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BOXOFFICE MAROC – N°03 / Août 2024

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Numéro 03 / Août 2024

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : SOUFIANE SBITI

Le cinéma au Maroc a enfin son magazine

MAROC

N°03 / Août 2024 . 25DH

COULISSES DE

TOURNAGE

AUTISTO, L’OMBRE

D’UN TROUBLE

LES DESSOUS DE

LA DISTRIBUTION

CINÉMATOGRAPHIQUE

AU MAROC

EVERYBODY

LOVES NISRIN

ERRADI



EDITO

MAROC

UN MAROC QUI BRILLE

PAR SOUFIANE SBITI

Depuis tout récemment, c’est devenu

une soudaine et savoureuse habitude

: en matière de football, le Maroc

brille à l’international, et médias étrangers

comme réseaux sociaux s’enflamment à

l’évocation du nom de notre pays. Que cela

soit au Qatar, lors du Mondial 2022 ou cet

été à Paris, lors des Jeux Olympiques, nos

équipes de football ont réussi des exploits.

Tout le monde s’en est réjoui, notre fierté

nationale en est rehaussée, tandis que l’attractivité

du pays s’est vue renforcée. .

Une bien jolie histoire,

lorsqu’on sait l’état où

se trouvait le football

marocain, à la peine et

en état perpétuel de

crise. Derrière ces

exploits, des efforts

consentis mais aussi

des investissements colossaux, par moment

critiqués mais qui aujourd’hui portent leurs

fruits. Ces performances sont également

dues à une toute nouvelle relève, impressionnante,

humble et qui honore la confiance

qu’on a pu lui accorder.

Pourquoi en parler ici, à Boxoffice Maroc,

dans un magazine de cinéma ? C’est qu’on

aimerait bien que le Maroc brille grâce à ce

qu’il peut aussi produire au cinéma.

Tout cinéphile, tout passionné par ce qui

passe dans le 7ème art au niveau international,

ne pourrait qu’être intéressé par le

fait de voir son pays s’aligner parmi les

grands. L’ambition serait aussi d’aller un peu

AUCUN DÉFI

N’EST PLUS GRAND

QUE L’AMBITION

D’UNE JEUNESSE

plus loin, voir plus grand, envisager que

toute production cinématographique marocaine

n’est pas nécessairement destinée

qu’aux Marocains, et qu’elle porterait en elle

un quelque chose d’universel.

Comment donc faire de notre cinéma, une

fierté nationale ? Un atout de plus pour notre

pays, essentiellement touristique ?

Les ingrédients sont simples mais nécessitent

une mise en exécution périlleuse, qui

ne serait pas sans

embûches mais qui ne

peut qu’être salvatrice.

Il faudrait dans un premier

temps l’ambition

et la volonté de faire du

cinéma plus que ce qu’il

est aujourd’hui.

S’ensuit un élément essentiel, que nous

abordons en filigrane dans ce numéro avec

en couverture l’actrice Nisrin Erradi, mais

aussi dans nos précédents numéros : la

nécessité de faire confiance à la relève

pour relever les défis. Aucun défi n’est plus

grand que l’ambition d’une jeunesse, l’histoire

nous l’a appris récemment. Et aucun

défi ne peut être surmonté, que si une profonde

introspection est entamée, conduisant

autant à des refontes qu’à des réformes

institutionnelles, vitales pour l’avenir du

cinéma au Maroc.

C’est du moins ce que nous voulons. Et par

les temps qui courent, toutes les bonnes

volontés sont les bienvenues.●

Directeur de la publication

et de la rédaction

Soufiane Sbiti

Conseiller de la rédaction

Yacine Kaouti

Rédaction

Salma Hamri

Reda K. Houdaïfa

Chronique

Aïcha Akalay

Photos

Alexandre Chaplier

MAP

Maquette

Pulse Media

Directeur artistique

Mohamed Mhannaoui

Maquettistes

Ezzoubair Elharchaoui

Zineb Azeddine

Direction générale

Fatima Zahra Lqadiri

fz@storyandbrands.com

Régie publicitaire

Story & Brands

Impression

Les imprimeries du Matin

Distribution

Sapress

Remerciements

Hotel Sofitel Tour Blanche

ESAV de Marrakech

Hana Aissami

Atelier Ali Drissi

BOXOFFICE MAROC

est édité par

Pulse Media

sous licence

The Boxoffice Company

de Global Cinema Maroc

Capital Business Office,

B 127, 6ème étage,

Bd Abdelmoumen,

Casablanca, Maroc

Site web :

www.boxoffice.com

Dépôt légal

10/2024

ISSN : 2024PE0026

Août 2024 / Maroc

3


SOMMAIRE

24

44

52

SNAPSHOT ׀ 06

Gladiator II : Scènes spectaculaires tournées

au Maroc

LA PÉPITE DU MOIS ׀ 08

Ayoub Gretaa

L’acteur à la sensibilité débordante

COULISSE ׀‎12‎

Le FIFM rend hommage à Nabil Ayouch

Hicham Lasri : un souffle pour

l’animation marocaine

Série premium : le nouveau terrain

de jeu de Lakhmari

Abdeslam Kelai prépare deux nouveaux films

ACTU-CINÉ ׀ 14

Better : Vitesse éternelle

Marrakech Short Film Festival

Acte IV, le plaisir du cinéma

Adil El Arbi et Bilall Fallah

Les Bad Boys du cinéma hollywoodien

Une nouvelle vie pour le cinéma Dawliz de Meknès

Les salles de cinéma, nouvel Eldorado

des concerts

COUV’ LA ׀ 24

Nisrin Erradi La couleur des sentiments

Interview avec Nisrin Erradi : Le rôle de sa vie

Les réalisateurs parlent de Nisrin Erradi

EN SALLES ׀ 36

Deadpool & Wolverine

Un film aussi fou que ses héros

Mon ami le petit manchot Une leçon de vie

Trap Un Shyamalan en demi-teinte

Un été à Boujad Chronique d’un ado en quête

d’identitémi-teinte

Le Comte de Monte-Cristo à l’écran, une complexité

simplifiée

LA RENCONTRE ׀ 44

Alaa Eddine Aljem Traversées créatives du

papier à l’écran

INTERVIEW ׀ 48

Mouhcine Malzi Relever des défis, conquérir

des cœurs

REPORTAGE ׀ 52

Fragments : Bribes de vies reconstituées

DOSSIER PRO ׀ 58

Les dessous de la distribution

cinématographique au Maroc


66

80

76

84

66

׀ INTERVIEW Ayoub Lahnoud

Capter le hors-champ marocain

70

׀ ZOOM SUR UNE SALLE Cinéma Renaissance

Un écrin de culture au coeur de Rabat

76

׀ INTERVIEW PRO Lamia Chraïbi

Réaliser un film représente un investissement

conséquent en temps et en ressources

80

׀ REPORTAGE Autisto : L’ombre d’un trouble

84

׀ UNE SALLE, UNE HISTOIRE

Le Caméra : Un joyau Art déco à Meknès

88

׀ COUPS DE COEUR Quelle année pour le cinéma !

90

׀ GUIDE DES SORTIES 92

׀ STREAMING/VOD The Union Sous haute tension

Elizabeth Taylor: The Lost Tapes

L’intime dévoilé

Wolfs Un duo légendaire pour

un thriller haletant

La Cité de Dieu 20 ans après le film culte,

la lutte continue

Les Anneaux de Pouvoir

Les ténèbres s’élèvent

94

׀ LIRE, VOIR ET ÉCOUTER Série documentaire : Voir

Livre : Histoires de films

Podcast : Variations

96

׀ FINAL CUT Walid Ayoub

98

׀ LE CLAP DE AICHA AKALAY


SNAPSHOT

GLADIATOR II :

SCÈNES

SPECTACULAIRES

TOURNÉES AU

MAROC

La bande annonce de Gladiator II a récemment

été dévoilée, et avec elle les premières

images du tournage, en partie réalisé à Ouarzazate,

où une arène géante avait été

construite. Le tournage avait été interrompu

suite à un accident d’effets spéciaux, lorsqu’une

énorme boule de feu avait englouti le plateau

lors d’une séquence à gros budget.

La bande annonce, la plus regardée parmi les

productions de la Paramount, promet un spectacle

encore plus grandiose et sanglant que

le premier opus, sorti en 2000. Gladiator II qui

sera en salle le 13 novembre prochain, suivra

les descendants de Meridius, avec l’acteur

Paul Mescal dans le rôle principal de Lucius et

Denzel Washington dans la peau de Macrinus,

deux nouvelles têtes.●

PAR SALMA HAMRI / CRÉDIT : PARAMOUNT PICTURES

6 Maroc / Août 2024



LA PÉPITE DU MOIS

Ayoub Gretaa, étoile montante du cinéma marocain.

8 Maroc / Août 2024


Ayoub

Gretaa

L’ACTEUR À

LA SENSIBILITÉ

DÉBORDANTE

C’est l’acteur qui tient le premier rôle dans le deuxième long

métrage de Saïd Hamich Benlarbi « La Mer au loin » projeté à

la Semaine de la Critique lors de la 77ème édition du Festival de

Cannes. Le parcours de Ayoub Gretaa, ponctué de dévouement

et de passion fait de lui une figure incontournable du cinéma

marocain et une étoile montante à suivre de près.

PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

A

youb Gretaa a été bercé dès son plus jeune

âge par le cinéma. Dans la maison de son grandpère

à Meknès, il passait des heures à regarder

des films indiens et égyptiens grâce à une collection

de cassettes vidéos que ses oncles échangeaient

avec les voisins. Cette éducation informelle à l’image et

aux films a forgé sa passion pour le septième art, mais

cela n’a pas suffi à le propulser dans le monde du cinéma.

Il a fallu qu’il assiste pour la première fois à une pièce

de théâtre pour comprendre qu’il est destiné à être sur

scène, nous confie-il.

« J’étais convaincu que je n’étais pas fait pour suivre un

chemin conventionnel, ou avoir un travail de bureau,

mais je ne savais pas exactement ce que je voulais faire

de ma vie », explique Gretaa. « La toute première pièce

de théâtre à laquelle j’ai assisté jeune a eu un effet

cathartique sur moi, je me rappelle avoir pleuré à la fin

de la pièce, et c’est à ce moment-là que j’ai compris ma

vocation. Aujourd’hui mon métier est l’équivalent d’une

thérapie ».

Ayoub Gretaa a ensuite intégré l’Institut Supérieur d’Art

Dramatique et d’Animation Culturelle (ISADAC). Il a commencé

par jouer dans des pièces de théâtre, avant d’être

repéré par le réalisateur Noureddine Dougena qui lui a

donné sa première chance à la télévision, puis Adil El

Fadili. Mais c’est surtout grâce à son rôle de Hamid dans

la série ramadanesque à deux saisons L’Mektoub, que

Gretaa s’est fait connaitre par un public plus large. Ayoub

Gretaa y a joué le rôle d’un époux détestable et infidèle.

Un rôle qui l’a propulsé et qui lui a valu beaucoup d’ap-

Août 2024 / Maroc

9


LA PÉPITE DU MOIS

FILMO DE

GRETAA

2019

Azzaima

(Série télévisée)

2020

Masrah Al Maghrib

(Pièces de théâtre)

2021

Wlad Al Am (Série

télévisée)

2022

L’Maktoub

(Série télévisée)

2023

L’Maktoub 2

(Série télévisée)

2024

La Mer au loin

(Long-métrage)

Ayoub Gretaa, une boule d’énergie.

Un acteur reconnu pour sa capacité à

incarner des rôles divers et complexes.

plaudissements. Il ne souhaite toutefois pas être défini

par un seul personnage mais plutôt être reconnu pour

sa capacité à incarner des rôles divers et complexes.«

Cette diversité, c’est tout le plaisir de l’acting », souligne

l’acteur.

Côté théâtre, Ayoub a participé à une diversité de projets,

le plus connu étant Masrah Al Maghrib, un projet

artistique lancé en 2020 sous la direction de la chaîne

MBC 5 qui avait pour volonté de relancer le mouvement

théâtral. L’écriture de la série de spectacles était confiée

à Abdellah Didane, Hassan Fouta et Meryem Idrissi. Une

constellation de stars et de figures prometteuses toutes

lauréates de l’ISADAC, ont participé à cette pièce aux

côtés d’Ayoub Gretaa, notamment Hajar Cherki, Yasser

El Tarjmani, Ayoub Krikeaa, Mohamed Bajiou, Lamiaa

Kharbouch, Yassine El Sekkal et Khalid El Lmghari.

Les 20 représentations de la troupe du Masrah Al

Maghrib, actuellement disponibles sur la plateforme

Shahid, avaient eu lieu sur la scène du cinéma Rialto de

JE SUIS UN GRAND FAN

DE LARBI BATMA. J’AVAIS

D’AILLEURS LA MÊME COUPE

DE CHEVEUX ET J’AI DÉVORÉ SON

AUTOBIOGRAPHIE, CE SERAIT

PLUS QU’UN HONNEUR

D’INCARNER CE PERSONNAGE !

10 Maroc / Août 2024


Un homme sensible, émotif passionné et passionnant.

Casablanca les jeudis, vendredis et samedis de chaque

semaine, et chaque spectacle était une représentation

d’une histoire à thèmes différents.

Avec chaque nouveau rôle, Ayoub démontre son talent

et sa passion pour le cinéma, mais c’est en interprétant

le personnage de Nour dans La Mer au Loin qu’il a réussi

à attirer sur lui les projecteurs nationaux et internationaux.

Réalisé par Saïd Hamich, le film a été présenté le 17 mai

en séance spéciale à la Semaine de la Critique au Festival

de Cannes. Sur Instagram, plusieurs images immortalisent

la fin de séance. On y voit Ayoub Gretaa (Nour

dans le film), l’acteur, le sensible, le passionné, ému

devant un public charmé et un réalisateur fier.

Le tournage de La Mer au loin a représenté un défi

majeur pour Ayoub. Ayant le premier rôle, il était stressé

par les nombreux enjeux. « Le réalisateur m’a fait

confiance, je devais faire de mon mieux », confie-t-il. Les

défis ne manquaient pas : maîtriser le dialecte d’Oujda

et la langue française en un mois, et perdre 15 kilos en

un laps de temps très court. Malgré ces obstacles, le

jeune acteur réussit à incarner son personnage avec

brio, montrant sa capacité à s’adapter et à se dépasser.

Dans une déclaration du réalisateur donnée aux médias à

l’occasion de la projection du film à la Semaine de la Critique

au Festival de Cannes, Saïd Hamich a expliqué qu’il

avait mis du temps à trouver le parfait acteur pour incarner

le rôle de Nour. « J’avais besoin d’un acteur qui soit physiquement

très à l’aise dans son corps pour évoluer sur dix

ans avec des scènes de danse, etc. Mais surtout, je voulais

quelqu’un jouant avec sa sensibilité et son émotion,

qui soit à l’aise de jouer en silence, avec le regard ».

« On m’a alors parlé d’Ayoub Gretaa qui est connu au

Maroc pour avoir joué dans une série très populaire. Il

avait exactement le regard et le physique que je recherchais.

J’ai découvert un homme très sensible, très émotif,

toujours prêt à accueillir l’émotion de l’autre. Et puis

son regard avait quelque chose de lumineux, rieur mais

aussi très mélancolique dans sa tendresse. En un instant,

il pouvait passer du jeune fougueux à l’homme mature

et posé », poursuit-il avant de conclure : « Nous avons

réalisé deux ou trois essais, et j’ai su que nous ferions le

film ensemble. Et je me suis dit : « voilà, cela va être beau

que ce film soit regardé à travers ses yeux ».

Dans La Mer au loin et sur fond de musique raï, de 1990

à 2000, le spectateur évolue avec Ayoub Gretaa qui se

met avec délicatesse et sensibilité dans la peau de Nour

un jeune de 27 ans qui est arrivé clandestinement à Marseille

où il va mener une vie marginale et festive, naviguant

entre découvertes, déboires et frissons amoureux.

Ayoub Gretaa a plusieurs projets en perspective pour les

mois et années à venir : du théâtre aux longs-métrages en

passant par la télévision, mais s’il y a un rôle qu’il désire de

tout cœur incarner, ça serait celui de Larbi Batma dans un

biopic, nous confie-t-il. « Je suis un grand fan de Larbi Batma,

j’étais une groupie littéralement. J’avais d’ailleurs la même

coupe de cheveux et j’ai dévoré son autobiographie Al Rahil,

ce serait plus qu’un honneur d’incarner ce personnage ! ».●

Août 2024 / Maroc

11


COULISSES

SÉRIE PREMIUM :

LE NOUVEAU

TERRAIN DE JEU

DE LAKHMARI

Le réalisateur Nour-Eddine

Lakhmari est actuellement en

plein travail sur une série

premium, de huit épisodes,

produite par Khadija Alami. Cette

production sera un élément

phare de la chaîne 2M, pour

laquelle « nous nous efforcerons

de réunir les ressources

humaines et logistiques

nécessaires pour la réaliser dans

des conditions optimales,

explique Lakhmari. Cela signifie

prendre le temps nécessaire

pour l’écriture et pour la

production. Khadija Alami, forte

de son expérience en production,

apportera son expertise (…)

Nous cherchons à innover et à

offrir une série qui reflète un

Maroc en mouvement ».●

LE FIFM REND HOMMAGE

À NABIL AYOUCH

Le Festival International du Film de Marrakech

(FIFM) souffle sa 21 ème bougie, du 29 novembre

au 7 décembre 2024, et rend un hommage

tout particulier à Nabil Ayouch, connu pour ses

films engagés et souvent controversés. Qui

plus est, le FIFM organisera l’avant-première

marocaine de son dernier long-métrage, Everybody

Loves Touda.

Longtemps considéré comme le fer de lance

d’une nouvelle génération de cinéastes marocains,

Nabil Ayouch a su confirmer les espoirs

placés en lui. Ses premiers succès, notamment

ses courts métrages présentés au Festival de

Tanger, ont laissé entrevoir un talent prometteur.

Bien que son ascension vers le long

métrage ait été semée d’embûches, il tissa

HICHAM LASRI : UN SOUFFLE POUR

L’ANIMATION MAROCAINE

Le réalisateur, scénariste, romancier et dessinateur,

Hicham Lasri, connu pour ses œuvres cinématographiques

audacieuses, annonce un nouveau tournant

dans sa carrière. Après le succès de son court-métrage

vi(ri)ol, notre Daddy Desdenova se lance dans un

métrage d’animation qui promet d’être aussi innovant

que perturbant. Ce nouveau projet, fortement inspiré

du riche folklore marocain amazigh, nous plongera

dans un univers mêlant science-fiction et fantasy.

L’histoire, encore tenue secrète, devrait offrir une

relecture moderne et onirique des mythes et légendes

de cette culture ancestrale. Avec ce film, Hicham Lasri

vise à positionner le Maroc à l’avant-garde du cinéma

d’animation en Afrique et à proposer une œuvre aussi

esthétique que profondément enracinée dans son

identité culturelle.●

subtilement son Mektoub. Avec Ali Zaoua, il

a profondément marqué les esprits par son

réalisme poignant et sa capacité à donner voix

aux marginalisés. Ce film a rencontré un succès

qui s’inscrit dans la continuité de son parcours

cinématographique, marqué par des œuvres

telles que les courts-métrages Les pierres

bleues du désert et Hertzienne connexion,

qui avaient déjà révélé un cinéaste sensible

et doté d’un regard acéré sur la société.●

ABDESLAM KELAI PRÉPARE

DEUX NOUVEAUX FILMS

Le réalisateur marocain Abdeslam Kelai est actuellement

en post-production de deux longs métrages. Le premier,

intitulé Sonates nocturnes, nous plonge dans l’intensité

d’une passion amoureuse fulgurante et éphémère. « Ce

film raconte l’histoire fugace de deux âmes en quête

d’amour. Leurs destins se croisent, s’enflamment puis

s’éteignent en quelques nuits intenses. Une rencontre

brève, mais marquante, qui explore les facettes les plus

complexes et les plus belles de l’amour passionnel »,

confie le réalisateur. Le second, Quand la nuit s’achève,

aborde avec sensibilité les liens compliquées entre un

père et son fils, sur fond de maladie. L’absence, le regret

et la maladie sont au cœur de ce film, où un réalisateur

revient sur son incapacité à être présent auprès de son

père mourant, en proie aux épreuves du temps.●

12 Maroc / Août 2024



ACTU-CINÉ

BETTER

VITESSE ÉTERNELLE

Kamal Ourahou présentera bientôt « Better », un documentaire de

92 minutes qui retrace l’histoire de Nassim Lachhab, le premier

skateur professionnel marocain et africain.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC

Kamal Ourahou, le réalisateur du film-documentaire « Better ».

14 Maroc / Août 2024


Nassim Lachhab, le premier skateur professionnel

marocain et africain, dans « Better ».

Better est une contribution à l’histoire

du skate marocain. Ce documentaire

de 92 minutes suit le skateur, Nassim

Lachhab, depuis ses débuts à Rabat jusqu’à

son ascension sur la scène internationale du

skateboard.

CRÉDIT : KAMAL OURAHOU CRÉDIT : KAMAL OURAHOU

« Avec ce film, j’ai eu l’ambition de synthétiser

ma vision du skate marocain et de rendre

hommage à la communauté qui l’anime. Bien

que le sujet soit vaste et que de nombreux

récits restent à explorer, je crois avoir apporté

ma pierre à l’édifice en réalisant ce film », souligne

le réalisateur Kamal Ourahou.

Rêve en vol

À l’âge de 27 ans, Nassim Lachhab incarne

la quintessence de la sous-culture skate :

anticonformiste, radical, plein de second

degré et incroyablement doué. Né à Rabat,

Nassim a passé son adolescence à skater

au White Spot à Hay Riad. En 2015, il part

s’installer à Perpignan, en France, pour étudier,

mais il se consacre rapidement au skateboard

à plein temps. En 2018, il obtient un

« Passeport Talent » et s’installe à Barcelone,

la capitale européenne du skateboard.

« Entre 2009 et 2011, j’ai filmé et monté les

toutes premières vidéos de skateboard de

Le skate, avant tout, représente une culture et un art de vivre qui combinent sport, état d’esprit cool

hérité de ses origines surf californiennes et musique autour du totem, la fameuse planche à roulettes.

Nassim Lachhab à Rabat, au Maroc. En 2020,

après avoir résidé entre la France et l’Espagne,

Nassim est devenu le premier skateur professionnel

marocain et africain au monde. Depuis,

je n’ai cessé de me demander : Comment Nassim

a vécu son ascension au-devant de la

scène skate internationale en parallèle de son

parcours d’immigré ? Comment sa trajectoire

inédite résonne avec les enjeux actuels de la

scène marocaine ? », raconte Kamal Ourahou.

Skateboard’n’roll

Dans un bruit sec de planches qui claquent

contre le ciment, on y voit Nassim s’élancer,

plié en deux et tee-shirt au vent, dans les fosses

incurvées d’un skate-park. Il se sait observé

Août 2024 / Maroc

15


ACTU-CINÉ

Skate élévation

Le skate et la vidéo, cette double passion, ont conduit Kamal Ourahou

à réaliser « Better », un film qui transcende la simple biographie pour

offrir une plongée inspirante dans le monde du skate marocain à travers

l’ascension de Nassim.

À quel moment l’idée du film Better a-t-elle

germé ?

L’étincelle de ce projet jaillit lorsque Nassim

Lachhab accéda au statut de skateur

professionnel. En parcourant mes archives

CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC

vidéo, retraçant sa trajectoire depuis ses

débuts jusqu’à sa consécration, je me suis

retrouvé face à un trésor caché. Ces images

témoignaient d’un parcours hors du commun,

et en les visionnant, j’ai ressenti l’urgence de

raconter une histoire qui transcendait la

simple biographie de Nassim. Convaincu que

son expérience pouvait toucher et inspirer

l’ensemble de la communauté skate, et plus

largement la jeunesse marocaine, je me suis

lancé dans l’aventure Better.

Vous donnez la parole à d’autres personnes

que Nassim…

Mon rôle en tant que réalisateur était de

m’effacer et de laisser la parole aux

protagonistes. Le film donne ainsi voix à

Nassim, bien sûr, mais également à d’autres

skateurs marocains qui partagent leurs

expériences et leurs perspectives. Il était

crucial pour moi de présenter le point de vue

marocain dans ce film. Soit ! En parallèle de

la réussite de Nassim, le film expose

également les difficultés rencontrées par les

skateurs au Maroc.

Vous avez opté pour une image sobre et

épurée…

L’utilisation d’optiques argentiques a permis

d’obtenir une profondeur de champ

appréciable et une luminosité optimale,

BIEN PLUS QU’UN SIMPLE FILM DE

SPORT, BETTER MONTRE COMMENT LE

SKATE A AIDÉ NASSIM ET SES AMIS À

SE TROUVER ET À S’ÉPANOUIR...

conférant ainsi au film une atmosphère

cinématographique empreinte de réalisme.

Loin de surenchérir sur l’aspect visuel

spectaculaire du skate, j’ai opté pour des

plans simples, fixes et classiques, laissant

ainsi l’action parler d’elle-même.

On y trouve également une symbiose entre

image et son…

En effet, j’ai abordé le montage sonore comme

une extension du montage visuel, cherchant

à créer une harmonie entre les deux. Par

exemple, le bruit des roues de skate s’inscrit

ainsi comme un élément à part entière de la

narration, soulignant les mouvements des

skateurs et accentuant l’intensité des

séquences. Ainsi, sa répétition et sa variation

créent une mélodie singulière qui accompagne

le spectateur tout au long du récit.

Pouvez-vous nous expliquer le choix du

titre ?

Il reflète une réflexion profonde sur le sens

du mot et son écho dans le récit. La phrase

de Nassim, « You try to be a better skater

everyday, to be a better person as well

everyday », illustre l’essence du message. La

seconde mention dudit vocable dans

l’interview du CEO d’Etnies évoque les défis

de la communauté skate au Maroc,

transformant le titre en un appel à l’action

pour améliorer les conditions de pratique. La

dernière apparition, avec la citation de

Nassim, « There’s always to think about better

then always to take but words », souligne la

quête et cheminement perpétuel vers une

version meilleure de soi-même. ●

CRÉDIT : KAMAL OURAHOU

mais ne croise aucun regard, excessivement

concentré sur ses trick. Il s’envole parfois aussi,

ses pieds lâchent la planche qui fait deux tours

sur elle-même comme une hélice, puis se

réceptionnent, impeccablement. Et lorsqu’il

rate un manœuvre, il se relève d’un bond et

cogne le skate par terre, énervé.

Le réalisateur entremêle habilement les

images de Nassim en pleine action avec des

interviews de sa famille, de ses sponsors et

de ses amis, afin de dresser un portrait complet

de l’homme et de l’athlète, révélant sa

personnalité, ses motivations et son parcours.

Comme le souligne Kamal Ourahou,

ces entretiens, bien que centrés sur les

exploits de Nassim, laissent parfois transparaître

des bribes d’une jeunesse en quête

de sens et d’affirmation de soi. Ainsi, le film

met en lumière non seulement le talent et la

détermination de Nassim, mais aussi les sacrifices

et les épreuves qui ont jalonné sa route

vers le succès.

Bien plus qu’un simple film de sport, Better

montre comment le skate a aidé Nassim et

ses amis à se trouver et à s’épanouir, malgré

les nombreux obstacles qu’ils rencontrent.

Une scène du film « Better ».

16 Maroc / Août 2024


Kamal Ourahou à Casablanca, le 8 juin 2024.

On découvre ainsi leur passion pour ce sport et

leur détermination à surmonter les difficultés.

Le skate, c’est une manière de vivre et, donc,

de s’habiller. Pas question de monter sur sa

planche, sans l’attirail indispensable : pantalon

baggy avec quelques centimètres de

caleçon apparent, gros pull flashy, sweat

barré d’un logo ou d’un graff, grosses baskets

délacées, bonnet très bas sur les yeux

ou, à défaut, coupe de cheveux n’importe

comment mais surtout pas comme tout le

monde. Nassim, lui, a une belle afro.

CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC

Better donne à voir la culture urbaine ou tout

simplement une histoire humaine. « Il vise à

inspirer les jeunes marocains, en leur démontrant

que la réussite est possible, même face

à des obstacles. Le parcours de Nassim illustre

l’importance de la persévérance, du travail

et de la recherche d’opportunités au-delà de

ses frontières », conclut le réalisateur. ●

Dans « Better », le réalisateur Kamal Ourahou dresse un portrait

fascinant de la communauté des skaters.

Août 2024 / Maroc

17


ACTU-CINÉ

MARRAKECH SHORT FILM FESTIVAL

ACTE IV, LE PLAISIR DU CINÉMA

Le Marrakech Short Film Festival s’apprête à vivre sa quatrième

édition, du 27 septembre au 2 octobre 2024.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

CRÉDIT : MARRAKECH SHORT FILM FESTIVAL

« The Crawling Birds », un film de Karim Taj, produit par le Marrakech

Short Film Festival pour le Low Budget Film Program 2023.

Intégré au programme « Marrakech Capitale

de la Culture Islamique », le festival positionne

la ville ocre au cœur des influences

artistiques et cinématographiques du monde

islamique. En écho à cette thématique, une

sélection de films provenant de pays musulmans

sera présentée, avec un focus particulier

sur le Qatar, pays à l’honneur de cette édition.

Pour la première fois, le Marrakech Short

Film Festival s’associe au Doha Film Institute

(DFI), une institution qatarie de premier plan

dédiée au financement, à la production, à

l’éducation et aux festivals de cinéma. Cette

collaboration enrichit considérablement le

panorama cinématographique international

proposé lors de l’événement.

L’édition 2024 accueille un jury émérite présidé

par l’actrice et productrice éminente

Maysae Maghrebi, célèbre pour ses rôles

marquants dans les séries Hawamir Alsahraa

et Lelhob Jonun2. Elle est accompagnée de

la réalisatrice primée Sofia Alaoui, connue

pour le court métrage Qu’importe si les bêtes

meurent, César du meilleur court métrage de

fiction 2021, et pour le long métrage Animalia,

prix spécial du jury au festival du film de

Sundance 2023. Complétant ce jury prestigieux,

la talentueuse Nadia Kounda citée par

NOUS TABLONS À OFFRIR AU PUBLIC

DES EXPÉRIENCES CINÉMATOGRA-

PHIQUES DIFFÉRENTES ET PEU CONSOM-

MÉES PAR LE PUBLIC MAROCAIN

Vogue Arabia parmi les actrices qui se

démarquent dans le cinéma arabe en 2020,

apportant ainsi une expertise internationale

en études cinématographiques à Montréal.

Ce jury d’exception aura la lourde tâche d’évaluer

et de récompenser les meilleures créations

cinématographiques de cette édition.

Le Marrakech Short Film Festival 2024 promet

une sélection captivante de courts

métrages nationaux et internationaux, mettant

en lumière les talents émergents et confirmés

du Maroc et d’autres pays. « Nous accordons

la plus grande importance à la profondeur

des traitements des sujets », avance Ramia

Beladel, fondatrice du festival. « Nous estimons

que si la profondeur et l’esprit de recul

existent dans la recherche, le résultat ne peut

qu’être pluriel, marqué par la pluralité, l’humilité

et surtout le tact créatif ».

La sélection nationale comprendra neuf films,

tandis que la sélection internationale présentera

quinze films provenant de divers horizons,

tels que la France, le Liban, le Brésil, le

Canada, la Pologne, le Sénégal, la Tunisie,

l’Azerbaïdjan, l’Irak, l’Arabie saoudite, la Palestine

et la Norvège.

Le public aura l’opportunité de découvrir des

films à la fois singuliers et représentatifs de la

diversité culturelle du monde islamique.

« Nous tablons à offrir au public des expériences

cinématographiques différentes et peu consommées

par le public marocain », explique Ramia

Beladel. « Dans le film norvégien; on retrouve

le scepticisme en dérision; dans le film brésilien

on retrouve un rapport à la fois bestial et

spirituel à la nature et dans le film de l’Azerbaïdjan

on est face aux reliefs du corps humain

et de la nature ».

« Le format intimiste et professionnel du festival

garantit de vraies connexions entre intervenants

et participants », souligne Ramia Beladel.

« L’année dernière, deux réalisateurs ont

rencontré la productrice Lamia Chraibi lors

du festival et depuis, leurs collaborations se

sont fructifiées. De nombreuses autres belles

collaborations se sont créées durant et après

le festival, y compris des amitiés dont nous

sommes très fiers ».●

18 Maroc / Août 2024



ACTU-CINÉ

CRÉDIT : AP

ADIL EL ARBI ET BILALL FALLAH

LES BAD BOYS DU CINÉMA

HOLLYWOODIEN

Adil El Arbi et Bilall Fallah.

Adil El Arbi et Bilall Fallah, duo de réalisateurs belgo-marocains

au style percutant et à l’énergie débordante, ont conquis Hollywood

avec leur dernier succès fulgurant : « Bad Boys: Ride or Die ».

PAR REDA K. HOUDAÏFA

Propulsés sur la scène internationale

grâce au triomphe de Bad Boys for

Life (2020), troisième volet de la franchise

culte avec Will Smith et Martin Lawrence,

Adil El Arbi et Bilall Fallah ont enchaîné

les succès avec la série Ms. Marvel pour Disney+

(2022) et le film Rebel (2022).

Leur dernier film, Bad Boys: Ride or Die, sorti

en mai 2024, a une nouvelle fois cartonné

au box-office, confirmant leur statut de réalisateurs

incontournables à Hollywood. Au

1er juillet 2024 , ce projet a rapporté 166,5

millions de dollars (M$) aux États-Unis ainsi

qu’au Canada, et 166,7 M$ dans d’autres territoires,

pour un total mondial de 333,2 M$,

devenant ainsi le neuvième film le plus rentable

de 2024.

Retour dans la cour des grands

Invités dans l’émission de Collider, Adil et

Bilall ne cachèrent pas leur surprise face à

ce nouveau succès: « On ne pensait pas

revenir dans la franchise après Bad Boys for

Life. C’est pour ça qu’on l’a appelé Bad Boys

for Life ! », plaisante Bilall, conscient de l’ironie

du titre du quatrième opus.

LEUR APPROCHE CINÉMATOGRA-

PHIQUE SE CARACTÉRISE PAR DES

SCÈNES D’ACTION DYNAMIQUES,

UNE ÉNERGIE DÉBORDANTE ET UN

HUMOUR DÉCALÉ

Le duo est revenu avec un scénario explosif

et des techniques innovantes pour plonger

le public au cœur de l’action. Cette fois-ci,

Mike et Marcus se retrouvent dans la peau

de fugitifs, renversant la formule bien-aimée

des Bad Boys. Déterminés à laver le nom

du capitaine Howard (Joe Pantoliano) après

son arrestation posthume, ils se retrouvent

eux-mêmes traqués par les criminels et la

police de Miami.

Leur approche cinématographique se caractérise

par des scènes d’action dynamiques,

une énergie débordante et un humour

décalé. Inspirés par les films d’action des

années 80 et 90, ils y ajoutent leur touche

personnelle, citant parmi leurs influences

des réalisateurs comme Michael Bay, John

Carpenter et Quentin Tarantino.

Dessein

Malgré leur ascension fulgurante, leur parcours

n’a pas été sans obstacles. En 2022,

leur film Batgirl a été annulé par Warner Bros.

juste avant sa sortie, une décision qui a suscité

une vive controverse. Mais loin de se

laisser abattre, Adil et Bilall rebondissent et

multiplient les projets.●

20 Maroc / Août 2024


UNE NOUVELLE VIE POUR

LE CINÉMA DAWLIZ DE MEKNÈS

Le cinéma Dawliz à Meknès, dernier rescapé de la chaîne de cinémas

Dawliz, a enfin réouvert ses portes. Le cinéma a accueilli ses premiers

spectateurs la semaine du 10 juillet, avec une programmation riche et

variée qui satisfait tous les goûts et les âges.

PAR SALMA HAMRI

CRÉDIT : HIND KHARIFI

Cinéma Dawliz de Meknès.

Créée dans les années 1980 par le réalisateur,

producteur, distributeur et

exploitant Souheil Ben Barka, la

chaîne de cinémas Dawliz ciblait au départ

une clientèle bourgeoise qui évitait de fréquenter

les cinémas des centres-villes devenus,

selon les habitués, de plus en plus mal

fréquentés.

Le Dawliz de Meknès a été inauguré en février

2003, alors que les Dawliz de Tanger et de

Casablanca venaient tout juste de fermer. A

son ouverture, trois salles étaient aménagées.

Celles-ci passent au nombre de deux,

quelques mois après l’ouverture, avant que

l’une des deux ne soit finalement transformée

en commerce.

En 2020, le cinéma Dawliz de Meknès reçoit

une subvention à hauteur de 623 803 dirhams

comme aide à la modernisation, suite à la

réunion annuelle de la commission d’aide à

la numérisation, à la modernisation et à la

création des salles de cinéma du centre cinématograohique

marocain (CCM).

LA CHAÎNE DE CINÉMAS CIBLAIT AU

DÉPART UNE CLIENTÈLE BOURGEOISE

QUI ÉVITAIT DE FRÉQUENTER LES

CINÉMAS DES CENTRES-VILLES DEVE-

NUS, SELON LES HABITUÉS, DE PLUS

EN PLUS MAL FRÉQUENTÉS

Les premières photos des rénovations ont

été partagées en avril 2023, date à laquelle

la réouverture était prévue. Finalement, ce

n’est qu’en juillet de cette année que le

Dawliz, aujourd’hui une monosalle de 144

places, a officiellement réouvert ses portes.

Les tarifs sont de 30 dirhams le ticket, du

lundi au vendredi, et passent à 40 dirhams

les week-ends.

Mohamed Beyoud, directeur artistque du festival

international de cinéma d’animation de

Meknès (FICAM) se réjouit de cette ouverture

et dit « militer depuis toujours » au côté

d’un collectif d’amis « pour que ce cinéma

puisse reprendre ses activités ». « On travaille

sur la communication digitale parce qu’elle

est très importante pour la jeunesse. Le

cinéma a réouvert avec 4 séances par jour,

et les films sont tous projetés en version originale

sous-titrée », poursuit-il.

Par ailleurs, Beyoud explique que cette réouverture

permettra d’avoir un autre lieu de projection

pour le FICAM. « Si le festival a 4 ou

5 lieux équipés avec des projecteurs numériques

c’est plus que génial ».●

Août 2024 / Maroc

21


ACTU-CINÉ

LES SALLES DE CINÉMA,

NOUVEL ELDORADO

CRÉDIT : DR

DES CONCERTS

Le ciné-concert représente l’une des

nombreuses expériences originales

visant à revaloriser les salles de

cinéma qui, en quête de nouvelles

sources de revenus, deviennent le

nouvel Eldorado des concerts, attirant

une audience variée et passionnée, tout

en générant des revenus significatifs

pour les artistes, exploitants et

distributeurs.

PAR : SALMA HAMRI

La tournée Born Pink du quatuor féminin sud-coréen Blackpink arrive sur grand écran.

Au Maroc, la tournée Born Pink du

quatuor féminin sud-coréen

Blackpink arrive sur grand écran.

Elle sera diffusée le 31 juillet et les 3 et 4

août au Mégarama et à Pathé, avec des

séances en technologie 4DX. Au cinéma

Pathé, il faut prévoir entre 120 et 170 dirhams

le ticket. Le cinéma Megarama propose quant

à lui une vente des tickets sur place. Le film

montre le spectacle et présente des versions

exclusives des hits de Blackpink dévoilées

pendant ce concert incluant les performances

au Gocheok Dome de Séoul ainsi

que des images filmées dans plusieurs autres

villes de la tournée internationale.

CRÉDIT : DR

La diffusion de concerts dans les salles de

cinéma est une pratique aussi vieille que le

cinéma qui est revenue à la mode ces der-

22 Maroc / Août 2024


CRÉDIT : PATHÉ LIVE

Concert des BlackPink au cinéma, l’expérience d’un concert

live avec le confort d’une projection cinématographique.

nières années. Ce concept innovant qu’on

appelle également le « hors-film » dans les

salles de cinéma, combine l’expérience d’un

concert live avec le confort d’une projection

cinématographique. Il permet aux fans de vivre

des performances musicales de leurs artistes

préférés d’une manière nouvelle et immersive

sans forcément se déplacer dans un autre

pays. Ces projections sont devenues de véritables

événements où les fans chantent en

choeur et s’habillent comme pour un concert

en direct, créant une atmosphère festive et

communautaire.

Les salles de cinéma ont trouvé en ces projections

une nouvelle manière de diversifier leurs

sources de revenus. En effet, les concerts, Permettent

de revitaliser ces espaces et d’attirer

de nouveaux publics. Ce modèle répond non

seulement à une demande croissante de la part

des fans qui souhaitent vivre l’ambiance d’un

concert en direct sans les contraintes géographiques,

mais pourrait devenir la première

source de recettes des salles de cinéma et un

élément essentiel de leur modèle économique.

CE CONCEPT INNOVANT PERMET AUX

FANS DE VIVRE DES PERFORMANCES

MUSICALES IMMERSIVES SANS FORCÉMENT

SE DÉPLACER DANS UN AUTRE PAYS

Taylor Swift, par exemple, a su exploiter ce filon

avec brio. Son film de concert The Eras Tour,

filmé lors de sa tournée éponyme a généré

plus de 100 millions de dollars en préventes à

l’échelle mondiale, établissant un record pour

un long métrage de concert. Les ventes du

premier jour ont d’ailleurs surpassé celles de

premières très médiatisées comme Star Wars:

Le Réveil de la Force et Spider Man: No Way

Home, selon les données de Cinelytic.

Selon les estimations, le film concert de

Taylor Swift, qui a été projeté dans 8 500

cinémas à travers le monde, a engrangé 96

millions de dollars de recettes lors de son

premier week-end d’exploitation. Il s’agissait

du meilleur weekend au box-office

nord-américain depuis la sortie simultanée

de Barbie et Oppenheimer. Avant lui, les meilleures

recettes de films sur des concerts revenaient

à Justin Bieber avec Never Say Never,

qui a recueilli au total 73 millions de dollars

en 2011, et le film This Is It sorti quelques mois

après la mort de Michael Jackson en 2009,

avec 72,1 millions de dollars.

Pour le film concert de Taylor Swift, le prix du

billet coûtait 19 dollars, rendant l’expérience

très accessible. Ce business modèle profite

donc autant aux exploitants qu’à l’artiste en soi,

faisant fructifier encore plus les tournées grâce

à l’argent généré.●

Août 2024 / Maroc

23


LA COUV’

NISRIN ERRADI

LA COULEUR DES

SENTIMENTS

À l’affiche du dernier film

de Nabil Ayouch, Everybody Loves

Touda, Nisrin Erradi, a tout joué et

beaucoup vécu, et il est temps à présent

pour elle, d’exister et de parler sans retenue.

PAR YACINE KAOUTI

CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

STYLISME : ALI DRISSI

24 Maroc / Août 2024


Août 2024 / Maroc

25


LA COUV’

NISRIN ERRADI

LE RÔLE DE

SA VIE

26 Maroc / Août 2024


Avant de commencer, un aveu à faire : percer

le mystère de Nisrin Erradi n’a pas été

une tâche facile. Car avec elle, c’était plutôt

mal parti. Notre premier rendez-vous avait

lieu dans un restaurant chic de Casablanca.

Je m’attendais à rencontrer une actrice réservée,

réticente à se dévoiler. À ma grande

surprise, Nisrin était ouverte, chaleureuse,

et surtout, curieuse. Elle tenait entre ses

mains notre numéro 1 de Boxoffice Maroc,

avec Asmae El Moudir en couverture.

« J’aime ce que vous faites avec ce magazine

», me glisse-t-elle en souriant. Nisrin

Erradi accepte finalement d’être sur la couverture

de ce numéro, mais pas sans une

certaine réserve. « Je veux que cela soit

authentique », insiste-t-elle.

Nous nous retrouvons dix jours plus tard, au

dernier étage du Sofitel à Casablanca pour

le shooting. Toute l’équipe est là, sauf le

make-up artist, qui a décidé de nous faire

faux bond ce jour-là. La panique commence

à s’installer lorsque, par miracle, nous trouvons

une nouvelle make-up artist et le shooting

peut finalement avoir lieu. Nisrin, caméléon,

se transforme sous nos yeux. Les tenues

d’Ali Drissi l’enveloppent comme une seconde

peau, incarnant tour à tour la grâce et la puissance,

la vulnérabilité et la force.

Troisième et dernier acte. Nous nous

revoyons pour notre grand entretien à son

retour de quelques jours de repos à Marseille.

Nisrin arrive en tenue décontractée,

les cheveux en bataille, loin de l’image glamour

du shooting. Elle est là, authentique,

sans artifice. Elle a cette manière de peser

chaque mot, de creuser les silences, puis de

soudainement planter son regard dans le

vôtre avec une intensité désarmante. Nous

parlons de Touda, le « rôle de sa vie », de

son amour pour Tennessee Williams, et de

ce qu’il reste de ses rêves.

Avec à son actif 15 ans de carrière et autant

de rôles différents : une mère rebelle dans

Reines de Yasmin Benkiran (2022), une jeune

femme handicapée dans Poissons rouges

de Abdeslam Kelai (2022), ou encore une

mère célibataire dans Adam de Maryam Touzani

(2019), jusqu’à l’éclat dans Everybody

Loves Touda qui sortira en fin d’année.

« C’est une comédienne très à l’écoute de

ses émotions, qui a une fragilité et en même

temps une force incroyable. Elle a aussi

quelque chose de blessé dans son regard,

d’habité, de gai. J’ai vu en elle tout ce que

je recherchais », disait Maryam Touzani à

propos de leur collaboration sur le film Adam.

Dans Everybody Loves Touda, Nisrin incarne

Touda, une Cheikha qui chante sans pudeur

ni censure des textes de résistance, d’amour

et d’émancipation. Touda nourrit l’espoir d’un

avenir meilleur pour elle et son fils. Maltraitée

et humiliée, elle décide de tout quitter

pour les lumières de Casablanca. La performance

de Nisrin dans ce film est décrite

comme électrisante, apportant une profondeur

émotionnelle qui transcende l'écran.

Nisrin Erradi est une actrice aussi complexe

qu’intense. Chaque personnage qu’elle joue

est une part d’elle-même, une part de nous

tous. En définitive, Nisrin Erradi demeure une

énigme fascinante, une étoile dont nous

avons tenté de percer le mystère lors de

cette rencontre.●

Août 2024 / Maroc

27


LA COUV’

Racontez-nous comment vous avez

accepté le rôle de Touda

Lorsque j’ai joué dans Adam de Maryam Touzani,

Nabil Ayouch, qui en était le producteur,

avait apprécié mon jeu. Pendant la tournée

des festivals, il m’a dit : « Nisrin, je

voudrais que tu joues dans mon prochain

film ». Nous étions au festival d'El Gouna en

Égypte, et Maryam m’avait demandé quel

rôle je rêvais de jouer. Je lui ai répondu que

je rêvais de jouer une cheikha. C’est alors

que Nabil m’a annoncé que son prochain

film porterait sur l’histoire d’une cheikha.

C’était comme un alignement parfait des

étoiles, et il a commencé à écrire le film.

Un jour, il m’a appelée pour me dire de venir

récupérer le scénario. Je l'ai pris avant de partir

pour Marrakech, mais je me suis refusée à

le lire dans le train. Je l'ai commencé chez

moi, et dès la page 5, j'avais déjà les larmes

aux yeux. Je lisais le scénario en m’imaginant

le film. En le terminant, j'ai su que c’était le

rôle que j’attendais, le rôle de ma vie.

Qu’est-ce cela fait d’avoir reçu ça le rôle

de votre vie ?

J’y pense beaucoup ! Maintenant que j’ai eu

le rôle que je voulais depuis longtemps, je me

demande ce qu’il me reste pour la suite. Est-ce

que je dois prendre ma retraite (rires) ? À 33

ans, avoir reçu ce rôle m’honore énormément.

Mais ce n’est plus mon objectif désormais. J’ai

de nouveaux objectifs pour la suite de ma carrière.

Les personnages que j’ai eu la chance

d’interpréter font partie de moi aujourd’hui, et

il me reste encore plusieurs rôles à explorer.

Prêt d’un an et demi de préparation

avant le tournage, vous n’avez pas

trouvé le temps long ?

Nabil Ayouch m’a offert des conditions

idéales pour préparer le personnage de

Touda. J'avais une année et demi pour me

préparer, ce qui m'a permis de prendre cette

responsabilité très au sérieux. Durant cette

période, j'ai eu la chance de rencontrer plusieurs

artistes pour m’entraîner, le premier

étant Hajib. Lorsque Nabil lui a demandé si

je pouvais chanter pour le film, Hajib a

répondu par la négative (rires).

Après cette rencontre, j'ai dit à Nabil que je

ne souhaitais pas travailler avec Hajib, car il

n'a pas cru en moi et ne m'a pas permis de

rêver. Ensuite, j'ai eu la chance d'être dirigée

vers la regrettée Fatima Al Bidaouia, qui m'a

énormément aidée. Pendant près d'un mois,

nous nous retrouvions tous les soirs avec

son groupe chez Ali'n Production, la société

de production de Nabil Ayouch. Malheureusement,

elle est tombée malade peu de

temps après et nous a quittés. J'ai pu garder

sa taarija et j'ai tenu à l'avoir avec moi

pendant le tournage.

Par la suite, j'ai travaillé avec Siham Mesfiouiya,

une jeune professionnelle de la Aïta.

Nous avons passé plusieurs semaines à Safi

pour parfaire ma formation. J'ai également

collaboré avec Houda Nachta, une artiste de

Casablanca. Avec elle, j'ai appris la difficulté

JE LISAIS LE SCÉNARIO EN

M’IMAGINANT LE FILM. EN LE TERMINANT,

J'AI SU QUE C’ÉTAIT LE RÔLE QUE

J’ATTENDAIS, LE RÔLE DE MA VIE

du métier de cheikha, ce qui a été une expérience

incroyablement enrichissante.

Avec autant de préparation, n’avez-vous

pas douté de votre capacité à porter le

rôle principal dans Touda ?

Évidemment, j'ai eu des doutes. Quelques

semaines avant le tournage, j'ai réalisé que

je n'avais pas les compétences nécessaires

pour chanter dans ce film. Nous avons donc

décidé de faire un casting voix, ce qui m'a

beaucoup rassuré au final.

Le tournage de Touda s’est étalé sur un

an et a été filmé pendant les quatre

saisons de l’année. Comment avez-vous

vécu cette expérience ?

Le tournage a commencé à Casablanca avec

les scènes de la vie de Touda. Deux semaines

plus tard, nous devions filmer une scène en

plan séquence, l’un des moments forts du

film. Je me souviens qu’à la fin d’une prise,

Nabil est venu me serrer dans ses bras. Je

crois que c'est à ce moment-là qu'il s'est dit

que je pouvais jouer le rôle d’une cheikha,

cela l'a rassuré (rires). Ensuite, nous nous

sommes déplacés à Azilal, où les conditions

de tournage étaient difficiles à cause de la

neige et des différents extérieurs..

28 Maroc / Août 2024



LA COUV’

Dans votre film précédent, Reines de

Yasmine Benkiran, vous jouez le rôle

d’une mère rebelle, dans ce road movie

à la Bonnie and Clyde. Comment

choisissez-vous vos rôles et vos films ?

Avant de choisir un rôle, je dois avant tout

faire confiance au réalisateur. Je n’ai pas une

baguette magique; on ne va pas utiliser mon

nom pour faire un film. On m’appelle, et si le

film est réussi, c’est grâce à une collaboration.

Du coup, je m’informe beaucoup sur le

réalisateur, son travail, la production, et les

équipes. Avec le temps, j’ai appris à mieux

me connaître, à comprendre mes limites et

à faire les choix qui me conviennent le mieux.

Il m’arrive de me tromper, mais je rectifie rapidement

le tir.

Avant sa sortie au Maroc et à l’étranger,

le film a connu sa première à Cannes.

Comment avez-vous vécu cette première

projection ?

Je me demandais si c’était vraiment ce que

je voulais. Je ne réalisais pas ce qui se passait.

Le lendemain, après les premières critiques

positives de la presse, Nabil m’a

demandé ce que j’en pensais, mais je n’arrivais

pas à mettre des mots sur ce que je

ressentais. On attendait sûrement de moi

JE DOIS AVANT TOUT FAIRE CONFIANCE

AU RÉALISATEUR. JE N’AI PAS UNE

BAGUETTE MAGIQUE; ON NE VA PAS

UTILISER MON NOM POUR FAIRE UN FILM

que je sois heureuse de ce moment, alors si

c’est ce que vous voulez entendre, oui, j’étais

heureuse.

Pour moi, les premiers échos positifs du film

et les différents retours me touchent énormément.

Je porte ce film de bout en bout à

l’écran, et c’est surtout grâce à toute l’équipe

qui m’a aidée et m’a permis de réaliser ce

film dans les meilleures conditions possibles.

Nabil Ayouch reçoit souvent le reproche

de faire des films qui touchent plus un

public étranger et qui peuvent paraître

un peu trop clichés pour le public

marocain. Qu’en pensez-vous ?

Avant d’être mon réalisateur, Nabil Ayouch

est avant tout mon ami, et je connais très bien

l’homme et l’artiste. Quand Nabil choisit de

faire un film, il le fait avec son cœur. Nous

nous sommes retrouvés, tous les deux, dans

l’amour et la passion que nous portons pour

notre métier. Contrairement à ce que certains

peuvent penser, il ne fait pas des films pour

plaire aux autres. Ses succès le démontrent,

et cela n’a rien à voir avec cette question de

plaire ou non à un public occidental.

Vous êtes lauréate de l’ISADAC et vous

avez fait un stage à la Comedia dell'Arte,

alors que l’on voit aujourd’hui de plus en

plus de comédiennes et comédiens sans

formation dramatique se faire une place,

notamment dans les séries télévisées

marocaines. Pensez-vous que les écoles

d’arts dramatiques ont encore de

l’importance ?

Oui pour moi l’ISADAC a été une expérience

fondatrice. J’ai été bercée par le théâtre et

j’en fais depuis mes six ans. J’ai continué au

collège et au lycée avant d’entrer à l’ISADAC.

Les textes de Tennessee Williams sont ceux

qui me touchent le plus. J’avais choisi un de

ses textes pour le concours d’entrée à l’ISA-

CRÉDIT : AD VITAM

Joud Chamihy et Nisrin Erradi dans le film Everybody Loves Touda.

30 Maroc / Août 2024


Everybody

Loves Touda

Synopsis : Touda rêve de devenir une Cheikha,

une artiste traditionnelle marocaine, qui chante

sans pudeur ni censure des textes de

résistance, d’amour et d’émancipation,

transmis depuis des générations. Se produisant

tous les soirs dans les bars de sa petite ville

de province sous le regard des hommes, Touda

nourrit l’espoir d’un avenir meilleur pour elle

et son fils. Maltraitée et humiliée, elle décide

de tout quitter pour les lumières de

Casablanca…●

TITRE : Everybody Loves Touda

PAYS : Maroc

RÉALISATEUR : Nabil Ayouch

CASTING : Nisrin ErradiI, Joud Chamihy, Jalila

Tlemsi, El Moustafa Boutankite Lahcen

RazzouguiI

PRODUCTIONS : ALI N’ PRODUCTIONS / LES

FILMS DU NOUVEAU MONDE / VELVET FILMS /

SNOWGLOBE / VIKING FILM / STAER

DURÉE : 102 minutes

ANNÉE : 2024

Le public marocain délaisse de plus en

plus les films qualitatifs et va au cinéma

plutôt pour regarder des comédies

populaires

Je ne vois pas ça comme un problème. Pour

moi, un bon film sera toujours regardé, que

ce soit aujourd’hui ou dans cent ans. Un film

n’a pas de durée de vie limitée. Je ne pense

pas au succès commercial des films dans

lesquels je joue. Il est vrai qu’il y a une problématique

de fréquentation des salles, et

je pense que le public marocain préfère souvent

ne pas payer pour une place de cinéma.

C’est une culture difficile à changer et le chemin

est encore long.

DAC et c’est aussi avec un de ses textes que

j’ai réalisé mon projet de fin d’études. Ses

œuvres se rapprochent le plus du cinéma,

une raison de plus pour moi d’apprécier son

travail. C’est un peu mon guide spirituel.

Pendant vos premières années à

l’ISADAC, vous avez eu votre première

grande expérience au cinéma en jouant

un rôle dans le film Les Ailes de l’amour

d’Abdelhai Laraki

Il faut savoir comment j’ai été prise pour ce

film ! Je travaillais ce jour-là dans la bibliothèque

de l’ISADAC, et je reçois un message

sur Facebook, me demandant de me présenter

à un casting. Le réalisateur Abdelhai Laraki

souhaitait me rencontrer. Je pensais vraiment

que c’était une blague, je n’y croyais pas ! Je

me suis présentée à Casablanca pour le casting

et j’ai obtenu le rôle. C’est ainsi que tout

a commencé. Je n’oublierai jamais ce jour où

Abdelhai Laraki m’a offert l’une de mes expériences

les plus importantes.

Comment voyez-vous votre futur ? Que

reste-t-il de vos rêves ?

Mes rêves sont actuellement en stand-by. Je

me sens un peu perdu, j'ai envie de faire

d'autres choses dans la vie et je me demande

si le cinéma est vraiment ce que j'aime le

plus. Ce n'est pas la seule chose qui me stimule.

Les trois ou quatre derniers personnages

que j'ai joués m'ont demandé énormément

d'énergie. J'ai tout donné pour eux.

Aujourd'hui, je ressens le besoin de prendre

du temps pour moi et de faire autre chose.

Le moment où vous avez reçu la proposition

du rôle par Nabil Ayouch était

particulier, pouvez-vous nous en parler ?

Lorsque Nabil Ayouch m'a proposé le rôle,

je venais de perdre mon père. J'étais encore

en deuil et complètement perdue. Pour moi,

Touda est devenue plus qu'un personnage,

elle était ma boussole. Elle m'a accompagnée

dans ce moment difficile, elle m'a réparée

et je pense l'avoir réparée en retour.

C'était plus qu'un simple rôle, c'était une

amie. C'est peut-être pour ça que je considère

que c'est le rôle de ma vie.●

Août 2024 / Maroc

31


LA COUV’

Nisrine Erradi arbore toute l'étendue de son talent.

32 Maroc / Août 2024


LES RÉALISATEURS

PARLENT DE NISRIN ERRADI

une actrice qui impressionne par sa capacité à incarner des rôles complexes et émotionnellement exigeants.

Nisrin Erradi n'est pas seulement une actrice qui illumine l'écran par son

talent, mais aussi une professionnelle respectée et admirée par ses pairs.

Depuis ses débuts modestes jusqu'à sa montée fulgurante dans le cinéma

marocain, Nisrin a constamment impressionné par sa capacité à incarner

des rôles complexes et émotionnellement exigeants.

PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTOS : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Dans Les Ailes de l'amour de Abdelhai

Laraki, sorti en 2011, Nisrin Erradi joue

un rôle significatif qui marque ses

débuts dans le cinéma. Abdelhai Laraki la

remarque en 2010, lors d’une visite à l’ISADAC

pour le casting de son long métrage., Il a dès

lors vu en elle « un potentiel immense qui ne

demandait qu'à être exploité », confie-t-il.

Dans ce long métrage, Nisrin Erradi incarne le

personnage de Keltoum, l’épouse offerte à

Thami (Omar Lotfi) de tiraillée entre les pressions

sociales et ses propres désirs, ce qui lui

permet de démontrer sa capacité à exprimer

une large gamme d'émotions et jouer des

scènes intenses. Ce rôle, son premier au

cinéma, a sans doute été une étape importante

dans sa carrière, contribuant à la faire connaître

du grand public et des professionnels.

Elle a ensuite enchaîné avec plusieurs rôles

marquants, autant à la télévision qu'au

cinéma. Et en plus de démontrer sa capacité

à s'immerger complètement dans des rôles

difficiles et émotionnellement chargés, Nisrin

a poussé la polyvalence plus loin en jonglant

entre drame et comédie à travers sa

participation dans des sitcom marocaines.

Les réalisateurs qui ont eu la chance de travailler

avec elle ne tarissent pas d'éloges sur

sa capacité à capturer l'essence de ses rôles

avec une authenticité désarmante. Son

approche du métier, alliant sensibilité et

détermination, fait d'elle une collaboratrice

précieuse sur les plateaux de tournage. Voici

ce que quelques-uns des réalisateurs avecs

lesquelles Nisrin Erradi a travaillé ont à dire

sur elle :●

Août 2024 / Maroc

33


LA COUV’

Abdelhai Laraki - « Les Ailes de l’amour »

« Dans Les Ailes de l’amour, le personnage de Keltoum,

paysanne timorée dans le scénario, se métamorphose

au fil du tournage en une femme libre et émancipée,

qui brise ses chaînes comme un papillon qui s’extirpe

de son cocon pour prendre son premier envol, tout

comme Nisrine prendra le sien. Cette révélation s'est

confirmée par la suite dans ma série Ma9tou3 men

Chajra et dans d'autres longs métrages où elle a

souvent sublimé les rôles qui lui étaient confiés. Avec

son éventail de jeu à 360 degrés, son caractère

pugnace et déterminé, tout en étant à l'écoute et

inventive, Nisrine est une actrice unique sur la scène

marocaine, sa capacité à incarner des personnages

complexes avec profondeur et authenticité et son

jeu subtil et puissant, toujours border line, font d'elle

une actrice créative et anticonformiste ».

34 Maroc / Août 2024


Yasmine Benkiran - « Reines »

« Nisrin irradie. Elle capte immédiatement

les regards et, naturellement, la caméra.

Quelque part entre une présence

magnétique et un naturel impertinent et

solaire. C’est aussi le fruit d’un vrai travail.

Nisrin est bosseuse. Sur le plateau, elle

est extrêmement professionnelle et d’une

grande générosité : elle donne tout. Elle

m’a beaucoup appris. C’est une grande

actrice qui m’est devenue très chère ».

Abdeslam Kelai - « Poissons rouges »

« Nisrin Erradi est une comédienne très

généreuse qui a une intelligence émotionnelle

très développée. Son courage la rend d’ailleurs

très spéciale. Sur mon dernier long métrage

de cinéma Poissons rouges, Nisrin a osé

jouer le rôle d’une jeune femme atteinte

d’une infirmité motrice. Dans ce rôle, elle

avait un visage distordu et un corps mutilé.

Difficile pour n’importe quelle comédienne.

Nisrin l’a fait merveilleusement bien et je

pense que c’est l’une de nos grandes actrices

marocaines ».

Maryam Touzani - « Adam »

« Nisrin est passionnée de cinéma, quelqu’un qui a énormément

de talent et qui sait aller chercher à l’intérieur d’elle-même la

justesse dans les émotions, et ça c’est très beau à vivre pour un

réalisateur. C’est une femme très sensible, à l’écoute et avec une

vraie force de caractère. C’était une belle rencontre dans le cadre

d’Adam et sa puissance de jeu est exceptionnelle. Le travail de

préparation du personnage avec elle était d’ailleurs passionnant

parce qu’elle avait cette soif d’aller à la rencontre de son personnage ».

Août 2024 / Maroc

35


EN SALLES

DEADPOOL & WOLVERINE

UN FILM AUSSI FOU

QUE SES HÉROS

Créé par l’auteur-dessinateur Rob Liefeld et le scénariste Fabian Nicieza,

« Deadpool & Wolverine » est un feu d’artifice qui s’éteint trop vite. Entre humour trash et

action démesurée, ce buddy movie divise. Les fans seront servis, les autres moins convaincus.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

Séparé de Vanessa et rejeté par les

Avengers, Wade Wilson devient vendeur

de voitures d’occasion. Un haut

responsable du Tribunal des Variations Anachroniques

lui propose une mission pour devenir

un héros, mais à un prix : la destruction de

son monde et de ceux qu’il aime. Wade refuse

l’offre et part à la recherche de Wolverine

pour sauver son univers. Sa mission, plus difficile

que prévu, le mènera à croiser divers

individus… Impossible de révéler le reste de

l’intrigue, car cela gâcherait inévitablement la

fête pour les lecteurs de ces lignes. Concentrons-nous

plutôt sur l’essentiel.

Deadpool & Wolverine est donc un buddy

movie extrême, aussi imparfait que génial,

rempli de trash, de gore et d’irrévérence.

Le duo formé par Ryan Reynolds et Hugh Jackman

fonctionne ici à merveille, propulsant l’action

à toute vitesse. Les gags fusent de toutes

parts, les références à la pop culture abondent

et les scènes d’action sont spectaculaires. Toutefois,

si l’aspect divertissant est indéniable, le

scénario manque parfois de profondeur. En

effet, certaines intrigues secondaires semblent

bâclées et les motivations des personnages

ne sont pas toujours claires. Qui plus est, on

y retrouve un rythme inégal et des plans censés

être iconiques mais sans éclat.

Pour ceux qui ont grandi durant les années

90 et ont vu l’arrivée des premiers personnages

Marvel sur grand écran, ce film offre

une dose de nostalgie. Cependant, bien que

la réapparition de certaines visages emblématiques

soit réjouissante, l’histoire et les

raisons de leur retour sont peu développées.

Malgré ces quelques défauts, Deadpool &

Wolverine est un film qui plaira aux fans de

la saga et aux amateurs de films d’action

déjantés. Néanmoins, il est difficile de le

DEADPOOL & WOLVERINE EST DONC

UN BUDDY MOVIE EXTRÊME, AUSSI

IMPARFAIT QUE GÉNIAL, REMPLI DE

TRASH, DE GORE ET D’IRRÉVÉRENCE

considérer comme une œuvre majeure du

genre. En somme, il s’agit d’un divertissement

efficace, mais sans plus.●

Maroc

3 / 5

TITRE : Deadpool & Wolverine

PAYS : États-Unis

RÉALISATEUR : Shawn Levy

GENRE : Action, Comédie, Science-Fiction

DURÉE : 127 minutes

ANNÉE : 2024

CRÉDIT : 2024 20TH CENTURY STUDIO / TM 2024 MARVEL

36 Maroc / Août 2024



EN SALLES

TRAP

UN SHYAMALAN

EN DEMI-TEINTE

Malgré quelques idées intéressantes, « Trap » ne parvient pas à convaincre

pleinement. Le réalisateur, M. Night Shyamalan, semble chercher à renouer

avec ses premiers succès, mais le résultat est mitigé.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

M. Night Shyamalan, qui nous fait douter

de tout, nous offre avec Trap une

expérience cinématographique peu

singulière. Le réalisateur, connu pour ses intrigues

tortueuses et ses rebondissements inattendus,

semble ici explorer de nouveaux territoires,

mêlant horreur et comédie noire.

Le film démarre sur les chapeaux de roue,

nous plongeant dans un univers où un tueur

en série se retrouve coincé dans un concert

géant. Le huis clos initial est maîtrisé, la tension

palpable. Shyamalan, en véritable showman,

met en scène les coulisses de l’événement

avec brio, créant une atmosphère

oppressante. L’intrigue est originale, prometteuse,

et le réalisateur parvient à nous tenir

L’INTRIGUE EST ORIGINALE,

PROMETTEUSE, ET LE RÉALISATEUR

PARVIENT À NOUS TENIR EN HALEINE

PENDANT UNE BONNE PARTIE DU FILM

en haleine pendant une bonne partie du film.

Malheureusement, l’enthousiasme retombe

rapidement. Après un début prometteur, le

récit s’essouffle et semble perdre de sa substance.

Les personnages, malgré quelques

efforts d’écriture, restent plutôt plats et peu

attachants. Les rebondissements, bien que

présents, manquent d’impact et ne parviennent

pas à nous surprendre véritablement.

Le ton du film est également déroutant. Shyamalan

oscille entre l’horreur et la comédie,

sans jamais trouver le juste équilibre. Le résultat

est un mélange des genres qui ne convainc

pas totalement. Si quelques scènes parviennent

à faire sourire, d’autres tombent à

plat, manquant cruellement de subtilité.

CRÉDIT : WARNER BROS

Si le réalisateur démontre une fois de plus

son talent pour créer des ambiances particulières,

il ne parvient pas à livrer un film à la

hauteur de ses précédents succès. Les amateurs

de Shyamalan seront sans doute déçus

par ce long-métrage qui, malgré quelques

qualités indéniables, laisse un goût d’inachevé.

Trap est un film inégal qui plaira aux amateurs

de thrillers efficaces, mais l’on regrettera

un manque d’ambition. Shyamalan livre

ici un film correct, mais qui ne restera pas

dans les annales de sa filmographie. ●

Josh Harnett et Ariel Donoghue dans « Trap ».

Maroc

2 / 5

TITRE : Trap

PAYS : États-Unis

RÉALISATEUR : M. Night Shyamalan

GENRE : Thriller

DURÉE : 105 minutes

ANNÉE : 2024

38 Maroc / Août 2024


UN ÉTÉ À BOUJAD

CHRONIQUE D’UN ADO

EN QUÊTE D’IDENTITÉ

Dans son premier long-métrage « Un été à Boujad », Omar Mouldouira

connu pour son court métrage « Margelle », nous invite à un voyage introspectif

à travers le regard de Karim, un adolescent de 13 ans et à une exploration des

défis du retour au pays natal après des années d’exil en France.

PAR SALMA HAMRI

CRÉDIT : AWMAN PRODUCTIONS

les premiers émois de l’adolescence et la

quête d’une double acceptation : celle de

la famille et des habitants du quartier. Omar

Mouldouira réussit à capturer l’incommunicabilité

entre un père accablé par la honte

de ses échecs passés notamment son incapacité

à apprendre correctement l’arabe à

son fils, et ce dernier qui cherche désespérément

une affection qu’il ne trouve pas à

la maison.

La dualité est une constante dans le film.

Elle est relationnelle, émotionnelle, géographique

mais aussi spatiale. En effet, la tension

est palpable à l’intérieur de la maison,

illustrée par des travaux de réaménagement

symbolisant la rupture. À l’extérieur, Karim

trouve une figure identificatoire pansement :

Mehdi un voisin du quartier avec qui il expérimentera

une nouvelle vie, plus libre et

authentique, loin des contraintes familiales

mais non sans blessures du rejet.

Karim (Yassir Kazzouz) et son père Messaoud (Hatim Seddiki) de retour au pays natal.

Nous sommes en été 1986 et Karim

(Yassir Kazzouz), orphelin de mère

depuis 7 ans, revient à Boujad pour

passer ses vacances avec sa famille recomposée.

Son père, Messaoud (Hatim Seddiki),

après avoir travaillé 20 ans en usine en

France, a accepté un chèque de retour pour

refaire sa vie au pays. Pour Karim, ce retour

est loin d’être simple. Surnommé « le Français

» par les enfants du quartier, il vacille

entre les attentes de son père garagiste et

la dynamique complexe d’une nouvelle

famille avec une belle-mère (Laila Fadili) et

un demi-frère qu’il n’accepte toujours pas.

Le film fonctionne comme un récit d’apprentissage,

illustrant les douleurs de l’exclusion,

LE FILM FONCTIONNE COMME UN RÉCIT

D’APPRENTISSAGE, ILLUSTRANT LES

DOULEURS DE L’EXCLUSION ET LES

PREMIERS ÉMOIS DE L’ADOLESCENCE

Un été à Boujad est une chronique de la

pré-adolescence imprégnée d’une tendresse

et d’une violence tacite dans les interactions

humaines que Karim engage, et résonne

profondément avec les thèmes de l’identité

et de l’appartenance.●

Maroc

3 / 5

TITRE : Un été à Boujad

PAYS : Maroc

RÉALISATEUR : Omar Mouldouira

GENRE : Drame

DURÉE : 80 minutes

ANNÉE : 2024

Août 2024 / Maroc

39


EN SALLES

MON AMI LE PETIT MANCHOT

UNE LEÇON DE VIE

« Mon ami le petit manchot », film brésilien réalisé par David Schürmann,

nous embarque dans une aventure touchante et inspirée d’une histoire vraie.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

après une erreur de prononciation d’un

enfant qui tenta de dire le mot portugais

« pinguim »), revient le voir l’été suivant, juste

avant son anniversaire, parcourant des distances

inconnues pour retrouver son sauveur.

Depuis, DinDim revient voir João année

après année, à chaque mois de juin, retrouvant

son chemin malgré les obstacles.

Plutôt que de créer des manchots artificiels

en CGI ou en animation, David Schürmann

a ainsi filmé un groupe de vrais manchots

ayant vécu des expériences similaires à celles

du scénario. Leur bien-être était la première

priorité du tournage. Cela a permis l’émergence

de liens organiques et profondément

touchants entre les acteurs (Jean Reno,

Adriana Barraza et Rocío Hernández) et les

manchots.

« Le film est basé sur une merveilleuse histoire

vraie qui a étonné le monde, mais ce

que j’y ai surtout vu, c’est une belle fable

intemporelle. J’espère que les spectateurs

de tous âges et de tous horizons seront touchés

par cette aventure bouleversante. Nous

avons voulu faire un film qui soit non seulement

amusant, divertissant et visuellement

passionnant, mais qui capture quelque chose

de plus profond à propos de l’amour et de

l’enchantement que la nature nous offre »,

lit-on dans la note d’intention du cinéaste

qui s’est basé sur son expérience personnelle

d’une vie passée sur l’océan, ayant

vécu en mer depuis l’enfance.

En 2011, le pêcheur brésilien João

Pereira de Souza découvert un manchot

recouvert de goudron échoué

sur la plage d’Ilha Grande, près de Rio de

Janeiro. Après l’avoir recueilli chez lui, nourri

et soigné, il le relâche. À sa grande surprise,

le manchot, baptisé DinDim (appelé ainsi

LE FILM EST BASÉ SUR UNE MERVEILLEUSE

HISTOIRE VRAIE QUI A ÉTONNÉ LE MONDE,

MAIS CE QUE J’Y AI SURTOUT VU, C’EST UNE

BELLE FABLE INTEMPORELLE

Au-delà de l’histoire d’amitié, Mon ami le

petit manchot semble être un plaidoyer pour

la protection de la nature. D’autant plus qu’il

nous montre les dangers auxquels sont exposés

les animaux marins à cause de la pollution

et nous encourage à agir pour préserver

notre environnement.●

3 / 5

TITRE : Mon ami le petit manchot

PAYS : États-Unis

RÉALISATEUR : David Schürmann

GENRE : Aventure, Famille

DURÉE : 97 minutes

ANNÉE : 2024

40 Maroc / Août 2024



EN SALLES

CRÉDIT : PATHÉ

LE COMTE DE MONTE-

CRISTO À L’ÉCRAN,

UNE COMPLEXITÉ

SIMPLIFIÉEPrésentée comme

Pierre Niney dans Le Comte de Monte-Cristo,

un Edmond Dantès vindicatif, transformé par l’injustice.

une relecture contemporaine

du chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, l’adaptation

du Comte de Monte-Cristo par Alexandre de La

Patellière et Matthieu Delaporte, réinvestit le

blockbuster à la française. Ce film de cape et d’épée

offre une épopée visuelle captivante et plonge le

spectateur dans un tourbillon de vengeance et de

rédemption.

PAR SALMA HAMRI

L

a nouvelle adaptation du chef d’oeuvre

Le Comte de Monte-Cristo par

Alexandre de La Patellière et Matthieu

Delaporte nous plonge dans une épopée

visuelle captivante mais controversée. Si

certains vantent la capacité du film à moderniser

le récit, les puristes de Dumas s’offusquent

des changements apportés.

Condenser 1200 pages du roman Le Comte

de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas en un

film de trois heures est un pari audacieux

mais toutefois réussi aux dépends de la complexité

des personnages et de leur évolution,

mais aussi des machinations de vengeance

du Comte qui se résument dans le

CONDENSER 1200 PAGES DU ROMAN

D’ALEXANDRE DUMAS EN UN FILM DE

TROIS HEURES EST UN PARI

AUDACIEUX MAIS RÉUSSI AU DÉPEND

DE LA COMPLEXITÉ DES PERSONNAGES

42 Maroc / Août 2024


CRÉDIT : PATHÉ

(Gérard de Villefort), Anaïs Demoustier

(Mercedès) et Anamaria Vartolomei (Haydée).

En effet, Pierre Niney incarne un

Dantès convaincant dans sa jeunesse,

LE FILM mais peine par sa prestation qui

DU MOIS

manque parfois d’intensité et de profondeur,

à capturer la transformation

en Monte Cristo.

La concision du passage de Dantès à Monte

Cristo, renforce d’ailleurs le manque de complexité

du personnage et l’absence du vertige

dramatique des scènes de dévoilement

de son identité, une composante essentielle

de l’œuvre de Dumas. Si la simplification

excessive des personnages et des intrigues

est criante, le film réussit néanmoins

à mieux à capturer le souffle romanesque

du livre par rapport à l’autre chef-d’œuvre

d’Alexandre Dumas Les Trois Mousquetaires,

produit et scénarisé par Matthieu

Delaporte et Alexandre de La Patellière

Synopsis

L’histoire suit Edmond Dantès, un homme

injustement emprisonné pour un crime qu’il

n’a pas commis. Après des années de

souffrance et de désespoir, il découvre un

trésor caché sur l’île de Monte Cristo grâce

aux informations fournies par un compagnon

de cellule mourant. Utilisant cette richesse,

Edmond se réinvente en tant que mystérieux

et puissant Comte de Monte Cristo.

Il retourne à la société avec un seul objectif :

se venger de ceux qui l’ont trahi. Il

démantèle progressivement la vie de ses

ennemis mais au fur et à mesure que sa

vengeance progresse, se retrouve

confronté à des dilemmes moraux,

questionnant la véritable nature de la justice

et de la rédemption.●

film à des crises de colère et à de longs

monologues.

Durant les trois heures, le film parvient à

maintenir un rythme soutenu et à captiver

le spectateur qui, même si les dialogues

s’éternisent et ennuient par moments, se

retrouve plongé dans la beauté des décors

romanesques magnifiquement capturés et

des costumes et musique qui contribuent

à l’immersion dans l’époque.

Visuellement, le film est une réussite. Cependant,

la simplification des personnages et

des intrigues est notable. Les nuances des

personnages du roman sont souvent gommées

dans le film, au profit d’une dichotomie

plus manichéenne : on a les méchants

d’un côté et les bons désemparés d’un autre.

Les tortures psychologiques qu’orchestre

Dantès dans le livre ne sont pas très bien

exploitées et la vengeance se résume en

des duels ou coups de couteaux.

Quant au jeu des personnages, celui-ci

reste modeste malgré le casting talentueux,

notamment Pierre Niney (Edmond Dantès),

Patrick Mille (Danglars), Laurent Lafitte

Le Comte de Monte-Cristo est un sombre

récit de vengeance où un homme (Edmond

Dantès) transformé par la trahison devient

un instrument de justice implacable (Le

Comte de Monte-Cristo). « Maintenant c’est

moi qui punis, c’est moi qui récompense »

qu’adresse Edmond Dantès à Dieu à un

moment charnière du récit, marque d’ailleurs

ce passage de la naïveté et bonté du

cœur à une noirceur implacable.

Cependant, même dans les ténèbres les plus

profondes, l’amour et la rédemption trouvent

une lueur, offrant une issue à l’âme torturée

du Comte de Monte Cristo. Une conclusion

qui diverge du roman, mais qui est compréhensible

dans une optique de rendre le film

« feel good » pour un large public en

recherches d’émotions positives et satisfaisantes

renforcées par une musique qui force

la note épique. La vengeance du Comte

envers Mercédès, qui dans le roman consistait

à la laisser se repentir seule, est ici remplacée

par une réconciliation improbable.●

Maroc

3 / 5

TITRE : Le Comte de Monte-Cristo

PAYS : France

RÉALISATEUR : Alexandre de La

Patellière, Matthieu Delaporte

GENRE : Aventure/Thriller

DURÉE : 178 minutes

ANNÉE : 2024

Août 2024 / Maroc

43


LA RENCONTRE

ALAA EDDINE ALJEM

TRAVERSÉES

CRÉATIVES DU

PAPIER À L’ÉCRAN

Il est réalisateur, scénariste, producteur et depuis

quelques mois, directeur de la filière réalisation de

l’École supérieure des arts visuels de Marrakech

(ESAV). Alaa Eddine Aljem nous embarque pour

quelques heures dans ses errances et rencontres

fortuites, partage sa vision du cinéma et son chemin

créatif en écriture et nous parle de son deuxième

long métrage « Eldorado ». Rencontre avec un esprit

vagabond qui cache sous son calme un pétillant

bavardage d’esprit.

INTERVIEW MENÉE PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Alaa Eddine Aljem, directeur de la filière réalisation de l’École supérieure des

arts visuels de Marrakech (ESAV).

44 Maroc / Août 2024


Alaa Eddine Aljem, comment en êtesvous

venu à faire du cinéma ?

Adolescent, je n’ai jamais pensé aux métiers

du cinéma ni à être réalisateur, d’ailleurs je

n’ai même pas été cinéphile comme mes collègues

avant d’intégrer l’ESAV. J’étais plutôt

un scientifique qui voulait poursuivre ses

études dans ce domaine au Japon, mais faute

de bourse, j’ai dû rester au Maroc et revoir

mes choix. Je ne savais pas vraiment ce que

je voulais faire, jusqu’au jour où je vois à la

télé Vincent Melilli, ancien directeur de l’ESAV

faire la promotion de cette école de cinéma

qui venait tout juste d’ouvrir ses portes à Marrakech.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé

de m’installer à Marrakech et de poursuivre

des études de cinéma.

Vous avez commencé par réaliser des

courts métrages avant de vous lancer

dans votre première expérience de long.

Racontez-nous vos débuts de carrière.

J’en ai fait quatre au total avant de réaliser mon

premier long métrage, Le Miracle du saint

inconnu. Les Poissons du Désert, mon dernier

court métrage sorti en 2015, avait remporté le

Grand Prix du meilleur court-métrage, le prix de

la critique et du scénario au Festival National

du film de Tanger. Cette projection était particulière,

car même si j’avais remporté trois prix

sur quatre dont le Grand Prix, le public s’ennuyait

et ne l’avait pas du tout compris. J’entendais

les gens pousser des soupirs et se demander

quand est-ce que ce film allait s’arrêter,

c’était très violent pour moi, parce que j’ai fait

ce film avec beaucoup d’émotion et d’amour.

Le court-métrage aborde la question de la

relation père-fils, et j’étais vraiment en phase

avec le sujet à ce moment-là car ma femme

était enceinte de mon premier fils et par

conséquent en pleine réflexion sur la paternité

et les changements que ça implique.

C’est un court qui est assez long et vu que

c’est un film en plan séquence, caméra sur

pied, pas de dialogue, ni de musique, on a

l’impression que ça dure plus que 35 minutes.

Outre les quelques émotions négatives et frustrations,

je me suis rendu compte en me mettant

devant mon court métrage projeté, et en

retraçant dans ma tête les étapes et les émotions

par lesquelles je suis passé quand je le

préparais, que c’est un moment magique.

Devant mon court métrage, je me suis dit « J’ai

envie de revivre ça encore et encore et très

vite. Mais cette fois-ci, je veux faire un film qui

ne snobe pas le public, sans pour autant m’éloigner

de ce que j’aime faire ». Et c’est comme

ça qu’est né Le Miracle du saint inconnu.

Août 2024 / Maroc

45


LA RENCONTRE

Quelle importance donnez-vous à

l’écriture dans votre processus créatif ?

Je prends énormément de plaisir à écrire, pour

moi et pour les autres. C’est un plaisir différent

de celui que procure la réalisation, car on

se sent moins seul. J’ai le même rituel d’écriture

: deux, trois endroits pour l’inspiration, du

thé à la menthe à volonté et des prises de

notes à la main. Taper sur l’ordinateur est vraiment

une dernière étape dans ce processus.

Le Miracle du saint inconnu est fait de beaucoup

d’observations du monde qui m’entoure.

Il est aussi nourri d’énormément d’anecdotes.

Le médecin dans le film est inspiré de

l’histoire de ma sœur médecin, qui a été affectée

dans une zone rurale où elle n’avait que

le générique du Doliprane et du coton. Elle

était aussi dans une zone berbérophone,

langue qu’elle ne parlait pas donc il y avait

ce souci de communication aussi que je

reprends dans le film. Beaucoup de personnages

sont tirés d’histoires de famille, d’amis

ou d’observations…

Comment trouvez-vous l’équilibre entre

le dramatique et le comique dans vos

scénarios ?

Dans mon processus d’écriture, il y a toujours

cette même ligne directrice : je pars d’une

situation absurde et je cherche à l’exploiter

à la fois dans son potentiel dramatique, mais

aussi dans son potentiel comique, sans que

ça soit de la grosse comédie. C’est souvent

de la comédie visuelle avec un ancrage social.

Le dosage varie bien évidemment d’un film

à l’autre, mais ce sont généralement des histoires

inscrites dans un univers, ou une esthétique

qui prend beaucoup de place, plus que

la narration. Dans Le Miracle du saint inconnu,

j’ai voulu questionner la relation qu’entretiennent

le gens autour de moi avec la foi, la

spiritualité et l’argent.

On retrouve aussi souvent dans mes films

des archétypes de la société. C’est des personnages

qui existent d’abord par leur fonction,

puis par leur histoire. Dans Le Miracle

du saint inconnu, on ne sait même pas d’où

vient ce médecin, ni pourquoi il est là. Le

voleur pareil, on ne sait même pas d’où il a

volé cet argent. J’ai toujours écrit comme ça

parce que j’adore faire des films choraux. Je

ne suis pas un grand fan des backstories mais

je donne suffisamment de détails pour pouvoir

suivre l’histoire. Je suis avant tout dans

une narration visuelle et je tiens à garder ça.

« Eldorado », votre second long métrage

est en train de prendre forme. Comment

Un adepte de la comédie visuelle avec un ancrage social.

DANS MON PROCESSUS D’ÉCRITURE, IL Y

A TOUJOURS UNE MÊME LIGNE DIRECTRICE :

JE PARS D’UNE SITUATION ABSURDE ET

JE CHERCHE À L’EXPLOITER DANS SES

POTENTIELS DRAMATIQUE ET COMIQUE

l’absurde est exploité cette fois-ci ?

J’ai commencé à écrire ce film en 2020. Il est

maintenant en phase de financement. Idéalement,

si on arrive à avoir tous les sous qu’il

nous faut, on tournerait en 2025, pour une sortie

en 2026. C’est une tragi-comédie sur un

groupe de migrants d’Afrique subsaharienne

qui arrive au Maroc avec l’idée de traverser la

mer pour arriver sur une île secrète qui s’appelle

Eldorado. La légende dit que sur cette

île, il y a un monde juste et équitable. Mais,

suite à une petite erreur dans le planning avec

le passeur, ces migrants se retrouvent dans

une usine de tomate, à fabriquer du Ketchup

et de la sauce tomate pour une marque qui

s’appelle « Eldorado, le goût du Sud ».

C’est un film choral avec une panoplie de personnages

qui sont dans la même situation et

qui rentrent dans une réflexion autour de la

liberté et des envies profondes. Ils tentent en

fait tout au long du film de répondre à cette

question : « à quoi peut-on renoncer pour

avoir une vie meilleure ? ». Et puis, le film est

entrecoupé de fausses pubs de cette sauce

tomate. Il y a donc un côté bien pop, bien

kitsch dans ce film avec des acteurs connus

qui joueront leur propre rôle dans ces mêmes

pubs. Je trouve ça un peu loufoque.

Est-ce qu’on doit s’attendre à une forte

présence masculine comme dans votre

premier long métrage?

J’ai beaucoup eu droit à cette question à la

sortie du Miracle du saint inconnu. J’ai toujours

répondu que dans mon monde imaginaire

il y a une dominance de l’absurde et un

côté rude, et j’ai toujours eu cette impres-

46 Maroc / Août 2024


sion, en tout cas dans mon premier film, que

la présence de femmes ajouterait de la douceur

et de la rationalité là-dedans. C’est peut

être faux, c’est subjectif ce que je dis, si ça

se trouve les femmes sont beaucoup plus

folles que les hommes, mais avoir un personnage

féminin dans Le Miracle du saint inconnu

aurait rajouté une espèce de douceur dans

ces milieux rudes. Dans Eldorado, les femmes

sont certes toujours minoritaires mais un des

personnages principaux est une femme, une

journaliste, qui sera jouée par une superbe

actrice que j’adore. Il y aura aussi des femmes

dans les publicités, mais c’est vrai qu’il y a

beaucoup plus d’hommes.

Vous êtes également en phase d’écriture

d’un troisième long métrage. Quelques

indiscrétions ?

Ce film sera très différent de tout ce que j’ai

fait auparavant. C’est un film de genre ou plutôt

de mélange de genre. Il mêle science-fiction,

horreur, comédie et sera en noir et blanc.

L’histoire se déroule dans un monde futuriste

qui est coupé en deux par un grand mur, et

suit l’errance de trois personnages, deux

hommes et une femme. Les deux jeunes

hommes sont un peu des marginaux et ils

ont un rêve : passer de l’autre côté du mur

et participer à leur émission télé préférée. il

y a un truc un peu délirant là-dedans, c’est

tout ce que je peux te dire maintenant.

Ces dernières années, plusieurs films

marocains se sont distingués dans de

grands festivals internationaux, mais ont

fait très peu d’entrées au Maroc. Quel

est, selon vous, le principal obstacle au

succès de ces films sur le marché local ?

Il y a une très belle évolution du cinéma marocain,

avec de la quantité et de la qualité. Toutefois,

on a plus de visibilité à l’international

qu’au Maroc et c’est malheureux. Je pense

que c’est le plus grand point faible de l’industrie

cinéma du pays. Les films qui passent

dans de grands festivals à l’étranger font très

peu d’entrées au Maroc et ce n’est jamais

par malchance. Il faut arrêter de dire ça, car

il y aura toujours une grosse comédie marocaine

à côté, un Joker, un Batman. C’est plu-

Un esprit vagabond qui cache sous son calme un

bavardage d’esprit et une imagination débordante.

tôt symptomatique du fait qu’il n’y ait pas de

marché local pour les films d’auteurs et du

manque d’éducation du public à l’image. En

France, Le Miracle du saint inconnu est sorti

en même temps que Star Wars, il a quand

même fait des entrées impressionnantes

parce que ce n’est tout simplement pas le

même public.

Le Centre cinématographique marocain (CCM)

doit être structuré pour avoir d’autres types

d’aides que l’avance sur recette, une aide

automatique par exemple pour les films qui

marchent à l’international ? Les Meutes de

Kamal Lazrak, je ne sais pas combien de fois

l’équipe est passée pour avoir l’avance sur

recettes, trois fois ou plus. Asmae El Moudir

ne l’a jamais eu pour La Mère de tous les

mensonges, et j’en passe.

Dans le monde imaginaire de Alaa Eddine Aljem, il y a une dominance de l’absurde et un côté rude.

C’est simple de dire « oui, on est fiers de nos

réalisateurs marocains… On va donner une

aide à la finition ou une prime à la qualité »,

mais sur le moment quand on passe devant

les commissions, on est traité de tous les

noms. Je me souviens du premier passage

du Miracle du saint inconnu. On m’avait juste

insulté quoi, c’était vraiment dégradant avec

des commentaires du style : « il faut que tu

apprennes à écrire, il faut que t’apprennes à

réaliser… ». C’est malheureux parce qu’une

institution comme le CCM devrait vraiment

être la structure qui accompagne cette émergence

là, l’institution qui accompagne ce

dynamisme que connaît actuellement le

cinéma marocain. ●

Août 2024 / Maroc

47


INTERVIEW

MOUHCINE MALZI

CRÉDIT : DR

RELEVER DES

DÉFIS, CONQUÉRIR

DES CŒURS

Devenir acteur

ne faisait pas

partie de mes

rêves d’enfant

48 Maroc / Août 2024


Loin de se laisser griser par

la célébrité, Mouhcine Malzi

évoque l’acting à son aise, et

son bonheur, avec discrétion.

Pour lui, l’interprétation est

avant tout une question de

partage et d’émotion. Il se

glisse dans la peau de ses

personnages avec une justesse

et une sensibilité rares. Tête-àtête

avec un homme de tête

très épanouie.

INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA

Comment vous avez préparé votre rôle

dans Taxi Bied 2 ? Et comment vous vous

êtes connecté personnellement avec le

personnage que vous avez interprété ?

Dans Taxi Bied 2, je reprends le rôle de

Bouaouina, qui m’accompagne depuis plusieurs

années. J’ai d’ailleurs participé à l’écriture

du film. Ce trafiquant de drogue use de

son intelligence pour promouvoir sa marchandise

et dominer le marché face à ses concurrents.

Pour ce personnage complexe, j’ai cherché

à composer une apparence et une attitude

neutres, ne révélant rien de ses intentions. Un

brin de malice s’ajoute cependant, pour servir

la dimension comique de ce film dramatique.

Quelles règles vous êtes-vous fixées pour

l’interprétation de votre personnage ?

Pour cerner le personnage, il est essentiel de

retrouver le rythme de ses mouvements, sa

gestuelle et le ton de sa voix dès les prémices

du travail. Cette exploration s’étend à sa dimension

psychologique, physique et sociale, afin

de comprendre ses motivations et les ressorts

de ses actions.

Pouvez-vous décrire vos méthodes de

travail et l’atmosphère du tournage ?

Le tournage du film s’est étalé sur environ un

mois et demi, dans une ambiance empreinte

de professionnalisme et de convivialité.

Entouré d’une brochette de talents, composée

de figures emblématiques du cinéma

marocain comme Mohammed Khiari, Fatiha

Ouatili, Mohamed Choubi, Abdelkebir Rgagna

et Mansour Badri, et de jeunes acteurs prometteurs

tels que Ilham Karaoui, Simohamed

Sriri et Maryam Elgaraa, j’ai pu évoluer au sein

d’une équipe soudée.

Rythme par des rires et ponctué par la fatigue

due à la diversité des lieux de tournage, de

jour comme de nuit, le tournage a été une

expérience riche en émotions.

Avez-vous une propension pour les films

comiques ou ces rôles s’imposent à vous ?

Si l’on me propose souvent des rôles dramatiques,

ma formation me prédispose à explorer

des registres variés, y compris la comédie,

qui me séduit davantage. En effet, j’ai eu l’opportunité

d’incarner des personnages tantôt

SI L’ON ME PROPOSE SOUVENT DES

RÔLES DRAMATIQUES, MA FORMATION

ME PRÉDISPOSE À EXPLORER DES

REGISTRES VARIÉS, Y COMPRIS LA

COMÉDIE, QUI ME SÉDUIT DAVANTAGE

CRÉDIT : DR

Le rôle marquant de Mouhcine Malzi dans « Al Wajeh Al Akhar » a pu laisser croire à un début

de carrière, alors qu’il a déjà interprété une variété de personnages dans d’autres productions.

Août 2024 / Maroc

49


INTERVIEW

comiques, tantôt tragiques, sur les planches

comme à l’écran.

Un acteur accompli doit posséder la palette

d’outils et les techniques nécessaires pour

incarner des rôles multiples et s’affranchir

des stéréotypes qui risquent d’étouffer sa

créativité.

Qu’est-ce qui vous a le plus poussé à

bifurquer vers le métier d’acteur, bien que

ce ne fût pas votre vocation initiale ?

Sincèrement, devenir acteur ne faisait pas partie

de mes rêves d’enfant. C’est un heureux

hasard qui m’a conduit sur cette voie. Poussé

par mon frère Moncef, réalisateur du film Taxi

Bied, et encouragé par des amis, je me suis

inscrit à l’institut supérieur d’art dramatique et

d’animation culturelle. C’est là que j’ai obtenu

mon diplôme de professeur d’éducation artistique,

et que mon véritable voyage dans le

monde du théâtre a débuté.

Y a-t-il un film en particulier dans lequel

vous vous êtes identifié ou que vous avez

trouvé particulièrement fascinant ?

Parmi les films qui m’ont marqué, Le Parfum

occupe une place à part. Depuis ma première

vision, il ne cesse de hanter ma mémoire. Bien

d’autres films me plaisent, certes, mais celui-ci

possède une dimension inoubliable.

Quel cinéphile êtes-vous ?

Adepte des comédies et des films d’action, je

suis également fasciné par le cinéma iranien.

Ses sujets et ses personnages, toujours

empreints d’une grande profondeur, ne

cessent de me captiver.

Malgré votre formation à l’ISADAC, vous

vous êtes éloigné du théâtre. Aujourd’hui,

l’idée d’affronter les planches et de vous

(re)plonger à nouveau dans une pièce

vous attire-t-elle ?

Auparavant, et plus particulièrement avant la

CRÉDIT : DR

Ilham Karaoui, Zakaria Alaoui, Hafid Belemkaddem et Mouhcine Malzi dans « Taxi Bied 2 ».

CRÉDIT : SIGMA TECHNOLOGIE

pandémie de Covid-19, le théâtre occupait une

grande place dans ma vie. J’ai dû m’éloigner

de la scène pendant un certain temps, mais

aujourd’hui je me replonge avec ferveur dans

une nouvelle pièce. L’objectif ? Retrouver l’atmosphère

enivrante du théâtre, sa magie, et

me remémorer les techniques et les exigences

du jeu scénique.

Houda Majd et Mouhcine Malzi dans la série « Mal Denia », diffusée sur MBC 5 en 2023.

Comment le théâtre a-t-il enrichi votre

palette d’outils d’expression ?

Le théâtre, c’est une source de vitalité pour

l’acteur. Il aiguise sa mémoire, tant mentale

que physique, et le maintien en permanence

en contact avec les mécanismes du jeu et la

proximité du public.●

50 Maroc / Août 2024



REPORTAGE

FRAGMENTS

BRIBES DE VIES

RECONSTITUÉES

A Skhirat, dans le jardin d’une villa

donnant sur l’océan, deux réalisateurs,

Fatine Janane Mohammadi et Abdelilah

Zirat ainsi que leur équipe technique

s’apprêtent à filmer la scène de

dénouement de leur premier long métrage

co-réalisé « Fragments ». Les principaux

acteurs sont tous réunis : Khouloud Betioui,

Ismail Abou-El-Kanater, Ayoub Layoussifi,

Sarah Perles et Said Amel. La tension est à

son paroxysme. Immersion dans les

fragments de cette journée de tournage.

PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

52 Maroc / Août 2024


Une mère et son fils retissent des liens perdus dans les méandres de la maladie.

Août 2024 / Maroc

53


REPORTAGE

Samedi 29 février. Extérieur, jour. Il est 9

heures du matin et nous sommes à 20

minutes de la capitale, devant une villa vue

sur mer à Skhirat, le décor dans lequel la

coréalisatrice du long métrage Fragments,

Fatine Janane Mohammadi nous a donné rendez-vous.

Ce plateau de tournage est plus qu’un simple décor, il

sera le cadre des dernières scènes du film, d’où l’intensité

palpable dès notre arrivée sur les lieux.

L’équipe technique, déjà au complet, s’affaire à la mise

en place. Les décorateurs ajustent les moindres détails,

les costumiers repassent les quelques chemises qui

restent et les machinistes courent dans tous les sens.

Au même moment, la script est plongée dans la relecture

minutieuse du scénario, une tâche indispensable à

la continuité et la cohérence des scènes. Enfin, dans un

coin, les co-réalisateurs, Fatine Janane Mohammadi et

Abdelilah Zirat, complices et concentrés, discutent les

derniers découpages.

« Ce n’est pas évident de faire la co-réalisation mais dans

notre cas on est des amis qui se connaissent depuis vingt

ans et on a toujours eu les mêmes idées, les mêmes penchants

artistiques, les mêmes univers cinématographiques.

J’ai déposé ce film plusieurs fois au Centre cinématographique

marocain (CCM) mais il n’a pas été retenu, ce n’est

qu’après avoir retenté ma chance avec Abdelilah que le

film a été accepté par la commission », nous confie Fatine.

De son côté, Abdelilah dit avoir adoré et adopté le scénario

dès la première lecture de la première version. «

C’est vrai que plusieurs personnes se demandent pourquoi

on réalise un film à deux, c’est très rare au Maroc, et

cela surprend plus qu’un mais c’est normal pour moi. La

réalisation est quelque chose de très individuel et personnel

mais puisqu’on est sur la même longueur d’onde

Fatine et moi, ça change la donne… ça ne veut pas dire

qu’on est d’accord sur tout, heureusement d’ailleurs, mais

on l’est sur le plus important : la vision artistique. Ensuite

on discute le découpage, la mise en scène… »

Il est 10 heures, les deux acteurs principaux atteints d’Alzheimer,

dans le film, sont déjà prêts, coiffés et habillés.

Khouloud Betioui qui incarne le rôle de Ghita, ancienne

chanteuse de Malhoun, fait des va-et-vient dans le jardin

de la villa, sans doute pour se décontracter et renforcer

sa concentration, tandis que Ismail Abou-El-Kanater

qui campe le rôle de l’ex-commandant, est allongé

sur un canapé, un verre de thé à la main.

CE PLATEAU DE TOURNAGE EST

PLUS QU’UN SIMPLE DÉCOR, IL

SERA LE CADRE DES DERNIÈRES

SCÈNES DU FILM

Passage obligatoire des acteurs par l’étape make-up. Ici Sarah Perles

et Ayoub Layoussifi se mettent dans la peau de leur personnage.

54 Maroc / Août 2024


Synopsis

Dans ce long métrage, trois histoires s’entremêlent explorant les thèmes

centraux de l’oubli, de l’amour, de la mémoire, et de la reconstitution de

souvenirs perdus. Ghita ( Khouloud Betioui ) et Hassan ( Said Amel ), un couple

d’artistes septuagénaires de Meknès, voient leur vie paisible bouleversée par

la maladie d’Alzheimer de Ghita. Leurs enfants, doivent faire face à cette perte

progressive de la mémoire de leur mère, notamment Karim ( Ayoub Layoussifi

), qui revient du Canada pour s’occuper de sa mère et mieux comprendre les

phases par lesquelles elle passe. Parallèlement, un commandant solitaire à

Rabat ( Ismail Abou-El-Kanater ), traumatisé par la Guerre des Sables, devient

de plus en plus agressif et s’oublie et oublie par la même occasion ses

souvenirs. Sa fille, Amal (Sarah Perles), revient elle aussi du Canada pour

l’aider. Karim et Amal se rencontrent d’ailleurs à l’aéroport de Rabat-Salé alors

qu’ils arrivent au Maroc pour soutenir leurs parents, une peine commune qui

tissera des liens forts entre les deux.●

Les acteurs tournent les premières scènes de la journée

et dernières du long métrage.

Les deux acteurs principaux qui incarnent la jeunesse,

Ayoub Layoussifi dans le rôle de Karim et Sarah Perles

(Amal) arrivent ensuite. Chacun, à son rythme, passe par

la case maquillage puis costume. Les personnages

prennent vie sous les mains expertes des maquilleurs

et stylistes. Une fois prêts, ils se dirigent vers le jardin

pour une séance de répétition. Chaque réplique est discutée

et quelques fois légèrement modifiée jusqu’à la

perfection.

Les répétitions commencent. Les réalisateurs et les

acteurs collaborent étroitement, ajustant les intonations

et les mouvements, à la recherche de l’émotion juste.

L’ambiance est à la fois sérieuse et détendue et les

moments de concentration intense sont ponctués par

des éclats de rire.

Les coréalisateurs répètent avec les acteurs principaux la scène de dénouement.

Une fois les instructions finales données aux acteurs, les

techniciens vérifient une dernière fois l’éclairage, le

cadrage, et le son, puis avec le premier clap de la journée,

le tournage des premières scènes commence et la

magie opère.

Août 2024 / Maroc

55


REPORTAGE

Dans la peau

de Karim

Les deux réalisateurs discutent les

derniers détails avant la première prise.

Tout au long de la journée, les prises se succèdent. Les scènes

s’enchaînent, tantôt dans un calme total, tantôt dans une frénésie

créative. « On a une très belle équipe technique et nos

acteurs sont juste exceptionnels. Khouloud Betioui et Ismail

Abou-El-Kanater sont excellents et leur renommée parle

d’elle-même », déclarent les co-réalisateurs.

« Quant aux jeunes acteurs, ils apportent une fraîcheur

incontestable. Sarah fait une entrée fracassante et Ayoub

est très méticuleux. Il a beaucoup de patience et une certaine

capacité à se concentrer. Il a aussi envie de tout

savoir et de bien faire les choses. C’est d’ailleurs le premier

à venir au plateau de tournage et le dernier à le quitter

», nous expliquent les co-réalisateurs.

« Je joue le personnage de Karim. C’est le deuxième

enfant de Ghita, qui est une ancienne chanteuse de

Malhoun. Il est parti étudier au Canada et travaille là-bas

en tant qu’ingénieur en aéronautique. C’est quelqu’un

de très sensible et très proche de sa maman et le fait

qu’il soit loin d’elle crée des sentiments de remords

par moments. Il culpabilise aussi énormément du fait

qu’il n’ait pas été assez à ses côtés, au moment où la

maladie d’Alzheimer s’est déclarée. Une annonce qu’il

prend de plein fouet. Dans le film, Karim rentre donc

au Maroc et essaye de rattraper le temps perdu. Il

essaye de passer le plus de temps possible avec sa

mère et de stimuler sa mémoire. Il lui ramène à titre

d’exemple un magnétophone pour qu’elle puisse se

rappeler de ses chansons ou s’enregistrer. Il y aura ces

moments de lucidité où la maman va parler de son

premier amour, donc c’est très doux et tendre et d’autres

moments où celle-ci va confondre son fils Karim avec

son premier amour et avoir du mal à se rappeler de

plusieurs éléments du quotidien. Karim

est en fait le fils bienaimé de Ghita

et au fur et à mesure de l’évolution

de la maladie, une histoire

d’amour se tisse entre lui et Amal

(Sarah Perles) dont le père est

également atteint d’Alzheimer ».●

Ayoub

Layoussifi et

Khouloud

Batioui

« Les lauréats de l’Institut Supérieur d’Arts Dramatique

et d’Animation culturelle (ISADAC) sont pour leur part

extraordinaires, ils vont jouer les rôles du Maroc des

années 70. A travers le casting, on a repéré des pépites,

dont la belle découverte, Wiam Chakar qui va crever

l’écran ! », s’enthousiasment les co-réalisateurs.

L’Alzheimer au cinéma

Fait divers pour certains, cruelle réalité pour d’autres, la

maladie de l’Alzheimer a rarement été traitée dans le

cinéma marocain. Au cœur de la trame narrative de Fragments,

« cette maladie, personnage à part entière, va tisser

les destins des personnages principaux, offrant une

perspective unique et touchante sur un sujet souvent

négligé », promettent-ils.

Ce film se concentre sur des septagénaires atteints d’Alzheimer,

et montre comment l’entourage doit composer

avec la démence des proches et d’autres défis liés à l’Alzheimer.

Il ne se contente pas de montrer la maladie,

mais explore aussi ses répercussions sur les relations

familiales et amicales.

Il s’agit d’un « récit riche en flash-backs vers le Maroc des

années 1970, et en souvenirs enfouis, révélant des aspects

cachés de leur vie et de leurs relations. La trame secondaire,

centrée sur le commandant solitaire à Rabat et sa

fille Amal, « offre un parallèle poignant, soulignant l’isolement

et les défis supplémentaires posés par la maladie ».●

56 Maroc / Août 2024



DOSSIER PRO

58 Maroc / Août 2024


LES DESSOUS DE

LA DISTRIBUTION

CINÉMATOGRAPHIQUE

AU MAROC

La distribution de films, bien que cruciale, reste l’un des métiers les plus méconnus et les

plus vulnérables du cinéma marocain. En dépit de son rôle essentiel dans la commercialisation

et la promotion des films, la distribution fait face à de nombreux défis au Maroc, soulevés par

des acteurs interrogés par Boxoffice Maroc, dont notamment Mohamed Khouna de Films Event

Consulting et sous distributeur de Pathé BC Afrique, distribuant exclusivement des films

étrangers et Malika Chaghal de la Cinémathèque de Tanger dont la société distribue principalement

des films d’auteurs. D’autres professionnels se sont exprimées sous couvert d’anonymat.

PAR SALMA HAMRI

Août 2024 / Maroc

59


DOSSIER PRO

Au Maroc, plusieurs acteurs se disputent

le marché de la distribution

cinématographique. Le paysage

est pourtant dominé par une poignée de

grands acteurs français, souvent critiqués

pour leur position monopolistique.

Il s’agit donc de Megarama, Pathé BC Afrique

et CinéAtlas. Selon le rapport du CCM de

2022, Film Event Consulting se distingue

comme le premier distributeur grâce à ses

droits africains sur les catalogues de Warner,

Universal, TF1, et Pathé Gaumont.

La société de distribution de Mohamed

Khouna avait distribué 47 films étrangers en

2022, sur un total de 200 films d’origine

marocaine et étrangère et occupait la première

place parmi les distributeurs, avec une

part de marché de 23,5 %.

En deuxième position, toujours selon les

chiffres du CCM de 2022, Mégarama, avec

une part de marché de 21,5 %. Notons qu’en

plus de distribuer des films marocains et

étrangers, Mégarama détient un monopole

de fait sur l’exploitation des salles de cinéma.

Ensuite vient Marrakech Spectacles (15,5 %),

détenue par la famille Layadi propriétaire

notamment du cinéma Colisée à Marrakech.

Celle-ci distribue toutes les franchises de

films d’Hollywood, notamment Métropolitan

et Disney (Marvel, Pixar, Star Wars). En 4ème

position, CinéAtlas (5 %) un autre distributeur

notable et exploitant par la même occasion,

commercialisant les films de Warner et

d’indépendants européens.

En termes de distributeurs marocains, Films

Event Consulting s’impose comme un nouvel

entrant prometteur. Il était d’ailleurs le

premier distributeur de films marocains pendant

deux années consécutives en 2021 et

en 2022. Il passe à la 3ème position en 2023

avec 23 films distribués, pour se concentrer

sur d’autres projets, notamment la programmation

des films dans les 150 salles de

cinéma lancées par le ministère de la Culture,

explique Mohamed Khouna.

Le métier de distributeur

« Le distributeur est l’interface entre le producteur

et l’exploitant de salles de cinéma

», avance Mohamed Khouna qui nous

explique en détail le rôle des distributeurs.

Celui-ci ne se limite pas à l’acquisition puis

la simple diffusion des films, il englobe éga-

FILM EVENT CONSULTING SE DISTINGUE COMME

L’UN DES PREMIERS DISTRIBUTEUR GRÂCE À SES

DROITS AFRICAINS SUR LES CATALOGUES DE

WARNER, UNIVERSAL, TF1, ET PATHÉ GAUMONT

CRÉDIT : PATHÉ

Cinéma Pathé Californie inauguré en décembre 2023.

60 Maroc / Août 2024



Pathé Californie, premier multiplexe marocain du groupe français Pathé,

compte huit salles équipées de technologies de projection IMAX et 4DX.

CRÉDIT : PATHÉ

Part de marché des 4 premières sociétés de

distribution au Maroc en 2022

Film Event Consulting

47 FILMS*

23,5 %

Megarama Maroc

43 FILMS

21,5 %

Marrakech Spectacles

31 FILMS

15,5 %

*Sur 200 films marocains et étrangers distribués en 2022

Ciné Atlas Holding

10 FILMS

5 %

lement la gestion de la stratégie de communication

et de marketing, incluant la définition

des dates de sortie pour maximiser

le succès du film en évitant une concurrence

directe.

CRÉDIT : MAP

La distribution intervient après la production

d’un film, une fois celui-ci terminé. Le

distributeur est chargé de faire en sorte que

le film soit vu par le public. Ce rôle commence

par l’acquisition des droits de diffusion

auprès du producteur, via un minimum

garanti (MG) quand il s’agit de productions

étrangères, ce qui fait du distributeur un

co-producteur du film. Le distributeur devient

responsable de l’évaluation du potentiel

commercial du film et de sa promotion, un

processus qui englobe des campagnes d’affichage,

des bandes-annonces, des relations

presse.

Le distributeur, détenteur des droits, transmet

ensuite une copie du film à chaque

exploitant pour poursuivre sa promotion

auprès du public cible, avant de le projeter

dans les salles. Les recettes générées par

les spectateurs sont ensuite partagées en

fonction de l’accord négocié entre le distributeur

et l’exploitant.

Mohamed Khouna, président de la Commission d’aide à la numérisation,

à la tête de la boite de distribution Film Event Consulting.

Mohamed Khouna met avant l’importance

de la culture de spécialisation qui commence

à s’installer dans le secteur et qui permet

une compréhension approfondie du public

cible. « Le secteur couvre désormais un

large éventail de productions marocaines

et étrangères, y compris les films d’auteur,

les films éducatifs et les films écologiques,

et chaque distributeur se spécialise dans

un genre ou thème », salue-t-il. A titre

d’exemple, Film Event Consulting distribue

62 Maroc / Août 2024


DOSSIER PRO

CRÉDIT : BOXOFFICE MAROC

LE MONOPOLE DES GRANDS

EXPLOITANTS COMME MÉGARAMA ET

CINÉATLAS LIMITE LES OPPORTUNITÉS POUR

LES DISTRIBUTEURS INDÉPENDANTS

exclusivement des films étrangers. « Je n’ai

pas les codes de la distribution de films

marocains, c’est des avants premières, des

tournées, du bouche à oreille…Pour le

moment je suis plus à l’aise avec les codes

du film étranger ».

Mohamed Khouna nous donne ensuite une

idée sur combien dépense à peu près un

distributeur. « Sur un film d’auteur : c’est

entre 30 000 et 50 000 dirhams (DH), sur

une animation on n’est pas loin des 80 000

DH, c’est ce que nous dépensons hors partenariat,

et pour une animation connue (Viceversa

ou Les Minions), ça coûte plus cher

(on est entre 100 000 DH et 150 000 DH

hors partenariat) ».

Cinéma Le colisée à Marrakech, géré par la famille Layadi, également distributeurs (Marrakech Spectacles).

Les embûches de la distribution

La distribution de films au Maroc est confrontée

à plusieurs défis majeurs. Le monopole

des grands exploitants comme Mégarama

et CinéAtlas limite les opportunités pour les

distributeurs indépendants. Selon Mohamed

Khouna, ces exploitants ne reconnaissent

pas toujours le rôle crucial des distributeurs

et ne se rendent pas compte de la différence

entre les deux métiers. Il souligne également

que les coûts de distribution et de promotion

peuvent souvent surpasser les revenus

générés par les entrées en salles.

Notre second interlocuteur qui a préféré garder

l’anonymat évoque les pratiques déloyales

dans le secteur, où les grands exploitants qui

sont par la même occasion distributeurs

imposent des conditions défavorables aux

distributeurs indépendants. « On est amené

à partager notre line-up avec les exploitants

et souvent on nous refuse des dates pour

placer en priorité les films des exploitants/

distributeurs qui ne sont même pas finalisés

dans la majorité des cas ».

Ce même distributeur fait observer que le

métier n’est pas pris au sérieux et méprisé de

la part des producteurs et exploitants qui

pensent tous pouvoir faire ce métier. « Il faudrait

professionnaliser le métier à travers des

lois et des circulaires, pour imposer le respect

et une connaissance approfondie des rouages

de la distribution », ajoute notre source.

Du côté des producteurs, notre interlocuteur

se plaint du fait que ces derniers font

appel aux distributeurs aux dernières étapes

de conception du film. Les distributeurs

doivent souvent intervenir tardivement dans

le processus de production, ce qui limite

leur capacité à influencer la stratégie de

Août 2024 / Maroc

63


CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Malika Chaghal à la tête de la

Cinémathèque de Tanger et distributrice.

CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

communication et de promotion du film, alors

qu’ils devraient être impliqués dès les premières

étapes, « parce qu’une sortie ne s’improvise

pas, c’est un travail en amont qui

doit être réalisé au moins trois à quatre mois

avant la sortie du film », se désole-t-il. De

plus, « les distributeurs touchent rarement

les avances sur recettes du CCM accordées

aux producteurs, celles-ci restant entre les

mains de l’équipe de production du film ».

Un autre problème majeur est le nombre limité

de salles de cinéma au Maroc, malgré les

ouvertures récentes. « Le potentiel de distribution

est restreint, exacerbant la concurrence

entre les films marocains et étrangers », nous

explique-t-on. En outre, les films marocains

peinent souvent à obtenir une visibilité adéquate.

Ainsi, les producteurs se tournent souvent

vers les grands exploitants qui sont aussi

distributeurs, comme Mégarama pour assurer

la visibilité de leurs films, mais cela n’aboutit

pas toujours aux résultats escomptés.

Pour Malika Chaghal, à la tête de la Cinémathèque

de Tanger et distributrice au Maroc

du film d’Asmae El Moudir La Mère de tous

les Mensonges, il est très compliqué de distribuer

des films d’auteurs au Maroc. Elle

nous confie qu’« il y a plusieurs années, je

voulais projeter un film palestinien pour

enfants à la Cinémathèque. J’ai donc contacté

les distributeurs Pyramide Films qui m’avaient

proposé 1 800 euros pour une dizaine de

séances. J’ai répondu « non à ce prix-là

j’achète le film et je le garde toute l’année

et je le distribue au Maroc ». C’est ce que j’ai

fini par faire et c’est comme ça que je me

suis lancée dans la distribution, sauf que

quand je m’y suis mise, les films que je distribuais

(principalement des films d’auteurs)

n’intéressaient pas les autres salles de

cinéma. J’ai donc arrêté car je distribuais

souvent à perte. J’ai repris depuis peu la distribution,

parce que les salles s’ouvrent maintenant

à plusieurs types de programmations,

et c’est réconfortant.●

64 Maroc / Août 2024



INTERVIEW

AYOUB

LAHNOUD

CAPTER

LE HORS-

CHAMP

MAROCAIN

La fiction est

un tableau

qu’on fait à

50 mains

Ayoub Lahnoud, réalisateur de la série tendance «Am ou Nhar».

66 Maroc / Août 2024


Un réalisateur qui braque sa caméra sur un Maroc hors champ.

C’est dans un petit café à côté

du marché central de

Casablanca, qu’on s’est donné

rendez-vous avec Ayoub

Lahnoud, le réalisateur de la

série tendance « Am ou Nhar »,

diffusée actuellement sur

Al Aoula. Dans cet échange,

Lahnoud nous dévoile sa

vision artistique et les coulisses

du processus créatif derrière

sa série.

INTERVIEW MENÉE PAR SALMA HAMRI

CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Vous êtes réalisateur depuis 2011.

Pourtant, ce n’est que récemment que

votre travail a gagné en visibilité,

notamment depuis la série Moul Lmlih.

Qu’est ce qui explique cette

reconnaissance tardive?

Je suis lauréat de l’École supérieure des arts

visuels de Marrakech (ESAV) en 2011. Après

mes études de cinéma, j’ai travaillé dans un

premier temps en tant que co-réalisateur,

pour des expériences de courts métrages,

de pubs, un téléfilm. J’ai aussi co-réalisé un

épisode de la série Une heure en enfer.

Ensuite, de 2016 jusqu’à 2019, je me suis

particulièrement concentré sur le travail

d’écriture sérielle et cinématographique,

avant de me relancer dans la réalisation en

2022, avec la série Moul Lmlih pour commencer,

puis la mini-série Ors Dib, l’année

d’après et Am ou Nhar l’année qui suit. Il y

aussi une autre série que j’ai réalisée et écrite

qui sera prochainement diffusée sur la chaîne

2M Ayn Libra.

Comment décririez-vous votre style de

réalisation et comment a-t-il changé au fil

des années ?

Je ne dirais pas que j’ai un style particulier

mais je suis plutôt à la recherche d’un style.

Je me suis depuis mes débuts armé de plusieurs

références et aujourd’hui j’essaye d’être

plus conscient dans l’usage de ce que je filme

et des outils et je tente surtout de marier un

effet de mise en scène qui reste esthétique

et qui ressemble exactement au cinéma que

j’admire avec la réalité marocaine. Un ingénieur

du son qui bossait avec moi sur la série

Am ou Nhar avait d’ailleurs dit « on est en train

de faire 70 % de fiction et 30 % de documentaire

». Son ressenti n’est pas relatif uniquement

au son, ça se reflète aussi au niveau des

costumes, du décor, du jeu d’acteur. Je suis

toujours à la recherche d’un truc qui ressemble

le plus au réel. En fait, je pense qu’il y a deux

Maroc celui qu’on filme et celui qui est en horschamp.

Moi je tourne toujours ma caméra juste

un peu vers celui qui est en hors-champ, pour

voir le Maroc qui n’est pas fait pour être filmé

ou qu’on filme de manière fortuite.

Comment choisissez-vous les projets sur

lesquels vous travaillez ?

Il y a deux manières pour moi de procéder :

soit j’initie le projet, soit on m’approche. Dans

Août 2024 / Maroc

67


INTERVIEW

IL FAUT QU’IL Y AIT UN CORDON

OMBILICAL ENTRE LE PROJET ET MOI ET

CELA PART DU SENTIMENT DE RECHERCHE

DE L’AVENTURE, C’EST INDISPENSABLE

Le conventionnel n’a pas sa place dans le

langage cinématographique de Lahnoud.

les deux cas, il y a un seul critère qui m’importe,

c’est que ça soit un projet qui sort du

lot, que ça soit quelque chose d’audacieux.

Un drame social où on rit beaucoup, un drame

social saupoudré d’action, en tout cas ça doit

être un terrain dans lequel on s’aventure dans

les genres. J’ai peur d’être dans le conventionnel

et de travailler avec les acquis. Il faut

qu’il y ait un cordon ombilical entre le projet

et moi et cela part du sentiment de recherche

de l’aventure, c’est indispensable.

Qu’est-ce qui vous a attiré vers le projet

Am Ou Nhar ?

L’idée du film vient d’un ami auteur et de moi.

Au départ, nous voulions raconter l’histoire

d’une femme dont l’ex-partenaire continue

de lui rendre la vie infernale, même après

leur séparation. Une fois l’idée proposée pour

l’appel d’offres, il fallait contextualiser et installer

un ancrage culturel marocain. Je me

suis ensuite rappelé l’histoire de l’amie d’une

tante à moi qui devait se cacher de son

ex-mari parce qu’elle risquait de perdre la

garde de son enfant du moment qu’elle s’est

mariée avant la fin de la période d’une année

et un jour fixée par la loi. Je me suis dit c’est

tellement absurde que ça mérite d’en faire

une série. Il fallait trouver quelque chose d’insolite.

Dans Am ou Nhar c’est l’histoire d’une

femme de loi, avocate qui devient hors-la-loi

parce qu’elle tombe amoureuse d’un homme

avec lequel elle décide de faire sa vie avant

l’échéance d’une année et un jour. J’ai vu

dès le départ un potentiel comique absurde

parce que ce sont deux personnages mariés

qui vivent une histoire d’amour interdit, et ça

c’est très marocain et très intéressant, c’est

ce qui m’a attiré dans le projet. La fiction c’est

un tableau qu’on fait à 50 mains ça ne ressemble

jamais au point de départ mais le

résultat est exceptionnel.

Racontez-nous le processus créatif autour

de la série et vos collaborations avec les

scénaristes et équipe techniques

Pour l’écriture de la série, il y avait un atelier

d’écriture composé de cinq personnes, ce qui

était avantageux c’est qu’on est multidisciplinaires

dans le sens où chacun vient d’un background

différent. Il y avait une journaliste, Basma

El Hijri, un scénariste de formation, Jawad Lahlou.

Ayoub Layoussifi, un des acteurs et qui est aussi

réalisateur, était également parmi nous, ainsi

que Mounia Magueri, dialoguiste et comédienne

engagée dans la défense des droits des femmes.

Cela crée un pool de conditions complémentaires

et ça nous aide à avancer vite dans les

deadlines strictes et serrées. Cela donne un

excellent rendu, on arrive à l’épisode 27 et 28

sans que l’histoire s’épuise, pourtant 30 épisodes

c’est très long. La création a dépassé

l’atelier d’écriture et s’est également développée

au niveau du tournage. Il y avait toujours

ce souci de qualité qui primait, tout le monde

était impliqué, et ça a donné un produit homogène,

tellement que des automatismes se sont

installés, on se comprenait facilement.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de

vos projets futurs ? Y a-t-il des thèmes ou

des genres que vous aimeriez explorer

davantage ?

il y a beaucoup de choses qui ne sont toujours

pas encore entamées mais au stade

embryonnaire, et s’il y a des genres que j’aimerais

explorer dans l’audiovisuel marocain

en général ce serait des films ou séries de

genre, j’aimerais bien qu’on ait un polar marocain

ou un thriller ou même une comédie à

l’anglaise, quelque chose de marocain mais

typé pour explorer quelque chose d’alléchant

et qu’on puisse sortir de tout ce qui

est série de drame social où l’on revoit les

mêmes histoires et personnages.●

68 Maroc / Août 2024



ZOOM SUR UNE SALLE

CINÉMA

RENAISSANCE

UN ÉCRIN

DE CULTURE AU

CŒUR DE RABAT

Le cinéma Renaissance, salle emblématique

de la capitale, a ouvert ses portes en octobre

1923. Si l’histoire derrière sa création et

conception demeurent quelque peu mystérieuse,

le cinéma Renaissance de Rabat n’est pas

seulement un cinéma, c’est un symbole de la

vitalité culturelle, un lieu où l’histoire et la

modernité se rencontrent.

PAR SALMA HAMRI - CRÉDIT PHOTO : BOXOFFICE MAROC

70 Maroc / Août 2024


E

n 1925, Joseph Seiberras, un

Algérois d’origine maltaise, qui

était à l’époque le plus important

exploitant de salles de

cinéma en Afrique du Nord a

décidé d’acheter le cinéma Renaissance.

Ouverte en 1923, la Renaissance était dans

un premier temps un théâtre qui a accueilli

plusieurs stars internationales, notamment

Joséphine Baker qui a joué dans une pièce

de théâtre pour les soldats américains en

1943.

La Renaissance a ensuite subi une importante

rénovation au début des années 1950

avant de rouvrir une année plus tard avec

un confort amélioré et une capacité réduite

de 850 à 774 sièges, permettant une meilleure

expérience pour les spectateurs. Elle

était d’ailleurs une des rares salles à être

équipée en 70 mm au Maroc et d’un système

de sonorisation Western Electric, faisant

d’elle la première salle sonorisée de

Rabat et l’une des premières au Maroc.

Sa façade a été rehaussée, perdant certains

de ses attributs néomauresques d’origine,

mais l’entrée en marbre blanc et noir

a été conservée. Toutefois, malgré son succès

initial, la Renaissance a fermé ses portes

en 2007, victime d’une désertion.

Quelques temps plus tard, le roi décide de

la racheter et confie en 2013 sa gestion à

la Fondation Hiba qui a transformé le lieu

en complexe culturel, entre salle de spectacles

et cinéma d’art et d’essai. Depuis, le

cinéma Renaissance est devenu « l’un des

endroits de référence dans l’écosystème

culturel Rbati grâce au travail des équipes

de la Fondation Hiba. Le cinéma est pensé

comme un lieu versatile capable à la fois

d’accueillir des projections de films ainsi

que du spectacle vivant (concert, théâtre,

etc.) », assure le directeur général de la

Fondation Hiba, Marwane Fachane.

« La particularité du cinéma, qui en fait l’exception

dans le paysage des salles au Maroc

et la capacité de passer d’une configuration

avec des places assises lorsque les

sièges sont déployés à une salle ou nous

pouvons accueillir 700 personnes pour des

événements qui le nécessitent », poursuit-il.

Notons que le nombre de sièges est passé

de 774 avant rénovation à 340 fauteuils

actuellement.

La force du cinéma Renaissance réside

dans sa programmation éclectique. Le

cinéma présente à la fois des blockbusters,

des films d’animation, d’auteur ainsi que

des films inédits, souvent primés, dans le

cadre de cycles en partenariat avec des

acteurs culturels.

Parmi ces cycles, on trouve La semaine du

film européen, le cycle Rai Cinema, le cycle

Venezia, la semaine du film scandinave et

Les Polish Film Nights; pour n’en nommer

que quelques-uns. En plus de ces partenariats,

la Renaissance crée également ses

propres événements, comme Roots Rabat

– les rencontres du Cinéma Africain, qui a

vu le jour en 2023. Un programme qui vise

à réunir les acteurs de la filière cinématographique

en Afrique pour renforcer la coopération

Sud-Sud.

« S’agissant du spectacle vivant, nous proposons

à notre public une programmation

dans l’air du temps qui se veut éclectique

et accessible à toutes et à tous, où nous

mettons en avant des artistes émergents

et d’autres plus établis. Ceci permet au

public de découvrir des artistes émergents

tout en profitant des prestations de leurs

artistes favoris, quelle que soit la discipline

», précise notre interlocuteur. Il s’agit

notamment de Fatima Zahra Lahouitar, Hoba

Hoba Spirit, M’jid Bekkas, Nadia Benzakour

et bien d’autres.

« Notre public est notre force. Nous avons

réussi à créer une communauté qui va de

l’étudiant aux grands noms des acteurs de

notre industrie dans le monde en passant

par les familles qui viennent voir des choses

qui leurs mettent des étoiles dans les lieux.

Dans la même semaine vous pourrez croiser

des réalisateurs et des critiques de

cinéma ainsi que des gens qui viennent

pour voir des choses qui participent à l’enrichissement

de leur culture», conclut le DG

de la Fondation Hiba.●

Août 2024 / Maroc

71


ZOOM SUR UNE SALLE

Le cinéma Renaissance devient en 2013 un complexe culturel qui accueille films et spectacles.

Le café est un lieu de rencontre par excellence de toutes les générations.

72 Maroc / Août 2024


Nombre de fauteuils

340

Taille de l’écran

10M X 5,5M

Ratio de l’écran

16 :09

Marque du

projecteur

CHRISTIE

Modèle

CP-4220

Résolution

du projecteur

4K

Son

5.1

Le cinéma Renaissance, un des endroits de référence dans l’écosystème culturel Rabati.

RENAISSANCE

Le cinéma dispose d’une salle, d’un café et d’un espace de vente

de créations d’artistes marocains (poster, livres, bijoux ...).

La façade du cinéma Renaissance rappelle qu’il s’agit d’un lieu où l’histoire et la modernité se rencontrent.

Août 2024 / Maroc

73


ZOOM SUR UNE SALLE

Si la façade a perdu certains de ses attributs néomauresques d’origine, l’entrée en marbre blanc et noir a été conservée.

L’espace café et rencontres du cinéma Renaissance.

Un vieux projecteur du cinéma Renaissance, exposé dans l’espace café.

Un lieu qui accueille une communauté qui va de l’étudiant aux retraités en passant par

les grands noms de l’industrie cinématographique et culturelle en général.

74 Maroc / Août 2024


Le nombre de sièges est passé de 774 avant rénovation à 340 fauteuils actuellement.

Les loges qui accueillent les artistes venus du monde entier.

Une programmation éclectique: Blockbusters, films d’animation, d’auteur ainsi que des films

inédits, souvent primés, dans le cadre de cycles en partenariat avec des acteurs culturels.

Les coulisses du cinéma Renaissance.

La billetterie du cinéma Renaissance.

Août 2024 / Maroc

75


INTERVIEW PRO

LAMIA CHRAÏBI

RÉALISER UN FILM

REPRÉSENTE UN

INVESTISSEMENT

CONSÉQUENT EN

TEMPS ET EN

RESSOURCES

Dans cette interview, la productrice Lamia

Chraïbi discute ouvertement de son métier,

de ses relations avec les réalisateurs, et des

défis du cinéma.

INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA

CRÉDIT : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Comment apportez-vous votre expertise

au projet du réalisateur ?

Je commence par rencontrer le réalisateur

pour discuter de son idée et développer un

scénario. La recherche de financement est

cruciale, nécessitant des partenaires qui

croient en notre vision. Je préfère m’impliquer

dès le début pour mieux comprendre la

vision du réalisateur et la concrétiser en une

œuvre réussie.

La singularité des réalisateurs influencet-elle

votre approche ?

Ce qui m’attire, c’est leur style et leur capacité

à briser les conventions. Mon rôle est de

soutenir le réalisateur en apportant un regard

extérieur et en l’aidant à trouver les meilleures

façons de partager son film. Par exemple,

Hicham Lasri, lui, je l’ai aidé à structurer son

récit et à obtenir les financements nécessaires

pour ses idées audacieuses.

Comment la diversification des financements

et l’internationalisation des séries

transforment-elles l’industrie ?

Les modèles de production traditionnels ne

suffisent plus. Je crois en l’internationalisation

dès la conception des séries, avec des financements

diversifiés comme les plateformes

de streaming et les coproductions internationales.

Cela permet de créer des séries plus

ambitieuses et de meilleure qualité.

Votre activité de productrice ne se limite

pas uniquement aux films de fiction…

Je suis également passionnée par la production

de documentaires qui explorent des thématiques

sociales et humaines profondes et engagées.

76 Maroc / Août 2024


Comment choisissez-vous les acteurs ?

Le réalisateur a souvent une vision précise

des acteurs. Je m’assure que leur personnalité

correspond à celle des personnages et,

si le film est destiné à l’international, je privilégie

des acteurs reconnus pour élargir le

public. Pour les films marocains, je mets en

avant des talents locaux.

Quels défis rencontrez-vous dans la

production cinématographique ?

La production d’un film est longue et complexe.

Par exemple, le prochain film de Hicham

Lasri est en développement depuis 10 ans.

Nous avons fait notre première résidence

d’écriture en 2013 et le tournage a eu lieu en

2023. Le film devrait être finalisé en 2024 ou

2025 et sortira en salles en 2026.

La production d’un film n’est pas une course

Fascinée par le pouvoir d’influence de la télévision, Lamia Chraïbi a choisi d’utiliser ce média

pour diffuser des messages positifs et inspirants. Après une carrière en publicité en France,

elle retourne au Maroc et se lance dans la production audiovisuelle.

MON RÔLE EST DE SOUTENIR LE

RÉALISATEUR EN APPORTANT UN REGARD

EXTÉRIEUR ET EN L’AIDANT À TROUVER LES

MEILLEURES FAÇONS DE PARTAGER SON FILM

solitaire, mais plutôt un orchestre harmonieux

où chaque musicien joue sa partition. La collaboration

entre le réalisateur, la productrice

et l’équipe du film est vitale pour mener à bien

ce projet d’envergure.

Derrière la magie du cinéma se cachent

des réalités économiques. La recherche

de financements est une étape capitale et

souvent ardue. Il est important de séduire

les investisseurs, de les convaincre du

potentiel du projet et d’être prêt à adapter

le film si nécessaire pour répondre à

leurs attentes.

Le tournage représente une étape importante

dans la vie d’un film. C’est le moment où les

acteurs incarnent les personnages, où les

décors prennent vie et où l’histoire se déroule

sous nos yeux. Cependant, le tournage n’est

pas la fin du processus. La post-production

joue un rôle essentiel pour peaufiner l’image,

le son et l’ambiance du film, lui insufflant ainsi

son identité finale.

Août 2024 / Maroc

77


INTERVIEW PRO

La série panarabe « Meskoun » de Lamia Chraïbi, confrontée à des obstacles financiers

et politiques, vise à sensibiliser sur les réalités de l’Afrique du Nord.

Créativité et

innovation : Des

clés pour se

démarquer !

Lamia Chraïbi : « Les jeunes cinéastes

marocains ont beaucoup à offrir et ils

doivent être encouragés à exprimer leur

vision unique du monde. C’est pourquoi,

à travers la Fondation Tamayouz, nous nous

engageons à accompagner ces jeunes

talents en leur fournissant les outils et les

ressources dont ils ont besoin pour réaliser

leurs premiers longs métrages et participer

à des festivals internationaux ».

La BO est-elle importante ?

Oui, la musique enrichit l’expérience cinématographique.

J’ai eu le plaisir de collaborer

avec Walid Ben Selim, du groupe N3rdistan.

J’ai également eu l’occasion de travailler avec

d’autres compositeurs marocains talentueux,

tels que Oum. Ceci m’avait permis de mettre

en avant la richesse et la diversité de la

musique marocaine, tout en contribuant à la

promotion des talents locaux.

CREDIT : DR

Qu’est-ce que « Productrice Designer » ?

Cela implique parfois de m’impliquer dans la

direction artistique, en participant aux choix

de décors, costumes, et casting, pour affiner

la vision globale du film.

Réunir plusieurs réalisateurs pour un projet commun sur un thème précis : c’était l’ambition de Lamia Chraïbi avec

« Terminus des Anges » . Un défi de taille, car concilier les différentes visions et personnalités n’est jamais facile.

Comment adapter un projet aux

contraintes budgétaires ?

Il faut ajuster le scénario et rechercher des

financements complémentaires. Réduire le

nombre de séquences de jours de tournage

peut aider, tout comme obtenir des fonds supplémentaires

auprès d’investisseurs.

Une fourchette des budgets…

Les budgets des films que je produis

varient en fonction de leur ampleur et de

leurs ambitions. Les budgets oscillent entre

800 000 euros et un million d’euros (M€),

avec certains allant jusqu’à 3 M€. Les documentaires

ont des budgets plus modestes,

autour de 600 000 dirhams.

Réaliser un film représente un investissement

conséquent en temps et en ressources. Le

processus de développement et de production

peut s’étendre sur plusieurs années, la

moyenne se situant entre 3 et 10 ans. Il est

donc crucial de mettre en perspective les

budgets alloués à ces projets par rapport à

la durée et à l’ampleur du travail entrepris.

C’est clair que les budgets des films que je

produis varient en fonction de leur nature et

de leurs ambitions. Cependant, il est important

de souligner que ces investissements

représentent bien plus que de simples coûts

de production. Ils constituent une contribution

essentielle à la création d’œuvres artistiques,

au développement de l’industrie cinématographique

et à la stimulation de

l’économie locale.

Comment améliorer la qualité du cinéma

marocain ?

En formant mieux les producteurs et scénaristes.

Une meilleure maîtrise des aspects

financiers, juridiques et techniques permet

de créer des films de qualité et d’améliorer

l’exportation du cinéma marocain.

Percevez-vous des changements dans le

cinéma marocain ?

La nouvelle génération de cinéastes est prometteuse

et créative, avec un potentiel pour

l’internationalisation. En soutenant ces jeunes

talents, nous pouvons rendre l’industrie marocaine

plus dynamique et influente.

Quels obstacles doivent être surmontés ?

Le cinéma marocain doit diversifier ses financements,

surmonter la dépendance au financement

public, et faire face aux défis comme

le manque de salles et le piratage. Il est crucial

de soutenir les cinéastes et d’améliorer

l’accès aux financements privés.

Comment les plateformes de streaming

influencent-elles l’industrie ?

Elles diversifient l’offre cinématographique

et permettent aux films d’avoir une « seconde

vie ». Elles complètent les salles de cinéma,

enrichissent l’expérience et favorisent la créativité,

tout en préservant l’immersion unique

des salles. ●

78 Maroc / Août 2024



REPORTAGE

AUTISTO

L’OMBRE D’UN

TROUBLEFassi Fihri.

PAR REDA K. HOUDAÏFA

Silence ça tourne ! Jérôme Cohen-

Olivar, scénariste et réalisateur, tourne

actuellement son prochain film « Autisto »

à Casablanca, un projet profondément

personnel et engagé, produit par Zhor

Le réalisateur et scénariste du film

Autisto, Jérôme Cohen-Oliva.

80 Maroc / Août 2024


CRÉDIT : Z FILMS

Août 2024 / Maroc

81


REPORTAGE

CRÉDIT : Z FILMS

Tournage à Casablanca en juin 2024.

Inspiré par son propre fils autiste, Jérôme Cohen-Olivar

utilise son vécu pour offrir un récit authentique

et sensible, mettant en lumière la vie des personnes

atteintes de troubles autistiques.

Au départ réticent à aborder l’autisme au cinéma, l’adolescence

de son fils l’a convaincu de l’importance du

sujet. « J’ai compris le pouvoir du cinéma comme outil

de communication et de compréhension », explique-t-il.

La rencontre avec la productrice, Zhor Fassi-Fihri, a été

déterminante dans la concrétisation de ce projet.

Travaillant sur ce film depuis cinq ans, le réalisateur cherchait

un producteur partageant sa vision créative. De

fait, la collaboration entre Jérôme et Zhor, basée sur la

confiance et le partage d’idées, a permis d’enrichir le

projet. « Le film est une production 100% marocaine »,

souligne la productrice. Initialement conçu comme un

film à gros budget en coproduction et tourné dans plusieurs

pays, le scénario a été réécrit et l’histoire réadaptée

pour s’inscrire dans une production nationale.

Un film en marche malgré les défis

Impressionnée par la passion de Jérôme Cohen-Olivar, la

productrice Zhor Fassi-Fihri a décidé de soutenir pleinement

ce film, convaincue de son potentiel au Maroc et à

l’international. Malgré les défis financiers et de temps,

l’équipe s’engage avec ferveur et fait progresser le projet

positivement.

Le tournage a débuté le 10 juin et s’étale sur six semaines.

Le budget initial est d’environ 8,5 millions de dirhams,

mais il devrait être revu à la hausse en post-production.

« En effet, le réalisateur souhaite ajouter des effets spéciaux

et une nouvelle levée de fonds sera nécessaire

pour compléter le financement, notamment par la

recherche de sponsors », nous dit Zhor.

Autisto plonge, donc, le spectateur dans l’univers bouleversant

d’une mère confrontée à l’autisme de son fils

adolescent. Ce récit poignant explore l’amour inconditionnel

qui lie une mère à son enfant, tout en mettant en

lumière les défis quotidiens auxquels sont confrontées

les familles touchées par l’autisme.

AUTISTO PLONGE LE

SPECTATEUR DANS L’UNIVERS

BOULEVERSANT D’UNE MÈRE

CONFRONTÉE À L’AUTISME DE

SON FILS ADOLESCENT

82 Maroc / Août 2024


Ancré dans le contexte social marocain, le film invite à

une réflexion profonde sur l’acceptation de la différence,

la résilience et la force du lien mère-enfant. Il se veut un

plaidoyer pour la sensibilisation à l’autisme, brisant les

préjugés et suscitant l’empathie.

Le scénario quant à lui n’est pas figé dans une écriture

rigide, mais se nourrit au contraire des interactions avec

les acteurs et l’équipe. « Le film est un processus créatif

en constante évolution, inspiré par les échanges et

les improvisations », explique Cohen-Olivar.

La collaboration entre le réalisateur et la productrice Zhor

Fassi-Fihri s’avère essentielle pour la réussite du projet.

Passionnée de cinéma et impliquée dans le processus

créatif, Zhor apporte une vision audacieuse qui donne au

film sa force et son originalité. « Nous partageons une

vision commune du film, ce qui facilite grandement notre

travail en équipe », souligne Cohen-Olivar.

CRÉDIT : Z FILMS

Echange d’idées et de perspectives entre le réalisateur,

Jérôme Cohen-Olivar, et sa productrice, Zhor Fassi-Fihri.

CRÉDIT : Z FILMS

Un casting prometteur

Loubna Abidar incarne, ici, avec puissance et émotion la mère

d’Adam, un adolescent atteint d’autisme sévère. Entourée

d’un jeune casting talentueux, dont Youssef Jabri et Ismail

Abou-El-Kanater, elle porte le film sur ses épaules.

« J’ai choisi Loubna pour la qualité de son jeu et son intensité

émotionnelle », explique le réalisateur. Et d’en rajouter : « elle

est parfaite pour ce rôle exigeant et incarne avec justesse la

complexité des sentiments de cette mère courageuse ».

Loubna Abidar, de retour au Maroc après près de dix ans,

retrouve le cinéma national avec ce film poignant.

« J’étais très heureuse de revenir et de relever ce nouveau

défi », confie-t-elle.

Zhor Fassi-Fihri sur le tournage d’Autisto.

CRÉDIT : Z FILMS

Le personnage de la mère d’Adam est confronté à de

nombreux défis quotidiens pour aider son fils à s’épanouir

et à s’intégrer à la société. Pour s’imprégner de

ce rôle complexe, Loubna Abidar a effectué un travail

de préparation approfondi.

« J’ai rencontré des associations qui travaillent avec des

enfants autistes et j’ai suivi les conseils d’un psychiatre,

explique-t-elle. Il était important pour moi de comprendre

les comportements et les besoins d’un enfant autiste

pour pouvoir jouer mon rôle avec authenticité ».

Au-delà de son récit poignant, ce projet ambitionne de susciter

le débat et la réflexion autour de l’autisme. « Je suis

convaincu que ce film touchera et marquera le public »,

s’enthousiasme le réalisateur Jérôme Cohen-Olivar.

Ambiance lunaire d’une attente vague.

Conscient de la sensibilité du sujet, le réalisateur espère

que son film contribuera à une meilleure compréhension

de l’autisme et à une société plus inclusive. En brisant

les préjugés et en favorisant l’empathie, Autisto a

le potentiel de changer les regards et d’améliorer la vie

des personnes touchées par ce trouble.●

Août 2024 / Maroc

83


UNE SALLE, UNE HISTOIRE

Le mythique cinéma Caméra de Meknès s’est

offert une cure de jouvence, en préservant

son charme mystérieux et inégal.

La fresque murale intérieure de 70 mètres carrés, réalisée

par Marcel Couderc, constitue un véritable patrimoine

artistique qu’il convient de préserver.

84 Maroc / Août 2024


LE CAMÉRA : UN JOYAU

ART DÉCO À MEKNÈS

Trônant fièrement au cœur de la ville impériale

de Meknès, le Caméra se distingue comme un

joyau Art déco, un sanctuaire cinématographique

qui défie les affres du temps. Chaque pierre, chaque

fresque, chaque recoin du Caméra murmure une

histoire, un héritage précieux qui nous renvoie à

l’âge d’or du cinéma classique.

PAR REDA K. HOUDAÏFA - CRÉDIT PHOTO : MOHAMMED ELKHALKI

La salle s’est offert un lifting complet ! Les 200 sièges

du balcon et les 9 loges ont été entièrement refaits à

neuf, portant la capacité d’accueil à 600 places.

Août 2024 / Maroc

85


UNE SALLE, UNE HISTOIRE

CRÉDIT : DR

Il était souvent nécessaire d’acheter ses billets quelques jours avant la séance choisie, afin d’éviter les files d’attente

interminables où la fébrilité atteignait son paroxysme lorsque retentissait la sonnerie stridente annonçant le début de la séance.

L’histoire du Caméra est intimement liée

à celle de la famille Sandeaux, fondatrice

d’un empire cinématographique à

Meknès. Cosmos Xanthopoulos, un Grec visionnaire,

s’installe à Meknès au début du XXème

siècle et y construit un réseau de salles de

cinéma qui deviendra le fleuron du divertissement

local : l’Empire, le Caméra et le Mondial.

En face du Caméra, il conçoit un complexe

commercial avant-gardiste, incluant un café et

un passage couvert surmonté d’un cinéma à

l’architecture moderne. Son décès en 1952

interrompt ce projet novateur, mais son héritage

perdure à travers ses salles de cinéma.

Marius Sandeaux: un exploitant passionné

Cosmos lègue le Caméra à Antoine, l’un de

ses fils, tandis que Marius, le cadet, se lance

dans l’exploitation cinématographique,

gérant d’abord le Mondial puis l’Empire.

Quelques décennies plus tard, c’est au tour

de Marius de reprendre les rênes du Caméra

et du Rif, après le départ d’Antoine et de sa

famille pour la France.

Pour Marius, bien plus qu’un métier, l’exploitation

de sa salle de cinéma est une véritable

passion. Son talent exceptionnel pour

négocier avec les distributeurs de films à

Casablanca le propulse au rang des meilleurs

exploitants de salles du Maroc. Son

caractère trempé, son humour et sa sincérité

lui valent l’estime de ses pairs et nouent

des amitiés durables dans le milieu.

Une histoire de famille et de cinéma à Meknès

Trônant fièrement au cœur de Meknès, le

Caméra se distingue comme le fleuron des cinémas

Sandeaux, une famille d’exploitants de la

ville. Bâtie en un temps record grâce à sa structure

en béton armé, cette salle de cinéma a

ouvert ses portes le 27 décembre 1938, après

un dépôt de permis de construire en février de

la même année.

L’escalier menant au balcon du Caméra est orné

d’une fresque réalisée par Marcel Couderc, professeur

de dessin au lycée Poeymireau (actuellement

lycée Paul-Valéry). C’est aujourd’hui la

famille Tazi qui veille sur ce lieu d’exception,

suite à son acquisition dans les années 1970

par feu Alami Tazi, également propriétaire du

cinéma Rif à Meknès.

Le Caméra est un exemple rare de l’architecture

de cinéma Art déco des années 1930, un

bâtiment exceptionnel, peut-être unique au

monde. Parfaitement conservé dans son état

d’origine, il a subi peu de modifications depuis

son ouverture. La salle n’a jamais été numérisée

et fonctionnait toujours en 35 mm.

La renaissance

Cependant, en réponse à l’enthousiasme des

habitants de Meknès et au soutien des distributeurs

marocains, Jamal Tazi, propriétaire du

cinéma, a initié un vaste projet de réhabilitation

et de modernisation de cet établissement. Le

13 mai 2023, après deux mois de travaux, le

Caméra a soufflé ses 85 bougies, paré de ses

habits neufs. La projection événement de la

comédie marocaine Dados a marqué le début

d’une nouvelle ère pour cette salle mythique.

Cette renaissance tant attendue est l’aboutissement

de la première phase d’un ambitieux

projet de réhabilitation. Celui-ci a permis de restaurer

la façade, le bâtiment et la salle de 650

places, tout en dotant la cabine d’un projecteur

numérique de pointe. Un écran et un projec-

LE CAMÉRA N’EST PAS QU’UN SIMPLE

CINÉMA, C’EST UN LIEU DE MÉMOIRE, UN

TÉMOIN DE L’HISTOIRE CINÉMATOGRAPHIQUE

DE MEKNÈS DEPUIS 85 ANS

86 Maroc / Août 2024


Un lieu de mémoire et de cinéma

Le Caméra, c’est bien plus qu’une simple salle de cinéma. C’est un lieu de mémoire,

un témoin privilégié de 85 années d’histoire du cinéma à Meknès. Fondé en 1938

par la famille Sandeau, il a été racheté par Alami Tazi au début des années 60, qui

a également construit le cinéma Rif, un autre fleuron de la ville.

Durant des décennies, le Caméra a été le rendez-vous des cinéphiles de Meknès,

diffusant une programmation riche et variée. Mais, comme de nombreuses salles à

travers le pays, il a dû faire face à la crise du cinéma des années 90, marquée par

le piratage et la désaffection du public.

« Nous avons résisté avec nos projecteurs 35mm aussi longtemps que possible »,

explique Jamal Tazi. « Mais face à la raréfaction des films en argentique et à la

mobilisation de la communauté cinéphile, nous avons décidé de rénover et de rouvrir

le Caméra », conclut-il.●

Une des photographies de la collection

personnelle de Claude Sandeaux.

Un véritable coup de fouet électrique a été donné à la salle ! Le passage de 110 à 220 volts

permettra d’alimenter un équipement plus performant et d’améliorer la qualité de la projection.

Le Caméra

en chiffres :

Année de construction :

1938

Investissement pour

la première phase de

rénovation :

2-3 MILLIONS

DE DIRHAMS

Prix d’entrée :

Orchestre:

30 DH

Balcon :

ENTRE 45 ET 50 DH

Tarif étudiant :

20 DH

teur de seconde main de très bonne qualité

complètent l’équipement en attendant des technologies

dernier cri d’ici fin d’année. « C’est une

vieille dame qui renaît de ses cendres », confiait

Jamal Tazi, propriétaire du cinéma et héritier

d’une longue histoire familiale dans le monde

du 7ème art. « Nous avons opté pour un matériel

performant tout en préservant l’âme et le

caractère d’antan du Caméra », précise-t-il.

Soit ! Le Caméra n’est pas qu’un simple cinéma,

c’est un lieu de mémoire, un témoin de l’histoire

cinématographique de Meknès depuis 85

ans. Il a traversé les époques, diffusant une programmation

riche et variée pour le bonheur des

cinéphiles de la ville.

Un nouveau souffle pour le 7ème art à Meknès

La réouverture du Caméra est une bouffée d’oxygène

pour le cinéma à Meknès. La nouvelle

programmation généraliste s’adresse à tous les

publics : familles, étudiants, amateurs de films

d’auteur ou de blockbusters. Des projections

spéciales en argentique seront également organisées,

permettant de redécouvrir la magie du

celluloïd grâce aux deux projecteurs Cinemeccanica

d’origine.

Avec des places à des prix abordables, le

Caméra ambitionne de devenir un lieu de vie

et de culture incontournable pour les Meknassis.

Au-delà du divertissement, le cinéma prévoit

d’organiser des débats, des rencontres

avec des réalisateurs et des cycles thématiques.

Ces initiatives permettront de créer

un véritable pôle culturel et d’animer la vie

artistique de la ville.

La renaissance du Caméra est plus qu’une

simple rénovation, c’est un symbole d’espoir

pour le cinéma marocain. Elle démontre la

volonté de préserver le patrimoine cinématographique

du pays et de proposer une alternative

aux multiplexes standardisés.●

Août 2024 / Maroc

87


COUPS DE COEUR

DE LA RÉDACTION

Pitch

QUELLE ANNÉE

POUR LE CINÉMA !

Entre les sorties en salles et les pépites découvertes en

streaming, les choix ont été difficiles. Nous vous dévoilons les

films et les séries qui ont marqué nos collègues et qui méritent

selon nous votre attention.

PROPOS RECUEILLIS PAR REDA K. HOUDAÏFA - BOXOFFICE MAROC

« Fallout » de Jonathan Nolan & Wayne Yip

La série Fallout est d’ores et déjà considérée

comme l’une des meilleurs adaptations d’un

jeu vidéo. Disponible sur Prime Video, la série

surfe sur l’habituelle vague du post-apocalyptique,

avec une ambiance futuriste. Du déjà vu

pourrait-on croire, mais la création de Jonathan

Nolan, frère de Christopher Nolan et à qui on

doit aussi Westworld, arrive à se démarquer sur

un point essentiel souvent ignoré par les séries

de science-fiction : un scénario fouillé, une

esthétique raffinée et une intrigue bien préparée.

Un savant mélange qui donne aux spectateurs,

à la fois un produit fini de qualité mais aussi et

surtout, une histoire qui fait réfléchir.

SOUFIANE SBITI : Directeur de la publication

« Kind of Kindness » de Yorgos Lanthimos

Kind of Kindness est le film qui a marqué jusqu’à

présent mon année 2024. Le réalisateur de

Poor Things revient avec un triptyque fascinant.

On suit un homme se libérant d’une relation

paternaliste, un policier retrouvant sa femme

disparue et des membres d’une secte cherchant

à ressusciter les morts. Ce qui frappe le plus

chez Lanthimos c’est sa mise en scène virtuose,

mêlant humour noir et moments de beauté

poignante. Certes, la structure en triptyque peut

sembler artificielle, et certains pourraient y voir

un film paresseux. Mais c’est justement ce qui

le rend captivant. Kind of Kindness confirme

Lanthimos comme l’un des cinéastes les plus

audacieux de notre époque.

YACINE KAOUTI : Conseiller de la rédaction

« Les Filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania

Les Filles d’Olfa est un portrait poignant d’une

mère tunisienne aux prises avec les traditions,

le patriarcat et la quête de liberté de ses filles.

Ce sixième long métrage de la réalisatrice

Kaouther Ben Hania, shortlisté aux Oscars 2024,

s’immisce dans l’intimité d’une famille déchirée

par l’enrôlement des deux filles aînées d’Olfa dans les rangs jihadistes en Libye. Mêlant habilement

documentaire et fiction, le film offre un récit sincère et émouvant, où des moments spontanés

côtoient des scènes reconstituées. À travers les yeux d’Olfa et de ses deux filles cadettes, ainsi

que des actrices qui incarnent les aînées, Ben Hania explore les origines de ce départ tragique

et les conséquences de ce choix radical sur une famille.

SALMA HAMRI : Journaliste

88 Maroc / Août 2024


« Sweet Tooth » de Toa Fraser, Robyn Grace et Jim Mickle

Dans un futur ravagé par une mystérieuse pandémie, Gus, un jeune garçon

mi-cerf, mi-humain, part à l’aventure aux côtés de Tommy, un ermite solitaire.

Cette série (disponible sur Netflix), adaptée des comics de Jeff Lemire, nous

plonge dans un monde dystopique où la nature reprend ses droits et où les

hybrides comme Gus sont chassés. Les trois saisons nous tiennent en haleine

du début à la fin, grâce à des personnages attachants, une intrigue riche en

rebondissements et une réalisation soignée. On y retrouve tous les codes du

genre post-apocalyptique, mais aussi une dimension plus intimiste qui explore

les thèmes de l’amitié, de la famille et de la différence. Sweet Tooth est bien

plus qu’une simple série de science-fiction, c’est une œuvre touchante et

optimiste qui nous rappelle que même dans les moments les plus sombres,

l’humanité peut triompher.

MOHAMED MHANNAOUI : Directeur artistique

« The Beekeeper » de David Ayer

Ce film d’action (Amazon Prime Video) est un véritable régal pour

les amateurs du genre. Jason Statham y livre une performance

solide, incarnant à la perfection le dur à cuire solitaire qu’il maîtrise

si bien. Le scénario, classique mais efficace, nous plonge dans une

intrigue simple mais palpitante, ponctuée de scènes d’action

brutales et de répliques cultes. The Beekeeper aborde la problématique

des escroqueries en ligne, un fléau qui touche un grand nombre

d’entre nous et qui se traduit souvent par le vol de nos fonds.

ZINEB AZEDDINE : Maquettiste

« Beverly Hills Cop : Axel F » de Mark Molloy

Beverly Hills Cop: Axel F (Netflix) est un cocktail

réussi de nostalgie et de modernité. Axel Foley

(Eddie Murphy) est de retour, plus drôle et

impulsif que jamais, aux côtés de nouveaux

personnages et de ses anciens complices. Le

film reprend les codes qui ont fait son succès :

humour décalé, poursuites effrénées et ambiance

californienne. Mais, il se renouvelle avec une

intrigue actuelle et des relations familiales

complexes. Le duo père-fille formé par Axel et

sa fille avocate apporte une touche d’émotion

à l’action. Les fans de la saga retrouveront avec

plaisir l’esprit des premiers films, revisité avec

des séquences d’action spectaculaires et une

mise en scène dynamique.

EZZOUBAIR ELHARCHAOUI : Maquettiste

« Anatomie d’une chute » de Justine Triet

Anatomie d’une chute est une véritable maîtrise du récit

cinématographique. Le film s’articule autour d’un procès

faisant suite au décès mystérieux de Samuel, retrouvé au pied du

chalet familial en montagne. Sa femme, Sandra, devient la principale

suspecte. Au fil des débats, nous sommes entraînés dans un

labyrinthe de témoignages contradictoires et de perspectives

changeantes. Triet utilise habilement la salle d’audience comme

scène de bataille psychologique. Les récits des personnages

s’entremêlent et s’affrontent, révélant la fragilité de la vérité et la

malléabilité de la mémoire. Le film souligne comment notre

compréhension des événements est façonnée par nos propres

biais et désirs. Anatomie d’une chute suggère que la vérité est

souvent insaisissable et que ce qui importe le plus, c’est l’histoire

que nous choisissons de croire. Le motif récurrent de la cécité,

incarné par le fils malvoyant du couple, souligne l’idée que nous

construisons souvent nos propres réalités.

REDA K. HOUDAÏFA : Journaliste

Août 2024 / Maroc

89


GUIDE DES SORTIES

DEPUIS LE 24 JUIN 2024

PROJECTIONS :

Casablanca : Pathé

Meknès : Camera

CineAtlas

Marrakech : Megarama, Le Colisée

Tanger : Megarama,

Cinémathèque de Tanger, Alcazar

El Jadida : CineAtlas

Fès : Megarama

CineAtlas

Marrakech : Megarama, Le Colisée

Tanger : Megarama,

Cinémathèque de Tanger, Alcazar

El Jadida : CineAtlas

Fès : Megarama

Meknès : Dawliz, Camera

NOM DU FILM : Maxxxine

DURÉE : 101 minutes

GENRE : Horreur, Crime, Mystère

RÉALISATEUR : Ti West

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Megarama

Rabat : Megarama

Marrakech : Megarama

Tanger : Megarama

DEPUIS LE 24 JUILL 2024

DEPUIS LE 24 JUILL 2024

DEPUIS LE 31 JUILL 2024

DEPUIS LE 28 JUIN 2024

NOM DU FILM : Le comte de

Monte-Cristo

DURÉE : 173 minutes

GENRE : Aventure, Histoire

RÉALISATEUR : Alexandre de

La Patellière, Matthieu Delaporte

PAYS : France

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama, Pathé

Rabat : Mégarama, CineAtlas

DÈS LE 10 JUILLET 2024

NOM DU FILM : Longlegs

DURÉE : 101 minutes

GENRE : Épouvante-horreur,

Thriller

RÉALISATEUR : Oz Perkins

PAYS : États-Unis

NOM DU FILM : Deadpool &

Wolverine

DURÉE : 127 minutes

GENRE : Action/Comédie

RÉALISATRICE : Shawn Levy

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Pathé, Megarama,

Eden Club

Rabat : Megarama, Renaissance,

CineAtlas

Marrakech : Megarama, Le Colisée

Tanger : Megarama,

Cinémathèque de Tanger, Alcazar

El Jadida : CineAtlas

Fès : Mégarama

Meknès : Dawliz, Camera

NOM DU FILM : Un p’tit truc en plus

DURÉE : 99 minutes

GENRE : Comédie

RÉALISATEUR : Victor-Artus

Solaro

PAYS : France

PROJECTIONS :

Casablanca : Pathé, Megarama

Rabat : Megarama, Renaissance,

NOM DU FILM : QLAB 6/9

DURÉE : 105 minutes

GENRE : Comédie

RÉALISATEUR : Mohamed Ali

Laaouini

PAYS : Maroc

PROJECTIONS :

Casablanca : Pathé, Megarama

Rabat : Megarama, Renaissance,

CineAtlas

Marrakech : Megarama, Le Colisée

Tanger : Mégarama

El Jadida : CinéAtlas

Fès : Mégarama

Meknès : Dawliz, Camera

DEPUIS LE 24 JUILL 2024 DEPUIS LE 31 JUILL 2024

NOM DU FILM : Garfield : Héros

malgré lui

DURÉE : 101 minutes

GENRE : Enfants/Comédie

RÉALISATEUR : Mark Dindal

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Pathé, Megarama

Rabat : Megarama, Renaissance,

NOM DU FILM : Un été à Boujad

DURÉE : 90 minutes

GENRE : Drame

RÉALISATEUR : Omar Mouldouira

PAYS : Maroc

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama

Rabat : Mégarama

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

90 Maroc / Août 2024


NOM DU FILM : Mon ami le petit

manchot

DURÉE : 97 minutes

GENRE : Familial, Aventure, Drame

RÉALISATEUR : David Schurmann

PAYS : Brésil, États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama

Rabat : Mégarama, CineAtlas

Marrakech : Mégarama, Le Colisée

Tanger : Mégarama (sauf Goya)

El Jadida : CineAtlas

GENRE : Comédie, Familial

RÉALISATEUR : Léa Lando

PAYS : France

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama, Pathé

Rabat : Mégarama, CineAtlas

Marrakech : Mégarama

Tanger : Mégarama

El Jadida : CineAtlas

Fès : Mégarama

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

GENRE : Drame, Romance

RÉALISATEUR : Justin Baldoni

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama

Rabat : Mégarama

Marrakech : Mégarama

Tanger : Mégarama

Fès : Mégarama

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

RÉALISATEUR : Fede Álvarez

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama

Rabat : Mégarama, CineAtlas

Marrakech : Mégarama

Tanger : Mégarama

El Jadida : CineAtlas

Fès : Mégarama

INFOS PRATIQUES

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

NOM DU FILM : Borderlands

DURÉE : 102 minutes

GENRE : Action, Science-Fiction,

Aventure

RÉALISATEUR : Eli Roth

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama, Pathé

Rabat : Mégarama, CinéAtlas

Marrakech : Mégarama

Tanger : Mégarama

El Jadida : CinéAtlas

Fès : Mégarama

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

NOM DU FILM : Petit panda

en Afrique

DURÉE : 88 minutes

GENRE : Animation, Aventure,

Comédie, Familial

RÉALISATEURS : Karsten

Kiilerich, Richard Claus

PAYS : Danemark, France,

Allemagne, Pays-Bas

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama, Pathé

Rabat : Mégarama, CineAtlas

Marrakech : Mégarama, Le Colisée

Tanger : Mégarama

El Jadida : CineAtlas

Fès : Mégarama

DEPUIS LE 07 AOÛT 2024

NOM DU FILM : Trap

DURÉE : 105 minutes

GENRE : Thriller, Horreur, Crime

RÉALISATEUR : M. Night

Shyamalan

PAYS : États-Unis

PROJECTIONS :

Casablanca : Mégarama, Pathé

Rabat : Mégarama, CineAtlas

Marrakech : Mégarama, Le Colisée

Tanger : Mégarama

El Jadida : CineAtlas

Fès : Mégarama

DEPUIS LE 14 AOÛT 2024

NOM DU FILM : Super papa

DURÉE : 98 minutes

NOM DU FILM : Jamais plus - it

ends with us

DURÉE : 130 minutes

NOM DU FILM : Alien: Romulus

DURÉE : 119 minutes

GENRE : Science-Fiction, Horreur,

Thriller

Août 2024 / Maroc

91


STREAMING/VOD

ELIZABETH TAYLOR: THE LOST TAPES

L’INTIME DÉVOILÉ

THE UNION

SOUS HAUTE TENSION

Mike, un ouvrier du bâtiment ordinaire campé

par Mark Wahlberg, voit sa vie chamboulée

lorsqu’il est enrôlé par son ex-petite amie du

lycée, Roxanne (Halle Berry), dans une mission

périlleuse pour les services secrets américains.

Propulsé dans le monde des espions, Mike va

devoir mettre ses talents à profit pour sauver le

monde, tout en jonglant avec ses sentiments

pour Roxanne. Si l’intrigue semble classique, le

duo charismatique des acteurs et la réalisation

efficace devraient faire de The Union un film

divertissant. Le film n’a peut-être pas l’ambition

d’être un chef-d’œuvre, mais il réunit tous les

ingrédients pour devenir un carton estival.●

« The Union », sur Netflix dès le 16 août.

Réalisé par Nanette Burstein et Brett Morgen,

Elizabeth Taylor: The Lost Tapes offre un

regard inédit sur la vie de l’une des stars

les plus légendaires du cinéma. Ce documentaire

utilise des enregistrements audio

intimes récemment retrouvés, ainsi que des

images d’archives et des interviews récentes,

pour dresser un portrait intime de Taylor.

Le film explore sa carrière, ses mariages

tumultueux, ses problèmes de dépendance

et son activisme pour la lutte contre le sida.

Grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle,

la voix de Taylor est restaurée pour qu’elle

puisse raconter sa propre histoire. Elizabeth

Taylor: The Lost Tapes est un documentaire

poignant et révélateur qui vous fera découvrir

une nouvelle facette de l’une des actrices

les plus célèbres de tous les temps.●

« Elizabeth Taylor: The Lost Tapes » arrive

sur HBO et HBO Max le 3 août.

WOLFS

UN DUO LÉGENDAIRE POUR

UN THRILLER HALETANT

L’intrigue reste encore floue, mais le

mystère s’épaissit avec la diffusion

d’un premier teaser énigmatique. On

y voit des images pluvieuses, sans

dialogue, où seul le bruit des essuie-glaces

d’une voiture crée une atmosphère pesante. Le

casting du film est un autre atout majeur. Outre le

duo Pitt-Clooney, on retrouve Amy Ryan (Sugar,

Only Murders in the Building), Austin Abrams

(Euphoria, Do Revenge) et Poorna Jagannathan

(Never Have I Ever, The Night Of). La réalisation

est confiée à Jon Watts, connu pour avoir dirigé

les deux derniers volets de la trilogie Spider Man

avec Tom Holland.●

« Wolfs », dans les cinémas à partir du 18 septembre et

un peu plus tard sur Apple TV+.

LA CITÉ DE DIEU

20 ANS APRÈS LE FILM CULTE, LA LUTTE CONTINUE

Plongez à nouveau dans les favelas de

Rio de Janeiro aux débuts des années

2000. Cette suite tant attendue reprend

l’histoire là où La Cité de Dieu : La Lutte

Continue l’avait laissée, nous faisant

revivre l’univers intense et percutant de

l’un des chefs-d’œuvre du cinéma du

début du siècle en six épisodes. Fidèle

à l’esprit du film original, la série promet

de nous offrir une immersion saisissante

dans la réalité brutale des favelas, où la

violence et la pauvreté rythment le quotidien

des protagonistes. Un retour événement

pour un classique intemporel.●

« La Cité de Dieu : La Lutte Continue » débarque

dès le 25 août sur HBO Max.

LES ANNEAUX DE POUVOIR

LES TÉNÈBRES S’ÉLÈVENT

La saison 2 se concentrera davantage sur

Sauron, désormais démasqué sous les

traits de Hallbrand. Nous le verrons forger

le Mordor, rassembler son armée et tenter

de duper à nouveau les Elfes sous l’identité

d’Annatar. La création des Anneaux de

Pouvoir et la lutte pour leur contrôle seront

également au centre de l’intrigue. Les

premières minutes de la saison 2 promettent

d’être particulièrement sombres et surprenantes.

La scène d’ouverture met en scène

le couronnement d’un orque, qui est ensuite

assassiné par son bras droit, Adar. Un

événement qui n’existe pas dans l’œuvre

de Tolkien et qui soulève de nombreuses

questions. S’agit-il d’une fausse piste

orchestrée par Sauron ? Ou d’un événement

crucial non relaté par Tolkien ?

Après avoir été trompée par

Sauron dans la saison 1, Galadriel

devrait prendre un rôle plus actif dans

la lutte contre le Mal. Elle sera vêtue d’une

armure et prête à se battre, et son pouvoir

grandissant grâce à l’Anneau Nenya devrait

jouer un rôle important dans la résistance.●

« Anneaux de Pouvoir (saison 2) », à partir du

29 août sur Prime Video.

92 Maroc / Août 2024



LIRE, VOIR ET ÉCOUTER

SÉRIE DOCUMENTAIRE

VOIR

LIVRE

HISTOIRES DE FILMS

Dans Histoires de films, François Lévesque,

critique de cinéma connu pour ses contributions

dans le journal Le Devoir plonge le

lecteur dans l’univers du cinéma et explore

les coulisses de la production cinématographique.

Avec une approche narrative et un

style fluide et accessible, Lévesque met en

lumière les moments de génie et les accidents

heureux qui ont contribué à la création

de chefs-d’œuvre du cinéma tout en proposant

une réflexion sur l’impact culturel et

artistique des films abordés.●

* Sortie de la nouvelle édition du livre prévue à

partir du 23 août.

PODCAST

VARIATIONS

Créée par les cinéastes David Fincher et

David Prior, Voir est une série documentaire

disponible sur Netflix, composée de six

épisodes d’une durée d’environ 20 à 30

minutes chacun. Chaque épisode est un

essai visuel autonome qui aborde différents

aspects du septième art, tels que les scènes

emblématiques, les genres cinématographiques,

et les réalisateurs influents, et offre

une perspective variée sur ce qui rend le

cinéma si puissant et mémorable.●

*A regarder sur Netflix.

Dans Variations, Layal Rhanem et Mehdi El

Kindi s’interrogent chaque semaine sur la

place de la culture dans la société d’aujourd’hui

en donnant la parole à des experts

culturels. Dans le dernier numéro, Tanger

est au cœur du podcast. Khalid Mouna,

anthropologue et co-réalisateur du film

Mono retrace l’usage de l’héroïne dans la

ville du du Détroit. Ayoub Ait Tadouit, réalisateur

sonore, présente son projet de sound

mapping autour de la ville et Hicham Bouzid,

co-fondateur de Think Tanger, parle

du tiers-lieux Kiosk.●

* Disponible sur Spotify et autres plateformes.

94 Maroc / Août 2024



FINAL

CUT

WALID AYOUB

Après une année d’études en architecture, Walid Ayoub se

tourne rapidement vers le cinéma. En 2011, il réalise « Aliénation »

et travaille comme monteur sur « Zéro » en 2012. En 2017, il réalise

« Profession: tueur ». Plus récemment, il est à la tête de la réalisation

du podcast « Mes mémoires au sein du mouvement national ».

INTERVIEW MENÉE PAR REDA K. HOUDAÏFA - CRÉDIT PHOTO : ALEXANDRE CHAPLIER - BOXOFFICE MAROC

Pitch nous ton dernier projet…

Je suis actuellement en pleine écriture et réalisation

de la première saison de la série de

documentaires audio Moudakirati fi Al Haraka

Al Watanya. Cette série est basée sur les

mémoires d’Abou Bakr El Kadiri et retrace l’histoire

du mouvement national marocain. Le premier

épisode est en ligne depuis le 16 mai

dernier et a déjà suscité un vif intérêt. Ce

projet, que m’a commandé la Fondation

Abou Bakr El Kadiri, me tient particulièrement

à cœur, car il permet de préserver

et de partager un pan crucial de

notre histoire avec un large public.

Ton plus grand défi ?

Bien que ce soit loin dans le temps,

mon plus grand défi reste mon premier

projet. En 2011, fraîchement

diplômé de l’ESAV Marrakech, je me

suis retrouvé à superviser la post-production

du plus grand budget du cinéma

marocain de l’époque, Zéro de Nour

Eddine Lakhmari. C’était le passage de la

pellicule au numérique, une transition

majeure pour le cinéma marocain où tout

le monde tâtonnait.

Le dernier film que tu as vu ?

Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan

est le film qui m’a le plus marqué

ces derniers mois. C’est un film sublime

qui se mérite amplement ; il faut tenir

sur la durée pour en apprécier toute la

profondeur. Chaque plan est un pur

moment de cinéma, capturé avec une

esthétique visuelle remarquable. Le jeu

d’acteur est aussi précis qu’une montre

suisse, et le scénario est tissé dans du fil d’or.

La narration, tantôt poétique, tantôt philosophique

mais dénuée de tout manichéisme, et

les paysages magnifiques de l’Anatolie ajoutent

une dimension supplémentaire, transformant

le film en une méditation sur les rapports

humains et le passage du temps. C’est un cinéma

extrêmement racé, une expérience bouleversante

que je recommande vivement.

La dernière fois que tu as pleuré devant

un film ?

Trois mille ans à t’attendre de George Miller

est un film peu prétentieux, presque littéraire,

mais qui m’a redonné foi dans le monde

post-pandémie. C’est une fable sur l’amour

racontée avec maestria par l’un des cinéastes

les plus imprévisibles. George Miller livre des

tableaux pittoresques tout droit tirés des Mille

et Une Nuits, explorant le pouvoir des mots

avec une naïveté revigorante en ces temps de

cynisme. Il confronte la magie au monde

moderne, le tout noyé dans un spleen omniprésent.

Ce film est un véritable baume au cœur.

La dernière fois que tu as été touché par la

performance d’un acteur ou d’une actrice ?

Pour ne pas sortir la réponse classique Daniel

Day-Lewis dans tous ses rôles sans exception, je

vais choisir Pierfrancesco Favino qui interprète le

rôle principal dans Nostalgia de Mario Martone.

Pour moi, il méritait le prix d’interprétation à Cannes

en 2022, beaucoup plus que Song Kang Ho, qui

est lui aussi un de mes acteurs préférés.

La dernière fois que tu as été déçu d’un film ?

Je suis souvent déçu par les films qui font des

sorties en grande pompe. Ma dernière déception

est Le Comte de Monte-Cristo. Je trouve

que l’équipe n’a pris aucun risque notable avec

l’adaptation. Ils se sont contentés de synthétiser

un récit fleuve dans un film de trois heures,

ce qui s’est fait au détriment de la profondeur

des personnages. Je pense que le long métrage

n’est pas le format adapté pour cette œuvre.

Ils lui auraient rendu beaucoup plus justice dans

un format serial. Ça aurait pu être le Game of

Thrones français, qui sait.

La dernière fois que tu as ri au cinéma ?

Une comédie marocaine qui a cartonné dans

les salles cette année, au point de faire de

l’ombre à une multitude de très bons films marocains

qui méritaient de rencontrer un public. Je

ne citerai pas le nom du film car, s’il m’a réellement

fait rire aux larmes pendant toute la séance,

ce n’était jamais pour les bonnes raisons.

Ta dernière collaboration ?

Cette année, j’ai eu beaucoup de plaisir à

réaliser un clip pour le chanteur indie marocain

Ayoub Hattab. Pour concrétiser ce projet

malgré les contraintes budgétaires d’un

artiste indépendant, j’ai imaginé un concept

gagnant-gagnant. J’ai collaboré avec des étudiants

en dernière année de l’ESAV Marrakech,

où j’interviens régulièrement. Épaulé

dans les postes clés par mes anciens élèves,

nous avons créé ensemble un plateau où

j’étais le seul professionnel entouré de ces

futurs talents, qui font actuellement leurs premiers

pas dans le métier. Le clip sort en septembre,

et c’est l’un des projets les plus amusants

et enrichissants que j’ai réalisés.●

96 Maroc / Août 2024



LE CLAP DE AICHA AKALAY

UN ÉTÉ LÉGER

AVEC ROHMER

En été, il n’y a qu’une seule chose

pour laquelle nous devrions ​être

faits : aimer. Et le cinéma est justement

là pour nous le rappeler, parfois

même pour nous y aider. Aimer furtivement

ou pour longtemps, une chose et

son contraire, ses amis et leurs ennemis,

pourvu que l’on puisse aimer en grand,

et pourquoi pas sur grand écran. C’est

dans le nuancier de sentiments de

l’œuvre du réalisateur français Eric

Rohmer, ses plans d’une poésie rare, que

l’auteure de ces lignes vous invite à plonger.

Caressés par la lumière naturelle de

ce théoricien du cinéma, sans artifices,

enivrés par le flot de paroles de ses personnages,

touchés par l’esthétisme d’un

grand sensible, amenés au bord d’un

vertigineux précipice : nous ne saisissons

le sens des mots et de ce qui anime

les personnages d’Eric Rohmer, qu’à l’instant

même où ces premiers se dérobent

à nous. Tout est sur une ligne de crête.​

À découvrir pour les chanceux, à revisiter

pour les heureux initiés, à retenter

pour les pressés, ce sera la seule recommandation

de cette page pour le mois

d’août, Les six contes moraux, d’Eric

Rohmer : La boulangère de Monceau,

À DÉCOUVRIR POUR LES CHANCEUX,

À REVISI- TER POUR LES HEUREUX

INITIÉS, À RETENTER POUR LES

PRESSÉS

La carrière de Suzanne, La collectionneuse,

Ma nuit chez Maud, Le genou de

Claire, L’amour l’après-midi (1962-1972).​

Parole à la plume qui écrit en images :

« les contes moraux sont écrits comme

des variations sur le même thème. En fin

de compte, ils ont été écrits avant que

je ne sache que c’étaient des variations.

J’ai découvert à leur lecture qu’on pouvait

retrouver un même thème qui était

tout simplement : un garçon est à la

recherche d’une fille, il en rencontre une

autre avec laquelle il passe le temps du

film et tout à la fin du film, il retrouve la

première et s’aperçoit que c’est vraiment

la première qu’il cherchait et qui l’intéressait

». Après l’apparente banalité et

simplicité de la trame, se dévoile la

sophistication de la composition, une

partie d’un ensemble universel, qui

donne à entrevoir d’autres ornières que

les nôtres. Et à apprécier que la profondeur

puisse se concevoir dans la légèreté.

« Dans tous ces contes, il est évident

que la personne qui intéresse le spectateur

ce n’est pas celle qui sera choisie,

mais celle qui occupera le film et qui

sera en fin de compte délaissée. Déjà

au départ le spectateur est contre le narrateur.

C’est précisément ce porte-à-faux

qui m’intéresse », détaille Eric Rohmer

dans l’émission Parlons cinéma, en 1977.

Un porte-à-faux c’est cette instabilité qui

nous fait peur. Au zénith de cet été,

embrassons l’instabilité avec confiance,

car la peur nous quitte. Ce faisant, notre

stabilité est renforcée.●

98 Maroc / Août 2024



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