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Les paysans du Niolu jouent à scopa, jeu de cartes traditionnel que

l’on retrouve partout sur les rives de la Méditerranée, avec quelques

variantes significatives dans les règles.

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Dama paesana

Jeux traditionnels de Corse


Jeux anciens et jeux nouveaux

Les jeux tracent depuis l’Antiquité leur propre chemin parmi les

sociétés humaines. Ils voyagent avec les hommes au gré des

courants commerciaux et sociaux. Les jeux devenus traditionnels

dans l’île se retrouvent ainsi dans des contrées parfois très éloignées,

dans le temps et dans l’espace. A morra, par exemple,

est pratiquée depuis l’Égypte pharaonique et est connue encore

aujourd’hui partout en Méditerranée.

Alors, dès le xix e siècle, la multiplication des contacts des Corses

avec le continent aidant, accélérée par des moyens de transport

de plus en plus rapides et massifs, les distances entre les communautés

sont devenues de plus en plus ténues et les modes de vie se

sont peu à peu confondus : la circulation des jeux en a été particulièrement

aidée. L’industrialisation – un phénomène mondial – favorisant

la société de consommation et les échanges, les fabricants de

jeux « nouveaux » sont apparus et, suivant les autres productions

importées, ceux-ci sont arrivés dans l’île. Ce qui est aujourd’hui

appelé « jeu ancien » fut au tournant du siècle une « nouveauté ».

Et l’on se mit à jouer dans les foyers, au gré des modes, à toutes

sortes de jeux devenus aussi communs que le Monopoly ou les

petits chevaux… Des jeux dits « de société », parce qu’ils nécessitent

d’être plusieurs autour d’un plateau ou d’un tapis.

Aujourd’hui, au temps des jeux d’écran, plus besoin de se

retrouver à quelques-uns pour passer le temps. La sociabilité

a évolué et l’on se contente de jouer ensemble, parfois, mais à

distance.

Pourtant, le jeu, aussi nécessaire à l’homme que l’air qu’il respire,

trouve toujours à s’adapter et à renaître sous des formes parfois

différentes, toujours avec des bénéfices : apprendre, développer ses

aptitudes, se délasser et affronter l’existence… le sourire aux lèvres.

Le goût du jeu

En Corse, on jouait. Aussi contradictoire que cela puisse paraître

avec l’image d’une « Corse éternelle » que l’on se fait parfois,

sombre, ténébreuse, dramatique, mille fois rabâchée, on jouait

beaucoup et on jouait à tout.

Jeux de patience ou de réflexion, jeux de cartes, de pions, de

dés, jeux pour accompagner le développement de l’enfant, jeux

pour développer la sociabilité, jeux simples pour passer le temps

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ou jeux plus élaborés pour aiguiser l’esprit, jeux de compétition et

même jeux d’argent… il y en eut pour tous les goûts, tous les âges

et tous les moments de la journée ou de l’année.

Certaines dates étaient propices et attendues avec une

certaine excitation : carnavals, foires, kermesses ou événements

particuliers (élections, concours hippiques, etc.), qui voyaient se

dérouler des activités ludiques auxquelles tous pouvaient participer,

ou parfois seulement les champions de village.

Les jeux laissent peu de traces : quelques évocations chez

les voyageurs, quelques rares mentions dans les actes officiels,

quelques objets disparates, mais aussi parfois des inscriptions dans

la pierre – au seuil des habitations – ayant survécu aux ravages du

temps qui passe. Voilà tout ce qui reste des jeux de nos anciens.

Que dire des jeux qui n’avaient point besoin d’objet particulier ou qui

se contentaient de quelques doigts, de cailloux ou de bouts de bois

pour toute mise en place ? Quant aux règles, transmises oralement

des siècles durant, elles n’ont pas toujours résisté aux changements

sociétaux et ont souvent été, purement et simplement, oubliées.

Heureusement, la mémoire de quelques anciens sur le sujet a

pu parfois être fixée par les pionniers du recueil ethnographique.

Grâce à ces derniers, soucieux de la conservation de la langue,

des usages et du patrimoine immatériel légués par les générations

passées, on peut aujourd’hui reconstituer un certain nombre de

règles et jouer à nouveau à certains de ces jeux.

Le jeu d’esprit était aussi très prisé, notamment l’art de la

répartie, de même que le jeu de mots – dont Grossu minutu est

un exemple éclairant. Celui de la macagna, où il s’agit d’exceller

dans la mise en scène drolatique afin de piéger la crédulité des

lourdauds, des fats, des prétentieux, est demeuré un « sport »

national qui va de la gentille moquerie, parfois mâtinée d’autodérision,

au dévoilement cruel des faiblesses de son « adversaire ».

Quant à l’art de conter, il était enrichi par les « histoires drôles »,

édifiants stalbatoghji qui mettaient en perspective tout ce que la

vie produit habituellement d’incongru et d’absurde.

Tout aussi sociable était l’art de la devinette, pratiqué à l’époque

pour éveiller l’esprit de déduction, mais aussi souvent une vision

personnelle et poétisée du monde environnant.

Jouer, rire, se moquer, sont l’expression de cet état d’esprit

juvénile qui permet aussi, à tout le moins, de supporter individuellement

et collectivement le poids de la vie. Les Corses, c’est sûr,

ne s’en privaient pas…

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A dama paesana gravé sur une pierre de granite. © A. Gauthier

Florilège en images

Les jeux de nos anciens

Tous les collectionneurs vous le diront, les cartes postales anciennes

« animées » sont le must d’une collection (outre la rareté et l’état, bien

sûr). Les photographes corses ont saisi avec leurs lourds appareils la

plupart des grands moments de la vie quotidienne ou sociale de leurs

compatriotes. Ainsi en est-il des jeux qui régalaient nos anciens – quand

ils ne l’étaient pas encore. En voici un petit florilège en images.

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On joue volontiers aux cartes au début du xx e siècle…


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Les jeux d’enfants deviennent parfois des spectacles de rue.


Tandis que l’été, on organise des jeux de plein air… et de pleine eau !

Le jeu de boules n’est pas encore très démocratisé, mais joué

par les adultes, il captive déjà les enfants.

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Carnaval est un moment privilégié pour les grands…

…et les petits !

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Les grandes fêtes sont l’occasion de s’amuser en bande (à la pignata !).

La joie et le bonheur, c’est aussi de pratiquer la macagna, l’humour populaire

non dénué d’autodérision.

(Et pages suivantes)

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Quelques curieux témoignages

Les voyageurs et les observateurs ont quelques fois rapportés des

scènes de jeux qui méritaient d’être notées. Selon l’époque, le lieux,

les personnages, les saynètes prennent tout leur sel…

Jouer aux dames au xviii e siècle

« The common people did not seem much given to diversions.

I observed some of them in the great hall of the house of

Colonna where I was lodged, amusing themselves with playing

at a sort of draughts in a very curious manner. They drew upon

the floor with chalk, a sufficient number of squares, chalking

one all over, and leaving one open, alternately ; and instead of

black men and white, they had bits of stone and bits of wood.

It was an admirable burlesque on gaming. »

Les gens du commun ne semblent pas beaucoup portés à se

divertir. J’en observai quelques-uns, dans la grande salle de la

maison de Colonna où j’étais logé, qui s’amusaient à jouer à une

sorte de jeu de dames fort singulier. Ils traçaient à la craie sur

le sol un nombre suffisant de carrés, en blanchissaient un sur

deux et, au lieu de pions noirs et blancs, ils utilisaient des bouts

de bois et de pierre. Quelle admirable parodie de jeu !

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(An Account of Corsica, James Boswell, 1769. Traduction Jean

Viviès, État de la Corse, Albiana, 2019).

Le bandit joueur d’échecs (1845)

Ayant pris rendez-vous avec un bandit, l’auteur le rencontre dans

une grotte cachée au fin fond du maquis dans la région de Sulinzara.

La discussion entraîne chacun à se dévoiler.

« Vous êtes amateur d’Échecs, me dit-il en bondissant sur son

tabouret. Dieu soit loué ! voilà six ans que je n’ai pu me livrer

à l’exercice de mon jeu favori. Eh bien ! nous allons faire une

partie. »

Il ouvrit son armoire, en tira un Échiquier et une boîte d’Échecs,

enveloppée très précieusement dans une nappe, les posa sur

la table, et allumant une seconde lampe, se disposa au combat.

« Êtes-vous fort, Monsieur ? me dit-il. Quant à moi, j’ai beaucoup

joué autrefois, et savais assez bien me défendre.

– Vous en jugerez, commençons. »

Nous tirâmes le trait. Il fut pour lui.

Il me donna le Gambit Muzio. Je me croyais à peu près sûr

de cette partie, aussi n’hésitai-je pas à empoigner le Cavalier.

Hélas ! j’eus beau me ramasser au milieu de toutes mes pièces

disponibles, il me serra de si près, me barricada tellement la

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