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2018 - Vol 2 - Num 1

La revue Arts et sciences présente les travaux, réalisations, réflexions, techniques et prospectives qui concernent toute activité créatrice en rapport avec les arts et les sciences. La peinture, la poésie, la musique, la littérature, la fiction, le cinéma, la photo, la vidéo, le graphisme, l’archéologie, l’architecture, le design, la muséologie etc. sont invités à prendre part à la revue ainsi que tous les champs d’investigation au carrefour de plusieurs disciplines telles que la chimie des pigments, les mathématiques, l’informatique ou la musique pour ne citer que ces exemples.

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Arts et sciences

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toute activité créatrice en rapport avec les arts et les sciences. La peinture, la poésie, la musique, la littérature, la

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Rédactrice en chef

Marie-Christine MAUREL

Sorbonne Université, MNHN, Paris

marie-christine.maurel@upmc.fr

Membres du comité

Arshia CONT

Antescofo, Paris

arshia.cont@ircam.fr

Joëlle PIJAUDIER-CABOT

Musées de Strasbourg

joelle.pijaudier@wanadoo.fr

Hugues VINET

IRCAM, Paris

hugues.vinet@ircam.fr

Georges Chapouthier

Sorbonne Université

georges.chapouthier@upmc.fr

Bruno SALGUES

APIEMO et SIANA

bruno.salgues@gmail.com

Philippe WALTER

Laboratoire d’archéologie

moléculaire et structurale

Sorbonne Université Paris

philippe.walter@upmc.fr

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Arts et sciences

2018 - Volume 2

Numéro 1

‣ Géométrie interne d'une "Nuit" de G. de La Tour : L’Apparition de l'ange à saint Joseph…….1

Jean-Pierre Crettez - DOI : 10.21494/ISTE.OP.2018.0226 - février 2018

‣ L’art au service de la conservation de l’un des lémuriens les plus menacés…………..……………11

Delphine Roullet - DOI : 10.21494/ISTE.OP.2018.0243 - avril 2018

‣ La chimie génératrice de forme : végétation métallique et jardins chimiques…………………….26

Florence Haudin, Fabian Brau, Anne De Wit - DOI : 10.21494/ISTE.OP.2018.0273 – juillet 2018

‣ Science et poésie s’opposent-elles ?……………………………………………………………………………………37

Éric Dausse - DOI : 10.21494/ISTE.OP.2018.0274 – juillet 2018

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Géométrie interne d'une "Nuit" de G. de La Tour :

L’Apparition de l'ange à saint Joseph (musée des

beaux-arts, Nantes)

Internal Geometry of a G. de La Tour's "Night": The Apparition of the

Angel at saint Joseph (Museum of Fine Arts, Nantes)

Jean-Pierre Crettez 1

1 Chercheur émérite à Télécom-Paristech, jean-pierre.crettez@wanadoo.fr

RÉSUMÉ. La géométrie interne permet aux peintres d'organiser l'espace pictural pour le rendre cohérent et harmonieux.

Mais la géométrie interne et le support sur lequel elle est tracée, n'apparaissent pas dans l'œuvre peinte, ni dans son

image radiographique, ni dans son image infra-rouge : la géométrie interne demeure secrète. Cependant, le support étant

parfois un maillage carré ou le plus souvent un maillage harmonique, les éléments picturaux sont quantifiés, la géométrie

interne devient "discrète" et peut être décelée en même temps que son support.

L'étude présentée ici concerne la recherche de la géométrie interne de l'un des chefs-d’œuvre de Georges de La Tour :

L'Apparition de l'ange à saint Joseph (musée des Beaux-Arts de Nantes). Cette étude permet d'illustrer et de confirmer la

méthodologie développée dans notre livre 1 consacré à la géométrie interne. C'est aussi une invitation à la lecture de ce

livre, auquel nous ferons parfois référence.

ABSTRACT. The internal geometry allows painters to organize the pictorial space to make it coherent and harmonious.

But the internal geometry and the support on which it is plotted, do not appear in the painted work, neither in its

radiographic image, nor in its infra-red image: The internal geometry remains secret. However, since the support is

sometimes a square meshing or most often a harmonic meshing, the pictorial elements are quantified, the internal

geometry becomes "discrete" and can be detected at the same time as its support.

The study presented here concerns the search for the internal geometry of one of Georges de la Tour's masterpieces:

The Apparition of the Angel at saint Joseph (Museum of Fine Arts of Nantes). This study helps to illustrate and confirm

the methodology developed in our book 1 dedicated to internal geometry. It is also an invitation to read this book, which we

will sometimes refer to.

MOTS-CLÉS. architecture, commensurabilité, construction interne, géométrie interne, géométrie secrète, maillage

harmonique, formes consonantes visuelles, stylisation des formes.

KEYWORDS. architecture, commensurability, internal construction, internal geometry, secret geometry, harmonic

meshing, visual consonant forms, stylization of forms.

Introduction

La peinture occidentale s'est développée à partir du XII éme siécle à Sienne, puis à Florence. Dès son

origine, les peintres possédaient un savoir-faire géométrique hérité de l'art byzantin où les

représentations murales sont réduites à des graphismes et à des formes géométriques savantes ou très

recherchées. Cette pratique géométrique s'est aussi enrichie, du formalisme de l’art gothique qui leur

est parvenu à travers les enluminures venues de l'Europe du nord. Enfin les peintres ont hérité de la

conception de Pythagore concernant l'harmonie des proportions décrite dans l’œuvre de Vitruve sous

le nom de symmetria.

La «symétrie» des Grecs diffère de la notre : elle suppose la commensurabilité des formes

géométriques entre elles. Respectant cette tradition, les peintres ont parfois choisi de modéliser certains

éléments picturaux par des formes visuelles consonantes. Deux formes visuelles sont consonantes

lorsqu'elles sont semblables et lorsque le rapport de leur surface est égal à l'un des rapports musicaux

(1, 1/2, 2/3, 3/4). C’est-à-dire : l'unisson, l'octave, la quinte, la quarte... Mais si ces rapports de surface

à G. de La Tour. Editions

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1 J-P. Crettez: [2] Les supports de la géométrie interne des peintres : de Cimabue ISTE (2017).

1


sont rationnels, les rapports de longueur sont irrationnels. Pour déterminer ces dimensions

irrationnelles, les peintres ont tracé leurs compositions sur un maillage harmonique. Dans un tel

maillage, chaque maille a pour côtés : 1 et √2, et la diagonale vaut √3.

Pour certains peintres, comme Léonard de Vinci, les formes créées par la nature ne sont pas

aléatoires, elles sont dues à la Nécessité. Elles peuvent être modélisées de façon parfaite, par des

courbes géométriques simples. D' autres peintres comme G. de La Tour ont aussi cherché la stylisation

des formes.

Grâce à cette culture géométrique, les peintres ont établi leur composition à l'aide d'une construction

interne rigoureuse leur permettant de dresser le cadre, donner la profondeur à la scène, tracer les lignes

directrices, établir les symétries (ou les asymétries), répartir les masses colorées, disposer les

personnages, positionner les éléments picturaux, distribuer la lumière.

Méthodologie

Le peintre, d'abord artisan puis artiste, n’établit pas la géométrie interne directement sur la fresque

ou sur la toile, mais de préférence sur un patron. En effet, sur un patron, il est facile de tisser une trame

géométrique régulière, que nous avons appelée maillage. Le plus souvent le peintre préfère utiliser un

maillage harmonique qui présente des propriétés particulières. Sur ce patron, il est facile de dresser les

lignes directrices, d'établir les relations entre les éléments picturaux, et de tracer leur forme stylisée à

l'aide d'un compas ou d'un ellipsographe.

Lorsque l'étude de la composition est achevée, l'artiste peut transférer le patron sur la toile (par

exemple par la méthode du poncif). Alors, il n'est plus nécessaire de transcrire le maillage et les lignes

de construction ; seules sont reportées les formes esquissées à partir de cette géométrie : les limites des

ombres et des lumières, les contours des personnages, parfois certains axes, autant d'éléments qui

permettent de parvenir à la pureté des lignes, à la stylisation des formes. Enfin, l'établissement d'un

patron permet d’effectuer des répliques : elles sont nombreuses dans l’œuvre de G. de Latour.

C'est pourquoi, le tracé du maillage ou de l’armature 2 , et celui de la géométrie interne n'apparaissent

pas dans l'œuvre peinte, ni dans son image radiographique, ni dans son image infra-rouge : la

géométrie interne demeure secrète. Mais, lorsque celle-ci a été tracée sur les nœuds d'un maillage

carré ou harmonique, les éléments picturaux issus de la géométrie interne sont quantifiés, la géométrie

interne devient discrète. Détecter la géométrie interne, c'est retrouver dans le non-visible, les éléments

de construction du visible.

Particularités des œuvres de G. de La Tour

G. de La Tour 3 est né en Lorraine, à Vic-sur-Seille en 1593, puis plus tard s’est établi à Luneville.

Malheureusement, aucune de ses études, aucun de ses dessins préparatoires, expliquant ses méthodes

de travail ne nous sont parvenus. Bien plus, la difficulté pour analyser les œuvres de La Tour, provient

du fait que les toiles qui nous sont parvenues ne sont pas toujours dans leur format d'origine, et il n'est

alors plus possible de se référer au cadre de la toile. Il faut faire une distinction entre le format de la

composition et sa transcription sur la toile. Certaines toiles ont subi au cours des siècles des altérations

(par exemple des troncatures caractérisées par une absence de guirlandes de tension). Certaines toiles

ont été raccourcies comme La Diseuse de bonne aventure, d'autres agrandies vers le haut comme Le

Tricheur à l'as de carreau. Pour d'autres toiles, nous ne disposons que de données numériques acquises

avec le cadre de bois, et dont la position des bords est par suite imprécise, entraînant une incertitude

sur la correspondance entre l’image numérisée et les dimensions initiales du tableau.

2 Ch. Bouleau : [1] Charpentes : La géométrie secrète des peintres.

3 A. Reinbold :[ 4] Georges de La Tour.

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2


D’autre part, l’œuvre de G. de La Tour ne présente ni perspective, ni point de fuite. Il s’agit le plus

souvent de scènes d’intérieur où il n’y a ni murs, ni poutres au plafond, ni portes, ni fenêtres, ni

carrelage. Alors comment procéder ? Nous sommes conduits à effectuer des observations sur les

éléments picturaux eux-mêmes. Car G. de La Tour a souvent cherché la stylisation des formes, qu'il a

modélisées par des courbes pures comme des arcs de cercle ou d’ellipse dont les paramètres peuvent

être déterminés graphiquement (sans calcul) à partir de ce maillage.

Les propriétés de ces différents éléments géométriques et leurs relations topologiques nous

permettent de proposer des hypothèses de maillage, de tester les accords des éléments du tableau avec

ce maillage, puis de reformuler d'autres hypothèses jusqu'à obtenir le plus de points de concordance

possibles, et nous conduisent ainsi à proposer une géométrie interne pour ce tableau.

C’est en appliquant cette méthode que nous avons pu retrouver le maillage harmonique et la

géométrie interne de L'Apparition de l'ange à saint Joseph, toile peinte par Georges de La Tour à la fin

de l'année 1640, qui représente un thème associé à une "Annonciation".

Géométrie interne de L'Apparition de l'ange à saint Joseph

Figure 1. G. de La Tour : L'Apparition de l'ange à saint Joseph (musée des Beaux-Arts, Nantes). Le tableau a

pour dimensions : 93 cm de hauteur et 81 cm de largeur. La signature située en haut à droite a été tronquée.

La signature tronquée, située en haut à droite, indique sans équivoque que le tableau a connu des

manipulations qui en ont ici modifié le format sur la droite et probablement un peu vers le haut.

L’image de la signature comparée à celle 4 du Saint Thomas à la pique (Louvre) (figure 1 à droite)

montre qu'il ne reste que l'extrémité gauche de la hampe inférieure de la lettre "f" du mot "fecit".

ou les Chefs-d’œuvre révélés.

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4 A. Reinbold : [4] Signatures et documents d'archive, in Georges de La Tour p.72

3


Compte tenu de la largeur du mot "fecit" et d'une marge à droite, il faut s'attendre à ce que le tableau

d'origine, et la composition soient de l'ordre de 15 à 20 % plus large.

À cause de son coloris l'œuvre a souvent été rattachée au Saint Joseph Charpentier du même auteur.

"On s'accorde généralement à reconnaître que le coloris rattache encore l'œuvre au Saint Joseph du

Louvre" 5 . Mais dans cette dernière œuvre, les personnages se trouvent en pied, contrairement à ceux

du tableau de Nantes. La composition avait-elle un format plus grand que celui de la toile actuelle ?

L'auteur a-t-il peint une version plus resserrée ?

Pour déterminer la géométrie interne, du tableau, il n'est donc pas possible de se fier à son cadre. On

ne peut que s'appuyer sur des éléments caractéristiques présents dans l'œuvre elle-même. À part l'axe

de la chandelle, il n'y a pas d'élément linéaire. Aussi, nous commencerons par modéliser les deux

éléments picturaux qui nous semblent essentiels (figure 2) : la tête de l'ange et de celle de Joseph.

Figure 2. Modélisation de la tête de l'ange et de celle de Joseph.

La forme du crâne de l'ange (figure 2.1) suggère un contour elliptique partiel de la tête. L'ellipse est

centrée à la hauteur de la tempe sur la mèche blanche. Le grand axe de l'ellipse est orienté suivant un

angle dont la tangente vaut √2 = 1,414. Ce qui correspond à un angle de 54°,74 par rapport à la

direction horizontale. La forme du crâne de Joseph (figure 2.2) suggère aussi un contour partiellement

elliptique. L'ellipse enveloppe également le dos de sa main droite. Elle est centrée à l'arrière de la joue

gauche. Le grand axe de l'ellipse est orienté symétriquement par rapport à la tête de l'ange, suivant un

angle dont la tangente vaut également √2=1,414. Ce qui correspond à un angle de 54°,74 par rapport à

l'axe horizontal. Cette orientation est celle de la diagonale de la maille, ell est caractéristique du

maillage harmonique. Il faut donc s'attendre à ce que cette œuvre soit construite su un tel maillage.

Recherche du maillage de la composition

Nous possédons maintenant trois éléments à partir desquels nous pouvons tenter de retrouver le

maillage et la géométrie interne : l'axe de la chandelle, la position des centres O' et O" des ellipses qui

modélisent respectivement la tête de l'ange et celle de Joseph, et l'orientation du grand axe de ces

ellipse. Nous faisons l'hypothèse qu'étant donnée leur importance, les centres O' et O", doivent

correspondre à des nœuds du maillage. Par ces points passent donc aussi des droites horizontales et

verticales du maillage (figure 3).

5 J. Thuillier : [6] Georges de La Tour.

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Par la chandelle passe l'axe vertical AA'. Par O' et O" nous faisons passer les droites verticales BB'

et CC'. On remarque que le rapport de la distance X entre l'axe BB' à l'axe AA' et de la distance Y

entre l'axe CC' à l'axe AA' est égal à 2/3. Ces deux distances doivent contenir un nombre entier

d'intervalles. L'hypothèse la plus simple est de proposer 2 espaces pour X et 3 espaces pour Y. Nous

obtenons ainsi la valeur de la largeur L de la maille. À partir de cette valeur et en tenant compte de la

coupure du tableau à droite, il est possible de proposer une partition de la largeur de la composition en

10 espaces horizontaux.

Figure 3. Détermination du maillage et

originel de la composition.

Figure 4. Position de la tête des

personnages du format.

Nous remarquons que la différence de hauteur Z entre le centre O' de la tête de l'ange et le centre

O'' de celle de Joseph est telle que Z= X/√2 = L√2. Cette différence de hauteur Z correspond donc à la

hauteur h = Z = L√2 de la maille. G. de La Tour a donc construit sa composition sur un maillage

harmonique (figure 3).

Nous reportons maintenant la direction du grand axe de l'ellipse entourant la tête de l'ange et celle

du grand axe de l'ellipse entourant la tête de Joseph (figure 3). Ces directions se rencontrent sur le

maillage au point en O qui se trouve sur une verticale du maillage . L'hypothèse la plus vraisemblable

est que le point O soit le centre de la composition.

Le prolongement des droites OO' et OO" vers le haut et vers le bas correspond aux diagonales

principales de la composition : EE' et FF'. Le prolongement vers le bas nécessite de rajouter trois

espaces verticaux. Ainsi, la composition (figure 3) qui est à l'origine du tableau devait probablement

être basée sur un maillage harmonique 10x10. L'écart entre la composition et les dimensions réelles du

tableau montre que ce dernier a été coupé sur plusieurs côtés. Cependant, la coïncidence entre la

troisième ligne du maillage et la limite inférieure de la toile peut laisser supposer que pour cette

version, l'artiste n'a pas retranscrit sur la toile le bas de la composition.

Format de la composition

Connaissant les dimensions du tableau actuel et sa position par rapport à la composition, il nous est

possible de donner une estimation de la taille de la composition lorsqu'elle est projetée sur le tableau.

Les dimensions de la composition seraient de 103.8 cm x 146,8cm. La largeur de la maille L serait de

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10,4cm et la hauteur h de 14,7cm. Les dimensions de la maille seraient légèrement supérieures à celles

du Saint Joseph charpentier 6 qui sont de 9.5cm x 13,5cm.

Position de la tête des deux personnages

La tête de l'ange (figure 4) est située au centre du rectangle AFTS dont les diagonales sont formées

par la droite AT, parallèle à la diagonale EE', et par la diagonale FF'.

La droite D'D tracée sur les nœuds du maillage, passe également par le point O', mais à cause des

propriétés du maillage, elle est orthogonale à la diagonale FF'. Comme nous le verrons, elle sert de

support au petit axe de l'ellipse enveloppant la tête de l'ange. La tête de Joseph est située au centre du

rectangle EAS'T' dont les diagonales sont formées par la droite AT', parallèle à la diagonale FF', et

par la diagonale EE'. Les rectangles AFTS et EAS'T' sont commensurables et commensurables avec

la composition. Ils sont dans le rapport 2/3.

La droite O'O'' est inclinée de 15°79, montrant l’ascendance de l'ange sur Joseph (figure 4). Le

rapport (OO"/ OO') est égal à 2/3. La droite O'O'' coupe l'axe de la chandelle AA' au point S'',

extrémité des doigts de la main gauche de l'ange. La flamme se trouve à l'intérieur du triangle isocèle

OO'O". La droite AA'' passe par W centre du parallélogramme AO'OO" et par le point O. Elle

partage le tableau en deux parties qui ont même surface. C'est un axe de symétrie asymétrique : au

visage lumineux de l'ange correspond le visage sombre de Joseph, au manteau sombre de l'ange

correspond le vêtement éclairé de Joseph.

L’architecture de la composition

Les droites TA'' et T'A'' complètent (figure 5) le tracé du parallélogramme ATA''T', centré en O,

qui sert de charpente à la composition. La surface du parallélogramme est de 48 fois la surface de la

maille, environ la moitié de la surface de la composition. On peut remarquer que la droite TT' est

orthogonale à la droite CC".

L'ellipse de lumière

Comme nous l'avons observé dans plusieurs de ses "Nuits", G. de La Tour, grâce à la chandelle,

créé au cœur de la scène, un espace fermé, saturé de lumière; creuset ellipsoïdal où s'effectue une

communion intime entre les êtres.

Cet espace est limité par une enveloppe créée par le jeu des lumières se réfléchissant sur les

personnages et sur leurs visages.

6 J-P. Crettez: [2] §. 9.3

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6


Figure 5. Architecture de la composition.

Figure 6. L'ellipse de lumière.

Ici, la flamme de la chandelle est cachée par le bras droit de l'ange. Elle illumine i le visage de l'ange,

qui irradie la scène, alors que Joseph semble embué de sommeil. Le spectateur se trouvant dans

l'obscurité, entraperçoit la scène à travers cette enveloppe.

La projection de cet espace de lumière sur le plan de la toile ou sur celui de la composition, présente

une forme elliptique : "l'ellipse de lumière". Elle semble passée par O' centre de la tête de l'ange. Le

grand axe de cette ellipse est généralement dirigé suivant un angle de 64°75. Elle a pour foyers K et

K'. Les paramètres de cette ellipse sont représentés respectivement par les côtés du triangle rectangle

IMN. Le demi-grand axe a est égal à 3 hauteurs de maille : a=3h = 3L√2. Le demi-petit axe b est égal

à la diagonale de trois mailles. : b = L√12. Et la distance focale f est égale à la diagonale de 2

mailles :f = L√6. Son excentricité vaut ε = 1/√3 = 0,5773, identique à celle des autres ellipses de

lumière que nous avons détectées dans d'autres œuvres du maître de Luneville. Là encore, l'un des

foyers, se trouve situé sur l'axe vertical de la chandelle. La chandelle est située à droite de l'axe médian

comme dans son Saint Joseph charpentier. Dans les "Nuits" de G. de La Tour, la chandelle n'est jamais

située au centre de la composition.

Les formes courbes ou elliptiques

En haut de la scène le bras droit de l'ange partage la lumière propagée par la chandelle, les contours

du bras peuvent être approchés par deux arcs d'ellipse (figure 7).

Une première ellipse est orientée horizontalement sur la première ligne du maillage, elle est centrée

en I ; les foyers sont les points M et N. La distance focale de cette ellipse (distance du centre au foyer)

vaut f = 2L. Cette portion d'ellipse semble passer par le point O' centre de la tête de l'ange. La partie

inférieure du bras de l'ange est modélisée par une autre ellipse qui est orientée verticalement. Elle est

centrée au point I' situé sur l'axe de la chandelle à mi-hauteur d'une maille. Les foyers sont les points

M' et N'. La distance focale de cette ellipse vaut f = h. Cette ellipse explique en partie la forme

distendue de la manche.

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7


Figure 7. Les formes elliptiques.

Figure 9. Construction de la composition.

Comme dans le Saint Joseph Charpentier, le bras produit ainsi une alternance rythmée de zones

d'ombre et de lumière, qui se continue avec le bord de la table, le bord du livre.

On peut observer (figure 7) deux autres formes elliptiques. Le contour de l'épaule gauche de Joseph

a la forme d'une demi-ellipse d'axe vertical centrée en J et sur l'axe horizontal médian. L’ellipse a pour

foyers les points P et Q situés au milieu des hauteurs de maille.

Enfin, comme la robe de la Vierge enfant dans son Éducation de la Vierge, la robe de l'ange est

assez arrondie. Elle prend la forme d'un quart d'ellipse allongée centrée en J' et dont les foyers R et R'

sont situés sur le maillage. Ces 4 portions d'ellipse contribuent à séparer les zones d'ombre des zones

de lumière.

Géométrie interne de la tête des deux personnages

Connaissant le maillage, il est maintenant possible de donner plus de précision sur la géométrie

interne de la tête de l'ange et sur celle de Joseph. Sur la figure 8, dans le voisinage de la tête des deux

personnages, le maillage (lignes rouges) a été subdivisé par 2 (lignes vertes), pour avoir plus de

précision.

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8


Figure 8. Géométrie interne de la tête de l'ange et de celle de Joseph.

L'ellipse de la tête de l'ange est centrée en O', elle est orientée selon la diagonale FF', elle a pour

foyers les points K et K' qui sont situés sur des nœuds de la subdivision du maillage. De façon

symétrique mais décalée en hauteur de la valeur d'une maille (figure 9), l'ellipse de la tête de Joseph est

centrée en O", et est orientée selon la diagonale EE', elle a pour foyers les points P et P' qui sont situés

sur la subdivision du maillage.

Les deux ellipses ont les mêmes paramètres : le demi grand axe a vaut a = L√(3/2), la distance

focale f est égale au demi petit axe b, et a pour valeur la moitié de la diagonale de la maille : f = b =

L(√3)/2. Les paramètres (a, b, f) de chaque ellipse peuvent être évalués directement sur le maillage par

une simple construction géométrique sans aucun effort de calcul.

Ces deux ellipses sont égales, elles ont même excentricité : ε = ε' = f/a = 0,707. Ce sont des ellipses

d'un type particulier 7 . Elles sont égales, symétriques, consonantes à l'unisson. Enfin, elles sont

complémentaires : les excentricités sont telles que : ε 2 + ε' 2 = 1.

Discussion

L'accumulation des correspondances, voire des accords entre les éléments de la scène et

l'organisation géométrique proposée, est suffisamment forte pour montrer qu’il s’agit bien d' une

composition élaborée sur un maillage discret, et dont les éléments picturaux sont précisément situés par

rapport à ce maillage. La recherche par le peintre d'une stylisation des formes explique pourquoi les

contours de certaines formes (têtes des personnages) peuvent être approchés par des arcs d' ellipse dont

les paramètres sont liés au maillage.

Construction de la composition

Pour établir sa composition, l'auteur a suivi la démarche inverse de la notre. Il a d'abord tracé (figure

9) un maillage harmonique vertical 10x10. Sur ce maillage, il a placé la chandelle sur la 4ème ligne

verticale, et choisi la position du centre de la tête de l'ange et de celle de Joseph. Autour de ces centres,

il a subdivisé le maillage par deux pour préciser la position des deux foyers, puis il a tracé les ellipses

7 Puisque a/b = √2, l'ellipse est inscriptible dans un rectangle harmonique. Cette ellipse est la limite entre les ellipses allongées (f>b)

et les ellipses arrondies (f<b). Une ellipse de même excentricité modélise la tête de Saint Jean-Baptiste (Saint-Jean Baptiste dans le

désert) de G. de La Tour. Mais aussi, une ellipse de même excentricité modélise la tête de la Dame à l'hermine peinte par L. de Vinci,

cent cinquante ans plus tôt. Voir l'image de la couverture du livre référencé : J.-P. Crettez [2].

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9


modélisant le contour de la tête des personnages et enfin, les autres lignes directrices comme les

courbes du bras de l'ange, le devant de sa robe...

Après avoir reporter les lignes principales du patron sur la toile, le maître peut alors appliquer toute

sa virtuosité, choisir ses couleurs parmi celles du spectre de la flamme, créer la transparence de la

main, ciseler la ceinture de perles et de jais. L'éclairage dû à la chandelle délimite des formes

géométriques d'apparence "naturelle" qui constituent des transitions entre l'ombre et la lumière. Ces

effets de contraste accentué 8 permettent de structurer l'espace, de donner l’illusion de profondeur et de

relief et de figer les attitudes pour créer ce "moment de grâce et de pure émotion" 9 .

G. de La Tour ne copie pas la nature. Grâce à la géométrie interne, il la recrée, pour aller au-delà du

réel et faire apparaître dans ces "Nuits" 10 une atmosphère particulière :

« Là, tout n'est qu'ordre et beauté 11 ,

lux, ombre et sérénité. »

Conclusion

Dans un maillage harmonique, les mesures sont partout présentes, discrètes, quantifiées, les

orientations également. Grâce au maillage il n’y a nullement besoin d’instrument de mesure pour

évaluer les distances ou de rapporteur pour apprécier les inclinaisons. Aucun calcul n’est nécessaire

pour dresser le maillage et déterminer graphiquement les paramètres de ces courbes. Sur ce maillage, il

est facile de disposer les personnages, de situer l’axe de la chandelle, de répartir les zones d’ombre et

de lumière, d’établir les relations entre les éléments picturaux, de tracer les droites, et de dessiner avec

précision les formes stylisées.

C'est en partie grâce à la détection de ces arcs d’ellipse, riches de renseignements topographiques,

que nous avons pu remonter jusqu'au maillage et à la géométrie interne de cette œuvre. Évidemment,

les peintres n'ont pas tous cherché la stylisation des formes, ni le dépouillement, néanmoins ils ont su

représenter le cadre dans lequel se déroule l'historia : scènes d'intérieur avec un carrelage, des murs,

des fenêtres, des croisées d'ogive, des poutres au plafond ou des plafonds à caisson : autant d'éléments

qui permettent de retrouver le maillage et la géométrie interne.

Bibliographie

[1] Bouleau Ch., Charpentes : La géométrie secrète des peintres, Le Seuil, Paris, 1963.

[2] Crettez J-P., Les supports de la géométrie interne des peintres : de Cimabue à G. de La Tour. Editions ISTE (2017).

[3] Cuzin J-P., "Georges de La Tour". In "Georges de La Tour", Réunion des Musées Nationaux, Galeries du Grand

Palais, 1997.

[4] Reinbold A., "Georges de La Tour." , Fayard, 1991.

[5] Reinbold A., in "Georges de La Tour ou les chefs-d'œuvre révélés " , Éditions Serpenoise 1993.

[6] Thuillier J., "Georges de La Tour." , Flammarion, Paris, 1992.

[7] Zolotov Y., "Le style de Georges de La Tour". In Georges de La Tour ou la nuit traversée, pages 159-171, Colloque

organisé à Vic-sur-Seille, 1993, Éditions Serpenoise.

8 Y. Zolotov : [7] Le style de Georges de La Tour

9 J.P. Cuzin : [3] "Georges de La Tour".

10 J-P. Crettez : [2] chapitre 9 : Toutes ces observations confirment celles que nous avions déjà faites lors de l'étude de cinq autres

œuvres du maître de Lunéville.

11 D'après Ch. Baudelaire : L'invitation au voyage.

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11


Grandd Hapalémur © F-G Grandin

Grand hapalémur s'alimentant de feuilles de bambou b ® F-G Grandinn

12


Site du

programme Bamboo lemur Vohitrarivo © S. Meys

13


Forêt de bambou, site du programme Bambooo lemur © F-G Grandinn

Tavy, Site du programme Bambooo lemur ® F-G Grandin n Helpsimuss

14


Suivi des lémuriens par des guides locaux © J. Catinaud

15


Une partie de l'équipe des guides © D. Roullet

16


Fête du Simus

© F. Perroux

Fête du simus © F-G

Grandin Helpsimus H

17


Les danseurs de kilalaky, Fête du simus © D. Roullet

1er spectacle de l'école de Sahofika, Fête du d Simus © F. Perroux

18


Spectacle des élèves de l'école d'Ambodigoavy à la fête du simus© D. Roullet

19


Le groupe de Volotora © D. Roullet R

Acrobaties dess danseurs Fête du simus© D. Roullet

20


Fresque de Menaba à l'école

d'Ambodimanga © M. André

21


Pièce Ecole Miracle, Fête malgache Mervent ® F-G Grandin

Fête malgache Mervent ® F-GG Grandin

22


Fête malgache Mervent ® F-GG Grandin

Exposition photo Montier en Der ® F-G Grandin G Helpsimus

23


Exposition Galerie Louchard ® F-G F Grandinn

Exposition Galerie Louchard ® F-G F Grandinn

24


25


La chimie génératrice de forme : végétation métallique

et jardins chimiques

Chemistry drawing forms: metallic trees and chemical gardens

Florence Haudin, Fabian Brau et Anne De Wit 1

1 Unité de Chimie Physique Non Linéaire, Université libre Bruxelles, boulevard du triomphe, campus de la Plaine,

Bruxelles, Belgique.

haudin.florence@gmail.com, fabian.brau@ulb.ac.be, adewit@ulb.ac.be

RÉSUMÉ. Certaines réactions chimiques produisent un solide et sont capables de générer des structures aux formes

étonnantes et caractérisées parfois par des propriétés géométriques remarquables comme l’auto-similarité. Cet article

s’intéresse à ces structures, à leur nature esthétique et s’attarde plus longuement sur les jardins chimiques, générés par

une réaction de précipitation, revisitée à l’aide d’une géométrie confinée qui produit des tableaux chimiques.

ABSTRACT. Some categories of chemical reactions lead to the formation of solid and are able to produce surprising

structures with special geometrical properties such as self-similarity. This paper deals with such structrures, emphasing

their aesthetical features and gives more details about chemical gardens, generated by a precipitation reaction, revisited

here in a confined geometry producing chemical paintings.

MOTS-CLÉS. Précipitation, végétation métallique, jardins chimiques, confinement.

KEYWORDS. precipitation reaction, metallic tree, chemical gardens, confinment.

1. Création de formes solides et transformations chimiques

Un état de la matière peut être transformé par un changement de phase thermodynamique. La transformation

de l’eau en glace ou le passage d’un métal de la forme liquide à la forme solide sont des

exemples familiers. Des réactions chimiques peuvent aussi entraîner des transformations de la matière.

Elles peuvent avoir lieu entre deux réactifs en solution ou entre un réactif liquide et un solide. Lors

de ces transformations, certaines formes rappelant des végétaux peuvent se former (dendrites dans les

roches calcaires, arbres métalliques, jardins chimiques etc...). Cet article est un voyage dans cet univers

de la morphogénèse de solides issus de changements de phase par voie chimique. Ces derniers présentent

des points communs avec les changements de phase thermodynamiques comme la solidification. Nous

introduirons deux types de réactions chimiques susceptibles de créer ou de transformer un solide.

1.1. La solidification

Dans certains cas quand une structure solide croît, il y a formation de dendrites (du grec dendron

signifiant arbre). Ce type de structure apparaît lors de la transition de phase du liquide au solide : la solidification.

C’est par exemple le cas dans les premiers stades de la formation de cristaux de glace. Lors du

processus de solidification, un front se forme, perpendiculaire à sa direction de propagation et séparant

la partie solide de la partie encore liquide. Ce front est instable et sensible aux moindres fluctuations de

température ou de concentration chimique. Cela a pour effet d’entraîner des modifications locales de la

vitesse du front, générant des ondulations au niveau de l’interface solide-liquide. A partir du sommet

d’une de ces ondulations, un cristal principal appelé tronc, peut se former. Généralement des cristaux

secondaires apparaissent perpendiculairement au tronc, pour constituer des branches. Celles-ci croissent

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avec une vitesse plus faible. Le processus se répète, créant ainsi une structure auto-similaire, c’est-àdire

qu’on retrouve la même structuration à des échelles différentes. Pour illustration, une dendrite de

glace est visible à l’oeil nu sur Fig. 1 a tandis que Fig. 1 b est une photographie de fougères nanostructurées

de cuivre générées par voie chimique et observées par microscopie électronique à balayage

(BAKTHAVATSALAM et al. 2016). La similarité de forme avec une vraie fougère est mise en évidence

par comparaison avec Fig.1 c. On peut constater que les différentes dendrites bien qu’observables à

des échelles très différentes possèdent la même morphologie en arbres avec ramifications. Comme pour

l’exemple des fougères nanostructurées, les dendrites peuvent apparaître dans le cas de changement de

phase induit par des processus chimiques comme détaillé dans les paragraphes suivants.

a)

C)

2 cm

Figure 1.: Exemples de structures dendritiques a) fleurs de glace de taille macroscopique, échelle non précisé, titre :

"Fleur de givre", auteur : A. Monnier, fichier source : Fleur_de_givre_L.jpg , Licence CC BY 3.0 desaturée par rapport à

l’original), b) dendrites nanostructurées ou fougère de cuivre observées par microscopie électronique à balayage (Source :

extrait et modifié à partir de BAKTHAVATSALAM et al. 2016, avec demande d’autorisation à la Royal Society od Chemistry

et c) vraie fougère : auteur F. Haudin.

1.2. Réaction de précipitation

Une réaction de précipitation est une réaction chimique dont le produit, communément appelé « précipité

», est peu soluble dans le solvant contenant les réactifs et génère donc un solide. Ce dernier peut être

amorphe (sans ordre à l’échelle microscopique) ou cristallin. Le solide formé peut, selon sa densité par

rapport à celle de la phase liquide, soit rester en suspension soit « couler » et venir se déposer au fond

du bain. En d’autres termes, la précipitation est l’inverse de la dissolution. Elle peut aussi se produire

conjointement à un phénomène de transport de matière comme la convection (mouvements naturels de

fluide sous les effets de différences de densité dues à des effets thermiques ou solutaux), l’advection

(mouvement forcé du fluide comme dans le cas par exemple de l’injection d’un fluide dans un autre)

ou la diffusion (migration lente d’espèce chimique dans un milieu pour homogénéiser la composition

chimique du milieu). Ces différents effets peuvent avoir un rôle crucial dans la formation de structures.

1.3. Réaction d’oxydo-réduction

L’oxydo-réduction entraîne une transformation de composés par échanges d’électrons. Prenons l’exemple

d’un fil de cuivre plongé dans une solution de nitrate d’argent et repris ci-après pour la formation d’arbres

métalliques.

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Les demi équations de la réaction et l’équation-bilan sont les suivantes :

Ag + aq + e − → Ag (1)

Cu → Cu 2+

aq +2e − (2)

2Ag + aq + Cu → 2Ag + Cu 2+

aq (3)

Dans ce cas, les ions argent jouent le rôle d’oxydant. Ils captent des électrons (réaction d’oxydation)

cédés par le métal cuivre. Ce dernier joue le rôle de réducteur (réaction de réduction). Autrement dit,

l’argent initialement présent sous forme d’ions en milieu aqueux produit un dépôt métallique. Le cuivre

métal est passé quant à lui en solution, où il est sous forme ionique.

2. Voyage au coeur d’une flore à base de métaux

2.1. Arbres métalliques

Nous venons d’énoncer le principe d’une réaction d’oxydo-réduction. Intéressons-nous à présent aux

formes de végétations métalliques, les dendrites, qu’elle peut générer. Dans le cas de la solidification

décrit précédemment, c’est la transition de phase qui les génère alors qu’ici c’est une réaction chimique

en solution aqueuse. Par exemple, l’arbre de Diane est produit quand on plonge un fil de cuivre dans

une solution de nitrate d’argent (Fig. 2 a). Après ajout d’une goutte de mercure, et après quelques heures

d’attente, des aiguilles d’argent ou dendrites apparaissent autour du fil et la solution se colore progressivement

en bleu : des ions cuivre Cu 2+ sont formés et passent en solution. Suivant les métaux impliqués,

les arbres ont des noms différents par référence à l’alchimie qui associe aux métaux du groupe I des

divinités de la mythologie grecque (Arbre de Mars : métal fer (limaille) + ajout de liqueur alcaline de

tartre (catalyseur); Arbre de Saturne : métal zinc + solution d’acétate de plomb ; Arbre de Jupiter : métal

zinc + solution d’ions étain).

1 cm 1 cm

a) b) c)

Figure 2.: Un exemple d’arbre et de dendrites métalliques : a) arbre de Diane formé en plongeant un fil de cuivre dans

une solution de nitrate d’argent. Titre : "Arbre de Diane (réaction avancée)", auteur : ΛΦΠ, fichier source : Arbre de Diane

(réaction avancée) 19.jpg , Licence CC BY 4.0, échelle non précisée, b) Dendrites de manganèse dans une roche calcaire et

c) dendrites de fer et de manganèse ayant grandi perpendiculairement à une fracture : auteur : F. Haudin.

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2.2. Dans les roches calcaires

Des structures dendritiques croissent dans certaines roches sédimentaires calcaires : il s’agit d’arborescences

de micro-cristaux de manganèse ou de fer. Nous pouvons en voir deux exemples sur les Fig.

2 b et c. Elles ressemblent à de petits végétaux. Elles apparaissent lorsque l’eau riche en manganèse et

en fer, oxydés par la présence d’oxygène dissout et de bactéries, circule dans les fractures de la roche

et les interstrates. Plus précisément, les dendrites se forment par dépôt dans les pores de la roche, larges

de quelques micromètres : les pores constituent donc un système ramifié dans la roche, avec comme

ciment des matériaux à base de manganèse et de fer. Le phénomène responsable de ces dépôts serait la

précipitation. Une hypothèse sur son origine serait une augmentation de pH comme une conséquence de

la dissolution du carbonate de calcium (solution basique donc de pH supérieur à 7). Ces précipitations

se produisent à partir de dépôts plus anciens et de même composition ou à partir de nouveaux points de

nucléation, avec pour phénomène de transport clé la diffusion : en effet, les composants diffusent radialement

à partir des points de nucléation d’origine. De cette façon, des dendrites en forme d’arbres ou

d’étoiles sont produites. Une fois formée, un nouvel apport en manganèse va conduire à une épaississement

et à un élargissement des tiges et des branches. Le même processus permet d’expliquer la formation

des dendrites de fer mais leur croissance à des stades plus avancés est plus difficile à atteindre.

2.3. Jardins chimiques

D’autres analogies de forme entre des structures chimiques et des végétaux existent. En dehors des

structures dendritiques rappelant des arbres, le cas des jardins chimiques est fascinant. Il s’agit de structures

en forme de filaments, rappelant les herbes frêles d’un jardin. Elles sont produites par une réaction

chimique de type précipitation, c’est-à-dire capable de produire un solide. Une illustration en est donnée

sur la Fig. 3 a, réalisée dans notre laboratoire, avec un bécher rempli de silicate de sodium et quelques

grains de sel métallique, du chlorure de cobalt essentiellement.

La version traditionnelle

Croissances chimiques

Les structures de type jardins chimiques ont été obtenues et observées pour la première fois au 17ème

siècle par Johann Glauber (GLAUBER 1646). Leur croissance spontanée et leur esthétisme ont depuis

suscité beaucoup de curiosité. Elles font régulièrement l’objet d’exposition ou sont le sujet de photos

artistiques (LES ATOMES CROCHUS). Trois phénomènes agissant de concert sont responsables de leur

formation : la réaction de précipitation, la poussée d’Archimède et la pression osmotique (induite par

la différence de concentration chimique de part et d’autre d’une membrane semi-perméable). Au début

du 20 ème siècle, les jardins chimiques ont été étudiés par un biologiste et chimiste français Stéphane

Leduc qui pensait, par leur intermédiaire, avoir identifié les mécanismes chimiques du vivant. Dans ses

ouvrages, « les mécanismes de la vie » ou « la biologie synthétique », il décrit notamment les nombreuses

croissances osmotiques qu’il a étudiées (LEDUC 1911). Les progrès de la biologie dans le milieu des

années 50, mettra un terme définitif à cette vision et à la possibilité de « créer de la vie » à partir de

composés inorganiques.

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Figure 3.: Exemple de jardin chimique : tiges ayant grandi de façon erratique à partir graines de sel métallique semées

dans un bécher rempli de silicate de sodium.

Mécanismes de formation

Dans sa version traditionnelle, l’expérience consiste à « semer une graine » de sel métallique dans un

verre liquide (silicate de sodium) ou une autre solution basique (à base de carbonate, d’oxalate...), véritable

terreau alcalin qui initie la croissance de structures tubulaires. En plaçant le sel métallique dans le

bain aqueux alcalin, celui-ci se dissout et forme une coque de précipité autour de la graine. Cette coque

est semi-permable et peut laisser passer l’eau de la solution extérieure qui est « pompée » sous l’effet de

la pression osmotique. L’apport d’eau permet à la dissolution du sel métallique de se poursuivre augmentant

la pression à l’intérieur de la coque jusqu’à ce que celle-ci rompe. La solution contenue à l’intérieur

de la coque, généralement moins dense, est expulsée vers le haut sous forme de jet. Au contact de la

solution alcaline, la partie extérieure de ce jet précipite pour former des structures tubulaires de forme

plus ou moins régulière.

Les variantes

Depuis la version traditionnelle, l’expérience originale a connu des adaptations à des fins de recherches

(BARGE L. et al. 2015). Un des buts visés est, par exemple, obtenir une croissance contrôlée des structures

tubulaires, en remplaçant notamment le solide de sel métallique par une solution aqueuse et en

l’injectant. Cette procédure permet de contrôler non seulement les concentrations mais aussi le débit

avec lequel la solution est injectée (THOUVENEL-ROMANS et STEINBOCK 2003). Cependant, ces structures

restaient tubulaires et tridimensionnelles. Nous avons mis en place une expérience similaire, à base

des réactifs habituels utilisés pour les jardins chimiques mais dans laquelle, nous avons réalisé des inc○

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jections en milieu confiné : ceci réduit la dimensionnalité des écoulements et des structures produites.

Notre objectif était d’aller plus loin dans le contrôle de la formation de couches de précipités. Dans ces

expériences, il est possible de capitaliser sur le nombre de paramètres accessibles que l’on peut faire

varier (concentrations, vitesse d’injection, confinement). Une autre option est l’alternance de réactifs différents

de façon à former des structures à couches multiples avec la possibilité de produire de nouveaux

catalyseurs ou des matériaux aux propriétés anisotropes. Le paragraphe suivant s’attache à décrire avec

plus de détails la procédure suivie pour obtenir ces structures.

La version confinée

Pour réaliser le confinement de l’écoulement, on utilise un dispositif expérimental consistant en deux

plaques transparentes en plexiglas entre lesquelles est placé un espaceur permettant de fixer la distance

entre les plaques (0.5 mm). Les plaques ainsi séparées sont maintenues fixes dans un cadre métallique.

Pour remplir le dispositif d’un premier réactif, la cellule est d’abord ouverte. On étale alors une nappe

d’un premier réactif sur la plaque du dessous. Cette dernière possède un trou auquel est connecté un tube

capillaire relié à un pousse-seringue qui permet d’injecter un second réactif. On vient ensuite positionner

la plaque supérieure. Une fois celle-ci placée, la cellule est donc remplie du premier réactif et le second

peut commencer à être injecté par le tube capillaire. Lors de l’injection, des motifs de précipitation sont

générés dans la zone de mélange entre les deux réactifs. Avec du chlorure de cobalt comme sel métallique,

différentes couleurs peuvent apparaître correspondant à différents produits de réaction. Les formes et les

couleurs obtenues dépendent des concentrations et de la vitesse d’injection. Notons enfin que la cellule

est placée au-dessus d’une table lumineuse (utilisée en dessin ou autre art graphique) permettant un

rétro-éclairage. Ainsi, quand la solution initialement contenue dans la cellule est transparente, le fond

sera blanc. Les dynamiques obtenues lors de l’injection sont filmées par dessus à l’aide d’une caméra

digitale fixée sur un pied. La plupart des photos ont été prises quelques minutes après la fin du processus

d’injection avec un appareil réflexe numérique muni d’un objectif macro ou un simple appareil compact.

3. Des formes chimiques variées

Une variété de formes a été obtenue en utilisant le dispositif décrit précédemment avec néanmoins

certains motifs récurrents. De plus, les transitions semblent progressives entre deux types de motifs

lorsque l’on fait varier la concentration du réactif injecté (HAUDIN et DE WIT 2015a). Sur Fig. 4 sont

représentées quelques une de ces morphologies : spirales, vers, fleurs, filaments, étoiles... La première

ligne contient le cas noté « injection directe » pour lequel du chlorure de cobalt (en rose) est injecté

dans du silicate de sodium (solution transparente). La seconde ligne contient le cas « injection inversée »,

obtenu en permutant le réactif injecté et celui déplacé. Notons qu’en général, les motifs sont différents

dans le cas direct et inversé (HAUDIN et al. 2015b) A. On le voit par exemple très clairement sur Fig. 4 d

et h où la réaction chimique est associée à une instabilité (réactif moins visqueux déplaçant un fluide plus

visqueux). La précipitation a alors lieu à l’intérieur de digitations ce qui n’est pas le cas dans la version

inversée de l’expérience pour laquelle l’écoulement est stable (HAUDIN et DE WIT 2015a).

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a) vers b) spirales c) filaments d)

fleurs

e) spirales f) spirales g) filaments larges h)

étoiles

Figure 4.: Exemples de morphologies de précipités obtenus dans une expérience de jardins chimiques en milieu

confiné pour le cas d’une injection directe (ligne1) et inversée (ligne 2) a)-e) C Co =0.63 MetC Si =0.63 M ; b)-f)

C Co =0.25 MetC Si =0.63 M ; c)-g) C Co =1MetC Si =3.13 M et d)-h) C Co =0.1 MetC Si =6.25 M. Le débit est

le même pour toutes les expériences et égal à 0.11 mL/s. Le champ de vue des différentes images est de 15 cm par 15 cm.

3.1. Des spirales

Pour toute une gamme de concentrations, les couches de précipité produites ont une forme spiralée

comme illustré sur Fig. 4 b et f. Après analyse d’un échantillon de plusieurs dizaines de spirales, il est

apparu que ces dernières sont logarithmiques. Ce type de spirales possède un lien avec le nombre d’or et

peut être tracé à l’aide de la série de Fibonacci comme illustré sur la construction avec les carrés de la

Fig. 5 a. Pour les spirales de l’expérience, leur croissance sous forme de couches de précipité enroulées

peut s’expliquer par ajouts successifs de petites quantités de solide à une des extrêmités (HAUDIN et al.

2014). Ce type de croissance logarithmique existe dans d’autres structures naturelles (coquillages, cornes

d’animaux etc...). De plus, les spirales logarithmiques sont récurrentes dans la croissance des plantes (les

éléments du cœur des fleurs ou les écailles des pommes de pin s’organisent sur des jeux de spirales d’or).

On leur associe la notion de proportions harmonieuses, utilisées parfois en art pour la construction de

tableaux, pour disposer les différents éléments au mieux (LIVIO 2003).

3.2. Des paysages abstraits

En dehors des spirales décrites précédemment, la croissance de jardins chimiques en milieu confiné

esquisse d’autres structures aux formes plus ou moins régulières. Le résultat peut s’apparenter à des

paysages abstraits. Certains motifs ressemblent à des algues irréelles aux teintes turquoises (Fig. 6 a), à

des arbres aux branches piquantes (Fig. 6 b) ou à des tressages de "lianes chimiques" (Fig. 6 c). Sur Fig.

6 d, des structures proches de spirales évoquent des formes aquatiques aux teintes vertes et bleues.

Par ailleurs, certaines structures précipitées sont constituées de couches parallèles entre elles. On peut

alors voir se dessiner des effets de relief, avec le même contour solide qui se reproduit, souvent à des

échelles différentes, une réplication à l’infini ou presque. C’est par exemple le cas pour des structures en

terrasses qui croissent à partir de filaments (Fig. 7 a) ou de vers précipités à un temps antérieur (Fig. 7 b

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a)

3+2=5 1

5+3=8

1+2=3

1+1=2

b)

2 mm

Figure 5.: a) Construction d’une spirale logarithmique avec des carrés contigüs dont les dimensions des côtés

décrivent la suite de Fibonacci (les carrés de couleurs réprésentent les 5 premiers termes de la série : 1, 1, 2, 3,

5 et 8) et b) exemple de couche de précipité en forme de spirale logarithmique ( C Si =0.63 MetC Co =0.25 M).

et 8 a). Cette multiplication de contours semblables se produit également avec les spirales comme illustré

sur Fig. 8 b. Les toiles ainsi esquissées chimiquement évoquent les séries "Conte de pistils et étamines"

du peintre abstrait Frantisek Kupka (Fig. 8 c). L’artiste y représente de façon symbolique la fécondation

des fleurs dans une vision qui donne le vertige, dans une accumulation de formes et de strates. A la

différence du tableau qui présente une plongée vers le centre, les jardins chimiques ont plutôt tendance à

donner une illusion de structure en hauteur qui surgit du plan.

Cette impression de relief est aussi présente pour certaines structures de types filaments inversés : ceuxci

sont striés de fins contours de précipités, comme si ces grands filaments étaient annelés et articulés à

la façon des vers de terre (Fig. 7 c). La Figure 7 d quant à elle, montre des structures qui présentent des

plis, produisant un effet de drapé, avec à nouveau la sensation visuelle d’un relief alors que les structures

sont confinées dans un espace d’épaisseur un demi millimètre.

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a) b)

c) d)

1 cm 1 cm

5 mm

1 cm

Figure 6.: Paysages abstraits produits par jardins chimiques en milieu confiné obtenus pour les concentrations

chimiques suivantes : a) C Co =0.25 MetC Si =6.25 M, b) C Si =6.25 MetC Co =1M, c) C Si =3.13 MetC Co =1

Metd)C Co =0.2 MetC Si =6.25 M.

Conclusions

Dans cet article, nous avons montré quelques exemples de structures chimiques formées par réaction

chimique créant des solides (dendrites dans les roches, arbres métalliques et jardins chimiques). L’accent

a été mis sur les propriétés géométriques de ces structures. Nous avons décrit plus en détails les motifs

créés dans l’expérience de jardins chimiques en milieu confiné que nous avons mise au point. Ce procédé

permet de générer différents types de motifs quasi 2D en faisant varier les concentrations des deux

réactifs. En particulier, des motifs en formes de spirales ou des motifs en couches ou en terrasses sont

passés en revue. De façon, un peu plus générale, le confinement permet d’observer des motifs dont

certains évoquent des tableaux abstraits.

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a) b)

1 cm 1 cm

c) d)

1 cm 5 mm

Figure 7.: Effets géométriques : a) structures formées autour de filaments (C Co =0.25 MetC Si =1.25 M) et b) autour

de vers pour une solution de sel de calcium colorée en bleu à la place d’un sel de cobalt (C Ca =2MetC Si =0.63 M), c)

grand filament strié de lignes avec un effet de coude et de bourrelets (C Si =6.25 MetC Co =1.38 M) et d) impression de

plis comme le drapé d’un tissu, avec illusion de relief (C Si =0.63 MetC Co =0.25 M).

a) b) c)

1 cm

Figure 8.: Une comparaison entre jardins chimiques en milieu confiné et art abstrait : a) motifs en strates autour de

structures de types vers (C Co =1MetC Si =0.63 M, champ de vue : 15 cm par 15 cm), b) motifs obtenus par des couches

de spirales ( C Co =0.25 MetC Si =0.63 M) et c), "Conte de pistils et étamines 1 " de F. Kupka ADAGP, Paris, Credit :

Photo (C) Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet.

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Bibliographie

BAKTHAVATSALAM R. et al., "Solution Chemistry based Nano-structuring of Copper Dendrites for Efficient use in Catalysis

and Superhydrophobic Surfaces", RSC Advances 6, 8416-8430 (2016).

GLAUBER J.R. , Furni Novi Philosophici (1646), Fabel, Amsterdam.

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Science et poésie s’opposent-elles ?

Are science and poetry in contradiction with each other?

Éric Dausse 1

1

Inserm Unité 1212 – CNRS UMR 5320 – Université de Bordeaux, windausse@cegetel.net

RÉSUMÉ. Science et poésie s’opposent-elles ? À la recherche d’éléments de réponse à cette question, l’auteur propose

de retracer succinctement une histoire des relations fluctuantes entre science et poésie. Plusieurs aspects liant science

et poésie, tels que le processus de création, la vulgarisation poétique de la science qui participe à notre vision

constamment renouvelée du monde, et l’engagement politique des acteurs de l’une et de l’autre, sont abordés. En

conclusion de l’article, l’auteur souligne les causes possibles de l’éloignement entre science et poésie et pointe du doigt

notamment les réactions et les espoirs que chacune engendre.

ABSTRACT. Are science and poetry in contradiction with each other? Looking for answers to this question, the author

attempts to recount briefly the history of the changing relationship between science and poetry. Several aspects which

link science and poetry such as the creation process, the poetical popularization of science which contributes to our

constantly renewed vision of the world and the political commitment of both scientists and poets, are addressed. In

conclusion the author underlines the probable causes of the distance between science and poetry and particulary points

at the reactions and hopes that each discipline generates.

MOTS-CLÉS. Science, poésie, relations, historique, rationalité, imaginaire, vulgarisation, création, engagement politique,

progrès, espérance.

KEYWORDS. Science, poetry, relationship, historical, rationality, imaginary, popularization, creation, political

commitment, progress, hope.

Introduction

Le thème « science et poésie » semble si vaste qu’il convient de circonscrire le propos de cet article

à une interrogation précise mettant science et poésie en rapport.

Une question évidente s’impose : science et poésie s’opposent-elles ? Ou, autrement dit, le rationnel

de l’une s’oppose-t-il à l’imaginaire de l’autre ?

Cette interrogation a été l’occasion de retracer une brève histoire des relations liant les deux

disciplines. Ainsi, selon le magnétisme de l’époque, une alternance d’attraction et de répulsion a

façonné la relation entre science et poésie ; suivant les forces de la nature, de la religion et du pouvoir.

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À la recherche de convergences entre science et poésie, certains auteurs ont décrit une similitude

dans les processus de création chez les scientifiques et chez les poètes. En effet, il semble que la

création d’une œuvre scientifique ou poétique se manifeste par une même humeur, inventive et

constructive.

Avec Lucrèce, la poésie fut longtemps un hymne à la nature et l’écriture en vers un moyen de

transmettre le savoir. Plus récemment, nombreux sont les scientifiques qui ont recours à la

vulgarisation « poétique » des connaissances. Ce travail participe à une nouvelle vision du monde et à

la démocratisation du savoir comme la poésie le fit durant des siècles.

Enfin, science et poésie se caractérisent par ce qu’elles ont en commun de politique. En effet,

nombreux sont les scientifiques et poètes qui se sont engagés contre l’oppression dans un désir de

liberté et une exigence d’égalité.

Bref historique des relations entre science et poésie

La poésie : support de diffusion de la religion et du savoir

La poésie constitue depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, et même jusqu’au XVIII e siècle, le

support de l’expression religieuse ainsi que le mode de diffusion du savoir. Traités de physique et de

philosophie s’écrivent pour la plupart en vers. Par exemple, à l’époque de la Rome antique, Lucrèce

rédige en vers le traité De Rerum natura ou De la Nature des choses qui inclut le chapitre traitant de sa

« théorie de l’atome » (1).

Au XII e siècle, la religieuse, Hildegarde de Bingen, auteure de poésie, écrit des traités de médecine

sur les vertus thérapeutiques des plantes et aborde des questions se rapportant à la sexualité et à la

chair, mêlant ainsi dans ses textes nature et religion (2, 3, 4).

Au XIII e siècle, Guillaume de Lorris écrit la première partie du Roman de la rose en se concentrant

sur son héros en lutte avec le bien et le mal. Ce long poème est achevé par Jean de Meung qui ajoute

17 000 vers de discussions philosophiques et scientifiques (5, 6, 7).

Un siècle plus tard, dans certains passages de La Divine Comédie, elle aussi rédigée en vers, Dante

étudie des phénomènes physiques de la nature, dont l’observation de la réfraction de la lumière. Dante

est ainsi surnommé « le poète de la physique » (8, 9).

Éloignement de la poésie et de la science

À la fin du Moyen Âge, Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard et plus largement les poètes

rassemblés dans « La Pléiade » s’ancrent dans une poésie lyrique et métaphysique. Ronsard, par

exemple, avec l’écriture des Hymnes, dont Les Astres, entretient une vision contemplative de l’univers

et ne tient pas compte les découvertes en astronomie de Copernic (10). La poésie repose avant tout sur

l’éloge de la nature et de Dieu, et s’oppose à la science. Ainsi, dans cette optique, Guillaume du Bartas

écrit un poème sur l’origine du monde et le cosmos, intitulé La Septaine, dans lequel il rend hommage

à Dieu. Pour du Bartas, la poésie doit célébrer le Tout-Puissant. Lui aussi ignore le système de

Copernic et conserve une représentation géocentrique de l’univers (11). La domination de la poésie

descriptive liée à la religion demeure prépondérante. L’éducation religieuse du XVI e siècle prime sur le

savoir, la foi sur la raison.

Au XVII e siècle, la littérature et la religion font obstacle à la science qui connaît pourtant un essor

considérable, passant de l’observation à l’expérimentation. Le procès de Galilée par l’Inquisition

symbolise parfaitement la méfiance que cet essor des sciences provoque chez les religieux. Quelques

décennies plus tard, cette divergence entre littérature et science est illustrée par le poète Jean de La

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Fontaine et son Discours à Madame de la Sablière : il s’y oppose au philosophe rationaliste et

mathématicien René Descartes et à son Discours de la méthode (12, 13).

Au XVIII e siècle, science et poésie s’éloignent plus encore ; la rationalité de la science s’opposant à

l’imaginaire de la poésie, mais aussi à l’esthétisme de « la belle nature » dont les arts, au sens plus

large que la poésie, se font l’écho (14). À partir de la seconde moitié du XVIII e siècle, avec l’édition de

L’Encyclopédie raisonnée des sciences, des arts et des métiers dirigée par Diderot et d’Alembert,

œuvre clé de l’histoire des sciences et véritable reflet de l’esprit philosophique et scientifique du siècle

des Lumières, sciences et connaissances s’imposent à la royauté et à l’autorité spirituelle (15).

À cette époque, en Allemagne, Schelling et Hölderlin, sont partisans de la poésie romantique et de la

critique de la raison. Outre-Rhin, science et poésie ne s’opposent pas vraiment ; il y aurait plutôt entre

elles une hiérarchie établie. Ainsi Schelling clame-t-il que : « sciences et philosophie sont sorties de la

poésie et que toutes y retourneront » (16).

Le temps des tentatives de rapprochement de la poésie et de la science

En la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle, les grandes avancées technologiques

transforment le discours poétique et inspirent de nombreux poètes dont le premier prix Nobel de

littérature en 1901, Sully Prudhomme, traducteur de De Rerum natura. Le Parnasse contemporain,

œuvre collective rédigée par 99 poètes, auquel Sully Prudhomme participe, s’oppose à la poésie

romantique, et « met à l’honneur l’excellence, le travail et la rigueur » (17, 18).

Pour définir les liens étroits qui existent à cette époque entre poésie et mathématiques, Philippe

Seguin écrit en 1998 un article qui décrit le rapport aux sciences de trois poètes (19). Les poètes

« romantiques » ou « symbolistes », Novalis, Edgar Poe et Stéphane Mallarmé, appellent à une

modernité de la poésie. Il s’agit pour eux de rechercher un langage poétique fondé sur une méthode

aussi rigoureuse que scientifique. Ainsi, Friedrich dans son ouvrage La Structure de la poésie moderne

écrit que, pour Novalis, la poésie s’apparente à une « construction », identifiant la poésie à l'algèbre

comme en témoignent les fragments à l’écriture mathématico-poétique (20, 21). Edgar Poe, auteur de

Eurêka et surnommé « l’ingénieur littéraire » par Paul Valéry, partage avec Novalis le même objectif,

c’est-à-dire qu’il s’agit pour eux de se saisir de l'infini : « Mon dessein est de démontrer [...] que

l'ouvrage a marché, pas à pas, vers sa solution avec la précision et la rigoureuse logique d'un

problème mathématique » (22). Mallarmé, quant à lui, ne possède aucune attirance pour les sciences,

mais il comprend que la poésie dans sa recherche d’absolu ne peut lutter avec les mathématiques :

« L'infini sort du hasard, que vous avez nié. Vous mathématiciens expirâtes — moi projeté absolu.

Devais finir en Infini. [...] Ceci devait avoir lieu dans les combinaisons de l'Infini vis-à-vis de luimême.

» (19, 23). Force est de constater qu’en cette fin du XIX e et début du XX e siècle, la poésie

devient de plus en plus rigoureuse, cherchant de la sorte à emboîter le pas des sciences qui avancent à

une vitesse vertigineuse. La poésie ne doit plus seulement répliquer la nature ou exalter le divin, mais

se voit contrainte à rechercher une substance nouvelle. Apollinaire fait allusion à cette nécessité dans

L’Esprit nouveau et les poètes (24). Il termine ce texte par une interrogation : « Peut-on forcer la

poésie à se cantonner hors de ce qui l’entoure, à méconnaître la magnifique exubérance de vie que les

hommes par leur activité ajoutent à la nature et qui permet de machiner le monde de la façon la plus

incroyable ? » et y répond par « les prodiges parleront d’eux-mêmes et l’esprit nouveau, qui gonfle de

vie l’univers, se manifestera formidablement dans les lettres, dans les arts et dans toutes les choses que

l’on connaisse ».

René François Ghilbert, dit Ghil, fonde Les Écrits pour l’art, une revue qualifiée de « poésie

scientifique » dans laquelle il s’oppose aux poètes symbolistes. Il travaillera plus particulièrement sur

la relation entre sonorité et écriture. Son œuvre avant-gardiste est publiée en 1923 dans un recueil

anthologique : Les Dates et les œuvres, symbolisme et poésie scientifique (25).

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En Italie, le futurisme, fondé en 1909 par Tommaso Marinetti, expérimente les possibles de

l’écriture avec son Manifeste du futurisme en glorifiant la science et en faisant table rase du passé (26).

Ce courant qui s’étend à tous les arts fait l’apologie du modernisme, de la vitesse et de la technologie.

Le mouvement futuriste sera néanmoins balayé par l’épisode du dadaïsme qui prône le néant et

s’oppose au progrès.

En 1924, Le Manifeste du surréalisme d’André Breton remet en cause l’ordre établi, la logique et les

limites d’une civilisation asservie à l’utile (27). Toutefois, les surréalistes sont proches des thèses

freudiennes et participent à l’exploration systématique de l’inconscient, notamment en s’exerçant à

l’écriture automatique. Leurs écrits sont une révolte qui appelle à libérer l’homme de l’emprise de la

société.

En 1954, Francis Ponge, avec son Texte sur l’électricité, et Roger Caillois dans son ouvrage

intitulé : Les Minéraux envisagent de nouvelles voies pour la poésie et tout particulièrement le chemin

d’une poésie scientifique et descriptive (28, 29). Un courant appelé « OuLiPo » pour « Ouvroir de

Littérature Potentielle » constitué de poètes, écrivains, intellectuels, peintres et mathématiciens est créé

en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais. Leur objectif est de puiser dans l’imagination

tout en introduisant des contraintes à la forme poétique. Par exemple, de la combinatoire des mots naît

Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau ainsi qu’une histoire du monde et des avancées

scientifiques sous le nom de Petite Cosmogonie portative (30, 31, 32). Dans le même esprit de quête de

l’origine paraît Le Grand Œuvre de Pierre Emmanuel, puis trois ouvrages de Maurice Couquiaud

consacrés à l’histoire de l’humanité, du Big Bang jusqu’au Big Crunch (33, 34, 35, 36). En fait,

l’origine et les infinis sont des thèmes parmi les plus fréquemment explorés chez les poètes intéressés

par les sciences.

Plus récemment, une nouvelle poésie (ou bio-art) ainsi que la « space poetry » sont fondées à partir

de nouvelles formes d’écriture informatique, de système de communication et d’éléments biologiques

tels que les manipulations génétiques (GFP Bunny) (37).

Enfin, parmi d’innombrables auteurs, scientifiques et poètes du XXI e siècle, Laurent Contamin avec

ses Cent Haïkus pour le climat, proches de la préoccupation majeure qu’est l’écologie, participe à

l’enrichissement des liens entre poésie et science. Les graves questionnements scientifiques qui

concernent l’avenir de notre planète y étant abordés sous la forme de haïkus, écriture poétique

ancienne et structurée de l’éphémère, venue du Japon (38).

Science et poésie, entre confluences conceptionnelles, didactiques et politiques

Le processus de création en science et poésie

Scientifiques et poètes ont une méthode analogue, si l’on entend par méthode en poésie ce que l’on

pourrait nommer « méthode scientifique de versification ». Tandis que la science se tient à des critères

et des règles validées par la communauté scientifique, la poésie semble aussi soumise à des usages

réglementés.

L’écriture de vers, excepté les vers libres apparus récemment, a toujours répondu à des règles

précises. Ces règles et leurs exigences peuvent-elles être assimilées à une forme de science de la

poésie, qu’il s’agisse de la structure du poème (tercet, quatrain, acrostiche, haïkus, tanka, etc.), de la

structuration des vers (octosyllabe, décasyllabe, alexandrins, etc.) ou encore de l’écriture sous forme

géométrique (30, 31, 32, 39) ? Parler de rationalité de la poésie serait faire affront aux poètes qui

voient au-delà de ces règles une poésie vivante et libre. Ces réflexions autour de la science et de la

poésie pourraient être étendues à l’étude des similitudes entre science et musique, science et peinture

ou plus largement entre science et arts. L’art cinétique, l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, ou

encore le nombre d’or utilisé par de nombreux musiciens dont Erik Satie en sont quelques exemples.

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Peut-on dire qu’au-delà de la méthode les processus de création poétique et scientifique se

ressemblent ? D’après certains auteurs, notamment François Jacob, ces processus se décomposent en

trois phases : une période d’incubation, une étape de pulsion créative, un temps pour la vérification

(40). Commune aux sciences et à la poésie, cette étape de création fut décrite et nommée « Imaginaire

des idées » par Fernand Hallyn (41). La pulsion créative se manifeste chez les scientifiques par la

formulation exaltante d’hypothèses et chez le poète par la spontanéité peu prévisible du verbe.

Jean Bernard observe que « le savant découvre, l’artiste invente » : nous pouvons sans doute

présupposer que les zones du cerveau convoquées dans l’un et l’autre de ces exercices se ressemblent,

mais ne sont pas tout à fait les mêmes ou, malgré leur ressemblance, ne fonctionnent pas tout à fait de

la même manière, rendant ainsi cette comparaison assez aléatoire (42).

Néanmoins, il va sans dire qu’une étrange prédisposition commune ou, tout du moins, qu’une

interrogation commune aux scientifiques et aux poètes semble exister. Ainsi, en 1960, Saint-John Perse

souligne cette hypothèse dans son discours de Stockholm, mais précise que le mode d’investigation

diffère chez les uns et les autres : « Mais du savant comme du poète, c’est la pensée désintéressée que

l’on entend honorer ici. Qu’ici du moins ils ne soient plus considérés comme des frères ennemis. Car

l’interrogation est la même qu’ils tiennent sur un même abîme, et seuls leurs modes d’investigation

diffèrent » (43, 44).

L’étape de vérification se caractérise chez le scientifique par la répétition de son expérience et chez

le poète par le perfectionnement de ses vers. Pour l’un comme pour l’autre, après l’immédiateté de la

création, rigueur et exigence s’imposent.

La vulgarisation poétique de la science

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Le monde et le regard que nous lui portons grandissent scientifiquement et poétiquement.

De nombreux scientifiques, dès le XIX e siècle, tels des poètes contemplatifs, se sont efforcés de

retrouver de la poésie dans la science et de mettre en avant leur capacité à s’émerveiller face à

l’immensité de l’univers ou la complexité de la nature, ceci afin de transmettre le savoir et de

démocratiser les sciences. À l’instar de la philosophie pour Aristote, science et poésie sont « filles de

l’étonnement ».

L’homme de poésie et de théâtre Maeterlinck témoigne avec son ouvrage sur La Vie des abeilles de

cette communion entre beauté du langage et description scientifique d’une organisation sociale

hétérogyne (45, 46).

Plus récemment, dans des ouvrages de vulgarisation scientifique, des hommes de science tels que

Hubert Reeves et Stephen Hawking s’émerveillent devant le cosmos, Jean Rostand devant ce

merveilleux phénomène qu’est la vie, Jean-Claude Ameisen et Yves Coppens devant l’extraordinaire

complexité du vivant et de son évolution, Jean-Pierre Changeux devant le dédale des connexions

neuronales des êtres humains, pour ne citer brièvement que ces quelques exemples (47, 48, 49, 50, 51,

52). Outre ces ouvrages de vulgarisation, des expositions grand public tentent de rapprocher arts et

sciences (53, 54, 55).

Pour résumer ce court chapitre, rappelons-nous ce que disait Jean Rostand : « Il n’est pas bon que

l’écrivain joue au savant, ni le savant à l’écrivain ; mais il n’est pas interdit à l’écrivain de savoir, ni

au savant d’écrire » (56).

L’engagement de la science et de la poésie

Le rapprochement entre science et poésie s’opère enfin grâce aux hommes ou femmes de sciences et

hommes ou femmes de lettres, en particulier compte tenu de leur capacité à s’engager.

41


La science et la poésie remettent parfois en cause, c’est-à-dire qu’elles s’opposent à. Qu’il s’agisse

de Galilée, Nicolas Copernic, Charles Darwin, Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie qui se sont

opposés soit aux lois divines, soit aux puissants de leur pays, soit aux règles scientifiques préétablies.

Qu’il s’agisse de Guillaume du Bartas, antiscientifique comme nous l’avons vu, en lutte contre le

système planétaire de Copernic ; de Lucrèce qui s’oppose au clergé ; de la marquise du Châtelet,

femme de lettre et mathématicienne qui lutte pour une reconnaissance juste de ses traductions à une

époque où la femme n’avait guère le droit à la parole ; de Victor Hugo dont la poésie est une poésie

d’engagement contre le pouvoir de Napoléon ; d’Aimé Césaire, anticolonialiste et poète de la

négritude ; de Léopold Sédar Senghor, partisan d’une « civilisation de l’universel » ; ou encore René

Char et Paul Éluard contre le nazisme.

Dans les années 50 à 60, le combat pour la paix, contre le racisme et les discriminations sexuelles

est mené par les poètes et écrivains de la « Beat generation » tels que Allen Ginsberg et Jack Kerouac.

Influencés par ce mouvement, des chanteurs et poètes, dont les plus célèbres, Bob Dylan et Joan Baez,

deviennent les fers de lance d’une révolution pacifique envers la société.

Aujourd’hui, les scientifiques sont fréquemment engagés dans une démarche de vulgarisation des

sciences et sont particulièrement impliqués dans des organisations non gouvernementales (Unesco,

Green Peace, Aids, etc.) afin de lutter contre la souffrance, la pauvreté, l’illétrisme et la maladie, mais

aussi de témoigner et d’alerter, car la science possède la capacité à prévenir des dangers qui menacent.

De nombreuses manifestations de résistance contre la violence et en faveur de la paix qui font

entendre la poésie sous toutes ses formes, avec tout particulièrement « La Nuit de la poésie » dans le

cadre du festival « Paris en toutes lettres », sont aussi le reflet de l’engagement des poètes pour un

monde plus juste.

Conclusion

Au fil de cet article sont apparus des liens et des divergences qui existent entre science et poésie. En

effet, durant l’Antiquité et jusqu’au Moyen Âge, la versification servit de support à la transmission des

savoirs, mais bientôt les bienfaits de la science furent niés, voire condamnés, par des citoyens sous

l’influence d’hommes de lettres proches de l’institution religieuse. La littérature s’imposait au monde

et la science apparaissait comme révolutionnaire, source de peurs. Pourtant, cette pensée s’est inversée

avec le temps, peut-être à cause d’une pensée collective qui prête aux poètes un esprit subversif et

dangereux, tout du moins inquiétant, une vision dont les poètes seraient responsables à cause de leur

désaffection du monde réel (Antonin Artaud), de leurs déboires judiciaires (Victor Hugo) ou, pour leur

époque, de leur immoralité (Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Allen Ginsberg, etc.), alors que la

science n’apporterait que bien-être et source d’émerveillement (vaccination, chemin de fer…). Pourtant

le progrès est parfois si rapide et spectaculaire que l’humain sent en celui-ci la capacité de le dépasser

(par exemple, dans les domaines de la robotique ou de l’intelligence artificielle). L’admiration pour les

sciences peut faire place au scepticisme. La science se retrouve ainsi sur un terrain à risque en dépit de

ses objectifs. Nonobstant les périls et les peurs qu’elles engendrent, la science et la poésie se rejoignent

dans leur vision du monde, c’est-à-dire dans la mise en valeur de la beauté de la nature, du mystère de

l’univers ou de la prodigieuse complexité des individus ; ainsi, poètes et scientifiques cherchent le vrai

et montrent ce que d’aucuns ne voient. Toutefois, comme le soulignait Pablo Neruda lors de son

discours de Stockholm en 1971 : « le poète n’est pas un petit Dieu » (57), et l’homme de science ne

l’est pas non plus, le doute restant une qualité commune et essentielle aux scientifiques et aux poètes.

Aujourd’hui, on peut s’interroger sur les raisons qui instaurent une distance entre poésie et science.

La réponse n’est peut-être tout simplement liée qu’aux types de formations que scientifiques et

littéraires reçoivent, qui, non seulement divergent, mais, et c’est là le plus important dans ce qui

explique cette sorte d’opposition ou d’antagonisme apparent, subissent une catégorisation, voire une

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hiérarchisation. Les filières éducatives ne s’ouvrent guère à la pluridisciplinarité, mais enferment

chacun dans des carcans de spécialités. Ainsi la poésie ne trouve-t-elle guère de place chez les

scientifiques et inversement la science n’attire-t-elle que rarement les poètes. Pourtant, et cela est

rassurant, de dignes représentants de la poésie sont issus de toutes les classes sociales et origines

éducatives, preuve qu’il n’existe pas vraiment d’école de poésie, de même que de nombreux

scientifiques proviennent de tous les horizons sociaux, preuve que la science reste accessible à tout un

chacun. En somme, si chacun peut rencontrer la science ou la poésie, la rencontre entre ces dernières

demeure singulière.

Et, pour aller plus loin dans cette réflexion à propos du monde poétique, sans doute nous faudrait-il

mieux définir la poésie qui dans la vie quotidienne ne se cantonne pas exclusivement à l’écriture de

vers. Cette citation de Léon-Paul Fargue éclaire modestement cette remarque : « Il n’est pas nécessaire

d’écrire pour être poète » (58). Puis, pour approfondir ce point, on peut se rapporter à l’Anthologiemanifeste

Habiter poétiquement le monde, aux éditions POESIS, ouvrage dans lequel une centaine de

poètes donnent leur vision de ce vers emprunté à Hölderlin (44).

De nombreuses ressemblances et divergences peuvent encore émerger de cette interrogation,

toutefois, science et poésie participent de concert au changement de notre monde. Il nous faut espérer

que ce soit par le partage et le désintéressement comme l’avait souligné Alexis Saint-John Perse, mais

aussi que science et poésie soient source d’humanisme et de sagesse comme le suggère la philosophie

de Gaston Bachelard (43, 44, 59).

Enfin, Adonis, se projetant dans un voyage imaginaire vers une lointaine planète, s’interroge sur le

livre à garder comme compagnon de voyage. Sans hésitation, Adonis répond : « Le livre que voici qui

ressemble à une rivière dont la surface est la science et le fond la poésie ; ou plus exactement : une

rivière dont le lit serait la poésie et les flots la science ». Adonis conclue son article qui fait référence à

la transdisciplinarité de Basarab Nicolescu en soulignant que la libération de l’homme passe par « les

sentiers de la quête d'une connaissance inséparable de l'Amour et du partage, d'une science qui

n'exclut pas la poésie, et les sentiers de la convergence vers le dévoilement de l'Univers et de ses

mystères, à l'aide de toutes les disciplines, de tous les savoirs, et au-delà, dans une ouverture

totale, dans laquelle s'affirme la certitude du sujet qu'il ne peut se parfaire sans l'Autre, et dans

laquelle il ondoyerait, tel un élan créateur et unique, dans la masse humaine, une et plurielle, et dans

cet océan-tout que l'on nomme l'Univers » (60, 61).

Remerciements

Je remercie Marie-Christine Maurel qui m’a invité et encouragé à rédiger cet article.

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1894.

24 Guillaume Apollinaire. « L’esprit nouveau et les poètes ». Mercure de France. 1918.

25 René Ghil. « De la poésie scientifique » Paris, Gastein-Serge 1909, « Les dates et les œuvres : symbolisme et poésie

scientifique, Paris, Crès, 1922.

26 Filippo Tommaso Marinetti. Manifeste du futurisme. 1909.

27 André Breton, « Le manifeste du surréalisme ». Éditions du Sagittaire, 1924.

28 Francis Ponge, Texte sur l’électricité, La Nouvelle Revue Française n°31, Paris, 1955.

29 Roger Caillois, Pierres, Gallimard, Paris, 1966.

30 Raymond Queneau. Cent mille milliards de poèmes. 1961

31 Raymond Queneau, Petite Cosmogonie portative, Gallimard, Paris, 1950.

32 http://oulipo.net/fr

33 Pierre Emmanuel. Le Grand Œuvre, Le Seuil, Paris, 1984.

34 Maurice Couquiaud. L’Étonnement poétique. L’Harmatttan, Paris, 1998.

35 Maurice Couquiaud. Un plaisir d’étincelles. Éditions du GRP, 1985.

36 Maurice Couquiaud. Le profil de buée. Éditions du GRP, 1980.

37 Eduardo Kac. http://www.ekac.org/gfpbunny.html

38 Laurent Contamin. Cent Haïkus pour le climat. Éditions du cygne, 2017.

39 Carrés poétiques. Œuvre collective. N°1. Jacques Flament Éditions. 2018.

40 François Jacob. La statue intérieure. Éditions Odile Jacob. 1990.

41 Fernand Hallyn. La structure poétique du monde : Copernic, Kepler. 1987. Les structures rhétoriques de la science de

Kepler à Maxwell. Éditions du Seuil, collection Des Travaux, 2004.

42 Jean Bernard. François-Bernard Michel. Médecine hier, médecine aujourd’hui. Entretiens. Presses Universitaires de

France, Paris, 2003.

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44


43 Alexis Saint-John Perse. Œuvres complètes de Saint-John Perse dans la collection de la Pléiade sous le titre

"Allocution au Banquet Nobel du 10 décembre 1960" (OC, p.443-447). Éditions Gallimard.

44 Alexis Saint-John Perse. La poésie est d’abord mode de vie. Discours de réception du prix Nobel de littérature. 1960.

Anthologie Manifeste. Habiter poétiquement le monde. Éditions POESIS. 2016.

45 Létitia Mouze. Le beau et le vrai à propos de La vie des abeilles de Maeterlinck. Methodos. Savoir et textes. 2006.

(http : //methodos.revues.org/473)

46 Maurice Maeterlinck. La vie des abeilles. 1901. (réédition : Éditions Abeille et Castor. 2009).

47 Hubert Reeves. Poussières d’étoiles. Éditions du Seuil. 1984.

48 Stephan Hawking. Une brève histoire du temps. Bantam. 1988. Flammarion. 1989.

49 Jean Rostand. La vie cette aventure. La Table Ronde. 1953.

50 Jean-Claude Ameisen. Sur les épaules de Darwin. Éditions France Inter. 2012.

51 Yves Coppens Préambules. Paris, Odile Jacob, 1988 .

52 Jean-Pierre Changeux. L’homme neuronal. Fayard. Paris.1983. La Beauté dans le cerveau, Paris, Odile Jacob, 2016.

53 Quand la science rejoint l’art, exposition itinérante créée en 1999 par l’Inserm.

54 La recherche de l’art, présentée depuis 2011 conjointement par l’École nationale supérieure de la photographie et

l’Inserm…

55 E=mc215. Dialogues entre sciences et art, en 2015 au musée des arts et métiers.

56 Jean Rostand. Pensées d’un biologiste. Stock. 1954.

57 Pablo Neruda. Discours de Stockholm. 1971.

58 Léon-Paul Fargue. « Il n’est pas nécessaire d’écrire pour être poète ». Anthologie Manifeste. Habiter poétiquement le

monde. Éditions POESIS. 2016.

59 Jean-Jacques Wunenburger (dir. œuvre collective). Gaston Bachelard. Science et poétique, une nouvelle éthique ?

Éditions Hermann. Colloque de Cerisy. 2013.

60-61 Adonis. Un livre lumineux* (traduction de l'arabe par Dimitri Avghérinos)

* Préface à La transdisciplinarité, manifeste, Basarab Nicolescu, traduction en arabe par Dimitri Avghérinos, Collection

"Afaq" No 2, Librairie Isis Éditeur, Damas, 2000.

Quelques sites web pour aller plus loin :

http://www.college-de-france.fr/media/michel-zink/ UPL9831_res0304zink.pdf

http://oulipo.net/

http://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/bibliotheque-en-ligne/ailleurs-sur-le-web/selection-de-sites/

https://www.cairn.info/revue-topique-2012-2-page-175.htm

http://eduscol.education.fr/

https://blogs.futura-sciences.com/luminet/

https://www.printempsdespoetes.com/

http://www.ekac.org/gfpbunny.html

Courte biographie

Éric Dausse travaille sur des complexes moléculaires appelés complexes d’embrassement, mais

aussi sur la méthode d’évolution moléculaire appelée SELEX (Systematic Evolution of Ligands by

EXponential enrichment) qui permet l’identification de molécules nommées aptamères capables

d’adopter des formes structurales afin de reconnaître un ligand d’intérêt. Ce procédé de sélection in

vitro mime l’évolution Darwinienne.

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Par ailleurs, Éric Dausse a publié de courtes nouvelles (Éditions Jacques Flament), de la poésie dont

Origines (Éditions La Porte), et a participé à divers ouvrages collectifs (Édition de l’Aigrette, Corps

Puce, Comme en poésie, Lichen, Capitale des mots, Jacques Flament, etc.).

Origines, Éditions La Porte, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon (2013).

« Origines » est le conte de l’histoire sans fin de l’univers et des interrogations qui l'accompagnent.

Il s’agit d’une digression qui commence avec le big-bang, qui se poursuit avec l’apparition des

premières molécules, la manifestation des premières formes de vie, et qui aboutit à la découverte de

notre ancêtre le fossile de l’Australopithèque Lucy dans le Rift Valley et à sa remise en question par la

découverte d'Abel au Tchad... Une sorte de poétisation de la science. Mais la science ne suffit pas à

expliquer un mystère bien plus grand, et toujours présent en chacun de nous : celui de l’origine de la

vie grâce à l’amour. Antonella Ciampa.

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