanger : Mégarama
El Jadida : CinéAtlas
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
NOM DU FILM : Petit panda
en Afrique
DURÉE : 88 minutes
GENRE : Animation, Aventure,
Comédie, Familial
RÉALISATEURS : Karsten
Kiilerich, Richard Claus
PAYS : Danemark, France,
Allemagne, Pays-Bas
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Rabat : Mégarama, CineAtlas
Marrakech : Mégarama, Le Colisée
Tanger : Mégarama
El Jadida : CineAtlas
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 07 AOÛT 2024
NOM DU FILM : Trap
DURÉE : 105 minutes
GENRE : Thriller, Horreur, Crime
RÉALISATEUR : M. Night
Shyamalan
PAYS : États-Unis
PROJECTIONS :
Casablanca : Mégarama, Pathé
Rabat : Mégarama, CineAtlas
Marrakech : Mégarama, Le Colisée
Tanger : Mégarama
El Jadida : CineAtlas
Fès : Mégarama
DEPUIS LE 14 AOÛT 2024
NOM DU FILM : Super papa
DURÉE : 98 minutes
NOM DU FILM : Jamais plus - it
ends with us
DURÉE : 130 minutes
NOM DU FILM : Alien: Romulus
DURÉE : 119 minutes
GENRE : Science-Fiction, Horreur,
Thriller
Août 2024 / Maroc
91
STREAMING/VOD
ELIZABETH TAYLOR: THE LOST TAPES
L’INTIME DÉVOILÉ
THE UNION
SOUS HAUTE TENSION
Mike, un ouvrier du bâtiment ordinaire campé
par Mark Wahlberg, voit sa vie chamboulée
lorsqu’il est enrôlé par son ex-petite amie du
lycée, Roxanne (Halle Berry), dans une mission
périlleuse pour les services secrets américains.
Propulsé dans le monde des espions, Mike va
devoir mettre ses talents à profit pour sauver le
monde, tout en jonglant avec ses sentiments
pour Roxanne. Si l’intrigue semble classique, le
duo charismatique des acteurs et la réalisation
efficace devraient faire de The Union un film
divertissant. Le film n’a peut-être pas l’ambition
d’être un chef-d’œuvre, mais il réunit tous les
ingrédients pour devenir un carton estival.●
« The Union », sur Netflix dès le 16 août.
Réalisé par Nanette Burstein et Brett Morgen,
Elizabeth Taylor: The Lost Tapes offre un
regard inédit sur la vie de l’une des stars
les plus légendaires du cinéma. Ce documentaire
utilise des enregistrements audio
intimes récemment retrouvés, ainsi que des
images d’archives et des interviews récentes,
pour dresser un portrait intime de Taylor.
Le film explore sa carrière, ses mariages
tumultueux, ses problèmes de dépendance
et son activisme pour la lutte contre le sida.
Grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle,
la voix de Taylor est restaurée pour qu’elle
puisse raconter sa propre histoire. Elizabeth
Taylor: The Lost Tapes est un documentaire
poignant et révélateur qui vous fera découvrir
une nouvelle facette de l’une des actrices
les plus célèbres de tous les temps.●
« Elizabeth Taylor: The Lost Tapes » arrive
sur HBO et HBO Max le 3 août.
WOLFS
UN DUO LÉGENDAIRE POUR
UN THRILLER HALETANT
L’intrigue reste encore floue, mais le
mystère s’épaissit avec la diffusion
d’un premier teaser énigmatique. On
y voit des images pluvieuses, sans
dialogue, où seul le bruit des essuie-glaces
d’une voiture crée une atmosphère pesante. Le
casting du film est un autre atout majeur. Outre le
duo Pitt-Clooney, on retrouve Amy Ryan (Sugar,
Only Murders in the Building), Austin Abrams
(Euphoria, Do Revenge) et Poorna Jagannathan
(Never Have I Ever, The Night Of). La réalisation
est confiée à Jon Watts, connu pour avoir dirigé
les deux derniers volets de la trilogie Spider Man
avec Tom Holland.●
« Wolfs », dans les cinémas à partir du 18 septembre et
un peu plus tard sur Apple TV+.
LA CITÉ DE DIEU
20 ANS APRÈS LE FILM CULTE, LA LUTTE CONTINUE
Plongez à nouveau dans les favelas de
Rio de Janeiro aux débuts des années
2000. Cette suite tant attendue reprend
l’histoire là où La Cité de Dieu : La Lutte
Continue l’avait laissée, nous faisant
revivre l’univers intense et percutant de
l’un des chefs-d’œuvre du cinéma du
début du siècle en six épisodes. Fidèle
à l’esprit du film original, la série promet
de nous offrir une immersion saisissante
dans la réalité brutale des favelas, où la
violence et la pauvreté rythment le quotidien
des protagonistes. Un retour événement
pour un classique intemporel.●
« La Cité de Dieu : La Lutte Continue » débarque
dès le 25 août sur HBO Max.
LES ANNEAUX DE POUVOIR
LES TÉNÈBRES S’ÉLÈVENT
La saison 2 se concentrera davantage sur
Sauron, désormais démasqué sous les
traits de Hallbrand. Nous le verrons forger
le Mordor, rassembler son armée et tenter
de duper à nouveau les Elfes sous l’identité
d’Annatar. La création des Anneaux de
Pouvoir et la lutte pour leur contrôle seront
également au centre de l’intrigue. Les
premières minutes de la saison 2 promettent
d’être particulièrement sombres et surprenantes.
La scène d’ouverture met en scène
le couronnement d’un orque, qui est ensuite
assassiné par son bras droit, Adar. Un
événement qui n’existe pas dans l’œuvre
de Tolkien et qui soulève de nombreuses
questions. S’agit-il d’une fausse piste
orchestrée par Sauron ? Ou d’un événement
crucial non relaté par Tolkien ?
Après avoir été trompée par
Sauron dans la saison 1, Galadriel
devrait prendre un rôle plus actif dans
la lutte contre le Mal. Elle sera vêtue d’une
armure et prête à se battre, et son pouvoir
grandissant grâce à l’Anneau Nenya devrait
jouer un rôle important dans la résistance.●
« Anneaux de Pouvoir (saison 2) », à partir du
29 août sur Prime Video.
92 Maroc / Août 2024
LIRE, VOIR ET ÉCOUTER
SÉRIE DOCUMENTAIRE
VOIR
LIVRE
HISTOIRES DE FILMS
Dans Histoires de films, François Lévesque,
critique de cinéma connu pour ses contributions
dans le journal Le Devoir plonge le
lecteur dans l’univers du cinéma et explore
les coulisses de la production cinématographique.
Avec une approche narrative et un
style fluide et accessible, Lévesque met en
lumière les moments de génie et les accidents
heureux qui ont contribué à la création
de chefs-d’œuvre du cinéma tout en proposant
une réflexion sur l’impact culturel et
artistique des films abordés.●
* Sortie de la nouvelle édition du livre prévue à
partir du 23 août.
PODCAST
VARIATIONS
Créée par les cinéastes David Fincher et
David Prior, Voir est une série documentaire
disponible sur Netflix, composée de six
épisodes d’une durée d’environ 20 à 30
minutes chacun. Chaque épisode est un
essai visuel autonome qui aborde différents
aspects du septième art, tels que les scènes
emblématiques, les genres cinématographiques,
et les réalisateurs influents, et offre
une perspective variée sur ce qui rend le
cinéma si puissant et mémorable.●
*A regarder sur Netflix.
Dans Variations, Layal Rhanem et Mehdi El
Kindi s’interrogent chaque semaine sur la
place de la culture dans la société d’aujourd’hui
en donnant la parole à des experts
culturels. Dans le dernier numéro, Tanger
est au cœur du podcast. Khalid Mouna,
anthropologue et co-réalisateur du film
Mono retrace l’usage de l’héroïne dans la
ville du du Détroit. Ayoub Ait Tadouit, réalisateur
sonore, présente son projet de sound
mapping autour de la ville et Hicham Bouzid,
co-fondateur de Think Tanger, parle
du tiers-lieux Kiosk.●
* Disponible sur Spotify et autres plateformes.
94 Maroc / Août 2024
FINAL
CUT
WALID AYOUB
Après une année d’études en architecture, Walid Ayoub se
tourne rapidement vers le cinéma. En 2011, il réalise « Aliénation »
et travaille comme monteur sur « Zéro » en 2012. En 2017, il réalise
« Profession: tueur ». Plus récemment, il est à la tête de la réalisation
du podcast « Mes mémoires au sein du mouvement national ».
INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA - CRÉDIT PHOTO : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC
Pitch nous ton dernier projet…
Je suis actuellement en pleine écriture et réalisation
de la première saison de la série de
documentaires audio Moudakirati fi Al Haraka
Al Watanya. Cette série est basée sur les
mémoires d’Abou Bakr El Kadiri et retrace l’histoire
du mouvement national marocain. Le premier
épisode est en ligne depuis le 16 mai
dernier et a déjà suscité un vif intérêt. Ce
projet, que m’a commandé la Fondation
Abou Bakr El Kadiri, me tient particulièrement
à cœur, car il permet de préserver
et de partager un pan crucial de
notre histoire avec un large public.
Ton plus grand défi ?
Bien que ce soit loin dans le temps,
mon plus grand défi reste mon premier
projet. En 2011, fraîchement
diplômé de l’ESAV Marrakech, je me
suis retrouvé à superviser la post-production
du plus grand budget du cinéma
marocain de l’époque, Zéro de Nour
Eddine Lakhmari. C’était le passage de la
pellicule au numérique, une transition
majeure pour le cinéma marocain où tout
le monde tâtonnait.
Le dernier film que tu as vu ?
Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan
est le film qui m’a le plus marqué
ces derniers mois. C’est un film sublime
qui se mérite amplement ; il faut tenir
sur la durée pour en apprécier toute la
profondeur. Chaque plan est un pur
moment de cinéma, capturé avec une
esthétique visuelle remarquable. Le jeu
d’acteur est aussi précis qu’une montre
suisse, et le scénario est tissé dans du fil d’or.
La narration, tantôt poétique, tantôt philosophique
mais dénuée de tout manichéisme, et
les paysages magnifiques de l’Anatolie ajoutent
une dimension supplémentaire, transformant
le film en une méditation sur les rapports
humains et le passage du temps. C’est un cinéma
extrêmement racé, une expérience bouleversante
que je recommande vivement.
La dernière fois que tu as pleuré devant
un film ?
Trois mille ans à t’attendre de George Miller
est un film peu prétentieux, presque littéraire,
mais qui m’a redonné foi dans le monde
post-pandémie. C’est une fable sur l’amour
racontée avec maestria par l’un des cinéastes
les plus imprévisibles. George Miller livre des
tableaux pittoresques tout droit tirés des Mille
et Une Nuits, explorant le pouvoir des mots
avec une naïveté revigorante en ces temps de
cynisme. Il confronte la magie au monde
moderne, le tout noyé dans un spleen omniprésent.
Ce film est un véritable baume au cœur.
La dernière fois que tu as été touché par la
performance d’un acteur ou d’une actrice ?
Pour ne pas sortir la réponse classique Daniel
Day-Lewis dans tous ses rôles sans exception, je
vais choisir Pierfrancesco Favino qui interprète le
rôle principal dans Nostalgia de Mario Martone.
Pour moi, il méritait le prix d’interprétation à Cannes
en 2022, beaucoup plus que Song Kang Ho, qui
est lui aussi un de mes acteurs préférés.
La dernière fois que tu as été déçu d’un film ?
Je suis souvent déçu par les films qui font des
sorties en grande pompe. Ma dernière déception
est Le Comte de Monte-Cristo. Je trouve
que l’équipe n’a pris aucun risque notable avec
l’adaptation. Ils se sont contentés de synthétiser
un récit fleuve dans un film de trois heures,
ce qui s’est fait au détriment de la profondeur
des personnages. Je pense que le long métrage
n’est pas le format adapté pour cette œuvre.
Ils lui auraient rendu beaucoup plus justice dans
un format serial. Ça aurait pu être le Game of
Thrones français, qui sait.
La dernière fois que tu as ri au cinéma ?
Une comédie marocaine qui a cartonné dans
les salles cette année, au point de faire de
l’ombre à une multitude de très bons films marocains
qui méritaient de rencontrer un public. Je
ne citerai pas le nom du film car, s’il m’a réellement
fait rire aux larmes pendant toute la séance,
ce n’était jamais pour les bonnes raisons.
Ta dernière collaboration ?
Cette année, j’ai eu beaucoup de plaisir à
réaliser un clip pour le chanteur indie marocain
Ayoub Hattab. Pour concrétiser ce projet
malgré les contraintes budgétaires d’un
artiste indépendant, j’ai imaginé un concept
gagnant-gagnant. J’ai collaboré avec des étudiants
en dernière année de l’ESAV Marrakech,
où j’interviens régulièrement. Épaulé
dans les postes clés par mes anciens élèves,
nous avons créé ensemble un plateau où
j’étais le seul professionnel entouré de ces
futurs talents, qui font actuellement leurs premiers
pas dans le métier. Le clip sort en septembre,
et c’est l’un des projets les plus amusants
et enrichissants que j’ai réalisés.●
96 Maroc / Août 2024
LE CLAP DE AICHA AKALAY
UN ÉTÉ LÉGER
AVEC ROHMER
En été, il n’y a qu’une seule chose
pour laquelle nous devrions être
faits : aimer. Et le cinéma est justement
là pour nous le rappeler, parfois
même pour nous y aider. Aimer furtivement
ou pour longtemps, une chose et
son contraire, ses amis et leurs ennemis,
pourvu que l’on puisse aimer en grand,
et pourquoi pas sur grand écran. C’est
dans le nuancier de sentiments de
l’œuvre du réalisateur français Eric
Rohmer, ses plans d’une poésie rare, que
l’auteure de ces lignes vous invite à plonger.
Caressés par la lumière naturelle de
ce théoricien du cinéma, sans artifices,
enivrés par le flot de paroles de ses personnages,
touchés par l’esthétisme d’un
grand sensible, amenés au bord d’un
vertigineux précipice : nous ne saisissons
le sens des mots et de ce qui anime
les personnages d’Eric Rohmer, qu’à l’instant
même où ces premiers se dérobent
à nous. Tout est sur une ligne de crête.
À découvrir pour les chanceux, à revisiter
pour les heureux initiés, à retenter
pour les pressés, ce sera la seule recommandation
de cette page pour le mois
d’août, Les six contes moraux, d’Eric
Rohmer : La boulangère de Monceau,
À DÉCOUVRIR POUR LES CHANCEUX,
À REVISI- TER POUR LES HEUREUX
INITIÉS, À RETENTER POUR LES
PRESSÉS
La carrière de Suzanne, La collectionneuse,
Ma nuit chez Maud, Le genou de
Claire, L’amour l’après-midi (1962-1972).
Parole à la plume qui écrit en images :
« les contes moraux sont écrits comme
des variations sur le même thème. En fin
de compte, ils ont été écrits avant que
je ne sache que c’étaient des variations.
J’ai découvert à leur lecture qu’on pouvait
retrouver un même thème qui était
tout simplement : un garçon est à la
recherche d’une fille, il en rencontre une
autre avec laquelle il passe le temps du
film et tout à la fin du film, il retrouve la
première et s’aperçoit que c’est vraiment
la première qu’il cherchait et qui l’intéressait
». Après l’apparente banalité et
simplicité de la trame, se dévoile la
sophistication de la composition, une
partie d’un ensemble universel, qui
donne à entrevoir d’autres ornières que
les nôtres. Et à apprécier que la profondeur
puisse se concevoir dans la légèreté.
« Dans tous ces contes, il est évident
que la personne qui intéresse le spectateur
ce n’est pas celle qui sera choisie,
mais celle qui occupera le film et qui
sera en fin de compte délaissée. Déjà
au départ le spectateur est contre le narrateur.
C’est précisément ce porte-à-faux
qui m’intéresse », détaille Eric Rohmer
dans l’émission Parlons cinéma, en 1977.
Un porte-à-faux c’est cette instabilité qui
nous fait peur. Au zénith de cet été,
embrassons l’instabilité avec confiance,
car la peur nous quitte. Ce faisant, notre
stabilité est renforcée.●
98 Maroc / Août 2024