N° Spé : Villefranche
La revue Arts et sciences présente les travaux, réalisations, réflexions, techniques et prospectives qui concernent toute activité créatrice en rapport avec les arts et les sciences. La peinture, la poésie, la musique, la littérature, la fiction, le cinéma, la photo, la vidéo, le graphisme, l’archéologie, l’architecture, le design, la muséologie etc. sont invités à prendre part à la revue ainsi que tous les champs d’investigation au carrefour de plusieurs disciplines telles que la chimie des pigments, les mathématiques, l’informatique ou la musique pour ne citer que ces exemples.
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Arts et sciences
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Rédactrice en chef
Marie-Christine MAUREL
Sorbonne Université, MNHN, Paris
marie-christine.maurel@sorbonne-universite.fr
Membres du comité
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Institut d’Astrophysique de Paris
audouze@iap.fr
Georges CHAPOUTHIER
Sorbonne Université
georgeschapouthier@gmail.com
Ernesto DI MAURO
Università Sapienza, Italie
dimauroernesto8@gmail.com
Jean-Charles HAMEAU
Cité de la Céramique Sèvres et
Limoges jean-charles.hameau
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Ivan MAGRIN-CHAGNOLLEAU
Chapman University, États-Unis
magrinchagnolleau@chapman.edu
Joëlle PIJAUDIER-CABOT
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APIEMO et SIANA
bruno.salgues@gmail.com
Ruth SCHEPS
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of Science, Israël
rscheps@hotmail.com
Hugues VINET
IRCAM, Paris
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Philippe WALTER
Laboratoire d’archéologie
moléculaire et structurale
Sorbonne Université Paris
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Arts et Sciences, une longue alliance source de
réciprocité créatrice
Marie-Christine Maurel
Depuis l'Antiquité, Arts et Sciences sont congénialement liés. Aristote, déclarait l’art comme
esthétique dont : “Les formes les plus hautes du beau sont l'ordre, la symétrie, le défini, et c'est
là surtout ce que font apparaître les sciences mathématiques. » (Métaphysique, 1078b).
A la Renaissance, le lien épistémique de tout art se renforce encore, avec des figures telles
que Piero della Francesca, grand scientifique, mathématicien éminent, et artiste exceptionnel.
Pensons aussi au Perugino, à son penchant naturaliste et à son élève le génial Raphael. Les arts
visuels ont ainsi particulièrement servi de "passerelles" entre les différentes formes artistiques
et les disciplines scientifiques. Léonard de Vinci polymathe incarne parfaitement cet
universalisme en tant que peintre, sculpteur, mathématicien et poète. Bernard Palissy,
céramiste, sculpteur et savant, a tenté de fusionner l’art et les sciences de la nature à travers ses
représentations de « natures mortes », still life. Diderot a plus tard affirmé dans l’Encyclopédie,
combien l'histoire de la nature est incomplète sans celle des arts. Les exemples sont
nombreux… Malgré une certaine distanciation entre arts et sciences au XXe siècle, en partie
due à la ferveur industrielle, cette séparation s'estompe progressivement aujourd’hui, en
particulier avec l'émergence des arts numériques mais aussi par des lectures qui re-pensent la
modernité de textes dits « classiques ».
Il est essentiel de comprendre comment un scientifique peut aider un artiste, mais aussi
comment un artiste peut apporter sa contribution à un scientifique. Les méthodes, l'imagination
et l'invention sont au cœur des processus scientifiques et artistiques. Cette convergence est
évidente dans la création et dans la scénographie théâtrale, rappelant par exemple le visuel des
mises en scène extraordinaires de Jérôme Bosch, véritable retour à un paradis perdu ou à un
enfer selon les perspectives.
Au-delà des sujets abordés, la créativité commune entre l'art et la science est le fil
conducteur. Les écrits de Diderot Le Rêve de d’Alembert et La Lettre sur les Aveugles à l’usage
de ceux qui voient, les œuvres de Molière traitant de considérations politico-religieuses (voir le
Tartuffe ou l’imposteur) annonciateur de l’imposture créationniste, sont autant d'exemples de
l’actualité et de la convergence entre arts et sciences.
Enfin rappelons que pour Einstein la véritable source de tout art et science réside dans le
mystère et dans l’engagement commun envers l'inconnu : « La plus belle chose dont nous
puissions faire l’expérience est le mystère – la source de tout vrai art, de toute vraie science ».
Aristote Métaphysique, traduction (éd. de 1953) de J. Tricot (1893-1963) Éditions Les Échos du Maquis (ePub, PDF), v.:
1,0, janvier 2014
Diderot Denis. 1769. Le rêve de D’Alembert. GF – Philosophie. Poche, 2002.
Diderot Denis. 1749. Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. Folio-Poche.
Molière. Le Tartuffe ou l’Imposteur. 1669. Librio-Poche.
Einstein, Albert. Textes écrits entre 1930-1935. Comment je vois le monde. Flammarion-Champs Sciences
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Raphael ou l’innovation artistique et scientifique dans : L’Ecole d’Athènes (1509-1511).
Fresque 550x770 cm(18x25ft) Salles Raphael, Musée-Cité du Vatican.
Les personnages représentés ont été identifiés comme suit : Au centre, Platon tenant le
Timée pointe le ciel, illustrant sa théorie des formes idéales et immuables qui existent au-delà
du monde physique. La connaissance, la transcendance va de la réalité à la vérité. A ses
côtés, Aristote, qui tient l’Ethique à Nicomaque, étend sa main vers le sol, symbolisant
l’immanence, la réalité concrète et les phénomènes naturels. La vérité ne peut résider qu’icibas,
dans la réalité.
Le visage de Platon est représenté par Raphael sous les traits de Léonard de Vinci.
A gauche au 1er plan et au bas de la fresque Pythagore et le groupe des géomètres.
Hypathie (philosophe, mathématicienne et astronome d’Alexandrie en Égypte
du IVe au Ve siècle), vêtue de blanc au centre est à proximité de Pythagore.
À l’opposé du côté d’Aristote, la géométrie représentée par la figure d'Euclide et son compas
est entouré d'étudiants. On reconnaît également l'architecte Bramante.
Au-dessus d’Euclide, les astronomes Ptolémée, et Zoroastre soutiennent chacun une
sphère céleste en hommage à leurs contributions en astronomie.
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Arts et sciences
2024 - Volume 8
N° Spé : Villefranche
‣ Introduction du numéro spécial d’Arts et Sciences sur la Station Marine de Villefranche................1
Elisabeth Christians
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1181
‣ Deux siècles d’arts et de sciences à Nice et Villefranche sur Mer :
1) Les anciens : de 1800 à 1900 ..........................................................................................................6
Christian Sardet
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1182
‣ Décrire la faune marine de la Côte d’Azur en 1809 : l’étude de François Péron
et Charles-Alexandre Lesueur ............................................................................................................28
Gabrielle Baglione
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1183
‣ Deux Siècles d’Arts et de Sciences à Nice et Villefranche-sur-Mer :
2) Les Modernes : 1960 à 2024 ..........................................................................................................40
Christian Sardet
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1184
‣ Jewels of Scientific Illustration from Oceanographic Reports in the Library
of the Institute de la Mer de Villefranche ..........................................................................................62
John R. Dolan
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1185
‣ Êtres à la dérive : Anatomie d’une goutte d’eau ................................................................................80
Claire Delfino
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1186
‣ The Surprising Microscopic Wonders from the Depths of Villefranche-sur-Mer...............................95
John R. Dolan
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1187
‣ L’océan : un tondo planétaire peint par le phytoplancton ................................................................110
Fabrizio D’Ortenzio, Julia Uitz
DOI : 10.21494/ISTE.OP.2024.1188
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Introduction du numéro spécial d'Arts et Sciences sur
la Station Marine de Villefranche
Introduction to the special issue of Arts and Sciences on the Villefranche
Marine Station
Elisabeth Christians 1
1
Sorbonne-Université, Centre National de Recherche Scientifique, Institut de la Mer de Villefranche, IMEV, 06230
Villefranche-sur-Mer, France. dir-imev@imev-mer.fr
RÉSUMÉ. La station marine de Villefranche-sur-Mer a reçu de nombreux noms au cours de son histoire dont les deux
derniers sont OOV pour Observatoire Océanologique de Villefranche (1989) et IMEV pour Institut de la Mer de Villefranche
(depuis 2019). Ce numéro spécial montre combien cette station est riche d’histoire en architecture, en géopolitique, en
sciences et en fortes personnalités. Fin 18ème des naturalistes ont découvert la riche biodiversité de la rade de
Villefranche : des myriades de formes vivantes si artistiquement assemblées qui se laissent porter par la mer au gré des
courants et des saisons. Les articles de ce numéro témoignent ainsi de la ténacité des scientifiques qui cherchent à percer
les mystères de cette vie si diverse. S’y trouvent de remarquables illustrations de scientifiques artistes, d’artistes
accompagnant les scientifiques ou s’inspirant directement de ces êtres marins uni ou pluricellulaires.
ABSTRACT. The Villefranche sur Mer marine station has received many names throughout its history, the last two of which
are OOV for Observatoire Océanologique de Villefranche (1989) and IMEV for Institut de la Mer de Villefranche (since
2019). This special issue shows how this station is rich in history, architecture, geopolitics, science and strong personalities.
At the end of the 18th century, naturalists had discovered the abundant biodiversity of the Villefranche bay: myriads of living
forms so artistically assembled letting themselves transported by the sea along the currents and the seasons. The articles
in this issue illustrate the tenacity of the scientists who seek to unravel the mysteries of this very diversified life. There are
remarkable illustrations of scientists and artists who accompanied scientists or who got directly inspired by these unimulticellular
marine organisms.
MOTS-CLÉS. plancton, naturalistes, couleur, station marine.
KEYWORDS. plankton, naturalists, colour, marine station.
Contexte
Les stations marines sont pour beaucoup des créations de la fin du 19ème siècle : elles s’installent un
peu partout en Europe et ailleurs. Pour Villefranche-sur-Mer, il faut parler de plusieurs moments de
création, dès 1881 par Jules Barrois avec un premier institut, par A. de Korotneff en 1886 avec la Station
Zoologique dans la 'Maison Russe' et enfin avec le rattachement à l’Université de Paris en 1932 qui en
fait un établissement de la recherche publique française (Trégouboff 1983). La station de Villefranche y
rejoint les deux stations créées par H de Lacaze-Duthiers à Roscoff et Banyuls (voir le numéro spécial
d'Arts et Sciences consacré à l’OOB).
La « raison d’être » de la station est très bien expliquée par G. Trégouboff qui en a été l’administrateur
directeur pendant le laps de temps le plus long de l’histoire de la station : c’est ‘l’existence d’une faune
pélagique exceptionnellement abondante et variée’ (Trégouboff 1939). Ces flore et faune s’y retrouvent
en raison de la proximité de grands fonds et de courants particuliers.
A cette architecture si spéciale de la géomorphologie de la côte, s’associe l’architecture des
constructions de la Darse tout aussi spéciale. C’est un des rares ensembles conservés de ces bâtiments
construits au 18ème siècle qui devaient répondre aux besoins militaires et aux besoins des marines de
ces temps-là. La station s’est installée dans ces bâtiments progressivement au long du 20ème siècle en
attendant que le 21ème siècle ne lui apporte sa première construction totalement dédiée qui se devait de
prendre le nom de celui qui fut l’un des premiers à installer un laboratoire fixe sur les lieux : Jules
Barrois.
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Figure 1. Vue générale de la Darse avec les différents bâtiments de l’IMEV, Bâtiment Jules Barrois,
construction de béton gris derrière le bâtiment Jean Maetz revêtu de rouge en 2023.
Image par L. Christians, 2024.
Scientifiques et Artistes à Villefranche
Les scientifiques peuvent être des artistes dans leur recherche : c’était une nécessité quand il fallait
dessiner les organismes ne fusse que pour s’en rappeler. Plusieurs articles de ce numéro spécial
présentent de telles illustrations historiques. Si le naturaliste manquait de ce don du dessin, il pouvait
s’associer à un dessinateur comme l’a fait Péron avec Lesueur (voir les dessins de Lesueur, article de C.
Sardet "Les Anciens", et l'article de G. Baglione, "Décrire la Faune Marine"). La station détient des
ouvrages où peuvent être admirée la finesse du rendu des organismes planctoniques (voir article de J.
Dolan, "Jewels of scientific illustration"). Au dessin toujours utile parce qu’il force lors de sa confection
à regarder les détails de l’organisme dessiné, se sont ajoutées des techniques d’imagerie par microscopie
photonique et électronique nous offrant des images qui font les couvertures des journaux scientifiques
(voir article de C Sardet, "Les Modernes").
Au long des années, des artistes sont venus et viennent toujours travailler à la station où ils, elles
interagissent avec les personnels du lieu. Ce numéro spécial en accueille une représentante : Claire
Delfino, l'article "Etres à la Dérive". J’ajouterai ici deux autres exemples. Le premier est une commande
faite pour transformer quelques fenêtres de la grande salle du bâtiment des Galériens dite salle des filets
en des peintures illustrant les beaux gélatineux de la rade Villefranche (Fig 2). Un second exemple est
le projet mené par Irène Kopelman avec les équipes du LBDV (S. Tiozzo) et de l’IRCAN (E. Rottinger)
qui s’est intéressée à des organismes étudiés pour leurs propriétés de régénération (Kopelman et al.
2023).
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Figure 2. Fenêtre peinte, salle des filets, G Sadler, 2015
Les scientifiques ont eux aussi souvent une fibre artistique et ils sont touchés par la beauté de ce qu’ils
observent. C’est ce que nous proposent J. Dolan ("Surprising Microscopic Wonders") dans cette
collection de bijoux des profondeurs de la rade de Villefranche et F. d’Ortenzio et J. Uitz qui s’élève
dans l’espace pour voir ces organismes microscopiques transformer l’océan en un tableau de dégradés
colorés ("L'Océan : un tondo planétaire"). Cette transformation artistique d’un objet scientifique se
retrouve ouvert régulièrement à la compétition dans des concours de photographie scientifique, Fig 3.
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Figure 3. Acanthaire, Phyllostaurus cuspidatus. Photo réalisée par S. Schaub (LBDV, IMEV, PIM) en utilisant
la microscopie électronique à balayage, cliché lauréat du concours photo 2021 « Curiosités de la Recherche »
organisé par l’Université Côte-d’Azur et ses partenaires de recherche dont l’IMEV. Montage par D. Emani
(IMEV).
Le scientifique peut aussi être amateur d’art et la station marine de Villefranche a reçu en héritage
quelques tableaux parmi la soixantaine acquise par l’un de ces fondateurs, A. Korotneff. Seul demeure
à la station son portrait (Fig. 4) qui surveille sévèrement la direction d’un des laboratoires de la station,
le Laboratoire de Océanographie de Villefranche-sur-Mer.
Figure 4. Portrait Alexis Korotneff, 1899. Peinture huile sur toile de Nikolaï Kornilievitch Pimonenko
En conclusion, ce numéro spécial d’Arts et Sciences emmène le lecteur dans un voyage historicoscientifico-artistique
qui, nous l’espérons, suscitera toute la conscience nécessaire permettant d’aboutir
à la protection de cette vaste partie de notre monde qu’est la mer.
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Remerciements
Nous voudrions remercier les auteurs de ce numéro spécial pour leurs contributions et en particulier
John Dolan qui a assumé le rôle de coordinateur éditorial.
References
Trégouboff, G. 1939. La Station Zoologique de Villefranche-sur-Mer. I. Son histoire. II. Sa raison d'être. Comptes Rendus
71e Congrès Sociétés Savantes de Paris et des Départements tenu à Nice en 1938, Section des Sciences, pp. 301-309.
Trégouboff, G. 1983. Histoire de la Station Zoologique de Villefranche-Sur-Mer. Bulletin de la Section des Sciences, IV
année 1982. Comité des Travaux Historique et Scientifiques.
Kopelman, I. Guenin, H., Tiozzo, S., Rottinger, E. 2023. Marine Models (Notes on Representation vol. 12). Roma
Publications.
IRCAN : Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice
LBDV : Laboratoire de Biologie du Développement de Villefranche-sur-Mer
PIM : Plateforme d’Imagerie par Microscopie de Villefranche-sur-Mer
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Deux siècles d’arts et de sciences à Nice
et Villefranche sur Mer : 1) Les anciens : de 1800 à 1900
Two Centuries of Arts and Science in Nice and Villefranche:
1) The Ancestors: 1800 to 1900
Christian Sardet 1
1
Sorbonne Université, CNRS, Laboratoire de Biologie du Développement, Institut de la Mer de Villefranche sur Mer
(IMEV), 06230, France, christian.sardet@imev-mer.fr
RÉSUMÉ. Nous racontons l’histoire de l’évolution des connaissances de la flore et la faune dans la région niçoise et en
particulier celle de la faune pélagique. Dans les années 1800, Antoine Risso, Jean Gabriel Prêtre, François Péron et
Alexandre Lesueur décrivent et peignent les fleurs, les poissons et des invertébrés marins. Au milieu du siècle, le
naturaliste niçois, Jean Baptiste Vérany accueille des savants allemands et suisses - Johannes Müller, Rudolf Leuckart,
Ernst Haeckel et Carl Vogt - qui influencent les recherches et le destin de la biologie dans la région par leurs descriptions
illustrées d’organismes jusqu’alors ignorés comme les siphonophores et les radiolaires. Et dans les années 1880,
Hermann Fol, Jules Barrois et Alexis Korotneff créent une station marine accueillante à Villefranche sur Mer, reconnue
depuis comme un site exceptionel pour l’étude du plancton. A partir du milieu du 19 ème , le Muséum d’Histoire Naturelle de
Nice s’enrichit des collections de Risso, Vérany et Jean Baptiste Barla épaulés par Vincent Fossat, un peintre /
illustrateur talentueux. A la fin du siècle, la région niçoise attire les souverains et aristocrates anglais et russes, des
biologistes et des peintres impressionistes. Dans un article compagnon (Sardet 2024 /2 Les modernes – de 1970 à
2024), nous montrons que les organismes explorés au 19 ème siècle sont toujours l’objet de recherches à l’Institut de la
Mer de Villefranche (IMEV).
ABSTRACT. We tell the story of the exploring the flora and fauna of the Nice region, and in particular of pelagic
organisms. This quest is the work of some twenty biologists associated with painters. In 1800, Antoine Risso, Jean
Gabriel Prêtre, François Péron and Alexandre Lesueur described and painted flowers, fish and some marine
invertebrates. In the middle of the century, Jean Baptiste Vérany, a naturalist from Nice, welcomed prestigious German
and Swiss biologists - Johannes Müller, Rudolf Leuckart, Ernst Haeckel and Carl Vogt - who explored little known
organisms such as siphonophores and radiolarians. And in the 1880s, Hermann Fol, Jules Barrois and Alexis Korotneff
set up a marine station in Villefranche sur Mer, recognized as an exceptional site for the study of plankton. During this
period, the Natural History Museum of Nice was enriched by the exceptional collections of flowers, fish and funghi
assembled by Risso, Vérany and Jean Baptiste Barla, who employed Vincent Fossat for his talent as painter / illustrator.
By the end of the century, the Nice region attracted foreign royalty and aristocrats, visiting biologists and impressionists
painters. In a companion article (Sardet 2024 / 2 Les modernes - from 1970 to 2024) we show that organisms explored in
the 19th century are still the subject of research at the Institut de la Mer de Villefranche (IMEV).
MOTS-CLÉS. Nice, Villefranche sur Mer, plancton, protistes, Antoine Risso, François Péron, Alexandre Lesueur, Jean
Baptiste Vérany, Jean Baptiste Barla, Vincent Fossat, Ernst Haeckel, Johannes Müller, Carl Vogt, Hermann Fol, Jules
Barrois, Alexis Korotneff.
KEYWORDS. Nice, Villefranche sur Mer, plankton, protists, Antoine Risso, François Péron, Alexandre Lesueur, Jean
Baptiste Vérany, Jean Baptiste Barla, Vincent Fossat, Ernst Haeckel, Johannes Müller, Carl Vogt, Hermann Fol, Jules
Barrois, Alexis Korotneff.
Introduction
Au début des années 1800, Nice est une ville provinciale de 40 000 habitants accessible par
diligence ou bateau. En 1860, sous Napoléon III, Nice qui était capitale du Comté portant son nom,
partie intégrante du royaume de Piémont-Sardaigne intègre la France. Quatre ans plus tard Nice est
désservie par le train. À partir du milieu du siècle, les visiteurs affluent sur la Côte d ’Azur attirés par
la présence des souverains Russes, Anglais, Belges qui viennent avec leurs cours profiter du climat
hivernal clément. Des artistes et des biologistes sont attirés par la diversité des paysages, de la flore et
de la faune marine.
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A 7 km de Nice, la petite localité de Villefranche sur Mer, un port franc à sa création, est dans les
années 1800 une escale de refuge, de ravitaillement et de détente pour les bateaux et leurs équipages.
Fruits d’accords politiques compliqués qui rapprochent la France et le royaume de Piémont-Sardaigne
de la Russie, la baie de Villefranche accueille un grand nombre de marines de guerre russes, anglaises,
françaises, italiennes et même américaines. Aujourd'hui, la baie de Villefranche accueille les bateaux
de tourisme et paquebots qui répandent leurs flots de croisiéristes sur la côte (Braconnot & al. 2004).
La région niçoise (Figure 1), présente une remarquable façade maritime bordée à l’ouest par le delta
sédimentaire à l’embouchure de la rivière Var, et à l’est par la baie de Villefranche sur Mer. Cette baie
débouche sur des fonds marins profonds de centaines de mètres qui sont parcourus par le courant
ligure. Ce courant puissant portant vers l’ouest charrie du plancton – des bactéries jusqu’aux méduses -
qui dérivent avec le courant. Dépendant de la saison et des coups de vent, une partie de ces planctons
se retrouvent coincés dans le réceptacle naturel que constitue la rade de Villefranche sur Mer et ses
eaux profondes. Les organismes pélagiques que l’on ne trouve habituellement qu’en haute mer, sont ici
proches du rivage, accessibles avec de petites embarcations.
Dès le début du 19 ème siècle, des naturalistes niçois explorent la faune et la flore locales. Ils aident et
se lient d’amitié avec des collègues européens qui explorent les côtes. À cette époque, les descriptions
anatomiques sont illustrées par des dessins d’artistes, illustrateurs professionnels. Ces illustrations sont
transformées en gravures pour la publication dans les quelques revues scientifiques de l’époque ou des
monographies.
Le 19 ème siècle est une époque pendant laquelle les livres et journaux illustrés circulent, les voyages
sont facilités par les bateaux et les trains qui fonctionnent au charbon. Et dans la seconde moitié du
19 ème siècle, la photo et les publications illustrées prennent leur essor. Les biologistes ont leurs réseaux
d’universités, d’académies et d’éditeurs de publications qui sont en place à travers l’Europe. Ils
s’entraident, collectent et étudient l’extraordinaire diversité des organismes marins, stimulés par les
nouvelles idées sur la classification et l’évolution et la théorie cellulaire naissante. Des professeurs et
étudiants européens et russes explorent les côtes méditerranéennes dans les années 1850 et séjournent
dans de la région niçoise pour étudier et illustrer méduses, siphonophores, appendiculaires, radiolaires
et autres. A la fin du 19 ème siècle, Villefranche sur Mer, grâce à de jeunes biologistes suisses, français
et russes, est doté d’une station marine qui permet l’accueil scientifique et une réelle exploration du
plancton local qui s’est perpétué jusqu’à nos jours ( Anon. 2010, 2024, Trégouboff 1983, Dolan 2014,
2024).
Ce premier article conte cette évolution d’un siècle. Dans le deuxième article, nous verrons
comment les organismes de la Côte d’Azur décrits 100 à 200 ans plus tôt inspirent encore les
recherches et les œuvres picturales de chercheurs de la station marine (IMEV) de Villefranche sur Mer
au 21 ème siècle (Sardet 2024).
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Fig. 1. Région niçoise : A – La côte niçoise au 18 ème siécle. B – La baie de Villefranche sur Mer au 18 ème
siècle. Sur la droite, des bâtiments figurent dans le site de l’actuel port de la Darse.
C – Le port de la Darse à Villefranche sur Mer à la fin du 19 ème siècle (carte postale).
D – La baie de Villefranche sur Mer à la fin du 19 ème siècle (carte postale).
E & F – Vues actuelle de la baie de Villefranche sur Mer.
G – Le port de la darse (orthographié DARCE) et le Lazaret en 1748.
H – Topographie des fonds marins de la région niçoise.
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1800 – 1900 : Des naturalistes et des peintres explorent la biodiversité niçoise
L’exploration naturaliste commence au début des années 1800 avec Antoine RISSO, et ses
remarquables publications sur la faune et la flore illustrées par Jean Gabriel PRÊTRE. En 1809, RISSO
accueille et aide le zoologiste François PÉRON et l’aquarelliste Charles-Alexandre LESUEUR en
visite à Nice à décrire et illustrer des organismes gélatineux du plancton, méduses, mollusques et
cténophores. Au milieu du siècle, Jean Baptiste VERANI, avec un autre Jean Baptiste, BARLA, crée le
Muséum d’Histoire Naturelle de Nice. Grâce à l’aide d’un peintre niçois talentueux, Vincent FOSSAT,
d’extraordinaires collections sont constituées. Dans les années 1850, VÉRANY accueille et se lie
d’amitié avec des savants venus d’Allemagne et de Suisse attirés par la richesse de la faune
planctonique abondante dans la baie de Villefranche sur mer. Ces visiteurs – Johannes MÜLLER,
Rudolf LEUCKART, Carl VOGT et Ernst HAECKEL sont de brillants et influents biologistes qui
décrivent et illustrent de manière artistique les connaissances qu’ils accumulent sur les organismes
pélagiques jusque-là inconnus comme les siphonophores et les radiolaires. Les recherches sur la
biodiversité marine s’amplifient avec la création en 1881 d’un premier laboratoire à Villefranche sur
Mer par Hermann FOL et Jules BARROIS. En 1883, Alexis KOROTNEFF prend le relai et établit la
Station Russe de Zoologie à Villefranche sur Mer qui est l’ancêtre de l’IMEV, l’Institut de la Mer de
Villefranche, la station marine actuelle. Tous ces personnages dont les dates de naissance et de
disparition sont indiquées, se succèdent au cours du siécle (Figure 2).
1770 1780 1790 1800 1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870
Jean Gabriel PRÊTRE (1768-1849)
Peintre illustrateur rattaché au Muséum d’Histoire Naturelle, Paris
François PÉRON (1775 – 1810)
Zoologiste à bord de l’expédition Baudin qui explore les terres australes (1800 -1803)
Antoine RISSO (1777 – 1845)
Pharmacien et botaniste niçois auteur de monographies, certaines illustrées par Prêtre
Charles-Alexandre LESUEUR ( 1778 – 1846)
Peintre illustrateur du Havre, ami de Péron avec lequel il participe à l’expédition Baudin
Jean Baptiste VÉRANY (1800 – 1875)
Naturaliste niçois auteur de monographies artistiques sur les céphalopodes
Johannes MÜLLER (1801 – 1858)
Zoologiste et protistologue allemand, professeur à Berlin et mentor de Haeckel
Jean Baptiste BARLA (1817 – 1890)
Naturaliste niçois, il constitue des collections de champignons et poissons avec Fossat
Carl VOGT (1817 – 1895)
Zoologiste allemand puis suisse, professeur à Genève, évolutioniste et socialiste
Vincent FOSSAT (1822 – 1897)
Peintre niçois, employé par Barla pour illustrer d’extraordinaires collections
Rudolf LEUCKART (1822 – 1898)
Zoologiste allemand, ami de Vérany. Il est professeur à Giessen, puis à Leipzig
(1934- 1919) Ernst HAECKEL
Zoologiste allemand, professeur puis recteur à l’Université d’Iéna. Voyageur et artiste
(1845-1892) Hermann FOL
Zoologiste suisse, professeur à Genève fonde un laboratoire à Villefranche avec Barrois
(1851 – 1915) Alexis KOROTNEFF
Zoologiste russe, professeur à Kiev, il fonde la Station Russe de Zoologie à Villefranche
(1852 – 1943) Jules BARROIS
Zoologiste, professeur à Lille, il fonde le premier laboratoire à Villefranche avec Fol
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Fig. 2. Les personnages de cette histoire et certaines des œuvres associées
A – Antoine RISSO et le premier tome de son « Histoire Naturelle de Nice et des Alpes Maritimes »
en 5 volumes (1826).
B – François PÉRON, Alexandre LESUEUR et le livre consacré à leur séjour sur La Côte d’Azur
(G. Baglione & J. Goy, 2009).
C – Jean Baptiste VÉRANY et son livre de chromolithographies des céphalopodes (1851)
D – Jean Baptiste BARLA et Vincent FOSSAT dont une illustration de poisson décore la couverture
d’un livre récent.
E – Rudolf LEUCKART et Johannes MÜLLER et leurs livres traduits en anglais
F – Ernst HAECKEL et Carl Vogt et leurs publications les plus connues
G – Hermann FOL et sa monographie sur la fécondation (1879)
H – Jules BARROIS et la couverture de sa thèse (1878) et Alexis KOROTNEFF
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1800 - 1830 : Risso et Prêtre décrivent et illustrent la faune et la flore niçoise
L’histoire de la quête naturaliste dans la région niçoise prend de l’ampleur au début du 19 ème siècle
avec Antoine Risso ( Gasiglia 1970, Dolan 2023a). Né à Nice en 1777 dans une famille modeste, Risso
est orphelin très jeune. Il est élevé par un oncle qui le met en apprentissage à 12 ans chez un
pharmacien et botaniste. Risso réussit à ouvrir sa propre pharmacie à 26 ans et est nommé conservateur
adjoint du jardin botanique départemental. Après avoir décrit les plantes locales comme les oliviers et
les agrumes, Risso s’intéresse aux animaux que les pêcheurs ramènent dans leurs filets (Risso 1810,
1813). Il caractérise les poissons bien sûr, mais aussi les prises gélatineuses que les pêcheurs appellent
la « carminaria » – littéralement, la chair carnassière (Figure 3). Elle est un enchevêtrement de
méduses, de mollusques et d’autres organismes mous et transparents. Risso les ravive en aquarium, les
observe et les décrit. Il les pêche aussi à bord de petites embarcations tout en faisant des relevés de
température. En 1810, il publie « Ichtyologie de Nice », une histoire naturelle des poissons du
département des Alpes Maritimes avec 11 planches qui ne sont pas signées.
En 1826, après avoir cédé sa pharmacie, Risso publie une ambitieuse « Histoire Naturelle » en 5
volumes dont Jean Gabriel Prêtre réalise les 44 planches et qui sont reproduites grâce à une demidouzaine
de graveurs (Risso 1826). Le cinquième volume contient les descriptions et les planches
consacrées aux invertébrés marins (Figure 3). On sait malheureusement peu de choses au niveau des
dates et des conditions dans lesquelles ces premières représentations de la faune marine niçoise ont été
réalisées, et on ignore comment Risso et Prêtre ont travaillé ensemble et avec les éditeurs. La
publication devait couter une fortune! D’une famille d’artistes genevois, Prêtre a une dizaine d’années
de plus que Risso et, lorsqu’ils travaillent ensemble, Prêtre a déjà réalisé de remarquables illustrations
d’oiseaux et d’autres animaux pour les livres de George Cuvier et ses collègues au Muséum d’Histoire
Naturelle à Paris (Cuvier 1816). On connaît plus de 700 illustrations dues à Prêtre, une œuvre
considérable (Dolan 2023a).
Parmi les organismes immortalisés par Risso et Prêtre, certains comme les méduses et les oursins
ont été explorés plus avant par leurs successeurs à partir des années 1850. D’abord par les savants
allemands et suisses comme Ernst Haeckel et Carl Vogt qui explorent les côtes méditerranéennes en
quête d’organismes planctoniques, dont des protistes unicellulaires (Dolan 2019). Ces recherches
seront amplifiées à partir des années 1880 lorsqu’un laboratoire est créé à Villefranche sur mer (Anon
2010, 2024, Trégouboff 1983). Ce laboratoire a une vocation d’accueil de chercheurs européens sur le
modèle de ce qui se fait déjà dans les stations marines de Roscoff et Banyuls sur Mer et dans celle de
Naples (Fischer 2002, Debaz 2005, Groeben C. 2020, Jessus & al. 2021)
De fait, les recherches pionnières du 19 ème sur l’anatomie, la physiologie et la reproduction des
organismes terrestres et marins constituent un socle de connaissances qui perdurent. Enseignants,
chercheurs et acteurs des mondes académique et associatif de la région continuent d’étudier et d’initier
le public à la riche faune et flore marine locale. Quatre centres d’études - l’Université de Nice Sophia
Antipolis (UNSA), l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA d’Antibes / Sophia
Antipolis), le Centre Scientifique de Monaco et l‘Institut de la Mer de Villefranche sur Mer (IMEV)
font progresser les recherches dans ces domaines. Nous donnons quelques exemples des recherches des
50 dernières années réalisées à l’IMEV dans l’article compagnon (Sardet 2024 ).
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Fig. 3. Les œuvres du peintre Jean Gabriel Prêtre pour le naturaliste Antoine Risso
A – mollusques dans le volume 4 de l’Histoire Naturelle de Risso (1826)
B – poissons dans le volume 3 (planche 16) de l’Histoire Naturelle
C – ophiures et anémones de mer dans le volume 5 (planche 7) de l’Histoire Naturelle
D – La méduse Equorea Rissoana et des tests d’oursins dans le volume 5 ( planche 7)
QR code : autres illustrations accessibles sur le site Aquaparadox ( John Dolan, IMEV)
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1809-1910 : Péron et Lesueur découvrent la région niçoise et sa faune marine
Les travaux de Risso sur les poissons du département des Alpes-Maritimes sont remarqués. François
Péron, un jeune zoologiste, et son ami peintre / illustrateur Alexandre Lesueur désirent rencontrer
Risso et observer la faune pélagique qu’ils ont déjà observée dans les océans au cours de l’expédition
des terres australes (1800-1804, Baudin 2001). Au retour, ils habitent et travaillent ensemble à Paris où
ils rédigent et illustrent une monographie « Voyage de découvertes aux terres australes ». Cette
expédition commissionnée par Bonaparte et organisée par Nicolas Baudin, a permis à Péron et Lesueur
d’aller jusqu’en Australie et en Tasmanie et de collecter plus de 100 000 échantillons dont 2 500
espèces alors inconnues. La faune pélagique de l’Atlantique et du Pacifique – méduses, mollusques,
cténophores, salpes, pyrosomes - est décrite et illustrée pour la première fois avec exactitude et
précision par Péron et Lesueur qui est de surcroît un graveur accompli (Péron & Lesueur 1809).
Lesueur est né en 1778 dans une famille bourgeoise du Havre. Engagé à 21 ans comme aidecanonnier,
il s’est rapidement imposé comme illustrateur de l’expédition Baudin et s’est lié d’amitié
avec Péron. Péron, né dans l’Allier en 1775 a connu une jeunesse difficile. Il a perdu l’œil droit et a été
fait prisonnier pendant la guerre de la révolution française en 1792. Après avoir fait des études de
médecine, Péron est engagé comme zoologiste / anthropologue par l’expédition Baudin. Cette
expédition à bord de 2 navires a coûté la vie à de nombreux explorateurs y compris le capitaine Baudin
qui meurt de la tuberculose en 1803 à l’ile Maurice. Péron a aussi contracté la tuberculose, et de retour
en France, son médecin lui conseille de faire un séjour dans le sud pendant l’hiver pour ménager sa
santé.
En 1809, Péron et Lesueur voyagent jusqu’à Nice en diligence et par bateau sur le Rhône puis ils
traversent la Provence (Goy & Baglione 2009, Baglione 2024). Après 3 semaines de voyage, Péron et
Lesueur arrivent et séjournent à Nice pendant 6 mois. Pour collecter les organismes pélagiques, Ils
bénéficient de l’aide de Risso et des autorités locales, comme le relate Lesueur : « Mr le commissaire
de Nice mit à notre disposition un bateau, son patron et quatre forts matelots pris dans les déserteurs
qui étaient au bagne, et tous vinrent le jour indiqué nous prendre, et alors nous commençâmes nos
expériences sur la Méditerranée ». Péron et Lesueur observent certains organismes gélatineux en
aquarium et décrivent en particulier un remarquable cténophore, Cestus veneris ou ceinture de Vénus
(Figure 4), un organisme que l’on peut encore observer chaque printemps dans la baie de Villefranche
sur Mer. Ils mesurent aussi les températures et remarquent que les coups de vents provoquent des
changements dans la faune pélagique, un premier pas vers l’océanographie et l’écologie.
L’hiver 1809 est rude et froid, mais Péron et Lesueur réussissent à sortir en bateau et à collecter,
décrire, et illustrer la faune pélagique et quelques organismes benthiques comme les ascidies (Figure
4). Malheureusement la santé de Péron se déteriore rapidement. Lesueur l’accompagnera à Paris puis
dans le massif central, son pays natal ou Péron mourra en 1810 en souhaitant que Lesueur publie leurs
observations. Lesueur le fera avant de partir pour les USA où il participera à plusieurs expéditions
d’exploration et d’illustration de la faune, de la flore, des peuples autochtones et paysages jusqu’en
1837 (Dolan 2020). Lesueur revient au Havre pour créer, en 1845, le Muséum d’Histoire Naturelle
dont il est le premier directeur et conservateur, peu de temps avant de mourir en 1846. Les œuvres de
Lesueur léguées par sa famille au Muséum après sa mort, sont oubliées puis redécouvertes, faisant
l’objet de plusieurs expositions (Baglione & Crémière 2009).
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Fig. 4. Les aquarelles sur velin de la faune marine niçoise par Alexandre Lesueur
A – ciones (Ciona intestinalis), des ascidies mesurant quelques centimètres.
Inv. MHNH 75017, Taille de l’œuvre 24,4x40,8 cm
B - ceinture de vénus (Cestus veneris), un cténaire pouvant atteindre 80 cm. Inv. MHNH 67 050,
Taille de l’œuvre : 28,0x43,2 cm
C – firoles (Pterotrachea sp.), des mollusques gastropodes planctoniques faisant partie des hétéropodes
mesurant quelques centimètres. Inv. MHNH 72010, Taille de l’œuvre : 29,8x43,9 cm
Ces œuvres sont conservées au Muséum d’Histoire Naturelle du Havre (MHNH).
QR code : Il permet de consulter ces œuvres et d’autres mises en perspective dans une interview de la
conservatrice Gabrielle Baglione.
Barla, Vérany, Fossat : une nouvelle génération complète l’inventaire de la biodiversité
L’élan d’étude de la biodiversité de faune et flore locale impulsé par Antoine Risso s’est amplifié
grâce à une nouvelle génération de naturalistes niçois. Jean Baptiste Vérany - 23 ans plus jeune que
Risso - est comme lui pharmacien et botaniste. Il s’occupe brièvement de la pharmacie familiale, aide
le professeur Franco Bonelli à constituer des collections pour le Musée d’Histoire Naturelle de Turin et
guide les visiteurs et touristes intéressés par la faune et la flore locales. Vérany se passionne pour les
mollusques et particulièrement pour les céphalopodes. Il publie en 1851 une monographie dont les
chromolithographies par leur esthétique et couleurs transluscentes sont considérées comme des œuvres
d’art (Figure 5 Verany 1851, 1862, Dolan 2022a). Vérany ouvre ses collections à la publique dans un
Musée Municipal de la Ville de Nice créé en 1846 dans la vieille ville. Le musée devient 10 ans plus
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tard le Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Nice sous l’impulsion d’un autre Jean Baptiste
naturaliste : Jean Baptiste Barla.
Jean Baptiste Barla est d’une famille niçoise qui a fait fortune grâce au commerce de l’huile de foie
de morue et du chanvre du Pièmont. Il apprend la botanique de son oncle, fait des études, joue du
violon, voyage et rencontre des naturalistes. Barla se passionne pour la flore, surtout pour les
orchidées, ainsi que les poissons, et les champignons de la région dont la diversité est exceptionnelle
dans l’arrière-pays montagneux que l’on aperçoit depuis les collines de Nice (Trimbach 1996). Il est
aidé dans sa tâche par un artiste gouachiste et aquarelliste virtuose, Vincent Fossat (Defaÿ 1998, Dolan
2022b). Barla étant lui-même un artiste accompli, il est parfois difficile de distinguer qui de Fossat ou
Barla a peint tel ou tel organisme. A partir de 1851, Barla peut vivre de ses rentes car il hérite d’une
fortune importante de son grand père. Barla emploie alors Fossat comme peintre de 1853 jusqu‘à sa
mort en 1891 pour 3 à 5 Francs par jour.
Fossat, né Del Fossat est le septième de douze enfants d’une famille venue de la région d’Impéria au
16 ème siècle et qui s’est installée à Nice. Orphelin à 13 ans, peu éduqué, Fossat vit des petits boulots de
l’époque - pêcheur, jardinier, cocher, domestique - et se met à peindre Nice et ses environs selon les
commandes, parfois sous des noms d’emprunt. La carrière artistique de Fossat prend une autre
dimension avec les œuvres naturalistes qu’il réalise pour Barla. Il s’agit de milliers d’aquarelles et
gouaches de plantes, poissons, champignons et quelques portraits d’invertébrés marins, des oursins,
des étoiles de mer et ophiures (Figure 5). Les grandes œuvres de Barla et Fossat sont les moulages
peints de champignons et les empreintes cartonnées puis gouachées de poissons – les exsiccata - qui
sont des sortes d’herbiers de poissons (Barla 1892). Les champignons peints et les 1500 poissons
cartonnés sont un trésor conservé au Muséum d’Histoire Naturelle de Nice, creuset de l’intense activité
naturalistique niçoise du 19 ème (Chamagne-Rollier & Defaÿ 2013).
Financé par Barla, le Muséum est créé en 1865 et dirigé par Barla. Barla cède à la Ville de Nice
l’imposant bâtiment qu’il a fait construire à ses frais. Cette belle institution expose régulièrement ses
merveilleuses collections des œuvres de Risso, Prêtre, Verany, Barla et Fossat et leurs successeurs. Le
Muséum est entré récemment dans une nouvelle phase, celle de la numérisation, de la restauration et de
l’exploitation génétique des œuvres conservées. Il organise également des cycles de conférences
savantes rendant hommage à ce passé glorieux.
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Fig 5. Les oeuvres moulées et peintes de Jean Baptiste Barla et Vincent Fossat
A – moulages peints de champignons (Amanita muscaria), photo @Jean Marc Alpesse
B – exciccata (peau de poisson tendue sur carton et repeinte) d’une rascasse rouge
(Scorpena scrofa ou Capoun en niçois)
C, D – anguille (Anguila vulgaris, Anghilla en niçois), aquarelle (plus gros plan) de Fossat. Numéro d’inventaire
2005.0.730 ; 71 (n° de planche) plateforme POP, ministère de la culture
E – étoile de mer (Palimpus membranaceus), aquarelle de Fossat. Numéro d’inventaire 2005.0.1016 ; 371
(n° de planche) plateforme POP, ministère de la culture
F – oursin des profondeurs (Diadema europea ), aquarelle de Barla. Numéro d’Iventaire 2005.0.1011 ; 366
(n° de planche) plateforme POP, ministère de la culture
G – ophiures (Ophiomyta pentagona), aquarelle de Fossat de taille 27.0x 35,2 cm. Numéro d’inventaire
2005.0.1025 ; 380 (n° de planche) plateforme POP, ministère de la cultur
QR code : donne accès à l’article illustré de John Dolan sur Vincent Fossat (Dolan 2022b)
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1850 : Des savants étrangers en visite et les prémices d’une station marine à Villefranche
La compréhension des principes de la vie et de son évolution est bouleversée au cours du 19 ème
siècle. A partir des années 1830, Theodor Schwann, Matthias Schleiden et leurs collègues
microscopistes élaborent les principes d’une théorie cellulaire. Elle stipule que les animaux et les
plantes et tout ce qui vit sont faits de cellules qui se reproduisent par division Sardet 2023). Dans les
années 1850, la découverte de la sélection naturelle comme moteur de l’évolution par Charles Darwin
et Alfred Russel Wallace révèle que les organismes évoluent et sont reliés entre eux par des ancêtres
communs. Naturalistes, zoologistes et botanistes se mettent à comparer l’anatomie et la physiologie des
organes, tissus, gamètes et embryons des animaux et des plantes, mais aussi les unicellulaires
eucaryotes (les eucaryotes sont les cellules qui, contrairement aux bactéries sont pourvues d’un noyau)
- les protistes (Jessus & Laudet 2020). Des personnalités telles Henri Lacaze-Duthier ( Jessus & al.
2021) et Anton Dohrn ( Groeben 2020) créent des stations marines d’importance (à Roscoff en 1872,
et à Naples en 1874) s’ajoutant aux premières ayant déjà vu le jour (Concarneau 1859, Arcachon,
1863, Messine 1867). Elle permettent l’accès des universitaires à la grande diversité de la faune et de la
flore marine.
Pour la région niçoise, une nouvelle ère s’annonce avec les visites de professeurs allemands et
suisses dans les années 1850. Un visiteur particulièrement important est Johannes Müller. Müller est
un professeur influent à Berlin, mentor de toute une nouvelle génération de biologistes microscopistes
(Müller 1843). Comme son collègue Rudolf Leuckart, professeur à Giessen (Allemagne), Müller
parcourt les côtes européennes avec ses étudiants pour explorer les créatures marines à travers les
loupes et microscopes avec lesquels ils voyagent.
Aidé par son ami Verany et l’ambiance naturaliste niçoise, Rudolf Leuckart est à Nice en 1853 pour
étudier des invertébrés marins - vers, méduses, et crustacés. Müller et sa famille visitent Nice en 1856,
rejoint par le biologiste suisse Albert Kolliker et des étudiants, dont Ernst Haeckel qui a 22 ans à
l’époque. Ils collectent du plancton dans la baie de Villefranche sur Mer, décrivent et dessinent les
protistes ainsi que des organismes gélatineux (Dolan 2019). Peu après la mort de sa jeune épouse, en
1864 Haeckel revient à Villefranche pour quelques mois. Il réalise ses premières œuvres « art et
science » de méduses et de radiolaires ( Figure 6). Vers la fin du 19 ème , Haeckel est un personnage
célèbre, scientifique, artiste et philosophe à la fois, un propagateur de la théorie de l’évolution à travers
l’Europe avec son aîné et compatriote Carl Vogt.
Carl Vogt, est l’un des biologistes les plus influents de l’époque (Vogt 1848). Après avoir étudié la
médecine en Allemagne et en France, Vogt est le premier à attirer l’attention sur le phénomène de mort
cellulaire programmée en 1842. Il séjourne à Nice et Villefranche en 1851 – 52 et publie
d’extraordinaires descriptions et représentations des siphonophores dans sa monographie intitulée
«Recherches sur les animaux inférieurs de la Méditerranée» (Vogt 1853). Vogt est aussi une figure
politique. Surnommé « le savant révolutionnaire » à cause de ses idées matérialistes et ses causes
socialistes, Vogt se réfugie en Suisse. Il est professeur au début des années 1850 à l’université de
Genève dont il deviendra le recteur.
Vantant les mérites du plancton dans la baie de Villefranche-sur-Mer en 1876, Vogt est le premier à
se faire l’avocat de la création nécessaire d’une « station maritime » à Villefranche comme celles qui
existent déjà ailleurs (Vogt 1876). Quelques années plus tard, deux jeunes biologistes - Jules Barrois,
venant de Lille, et Hermann Fol, un zoologiste Genevois inspiré par Vogt - créent un premier
laboratoire à Villefranche sur Mer (Anon. 2010, 2024, Dolan 2024).
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Fig 6. Les œuvres plancton de Johannes Müller, Rudolf Leuckart, Ernst Haeckel et Carl Vogt
A – radiolaires découverts à Nice et Villefranche en 1856 par Müller.
B – radiolaires observés à Nice et Villefranche en 1864 et publiés par Haeckel (Dolan 2019)
C – QR codes : accès au site Aquaparadox (John Dolan, IMEV) : A gauche ; espèces découvertes à
Villefranche (Dolan 2014). A droite : les posters de Leuckart (Dolan 2023c)
D – radiolaires, poster mural 29 de Leuckart. Dessin de Otto Bütschli, Université de Vienne
E – dessin de la faune marine par Vogt pour son livre « Ocean und Mittelmeer (Vogt 1848) »
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1880 : Fol, Barrois d’abord, puis Korotneff - la naissance de la station marine à Villefranche
Cinq ans après que Vogt ait souhaité qu’un laboratoire maritime soit créé à Villefranche sur mer,
Jules Barrois, jeune enseignant Lillois, et le zoologiste suisse Hermann Fol, exaucent ce vœu. Fol est
probablement inspiré par Vogt, son mentor, dont il devient le collègue en 1878 en tant que professeur à
l’Université de Genève. Six ans plus tôt, Fol était déjà venu séjourner à Nice pendant plusieurs mois
pour soigner sa santé, tout en collectant et en observant des organismes planctoniques - appendiculaires
et ptéropodes (Dolan 2024).
Nous ne savons pas pour quelles raisons Barrois qui a 30 ans lorsqu’il crée un premier laboratoire
avec Fol, est attiré par la région niçoise mais il semble être présent dès 1879 (Fokin 2008). Barrois a
fait une thèse sur le développement des bryozoaires et des némertes à l’Université de Lille et à la
station marine de Wimereux créée en 1774 (Barrois 1877). A Villefranche il étudie principalement la
métamorphose chez plusieurs échinodermes.
Hermann Fol est un personnage romanesque, brillant et a la réputation d’être querelleur (Dolan
2024, Mahé & Sardet 2009). Né dans la région parisienne en 1845 dans une famille de banquiers
genevois, Fol est envoyé très jeune pour étudier à Genève avec Edouard Claparède, un zoologiste
célèbre pour ses travaux sur les protistes et les invertébrés. Il est un élève de Müller et un collègue et
ami de Haeckel. Claparède incite Fol à poursuivre des études de médecine avec Haeckel à Iéna.La
thèse de Fol, qu’il complète à Zurich et à Berlin est soutenue en 1869. Elle concerne l’anatomie et le
développement des cténophores, des animaux planctoniques ancestraux (Sardet 2013, Dolan 2024).
Lorsque en 1879, Fol revient dans la région niçoise, il a 36 ans et il est reconnu pour avoir été le
premier à décrire et illustrer la pénétration des spermatozoïdes dans des ovocytes lors de la fécondation
(Fol 1878, Buscaglia & Duboule 2002). Fol a fait ces découvertes à Messine dans les années 1870 chez
les étoiles de mer, les oursins et les chaetognates. Il transfère en 1878 son laboratoire de Messine à
Villefranche. Dans son abondante correspondance avec son autre mentor, Henri Lacaze-Duthier,
créateur et directeur des stations marines de Roscoff et de Banyuls, Fol mentionne la présence sur la
Côte d’Azur d’autres jeunes chercheurs et le passage de Vogt en 1879 (Jessus & Laudet 2022). A partir
de 1881, Fol fait la navette entre le laboratoire de Villefranche sur Mer et Genève où il enseigne
l’embryologie et mène diverses activités – photographie, surveillance microbiologique des eaux
potables, création d’une revue scientifique, etc. (Dolan 2024). De ses recherches à Villefranche, Fol
tire des articles sur des ciliés – les tintinnides – et un curieux protiste rhizopode – Sticholonche zanclea
(Fol 1883). Ces travaux ont eu une descendance à travers des recherches effectuées plus d’un siècle
plus tard par des chercheurs à Villefranche sur Mer (Sardet 2024).
En 1881-82, Barrois et Fol, encouragés par Charles Darwin et Henri de Lacaze-Duthier créent le
premier laboratoire à Villefranche sur mer dans le site de l’ancien bagne des galères datant du 18 ème
siècle au port de la Darse (Anon 2010, 2024). Barrois et Fol investissent d ’abord une tour du lazaret
avec l’équipement mis à disposition par Fol. Puis Barrois et Fol installent le Laboratoire de Zoologie
Marine sous l’égide de l’Ecole Pratique des Hautes Études dans un grand bâtiment – la chiourme des
galères qui sert d’hôpital et de prison. Un zoologiste russe, Alexis Korotneff rêve d’établir également
un laboratoire dans le même batiment mais sous l’égide de l’empire tsariste russe dont la marine de
guerre à l’usage des locaux. Fol et Barrois accueillent de nombreux collègues. Ils listent une
quarantaine de visiteurs et leurs sujets de recherches année par année de 1881 à 1889 (Barrois & Fol
81-89).
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Fig. 7. Les œuvre de Hermann Fol, Jules Barrois, Alexis Korotneff et Elie Metchnikoff
A – dessins de la pénétration d’un spermatozoide dans l’ovocyte par Fol (Fol 1878)
B – dessins du développement du briozoaire Pedicellina sp. par Barrois pour sa thèse
C – dessins de ciliés tintinnides dans leurs lorica par Fol ( voir Dolan 2024)
D – dessin de la gastrulation chez une méduse par Metchnikoff (Metschnikoff 1886)
E – dessins du protiste Sticholonche zancléa et de ses parasites intracellulaire par Korotneff
Deux visiteurs villefranchoix - Elie Metchnikoff et Alexandre Kowalevski - sont célèbres pour leurs
contributions scientifiques. Le zoologiste russe Elie Metchnikoff est accueilli à la station de
Villefranche en 1886. Il y décrit la formation de la gastrula chez les méduses, des travaux qui seront
repris 150 ans plus tard à la station marine (article compagnon, Sardet 2024) Pour ses recherches sur
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les mécanismes de l’immunité, Metchnikoff partage en 1908 le prix Nobel de médecine avec Paul
Erlich. L’autre visiteur russe célèbre, Kowalevski, est considéré comme le père de l’embryologie
évolutive. Il a en particulier démontré que les ascidies sont des chordés et à ce titre sont peut-être les
ancêtres des vertébrés et que tous les animaux connaissent une phase de gastrulation pendant
l’embryogénèse (Kowalevsky 1866, Jessus & Laudet 2024). Il séjourne déjà dans la région niçoise en
1878 – 79, et est accueilli à la station de Villefranche en 1882 pour étudier l’embryogénèse et la
gastrulation chez les chitons (des mollusques , voir listes des visiteurs : Barrois & Fol 81-89).
Curieusement Korotneff n’apparaît qu’à partir de 1882 comme l’un des visiteurs dans les listes de
Barrois et Fol, alors qu’il était probablement sur place avant cela. Toujours est-il qu’en 1884,
Korotneff fonde la Station Russe de Zoologie avec l’appui du ministère de la marine du gouvernement
russe qui a la jouissance de l’ancienne chiourme des galères. Le bâtiment désaffecté n’est plus utilisé
par la flotte de guerre russe et est baptisé «la maison russe» par les locaux ( Anon. 2010, 2024,
Trégouboff 1983). Korotneff qui a étudié la zoologie à Moscou est nommé professeur à Kiev à partir
de 1886. C’est un grand voyageur et il ne sera présent à Villefranche que de temps en temps. Il est
secondé sur place par son assistant, Michael Davidoff qui succèdera à Korotneff en 1915. Dans le
cadre de la station, Korotneff étudie l’embryologie des salpes et des ascidies. Il s’intéresse aussi aux
cnidaires et au protiste Sticholonche sur lequel Fol a déjà publié (Figure 7, Fol 1883, Korotneff 1891).
Les relations entre Barrois et Fol d’une part et Korotneff d’autre part au sein de la maison russe sont
cordiales au début mais se dégradent après une absence de Korotneff. Celui-ci ayant obtenu du
gouvernement français, allié de la Russie l’occupation des lieux, Fol et Barrois sont expulsés de la
station marine par des gendarmes en 1887 (Trégouboff 1983).
L’influence russe et la station marine de Villefranche sur Mer
La station marine occupe une grande bâtisse de 70 m de long construite en 1769 qui servait de
prison/hôpital pour les bagnards, des prisonniers de droits commun et de guerre (Figure 8, Anon 2020).
La chiourme des galères est devenue la maison russe à l’époque de l’implantation d’une colonie russe à
Nice à partir du milieu du 19 ème siècle (Braconnot et al. 2004). En 1856, le traité de Paris met fin à la
guerre de Crimée pendant laquelle la France, l’Angleterre et le royaume de Piémont-Sardaigne (le
comté de Nice en fait alors partie) affrontent la Russie tsariste. En 1856, puis en 1859 l’impératrice
Alexandra Féodorovna, veuve du Tsar Nicolas 1 er débarque à Villefranche et séjourne plusieurs mois à
Nice. Elle rencontre le Roi de Sardaigne ce qui favorise les tractations pour que la bâtisse des galères
devienne la maison russe. Elle sert de dépôt de charbon pour la marine de guerre russe qui croise en
Méditerrannée, et fait escale dans la baie de Villefranche depuis les années 1770. La présence de cette
base militaire et de l’impératrice et sa cour attirent à Nice une colonie russe de plus de 150 familles
fortunées qui font bâtir de somptueuses villas et une imposante église orthodoxe. En 1860, le comté de
Nice et la Savoie sont rattachés à la France, mais la maison russe, bien que propriété de l’état français,
est utilisée par la marine russe jusqu’à ce que celle-ci, interdite de Méditerrannée en 1878 par le
Royaume-uni et l’Autriche-Hongrie au congrès des Nations à Berlin, cesse de l’utiliser. La bâtisse
reste cependant à disposition de la Russie. Finalement, en 1931, la Station Zoologique sera
officiellement rattachée au Ministère de l’Éducation français et sera placée sous l’autorité du directeur
du laboratoire Arago (station marine de Banyuls). La Station Zoologique de Villefranche sur Mer aura
comme sous-directeur, le planctonologiste russe Grégoire Trégouboff, successeur de Michael
Davidoff. Il s’occupera de l’institution jusqu’en 1956 sous l’égide de l’Université de Paris (Anon.
2010, 2024, Trégouboff 1983, Dolan 2014). La Station Russe de Zoologie continuera donc d’exister
jusqu’en 1930 avec des scientifiques russes et un modeste personnel villefranchois. La station se
maintiendra après la révolution bolchévique de 1917 malgré des difficultés financières grâce au soutien
de membres de l’Académie des Sciences russe en exil. Le soutien viendra aussi de l’importante
aristocratie et intelligentsia russe qui s’est réfugiée sur la Côte d’Azur et en Europe après la révolution.
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Fig 8. La Station Marine de Villefranche sur Mer
A – la tour du lazaret dans laquelle Fol et Barrois ont établi un premier laboratoire en 1880
B – la baie de Villefranche accueille des marines de guerre du 18 ème au 20 ème siècle
C – la station zoologique de Villefranche sur Mer et les bateaux de collecte au 20 ème siècle
D, E – l’Institut de la mer de Villefranche (IMEV) sur le port de la Darse
QR code : donne accès au site de la station marine de Villefranche (IMEV) et son histoire (Anon. 2010, 2020).
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Des peintres niçois naturalistes aux peintres impressionistes voyageurs
Au 19 ème siécle, une vingtaine de peintres reconnus vivent de leur art dans la région niçoise dont ils
peignent les coutumes et paysages urbains, villageois et maritimes à l’aquarelle, la gouache ou l’huile
dans des formats modestes (Giraudy 1998). Les niçois sont familliers avec certains d’entre eux :
Roassal (1781 -1850), Fricero (1807 – 1870), Carlone (1812-1873),Trachel (1820-1872), Fossat (1822-
1891), Costa (1833-1921), Comba (1834-1872), Mossa (1844-1926), Besset (1861 -1902) car ce sont
les noms de rues, avenues ou boulevards principaux de la ville. En relation avec notre histoire, deux
peintres, Vincent Fossat, et Joseph Fricero méritent d’étre mentionnés. Fossat qui a travaillé avec Barla
et Vérany est aussi l’auteur de tableaux représentant la Côte d’Azur et le travail des pêcheurs qu’il
fréquente pour peindre les poissons dès l’arrivée des embarcations (Defaÿ 1998, Dolan 2022).
Joseph Fricero est un peintre voyageur et aventurier né dans une famille nombreuse de vignerons et
négociants en vins (Giraudy 1998). Ami d’enfance de Guiseppe Garibaldi, Fricero dessine dès son
enfance et suit les enseignements d’un peintre romain Christian Borghèse à l’école de dessin Barberi à
Nice. Mais ce qui nous rattache à Fricero, c’est sa quête de voyages - en Italie, Sicile, Espagne,
Tunisie,Turquie, Suède, etc. - et de rencontres qui l’amène à Saint Petersbourg où il se lie d’amitié
avec le prince Gagarine, intime de l’aristocratie russe. Adopté comme professeur de dessin par la
famille du Tsar Nicolas 1 er , Fricero se marie avec Joséphine, dite Yousia, la fille naturelle du Tsar.
Protégée de l’impératrice douairière Alexandra Féodorovna qui séjourne à Nice en 1856 et 1858 avec
sa cour après la mort de Nicolas 1 er , Yousia et son mari Joseph Fricéro auront 4 enfants dont les
souverains russes seront les parrains. Fricero et sa famille s’installent à Nice dans un vaste domaine
d’où il peint Nice inlassablement. Sa production se ralentira à partir des années 1860 lorsque Nice
devient française, les hivernants goûtant moins sa peinture académique. Fricero meurt en 1870 dans un
relatif isolement. Ses œuvres seront redécouvertes et appréciées à partir des années 1920.
Les années 1860-70 sont l’époque d’un grand changement dans la peinture symbolisé par la
première exposition impressionniste dans l’Atelier Nadar à Paris en 1874. La première impressioniste à
Nice en 1882 est Berthe Morisot qui peint chaque jour et confie à sa soeur Edma, «je ne comprends pas
que ce pays ne serve pas de grand atelier à tous les jeunes paysagistes, outre sa beauté, on y jouit d’une
fixité dans le temps qui permet la recherche plus consciencieuse» (Giraudy 1998, Anon. 2024b).
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Fig 9. Les artistes niçois et impressionnistes peignent Nice et Villefranche sur Mer
En début de l’année 1888, Claude Monet (1840-1926), inspiré par les récits de Guy de Maupassant,
met le cap sur la Côte d’Azur qu’il a visitée 4 ans auparavant et séjourne à Antibes pour peindre. Il y
attire son ami Auguste Renoir ( 1841-1919) qui s‘installera définitivement à Cagnes en 1902. Un autre
impressionniste d’origine Havraise, Eugène Boudin (1824 – 1898), vient peindre la baie de
Villefranche encombrée de bateaux de guerre chaque été à partir de 1892 jusqu'à sa mort (Giraudy
1998). D’autres peintres célèbres suivront – Chagall, Soutine, Modigliani, Matisse, Picasso et autres –
qui apprécient la beauté, la lumière et le climat de la région.
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Remerciements
Un grand merci à John Dolan et Elisabeth Christian pour m’avoir encouragé à écrire cet article.
John a généreusement partagé ses connaissances du sujet et des personnages et a apporté une aide
précieuse dans l’historique, l’illustration et le référencement. Gabrielle Baglione du Muséum
d’Histoire Naturelle du Havre et Joëlle Defaÿ du Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Nice
m’ont merveilleusement accueilli et ont permis l’accès et la reproduction des œuvres de Lesueur et
Péron, Risso, Vérany, Barla et Fossat. Je les remercie pour avoir commenté et corrigé un premier
manuscrit. Catherine Jessus a également partagé ses connaissances des personnages et fourni des
commentaires judicieux.
Références
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à l’occasion des célébrations des 125 ans d’existence d’un laboratoire à Villefranche sur Mer : PDF :
https://www.imev-mer.fr/doc/livre/Livre_OOV_125_ans.pdf
Anon. 2020 Association pour la Sauveguarde du Patrimoine de Villefranche sur Mer Site :
https://darse.fr/v2/?page_id=1087
Anon. 2024a L’Histoire de L’Institut de la Mer de Villefranche (IMEV). Site : https://www.imev-mer.fr/web/?p=3484
Anon. 2024b Berthe Morisot à Nice. Escales impressionnistes. Exposition en 2024 au Musée des Beaux-Arts Jules
Chéret : https://www.art-critique.com/2024/06/berthe-morisot-a-nice-escales-impressionnistes/ et
https://peintres.nicehistorique.org/dwn/03_de_la_villegiature.pdf
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Lesueur. Arts & Sciences, ce numéro.
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utiles ou nuisibles, 6, Gen. V. Clitocybe. Nice : A. Gilletta.
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Sardet C. 2024 Deux siècles d’arts et de sciences à Nice et Villefranche sur Mer
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Vérany J.B. 1851 Mollusques méditerranéens ; observés, décrits, figurés, et chromolithographiés d'après le vivant, 1ére
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Décrire la faune marine de la Côte d’Azur en 1809 :
l’étude de François Péron et Charles-Alexandre
Lesueur
Describing the marine fauna of the Côte d'Azur in 1809: the study by
François Péron and Charles-Alexandre Lesueur
Gabrielle Baglione 1
1
Muséum d’histoire naturelle, Ville du Havre, gabrielle.baglione@lehavre.fr
RÉSUMÉ. François Péron et Charles-Alexandre Lesueur, respectivement zoologiste et dessinateur naturaliste, ont formé
durant 10 années un duo de savants singulier. Entre 1800 et 1810, ils mettent leur travail, leurs hypothèses et leurs
expériences au service de la connaissance du monde animal. L’étude de la faune marine, en particulier des méduses, est
l’un de leurs sujets de prédilection. En 1809, ils poursuivent à Villefranche sur Mer, en Méditerranée, les travaux qu’ils ont
jusqu’alors mené dans les océans pendant le Voyage de découvertes aux Terres australes (1800-1804) décidé par
Bonaparte et mené par Nicolas Baudin. Deux siècles plus tard, les spécialistes des organismes marins continuent de
rendre hommage à ce travail novateur.
ABSTRACT. François Péron and Charles-Alexandre Lesueur, a zoologist and a naturalist draughtsman, formed a unique
pair of scientists over a period of 10 years. Between 1800 and 1810, they put their work, their hypotheses and their
experiments at the service of knowledge of the animal world. One of their favourite subjects was the study of marine
fauna, particularly jellyfish. In 1809, in Villefranche sur Mer, in the Mediterranean, they continued the work they had been
carrying out in the oceans during the voyage of discovery to the Southern Lands (1800-1804) decided by Bonaparte and
led by Nicolas Baudin. Two centuries later, specialists in marine organisms continue to pay tribute to this pioneering work.
MOTS-CLÉS. François Péron, Charles-Alexandre Lesueur, Méduses, Villefranche sur Mer, Dessin naturaliste.
KEYWORDS. François Péron, Charles-Alexandre Lesueur, Jellyfish, Villefranche sur Mer, Naturalistic drawing.
En 1809, l’inventaire des espèces vivantes est déjà bien construit, tant en botanique qu’en zoologie.
Les espèces marines sont cependant moins connues que les espèces terrestres. Un duo de savants va
franchir un grand pas en ce domaine, posant des bases pertinentes et innovantes en étudiant la faune de
Méditerranée, dans la zone géographique de ce qui deviendra l’emplacement de la future station
marine de Villefranche-sur-Mer (voir article de Christian Sardet).
Naissance d’un duo et d’une méthodologie d’étude
Le zoologiste François Péron (1775-1810) et le dessinateur Charles-Alexandre Lesueur (1778-1846)
se sont connus lors de l’expédition scientifique organisée par l’Institut sous les auspices de Bonaparte
vers l’Australie, le Voyage de découvertes aux Terres australes (1800-1804). Les nombreux mois de
navigation leur ont permis de procéder à de nombreux prélèvements de faune marine. Un véritable
laboratoire était organisé à bord. Des aquariums autorisaient l’observation de spécimens collectés au
filet, et des outils de dissection permettaient de comprendre au mieux l’organisation interne des
animaux prélevés. L’intérêt pour ces spécimens est sans doute lié aux questionnements des savants du
Muséum de Paris. « Dans cette période post-révolutionnaire, les naturalistes se posent la question
fondamentale sur l’origine de la vie et Lamarck, professeur au Muséum de Paris, l’envisage dans les
masses gélatineuses qui se déplacent dans le grand océan » 1 . Outre Jean-Baptiste de Lamarck (1744-
1829), Georges Cuvier (1769-1832) indique également son intérêt : « Lorsque le Capitaine Baudin
1
Goy Jacqueline, 2021 – « L’invention des méduses par François Péron et Charles-Alexandre Lesueur », Australie-Le Havre, l’intimité d’un lien
(1801-2021), Catalogue de l’exposition du Muséum d’histoire naturelle du Havre. Editions MkF-Muséum d’histoire naturelle du Havre
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partit pour sa seconde expédition, aucun naturaliste n’avait vu, depuis Brown, les animaux appelés par
lui Thalia, ni depuis Forskaohl ceux que ce dernier a nommés Salpa, et auxquels Bruguière a ensuite
appliqué le nom de Biphores ; on n’avait aucune notion précise sur leur organisation, et c’était
absolument au hasard qu’on les avait rangés dans les méthodes. Je dus donc rendre les naturalistes, qui
partaient avec ce capitaine, attentifs à ce besoin de la science et je recommandais particulièrement à
M.Péron (…) d’observer et de recueillir le plus qu’il pourrait de ces animaux » 2 .
Les animaux de ces « masses gélatineuses », que les marins décrivent comme souvent
luminescentes, sont alors englobés sous le terme générique de « mollusques ». Le travail du duo Péron-
Lesueur sur les méduses est sans doute le plus abouti ; ils comprennent que les méduses sont des
animaux carnivores, ce qui empêche désormais de les imaginer comme des organismes à l’origine de la
vie. L’ensemble des invertébrés marins qu’ils prélèvent sont objets d’études.
Des premières découvertes à la classification des espèces
L’étude des méduses commencée en 1800 se poursuit jusqu’à la mort de Péron en 1810. Péron est
un naturaliste savant et pertinent dans ses hypothèses et expériences. Il guide le regard de Lesueur.
Celui-ci bénéficie d’une acuité visuelle exceptionnelle et montre un talent de représentation toujours
salué par les spécialistes plus de deux cents ans après la réalisation de ses aquarelles. Pour les
nombreux spécimens étudiés pendant le Voyage aux Terres australes, ils ont construit une
classification ainsi que le vocabulaire nécessaire à leur description. Les deux savants poursuivront de
concert leurs travaux pendant les six années qui suivent le retour de l’expédition.
En août 1808, Lesueur et Péron se rendent au Havre, ville d’origine de Lesueur. Les bassins insérés
dans la ville vivent au rythme des marées de la Manche. Leur faune est facile d’accès. Les deux savants
poursuivent leurs pêches et prélèvements au filet, et enrichissent leur inventaire. Ils indiquent les
caractéristiques de chaque spécimen, et les insèrent dans leur classification. Plusieurs espèces décrites,
dont Chrysaora hysocella, sont toujours présentes sur le littoral du Havre plus de deux siècles après
cette étude.
Villefranche-sur-Mer, un lieu incontournable pour poursuivre l’étude
François Péron a contracté une tuberculose pulmonaire pendant le Voyage aux Terres australes. Il
vit avec Lesueur à Paris, et en 1808 son médecin lui recommande de passer l’hiver dans des conditions
climatiques plus clémentes. Les deux savants organisent ainsi un séjour sur la Côte d’Azur et
souhaitent y rencontrer Antoine Risso (1777-1845), qui a engagé un grand travail sur les poissons des
profondeurs. De février à août 1809, Péron et Lesueur vivent entre Nice et Villefranche-sur-Mer.
L’hiver 1809 est l’un des plus froids enregistrés sur la Côte d’Azur - même les citronniers gèlent.
Péron et Lesueur poursuivent cependant leurs recherches avec l’aide de marins et un bateau mis à leur
disposition par le commissaire du port. Dans cette zone de la côte, de grandes profondeurs marines
sont très proches du littoral, ce qui permet d’accéder facilement à une grande diversité d’espèces
d’animaux marins qui vivent à différentes profondeurs.
La méthodologie mise en place pendant le Voyage aux Terres australes est à nouveau appliquée. Les
deux savants pêchent et utilisent des filets qu’ils traînent à la surface de l’eau pour prélever des
2
Cuvier Georges, 1804 – « Mémoire sur les Thaliacés (Thalia, Brown) et sur les Biphores (Salpa, Forskaohl). Ann. Mus. Nat. Hist. Nat., t.4, an XII
(1804), p.360-382, cité par Bonnemains Jacqueline, Braconnot Jean-Claude 1986 « Les tuniciers pélagiques : salpes et pyrosomes étudiés par
François Péron et Charles-Alexandre Lesueur au début du 19è siècle », Bull. trim. Soc. Géol. Normandie et Amis du Muséum du Havre, t. LXXIII,
fasc.3, année 1986, 3 e trim, p. 46
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spécimens. Péron précise qu’il réalise de petits élevages afin de comprendre le mode de vie de ces
animaux, notamment les caractéristiques de leur locomotion, de leur nutrition et de leur reproduction 3 .
Ils procèdent par ailleurs à des mesures de la température de l’eau 4 . Après quelques jours d’un
violent mistral, ils constatent une différence de variété des espèces proches de la surface de l’eau. « Ce
phénomène hydrologique, connu sous le nom d’upwelling ou remontée d’eau, n’a été expliqué qu’en
1968. Il se produit lorsque de forts vents marins poussent l’eau de surface des océans. Les eaux du
fond remontent alors à la surface chargées d’une quantité importante de nutriments. C’est ainsi qu’ils
[Péron et Lesueur] associent climat, hydrologie et zoologie dans une étude des ‘Conditions
hydrographico-zoologiques’, prélude aux théories de Haeckel en 1866, c’est-à-dire l’étude de la
biologie en relation avec les conditions du milieu » 5 .
Les recherches menées pendant près de 10 ans donneront lieu à plusieurs publications. En 1810 le
"Tableau des caractères génériques et spécifiques de toutes les espèces de Méduses connues jusqu'à ce
jour" fait date. La classification de ces animaux telle que Péron et Lesueur la proposent est assez
conforme à la classification encore en vigueur aujourd’hui. En 1815 Lesueur publie 14 planches
dessinées, qui permettent de diffuser l’apport de ces travaux pour la connaissance de ces organismes.
Des savants, en Europe et aux Etats-Unis, y feront référence tout au long du 19 ème siècle. Et deux
siècles plus tard, les spécialistes de ces organismes continuent de rendre hommage à ce travail
novateur.
Dessins et carnets de la collection du Muséum d’histoire naturelle du Havre : extraits
I. Paysages et coutumes locales (figures 1-6)
A Nice comme à Villefranche sur Mer, Lesueur peint le littoral et les collines, parfois vus depuis le
bateau. A Villefranche, il décrit le bassin de radoub. Les vues du Vieux Nice montrent son intérêt pour
certains lieux : place du palais de Justice sur laquelle se trouve la pharmacie de Risso et marché aux
poissons qui a sans aucun doute été pourvoyeur de spécimens. Risso s’intéressait déjà aux animaux que
les pêcheurs ramenaient involontairement dans leurs filets, Lesueur et Péron suivent son exemple (voir
article de Christian Sardet). Lesueur décrit les outils et méthodes des pêcheurs : bateaux, ancres,
chaluts, nasses, filets et leurs bouées. Par le dessin et des commentaires écrits, il décrit notamment les
filets utilisés selon le type de poissons recherché – sardines, bogues : constitution des filets et taille de
leurs mailles, usage en mer et méthode mise en œuvre pour les retirer de l’eau, technique permettant de
les protéger de la corrosion saline.
II. Animaux marins (figures 7-11)
Les descriptions écrites de Péron de nombreux dessins d’étude, très détaillés, indiquant souvent la
morphologie interne de l’animal. Les coupes longitudinales de certains spécimens sont des
recompositions intellectuelles rendues possibles par l’observation fine et les dissections. La
représentation sur une même planche de l’animal dans différentes postures permet de comprendre son
mode de locomotion.
Les représentations à l’aquarelle sont réalisées à l’aide d’une loupe et d’un pinceau très fin. Le vélin
que Lesueur choisit comme support est particulièrement pertinent pour la représentation de ces
organismes : la peau est blanche, sa surface est lisse et offre une certaine forme de transparence, et les
3
Bonnemains Jacqueline, Braconnot Jean-Claude 1986 « Les tuniciers pélagiques : salpes et pyrosomes étudiés par François Péron et Charles-
Alexandre Lesueur au début du 19è siècle », Bulletin trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre, t. LXXIII,
fasc.3, année 1986, 3 e trim, p.48.
4
Le thermobatomètre permet de relever la température de l’eau en profondeur sans que ce résultat ne soit modifié par le passage de l’instrument
par la température des eaux proches de la surface.
5
Goy Jacqueline, 2009 – Sur la Côte d’Azur. Carnet de voyage de Lesueur et Péron en 1809. Editions de Conti, pp. 74-75
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légères déformations de ce matériau vivant servent bien la nature du spécimen, qui semble se mouvoir
dans l’eau. Lesueur soigne la composition de ses planches. Le dessin est riche en informations pour le
savant naturaliste, mais tout novice peut l’apprécier pour ses qualités esthétiques.
Figure 1. Nice, plage des Ponchettes. Lesueur inscrit : « à Nice – lieu où est établi les chaudières où les
pêcheurs font leur tan ». Dans ces « chaudières » (chaudrons) les pêcheurs trempaient leurs filets dans un
tanin (« tan ») fabriqué à base d’écorce de liège, afin de les protéger de la corrosion saline. La plage des
Ponchettes est située au pied de la colline du Château. Charles-Alexandre Lesueur, 1809, Crayon sur papier,
12.3 x 18.8 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35177.
Figure 2. Plage de Nice, pêcheurs ramenant un filet sur la grève. Lesueur inscrit sur son croquis des
précisions concernant les différentes tailles des mailles du filet. Charles-Alexandre Lesueur, 1809, Crayon sur
papier, 10.3 x 17.6 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35230-6v.
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Figure 3. Filet de pêche à la sardine. Lesueur décrit à la fois le filet, ses dimensions et la méthode d’utilisation
de celui-ci. Parmi les inscriptions, on peut lire : « Filet à sardine – sa position dans l’eau – mailles de 6 pouces
– il faut au moins 12 hommes pour tirer à terre une pareille seine [ = filet] – licol que les hommes se mettaient
en banderole pour tirer plus facilement le filet avec la longue corde ». Charles-Alexandre Lesueur, 1809,
Crayon sur papier, 10.3 x 17.6 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35230-23v.
Figure 4. « poissonnerie de Nice ». Le marché aux poissons de Nice s’organisait sous les terrasses des
Ponchettes, situées le long du quartier de la vieille ville. Charles-Alexandre Lesueur, 1809, Crayon sur papier,
10.3 x 17.6 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35230-15v.
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Figure 5. « place de Nice ». Place du Palais de Justice de Nice, vue depuis la rue de la Préfecture au cœur
de la vieille ville. La pharmacie d’Antoine Risso était située sur cette place. Charles-Alexandre Lesueur, 1809,
Crayon sur papier, 17.6 x 10.3 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35230-6.
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Figure 6. Port de Villefranche sur Mer. Entrée du bassin de radoub destiné à la réparation des coques des
navires. Sur la gauche de la composition, la jetée de la Darse. Construit à partir de 1730, ce bassin mesure 62
mètres sur 12 mètres. La façade centrale a été démolie en 1850 pour permettre l’accueil de bateaux de plus
grande taille mais le bassin est toujours utilisé pour le chantier naval à l’air libre. Charles-Alexandre Lesueur,
1809, Crayon sur papier, 12.4 x 23.2 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 35222
Figure 7. Méduse Koellikerina fasciculata Péron et Lesueur, 1810. Observée et décrite par Lesueur et Péron
en Méditerranée, cette méduse vit également dans l’Océan Atlantique. Charles-Alexandre Lesueur, Aquarelle
sur vélin, 29 x 44 cm, 1809 ou 1810, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 70017
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Figure 8. Méduse Neoturris pileata (Forsskal, 1775). Est inscrit sur le dessin : « des côtes de Nice ». Charles-
Alexandre Lesueur, 1809 ou 1810, Aquarelle sur vélin, 27.5 x 42 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle,
inv. MHNH 70020
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Figure 9. Méduse Pelagia noctiluca (Forsskal, 1775). La présence d’un alevin à l’intérieur de la méduse met
en évidence le caractère carnivore de ces animaux. Charles-Alexandre Lesueur, 1809 ou 1810, Aquarelle sur
vélin, 43 x 27.5 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 70048
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Figure 10. Méduse Rhisostoma pulmo Macri, 1778. Observée sur les côtes de Nice, cette méduse ne vit
qu’en Méditerranée. Charles-Alexandre Lesueur, 1809 ou 1810, Aquarelle sur vélin, 27.9 x 42.2 cm, Le Havre,
Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 70057
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Figure 11. Méduse Chrysaora hysoscella (Linné, 1766). Charles-Alexandre Lesueur 1809, Aquarelle sur vélin,
43 x 28 cm, Le Havre, Muséum d’histoire naturelle, inv. MHNH 70060
Sélection de références bibliographiques
Baudin Nicolas, 2001 - Mon Voyage aux Terres Australes, Journal personnel du commandant Baudin illustré par
Lesueur et Petit. Texte établi par Jacqueline Bonnemains, avec la collaboration de Jean-Marc Argentin et Martine
Marin. Editions de l’Imprimerie Nationale.
Goy Jacqueline, 1995 - Les méduses de Péron et Lesueur – Un autre regard sur l’expédition Baudin. Editions du CTHS,
collection Histoire des Sciences.
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Goy Jacqueline, Baglione Gabrielle 2009 – Sur la Côte d’Azur. Carnet de voyage de Lesueur et Péron en 1809. Editions
de Conti.
Goy Jacqueline, 2021 – « L’invention des méduses par François Péron et Charles-Alexandre Lesueur », Australie-Le
Havre, l’intimité d’un lien (1801-2021), Catalogue de l’exposition du Muséum d’histoire naturelle du Havre. Editions
MkF-Muséum d’histoire naturelle du Havre
Bonnemains Jacqueline, Braconnot Jean-Claude 1986 « Les tuniciers pélagiques : salpes et pyrosomes étudiés par
François Péron et Charles-Alexandre Lesueur au début du 19è siècle », Bulletin trimestriel de la Société Géologique
de Normandie et des Amis du Muséum du Havre, t. LXXIII, fasc.3, année 1986, 3 e trim.
Baglione Gabrielle, Crémière Cédric, 2009 - Charles-Alexandre Lesueur, peintre naturaliste – Un trésor oublié. Editions
de Conti.
Péron François, Lesueur Charles-Alexandre, 1809 - Tableau des caractères génériques et spécifiques de toutes les espèces
de méduses connues jusqu'à ce jour. Annales du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, n° 14: 325-366.
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Deux Siècles d'Arts et de Sciences à Nice
et Villefranche-sur-Mer : 2) Les Modernes : 1960 à 2024
Two Centuries of Arts and Science in Nice and Villefranche:
2) The Moderns: 1960-2024
Christian Sardet 1
1
Sorbonne Université, CNRS, Laboratoire de Biologie du Développement (LBDV), Institut de la Mer de Villefranche sur
Mer (IMEV), 06230, France, christian.sardet@imev-mer.fr
RÉSUMÉ. Dans l'article complémentaire (Sardet 2024-1 Les anciens : de 1800 à 1900), nous relatons l'histoire de
l'exploration de la faune de la région niçoise, et en particulier des organismes pélagiques. Dans ce deuxième article, nous
examinons comment, plus d'un siècle plus tard, la recherche scientifique en biologie et physiologie cellulaire et
moléculaire du développement a évolué à la station marine de Villefranche-sur-Mer. Alors que la biologie et l'écologie du
plancton sont prédominants sur le site et ont progressivement conduit à la croissance d’un grand laboratoire
d'Océanographie à Villefranche-sur-Mer (LOV), à partir des années 1960 de nouvelles équipes de recherche sur la
physiologie des poissons et des protistes ont été accueillies. Et dans les années 1980, une équipe de recherche créée
par le CNRS a évolué en l'actuel Laboratoire de Biologie du Développement (LBDV). Nous décrivons comment les
techniques d'imagerie et de biologie cellulaire moléculaire ont permis d’analyser l’ovogénèse, la fécondation et le
développement chez les oursins, tuniciers, cténophores, cnidaires et d'autres organismes marins dont certains étaient
déjà étudiés par les fondateurs et les visiteurs de la station marine au 19 ème siècle. Nous soulignons que de nouveaux
modèles - l'ascidie Phallusia, l'appendiculaire Oikopleura et la méduse hydrozoaire Clytia – ont vu le jour sur le site. Nous
discutons aussi les façons de promouvoir les découvertes par le biais de photographies, de dessins, d’expositions et sites
internet esthétiques.
ABSTRACT. In a companion article (Sardet 2024-1 Les anciens : de 1800 à 1900) we told the story of the exploration of
the fauna of the Nice region, and in particular of pelagic organisms. In this article we examine how, more than a century
later, research in cell and developmental biology and in physiology evolved at the marine station of Villefranche-sur-Mer.
While research in the biology and ecology of plankton remained predominant on the site, and gradually led to the growth
of a large multidisciplinary oceanography laboratory (LOV), physiology and cell biology were introduced in the 1960s.
New research teams focused on the physiology of fish and protists were welcomed. And in the 1980s a new research
team was created by the CNRS which has grown to the present Laboratoire de Biologie du Developpement (LBDV). We
describe how imaging and molecular biology techniques were used to understand fertilization and development in sea
urchins, tunicates, cnidarians, and many other marine organisms already studied by the founders and visitors of the
marine station in the 19 th century. We discuss the development of new model organisms - the ascidian Phallusia, the
appendicularian Oikopleura and the hydrozoan medusa Clytia. We also discuss promoting scientific discoveries via
aesthetic photographs, drawings, exhibits and web sites.
MOTS-CLÉS. Villefranche sur Mer, plancton, protistes, oursins, ascidies, appendiculaires, ctenophores, cnidaires,
chaetognates, siphonophores, tintinnides, Paracentrotus Phallusia, Oikopleura, Clytia.
KEYWORDS. Villefranche sur Mer, plankton, protists, sea urchins, ascidians, appendicularians, ctenophores, cnidarians,
chaetognats, siphonophores, tintinnids, Paracentrotus Phallusia, Oikopleura, Clytia.
Introduction
À partir des années 1960 -1970 la station marine de Villefranche-sur-Mer a évolué en un centre de
recherche et d’enseignement multidisciplinaire (Anon. 2010, 2024). Les recherches zoologiques
initiées il y a 150 ans par Fol, Barrois, Korotneff et leurs visiteurs (voir article compagnon : Sardet
2024-1 les anciens : de 1800 à 1900) s’amplifient sous l’égide de l’Université Pierre & Marie Curie
(UPMC, actuellement Sorbonne Université) et du Centre National de la Recherche Scientifique
(CNRS). Des équipes d’autres institutions sont accueillies sur le site dans les années 1960 soutenues
par le Commissariat à l’Énergie Atomique (équipe CEA dirigée par Jean Maetz sur la physiologie des
poissons) et l l’Université de Nice Sophia Antipolis (UNSA, équipe de protistologie dirigée par Jean
Cachon). Simultanément d’autres activités de recherches et d’enseignements - émanations de
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départements parisiens de l’UPMC - se développent sur le site de Villefranche à partir des années
1960. Elles concernent l’étude géologique des fonds marins et la physico-chimie des océans). Les
recherches, les enseignements et l’accueil se déroulent dans l’ancienne chiourme des galères et
s’étendent désormais aux bâtiments qui longent le port de la Darse – une ancienne corderie (voir Anon.
2010 document sur les 125 ans de création des premiers laboratoires à Villefranche-sur-Mer).
Dans les années 1960, sous la direction de Paul Bougis, la Station Zoologique de Villefranche-sur-
Mer devient officiellement indépendante de celle de Banyuls sur Mer et regroupe 3 laboratoires de
l’UPMC (Zoologie & écologie du plancton/Physico chimie marine / Géodynamique sous-marine) et les
équipes CEA et UNSA accueillies. La création et l’installation d’une nouvelle équipe CNRS (Biologie
Cellulaire Marine dirigée par Roger Lallier & Christian Sardet) au début des années 1980 ajoute à
l’existant des recherches en biologie cellulaire et moléculaire sur le développement et la motilité.
La Station Zoologique de Villefranche devient successivement le CEROV (Centre d’Études et de
Recherche Océanographiques) en 1983, puis l’OOV (Observatoire Océanologique de Villefranche) en
1989 et enfin l’IMEV (Institut de la Mer de Villefranche) en 2019. Au cours de ces transformations
administratives impulsées par l’UPMC et le CNRS, les composantes de physiologie (CEA) et de
géologie (UPMC) quittent le site villefranchois pour rejoindre des Unités Mixtes de Recherches
(UMR) plus conséquentes à Nice et Sophia Antipolis sous l’égide de l’UNSA.
Notre propos dans cet article est de mettre en valeur certaines recherches en biologie qui sont en
continuité avec les études pionnières réalisées plus d’un siècle plus tôt par les naturalistes niçois et
villefranchois et quelques visiteurs accueillis (voir l’article compagnon : Sardet 2024-1 les anciens : de
1800 à 1900). Cette continuité est la conséquence de la présence d’organismes benthiques
(échinodermes, ascidies) ou planctoniques (protistes, cnidaires, cténaires, tuniciers, etc.) collectés à
proximité de la station marine avec des embarcations qui sortent en mer chaque jour ou préservés en
aquariums par un personnel expérimenté qui perfectionnent progressivement les élevages.
Nous soulignons la dimension arts & sciences des recherches liées à l’utilisation intensive et
créative de techniques variées d’imagerie en biologie par les chercheurs soucieux d’attirer l’attention
sur leurs découvertes à travers l’esthétique de photos de couvertures, de dessins, d’expositions, de sites
ou de posts sur des réseaux sociaux.
Jean Maetz et la passion des poissons et leur physiologie
Nous commençons ce survol par un clin d’œil à l’école naturaliste niçoise au 19 ème siècle et
particulièrement Antoine Risso, Jean Baptiste Barla et Vincent Fossat qui avaient la passion des
poissons de la région (Sardet 2024-1 les anciens : de 1800 à 1900).
Un siècle plus tard Jean Maetz avait aussi la passion des poissons. Pour les personnels et les
visiteurs de la station marine de Villefranche sur mer, Jean Maetz est un nom de bâtiment de recherche
et d’enseignement construit en 1983 par le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) et Sorbonne
Université (UPMC/Paris VI à l’époque). Le bâtiment a été nommé ainsi en mémoire du physiologiste
Jean Maetz disparu en 1977 à l’âge de 54 ans dans un accident de la route en Écosse. En 1964 Maetz
avait déplacé à Villefranche-sur-Mer son laboratoire, satellite du Laboratoire de Biologie du CEA à
Saclay, pour étudier avec René Motais les poissons euryhalins comme les anguilles ou les truites qui
sont capables de s’adapter pour passer de l’eau douce des rivières à l’eau de mer en excrétant le sel.
Jeune chercheur, j’ai été merveilleusement accueilli à Villefranche en 1976 par Jean Maetz et son
équipe CEA pour participer aux recherches sur les cellules – les cellules à chlorure – responsables des
échanges ioniques dans les branchies. Elles effectuent l’excrétion du sel en amplifiant les protéinespompes
de leur dense réseau de membranes internes tout en modifiant leurs jonctions avec les cellules
voisines (Fig.1). Ces travaux sur ces cellules, rebaptisées MRC (Mitochondria Rich Cells) publiés dans
des revues de biologie cellulaire et de physiologie sont encore à la base des théories actuelles de
l’osmorégulation chez les euryhalins (Sardet et al. 1979, Evans et al. 2005).
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Fig. 1. Jean Maetz et l’osmorégulation chez les poissons euryhalins
En haut à gauche, Jean Maetz dans sa blouse blanche d’expérimentateur
A - anguille par Vincent Fossat (collection du Muséum d’Histoire Naturelle de Nice)
B - coupe et vue en face de branchie (en haut) montrant une crypte (flèche) dans laquelle se trouvent les
cellules à chlorure. Les dessins (en bas) illustrent l’adaptation eau douce (Fresh Water)/eau de mer
(Salt Water) et les modifications des cellules à chlorure (C)
C - dessin des modifications des cellules à chlorure © et leurs relations avec les cellules accessoires (A), lors
et leur adaptation à l’eau douce (Fresh Water : FW) et à l’eau de mer (Salt Water : SW),
voir (Sardet et al. 1979)
La disparition brutale de Jean Maetz devait entrainer la relocalisation du laboratoire de physiologie
du CEA de Villefranche à l’Université de Nice Sophia Antipolis (UNSA) sous la direction de René
Motais. Elle modifia mon propre destin en me donnant l’opportunité de faire des recherches sur la
fécondation à la station marine en créant, avec des collègues villefranchois, parisiens, et niçois, une
nouvelle équipe de recherche parmi celles encouragées par le département des sciences de la vie du
CNRS au début des années 1980 alors que François Mitterrand était le nouveau président de la
république.
L’héritage de Hermann Fol - de la fécondation aux protistes
Hermann Fol, le fondateur avec Barrois d’un premier laboratoire à Villefranche-sur-Mer en 1881,
est un personnage romanesque, disparu en mer en 1892. Son génie et son caractère intransigeant et
difficile transparait à travers ses publications et son abondante correspondance avec ses 2 principaux
mentors, Henri de Lacaze-Duthiers et Carl Vogt (Jessus & Laudet 2022, Dolan 2024, Sardet 2024).
Fol est sans conteste le biologiste qui a laissé à Villefranche l’héritage le plus conséquent d’un point
de vue scientifique, si l’on considère l’étendue de ses découvertes et de ses intérêts. En une vingtaine
d’années (1869-1889) Fol a publié des recherches pionnières sur des protistes (acanthaires, tintinnides)
aux embryons humains en passant par les appendiculaires, les échinodermes, les chaetognathes, et les
mollusques planctoniques (Bedot 1894, Dolan 2024). Lorsqu’il transfère par bateau son laboratoire
personnel depuis Messine jusqu’à Villefranche en 1878, Fol vient de publier sa découverte de la
fécondation chez les échinodermes et des chaetognathes (Fol 1878), et ses recherches sur le
développement des mollusques planctoniques (Fol 1875). Auparavant il a décrit et remarquablement
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illustré ses travaux sur l’anatomie et le développement des cténophores (sa thèse) et des
appendiculaires (Fol 1872, Dolan 2024).
De fait, tous les organismes cités ont par la suite fait l’objet de recherches approfondies à la station
marine de Villefranche. J’ai moi-même travaillé sur la fécondation et le développement des
cténophores, des échinodermes, des chaetognathes et me suis rendu compte que ces sujets avaient été
défrichés un siècle auparavant par Hermann Fol! Ce qui frappe chez Fol c’est sa capacité à observer les
phénomènes et à les illustrer de façon précise et esthétique. Publiant presque toujours seul, il était aussi
très pointilleux sur les graveurs qu’il choisissait lui-même quel que soit la revue (Dolan 2024).
Sticholonche zanclea - un protiste rameur
Lorsque l’on examine le contenu d’un filet à plancton trainé dans la baie de Villefranche le regard
est immanquablement attiré par Sticholonche zanclea, un héliozoaire atypique mesurant 0.2 mm qui se
déplace à l’aide d’axopodes en forme de rames. Fol, puis Alexis Korotneff, ont publié leurs recherches
sur ce protiste dans les années 1880 (Fol 1883, Korotneff 1891). Un siècle plus tard, Jean et Monique
Cachon s’intéressent à Sticholonche, stimulés par Lewis Tilney, professeur à l’Université de
Pennsylvanie, un visiteur venu à Villefranche en année sabbatique. Tilney est célèbre pour ses
contributions sur le cytosquelette, l’ossature et musculature dynamique de la motilité cellulaire. Jean et
Monique Cachon avaient introduit les techniques de microcinématographie et de microscopie
électronique à Villefranche dans les années 1960. Ils étaient reconnus pour leurs travaux sur la
structure des héliozoaires et acanthaires et d’autres protistes réalisés avec Jean et Colette Febvre et des
enseignants niçois du laboratoire de protistologie de l’Université de Nice accueilli à Villefranche. En
ce qui concerne Sticholonche, le couple Cachons et Tilney se sont demandés quels mécanismes
permettaient de déplacer les rangées de rames – des axopodes constitués de faisceaux de microtubules.
Ils ont montré que ces rames/axopodes étaient ancrées à la base par des sortes de rotules qui pivotaient
dans des dépressions de la membrane nucléaire, l’ensemble faisant penser à l’articulation de la hanche
(Fig.2). Ils ont observé des filaments contractiles qui semblaient impliqués dans le mouvement contrôlé
par le calcium. Ces travaux furent publiés dans le Journal of Cell Biology, la référence à l’époque
(Cachon et al. 1977). En tant que jeune chercheur fraichement arrivé à Villefranche, je garde un
souvenir ému de découverte des protistes grâce à Jean et Monique Cachon et Jean et Colette Febvre
(Febvre-Chevallier & Febvre 1994). Jean Cachon triait et préparait les spécimens, Jean et Monique les
examinaient tous les deux au microscope, et Monique en faisait minutieusement les dessins. Et j’ai
beaucoup appris de Lewis Tilney, un maitre dans la façon de poser la bonne question au bon
organisme. Profitant des facilitées d’accueil EMBRC (Anon. 2024c) une nouvelle génération de
chercheurs fréquente Villefranche pour collecter et étudier les radiolaires et en particulier leurs gènes
et leurs symbioses avec des micro-algues (Decelle et al. 2012).
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Fig. 2. Monique & Jean Cachon et l’héliozoaire Sticholonche zanclea
A - Monique & Jean entourant leur ami microscopiste Japonais Hidemi Sato
B - photos de microscopie électronique à balayage de squelettes siliceux de radiolaires polycystines (M & J
Cachon : page 84 de Plancton, Sardet 2013, publié chez Ulmer)
C - Sticholonche zanclea : dessin de Hermann Fol (Fol 1883)
D - dessin de Monique Cachon représentant une coupe transversale à travers Sticholonche.
E & F - coupe de microscopie électronique de la base d’une rame/axopode ancré dans une dépression de la
membrane nucléaire de Sticholonche (E) et dessin correspondant de Monique Cachon (F).,
voir (Cachon et al. 1977)
QR Code dans le coin gauche. En le photographiant avec votre téléphone vous pouvez visionner un
Sticholonche ramant (film réalisé par un collègue japonais)
Les tintinnides – des ciliés décorés
Les ciliés tintinnidés sont à peine visibles à l'œil nu, mais ils font partie des micro-organismes les
plus intéressants du plancton, car ils sont constamment en mouvement et possèdent une coquille
ajourée décorée d’autres protistes – appelée une lorica – dans laquelle la cellule ciliée se contracte ou
s’étire. Le cilié capture et se nourrit des plus petites algues du plancton. Les tintinnides dont plus de
500 espèces ont été décrites, font ainsi partie d’un groupe fonctionnel appelé le microzooplancton
(Dolan et al. 2012, Dolan 2012). Hermann Fol a été le premier à étudier les ciliés tintinnidés de
Villefranche en 1879 et 1880 après que Haeckel en ai fait quelques représentations moins précises
(Fig. 3, Fol 1881, Dolan 2024).
Les tintinnidés sont fréquemment et facilement collectés à l'aide d'un filet fin dans la baie de
Villefranche, ce qui explique probablement les études de Fol sur ces ciliés. Il fut aussi le premier à
tenter de déterminer la nature chimique des loricas des tintinnides. Un siècle plus tard, plusieurs
chercheurs ont travaillé sur les tintinnidés à Villefranche, en commençant à la fin des années 1950 par
l'Argentin Ernesto Balech, qui après un séjour de plusieurs mois à Villefranche et a publié une
monographie taxonomique de référence (Dolan 2017). Dans les années 1970 à Villefranche, Michelle
Laval-Peuto et Fereidoun Rassoulzadegan se sont interessés à la cytologie et l'écologie de ces ciliés
(Laval 1972, Rassoulzadegan 1978). Plus récemment, John Dolan, a étudié la diversité des
assemblages d'espèces de tintinnidés dans la baie de Villefranche ainsi que dans les eaux profondes au
large (Dolan, 2012, 2019). Malgré tout, de nombreux aspects de la biologie et de l'écologie des
tintinnidés restent à élucider et Villefranche attire des chercheurs qui s’intéressent à leur taxonomie,
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leur écologie et leurs parasites et symbioses (e.g., Bachvaroff et al. 2012, Ganzer et al. 2023, Vincent
et al. 2018)
Fig. 3. Les ciliés tintinnides de la baie de Villefranche
A - dessins de Ernst Haeckel (voir Dolan 2024)
B - Dessins de Hermann Fol (Fol 1881, voir Dolan 2024)
C - couverture du livre sur les ciliés tintinnides édité par John Dolan (Dolan et al. 2012)
D - le tintinnide Codonellopsis (photo J. Dolan) dont la lorica est décorée par des centaines d’écailles calcaires
de coccolithophores. Microscope à balayage de I. Machour & C. Bachy, photothèque CNRS (page 88 de
Plancton, Sardet 2013, publié par Ulmer).
L’appendiculaires Oikopleura dioica – un modèle développé à Villefranche
Fol vient de publier ses observations sur les appendiculaires faites à Messine lorsque qu’il séjourne
pour la première fois à Nice pendant quelques mois (Fol 1872). Dans une lettre à sa future épouse
Emma Bourrit il décrit ces "urochordés aux allures de têtards" « Je suis sorti hier matin. La mer était
calme le temps splendide et un petit bateau stationnait près de la plage. Je n’ai pas pu résister à la
tentation. J’ai pris un bocal et je suis parti en mer. Au bout d’un quart d’heure, mon bocal était plein
et je suis rentré pour l’examiner à loisirs. Il renfermait une vingtaine d’appendiculaire, petites bêtes à
longues queues qui nageaient dans tous les sens, transparents comme du cristal et agiles comme de
petits poissons. Mais voici une qui s’arrête. Elle est en train de se faire une coquille, et la voilà bientôt
qui se remet en route dans son enveloppe de cristal 20 fois aussi grosse qu’elle. La voilà bien protégée
maintenant. Cherchons à la capturer dans un tube de verre pour la mettre sous le microscope. Au
moment où elle se sent prise, un coup de queue, et la voilà qui se sauve en laissant pour tout butin son
enveloppe vide. ».
Le travail pionnier de Fol sur les appendiculaires est repris à Villefranche à partir des années 1950
par Robert Fenaux et ses successeurs dont Gabriel Gorsky qui, avec Fabien Lombard réussira à
maitriser les cultures de l’espèce Oikopleura dioica et à analyser leur reproduction et physiologie
(Fig.4, Fenaux 1963, Gorsky et al. 1987, Lombard et al. 2009). À la fin des années 1990, les
technologies mises au point à Villefranche sont transférées au Michael Sars Center de Bergen
permettant à Daniel Chourrout, Eric Thompson et collaborateurs d’établir Oikopleura dioica comme
modèle expérimental de référence pour les appendiculaires (Seo et al. 2001, Marti-Solans et al. 2015).
Depuis, une demi-douzaine de laboratoires en Europe, au Japon et aux États Unis a adopté
O. dioica et contribué à élucider et manipuler son génome – le plus petit génome connu chez les
chordés (Nishida 2008). Le modèle appendiculaire est très attractif. L’animal est constitué de moins de
5000 cellules dont le lignage et la différenciation en un petit nombre de tissus sont parfaitement établi.
O. dioica peut se reproduire en quelques jours et se nourrit de bactéries, micro-algues et particules
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concentrées dans la logette dans lequel l’animal s’agite. L’appendiculaire secrète et déploie autour de
lui plusieurs logettes par jour grâce à des cellules épithéliales polyploïdes (Thompson et al. 2001).
Fig. 4. Les appendiculaires
A - dessins de la partie antérieure de l’appendiculaire Oikopleura dioica (Fol 1872)
B - domaines de cellules polyploides secrètant la logette (Thompson et al. 2001)
C - logette d’appendiculaire (Fenaux 1986)
D - livre sur l’impact écologiques des appendiculaires (Gorsky et al. 2005)
QR Code : avec votre téléphone vous pouvez visionner un film sur les appendiculaires.
De par leur abondance et proliférations dans tous les océans et leurs capacités de filtrage des
particules et microorganismes, les appendiculaires et leurs logettes jouent un rôle important dans la
constitution des particules de neige marine qui contribuent à la séquestration du carbone. C’est dans
cette direction que les recherches récentes se sont développées à Villefranche (Fig. 4, Gorsky et al.
1984, Guidi et al. 2009)
Fécondation et développement – une nouvelle équipe
À partir des années 1980 une équipe de recherche CNRS (ER250 Biologie Cellulaire Marine) dont
je suis l’un des instigateurs s’installe à la station marine renouant ainsi avec des recherches des débuts
sur le développement des organismes marins à Villefranche par Barrois, Fol, Metchnikoff, Kowalski et
d’autres un siècle plus tôt (voir article compagnon, Sardet 2024). À vrai dire ces recherches n’ont
jamais cessé à Villefranche car les zoologistes sur place continuaient d’explorer les caractéristiques des
organismes marins et leurs développement (salpes, appendiculaires, ptéropodes, cnidaires, poissons
etc..). Ils figurent en bonne place dans l’ouvrage de référence sur le plancton méditerranéen
(Trégouboff & Rose 1957).
La direction de l’équipe ER 250 est d’abord confiée à l’embryologiste du CNRS, Roger Lallier,
présent sur le site depuis les années 1960 pour ses recherches sur le développement des oursins
Paracentrotus lividus (Lallier 1975). Les ovocytes et embryons de cette espèce sont ceints d’une bande
pigmentaire qui permet d’étudier l’expression des polarité animales végétatives au cours du
développement. Lallier modifiait le développement des embryons d’oursins par l’utilisation de
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composés chimiques qui animalisaient les embryons (les enrichissant en tissus ectodermaux) ou les
végétalisaient (les enrichissant en tissus endodermaux et mésodermaux).
Outre des chercheurs déjà sur place (Roger Lallier, Danièle Carré, Christian Sardet), la nouvelle
équipe attire à Villefranche des chercheurs CNRS parisiens (Jacky et Marie Paule Cosson) niçois
(Christian Gache) et les premiers étudiants (Richard Christen, Thierry Lepage). Passant du CEA au
CNRS, je succède à Roger Lallier à la tête de l’équipe en 1985 et nous accueillons d’autres chercheurs
CNRS et INSERM, ainsi que des post-docs et étudiants sur les thématiques de la fécondation, du
développement et de la motilité. Nous englobons aussi l’équipe de protistologie de Jean Cachon au
sein d’une nouvelle Unité Mixte de Recherche (UMR 671 Biologie Cellulaire Marine) forte d’une
trentaine de membres. Le laboratoire devient en 2000, l’UMR 7009 Biologie du Développement sous
la direction de Christian Gache (2000-2008). La direction sera assumée ensuite par Evelyn Houliston
(2009-2018) puis Alex Mc Dougall (2019-), deux chercheurs CNRS qui étaient venus travailler dans
notre équipe en tant que post-docs.
La fécondation et l’activation cellulaire par des signaux ioniques
Les échanges avec Roger Lallier sur la fécondation et le développement des oursins et la découverte
à cette époque des signaux calciques déclenchés par les spermatozoïdes chez les poissons et les oursins
(voir Sardet 2023) nous incitent à étudier les flux d’ions avec des collègues de l’UNSA, puis la polarité
embryonnaire dans le cadre de notre nouvelle équipe de recherche (Christen et al. 1979, Girard et al.
1982, Sardet et al. 1984). Ces sujets, nouveaux pour moi, font sens par rapport à la naissance de nos
enfants et la rencontre de visiteurs biologistes avec lesquels je suis amené à travailler à Villefranche
(Marko Zalokar et Lewis Tilney) et aux États Unis (David Epel, Dan Mazia ainsi que Lionel Jaffe,
Mark Terasaki et Shinya Inoue, qui sont des pionniers de la révolution de l’imagerie calcique et
microscopique). À partir des années 1990 notre laboratoire est l’un des mieux équipés en France pour
l’imagerie microscopique et électronique grâce aux efforts de deux ingénieurs et chercheurs CNRS
inventifs - Christian Rouvière et Patrick Chang (Sardet & Chang 1985, Rouvière et al. 1994, Sardet et
al. 1998).
Notre équipe développe en particulier un nouveau modèle expérimental hérité de Marco Zalokar -
l’ascidie Pallusia mammillata - dont les ovocytes et embryons sont plus abondants et bien plus
transparents que ceux de Ciona intestinalis, l’espèce de référence (Zalokar & Sardet 1984). Cela nous
permet d’analyser en détail les signaux calciques de fécondation et les réorganisations du cortex et du
cytoplasme des ovocytes fécondés et leurs conséquences sur le développement embryonnaire (Fig. 5).
Il était connu que chez les œufs fécondés de souris la fécondation déclenchait des oscillations de
concentration intracellulaire de calcium pendant des heures, mais grâce aux expériences sur plusieurs
espèces d’ascidies initiées avec nos collègues de Woods Hole, puis celles conduites avec Alex
McDougall et Rémi Dumollard à Villefranche, nous avons pu montrer qu’il s’agissait en fait de vagues
calciques émises par un « pacemaker » et que ces vagues étaient nécessaire pour accomplir la méiose
(Speksnijder et al. 1990, McDougall & Sardet 1995, Dumollard et al. 2002). Avec Janet Chenevert,
Philippe Dru, Fabrice Roegiers, François Prodon, Alexandre Paix et Nang Le Nguyen, nous sommes
intéressés aux structures corticales pendant le développement précoce, et en particulier aux ARNs
corticaux qui ont un rôle déterminant dans la polarité de l’embryon (Prodon et al. 2005, Paix et al.
2011). Nous avons bénéficié pendant cette dernière période d’intenses échanges avec nos collègues
japonais Hiroki Nishida, Lixy Yamada et Kazuo Inaba (Prodon et al. 2010).
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Fig. 5. Les signaux calciques de fécondation chez les ascidies
A & B - portrait d’Alexandre Lesueur et son dessin niçois de Ciona intestinalis en 1804
C - l’ascidie Phallusia mammillata photographiée par Christian Rouvière
D - vagues calciques (couleurs jaunes à rouges) traversant l’œuf fécondé de façon répétée. Au centre, un
spermatozoïde schématisé (graphisme Mohamed Khamla)
E - à gauche, signal calcique de fécondation (F) et la première division de méiose
(MI Phase) et à droite, oscillations calciques pendant la méiose II (MII Phase)
F - couverture inspirée d’une de nos publications sur les signaux calciques (Dumollard et al. 2002)
Poser la bonne question au bon organisme – ctenophores et chaetognathes
Le fantôme de Hermann Fol a dû nous suggérer de nous intéresser aux cténophores – il avait fait sa
thèse sur leur développement – et aux chaetognathes que Fol avait utilisé pour étendre ses observations
sur la fécondation (Fig. 6, Fol 1979, voir Sardet 2024). Inspiré par des travaux anciens et l’expertise de
notre collègue zoologiste Danielle Carré, nous avons posé à partir des années 1980 deux questions
judicieuses à ces animaux planctoniques.
Au chaetognathes Sagitta et Spadella, dont Danielle Carré maitrisait les cycles de reproduction et
l’imagerie en microscopie électronique, nous avons demandé comment se formait le large granule
germinatif qui permet aux cellules qui en héritent de devenir les cellules germinales à l’origine des
gonades mâles et femelles (les chaetognathes sont hermaphrodites). C’est en effet chez les
chaetognathes que ces granules déterminants la lignée germinale avaient été découverts dans les années
1900 (Wilson 1925). Nous avons pu observer de façon exceptionnelle comment ce granule germinal
mesurant une vingtaine de microns se forme au moment de la mitose à un pôle de l’œuf fécondé. Ce
granule et ses descendants demeurent visibles pendant les divisions de l’embryon (Fig. 6, Carré et al.
2002). Il est ainsi possible d’analyser et de manipuler le développement des cellules germinales. Nous
savons maintenant grâce aux analyses génétiques et biochimiques chez la mouche Drosophila et le ver
nématode Caenorhabditis, que ces granules contiennent des agrégats de molécules d’ARN et des
protéines associés sous forme de condensats biomoléculaires (Sardet 2023). Ces condensats dirigent la
différenciation des cellules qui en héritent en cellules germinales. Un collègue algérien, Chakib Djediat
s’est concentré avec succès sur ce projet qui mériterait d’avoir une suite à la lumière des nouvelles
connaissances sur les cellules germinales et les condensats.
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Fig. 6. Les chaetognathes
A - dessin de la rencontre des noyaux mâle et femelle dans l’œuf fécondé du chaetognathe Sagitta par
Hermann Fol (Fol 1978)
B - illustration tirée de notre publication sur les chaetognathes (Carré et al. 2002)
C - cycle de développement des chaetognathes et de leurs cellules germinales (en vert) tiré de la publication
(Carré et al. 2002)
Aux cténophore Beroe ovata, nous avons demandé comment se déroulait la fécondation et qu’elle
était son rôle dans l’acquisition de l’unique axe oral-aboral de l’embryon et de l’adulte. Comme son
nom l’indique, Beroe ovata est caractérisé par des ovocytes d’un diamètre supérieur (1.5 mm) à ceux
des autres cténophores. Ces ovocytes et les embryons se prêtent merveilleusement à l’imagerie
microscopique de par leur extraordinaire transparence et le fait que tous les évènements se déroulent à
l’intérieur d’une fine couche corticale épaisse d’une dizaine de microns sous la surface. Chaque
printemps pendant les années 1990, nous – Danielle Carré, Evelyn Houliston, les pêcheurs de la station
marine et moi-même – guettions l’arrivée de ces magnifiques animaux iridescents dans la baie.
La collecte, de bonne heure à bord des embarcations ou du zodiac dans la baie de Villefranche, était
une sorte de chasse au trésor. Parfois nous ramenions des dizaines d’animaux au laboratoire parfois
nous rentrions bredouille mais heureux de ces matinées à scruter la surface des courants en méandres.
Toujours est-il, que grâce à l’imagerie couplée aux enregistrements vidéo image par image (nous
utilisions au début du matériel de surveillance de banque!), nous avons observé que le noyau femelle
dans l’ovocyte explorait parfois plusieurs noyaux mâles introduits par des spermatozoïdes (la
fécondation chez Beroe est polyspermique, Carré & Sardet 1984, Rouvière et al. 1984). Le noyau
femelle fusionnait alors avec l’un des noyaux mâles pour effectuer une première mitose et une
première division unipolaire, déterminant ainsi l’unique axe embryonnaire oral-aboral de Beroe (Fig.
7). Ces observations du comportement d’un noyau cellulaire ont frappé les imaginations et appellent
d’autres expérimentations (Carré et al. 1991). D’autres observations ont démontré le potentiel de ce
modèle expérimental pour comprendre le rôle des facteurs du cycle cellulaire dans l’établissement de
l’axe embryonnaire (Houliston et al. 1993). Malheureusement, à notre connaissance, les travaux sur la
biologie et le développement de cette espèce ont cessé.
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Fig. 7. Le cténophore Beroe ovata
A - trois images issues d’un film de la fusion du spermatozoïde avec l’ovocyte
B - trois images d’un film montrant l’exceptionnelle clarté de la première mitose.
C - illustration de couverture inspirée par la publication (Houliston et al. 1993)
D - dessin d’un œuf fécondé dans lequel les trajectoires du noyau femelle pour explorer successivement
plusieurs noyaux mâles sont filmés pendant 1 h (Carré & Sardet 1984).
QR Code : avec votre téléphone vous pouvez visionner un film sur les cténophores.
L’exploration des cnidaires un siècle après Vogt et Metchnikoff
La baie de Villefranche a permis au savant révolutionnaire Carl Vogt en 1853 (Fig. 8) et au
codécouvreur de l’immunité Elie Metchnikoff en 1886, de collecter et de faire des observations
pionnières sur les cnidaires (siphonophores, méduses, coraux et anémones). Ces animaux ancestraux
partagent la caractéristique commune de posséder et utiliser des cellules urticantes - appelées
cnidocytes - pour paralyser des proies. Le travail sur les méduses sera poursuivi par de nombreux
chercheurs sur le site de Villefranche et donnera lieu à partir des années 2005 au développement
spectaculaire d’un nouveau modèle - l’hydrozoaire Clytia hemisphaerica (paragraphe suivant).
Les siphonophores qui sont facilement collectés à Villefranche ont été également l’objet de
recherches depuis le milieu du 19 ème . Dès 1853, après un séjour dans la région, Carl Vogt décrit et
illustre magnifiquement les siphonophores collectés dans la baie dans sa monographie « Recherches
sur les animaux inférieurs de la Méditerranée » (Vogt 1853, Sardet 2024). Les siphonophores sont des
organismes gélatineux qui vivent sous forme de colonies d’organes – flotteurs propulseurs,
reproducteurs, pécheurs et digestifs – disposés le long d’un long filament appelé stolon. Certaines
parmi les 175 espèces répertoriées étendent leurs colonies sur des dizaines de mètres pour pêcher avec
leurs longs filaments urticants, ce qui permet de les qualifier de plus longs animaux du monde.
Dans les années 1980 notre collègue zoologiste Danielle Carré nous montre que les ovocytes de
siphonophores relâchés par les colonies reproductrices – les gonophores – attirent les spermatozoïdes
d’une façon spécifique de l’espèce. Les ovocytes sont coiffés d’une cupule hémisphérique attirant les
spermatozoïdes qui forment un nuage autour d’un pôle de l’ovocyte correspondant au site de
fécondation (Fig. 8). En disséquant et solubilisant des cupules, nous avons pu montrer que l’attraction
était due à une molécule qui, dans un micro-gel électrophorétique, attirait sous forme d’une bande les
spermatozoïdes de la bonne espèce (Carré & Sardet 1981 et dessin dans Fig. 8).
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Fig. 8. Les siphonophores
A - dessin dans « Recherches sur les animaux inférieurs de la Méditerranée » (Vogt 1853)
B - Carl Vogt à l’âge (40 ans) ou il a fait ses observations à Villefranche-sur-Mer
C - un siphonophore calycophore du genre Chelophiès (page 116, Sardet 2013)
D - eudoxie de siphonophore portant les gamètes mâles et femelles (page 121, Sardet 2013)
E - un œuf de siphonophore attirant les spermatozoïdes de la même espèce à un pôle.
F - dessins illustrant l’attraction des spermatozoïdes (rouges) par la cupule (jaune).
QR Code : avec votre téléphone vous pouvez visionner un film sur les siphonophores
Néanmoins les méthodes analytiques de l’époque ne permettaient pas d’identifier la nature
moléculaire de l’attractant ce qui serait probablement possible maintenant. Nos collègues Marie-Paule
et Jacky Cosson ont ensuite montré que l’attraction était en fait liée à un changement de comportement
des spermatozoïdes (Cosson et al. 1983).
À proximité de la cupule émettant les molécules d’attractant, les spermatozoïdes modifiaient leur
nage rectiligne pour décrire de petits cercles qui les maintenaient ainsi près de la cupule coiffant le site
de fécondation de l’ovocyte. Ce changement de nage est médié par la concentration des ions calcium
(Cosson et al. 1984). Il est notoire que de nouvelles recherches sur le développement des
siphonophores sont en cours à Villefranche (Mańko et al. 2023). Remarquons incidemment que nos
publications originales sur l’attraction des spermatozoïdes (Carré & Sardet 1981, Cosson et al. 1983)
ne figurent malheureusement pas dans les bases de données bibliographiques PubMed!
Un nouveau modèle expérimental - la micro méduse Clytia hemisphaerica
Nous avons relaté le fait que des modèles expérimentaux – l’ascidie Phallusia, l’appendiculaire
Oikopleura – développés à la station marine de Villefranche se sont propagés dans d’autres
laboratoires (voir chapitres précédents). L’exemple le plus récent et remarquable de développement
d’un modèle expérimental, concerne une petite méduse - Clytia hemisphaerica. Cette méduse
hydrozoaire fait l’objet d’un projet d’ampleur initié au milieu des années 2000 par Evelyn Houliston
avec Tsuyoshi Momose (Momose & Houliston 2007). Ils ont impliqué depuis une vingtaine de
collègues chercheurs, enseignants, post docs, étudiants et visiteurs qui ont élucidés les mécanismes
cellulaires et moléculaires à l’œuvre dans l’ovogénèse et la ponte, l’établissement des axes
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embryonnaires, la différenciation des tissus, la régénération et l’écologie de cette méduse. Ces
recherches sont décrites dans une trentaine de publications (voir les revues de Houliston et al. 2010, et
Houliston et al. 2022).
Fig. 9. La méduse Clytia hemisphaerica modèle expérimental
A - dessin du cycle de vie sous forme de polype et de méduse (Houliston 2022)
B - photo de couverture Clytia dans Trends in Genetics (Houliston & Momose 2010)
C - photo de couverture montrant une coupe d’embryon de Clytia en microscopie de fluorescence, les noyaux
cellulaires sont bleus, les cils verts (Momose & Houliston 2007)
QR Code : avec votre téléphone visionnez le film Clytia une microméduse de recherche
Le choix judicieux de Clytia comme modèle était basé à l’origine sur des observations faites à
Villefranche par Danielle et Claude Carré (Carré & Carré 2000). Elles montraient qu’il était possible
de cultiver cette méduse mesurant quelques millimètres sous forme de colonies de polypes "immortels"
qui se propagent végétativement et fournissent des méduses par bourgeonnement constant. Depuis, les
cultures et techniques y compris celles d’imagerie, et celles de visualisation et manipulations des gènes
et de transgénèse ont été optimisées (Lechable et al 2020, Weissbourd et al. 2021, Houliston 2022). En
conséquence, Clytia est devenu le modèle expérimental de référence chez les hydrozoaires adoptée par
d’autres laboratoires dans le monde. Bien que le génome de certains cnidaires modèles – l’anthozoaire
Nematostella et l’hydrozoaire Hydra – soient connus, le séquençage du génome de l’hydrozoaire
Clytia, impulsé par Lucas Leclère et Richard Copley (Leclère et al. 2019), permet d’aborder les
mécanismes à l’œuvre au cours du cycle de vie complet de ce cnidaire dans toute sa complexité
d’hydrozoaire. En effet, avec un même génome, Clytia vit et se reproduit sous la forme de polypes
fixés bourgeonnants et de méduses mobiles mâles et femelles.
Il est remarquable de constater que Clytia se prête aussi bien à des travaux en neurosciences et en
écologie (Vogt 2022, Houliston et al. 2022), qu’a la modélisation de la gastrulation (Kraus et al. 2020).
Cela nous ramène aux origines, lorsque en 1886, le zoologiste russe Elie Metchnikoff est accueilli à la
station de Villefranche et y décrit la formation de la gastrula chez Phialidium renommé Clytia depuis
(Metchnikoff 1886).
Des histoires et des images de gènes en action chez les oursins et ascidies
À partir des années 1970, le développement des animaux et des plantes est analysé à l’aune de
l’expression dans le temps et l’espace de réseaux de gènes clefs dont certains sont universellement
partagés. Ces gènes sont transcrits et s’expriment sous forme de protéines, dans telle ou telle partie de
l’ovocyte (gènes dits maternels) et/ou de l’embryon (gènes dits zygotiques) à des moments cruciaux
lors de la fécondation, des premières divisions cellulaires, de la gastrulation ou de la métamorphose.
Choisissant le modèle oursin Paracentrotus lividus , déjà travaillé à Villefranche par Roger Lallier,
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notre collègue Christian Gache quitte le département de Biochimie à l’Université de Nice pour
apporter cette dimension de biologie moléculaire dans notre laboratoire dès sa création.
Fig. 10. Le dévelopment de l'oursin Paracentrotus lividus
A - photo de couverture montrant un embryon d’oursin normal au stade de larve pluteus (à gauche) et un
embryon animalisé (à droite) (Croce et al. 2006)
B - cycle de vie de Paracentrotus lividus (Formery et al. 2021)
C - photo d ’un jeune adulte (juvénile) Paracentrotus lividus en microscopie confocale.
Les muscles sont bleus, le système nerveux jaune, et les noyaux blancs (Formery et al. 2021)
QR Code : avec votre téléphone vous pouvez visionner un film sur les oursins.
Les recherches initiées par Christian Gache sont perpétuées par Thierry Lepage, Jenifer Croce,
Christian Ghiglione, Guy Lhomond, David McClay et de nombreux autres chercheurs, étudiants et
visiteurs, jusqu’à nos jours. Gache et Lepage isolent d’abord l’enzyme qui permet à la larve d’oursin
d’éclore et montrent que son gène s’exprime de façon polarisée (Lepage & Gache 1989, Lepage et al.
1992). Puis Gache et son équipe et ses successeurs à travers les équipes de Thierry Lepage puis de
Jenifer Croce et leurs collaborateurs explorent les réseaux de gènes à l’origine des différents tissus
(ectoderme, mésoderme, endoderme) et comment la larve pluteus acquiert son squelette calcique
(Croce et al. 2006, Robert et al. 2014). Collectivement ces équipes villefranchoises ont mis à
disposition de la communauté des chercheurs de remarquables outils génomiques (Lepage et al. 2004,
Marletaz et al. 2023) et morphologiques (Formery et al. 2021).
Les autres organismes analysés et manipulés de la sorte à Villefranche-sur-Mer sont les ascidies
solitaires (Ciona intestinalis, Phallusia mammillata). Ayant rejoint le laboratoire depuis une vingtaine
d’années, Clare Hudson et Hitoyoshi Yasuo et leur équipe ont défini les règles de différenciation des
tissus chez les embryons de Ciona intestinalis, le modèle expérimental ascidies le plus utilisé. En une
seule journée, les embryons d’ascidie se développent en un têtard motile constitué de 6 tissus
composés de moins de 3000 cellules dont tous les lignages sont parfaitement connus. La stratégie
expérimentale utilisée par Hudson et Yasuo est de combiner les micromanipulations et ablations des
cellules de l’embryon à des stades précoces, l’analyse et la modélisation de l’expression de gènes et de
protéines essentiels et l’imagerie. Ces approches ont permis de comprendre comment le petit nombre
de cellules impliquées de façon précoce se différencient en seulement quelques heures pour former les
tissus musculaires et nerveux du têtard et le comparer aux mécanismes à l’œuvre chez les vertébrés
(Yasuo et al. 2007, Hudson et al. 2011, 2021).
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Fig. 11. Le développement de l’ascidie Ciona intestinalis
A - photo de couverture montrant que dans un embryon normal (en haut), 10 cellules précurseurs de la chorde
neurale expriment le gène Brachyury. Son expression est altérée dans les embryons (milieu et bas) suite à
des micromanipulations (Hudson & Yasuo 2006)
B - dessin montrant quelles cellules de l’embryon précoce spécifient différentes parties du système nerveux du
têtard d’ascidie (Hudson et al. 2011)
C - photo de couverture montrant différents motoneurones exprimant des gènes fluorescent (en vert), injectés
avec une molécule lipophiles (en magenta) et un colorant de l’ADN situé dans les noyaux des cellules
(en blanc, Hudson et al. 2011)
L’autre modèle expérimental développé à Villefranche – Phallusia mammillata - est utilisé par Alex
McDougall, Rémi Dumollard, Janet Chenevert et leurs collaborateurs pour analyser la façon dont
l’orientation des divisions cellulaires et les désynchronisations des cycles cellulaires déterminent le
positionnement et les relations entre cellules (stades 16 à 128 cellules) dont le destin est rapidement
fixé (Dumollard et al. 2013, McDougall et al 2019, Chenevert et al. 2020).
Le laboratoire de Biologie du Développement de Villefranche-sur-Mer, considéré comme une
référence dans ces domaines, a partagé avec la communauté ascidies ses méthodologies et organisé à
plusieurs reprises des rassemblements mondiaux (Sardet et al. 2008, 2011, Yasuo & McDougall 2018,
Dumollard et al. 2017).
Enfin, pour clore ce chapitre, je suis désolé de ne pas avoir la place de rendre justice aux collègues
villefranchois qui poursuivent en parallèle ces approches comparatives moléculaires et cellulaires sur
une variété d’autres organismes marins (Amphioxus, Botryllus, Clytia, Mytilus, Salpa, etc.).
L’aventure plancton
Villefranche est connu de par le monde pour le plancton depuis que les naturalistes pionniers niçois,
allemands et suisses ont révélé la biodiversité des organismes pélagiques qui dérivent et séjournent
dans la baie en un constant ballet, évoluant au gré des saisons et des coups de vent.
À la suite des pionniers, Grégoire Trégouboff et les zoologistes Villefranchois et leurs successeurs
du laboratoire LOV ont popularisé l’histoire et la biodiversité et de l’écologie du plancton (Trégouboff
& Rose 1957, Trégouboff 1983, Anon. 2024a).
Lorsque en 2008 avec Eric Karsenti et quelques collègues nous avons eu l’idée d’une expédition, la
station marine de Villefranche est apparue comme un incontournable partenaire du projet (Karsenti &
Di Meo 2012). Sur un coin de table au port de la Darse nous avons commencé à échafauder les grandes
lignes de l’expédition Tara Oceans d’exploration globale du plancton avec Gaby Gorsky avec lequel
nous avons sensibilisé des collègues villefranchois, roscovites et internationaux prêts à partager leurs
indispensables expertises océanographiques et biologiques. La goélette Tara est venue mouiller dans la
baie Villefranche à l’occasion d’un premier colloque de planification et l’expédition a quitté Lorient
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pour la Méditerranée en septembre 2009 (voir nos films du départ de l’expédition : Anon. 2019). Gaby
Gorsky, Marc Picheral, Lars Stemann avec des collègues de Villefranche et des stations marines de
Roscoff, Banyuls et Naples ont commencé à équiper et adapter la goélette et à guider son parcours
pour une expédition plancton. Eric Karsenti (EMBL, Heidelberg) et Etienne Bourgois (Agnès b) ont
pris la direction de la première expédition avec une vingtaine de coordinateurs scientifiques dans le
cadre d’un consortium d’une demi-douzaine d’institutions (CNRS, CEA, EMBL, Sorbonne Université,
etc.).
Conscients du fait que la connaissance des gènes ne serait pas un moyen efficace de populariser le
plancton nous avons décidé de raconter des histoires à travers le projet chroniques du plancton
(Sardet 2017). Je suis très reconnaissant envers les collègues zoologistes Villefranchois, et en
particulier Claude Carré, qui ont fait mon éducation en me racontant les organismes du plancton.
Véronique Kleiner (CNRS Images), Noé Sardet et Sharif Mirshak (Parafilms, Montréal) ont permis de
réaliser des films, un site multilingue et des expositions à partir de la beauté et la diversité des
organismes planctoniques. Un livre pour un public élargi sur le plancton publié en français, anglais,
japonais, allemand et chinois est né de cette entreprise (Sardet 2013).
Fig. 12. Le plancton
A - couverture du « Manuel de Planctonologie Méditerranéenne »
B - une page du tome II du Manuel avec les illustrations de Sticholonche et Zoothamnium
(Chapitre XV, planche 55)
C - couverture du magazine Science du 22 Mai 2015 annonçant les 5 articles détaillant les premiers résultats
scientifiques de l’expédition Tara oceans (photos issues du livre « Plancton – aux origines du vivant »
C. Sardet, Ulmer 2013).
D - les épisodes vidéo du site « Chroniques du plancton » en français, anglais, espagnol sont visités par 200 à
1000 personnes par jour depuis 2013.
QR Codes : avec votre téléphone visionnez les Chroniques du plancton ( films, actualités, etc) et les
informations sur l’expédition Tara Oceans (objectifs, résultats, équipe etc.),
La première expédition Tara Oceans s’est déroulée de 2009 à 2012 (Anon. 2019), puis l’expédition
est repartie sous la direction de Chris Bowler (ENS, Paris) autour de l’Arctique en 2014 et s’est
poursuivi depuis sous diverses formes (Anon. 2024b). Plus de 150 publications, la plupart dans les
grandes revues internationales, attestent de l’impact et du succès que nous ne détaillerons pas ici
(Anon. 2024b).
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Le projet était atypique dans le sens ou un collectif ad-hoc de biologistes, généticiens bioinformaticiens
et océanographes d’institutions diverses (CNRS, EMBL, CEA Genoscope, etc.) s’est
associé à une organisation privée (Fondation Tara Océans/Agnès b) propriétaire et manager de la
goélette Tara avec une idée simple : collecter et analyser l’ensemble de l’écosystème planctonique
avec un maximum de paramètres physico chimiques dans des centaines de sites bien choisis. Cet
ambitieux projet reposait sur une maitrise des outils d’analyse et d’interprétation des gènes et sur
l’automatisation de l’imagerie et de la reconnaissance d’image, domaine dans lequel la station marine
de Villefranche a joué un rôle principal grâce à l’implication de Gaby Gorsky, Fabien Lombard, Lionel
Guidi, Marc Picheral et leurs collègues villefranchois (Gorsky et al. 2019, Lombard et al. 2019,
Picheral 2022). Nous sommes donc partis en expédition en 2009 avec beaucoup d’enthousiasme et de
sympathie mais aussi avec des critiques, du scepticisme et sans l’argent de contrats qui auraient pu
faciliter les choses. C’était un pari!
Dès le début j’ai tenu à mettre à bord de Tara une bibliothèque d’œuvres planctoniques et surtout
une photocopie et une version numérisée du « Trégouboff » une sorte de bible du plancton : le
« Manuel de Planctonologie Méditerranéenne » publié dans les années 1950 sous la houlette de
Grégoire Trégouboff alors directeur de la station zoologique de Villefranche-sur-Mer (Trégouboff &
Rose 1957). Cet ouvrage comporte deux tomes, d’une part des planches des organismes qui sont des
compilations des dessins des zoologistes et d’autre part des textes touffus avec digressions et
références. L’usage en est assez difficile et déroutant mais c’est une incontournable référence pour le
plancton et une fierté pour Villefranche.
Outre ses aspects scientifiques, l’expédition Tara Oceans avait pour ambition de faire connaitre
l’écosystème planctonique au plus grand nombre et aux enfants des écoles. Comme la partie
scientifique cette partie médiatique est allée au-delà de nos espérances grâce à la générosité des
scientifiques et de la cellule de communication et éducation mise en place par la Fondation Tara
Océans (Anon. 2024b). Assurant la liaison entre l‘équipe de communication de la Fondation et
l’équipe scientifique, j’ai commencé dès le début à photographier et filmer les organismes pour
raconter leurs histoires. Bien d’autres projets éducatifs et artistiques (expositions, applications,
publications, jeux) ont vu le jour et continuent d’apparaitre autour de l’expédition Tara Oceans (Anon.
2024b). Cette volonté de partage est dans l’air du temps et les efforts de communication et de
médiation scientifique à Villefranche se sont multipliés ces dernières années en particulier à travers le
projet « Culture Océan ».
En guise de conclusion
Ce survol des recherches des 6O dernières années représente ma vision personnelle des évènements
et je présente par avance des excuses aux personnes que j’ai ignoré ou oublié en relatant cette saga.
Cette histoire est aussi une façon de rendre hommage aux œuvres de quelques-uns des collègues
biologistes villefranchois que j’ai fréquenté et mentionné dans cet article et qui ne sont
malheureusement plus de ce monde : Jean Maetz, Lucienne Fenaux, Jean Cachon, Marie Paule Cosson,
Jean Febvre, Monique Cachon, Robert Fenaux, Roger Lallier, René Motais, Richard Christen.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus au niveau des recherches actuelles sur la biologie et le
développement des organismes, le plancton et l’océanographie, vous pouvez consultez le site de
l’Institut de la Mer de Villefranche (IMEV) et le site de Tara Oceans (Anon. 2024b) et celui de
l’expédition autour des côtes européennes Traversing European Coastlines (TREC) en cours
actuellement.
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Remerciements
Un grand merci à John Dolan et Elisabeth Christians pour m’avoir encouragé à écrire cet article.
John a généreusement partagé ses connaissances. Je remercie également Evelyn Houliston, Hitoyoshi
Yasuo, Luca Leclère, Janet Chenevert, Gaby Gorsky et Jenifer Croce pour leurs commentaires.
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- 2) PART 2 Tara oceans beginnings / From Lorient to Barcelona in 2009
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Jewels of Scientific Illustration from Oceanographic
Reports in the Library of the Institute de la Mer de
Villefranche
Bijoux de l'illustration scientifique dans des rapports océanographiques
de la bibliothèque de l'Institut de la Mer de Villefranche
John R. Dolan 1
1
Sorbonne Université, CNRS, Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer, Station Zoologique, 06230
Villefranche-sur-Mer, France, john.dolan@imev-mer.fr
ABSTRACT. The discipline of Oceanography might seem unlikely to harbor artistic work. However, the study of the
ocean includes the study of marine organisms. Depictions of marine organisms appear in many reports of oceanographic
expeditions, and some are undeniably works of art, jewels of scientific illustration. Here are exhibited a selection of plates
from reports of early oceanographic expeditions held in the library of the Institut de la Mer de Villefranche. From the
reports of the Challenger Expedition (1873-1876), the Campaigns of Albert 1er of Monaco (1885-1915), the Plankton-
Expedition (1889) and the Deutsche Tiefsee-Expedition auf dem Dampfer 'Valdivia' (1898-1899).
RÉSUMÉ. La discipline océanographique pourrait sembler peu susceptible d’abriter des œuvres artistiques. Cependant,
l’étude de l’océan inclut l’étude des organismes marins. Les représentations d’organismes marins apparaissent dans de
nombreux rapports d’expéditions océanographiques, et certaines sont indéniablement des œuvres d’art, des bijoux de
l’illustration scientifique. Sont exposées ici une sélection de planches issues des rapports des premières expéditions
océanographiques conservées à la Bibliothèque de l'Institut de la Mer de Villefranche, à savoir les expéditions Challenger
Expedition (1873-1876), Campagnes d'Albert 1er de Monaco (1885-1915), Plankton-Expedition (1889) et Deutsche
Tiefsee-Expedition auf dem Dampfer 'Valdivia' (1898-1899).
KEYWORDS. Ernst Haeckel, Adolphe Giltsch, René Koehler, Reinhard Armbruster, Franz Schütt, Ewald Rübsaamen.
MOTS-CLÉS. Ernst Haeckel, Adolphe Giltsch, René Koehler, Reinhard Armbruster, Franz Schütt, Ewald Rübsaamen.
Introduction
When one thinks of masterpieces of scientific illustration, the first that comes to mind are likely the
luxurious illustrations of landscapes and exotic flora and fauna in accounts of voyages of exploration
such as Voyage de découvertes aux terres australes or works on particular taxa such as John J.
Audubon's out-sized The birds of America: from drawings made in the United States and their
territories. Illustrations in reports of oceanographic expeditions likely do not come to mind. However,
in the early days of oceanography, the expeditions were indeed voyages of exploration, of the
unknown. A large component of early oceanographic expeditions was then documentation of the
organisms of the deep, and for this, artistic talent was a prerequisite as sketches and watercolors were
used. An artist was often a member of the scientific staff. While many reports from oceanographic
expeditions contained only sparse sketches focused on anatomical details of organisms, some contain
illustrations that merit designation as artworks of distinction. Here is presented a small selection of
illustrations from oceanographic expedition reports held in the library of the Institut de la Mer de
Villefranche (IMEV). The primary goal of this exhibition is to show that jewels of scientific
illustrations are unexpectedly present in the often dry reports of oceanographic expeditions. A
secondary goal is to draw attention to the value of maintaining the holdings of libraries and archival
collections on site allowing easy access of professionals and the public to these extraordinary works.
This is because easy access fosters accidental discovery, the best kind of discovery!
The 12 works shown here in the reports of the Challenger Expedition, the Campagnes scientifiques
accomplies sur son yacht par Albert Ier, the Plankton-Expedition, and the Valdivia German Deep-Sea
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Expedition. The choice of illustrations was, necessarily, subjective. However certain criteria were
employed. An attempt was made to show a large range of taxa, and works were favored by individuals
for whom some information was available. All of the plates shown were obtained from the digital
versions available through the Biodiversity Heritage Library (see the section 'Resources & Further
Reading'). The image files obtained were altered to correspond in appearance with the copies held in
the library of the IMEV. The alterations were primarily removing the yellowing and adjusting
brightness and contrast of the Biodiversity Heritage Library images. In each of the following four
sections, a brief introduction to the oceanographic reports is first given and followed by the selected
plates. Little technical information is provided concerning the organisms portrayed such as the
currently accepted names of the organisms portrayed, nor habitats, actual sizes, etc. The plates are
presented here as works of art rather than illustrations of specimens.
1. Challenger Expedition Reports
Fig. 1. The Challenger Expedition, from Vol. 1, the Narrative, of the Challenger Reports. The left panel shows
the vessel at sea, an unsigned illustration. The right panel shows the well-known frontispiece, a woodcut of a
painting by Elizabeth Gulland, a notable painter of the Victorian period, she was responsible for many of the
illustrations in the "Narrative" volumes.
Fig. 2. The most famous illustrations in the Challenger Expedition Reports are signed by Ernst Haeckel (1834-
1919), left panel, and Adolf Giltsch (1853-1911), right panel, as the artists.
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The voyage of the H.M.S. Challenger during the years 1873 to 1876 marks the beginning of
Oceanography. The "Reports of the Scientific Results" were published between 1885 and 1895 in 83
"parts", bound in 50 volumes and total nearly 30,000 pages in length. A complete collection of the
Challenger Reports is held by the library of the IMEV, an uncommon privilege. Some of the most
famous illustrations of marine organisms are in the Challenger Reports and these are the plates of Ernst
Haeckel's reports. Here are shown four plates, all credited to both Haeckel and Adolf Giltsch,
Haeckel's longtime collaborator in illustration. Haeckel recognized his debt to Giltsch and named a
medusa for him in plate 26 of his classic art book, Kunstformen der Natur.
Fig. 3. Plate 1 of vol. 4, part 12 (1882), on the deep-sea medusa. Thamnostylus dinema. Artists: Haeckel and
Giltsch; lithographer: Giltsch
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Fig. 4. Plate 85 of Vol. 18, part 40 (1887), on the radiolaria. Species of the genera Dipodospyris and
Dorcadospyris. Artists: Haeckel and Giltsch; lithographer: Giltsch.
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Fig. 5. Plate 8 from Vol. 28, part 77 (1888), on the siphonophores. Forskalia tholoides Artists: Haeckel and
Giltsch; lithographer: Giltsch. It is a classic illustration of a siphonophore.
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Fig. 6. Plate 8 from Vol. 32, part 82 (1889). Species of deep-sea sponges of the genera Ammolynthus,
Ammosolenia, and Ammoconia. Artists: Haeckel and Giltsch; lithographer: Giltsch. The insets show remains of
radiolaria encrusted on the surface of the sponge.
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2. Résultats des campagnes scientifiques accomplies sur son yacht par Albert Ier, Prince
Souverain de Monaco
Fig. 7. Prince Albert (left panel) and one of the Prince's yachts used in his oceanographic expeditions, the
Hirondelle, in the port of Monaco (right panel).
Albert of Monaco (1848-1922) has been called "the prince of oceanography". Aboard his yachts, the
Princess Alice I and II, and the Hirondelle, he made dozens of excursions between 1885 and 1915 to
locations as distant from Monaco as Svalbard, in the Arctic. The material gathered during his
oceanographic campaigns was entrusted to various experts for analysis. Their reports constitute the
Résultats des campagnes scientifiques, published from 1898 to 1950. The publication was, for most of
the years under the direction of Jules Richard (Fig. 8), a biologist whose early work was on
crustaceans. Some of the most striking illustrations in all of the Résultats des campagnes scientifiques
were the work of René Koehler (Fig. 8), an accomplished zoologist whose specialty was echinoderms.
Two of his plates are presented here in the four from the Résultats des campagnes scientifiques. All
four of the plates shown here were printed by the prestigious firm of Werner & Winter in Frankfort.
Fig. 8. Jules Richard (1863-1945) was the Director of the Résultats des campagnes scientifiques from 1895 to
1945. René Koehler (1860-1931) was Professor of Zoology at the University of Lyon whose illustrations of
echinoderms in his report are among the finest in the Résultats des campagnes scientifiques.
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Fig. 9. Fasc. 12 (1898) Échinides & Ophiures: plate 2. Sperosoma grimaldi. The painter (pinx.) credited is
Rene Koehler.
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Fig. 10. Fasc. 34 (1909) [Échinodermes]: Plate 9. Gorgonocephalus agassizi. The drawing is credited (del.) to
René Koehler, and as painter (pinx.) Lovatelli (full name unknown).
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Fig. 11. fasc.20 (1901) [Alcyonaires]: Plate 5. Stachyodes trilepis. Both the drawing (del.) and the paintings
(pinx.) are credited to Reinhard Armbruster (1842-1915). The organism is a deep-sea coral.
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Fig. 12. Fasc. 54 (1920) Céphalopodes I: Plate 5. Melanoteuthis lucens. The artist credited is Miss Vesque.
According to the figure legend, after a watercolor of a living specimen by L. Tinayre done at the moment the
animal was captured.
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3. Plankton Expedition Reports
Fig. 13. Victor Hensen (1835-1924), the organizer and chief scientist of the Plankton Expedition and the
sketch of the National steaming in rough seas, which appeared on the cover of each of the Plankton
Expedition Reports.
Victor Hensen coined the term "plankton", and his Plankton Expedition of 1889 marks the
beginning of Biological Oceanography. He set out to show that plankton is the base of the oceanic food
webs by quantifying the biomass of plankton and to investigate the composition of the assemblages of
plankton in different zones. Samples from the expedition were analysed by experts with specialized
knowledge of the diverse groups of organisms making up the plankton. The reports, Ergebnisse in dem
Atlantischen Ocean von Mitt Juli Anfang November 1889 ausgeführten Plankton-Expedition der
Humboldt-Stiftung, were published over a long period (1892-1926) in 61 distinct parts totaling over
6800 pages of text and nearly 500 plates. Few institutions have a complete set. The library of the
IMEV contains but a partial collection. However, among the holdings of the IMEV is the large and
wonderfully illustrated volume by Franz Schütt on the dinoflagellates, a group of microscopic
organisms, at the time considered to be related to plants. Schütt was among the scientists who sailed
with Hensen. The plates in his report were all based on his own drawings. Shown here are two of his
plates.
Fig. 14. The map of Schütt's showing the cruise track of the National and variation in the stocks of plankton,
the cover of his 1895 report on the Peridinea, and a portrait of Franz Schütt from 1898.
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Fig. 15. From the 1895 Bd. IV.M.a: Die Peridineen: Plate 5. Species of the dinoflagellate genera Ornithocercus
(center & top half), Histioneis (bottom center) and Citharistes (bottom left and right). The actual sizes of the
organisms are about 100 µm in longest dimension. The orange spheres are symbiotic algae. The artist
credited (del.) is F. Schütt, the lithographer (Lith. Artist) is Emil Laue.
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Fig. 16. From the 1895 Bd. IV.M.a: Die Peridineen: Plate 25. Species of the dinoflagellate genus
Gymnodinium. The crescent-shaped cells, now known as Pyrocystis lunula are about 150 µm in longest
dimension. The artist credited (del.) is F. Schütt, the lithographer (Lith. Artist) is Emil Laue.
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4. Valdivia German Deep-Sea Expedition
Fig. 17. The steamer Valdivia and the personnel (captain, crew and scientific staff) of the cruise. Labeled are
the chief scientist Carl Chun, the organizer of the cruise, and Ernst Vanhöffen, author of the report featured
here.
The German Deep-Sea Expedition of 1898-1899 (Deutsche Tiefsee-Expedition auf dem Dampfer
'Valdivia' 1898-1899) was the last great oceanographic expedition of the 19th century. The organizer
and chief scientist of the expedition, Carl Chun (1852-1914), was an expert on deep-sea pelagic
organisms. The cruise was designed to concentrate sampling in zones that had not been explored by the
Challenger Expedition. Like the Challenger Reports, the reports of the expedition, entitled
Wissenschaftliche Ergebnisse der Deutschen Tiefsee-Expedition auf dem Dampfer "Valdivia" 1898-
1899, were published in parts dedicated to specific taxa. In all, there are 98 titles published between
1902 and 1940. Ernst Vanhöffen (1858-1918) was one of the scientific staff of the expedition (Fig. 17)
and was responsible for investigations of the medusa species. His first report was on Scyphozoan
medusa (Fig. 18). The eight plates were all done by Ewald Rübsamen (1857-1928). He was a notable
entomologist who was very talented with a pencil or brush. He had first trained as art teacher before
turning to Zoology. Here two of the plates are shown.
Fig. 18. Ernst Vanhöffen (left panel), the cover of his first 1903 report on medusa species (center panel) and
Ewald Rübsamen, the illustrator of the report.
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Fig. 19. From the 1903 Bd. 111: Plate 1. Species of Atolla and Nausithol. The artist (gez.) is Rübsamen; the
lithography is credited to Werner and Winter.
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Fig. 20. From the 1903 Bd. 111: Plate 3. Palephyra indica (10), Atorella subglobobosa (11), and Sanderia
malayensis (12). The artist (gez.) is Rübsamen; the lithography is credited to Werner and Winter.
Acknowledgements
The comments and corrections of the anonymous reviewers and Christian Sardet, on a previous
version of the manuscript, were very helpful.
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Resources & Further Reading
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Êtres à la dérive : Anatomie d’une goutte d’eau
Lives adrift: anatomy of a drop of water
Claire Delfino 1
1
Claire Delfino, Photographe Auteur, France, clairedelfino@gmail.com
RÉSUMÉ. Une goutte d’eau est un monde infinitésimal, totalement inconnu. J’ai pu observer au microscope qu’une vie
minuscule bouillonne, foisonne dans à peine 1 cl d’eau. Des êtres vivent, se reproduisent, se nourrissent, et meurent à
une une échelle qui nous est étrangère. À cette échelle une heure peut représenter une vie. Je propose ainsi de
représenter les micro-organismes d’une goutte d’eau de la baie de Villefranche en Méditerranée, comme tentative pour
découvrir et révéler le peuple invisible, dont le raffinement et la complexité m’inspirent. À travers ce travail
pluridisciplinaire, j’interroge les origines de la photographie avec le cyanotype, et je m’approprie la microscopie
scientifique. Je fusionne les techniques anciennes et moderne pour renouveler une approche documentaire du vivant.
ABSTRACT. A drop of water is an infinitesimal world, totally unknown. I was able to observe under the microscope the
tiny life that bubbles, teems, in barely 1 cl of water. Living creatures reproduce, feed, and die on a scale that is foreign
and unknowable to us. On this scale, an hour can represent a life. I thus propose to represent the micro-organisms of a
drop of water from the bay of Villefranche in the Mediterranean, in an attempt to discover and reveal the invisible
creatures, whose refinement and complexity inspire me. Through this multidisciplinary work, I question the origins of
photography with the cyanotype, and I thus appropriate scientific microscopy. I merge ancient and modern techniques to
renew a documentary approach to the living.
MOTS-CLÉS. Art scientifique, photographie, microscopie, Plancton.
KEYWORDS. Scientific Art, Photography, Microscopy, Plankton.
À l’origine
Une multitude d’êtres unicellulaires sont en suspens dans une eau primitive sans oxygène, sur notre
planète alors rouge. Une bactérie y mute en une algue bleue verte microscopique. Elle génère la
chlorophylle, une nouvelle molécule. L’algue bleue met à profit la lumière du soleil, les minéraux de
l’eau et la chlorophylle pour créer une réaction chimique inédite : la photosynthèse. Elle devient ainsi
phytoplancton et par là même, révolutionne la planète avec la genèse de l’oxygène. La vie se
développe alors dans l’océan grâce aux capacités habiles d’une micro-algue, il y a 3,5 milliards
d’années.
En 1843, Anna Atkins réalise le premier livre illustré avec des photographies : British Algae (Atkins
1843). Un herbier d’algues du monde entier. Cette botaniste victorienne remplace les illustrations
scientifiques traditionnelles par le cyanotype, un des premiers procédés photographiques avant
l’invention du négatif. Selon cette technique, elle place le végétal sur un papier imprégné de chimie, et
l’expose ensuite aux rayons du soleil. Une forme organique élégante et blanche se révèle sur un fond
bleu profond. L’algue apparaît en négatif. Son tirage, légendé du nom de son espèce, devient donnée et
source scientifique.
Été 2020, je découvre ces deux événements datés de l’Archéen et de l’histoire contemporaine, je
décide de les entremêler. Je fais un pas de côté dans ma pratique photographique pour me plonger dans
une réflexion et une expérimentation afin de travailler sur les représentations de l’océan, aux origines
du vivant et de la photographie
Le phytoplancton marin
Il s’agit de l’ensemble des végétaux aquatiques microscopiques, flottant au gré des courants dans
l’immensité de l’océan. Forcés de se laisser porter, ils ne peuvent aller contre le courant. De cette
contrainte découlent les ambivalences de ces êtres vivants : fragilité et résilience, flottabilité et
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résistance. Aussi bien au large que le long des côtes, ces êtres à la dérive prolifèrent partout dans les
mers. Ils vivent dans la zone photique. Là, où les rayons du soleil pénètrent et où les couleurs chaudes
disparaissent peu à peu. Là, où surtout la photosynthèse peut avoir lieu. Grâce à ce processus vital,
commun à tous les végétaux terrestre et aquatique, l’oxygène est libérée dans l’atmosphère. Je
découvre alors que le phytoplancton est infiniment et intimement lié à l’homme. Nous respirons une
fois sur deux grâce à cette forêt invisible d’algues.
Le phytoplancton concentre une gamme infinie de morphologies. Ces êtres unicellulaires aux
origines du vivant me déstabilisent par leur multiplicité vertigineuse et leur étrange beauté. Comment
révéler ces êtres imperceptibles aux allures de divinités aquatiques ?
Si féconds, si peu représentés
« Dans les cents premiers mètres de l’océan, chaque goutte d’eau contient des milliers de flore
microscopique flottante (...) ». Cette citation de l’océanographe Paul Falkowski (Falkowski 2012) me
fait prendre conscience de l’abondance de ces êtres unicellulaires. Si imperceptibles, ils mesurent entre
2 microns (1μ = 0,001 mm) et 1 millimètre, néanmoins ces colons aquatiques représentent plus de
80% de la biomasse des mers. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, l’océan est désigné par l’eau, la
baleine, le dauphin, les poissons... L’animal vole la vedette au végétal invisible et donc irreprésentable.
L’appel des formes
Le phytoplancton concentre une gamme infinie de morphologies végétales. Ces êtres unicellulaires
aux origines du vivant me déstabilisent par leur multiplicité vertigineuse et leur étrange beauté.
Lorsque je les contemple, émerveillement et étonnement s’entremêlent. Leur perception fait autant
écho au domaine de l’irrationnel qu’à certains éléments naturels ou objets du quotidien. Une étrange
familiarité. L’expression de phénomènes contradictoires affleure. Le phytoplancton ne peut
s’empêcher de surprendre. Déterminé par les impératifs de vie et de survie, leurs contours et apprêts
me subjuguent. Une esthétique évidente surgit et m’interpelle. Comment révéler ces êtres
imperceptibles aux allures de divinités aquatiques ?
Un herbier marin d’énigmes scientifiques
Fondé sur une démarche naturaliste, l’herbier se compose de feuilles claires ornées de plantes
séchées et pressées. Cette pratique remonte au 16e siècle. Les planches sont généralement autonomes
et légendées du nom binominal de l’espèce scientifique (tel que Carl von Linnée - fondateur de la
classification moderne des êtres vivants - l’a établi au milieu du 18e siècle). La collecte du
phytoplancton est infinie. Un herbier a la particularité de s’étoffer et de s’actualiser en ajoutant des
planches au fil du temps. Toutefois la taille réelle de mes sujets, invisibles à l’œil nu, rend impossible
ce procédé classique. Au lieu de sécher les herbes de mer entre deux feuilles de papier, je réalise une
image scientifique à l’aide du microscope électronique à balayage. Les planches de l’herbier, inspirées
des travaux d’Ernst Haeckel me permettent d’archiver en empruntant les codes de l’illustration
botanique pour donner naissance à un outil artistique et scientifique.
Microscopie et photographie
L’imagerie scientifique actuelle me permet d’interroger les modalités de représentation des microorganismes.
L’image répond d’abord au besoin du chercheur, qui veut scruter des molécules, observer
une structure ou répertorier une espèce… Elle s’affranchit des canons de beauté mais manifeste une
esthétique de l’image document.
Le microscope est l’unique outil permettant de rendre visible à l’oeil nu ces êtres vivants
imperceptibles. Pour dresser le portrait bleu de ces micro-algues, je recours à la microscopie
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électronique. Un ballet d’électrons propulsés sur la surface de mon échantillon, forme l’image.
L’élégante structure de l’organisme se révèle alors en noir et blanc. Cette image électronique constitue
mon point de départ, image source pour 2 élaborer un négatif numérique. Alors, de manière régressive,
une image issue de la haute technologie se transforme en un procédé monochrome ancien.
Sur les pas d’Anna Atkins
Aquarelliste, illustratrice et lithographe, elle passe son temps à représenter la flore et la faune de son
époque. Sa passion pour la botanique provient de l’éducation scientifique prodiguée par son père. En
1841, elle intègre la Botanical Society qui réalise des atlas nationaux illustrant la répartition
géographique des espèces de plantes du Royaume-Uni. Une femme dans un cercle d’hommes où
prévaut un certain art de la flore. La même année paraît l’ouvrage du botaniste William Henry Harvey,
intitulé a Manual of British Algae, paru en 1841, proposant une description et une classification très
précises des algues. L’ampleur de ce manuel est inouïe pour l’époque mais il ne comporte pas
d’illustrations. Alors, Atkins s’empare des végétaux marins et donne corps au texte de Harvey, en
images bleues. Huit fascicules composés de cinquante planches de cyanotypes représentant des algues
du monde entier : Photographs of British Algae d’Anna Atkins naît et grandit entre 1843 et 1851.
L’objet révolutionne l’édition puisqu’il s’agit du premier livre illustré en photographies. Cette œuvre
précurseuse dans le domaine de la photographie et celui de l’étude des algues n’est pas reconnue à sa
juste valeur : premier ouvrage qui utilise le photogramme, premier livre qui mobilise la photographie
(Williams 2014) première œuvre qui explore le cyanotype (Williams 2014).
Des végétaux flottant à la surface de cyanotype
Les premières images photographiques sont des empreintes couleur azur obtenues sans appareil
photo : Le cyanotype. Cette technique par sa simplicité de manipulation a pour critère la permanence.
Le bleu comme arrière plan nous rappelle son biotope, l’océan. Lors de tests, j’ai rincé les tirages à
l’eau de mer. Ce bain de rinçage donne une autre allure aux planches de l’herbier. Les bleus restent
profonds et les blancs prennent plus de puissance. Les sels de mer, éléments fixateurs deviennent une
propriété intrinsèque au tirage, tout en lui conférant une dimension vernaculaire et esthétique.
Modus Operandi
En juin 2021, j’ai commencé une collaboration avec des scientifiques de l’Institut de la Mer de
Villefranche, qui dépendant à la fois du Centre National de la Recherche Scientifique et de Sorbonne
Université. Cette institution d’excellence est réputée pour ces recherches pluridisciplinaires mais
surtout pour être un paradis où foisonne le plancton. J’ai dans un premier temps séjourné dans ce
centre de recherches pour mettre en place une résidence. J’y ai découvert un Manuel de planctonologie
de la Méditerranée qui a fait immédiatement écho à mon projet. En 1957, Grégoire Trégouboff et
Maurice Rosé publient un ouvrage pour un public averti, décrivant les espèces observées dans la baie
de Villefranche-sur-Mer (Trégouboff et Rose 1957). Ce catalogue scientifique comporte une
illustration abondante : 2200 figures sont représentées sur 207 planches. Cet objet du milieu 20e siècle
constitue une source d’inspiration précieuse pour mon entreprise de représentations scientifique et
artistique.
Lors de mes visites, je me suis glissée dans la peau d’un chercheur. On m’a initiée aux techniques
de prélèvement et de traitement d’échantillons pour la microscopie électronique. J’ai ensuite été
formée à la microscopie à balayage par Sébastien Schaub, ingénieur responsable de la plateforme
d’imagerie par microscopie.
Lors de ces résidences, plusieurs chercheurs ont accompagné mon travail en fonction de leur
compétence et de leur spécialité : Fabien Lombard qui analyse les populations planctoniques par
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imagerie quantitative; Sophie Marro qui est spécialisée dans les analyses d’échantillons expérimentaux
rassemblés dans une souchothèque d’organismes marins.
Mon atelier parisien devient le lieu d’expérimentation pour le procédé photographique du
cynanotype. Je choisis de travailler avec un papier de gravure épais pour supporter les bains de rinçage.
La chimie du cyanotype adhère à sa matière végétale tout en laissant place à l’aléatoire du procédé. Il
garantit un meilleur temps de conservation qu’un papier industriel et donne à voir la précision du
graphisme végétal du phytoplancton. Je réalise des planches d’un format non standardisé s’approchant
du 30 x39 cm telles les planches naturalistes d’Ernst Haeckel (Haeckel, 1890-1894). Je décide de
garder les bords frangés du tirage pour l’aspect artisanal.
Chaque tirage de l’herbier bleu est unique. Êtres à la dérive devient un outil artistique pour la
recherche scientifique afin de révéler et protéger cette nature suspendue, mettant en lumière de manière
singulière le vivant microscopique à l’heure d’une crise écologique planétaire. Une entreprise inédite
pour donner à voir l’imperceptible de l’océan, matière de nos rêves et sources de nos vies.
Figure 1. Photographie. Vue de la mer de la baie de Villefranche-sur-Mer. ©ClaireDelfino
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Figure 2. Photographie d’échantillon métallisé. Prélèvement de quelques centilitres d’eau filtrée.
©ClaireDelfino
Figure 3. Vue de 2mm de microscope de l’échantillon. ©ClaireDelfino
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Figure 4. Planche de dinoflagellés, algues unicellulaires microscopiques d’après plusieurs images
scientifiques au microscope électronique à balayage. Papier Somerset. 2022 © ClaireDelfino
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Figure 5. Dinoflagellé, algue unicellulaire microscopique. Cyanotype d’après une image scientifique au
microscope éléctronique à balayage. Papier Somerset. 2021
Figure 6. Dinoflagellé, algue unicellulaire microscopique. Cyanotype d’après une image scientifique au
microscope éléctronique à balayage. Papier Canson. Papier Somerset. 2021 © ClaireDelfino
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Figure 7. Planche de dinoflagellés, algues unicellulaires microscopiques. Cyanotype d’après une image
scientifique au microscope éléctronique à balayage. Papier Somerset. 2021 © ClaireDelfino
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Figure 8. Dinoflagellé, algue unicellulaire microscopique. Cyanotype d’après une image scientifique au
microscope éléctronique à balayage. Papier Canson. Papier Somerset. 2021 ©ClaireDelfino
Figure 9. Dinoflagellé, algue unicellulaire microscopique. Cyanotype d’après une image scientifique au
microscope éléctronique à balayage. Papier Canson. Papier Somerset. 2021 ©ClaireDelfino
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Figure 10. Planche de diatomées, algues unicellulaires microscopiques. Cyanotype d’après une image
scientifique au microscope éléctronique à balayage. Papier Somerset. 2021. © ClaireDelfino
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Figure 11. Coccolithophores, algue unicellulaire microscopique, sur le lorica d'une tintinnide. Cyanotype
d’après une image scientifique au microscope éléctronique à balayage.
Papier Somerset. 2022. © ClaireDelfino
Figure 12. Dinoflagellé, algue unicellulaire microscopique. Cyanotype d’après une image scientifique au
microscope éléctronique à balayage. Papier Somerset. 2022. © ClaireDelfino
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Figure 13. Planche de radiolaires (acanthaires) et de silicoflagellés, organismes unicellulaires
microscopiques. Cyanotype d’après plusieurs images scientifiques au microscope éléctronique à balayage.
Papier Somerset. 2022. © ClaireDelfino
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Figure 14. Planche d’algues unicellulaires microscopiques, des coccolithophores. Cyanotype d’après
plusieurs images scientifiques au microscope éléctronique à balayage.
Papier Somerset. 2022. © ClaireDelfino
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Figure 15. Images issues du livre Photographs of British Algae: Cyanotype Impressions d’Anna Atkins.
Figure 16. Images issues du livre Photographs of British Algae: Cyanotype Impressions d’Anna
Atkins.
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Figure 17. Images issues du livre Photographs of British Algae: Cyanotype Impressions d’Anna Atkins.
Je remercie vivement François Aurat de m’avoir présenté l’équipe du laboratoire de Villefranche ainsi que
Fabien Lombard, Sébastien Schaub et Sophie Marro pour leur aide précieuse.
Bibliographie
Atkins, A. C. 1843-1853. Photographs of British Algae: Cyanotype Impressions. Privately published.
https://digitalcollections.nypl.org/collections/photographs-of-british-algae-cyanotype-impressions#/?tab=about
Falkowski, P. 2012. Ocean science: the power of plankton. Nature, 483: S17-S20.
Haeckel, E. 1899–1904. Kunstformen der Natur. Leipzig und Wien: Verlag des Bibliographischen Instituts.
https://www.biodiversitylibrary.org/item/182319
Tregobouff, G., & Rose, M. 1957. Manuel de Planctonologie Méditerranéenne Centre National de la Recherche
Scientifique.
Williams, E.D. 2014. Ever drifting: Anna Atkins and the birth of the photobook. Antennae, the Journal of Nature in
Visual Culture, 29:65-91.
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The Surprising Microscopic Wonders from the Depths
of Villefranche-sur-Mer
Les étonnantes merveilles microscopiques des profondeurs de
Villefranche-sur-Mer
John R. Dolan 1
1 Sorbonne Université, CNRS, Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer, Station Zoologique, 06230
Villefranche-sur-Mer, France, john.dolan@imev-mer.fr
ABSTRACT. The Institut de la Mer de Villefranche is located near deep Mediterranean waters, and so is well-placed for
investigations of the fauna of the deep sea. Shown here are some rare images of living microscopic organisms that
populate the deep sea. Each shows a beautiful and complex morphology, and some images show unexpected features.
RÉSUMÉ. L'Institut de la Mer de Villefranche est bien placé pour les recherches sur la faune des grands fonds car il est
situé à proximité des eaux profondes. Voici des images très rares d’organismes microscopiques vivants qui peuplent les
profondeurs marines. Chacun montre une morphologie belle et complexe, et certaines images présentent des
caractéristiques inattendues.
KEYWORDS. Deep-Sea, Microscopy, Plankton, Protists.
MOT-CLÉS. Grands fonds de la mer, microscopie, plancton, protistes.
Introduction
Of all the marine laboratories in Europe, the Institut de la Mer de Villefranche (IMEV), is the only
one located near deep waters. This makes the IMEV uniquely well-placed for studies of deep-water
fauna because organisms can be collected, and within minutes, brought back to the laboratory for
study. A deep-water station, Point C is regularly sampled at the IMEV. The total depth at Point C is
over 325 meters; to put this depth in perspective, consider that in 325 meters depth, the Eiffel Tower
could be completely submerged. There is almost no light in the depths of Point C, the mesopelagic
zone of the sea. It is in the transitional "twilight layer", overlying the abyssal zone of complete
darkness. In popular culture, there is a long tradition of the portrayal of the deep sea as populated by
strange and frightening creatures, such as giant squids and bizarre toothsome fish. In reality, it is
largely populated, just like the surface layer of the sea, by the microscopic organisms of the plankton.
The biology of the organisms is poorly known as collecting deep-water specimens and observing them
living presents practical difficulties. The organisms are not only difficult to access, but they are also
only present in relatively low concentrations. Consequently, observations on living organisms from the
deep sea are few and far between. However, during the years 2021 and 2022, samples were obtained at
Point C with a "closing plankton net", sampling between 275 and 225 m depth. This allowed samples
from large volumes of relatively deep water to be quickly collected and rapidly brought back to the
laboratory for observation (Fig. 1.). The images shown here of "microscopic wonders of the deep sea"
are all of living microorganisms photographed in the Laboratoire d'Océanographie de Villefranchesur-Mer
of the IMEV, and some images show not only a beautiful microorganism, but also a feature
that was unexpected!
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Fig. 1. The top right photo was taken at the entry of the Bay of Villefranche, about 2 minutes before arriving at
the deep-water sampling site, 'Point C', located off the Cap de Nice, approximately 2 km (or 20 minutes travel
time), from the laboratory. The bottom right photo shows the plankton net being lowered, on its way to a final
depth of 275 m. The fanciful collage on the right shows the IMEV's vessel, the Sagitta 3, at the surface, and
the plankton net at about 250 m depth, a distance approximately equal to that separating the tip from the first
floor of the Eiffel Tower.
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Twelve Microscopic Wonders from the Deep
Fig. 2. A surprising time-series showing the radiolarian Dictyocorne profunda. It was placed in filtered
seawater and immediately withdrew all of its fine filament pseudopods, liberating the attached symbionts
(12:59). Over the next 2.5 hours, pseudopods were extended and the symbionts were re-attached to the
pseudopods via an unknown mechanism. The shell of D. profunda is about 100 μm in longest dimension.
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Fig. 3. The acantharian Amphilonche elongata with its typical yellow symbionts. It is about 200 µm long.
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Fig. 4. An acantharian with two types of symbionts. While the yellow spheres are typical symbionts, the small
red spheres on the spines appear to be quite unusual. The longest dimension (from tip to tip of the longest
spines) is about 200 μm.
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Fig. 5. The phaeodarian Euphysetta lucani, when living, forms a large reticulated web of pseudopods to catch
prey. The ovoid upper portion of the shell is about 100 μm across.
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Fig. 6. The phaeodarian Challengeranium diadon forms pseudopods as long, fine filaments to feed.
The shell is about 75 μm in length.
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Fig. 7. The phaeodarian Challengeron willemoesii uses whip-like pseudopods to feed.
The shell is about 200 μm in length.
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Fig. 8. A nassularian radiolarian, a Pterocanium sp., extends an array of fine filaments of pseudopods from the
central portion of the shell. The shell is about 200 μm in longest dimension.
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Fig. 9. Another nassularian radiolarian species, Spirocyrtis cornutella, appears to use pseudopods extending
chaotically in all directions.
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Fig. 10. The nassularian radiolarian Carpocanistrum cephalum extends pseudopods only out of the base of
the shell.
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Fig. 11. The tintinnid ciliate Daturella striatura. The ciliate cell lives inside a lorica (shell). In preserved
specimens there are often particles attached to outer surface of the lorica. The image shows that particles are
also attached to the lorica in living specimens. The lorica is about 150 μm long.
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Fig. 12. The tintinnid ciliate Xystonellopsis paradoxa. The species is commonly found in the surface waters.
This specimen, contracted in its lorica, contains the remains of ingested prey items (the orange and red
spheres in the lower portion of the cell) showing that it was very recently feeding in the deep waters.
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Fig. 13. A diatom, likely a species of the genus Pleurosigma. Diatoms generally rely on photosynthesis, but
this species was commonly in the deep-water samples in near darkness where photosynthesis is not possible.
It may then survive by absorbing dissolved organic matter. A short video showing another specimen, gliding
along the bottom of the observation chamber, was recently filmed and is available:
https://www.youtube.com/watch?v=ZtlglWKju-8
Ways, Means, and Details
The plankton net used to collect microorganisms from deep water was a large "Nansen closing net".
The mouth of the net is 70 cm in diameter and the total length of the net is 3 m. The mesh (or pore)
size is 52 μm. The net was lowered to 275m, and then brought up at a slow speed (0.5 m per second),
to 225 m depth at which point a messenger weight was sent down the wire to activate the choke line,
closing the net. The closed net was then brought to the surface rapidly (1 m per second), and contents
of the collector emptied into a chilled glass bottle for immediate transit to the laboratory. The time
elapsed between the closing of the net at 255 m, and the first examination of the sample in the
laboratory, was approximately 30 minutes. Thus, the images shown in the preceding pages were all
created in the laboratory shortly after sample collection. First, a small portion of the net sample (i.e., 1
ml of the 500 ml net sample) was placed in a 3 ml glass-bottomed chamber, diluted with 2 ml of
filtered seawater, and examined using an inverted microscope. Individual microorganisms were
located, and using a pipette, removed, and put into another 3 ml chamber filled with filtered seawater
for individual observation and imaging. For imaging, an inverted microscope equipped with
Differential Interference Contrast optics (Olympus IX71) and a digital camera (Canon Eos 5D Mark
II), was used to capture, as rapidly as possible, a series of images, typically 5-12 images, focusing
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down through the organism. For most of the images, a 20x microscope objective was used. Usually
several series were attempted to obtain one at least in which the organism was not moving! From the
focal series of images, a 'stacking program' (Helicon Focus) was used to produce a single composite
image. The final composite image was edited using Photoshop. The organisms in the images shown
here are all protist taxa, that is, single celled organisms. The actual sizes vary between about 100 and
200 μm in longest dimension. Most are known to be deep-water species, rarely found in the surface
layers of the sea.
Acknowledgements
Financial support for this work was provided by the CNRS, Sorbonne Université and the French
Agence National de la Recherche through the AncesStram project, coordinated by David Moreira,
Université Paris-Sud. Sincere thanks go to the skipper, Jean-Yves Carval, and the crew of the Sagitta
III, Pierre Cohen and Christophe Kieger, for precious aid in obtaining the samples. The remarks of the
anonymous reviewers are gratefully acknowledged.
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L’océan : un tondo planétaire peint par le
phytoplancton
The Ocean: A Planetary Tondo Painted by Phytoplankton
Fabrizio D’Ortenzio 1 & Julia Uitz 1
1
Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer, Sorbonne Université CNRS UMR 7093, 06230 Villefranche-sur-
Mer; fabrizio.dortenzio@imev-mer.fr; julia.uitz@imev-mer.fr
RÉSUMÉ. Dans l’océan, des organismes microscopiques sont à la fois les peintres et la teinte d’un grand tondo1
planétaire. Ces organismes, le phytoplancton, de couleur verte, sous des conditions marines favorables, colorent
d'énormes zones de l’océan. Tellement énormes que leur extension ne peut être observée que depuis l’espace. Nous
présentons ici quelques images de la Méditerranée nord-occidentale, prises par un satellite scientifique, qui nous
montrent la beauté de ce tondo visible seulement depuis une altitude de 700 km.
ABSTRACT. In the ocean, microscopic organisms are both the painters and the pigments of a large planetary tondo.
These organisms, phytoplankton, green in color, under favorable marine conditions, color enormous areas of the ocean.
So enormous that the extent, trully global, can only be observed from space. Here we present some images of the
northwestern Mediterranean Sea, taken by a scientific satellite, which show us the beauty of this tondo visible only from
an altitude of 700 km.
MOTS-CLÉS. Vert, satellite, phytoplancton, tondo.
KEYWORDS. Green Satellite, phytoplankton, tondo.
L’océan a toujours émerveillé les hommes par la richesse de ses couleurs. Depuis des siècles, des
générations de peintres se sont efforcées de reproduire sa palette de teintes : Monet, Gauguin, Picasso,
Tintoretto pour n’en citer que quelques uns. Plus récemment, avec l’avènement du cinéma et de la
photographie, des artistes talentueux ont fait montre d’imagination pour explorer la gamme
chromatique de la mer. Ils ont à la fois exploité l’imaginaire visuel de l’océan, et profité de la valeur
esthétique intrinsèque de la richesse de ses couleurs pour améliorer leurs œuvres.
La couleur de l’océan, telle que nous l’apprécions à l’œil nu, est déterminée par les lois physiques
de propagation de la lumière et influencée par la nature des substances qui se trouvent dans l’eau
(Mobley et al. 2022). Lorsque les rayons du soleil atteignent l’océan, une partie de la lumière se trouve
absorbée par les molécules d’eau elle-même ainsi que par les particules et micro-organismes présents
dans l’eau. L’autre partie est comme réfléchie (en fait « diffusée ») par ces mêmes molécules. C’est
cette partie diffusée que l’œil humain « capte ». Mais le chemin de la lumière ne s’arrête pas là. La
lumière du soleil est « blanche », au sens où elle contient toutes les couleurs (longueurs d’onde) du
spectre lumineux visible par l’œil humain. Cependant, les substances présentes dans l'eau de mer,
rencontrées par la lumière solaire, ont un pouvoir d'absorption ou de diffusion plus ou moins fortes à
certaines longueurs d'onde. Les molécules d’eau, par exemple, ont tendance à absorber plus fortement
les rayons rouges et diffuser les bleus, ce qui donne à l’océan sa couleur bleue prépondérante. Mais
l’océan peut prendre des teintes très variées, en fait presque la totalité de la palette de couleurs
appréciable par l’œil humain. La couleur bleu est certainement dominante, mais dans certains
conditions, l’eau de mer peut devenir rougeâtre, violette, jaunâtre, et, souvent, verte.
Mais qui colore l’océan en vert? Principalement des plantes, ou plus précisément, du phytoplancton.
Il s’agit d’organismes microscopiques qui utilisent la lumière du soleil pour croître et prospérer grâce
au même processus qui permet aux végétaux terrestres d’exister : la photosynthèse. Ce processus
1
« Tondo » : Tableau de forme circulaire. (Peinture de la Renaissance italienne (Larousse)
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biologique permet aux plantes de transformer l’énergie lumineuse en énergie chimique, de la stocker et
de l’utiliser pour leurs besoins physiologiques, dont le plus important est la reproduction.
La photosynthèse caractérise le règne végétal, sur terre et dans les océans (Falkowski and Raven,
2013). Malgré les énormes différences entre les organismes et les environnements, il existe une
molécule « universelle » qui est au centre de la photosynthèse : la chlorophylle a. Elle se trouve
presque partout dans les végétaux et c’est grâce à elle (ou plus précisément à son centre) que l’énergie
lumineuse est transformée en énergie chimique, utile pour la cellule2. Des milliards de générations de
végétaux, soumises à une pression évolutive impitoyable, ont affiné le fonctionnement et la structure
atomique de la chlorophylle. Elle s’est adaptée au spectre lumineux solaire, qui, bien qu’il contienne
toutes les couleurs, est plus énergétique dans le rouge et le bleu, et moins dans le vert. La chlorophylle
absorbe donc principalement dans le rouge et le bleu et réfléchit le vert, ce qui lui donne sa couleur
verte, visible dans les arbres, les salades, les pelouses, et aussi dans le phytoplancton. C’est le
phytoplancton qui colore de manière si spectaculaire et esthétique certaines plages du littoral atlantique
ou des petites criques méditerranéennes, inspirant des centaines d’artistes.
Aucun de ces artistes, toutefois, n’aurait jamais imaginé que le phytoplancton ne se limite pas à
colorier de petites criques, mais que sa toile est l’océan dans son ensemble (70,8 % de la surface de
notre planète).
Figure 1. Image « True color » de la région Nord Occidentale le Mer Méditerranée, obtenue par le capteur
MODIS le 3 Avril 2024.
La figure 1 représente une image prise le 3 avril 2024 par le capteur « MODIS » (Moderate
Resolution Imaging Spectroradiometer, Spectroradiometre à imagerie de résolution moyenne, en
anglais), porté sur le satellite artificiel « AQUA » de l’agence spatiale américaine NASA. Mis en orbite
en 2002 dans le cadre du programme d’observation des océans, il est le dernier d’une longue série de
satellites succédant à la première mission pionnière de ce type, le « CZCS » (Coastal Zone Color
Scanner) monté sur le satellite « Nimbus-7 », opérationnel de 1978 à 1986. MODIS (ainsi que tous les
capteurs du même type) fonctionne comme un œil humain : la lumière réfléchie par l’océan et ce qu’il
2
Accessoirement, la photosynthèse permet aux végétaux d’absorber du carbone et de relâcher de l’oxygène, ce qui a une
importance critique pour la vie sur terre. Mais ça c’est une autre histoire.
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contient est captée à 700 km d’altitude par différents capteurs, chacun calibré pour observer une
certaine couleur3. Lors de son passage journalier sur chaque région du globe4, il génère des images de
l’énergie lumineuse réfléchie par la surface dans différentes couleurs. Ces images, recombinées,
donnent une image finale très similaire à ce qu’un œil humain (ou un appareil photographique) verrait
en regardant la Terre depuis 700 km d’altitude (pour plus des details, McClain et al. 2022).
L’image en figure 1 montre le secteur Nord Occidentale de la Mer Méditerranée : on y reconnaît la
côte Méditerranéenne de la France, les îles Baléares ainsi que la Corse et la Sardaigne. La botte
italienne est couverte par les nuages. Mais la beauté de l’image se trouve surtout dans l’eau : toute la
région océanique observée depuis l’espace est caractérisée par une couleur verte, avec différentes
nuances. Le vert reflète la richesse en chlorophylle a et donc en phytoplancton, qui, dans des
conditions printanières favorables, se multiplie à une vitesse exponentielle remplissant et coloriant la
surface océanique. Les teintes marron signalent les panaches au niveau de l’embouchure des fleuves,
avec leur charge en sédiments qui colore l’eau d’un marron/vert. La turbulence océanique produit aussi
des filaments, des tourbillons ou des zones frontales : l’ensemble des ces processus dynamiques
module la distribution et la concentration du phytoplancton dans l’eau et génère une palette de couleurs
remarquable. Enfin, vers le bas de l’image, où le phytoplancton est absent ou peu présent, l’eau
retrouve son bleu Méditerranéen.
Le phytoplancton, comme mentionné précédemment, est composé de micro-organismes végétaux.
Comme l’indique son nom (du grec "phyto" signifiant végétal, et "plankton" signifiant "qui dérive"), le
phytoplancton est dépourvu de capacités de déplacement autonomes et donc transporté par les courants
marins. Il ne peut donc pas « chercher » ses ressources et est soumis à la dynamique physique de
l’océan. En effet, à l'instar de tous les végétaux, il nécessite plusieurs ressources essentielles pour
réaliser sa photosynthèse et ainsi convertir le carbone inorganique (dioxyde de carbone) en carbone
organique : de l’eau (qui est abondante dans l'océan) et des nutriments, principalement du silicium
(pour les diatomées), de l'azote, du phosphore, ainsi que des oligo-éléments comme le fer, le
magnésium, le calcium, le potassium, le manganèse et le zinc. Comme pour les plantes terrestres, le
phytoplancton nécessite également la lumière du soleil, qui fournit l’énergie nécessaire à l’ensemble
des processus de croissance. Ces conditions (c'est-à-dire lumière et nutriments disponibles) doivent être
réunies simultanément. Lorsque cela se produit, nous observons depuis l’espace ces impressionnantes
floraisons phytoplanctoniques qui teintent l’océan de vert (Williams and Follows, 2011).
Cependant, les conditions ne sont pas toujours favorables : la lumière ne peut pénétrer que sur les
premières dizaines de mètres sous la surface océanique, et ce n’est donc que sur quelques dizaines de
mètres de profondeur que le phytoplancton peut se développer. Parallèlement, l’océan est la plupart du
temps « stratifié », car la lumière réchauffe les couches superficielles de la colonne d’eau qui, étant
moins denses, ne se mélangent pas avec les couches plus profondes. La conséquence de cette
stratification quasi permanente est que, une fois les nutriments de surface consommés, le
phytoplancton ne peut plus se développer et sa croissance s’achève. Il faut alors attendre que la
dynamique océanique, en mélangeant à nouveau la colonne d’eau, recharge la couche éclairée en
nutriments.
Dans les zones tempérées, la dynamique phytoplanctonique suit donc le cycle des saisons : en hiver,
les vents et l’atmosphère refroidissent l’océan, et le mélange qui en résulte enrichit les couches de
surface en nutriments. Le phytoplancton ne se développe pas cependant, car le mélange ne permet pas
une utilisation efficace des nutriments et la lumière solaire est à son niveau le plus bas. L’océan
apparaît alors vide, comme le montre la figure 2, obtenue par le capteur MODIS encore dans le nordouest
de la Méditerranée en hiver (le 12 janvier 2023). L’océan est complètement bleu, presque noir.
3
D’ailleurs, la branche de l’optique qui étudie ces processus est dite « Ocean Color » (en anglais, la couleur de l’océan).
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Les satellites à orbite dite polaire observent chaque jour la totalité de la surface de la terre.
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Le phytoplancton est dispersé dans une couche mélangée5 de plusieurs centaines de mètres de
profondeur, et la couleur verte a presque disparu.
Figure 2. Image « True color » de la région Nord Occidentale le Mer Méditerranée, obtenue par le capteur
MODIS le 12 Janvier 2023.
Le printemps amène les conditions favorables à la croissance : lumière, nutriments, stabilité de la
colonne d’eau. Le phytoplancton se développe et colore toute la zone d’un vert intense (voir un autre
exemple obtenue par le capteur MODIS en figure 3 en mars 2023).
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La couche mélangée océanique désigne la zone de l'océan qui, en contact constant avec l'atmosphère, subit un brassage continu
en raison des échanges d'énergie avec celle-ci. La profondeur de cette couche varie en fonction de l'intensité et de la nature des
processus en jeu, tels que le réchauffement ou le refroidissement, pouvant aller de quelques mètres à plusieurs kilomètres.
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Figure 3. Image « True color » de la région Nord Occidentale le Mer Méditerranée, obtenue par le capteur
MODIS le 13 Mars 2023.
L’été apporte la chaleur, qui re-stratifie la colonne d’eau. Le phytoplancton ne se développe plus, au
contraire, il meurt et se dégrade. L’eau perd sa couleur verte, mais ne redevient pas pour autant d'un
bleu foncé : les composantes dégradées du phytoplancton donnent une légère teinte jaune à l’océan qui
reste toutefois en prévalence bleu (figure 4, obtenue par MODIS le 10 Juin 2024)
Figure 4. Image « True color » de la région Nord Occidentale le Mer Méditerranée, obtenue par le capteur
MODIS le 10 Juin 2024.
Depuis le lancement des premiers satellites dédies à l’observation de la distribution de la
chlorophylle océanique, des milliers d’images comme celle-ci ont contribué à monitorer et faire
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comprendre les écosystèmes océaniques6. Il s’agit de la plus importante base de données (en terme de
nombre d’observations et de couverture spatio-temporelle) sur la biologie océanique qui existe
actuellement.
Et toutefois, le spectacle offert par le phytoplancton au cours de saisons et qui ne peut être apprécié
que depuis 700Km d’altitude, reste toujours jubilatoire.
Remerciements
Nous remercions chaleureusement le NASA Ocean Biology Distributed Active Archive Center
(OB.DAAC) pour la mise à disposition des données, des images et des ressources Web utilisées dans
cet article.
References
Falkowski, Paul G., and John A. Raven. Aquatic photosynthesis. Princeton University Press, 2013.
McClain, C. R., Franz, B. A., & Werdell, P. J. (2022). Genesis and evolution of NASA’s satellite ocean color
program. Frontiers in Remote Sensing, 3, 938006.
Mobley, C. D. (Editor), 2022. The Oceanic Optics Book, International Ocean Colour Coordinating Group (IOCCG),
Dartmouth, NS, Canada, 924pp. DOI: 10.25607/OBP-1710
Williams, R. G., & Follows, M. J. (2011). Ocean dynamics and the carbon cycle: Principles and mechanisms. Cambridge
University Press.
Ressources Web
https://truecolors.imev-mer.fr
https://oceancolor.gsfc.nasa.gov
https://www.oceancolour.org
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Sans rentrer dans les détails, l‘utilisation scientifique des ces images passe plutôt par l’application d’algorithmes qui permettent
d’obtenir des cartes de la concentration de la chlorophylle de surface.
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