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Ensemble
main dans la main
INSIEME VALAIS ROMAND 2022
ENSEMBLE, MAIN DANS LA MAIN
60 ans d’engagement en faveur des enfants avec une déficience intellectuelle
Insieme Valais romand
Delphine Debons
avec la collaboration de Cristina Philippoz
Direction et suivi éditorial : D’mots d’histoire – Delphine Debons
Recherches historiques, rédaction principale : Delphine Debons
Entretiens, rédaction chapitre 1990-2020 : Cristina Philippoz
ISBN 978-2-8399-3648-4
© Insieme Valais romand, 2022
005
PRÉFACE
≥ Cette année 2022 marque le 60 e anniversaire de notre association
puisque c’est en 1962, sous l’impulsion de personnes
pionnières, qu’est née l’Association de parents d’handicapés
mentaux, autrefois APHM, devenue en 1995 Insieme Valais
romand – ensemble, en italien. Pour se souvenir de ce long
voyage, le comité d’Insieme a décidé d’éditer un livre anniversaire.
Des recherches historiques ont été faites, des interviews
réalisées et nos archives consultées avec assiduité.
≥ Cet ouvrage évoque les méandres par lesquels notre association
a dû passer pour tracer son chemin. Il permet d’honorer
le travail de nos anciens, de se remémorer les étapes importantes
et les épisodes notables qui ont marqué la vie d’Insieme et, grâce
à la lecture du passé, de porter un regard neuf sur le présent.
≥ En parcourant ces lignes, un seul mot me vient à l’esprit :
Reconnaissance.
≥ Reconnaissance à nos enfants différents qui, à travers leurs
sourires innocents, nous donnent chaque jour la force de continuer
notre mission, celle de leur offrir des moments de
loisirs.
≥ Reconnaissance à nos fondatrices et fondateurs qui ont senti
le besoin de créer cette association afin de soulager les familles
et de donner un autre regard sur le handicap.
≥ Reconnaissance à nos anciens présidents et membres du
comité qui ont su garder le cap du navire Insieme. Les décisions
qu’ils ont dû prendre n’ont pas toujours été aisées.
≥ Reconnaissance aux parents pour leur fidélité, leur soutien et
surtout pour la confiance témoignée en nous laissant leurs
enfants.
≥ Reconnaissance à toutes les personnes qui accompagnent et
veillent sur nos enfants lors de camps de vacances, minicamps
et week-ends.
≥ Reconnaissance à nos autorités cantonales et communales.
Leur soutien est indispensable pour trouver des solutions aux
besoins de nos enfants différents ou construire de nouvelles
infrastructures qui leur sont dédiées.
≥ Reconnaissance à toutes les personnes, fondations, institutions
qui soutiennent nos projets et actions depuis tant d’années,
en particulier à notre faîtière, Insieme Suisse, à la
FOVAHM et à La Castalie.
≥ Reconnaissance à vous tous, qui vous intéressez au parcours
de notre association, à celui de nos jeunes différents et qui
avez choisi de vous plonger dans cet ouvrage. Reportages,
témoignages, interviews, archives, photos, j’en suis sûre, vous
offriront un bon moment de lecture et de découverte de notre
association, de sa naissance à aujourd’hui.
≥ À tous et toutes bonne lecture
Nathalie Célestine Rey-Cordonier
Présidente Insieme Valais romand
Si toutes les minorités se mettent
ensemble, elles deviendront majoritaires.
Lutter pour les droits des personnes
handicapées, c’est lutter
pour le bien de l’humanité.
Alexandre Jollien, philosophe
009
INTRODUCTION
Insieme Valais romand
a sans conteste été
une actrice essentielle
dans le domaine
de l’information.
≥ C’est en 1962 qu’est créée l’Association valaisanne de
parents d’enfants mentalement déficients, sous l’impulsion de
Nicole Lachat, Jurassienne venue s’installer en Valais, maman
d’un enfant handicapé. Constatant qu’aucune institution n’existe
dans le canton pour l’éducation de son fils, elle décide de s’engager
pour cette cause. Le récit de cette fondation, tel qu’on peut
le lire dans quelques documents produits par l’association ellemême,
laisse penser que le canton est en retard par rapport au
reste de la Suisse. Certes, le Valais n’est pas pionnier en matière
d’aide aux enfants en situation de handicap mental. Toutefois,
dans le cadre du mouvement associatif de parents, il n’est
pas en retard, loin de là. La première association a été
créée à Zurich en 1957, suivie par Genève (1958) et Aarau-
Lenzburg (1959). En 1960 est créée une fédération nationale,
la future Insieme Suisse. Sans doute décide-t-elle
alors de prospecter dans les autres cantons et d’inciter à la
création d’associations régionales. Ainsi, entre l’automne
1961 et l’année 1962, cinq nouvelles sections apparaissent
dont Fribourg, Vaud et le Valais romand. Selon les données
que nous avons pu trouver, les quelque quarante autres
sections aujourd’hui membres d’Insieme Suisse semblent avoir
une date de fondation ultérieure.
≥ L’Association valaisanne de parents d’enfants mentalement
déficients, aujourd’hui Insieme Valais romand, a sans conteste
été une actrice essentielle dans le domaine de l’information, de
la sensibilisation, de la reconnaissance et de la prise en charge
des personnes handicapées mentales en Valais.
≥ À l’occasion d’une publication réalisée pour les 40 ans de la
Fondation valaisanne en faveur des handicapés mentaux
(FOVAHM) – créée en 1970 par l’Association de parents –, nous
avions déjà retracé les actions menées en faveur des adultes 1 . Le
présent ouvrage vient compléter cette étude en retraçant l’engagement
des parents pour les enfants en situation de handicap,
afin qu’ils puissent participer, de manière toujours plus poussée,
à la vie de la société à laquelle ils appartiennent. Nous verrons
que les notions d’insertion ou d’intégration ont été présentes
dans les objectifs de l’association dès ses débuts bien que la
définition du concept et les méthodes pour le mettre en œuvre
aient évolué.
≥ Si, aujourd’hui, Insieme Valais romand est avant tout active
dans le domaine du conseil et des loisirs, depuis son origine et
jusqu’au début des années 1990, l’Association de parents investit
une grande partie de son énergie pour créer des structures, puis
des conditions-cadre, afin que les enfants handicapés mentaux
puissent, comme les autres, jouir de leur droit à l’éducation. Les
actions menées dans ce domaine sont au centre de cet ouvrage.
≥ DES TERMES DANS LEUR CONTEXTE
HISTORIQUE
Association valaisanne de parents d’enfants mentalement déficients,
Association valaisanne de parents d’enfants mentalement
handicapés, Association de parents d’handicapés mentaux,
Insieme Valais romand. L’évolution du nom de l’Association
de parents suit celle du vocabulaire utilisé pour désigner le
handicap mental. Dans cet ouvrage, d’autres termes apparaissent
: retardés, anormaux, oligophrènes, etc. Ils sont utilisés
dans leur contexte historique.
1
Delphine Debons, sous la direction du Bureau Clio Sàrl, Une place pour chacun ? Histoire de la FOVAHM, Saxon : FOVAHM, 2010, consultable en ligne : www.fovahm.ch. Pour rappeler les liens forts
entre la FOVAHM et Insieme Valais romand, et la complémentarité des deux ouvrages, un graphisme similaire a été adopté.
011
≥ De l’école itinérante de 1962 à l’intégration scolaire des
enfants en situation de handicap aujourd’hui, en passant par
l’organisation de camps et de week-ends de loisirs et par les
combats politiques menés par l’Association de parents, c’est un
pan de l’histoire de l’enfance en situation de handicap, de l’école
valaisanne – considérée comme pionnière en matière d’intégration
scolaire –, de l’action sociale en Valais romand que nous vous
invitons à découvrir dans les pages qui suivent.
≥ Pour ses soixante ans, l’Association de parents a souhaité
valoriser son histoire et sauvegarder son patrimoine. Ainsi, dans
la lancée de cet ouvrage, elle a choisi de faire trier et inventorier
ses archives et de les déposer pour une conservation à long
terme auprès des Archives de l’État du Valais. Elle a également
fait numériser des documents d’archives audiovisuels et photographiques,
conservés jusqu’alors sur des supports anciens,
difficiles à exploiter. Enfin, grâce à un projet de la Médiathèque
Valais – Sion, son bulletin, Main dans la main, est désormais
consultable en ligne (www.rero.doc.ch) pour les années 1962 à
1990.
≥ Pour mener à bien cette étude historique, les archives d’Insieme
Valais romand nous ont été indispensables. Elles constituent,
avec le fonds d’archives de l’école La Bruyère, également
déposé aux Archives de l’État du Valais, les sources principales
utilisées pour cette recherche. Des éléments d’autres fonds d’archives
– principalement du Département de l’instruction publique
–, les archives de la presse, les ouvrages existants sur la question
sont venus compléter ce corpus et nous ont permis d’intégrer
l’histoire de l’Association de parents dans un contexte plus large.
≥ DES REGARDS « DE CŒUR » EN VIDÉO
Faire l’histoire d’Insieme Valais romand, c’est également donner la parole à des personnes qui ont participé
à l’écrire. Des entretiens ont ainsi été menés avec une dizaine d’entre elles. Ils permettent d’enrichir
ce livre et de compléter les témoignages disponibles dans les archives.
Certains ont été filmés pour donner naissance à des capsules-vidéos, réalisées par Cristina Philippoz,
Florian Bloesch et David Gaudin. Elles offrent un regard « de cœur » sur le parcours de personnes en
situation de handicap et sur celui des femmes et des hommes qui ont participé à la vie de l’association.
Des codes QR permettent d’accéder à certains témoignages au fil des pages.
Retrouvez également l’intégralité des vidéos sur le site web d’Insieme Valais romand
La situation
des enfants
handicapés
mentaux
avant 1960
C’est dans le dernier quart
du XIX e siècle qu’en Suisse
la question des enfants dits
anormaux ou arriérés commence
à se poser. Jusque-là,
ces catégories mal définies
se trouvent noyées dans la masse
des enfants déshérités et sous
la responsabilité de la famille ou
d’institutions d’assistance privée,
le plus souvent religieuses.
La Constitution fédérale de 1874
leur donne un nouveau statut
en instaurant l’école primaire
obligatoire. L’institution scolaire
doit alors prendre en compte tous
les enfants, y compris ceux qui
se distinguent de la norme établie.
Si le principe de l’école pour tous
est accepté, la réalité est autre.
Elle met en lumière les enfants
qui ne parviennent pas à suivre
les classes primaires et pousse
à s’interroger sur la qualification
des anormalités, sur l’identification
et les mesures à mettre en œuvre
pour ceux qui ne parviennent pas
à assimiler le programme scolaire
standard.
Carte postale, avant mars 1911.
015
Un constat
s’impose :
l’illettrisme
est encore
très répandu.
≥ Améliorer le niveau d’instruction de la population – indice de
l’état de civilisation et de progrès d’un pays – est un objectif
prioritaire des autorités fédérales et cantonales à la fin du
XIX e siècle 1 .
≥ Les examens pédagogiques de recrues, réorganisés en
1875, sont le principal indicateur utilisé ; il permet de juger du
niveau d’instruction de la population masculine du pays sur la
base de données unifiées au niveau fédéral. Un constat s’impose
: l’illettrisme est encore très répandu et les enseignements
scolaires sont mal assimilés.
≥ Le Valais figure systématiquement dans les trois dernières
places du classement par canton durant les années 1880. En
1886, le Bureau fédéral de la statistique s’indigne : « Si le Valais
occupe constamment l’une des dernières places, il n’y a
rien là d’imprévu ou de particulièrement honteux ou
condamnable [au vu de son développement économique
et de sa situation géographique]. Mais ce qui est impardonnable,
même en Valais, c’est que presque un tiers de
ses recrues ne sait pour ainsi dire plus lire, que près des
deux cinquièmes ne savent plus écrire. » 2
≥ Les résultats des examens des recrues incitent
Confédération et Canton à augmenter leurs efforts dans le
domaine de l’instruction publique. Ils contribuent également à
mettre en lumière les différences de niveau des élèves. Les plus
faibles – illettrés et arriérés, nommés ainsi car ils ont du retard
dans les acquisitions scolaires – sont considérés d’abord comme
ceux ne suivant pas assez l’école. Des solutions sont ainsi cherchées
pour limiter l’absentéisme. Le manque d’intelligence, la
déficience est également une explication avancée.
≥ Ainsi, dans une étude publiée dans le Journal de statistique
suisse en 1907, le chanoine Xavier de Cocatrix, membre du
Conseil de l’instruction publique du Canton du Valais, relève
parmi les difficultés et obstacles au développement de l’instruction
primaire en Valais, la présence dans les classes d’« enfants
anormaux et peu doués » : « Il est facile de comprendre combien
la présence de ces enfants à l’école est un obstacle au progrès
général. Si l’instituteur néglige de s’occuper de ces pauvres déshérités
de la nature, ils croupissent dans une ignorance sordide
[…] Si, au contraire, l’instituteur avec un dévouement qui l’honore,
s’occupe sérieusement de ces enfants, c’est au détriment
de l’enseignement général des autres écoliers » 3 . Il regrette
qu’aucune école spéciale « où ils sont l’objet de soins particuliers
» n’existe alors en Valais comme c’est le cas dans d’autres
cantons. Une des raisons avancées pour justifier que la question
de l’éducation de ces catégories d’élèves n’ait pas encore préoccupé
les autorités publiques est justement le travail qu’elles
doivent réaliser de manière générale pour améliorer l’instruction
publique des élèves aux capacités intellectuelles ordinaires. Des
efforts considérables dans ce sens sont en effet réalisés au tournant
du XX e siècle. Notons toutefois que les autorités valaisannes
ne sont pas les seules à se préoccuper tardivement de cette
question. Les cantons de Vaud et de Genève restent également
à l’écart du mouvement suisse en faveur des enfants anormaux
qui connaît un important développement de l’autre côté de la
Sarine.
LES PREMIÈRES ACTIONS
POUR L’ÉDUCATION DES ENFANTS
ANORMAUX EN VALAIS
≥ Au moment où le chanoine de Cocatrix rédige son étude,
aucune mesure de soutien n’existe dans le canton pour les
enfants que l’on qualifie d’anormaux.
≥ De premières dispositions législatives sont prises dans le
cadre de la Loi sur l’assistance du 3 décembre 1898 qui vise à
« pourvoir plus efficacement à l’assistance et à l’éducation de
016
l’enfance malheureuse et abandonnée » 4 . Des catégories
d’enfants sont citées dans son article 13 : « les
infirmes, les sourds-muets, les aveugles, les épileptiques,
etc. ». Si la liste était exhaustive, elle inclurait
sans doute les anormaux. La loi établit que la prise en
charge de ces enfants reste avant tout de la responsabilité
des parents – jusqu’au huitième degré de parenté
– et, à défaut, des communes d’origine. L’État veille toutefois à
leur placement et peut fonder ou soutenir par subsides des institutions
de bienfaisance et d’éducation. Le texte stipule que les
enfants assistés doivent « recevoir une solide éducation religieuse,
une instruction primaire suffisante et un enseignement
professionnel répondant à leurs aptitudes ». En outre, toute personne
responsable qui négligerait son devoir est amendable ou
emprisonnable 5 .
≥ Le texte de 1898 donne une base légale à une première
intervention de l’État dans l’assistance des enfants anormaux.
Quatre ans plus tôt, il avait déjà entrepris de soutenir l’ouverture
d’un institut pour enfants sourds-muets dans le couvent de
Géronde, à Sierre 6 . Des conventions sont signées avec le Diocèse
de Sion, propriétaire du bâtiment, et avec la Congrégation des
sœurs de la charité de la Sainte-Croix d’Ingenbohl qui administreront
et dirigeront l’institut. L’État assume les frais de réparation
du couvent et d’amenée d’eau. Il pourra placer des élèves et
subventionner leur prise en charge à valeur égale à la subvention
apportée par la commune 7 .
≥ Rien n’est encore prévu pour les enfants dits faibles d’esprit,
arriérés, retardés. Dès 1903, le Département de l’instruction
publique (DIP) s’intéresse de plus près à cette question. Les
résultats des élèves des classes primaires se sont désormais
nettement améliorés ; ceux des recrues valaisannes également.
Pour progresser encore dans ce sens, il faudrait donner « aux
enfants dont les facultés intellectuelles sont sensiblement en
dessous de la moyenne, une instruction spéciale dans des
La loi établit que la
prise en charge
de ces enfants
reste avant tout
de la responsabilité
des parents.
classes ou des établissements spéciaux ». C’est du
moins l’avis de l’inspecteur scolaire de Courten. De
retour de Zurich, où il a assisté au IV e Congrès sur l’idiotisme
en Suisse, il l’écrit au chef du Département de
l’instruction publique. Après avoir écouté les exposés
d’éminents spécialistes et de praticiens déjà actifs dans
d’autres cantons, il est profondément convaincu que le
Valais doit « suivre ce mouvement humanitaire au premier chef,
dont le but est d’augmenter le nombre des citoyens capables de
se suffire à eux-mêmes et d’affronter la lutte pour la vie dans les
conditions les moins désavantageuses possibles ».
≥ Seuls les Rhodes-Intérieures, le Tessin et le Valais n’ont pas
encore mis en projet ou réalisé d’établissement pour enfants
faibles d’esprit. Les moyens financiers de l’État lui semblant toutefois
trop faibles en ce début du XX e siècle, l’inspecteur propose
de commencer par la création de classes spéciales, rattachées
au DIP 8 .
L’instruction des enfants anormaux
dans les écoles valaisannes
≥ En 1905, le Grand Conseil débat de la nouvelle Loi sur l’école
primaire qui comprend une section « Visites sanitaires. Enfants
anormaux ». Les enfants « ne possédant pas un état de santé
suffisant pour suivre l’école » et auxquels les communes doivent
assurer « une éducation et une instruction compatibles avec leur
état et appropriées à leurs besoins » doivent être signalés 9 .
Comme dans la Loi sur l’assistance de 1898, l’État intervient de
manière subsidiaire et peut subventionner les établissements
spéciaux créés pour l’éducation des « enfants anormaux (sourdsmuets,
aveugles, dégénérés, etc.) » 10 . Ces dispositions n’appellent
pas de commentaires particuliers de la part des députés et la loi
est définitivement adoptée le 1 er juin 1907 11 .
≥ Neuf mois plus tard, le DIP lance une enquête afin de disposer
de données lui permettant d’établir les besoins en matière
017
d’établissements pour anormaux. Nous n’avons malheureusement
retrouvé ni le questionnaire transmis aux commissions scolaires,
ni de synthèse des résultats. Nous savons toutefois, grâce
à la presse écrite de l’époque, qu’il s’agissait d’indiquer « tous les
enfants anormaux en âge de fréquenter l’école primaire, mais qui
ne reçoivent aucune instruction soit qu’ils aient été reconnus
comme tels et dispensés par ordre médical, soit que pour toute
autre raison ils n’aient pas paru en classe jusqu’ici » 12 . L’infirmité
dont ils sont atteints devait être mentionnée afin de pouvoir les
catégoriser. Selon un article du Journal et Feuille d’avis du Valais,
l’enquête aurait révélé que plus de 200 enfants étaient « plus ou
moins abandonnés à leur triste sort, mais dont la plupart serait
susceptibles d’un certain développement ». L’auteur de l’article
note encore que bon nombre d’entre eux suit l’école publique et
« sont un vrai sabot au progrès général » 13 .
La création de classes spéciales
≥ Le Département de l’instruction publique étudie alors les
solutions à sa disposition pour remédier à cette situation. Le
23 août 1910, la création de classes spéciales pour enfants
anormaux est annoncée par arrêté du Conseil d’État 14 .
L’obligation est faite aux communes dénombrant au moins dix
enfants ayant fréquenté sans succès l’école primaire durant deux
ans et dont l’état intellectuel réclame des moyens spéciaux d’enseignement
de créer des écoles spéciales avec un programme
approprié aux besoins et aux aptitudes des élèves. De son côté,
l’État s’engage à subventionner le personnel enseignant qui suivra
des cours pour maîtres de classes spéciales et, surtout, à
ouvrir dès le 1 er octobre, dans le cadre de l’institut pour sourdsmuets
de Géronde, une « école-asile pour les enfants des deux
sexes [âgés d’au moins 8 ans] d’une intelligence insuffisante
pour suivre les cours ordinaires de l’école primaire ». Il signe
pour cela une convention avec la congrégation qui gère l’établissement,
établit le programme d’entente avec la direction et veille
Affiche de l’arrêté sur les classes spéciales, 1910.
018
à un enseignement donné dans les deux langues nationales. Les
frais de pension sont en revanche à charge des parents et, à
défaut, à charge des communes de domicile de l’enfant selon le
principe établi pour l’assistance publique.
≥ Une classe de langue allemande est organisée cette annéelà.
Les débuts sont toutefois difficiles comme le mentionne sœur
Bernarde, directrice de l’institut dans son rapport annuel : l’écoleasile
créée par le Conseil d’État « n’a pas rencontré la sympathie
auprès des autorités et des parents. Tous les efforts, soit de la
part du DIP, soit de la part de la direction de Géronde n’ont eu
pour résultat que trois élèves. La pierre d’achoppement est
l’argent qui fait toujours défaut pour payer la pension de ces
pauvres déshérités de la nature » 15 . Malgré l’aide apportée par
l’État aux parents nécessiteux, ce souci reste important dans les
années qui suivent. Pour l’année 1912-1913, l’école-asile ne réunit
que sept élèves de langue allemande et le nombre de candidats
de langue française ne suffit pas à ouvrir une classe 16 . Il
faudra attendre 1924 pour que cela soit le cas 17 .
≥ L’année précédente, le DIP rappelait aux commissions scolaires
la nécessité de s’occuper de l’éducation des enfants anormaux,
soit en les plaçant à l’école-asile de Géronde, soit en
ouvrant des classes spéciales. L’institut de Géronde est alors
sous-occupé : en 1922, il ne recevait que 34 élèves alors qu’il
disposait d’au moins 60 places 18 . Les efforts du Département et
de la direction de l’école semblent alors porter leurs fruits
puisque, pour l’année scolaire 1926-1927, l’institut accueille 53
enfants sourds-muets et 40 enfants anormaux 19 . À partir de
cette date, l’institut ne parvient plus à répondre à la demande
quant à l’accueil de ces derniers. Plus de 30 élèves doivent être
refusés pour l’année scolaire suivante 20 . Un projet d’agrandissement
est imaginé à Géronde, mais le Conseil d’État décide plutôt
de déplacer l’institut. C’est bien loin de Sierre, au Bouveret, que
les pensionnaires déménageront. L’État y a acquis l’hôtel des
Aiglons qui peut accueillir jusqu’à 150 élèves. Le transfert est
effectif en 1929 et l’institut devient alors un établissement d’État
même si la direction est toujours confiée aux sœurs de la
congrégation. En 1935, l’institut tient 6 classes pour sourdsmuets
et 6 pour « arriérés » 21 . En 1945-1946, sur 151 élèves,
118 font partie de cette dernière catégorie. Sur l’ensemble des
élèves, seuls 44 paient la totalité de leur pension ; la grande
majorité bénéficie d’un subside cantonal partiel et 12 sont subsidiés
totalement 22 .
Les classes communales :
une fausse bonne idée ?
≥ L’appel du Département de l’instruction publique
pour la création de classes spéciales dans les communes
ne remporte pas le même succès. Il semble que
seule la Ville de Sion ouvre une telle classe, au début des
années 1920 et qu’elle reste un cas isolé jusqu’au début
des années 1930 au moins 23 , voire durant plusieurs
décennies encore.
≥ Plusieurs explications pourraient être avancées : le
nombre de dix élèves, établi par l’arrêté de 1910 pour
justifier l’ouverture des classes, est rarement atteint dans
une commune ; les communes négligent leur devoir vis-à-vis des
élèves en difficulté soit par négligence, soit par manque de
moyens ; la solution des classes spéciales n’est pas bien acceptée
dans l’esprit des autorités et des parents qui privilégient le
placement au sein de l’Institut du Bouveret plutôt que de laisser
leur enfant « anormal » à la vue des autres. On peut imaginer qu’il
s’agit d’une combinaison de ces trois explications.
≥ Au début des années 1930, la commune de Saxon tente
l’expérience. Elle sera toutefois de courte durée, une partie des
parents des élèves de la classe spéciale la remettant en cause
en 1934. Cet échec poussera le Département de l’instruction
publique à faire marche arrière et à faire preuve de beaucoup de
retenue sur cette solution, surtout pour les petites communes.
La solution des classes
spéciales n’est
pas bien acceptée
dans l’esprit des autorités
et des parents.
Cahiers d’élèves des classes spéciales de l’Institut des sourds-muets et arriérés du Bouveret, années 1930.
020
Un essai non transformé à Saxon
≥ Le 6 novembre 1934, des parents de Saxon
signent une pétition adressée au chef du DIP pour
demander la suppression de la classe spéciale pour
arriérés créée dans leur commune quelques années
plus tôt. Ils demandent une enquête afin de déterminer
si la procédure de « recrutement », gérée par la commission
scolaire, est bien arbitraire, comme ils le supposent.
Rien ne permet, selon eux, de déclarer que
leurs enfants sont anormaux. Ces enfants qui suivent ce que l’on
a coutume d’appeler la « classe des ânes » sont l’objet de
moqueries et, « pour la vie, ils sont qualifiés de tel, ce qui leur
portera un réel préjudice ». Pour ces parents, l’Institut cantonal
des sourds-muets et retardés et tout à fait indiqué pour recevoir
les arriérés qui doivent y être placés sur ordre d’un médecin.
Dès lors, une classe spéciale n’a aucune raison d’exister dans
leur village 24 .
≥ Une enquête est ouverte et le DIP se tourne en premier lieu
vers le Service médico-pédagogique valaisan (SMPV), entité
créée trois ans plus tôt par le Dr André Repond, directeur de
l’hôpital psychiatrique de Malévoz, et spécialisée dans le dépistage
et le traitement des troubles de l’enfance 25 . Pour celui-ci,
un triple examen – médical, pédagogique et psychologique – est
nécessaire pour assurer un « recrutement » aussi objectif que
possible et déterminer si un enfant souffre d’arriération mentale.
Le maître fera état de ses constats qui devront être corroborés
soit par la direction de l’école, soit par l’inspecteur ; le SMPV
procédera également à un test qui permet d’évaluer l’âge mental
de l’enfant (le test de Binet & Simon, premier test de quotient
intellectuel) ainsi qu’à un examen psychologique pouvant mettre
en avant d’éventuelles causes psychiques à son retard (un
conflit affectif par exemple) ; enfin, un examen médical complétera
le diagnostic en mettant au jour d’éventuelles « tares physiques
d’arriération » qui peuvent nécessiter un traitement 26 .
Les autorités cantonales
ne voient pas comment
maintenir une institution
remise en doute
par les parents.
≥ La commission scolaire et l’institutrice de la classe
spéciale reconnaissent ne pas avoir effectué ce diagnostic
complet. Peut-être par manque de moyens,
lâche la maîtresse lors de l’audition organisée par l’inspecteur
scolaire. Elle dit avoir accueilli les élèves qu’on
lui envoyait, sans s’interroger sur la démarche.
≥ L’échange avec les parents montre que ces derniers
comprennent mal le travail réalisé en classe et les principes
d’un enseignement plus individualisé, sans programme-type.
Ils pensent en outre que leur enfant peut – ou
doit – suivre la classe normale. Le président de la commission
scolaire ainsi que son secrétaire, le curé du village, regrettent que
« les parents comprennent si mal leurs véritables intérêts » et que
le DIP ne les soutienne pas plus. Mais les autorités cantonales
ne voient pas comment maintenir une institution remise en doute
par les parents qui peuvent retirer leurs enfants à tout moment.
≥ De plus, lors de son enquête, l’inspecteur scolaire conclut
que certains enfants un peu retardés dans certaines branches
sont admis en classe spéciale afin que le nombre d’élèves soit
suffisant. Il se base pour cela sur une analyse comparée des
résultats des enfants de cette classe et de ceux des plus faibles
élèves de la classe ordinaire de même niveau qui établit que les
premiers l’emportent sur les seconds. Pour lui, cela signifie que
le recrutement n’a pas été fait de manière méthodique et qu’il
prête à discussion. Sur cette base, le DIP décide de maintenir la
classe avec un effectif réduit jusqu’à la fin de l’année scolaire,
puis de la supprimer « sans dommage pour l’instruction et l’éducation
des enfants qui lui étaient confiés » 27 .
≥ Tout au long de la procédure, commission scolaire et
Département se renvoient la faute : la première trouve qu’elle a
été mal encadrée et informée et que, comme l’arrêté de 1910
l’indique, la liste nominative des élèves aurait dû être fournie par
le Département ; celui-ci s’en remet à la formation de la maîtresse
et au fait que le mode de recrutement devait être connu.
021
Note retrouvée dans un dossier d’archives
de l’Office de l’enseignement spécialisé,
griffonnée pour établir une réponse
à une interpellation au Grand Conseil, 1943.
à exécution. Peut paraître heureux. Petites communes impossibles.
Essai à Saxon ! ! En cas de création, participation de l’État
peut être examinée. Reste pas moins nécessité de tout faire pour
améliorer le sort. Dépenses ne tarderont pas à devenir productives
si ceux à la charge de l’assistance [sont] éduqués assez tôt
convenablement [Des] économies [seront faites]. » 29 Selon un
article de presse de 1958, le Conseil d’État n’a pas changé d’opinion
vingt ans plus tard et émet toujours les mêmes réserves sur
la création de classes spéciales hors des villes 30 tout en soutenant
leur développement dans les villes. Dans les faits, l’État met
toutefois son énergie et son argent avant tout dans l’Institut cantonal
des sourds-muets et retardés du Bouveret qu’il agrandit
cette année-là.
≥ Après quelques échanges musclés entre la commission scolaire
et le DIP, ce dernier conclut : « Vu ce qui s’est passé, la
mentalité en cours au sujet des classes spéciales et les situations
délicates qu’elles ne manquent pas de créer dans les petites
agglomérations, il est indiqué de faire abstraction, pour quelque
temps du moins, de tout projet de l’école supprimée [sic] » 28 .
Dans le même dossier d’archives, une note manuscrite écrite en
style télégraphique, intitulée « Écoles des ânes », tend à démontrer
que cette prise de position concerne un contexte plus large
que cette seule affaire de Saxon : « Base légale existe. Il semble
[que les] communes [n’aient] pas senti [le] besoin de les mettre
Une classe hétérogène qui en dit long….
≥ Qui sont les élèves de la classe spéciale de Saxon ? Ont-ils
un degré d’arriération qui justifie leur présence en classe spéciale
? Afin de déterminer qui restera dans la classe spéciale pour
l’année en cours et qui sera transféré, un examen complet des
élèves est réalisé. L’examen psychologique réalisé par le SMPV
– dont le résultat estime l’écart entre l’âge réel et l’âge mental
constaté – nous donne quelques informations intéressantes 31 .
≥ Trois des seize enfants examinés ont une intelligence normale.
Leur placement en classe spéciale a été justifié de la
manière suivante : pour le premier, par sa nervosité et son émotivité
ainsi que par des absences sans doute dues à des crises
proches de l’épilepsie ; le second a connu une fréquentation irrégulière
de l’école pour cause de maladie, ce qui a engendré un
retard pédagogique, alors que le troisième, germanophone, a été
mis en difficulté par l’arrivée dans une classe française.
≥ Les treize élèves restants sont classés dans la catégorie des
« arriérés par défauts psychiques ». Six d’entre eux sont jugés
« débiles », soit dans le « type supérieur de cette catégorie ». Ils
ont une capacité limitée d’attention et d’effort soutenu. Ce sont
022
les enfants qui bénéficieraient le plus d’une classe spéciale. Un
autre est considéré comme « instable », ayant surtout un caractère
difficile plus qu’une débilité mentale et produisant un travail
irrégulier. Les sept enfants restants ont des facultés d’apprentissage
très limitées : deux sont considérés comme « anormaux ».
Ils ne pourront « assimiler qu’un très petit bagage scolaire » et
pratiquer plus tard qu’un métier machinal, sans aucune initiative.
Les cinq autres sont des « arriérés, proprement dit ». Ils ne pourront
entreprendre un métier que grâce à une instruction spécialisée
et auront toujours besoin d’un tuteur.
≥ Ce rapide survol fait ressortir de manière évidente l’hétérogénéité
de la classe et les besoins très différents des enfants qui
s’y trouvent. Notons toutefois que, selon le Service médico-pédagogique,
seuls les trois premiers élèves cités ci-dessus n’ont rien
à faire en classe spéciale. Le SMPV relève que « ceux dont le
quotient intellectuel atteint ou dépasse 90 32 sont naturellement
les seuls susceptibles de pouvoir s’adapter au rythme d’une
classe normale. Mais il reste évident qu’aucun enseignement ne
permettra à leurs facultés de se développer comme celui qui est
spécialement adapté aux enfants dont l’intelligence fonctionne
d’une façon plus lente et moins régulière que la norme » 33 .
≥ Les résultats de cette analyse montrent le décalage entre la
perception de certains parents et la situation réelle de leur
enfant. Parmi les pères prenant la parole lors de la séance de
novembre 1934, trois ont des enfants qualifiés comme arriérés
ou anormaux par le SMPV. L’examen psychologique vient dès lors
plutôt soutenir l’impression de la commission scolaire de Saxon
qui pense que certains parents ne sont pas forcément conscients
du handicap de leur enfant ou se refusent à le voir.
≥ Malgré les réserves émises par les psychologues, le DIP
décide du passage de neuf enfants en classe normale, dont trois
au moins avec un QI inférieur à 90. Quatre sont des enfants des
pétitionnaires. Ils sont reconnus comme « normaux et sains » sur
la base de la synthèse des trois examens. L’examen médical
conclut notamment à un bon état général de tous les élèves 34 .
Un enfant au QI de 68 fait partie de ceux-ci. Sa famille a expressément
demandé qu’il retourne dans une « classe avec régent ».
L’exemple inverse existe également : l’enfant souffrant de maladie,
mais à l’intelligence dans la norme, restera en classe spéciale
selon le souhait de ses parents. Une enfant est placée à
l’Institut du Bouveret. Les autres resteront en classe spéciale
jusqu’à la fin de l’année scolaire.
LE TOURNANT DES ANNÉES 1960 :
UN AUTRE REGARD
SUR LE HANDICAP
≥ Le regard porté sur le handicap mental évolue à la fin des
années 1950. L’Europe entre dans une période de croissance
économique qui durera jusqu’au milieu des années 1970 (Les
Trente Glorieuses). Cette haute conjoncture participe au développement
des assurances sociales en Suisse. Le plébiscite par
le peuple de la Loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants
(AVS) en 1947 est un symbole fort de cette extension de
l’État social. L’assurance invalidité (AI), à l’origine associée
à l’AVS, est en revanche mise en suspens et sera finalement
introduite le 1 er janvier 1960 – la Suisse est alors un des
derniers pays d’Europe à se doter d’une telle assurance 35 .
≥ Les débats autour de l’AI contribuent à donner une
visibilité au handicap et à faire reconnaître les personnes
qui sont touchées par cette infortune comme des membres
à part entière de la société. L’assurance est destinée aussi
bien aux actifs qu’aux personnes ne pouvant travailler. Elle offre
bien sûr des rentes, mais a pour objectif premier la réinsertion
professionnelle, même partielle. Des dispositions sont prises
dans ce sens : remise de moyens auxiliaires, prise en charge de
Les débats autour
de l’AI contribuent
à donner une visibilité
au handicap.
023
Les associations
de parents existantes
se réunissent en
fédération en 1960.
mesures médicales et professionnelles, participation aux frais
d’un enseignement spécialisé, etc.
≥ Une autre évolution a un impact considérable sur le champ
du handicap : les nouvelles connaissances acquises en biologie
génétique. En 1956, des chercheurs identifient la composition
chromosomique de la cellule humaine. Trois ans plus tard,
il est établi que le mongolisme (la trisomie 21) est dû à la
présence d’un chromosome supplémentaire. D’autres
maladies provoquant une déficience mentale trouvent une
explication du même type dans les années qui suivent. La
réponse donnée par la médecine sur l’origine de certaines
des maladies avec déficience mentale permet de réviser
certaines croyances autour du handicap mental et de faire
un pas vers une meilleure compréhension de celui-ci.
≥ Le mouvement associatif se développe également à cette
période en Suisse romande. En 1959 est créée une section valaisanne
de l’Association suisse en faveur des arriérés (ASA), association
très active au niveau suisse et qui, depuis la fin du XIX e
siècle 36 , s’attelle notamment à informer le public et les autorités
sur les aspects médicaux, pédagogiques, professionnels, sociaux
de l’arriération mentale. Les premières actions prévues par l’ASA
Valais sont des visites, de la propagande, des conférences avec
film, ainsi que des enquêtes notamment dans le domaine des
classes spéciales 37 . Elle est alors présidée par Paul Mudry, directeur
des écoles de Sion, et a pour secrétaire Simone Reichenbach,
enseignante spécialisée, future directrice de l’école La Bruyère,
puis du centre médico-éducatif La Castalie.
≥ C’est aussi dans cette période que l’idée de créer dans le
canton un établissement en internat pour les enfants handicapés
mentaux profonds – appelé alors centre pour oligophrènes profonds
38 – devient plus concrète. Si le Dr André Repond, directeur
de l’hôpital psychiatrique de Malévoz, en parlait déjà dans la
décennie précédente, ses successeurs, le Dr Norbert Benoziglio,
puis le Dr Jean Rey-Bellet s’emparent vraiment du sujet.
Les associations de parents
d’enfants mentalement déficients
≥ Cette nouvelle conjoncture entraîne également un changement
dans la manière dont les parents conçoivent leur position
et celle de leur enfant handicapé. La reconnaissance du handicap
par l’AI, la notion de réinsertion, les nouvelles connaissances
médicales contribuent à alléger un peu le tabou autour de la
déficience mentale et les sentiments de honte et de culpabilité
des parents 39 .
≥ En 1957, à Zurich, est créée la première association de
parents. L’année suivante, sous l’impulsion de la doctoresse
Yvonne Posternak, le mouvement se poursuit à Genève, puis en
1959 dans la région d’Aarau. Les parents sortent de leur isolement,
se rendent compte que d’autres rencontrent les mêmes
difficultés qu’eux et que le partage peut faire du bien.
≥ Les associations de parents existantes se réunissent en fédération
en 1960. L’impulsion est donnée. Cinq nouvelles sections
voient le jour entre 1961 et 1962, dont celle du Valais romand.
≥ Le milieu associatif, tous domaines confondus, connaît
alors un véritable boom en Suisse. On prend conscience qu’en
fédérant les personnes ayant un même objectif, il est possible
de développer des projets pour répondre à une problématique
donnée et de devenir une voix attendue des autorités publiques
qui apprécient d’avoir un interlocuteur unique plutôt que de
recevoir des revendications de manière dispersée 40 . L’Office
fédéral des assurances sociales accueille dès lors favorablement
la création des associations de parents, puis de la fédération
suisse de ces associations, à partir de 1960.
L’Association
valaisanne de
parents d’enfants
mentalement
déficients
La création de l’Association
valaisanne de parents d’enfants
mentalement déficients naît
d’une rencontre de femmes.
Nicole Lachat, Jurassienne venue
s’installer en Valais avec sa famille
en 1960, souhaite trouver une école
pour son fils atteint d’un handicap
mental profond. Rien n’existe
dans le canton. Elle contacte alors
Yvonne Posternak, co-fondatrice
de l’association de parents
genevoise. Très active, l’association
vient de créer un lieu de vie
et de travail adapté aux besoins
des personnes mentalement
déficientes, le village
Aigues-Vertes 41 .
Nicole Lachat fait également
la connaissance de Simone
Reichenbach, enseignante
spécialisée qui, depuis 1957,
suit quelques enfants à domicile
en Valais. Par ce biais,
elle peut la mettre en contact
avec d’autres parents se trouvant
dans une situation proche
de la sienne.
Soutenue par ces deux femmes
engagées, elle a désormais
un objectif : créer une association
en réunissant un petit noyau
de membres-parents et convaincre
quelques personnes influentes
intéressées par la cause
qu’elle défend de s’engager.
La première classe de l’école itinérante à Sion, 1963.
Penchées, face à l’objectif : Nicole Lachat (gauche) et Simone Reichenbach (droite)
027
Toutes leurs faiblesses
réunies peuvent
contribuer à émouvoir
les pouvoirs publics.
17 DÉCEMBRE 1962 :
ASSEMBLÉE CONSTITUTIVE
≥ Un comité provisoire est rapidement constitué, sous la présidence
d’Honoré Pralong, secrétaire du fonds d’aide agricole 42 .
Afin de faire connaître sa cause, le comité décide d’organiser à
Sion, le 1 er juin 1962, une conférence d’Yvonne Posternak sur le
thème « Quel est le but d’une association de parents d’enfants
mentalement déficients ? ».
≥ Dans La Patrie valaisanne, Honoré Pralong lance un appel
« du cœur » :
« Que tous les parents d’un de ces petits malheureux viennent à
cette Assemblée constitutive de l’Association valaisanne de
parents d’enfants mentalement déficients. L’union fait la force.
Toutes leurs faiblesses réunies peuvent contribuer à émouvoir les
pouvoirs publics, les Autorités, les âmes bien nées et les cœurs
généreux. Il faut que ces déshérités du sort aient aussi leur petit
lit blanc et pas seulement un berceau voilé de gris. Il faut surtout
que des drames comme ceux que connaît l’auteur de ces lignes
ne viennent plus troubler la quiétude de certains foyers. Le message
de Noël contient ces mots : « Ne craignez point. Je vous
annonce une bonne nouvelle ». Cette bonne nouvelle, les parents
d’enfants mentalement déficients l’entendront le 1 er juin 1962 43 . »
Lors de la conférence, l’objectif premier de l’Association de
parents est annoncé : « mettre sur pied une institution destinée à
l’éducation et à la formation professionnelle » des enfants déficients
mentaux 44 .
≥ Nous ne savons pas combien de personnes ont assisté à
cette assemblée constitutive. Les journaux valaisans ne s’en font
pas l’écho et aucun protocole ne se trouve dans les archives que
nous avons pu consulter. Nicole Lachat parle toutefois d’un « petit
nombre », concentré à Sion. L’objectif est cependant de couvrir
le Valais romand. Si le comité provisoire espérait que cette soirée
fasse office d’assemblée constitutive, il ne peut que constater
que la participation n’est pas suffisante pour ce faire.
≥ L’assemblée constitutive aura finalement lieu le 17 décembre.
Les parents sont invités par voie de presse 45 . Le comité provisoire
peut alors se présenter non plus avec de « belles paroles », mais
par des projets et des actes. L’ouverture prochaine d’un jardin
d’enfants pour les petits, à Sion, et d’un atelier de travaux
manuels pour les plus grands sont annoncées. En outre, la possibilité
de créer une structure éducative en Valais est à l’étude.
Nicole Lachat et Simone Reichenbach s’y attellent. Elles ont
notamment visité Les Matines, école pour enfants handicapés
mentaux, sise à Lausanne 46 .
Mes premiers contacts avec l’Association
genevoise de parents d’enfants mentalement
déficients me firent tant de bien. J’admirais ces
hommes et ces femmes qui, dominant leur
propre douleur, devenaient agissants. C’est ainsi
que je fus moi-même conduite à créer une
Association dans le Valais.
Témoignage de Nicole Lachat, 9 décembre 1970 47
028
Un réseau d’entraide et un canal d’information
≥ Les statuts, signés lors de la rencontre du 17 décembre,
mentionnent bien sûr dans les buts de l’association la création
de telles institutions d’éducation ainsi que de formation professionnelle,
mais il ne s’agit pas de la première mission mentionnée.
L’association souhaite avant tout être, d’une part, un réseau
d’entraide et de partage d’expérience pour les parents ainsi que
pour les personnes et institutions intéressées, d’autre part, un
canal d’information sur les problèmes posés par l’éducation des
enfants déficients mentaux 48 .
La première chose qu’un membre puisse
faire, c’est de parler avec foi et enthousiasme de
notre Association, non seulement à des parents,
mais à des connaissances, à des voisins, à des
amis. Créons ensemble un mouvement d’opinion
en faveur de nos enfants. Le don de la parole,
le don de communiquer avec les autres, servezvous-en
pour orienter autorités locales, civiles et
religieuses, députés et personnes influentes et
vos connaissances sur nos problèmes. Il faut que
l’on nous connaisse et que le public sache que
ces enfants déficients existent nombreux et
qu’ils ont un urgent besoin d’aide.
Extrait du bulletin Main dans la main, n o 1, novembre 1963
Une des premières actions décidées par l’association
pour créer du lien et informer est la publication du bulletin Main
dans la main dont le premier numéro paraît en novembre 1963.
≥ LE SUCCÈS EST AU RENDEZ-VOUS
L’association compte déjà 103 membres en 1964 49 . Neuf ans
plus tard, elle atteint les 300 membres actifs, effectif qui se
stabilise à ce niveau aujourd'hui (variation entre 280 et 300
membres depuis le début du XX e siècle, avec un pic à 326 en
2015). De nombreux membres soutiens s’ajoutent à ce nombre.
029
DES PERSONNALITÉS QUI S’ENGAGENT
≥ Dès ses débuts, l’Association de parents comprend l’importance de s’entourer des bonnes personnes pour faire avancer sa
cause. Elle parvient à réunir dans son comité de patronage des hommes politiques, des autorités religieuses et des personnalités
du monde médical qui lui donnent de la crédibilité, assurent du bien-fondé de la cause qu’elle défend et, surtout, lui offrent des
soutiens de poids.
Comité de patronage 50
Monseigneur Nestor Adam, évêque de Sion
Charles Bolay, pasteur de l’Église protestante de Sion
Marcel Gross, président du Conseil d’État
Marcel Gard, vice-président du Conseil d’État
René Jacquod, conseiller national
et premier vice-président du Grand Conseil valaisan
Paul Eugène Burgener, juge cantonal
René Spahr, juge cantonal
Emil Imesch, président de la Ville de Sion
Oskar Schnyder,
chef du Département de l’Hygiène du Canton du Valais
Dr Henri Galetti, président de l’association médicale du Valais
Dr Norbert Benoziglio,
directeur de l’hôpital psychiatrique de Malévoz
Dr Pierre Calpini, chef du Service de l’hygiène
du Canton du Valais
Marcelin Frachebourg, membre du comité de l’Association
valaisanne pour l’enfance infirme
Paul Mudry, directeur des écoles de Sion,
président de la section valaisanne de l’ASA
Le comité, à sa fondation en décembre 1962 51 :
Nicole Lachat, présidente
Honoré Pralong, vice-président
Cécile de Cocatrix
Jules Délèze
Gérard Emery
Rejoints rapidement par (présents en novembre 1963 52 ) :
Alfred Vouilloz (décès en 1964), remplacé par sa femme,
Simone Vouilloz
Angelin Carron, secrétaire
Conseillères du comité :
Suzanne Girod, assistance sociale, Pro Infirmis
Simone Reichenbach, éducatrice spécialisée
030
PAROLES D’ARCHIVES
NICOLE LACHAT TÉMOIGNE
≥ En décembre 1970, Nicole Lachat rédige son témoignage de
« mère d’un enfant mentalement handicapé » 53 . Elle accepte de
le faire, convaincue que « tous les parents qui ont vécu ce drame
[avoir un enfant pas comme les autres] ont la mission d’informer
». Elle commence par ces mots forts :
« Apprendre un beau jour que mon enfant ne sera jamais
comme les autres, ne pourra jamais se débrouiller seul.
Apprendre qu’il y a là échec irrémédiable, c’est un choc
effroyable. J’avais beau le pressentir, essayer de m’y préparer,
je ne pouvais l’accepter. »
≥ Puis, elle expose son rejet de la situation, le mutisme de son
entourage, le bien que lui aurait sans doute fait la rencontre avec
quelqu’un d’expérimenté qui lui aurait dit « ce n’est pas facile,
mais je t’aiderai », la sensation – en personne croyante – que Dieu
l’avait choisie pour cette épreuve « comme Job sur la cendre et
la poussière ». Comme peu de monde peut-être, elle ose les mots
qui choquent, qui font peur :
« Comme Job, j’ai passé des hauts et des bas, parfois le
découragement est tel, la solution si difficile à trouver que
je souhaitais la mort de mon enfant. J’ai noté cette phrase
du Dr Bach […] : ‹ Il serait surhumain qu’un père ou une
mère n’ait pas eu une fois cette idée › ».
≥ Elle évoque ensuite l’amour et la patience qui permettent de
surmonter « une multitude de petits problèmes à résoudre, de
petits désagréments à surmonter, de petites contrariétés à
mépriser ».
« Aussi faut-il imaginer ce que signifie donner à manger
durant des années à un enfant gardant espoir qu’un jour
il saura tenir seul sa fourchette. Habiller certains enfants
peut prendre deux ou trois heures si on s’efforce à leur
apprendre à lacer leurs souliers ou à boutonner leurs vêtements
» explique-t-elle simplement. Et de poursuivre avec
ce quotiden « où il ne peut y avoir de moments de repos »,
sans passer sous silence la complexité des contacts avec
l’entourage, la douleur de laisser son fils dans un internat
lorsqu’elle vivait en Espagne, le manque de structures
d’accueil à son retour en Suisse en 1959, la peine à « garder
une vie familiale harmonieuse ».
≥ Parmi les témoignages retrouvés lors de nos recherches,
seul celui de Nicole Lachat aborde la question du père et de son
rôle, des difficultés qu’il peut rencontrer face à cette situation, du
manque de soutien vécu par certaines mères :
« Souvent encore davantage que la mère, le père est
atteint dans sa fierté, son enfant ne réussira jamais, c’est
un échec qu’il a bien de la peine à surmonter. Pour lui
aussi, il y a toutes ces difficultés journalières. C’est dur
pour un homme en rentrant de son travail de trouver sa
femme souvent harassée et nerveuse. De ne pouvoir
presque jamais sortir seul avec elle, car il faut emmener
le petit handicapé, ce qui veut dire être constamment
exposé à des ennuis dans la société provenant de la
conduite incongrue de l’enfant.
Il y a aussi l’énorme souci de la charge pécuniaire que
représente un individu qui ne pourra jamais subvenir luimême
à ses besoins.
Il est compréhensible que certains pères adoptent une
attitude de fuite ; ils cherchent à se montrer capables, à
briller dans la société pour compenser cette défaite ;
d’autre part, ils n’aiment pas rentrer à la maison où l’atmosphère
est tendue, aussi préfèrent-ils sortir tous les
soirs… Cette attitude est très néfaste, car les autres
enfants auraient d’autant plus besoin de leur père, leur
mère étant si absorbée par l’enfant malade. Vous pouvez
aussi imaginer le découragement d’une femme se sentant
abandonnée à une tâche qui la dépasse… »
≥ Comment trouver les forces face à tout cela ? C’est sur cette
note plus positive que Nicole Lachat termine, insistant sur l’assistance
spirituelle et sur l’importance des associations de parents
et du soutien qu’elles apportent, des moments de partage avec
d’autres personnes vivant des expériences proches et avec des
éducateurs spécialisés qu’elle voit comme des « rayons de soleil »
pour les parents.
031
Dès janvier 1963,
Simone Reichenbach
peut accueillir quatre
enfants les mercredis
et samedis après-midi.
Atelier de tissage de la Grenette, rue du Grand-Pont, Sion.
Date inconnue.
UNE PREMIÈRE ANNÉE
RICHE EN PROJETS
L’atelier de tissage
≥ Dès les premières heures, les initiatrices de l’Association de
parents mentionnent la nécessité d’offrir une occupation professionnelle
aux jeunes handicapés n’étant plus en âge scolaire.
Objectif : les occuper intelligemment et les « intégrer dans
une vie normale » 54 . Un « timide essai d’atelier » est réalisé
en 1962 déjà. Toutefois, c’est en octobre de l’année suivante
que le premier atelier qui s’inscrira dans la durée est
ouvert. Sous la responsabilité de M me Charvet, les jeunes se
forment au tissage. Cette réalisation marque les débuts de
l’engagement des parents pour la prise en charge et l’insertion
professionnelle des adultes en situation de handicap.
Il est le point de départ d’une longue aventure relatée dans
l’ouvrage Une place pour chacun ? Histoire de la FOVAHM
paru à l’occasion des 40 ans de cette institution, née de la
volonté des parents 55 .
Une colonie de vacances à Sapinhaut
≥ Un des autres soucis de l’Association de parents, qui n’est
pas mentionné dans ses buts à sa création, est celui des loisirs
des enfants. Le souhait, aujourd’hui central, de leur faire découvrir
le plaisir de moments de détente et de convivialité en groupe
et d’offrir, dans le même temps, un peu de repos aux parents
était présent dans l’esprit des pionniers puisque, en 1963 déjà,
une première colonie de vacances est organisée à Sapinhaut,
dans un chalet mis à disposition par la paroisse protestante de
Sion. L’expérience sera reconduite jusqu’en 1974 et prendra le
nom de classe d’altitude pour souligner l’intérêt éducatif de cette
semaine qui permet d’introduire des apprentissages liés à la vie
en société.
Une première classe pour quatre enfants
≥ Enfin, le comité et Simone Reichenbach s’engagent pour
développer une première structure éducative. Les démarches
démarrent avant même que l’association soit officiellement
constituée. Grâce à l’engagement d’Honoré Pralong et de Paul
Mudry, directeur des écoles de Sion et président de la section
valaisanne de l’ASA, un local est mis à disposition par la Ville de
Sion dans l’école du Sacré-Cœur. Ainsi, dès janvier 1963, Simone
Reichenbach peut accueillir quatre enfants les mercredis et
samedis après-midi.
≥ Le choix de cet horaire n’est pas anodin puisqu’il s’agit des
jours de congé scolaires : le comité souhaite ainsi éviter que [les]
enfants handicapés attirent l’attention des écoliers 56 . Le chemin
à parcourir vers l’intégration est encore long…
≥ Le regard porté sur les enfants des classes ordinaires n’est
pas perçu comme le seul inconvénient de cette implantation : le
local doit être vidé chaque soir et le lieu est exigu, empêchant
tout développement. Si, en mars 1963 déjà, la question d’un
agrandissement se pose, les moyens financiers manquent
encore. L’association ne pourrait ni payer un local, ni engager du
personnel 57 . Pourtant, l’idée d’ouvrir des classes du même type
dans différents centres régionaux en Valais fait son chemin. Elle
deviendra, bientôt, le cœur de l’activité de l’association.
032
ÉCLAIRAGE
PROPOSER DES TEMPS DE VACANCES
≥ « Que nos enfants jouissent de belles heures de détente dans un coin bien sympathique du Valais. Que les parents, eux aussi,
aient un peu de vacances. » 58 C’est ainsi que le comité explique ce qui le motive en créant une colonie de vacances, dès la première
année d’existence de l’Association de parents. Mais la colonie, qui devient en 1964 « classe d’altitude », est également l’occasion
de nombreux apprentissages.
≥ C’est à Sapinhaut qu’a lieu la première colonie en 1963 ;
l’année suivante, 17 enfants entre 5 et 17 ans se retrouvent à
Grimentz entourés de six monitrices, d’une infirmière, d’une cuisinière
et d’une aide, sous l’œil avisé de la directrice, Simone
Reichenbach.
≥ Désormais, la colonie devient « classe d’altitude » pour souligner
son aspect éducatif : « Madame Reichenbach désire pouvoir
suivre une fois ses écoliers tous les jours, les observer dans
leurs jeux, leur faire faire un peu de gymnastique, etc. » peut-on
lire dans le Main dans la main 59 . De ce fait, le séjour peut être
mis au bénéfice de subventions AI.
≥ Pour répondre aux exigences éducatives, qui restent centrales
au fil des années, l’association décide de s’entourer de
monitrices et moniteurs formés ou en cours de formation.
Rapidement, Simone Reichenbach se retire de la direction de la
colonie, ayant assez à faire avec l’école. Plusieurs personnes se
succèdent alors à cette charge, toutes ayant une formation dans
le domaine de l’enseignement, de l’éducation ou des soins
infirmiers.
≥ La classe d’altitude, que la plupart continuent d’appeler colonie,
a lieu sur un mois et accueille une vingtaine d’enfants au
milieu des années 1960, puis 30 et jusqu’à 39 en 1972. Un camp
plus court est prévu cette année-là pour les enfants avec des
handicaps plus graves 60 . L’âge des enfants admis peut varier
d’une année à l’autre (4 à 14 ou 15 ans, en règle générale). Seuls
les « cas trop difficiles » en sont exclus. La colonie investit différents
lieux : l’école de Praz-de-Fort, une ancienne école ménagère
à Vissoie, la colonie d’enfants du domaine d’Ecône, la
Maison Général-Guisan à Montana-Village.
≥ En 1973, pour la première fois, la colonie est organisée en collaboration
avec La Castalie. Les enfants qui sont sous la responsabilité
de cette dernière sont accompagnés de leurs éducateurs habituels.
Peut-être pour satisfaire La Castalie, le camp est en outre réduit à trois
semaines. L’organisation se complexifie toutefois comme le montre la
liste des participants : des parents inscrivent leur enfant pour toute la
durée du camp, d’autres choisissent l’une ou l’autre semaine 61 . Si la
colonie connaît un franc succès, avec plus de quelque 70 inscrits,
seuls 11 enfants y sont via l’Association de parents 62 .
Toutes ces personnes [le personnel d’encadrement, de cuisine, etc.] prenaient leurs vacances
en se consacrant à nos enfants. Pour une rémunération bien modeste, ils n’ont économisé
ni leurs forces, ni leur dévouement, à notre époque de matérialisme, ces gestes nous font réfléchir
et prennent une valeur d’éternité.
Nos enfants se sont fait le plus grand bien […]. Marie-Andrée en est revenue transformée.
On est ému en regardant sa tenue à table, sa façon de ranger ses habits sur la chaise
avant de se coucher et tant d’autres bonnes habitudes acquises en si peu de temps. […] .
Extrait d’un témoignage d’une maman, Main dans la main, Noël 1966
033
≥ Face à une si faible affluence, le comité décide de ne pas
organiser le camp d’été l’année suivante et d’aviser les parents
de La Bruyère qu’ils peuvent opter pour « un placement temporaire
en été, à La Castalie » 63 . C’en est fini des classes d’altitude
de l’Association de parents…
≥ Pourtant, en 1981, l’intérêt pour l’organisation de colonies
de vacances pour les enfants et les adultes refait surface. Le
comité sonde les parents à ce sujet pour connaître leur intérêt,
la durée souhaitée de la colonie, les dates les plus adaptées 64 .
Les parents sont également sollicités pour apporter leur aide en
participant à une commission loisirs et colonie.
≥ L’écho est positif et, à l’été 1981, 10 enfants de 8 à 18 ans
et 12 jeunes et adultes de plus de 20 ans participent à une
semaine organisée pour chacun des deux groupes 65 . Durant deux
ans, elles ont lieu à La Fouly, puis à la pension La Forêt à Vercorin,
acquise par l’ASA pour offrir un lieu de loisirs aux personnes en
situation de handicap.
≥ Avec l’existence d’un tel lieu, l’offre peut également être élargie.
En 1984, pour répondre au souhait de parents qui aimeraient
« pouvoir respirer de temps en temps le dimanche », des weekends
sont organisés 66 . Ils le sont encore l’année suivante, puis
s’arrêtent, faute sans doute de demande suffisante. Ce n’est
qu’en 1995 qu’ils reprendront, sous l’impulsion de Lucienne
Darbellay Fumeaux.
≥ Depuis, camps de vacances et week-ends sont devenus « la
marque de fabrique » de l’association, comme l’explique Cristina
Philippoz, plus loin dans cet ouvrage 67 .
Activités de loisirs et vacances organisées par l’Association de parents.
De l’école
itinérante
à l’école
La Bruyère
Dans le canton de Vaud,
afin d’assurer un suivi éducatif
des enfants handicapés mentaux,
un éducateur se rend à domicile,
conseille les parents, réalise
des exercices éducatifs
avec les enfants, puis laisse
à la disposition de la famille
du matériel pour que le travail
puisse se poursuivre entre deux
visites. Simone Reichenbach et
Nicole Lachat s’intéressent de près
à ce système, appelé « Service
éducatif itinérant », créé par Renée
Delafontaine. Les expériences
menées par cette pionnière
semblent avoir une grande influence
sur les deux femmes puisqu’elles
visitent également l’école
Les Matines, première école
en externat pour enfants
handicapés mentaux en Suisse.
Sur la base de ces exemples –
et d’autres sans doute –,
l’Association de parents imagine
son propre projet pour le Valais,
à la croisée entre un service
itinérant et une école. Son objectif :
créer des classes à effectifs
réduits dans différents lieux
du Valais, suffisamment centraux
pour que les enfants d’une même
région puissent les fréquenter.
Moment de pause à l’école La Bruyère de Martigny.
Sans doute lorsque l’école se tenait dans un appartement à la rue de la Moya, avant 1971.
1963
Association valaisanne
de parents d’enfants
mentalement déficients
1968
Association valaisanne
de parents d’enfants
mentalement handicapés
1972
Association de parents
de handicapés mentaux
1995
Insieme Valais romand.
Association valaisanne de parents
de personnes handicapées mentales
Le nom « Insieme », qui signifie « Ensemble »
en italien, a été choisi par la fédération
nationale l’année précédente.
037
Les enfants apprennent
la vie en groupe
et peuvent pratiquer
des exercices collectifs.
≥ Pourquoi privilégier une « école itinérante » 68 , avec la création
de petites classes, plutôt qu’un Service éducatif itinérant à
domicile ? L’argument avancé par l’Association de parents est
éducatif : les enfants apprennent la vie en groupe et peuvent
pratiquer des exercices collectifs. Il est probable que la topographie
du Valais joue également un rôle dans ce choix. Se
rendre au domicile de chaque enfant entraînerait des déplacements
considérables. Pour passer du projet à la réalisation,
l’association doit toutefois impérativement trouver des soutiens
financiers. Elle se trouve dans une conjoncture favorable
pour cela puisque le peuple valaisan vient d’accepter une
nouvelle loi scolaire qui ouvre la voie à un soutien étatique à
des initiatives privées en faveur de l’éducation des enfants
déficients mentaux. Jules Délèze, futur membre du comité de
l’Association de parents, s’est engagé pour cela au Grand Conseil.
≥ DES SOLUTIONS POUR LES FAIBLES
D’ESPRIT ET LES DÉFICIENTS MENTAUX
La nouvelle Loi sur l’instruction publique qui voit le jour en
1962 consacre le principe de « classes de développement »
pour les enfants « qui ne peuvent suivre avec profit l’école primaire
ordinaire ». Le placement revient à la commission scolaire
ou à l’inspecteur ; les parents seront entendus 71 . Nous verrons
que, plus tard, en 1978, le respect de l’autorité parentale
dans le choix des mesures à appliquer sera au cœur de la Loi
sur les mesures en faveur des handicapés. Les enfants qui
entrent dans ces classes sont considérés comme retardés –
entendre « ayant du retard » –, mais scolarisables à condition
de bénéficier d’une adaptation. Quant à l’« enfant éducable »,
qui n’a pas le potentiel pour intégrer l’école ordinaire, même en
classe de développement, la loi mentionne « qu’il est placé,
autant que possible, dans un établissement approprié » 72 .
UNE BASE LÉGALE :
LA LOI SCOLAIRE DE 1962
≥ La nouvelle loi scolaire, acceptée par le peuple en novembre
1962, mentionne dans son article 120 que l’État subventionne
les institutions assurant « l’éducation d’enfants handicapés qui
ne peuvent suivre l’école publique régulière » 69 . En juin de l’année
suivante, un règlement donne quelques précisions sur cet article
législatif : peuvent être reconnus d’utilité publique, des établissements
recevant des élèves en âge de scolarité enfantine et primaire,
atteints d’infirmités physiques, psychiques ou caractérielles.
Pour accorder un tel statut, l’État base son analyse sur
l’effectif des élèves confiés à l’institution candidate, sur l’efficacité
de ses méthodes, sur les qualifications du personnel engagé, sur
les garanties fournies quant au logement des élèves et aux soins
qui leur sont appliqués. Une fois la reconnaissance acquise, et
de manière générale, des subventions sont accordées pour la
construction et l’aménagement de locaux, l’acquisition de matériel
et la création de bibliothèques scolaires. En outre, lorsque les
charges financières dépassent les possibilités de l’établissement,
l’État peut prendre à sa charge les salaires des maîtres et du
personnel de surveillance 70 .
RECONNAISSANCE PROVISOIRE
PAR L’ÉTAT
≥ S’adresser au Département de l’instruction publique apparaît
alors comme une évidence pour l’Association de parents, d’autant
plus que son chef, le Conseiller d’État Marcel Gross, est une
personnalité très ouverte à la cause qu’elle défend et fait partie
de son comité de patronage.
038
Sans vous, notre école itinérante n’aurait
été qu’un rêve et combien d’enfants seraient
restés pour leurs parents le plus terrible
des cauchemars, sans espoir de recevoir
la moindre éducation et de pouvoir un jour
s’intégrer même à un embryon de vie sociale.
Lettre de Jules Délèze, président, au Conseiller d’État Marcel
Gross, chef du DIP, 9 juillet 1964
≥ Nous n’avons malheureusement pas de trace des discussions
qui aboutirent à la décision du Conseil d’État de reconnaître
l’école itinérante pour la durée de l’année scolaire 1963-1964 73 .
Il paraît normal que les autorités avancent avec prudence, en
établissant une période probatoire. Elles se montrent d’ailleurs
plutôt généreuses dans le soutien apporté. Le Conseil d’État
octroie en effet une subvention de 3000 francs pour l’acquisition
de matériel éducatif, de 8000 francs pour l’achat des installations
de l’atelier de tissage destiné aux élèves d’âge plus avancé, prend
à sa charge le salaire de Simone Reichenbach et contribue aux
frais de perfectionnement de cette dernière 74 .
L’ÉCOLE ITINÉRANTE :
UNE ANNÉE TEST
≥ L’école itinérante s’organise donc durant cette année scolaire
1963-1964. D’emblée, l’Association de parents peut ouvrir des
classes dans cinq centres régionaux : Sierre, Sion, Martigny,
Orsières et Monthey. Dans chaque lieu, Simone Reichenbach
accueille entre deux et six élèves. Elle est alors seule à se charger
des classes et répartit son emploi du temps hebdomadaire en
deux demi-journées par centre.
≥ Trente enfants sont inscrits pour cette première année. Ils
ont été signalés à l’association soit par les parents soit par des
institutions – services sociaux, AI ou SMPV. Afin d’établir l’admissibilité
de l’enfant, le SMPV procède à un examen psychologique.
Il s’agit, d’une part, d’une démarche nécessaire pour toute
demande de subside auprès de l’AI, d’autre part, d’un examen
qui permet à l’éducatrice de déterminer l’action pédagogique à
mettre en place pour chaque enfant.
≥ L’objectif premier de l’école itinérante est de transmettre aux
enfants une éducation pratique, gestuelle et sensorielle, afin de
« les préparer à une intégration dans le circuit économique par
les ateliers protégés ». Lorsque cela est possible, quelques
notions scolaires sont également transmises (écriture, lecture,
Il m’est agréable de vous dire que tous les membres de notre association éprouvent vis-à-vis
de M me Reichenbach un profond sentiment à la fois de reconnaissance et d’admiration.
Son dévouement à notre cause est au-dessus de tout éloge et tient d’une véritable vocation.
Lettre de Jules Délèze, président, au Conseiller d’État Marcel Gross, chef du DIP, 9 juillet 1964
039
calcul). À la fin des demi-journées de cours, les parents
emportent avec eux du matériel éducatif pour faire travailler leur
enfant au moins une heure par jour.
≥ Le bilan de cette première année de l’école itinérante est
positif. Tous les parents désirent que l’expérience se poursuive.
Toutefois, ils trouvent le travail réalisé insuffisant et souhaiteraient
que les cours aient lieu plus souvent durant la semaine.
L’association est du même avis.
≥ Durant les années qui suivent, elle cherche des solutions
pour augmenter le nombre de jours d’école et réfléchit également
à l’ouverture d’un semi-internat. Outre les aspects financiers et
la nécessité de trouver des locaux, ces projets sont empêchés
par une autre réalité : le manque de personnel formé susceptible
de venir épauler Simone Reichenbach.
≥ Des solutions doivent toutefois être trouvées rapidement,
puisque le nombre d’élèves va sans aucun doute augmenter et
que l’enseignante spécialisée ne peut assumer plus de vingt-cinq
élèves, surtout avec les nombreux déplacements entre les différents
centres. Sa charge de travail a d’ores et déjà atteint la limite
acceptable. Au début de l’année 1965, elle parcourt environ
2000 km par mois avec sa voiture privée 78 .
≥ DE NOMBREUSES ABSENCES
Sur les trente enfants inscrits, seuls vingt-deux ont effectivement
participé à cette année scolaire. Les huit absences s’expliquent
par une difficulté dans le déplacement vers le centre
de cours : soit l’enfant est trop agité pour que des déplacements
puissent être envisagés de manière régulière, soit « la
maman, déjà surchargée, ne peut sacrifier deux demi-journées
par semaine pour conduire l’enfant handicapé au cours ».
Les absences sont également nombreuses parmi les enfants
qui suivent l’école. Simone Reichenbach s’en plaint au comité.
Le système choisi implique un partage des trajets entre l’éducatrice
et les parents qui doivent amener leur enfant jusqu’au
centre. Alors que les déplacements prennent du temps à
Simone Reichenbach et coûtent à l’association, il arrive que
l’éducatrice se retrouve face à une salle vide, les parents
n’ayant pas trouvé de solution pour véhiculer leur enfant.
Simone Reichenbach propose d’établir un règlement et de délivrer
une amende de 2 francs pour toute absence non justifiée à
l’avance 75 . Une autre solution, plus arrangeante, serait d’organiser
un système de transport géré par des bénévoles pour suppléer
les parents. Au cours de l’année 1964, une dame à Sion
et deux dames à Sierre donnent de leur temps pour cela 76 .
UN SOUTIEN CONFIRMÉ
DU CONSEIL D’ÉTAT
≥ En décembre 1964, sur la base du rapport établi par Simone
Reichenbach, et sur demande du comité de l’association, le
Conseil d’État décide d’accorder une reconnaissance officielle à
l’école itinérante pour les quatre prochaines années, comme
solution provisoire en attendant l’ouverture d’un établissement
spécialisé pour enfants mentalement déficients à Monthey,
la future Castalie 79 . Outre des subventions pour le matériel
≥ L’AI : 4 FRANCS PAR SEMAINE,
PAR ENFANT
Outre les subventions cantonales, l’école itinérante peut
compter sur les subsides attribués par l’AI pour les jours de
scolarité. En 1963, cela représente un montant de 4 francs
par semaine par enfant. Le comité de l’Association de parents
choisit d’utiliser ce montant pour couvrir les frais de déplacement
de Simone Reichenbach entre les différents centres de
l’école itinérante 77 .
Lieux de domicile des 83 élèves que comptent les différents centres de l’école itinérante en octobre 1967.
Dessin publié dans Les enfants du secret.
Évolution du nombre d’élèves de l’école itinérante
Juin 1965
Juillet 1966
Mars 1967
Fin octobre 1967
Fin 1968
Juin 1969
31 enfants
40 enfants
60 enfants
83 enfants
92 enfants
105 enfants
041
En 1969, l’école
accueille environ
100 élèves… mais 23
doivent être refusés.
éducatif, il continuera à assumer le salaire de Simone
Reichenbach 80 . Marcel Gross, qui s’est engagé en faveur
de l’école, montre ainsi toute la confiance qu’il place dans
l’Association de parents et son soutien à sa cause.
≥ Il le confirme au début de l’année 1965 en proposant
au Conseil d’État d’accorder à l’association d’ouvrir une
classe supplémentaire à mi-temps à Orsières, tenue par un
enseignant à la retraite, Paul Darbellay 81 . L’homme ne dispose
pas de la formation complémentaire normalement
requise, mais serait supervisé par Simone Reichenbach qui
viendrait une fois par semaine à Orsières. En entérinant cette
décision, le Conseil d’État utilise son droit à déroger aux règles
établies par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en
matière d’engagement. En règle générale, le personnel doit être
composé de diplômés en pédagogie curative, d’enseignants sans
formation de ce type, mais pouvant justifier d’une expérience
pratique dans l’enseignement spécialisé ou de personnel en
cours de formation spécialisée. Dans des circonstances spéciales
et dûment justifiées, les autorités cantonales peuvent toutefois
faire des exceptions. Elles doivent alors s’assurer que le personnel
enseignant spécialisé est suffisamment nombreux au sein de
l’institution et que des mesures sont prises pour assurer la formation
du personnel non spécialisé 82 .
LA HAUSSE DES EFFECTIFS :
UN DÉFI À RELEVER
≥ Pour la rentrée scolaire 1965, l’association peut compter sur
31 enfants inscrits à l’école itinérante. En juillet 1966, elle
accueille déjà 9 enfants de plus et huit mois plus tard ce ne sont
pas moins de 60 élèves qui suivent les classes de l’association.
Encore six mois, et ce sont 83 enfants qui sont accueillis ! Jusqu’à
la fin de la décennie, les effectifs sont en constante augmentation.
En 1969, l’école accueille environ 100 élèves… mais
23 doivent être refusés par manque de classes et placés soit à
l’Institut du Bouveret, soit à l’Institut Sainte-Agnès.
S’adapter sans moyens
≥ Il n’est pas trop osé d’affirmer que l’Association de parents
est victime du succès de son école durant ces années puisque
les comptes-rendus de séances de cette période montrent bien
les obstacles avec lesquels le comité doit composer. S’il se réjouit
du succès rencontré, il entraîne également un certain nombre de
défis à relever et les solutions ne sont pas faciles à trouver au vu
des faibles moyens à disposition. Les problématiques des débuts
restent les mêmes : difficulté à recruter du personnel formé, inadéquation
des locaux occupés pour répondre à une forte
≥ UN SECRÉTARIAT PERMANENT
La création par une association d’un secrétariat permanent est toujours le signe d’une intensification
de ses activités. L’Association de parents n’échappe pas à la règle. En 1966, elle décide
de créer un poste de secrétaire. La titulaire nommée prendra d’abord en charge l’administration
de l’école itinérante (gestion des factures AI, établissement des rapports médicaux pour l’AI,
contacts avec les familles, puis secrétariat de direction), puis également le secrétariat de la
colonie : organisation, recherche du personnel, etc. 83
042
augmentation de la demande, complexité de la question du transport
des élèves de leur lieu de domicile à l’école. Dans ce
domaine, plusieurs solutions sont testées, et adoptées selon les
lieux : transports par des « dames bénévoles », notamment dans
la région de Sion ; utilisation des transports publics avec surveillance
d’une personne bénévole comme pour la région Leytron-
Chamoson-Vétroz ; mise en place d’un service de taxi avec prise
en charge des frais par l’AI.
Madame Lachat et Madame Reichenbach
nous disent qu’elles se sont réunies avec des
dames de Sion, en vue de créer une école
permanente dans cette ville. Mais il est très
difficile de trouver une solution. Il y a 11 enfants,
tous de villages différents et souvent de vallées
différentes. C’est toujours le problème du
transport qui paraît insoluble. La meilleure
solution sera sûrement la création d’un semiinternat
(du lundi au vendredi).
PV de la séance du comité du 19 février 1966
École à plein temps, semi-internat, externat…
≥ La priorité est de parvenir à augmenter le nombre d’heures
de classe des enfants en passant d’abord à des journées complètes
avant de pouvoir proposer des semaines pleines, comme
dans les écoles ordinaires. Les rapides progrès réalisés par les
élèves de la classe d’Orsières qui bénéficient déjà d’un horaire à
la journée renforcent la conviction de Simone Reichenbach et du
comité de l’association à ce sujet 84 . Ainsi, dès qu’elle le peut, elle
adopte ce principe. En 1967, deux classes supplémentaires –
l’une à Sion, l’autre à Monthey – sont données à la journée et les
enfants prennent leur repas en commun 85 .
≥ En 1965, ce projet est assorti d’un autre changement : si les
enfants viennent à l’école à plein temps, un système de semiinternat
– soit un internat de semaine – devrait être adopté. Cela
permettrait notamment de résoudre la question des déplacements.
L’association imagine créer cette structure à Martigny,
d’abord, puis de l’étendre aux autres centres. Il serait ensuite utile
d’engager des logopédistes et des psychomotriciens, qui fonctionneraient
pour l’ensemble des centres, afin d’assurer des
séances de rééducation durant la semaine pour les enfants restant
sur place 86 .
≥ Le projet est ambitieux. Trop semble-t-il pour les moyens
dont dispose l’Association de parents. Elle s’en rend compte en
allant plus dans le détail du dossier. Les frais de location des
locaux nécessaires sont trop élevés, les problèmes de déplacement
ne sont pas totalement résolus avec cette solution et, à
cette période, il reste difficile de trouver du personnel formé alors
≥ SIMONE REICHENBACH, PREMIÈRE DIRECTRICE DE L’ÉCOLE
En 1967, l’Association de parents décide de créer un poste de direction pour l’école. Il devient en effet indispensable de disposer
d’une personne de référence pour le personnel ainsi que pour les parents. Simone Reichenbach paraît bien sûr toute désignée
pour ce poste puisqu’elle est à l’origine de l’école, suit les projets de développement de près, a un contact privilégié avec les
parents et dispose de la formation pédagogique requise. On peut même considérer que, de facto, son engagement correspond
déjà à la fonction.
Notons que pour la première fois, en 1966, l’école fait un bénéfice. Cette nouvelle donne permet d’envisager l’avenir avec un peu
plus de sérénité et contribue sans doute à cette décision.
043
qu’un projet de semi-internat nécessite évidemment
une équipe plus grande qu’un externat 87 . Malgré ce
constat, l’association n’abandonne pas complètement
ce projet. S’il paraît trop compliqué de le réaliser pour
Martigny, peut-être pourrait-il l’être à Sion. En 1967,
toutes les options sont encore ouvertes : tant que le
Les institutions
dédiées à l’enfance
se multiplient,
issues la plupart
du temps
d’initiatives privées.
centre pour oligophrènes profonds prévu à Monthey n’est pas
réalisé, une structure en internat ou en semi-internat manque
dans le paysage valaisan. Le comité de l’association sollicite d’ailleurs
en 1965 déjà Marcel Gross afin qu’il incite le Conseil d’État
à activer ce projet 88 . L’Association de parents envisage dès lors
encore la réalisation d’un tel établissement lié à son école,
comme « solution provisoire et rapide » en attendant l’ouverture
du centre de Monthey 89 . Cette option sera toutefois abandonnée
l’année suivante et celle d’écoles régionales à plein temps en
externat privilégiée.
≥ Deux études menées entre 1966 et 1969, l’une officielle, par
une commission cantonale, l’autre commandée par l’Association
de parents, viennent confirmer qu’il s’agit de la solution à
privilégier.
LA COMMISSION CANTONALE
SUR L’ENFANCE DÉFICIENTE
≥ À partir du milieu des années 1960, l’État prend conscience
de la nécessité de mieux coordonner les efforts fournis dans le
domaine de l’enfance déficiente. Il est toujours plus sollicité afin de
s’engager dans ce domaine et les besoins ne cessent d’augmenter.
L’Office fédéral des assurances sociales recommande en outre aux
cantons de se pencher sur la question : les institutions dédiées à
l’enfance se multiplient, issues la plupart du temps d’initiatives privées,
mais qui, inévitablement, sollicitent non seulement une aide
de la Confédération – en priorité l’AI –, mais également des contributions
du canton. Or, ces institutions ne savent pas toujours
identifier les urgences dans les besoins à couvrir et
peuvent parfois faire double emploi. Une coordination des
efforts, une planification, voire une surveillance exercée
par l’État seraient souhaitables.
≥ De fait, en 1966, l’État du Valais décide de créer une
commission 90 d’étude sur l’enfance déficiente, chargée de faire
l’inventaire des besoins, des réalisations acquises et d’établir un
programme pour le futur en tenant compte d’une coordination des
efforts des différentes associations déjà actives dans le domaine,
de réfléchir également à la répartition des compétences et aux
collaborations possibles entre les départements concernés –
Instruction publique ; Justice, police et santé publique ; Finances.
≥ Au début de l’année 1968, les travaux sont bien avancés et
les grandes lignes établies. La commission peut dès lors consulter
les organisations intéressées à la question de l’enfance déficiente
91 . Selon ses dires, son rapport final, rendu le 25 octobre
1968, a rencontré leur entière approbation et est établi à l’unanimité
des membres de la commission 92 .
≥ Il est évidemment intéressant de s’arrêter sur ce document
qui vient soutenir les projets de l’Association de parents pour son
école.
Un document-cadre qui soutient l’école
itinérante
≥ Le rapport traite des différentes catégories de l’enfance déficiente
et fait des recommandations pour chacune d’elles : enfants
physiquement handicapés, enfants caractériels, adolescents
caractériels ou caractériels très difficiles, débiles caractériels, cas
sociaux, enfants débiles – soit un QI entre 50 et 90, dits « scolarisables
» en classe de développement –, les oligophrènes profonds
ou handicapés mentaux profonds, soit des personnes avec un QI
inférieur à 50 93 . Parmi ceux-ci, on trouve, d’une part, les « idiots »,
appelés également par les pédagogues les « inéducables » et,
044
La famille
est le premier
cadre éducatif et
le maintien dans la
cellule familiale
est un atout.
≥ LES ÉLÈVES ADMIS :
DU PRINCIPE À LA RÉALITÉ
Définir de manière stricte la population accueillie par l’école itinérante
est extrêmement difficile. Alors que depuis les débuts,
l’école a été conçue pour les « enfants débiles moyens et profonds
», soit n’atteignant pas un QI de plus de 60 94 , le Service
médico-pédagogique la sollicite régulièrement durant cette première
décennie pour qu’elle prenne en charge des enfants avec
un retard important dans leur scolarité, mais avec un QI plus
élevé pouvant aller jusqu’à 75. L’école déroge alors à ses règles
d’admission bien que cela complique son action pédagogique en
augmentant encore l’hétérogénéité des classes.
Une solution à ce problème est difficile à trouver. Le futur
centre de Monthey est destiné aux enfants ayant un QI inférieur
à 50. Quant aux classes de développement, elles accueillent
les élèves avec un QI supérieur à 70. Si l’école itinérante ne
prenait réellement que les enfants au QI inférieur à 60 qui se
chargerait de ceux n’entrant dans aucune de ces catégories 95 ?
d’autre part, les « imbéciles » ou les « pratiquement éducables
». La commission souligne le manque criant d’établissements
pouvant accueillir ces enfants en Valais. Le
projet de construction d’un centre dédié en lien avec
l’hôpital psychiatrique de Malévoz offrira quelque 150
places en internat, mais ne permettra pas de couvrir les
besoins, puisque le nombre d’enfants dans cette catégorie
est établi à 300 pour l’ensemble du territoire cantonal. En
outre, une telle structure en internat n’est recommandée que pour
« ceux qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent être maintenus
dans leur famille ». Pour tous les autres, la commission préconise
des solutions en externat, car la famille est le premier
cadre éducatif et le maintien dans la cellule familiale est
un atout pour le développement de l’enfant.
≥ Le centre de Monthey et l’École de pédagogie curative
de Viège devraient répondre aux besoins du Haut-
Valais. Par contre, une structure manque pour que ceux
du Valais romand soient satisfaits. La commission ne voit
qu’une seule solution pour régler ce déficit : « le développement
de l’école itinérante et, si possible, par la création de classes fixes
pouvant prendre en charge les enfants pour un plus grand
nombre d’heures que ne peut le faire actuellement l’école ». Elle
reconnaît ainsi la structure développée par l’Association de
parents et soutient la nécessité de la développer encore. Si l’on
compte sept élèves par classe, « ce qui est un maximum pour
des enfants aussi arriérés », il faudrait que l’école itinérante
compte vingt-huit classes ! La commission va jusqu’à évaluer
l’investissement nécessaire pour la construction de bâtiments
adaptés à 2,8 millions de francs répartis à 50 % entre l’AI et l’État
ou les communes. Elle ajoute à ce montant, une subvention de
l’État de 120 000 francs pour le fonctionnement quotidien.
Un principe que l’on doit toujours avoir à
l’esprit est que la place naturelle d’un enfant est
dans sa famille. Un placement ne doit intervenir
que s’il est absolument nécessaire et que si l’on
ne peut remédier à la situation de l’enfant dans
son milieu naturel.
Rapport de la commission cantonale sur l’enfance déficiente,
25 octobre 1968
045
RÉPARTITION
DES ENFANTS SELON
LA SITUATION FAMILALE :
72 %
viennent d’une famille
de deux à cinq enfants
20 %
viennent d’une famille
de six enfants et plus.
Ce chiffre peut aller jusqu’à seize !
7 %
sont enfant unique
1 %
nombre d’enfants inconnu
Dessin et données publiés
dans Les enfants du secret.
046
« LES ENFANTS DU SECRET » :
ENQUÊTE SUR LES ENFANTS
ÉDUCABLES SUR LE PLAN
PRATIQUE
≥ À la fin de l’année 1967, le comité de l’association imagine
lancer un recensement des enfants en âge scolaire en situation de
suivre l’école itinérante 96 . Un tel travail lui permettrait de mieux
cerner les besoins et de développer son projet en adéquation avec
ceux-ci. Disposer de données fiables serait en outre un atout pour
convaincre les autorités de soutenir le développement de l’école.
En 1968, une étudiante de l’École d’études sociales et pédagogiques
(EESP), future assistante sociale, Christiane Besson-Gloor,
se propose d’en faire son travail de diplôme. Avec l’aide de l’Association
de parents, elle mène l’enquête auprès des familles du Valais
romand. Cent nonante-huit enfants et adolescents mentalement
handicapés, au QI situé entre 20 à 60, participent à l’enquête, soit,
selon l’auteure, le 97 % environ des enfants concernés 97 .
≥ Le choix de cette fourchette de QI se base sur la classification
du Dr Rey-Bellet qui établit que les « pratiquement éducables
» ont un QI entre 20 et 50. L’auteure élargit ensuite son
étude en prenant en compte également les enfants avec un QI
compris entre 50 et 60 afin de couvrir la population accueillie par
l’école itinérante 98 .
≥ Le travail réalisé par Christiane Besson-Gloor, intitulé « Les
enfants du secret », est soutenu en mars 1969. Il offre des données
chiffrées intéressantes qui permettent de dresser le portrait
de cette enfance pratiquement éducable valaisanne à un moment
donné.
Les chiffres
≥ Sur les 198 enfants concernés, 79 se trouvent à l’école itinérante,
61 sont placés en institution, 13 dans une classe de
l’école ordinaire (au village, dans une école ménagère publique
ou privée, dans une classe spéciale), 16 ont des « activités
diverses » (à la campagne, dans un magasin, sur un chantier, au
ménage familial, etc.), 11 travaillent dans un atelier, 18 sont sans
activité. Cette catégorie compte surtout des jeunes de plus de 16
ans qui n’ont sans doute pas été en institution éducative et qui
n’ont désormais pas de place en atelier vu que seuls ceux ouverts
par l’Association de parents existent 99 .
Un témoignage sur le vécu des parents
≥ Au-delà d’une étude statistique et de données qualitatives
permettant d’imaginer l’avenir de l’école, le texte de Christiane
Besson-Gloor offre un témoignage saisissant sur le vécu des
familles avec un enfant handicapé mental, à la fin des années
1960. Le regard sensible, et le style de l’auteure, permettent
de mieux comprendre les situations vécues et éveillent
l’émotion du lecteur. Son titre, Les enfants du secret, parle de
lui-même.
« Deux remarques m’ont beaucoup aidée à comprendre les
mères que j’ai rencontrées, celle de l’une d’elles : ‹ On s’attache
plus à ces enfants qu’aux autres › et celle du Dr Schmid dans
son cours : ‹ avoir un enfant pas comme les autres, c’est pour
les parents une atteinte profonde à leur confiance en soi ›.
Il est intéressant aussi de noter l’attitude de quelques-unes
de ces mères :
La maman fatiguée et amère : ‹ Je m’en suis tellement occupée,
et je vous assure, je n’ai pas eu beaucoup de joies en
retour ›.
La maman hyperprotectrice, qui sacrifie toute son existence
à l’enfant handicapé, qui s’en occupe presque exclusivement,
qui pense – ou veut se persuader – qu’elle ne peut rien faire
d’autre, qu’il n’existe pas de solution adéquate. […]
La maman qui, malgré les difficultés, répartira judicieusement
ses efforts gardant toujours pour préoccupation de
conduire autant qu’il est possible son enfant à l’indépen-
047
dance, but final de l’éducation : ‹ Vous savez, il serait
plus facile de le porter que de lui faire monter les escaliers
tout seul ! › - ou bien : ‹ Je suis contente qu’elle aille
à l’école itinérante ; je devenais affreusement craintive ;
j’avais toujours pour qu’elle tombe. › - et cette question
: ‹ Comment le sortir le plus possible de la famille,
où il risque de devenir un tyran ? ›
La maman chargée d’une nombreuse famille, avec en plus la
campagne ou d’autres activités, et qui réfléchit, pèse ses
forces, se résout enfin – mais avec combien de peine – à
placer son enfant : ‹ Une vie familiale harmonieuse devenait
impossible ; je devais aussi me consacrer aux autres enfants ›.
La mère qui accepte mal le handicap de son enfant et essaie
de le faire « vivre comme si », en particulier sur le plan scolaire
: ‹ Ne croyez-vous pas qu’il pourrait encore apprendre
autre chose ? Nous le désirons tellement ›.
Ces notes ne font qu’esquisser certaines attitudes des parents
que j’ai rencontrés. Leur comportement est en général beaucoup
plus complexe. Souvent ils oscillent d’une attitude à
l’autre. Les sentiments qui les animent vont de la honte à
l’amour, du rejet à l’hyperprotection. En va-t-il autrement, du
reste, pour les parents d’enfants qu’on dit ‹ normaux › ? » 100
≥ Comme dans beaucoup de documents de cette période
dans les archives de l’Association de parents, ce sont ici les
mamans qui répondent. Dans la plupart des cas, les pères sont
absents des documents. Il est évident qu’à cette période c’est
la mère qui se charge prioritairement de l’enfant et qui vit au
quotidien cette situation. Connaître le point de vue du père
serait pourtant également intéressant : comment perçoit-il le
handicap de son enfant ? Son état d’esprit est-il le même que
celui de la mère ? Ont-ils les mêmes attentes vis-à-vis de l’école
par exemple, la même vision de l’intégration de leur enfant dans
la société ? Il est difficile de le savoir.
Dans la plupart des
cas, les pères sont
absents des
documents.
≥ Plus loin dans son travail, Christiane Besson-Gloor
associe toutefois le père dans son analyse en parlant des
parents et non plus de la mère. On peut donc imaginer
qu’elle a également pu s’entretenir avec l’homme de la
maison :
« Quel est votre plus grand souci pour votre enfant actuellement
? […] La plupart des parents ressentent si fortement le
handicap de leur enfant, ils ont tellement de soucis que cette
question leur paraît souvent puérile, ou qu’ils parviennent mal
à débrouiller l’écheveau de leurs préoccupations trop nombreuses.
[…]
Autant de parents rencontrés, autant de formulations différentes
de mêmes soucis. On peut dire cependant que leurs
préoccupations s’énoncent en général moins à travers le handicap
qu’à travers les conséquences de ce handicap, et principalement
l’impossibilité pour l’enfant de suivre une scolarité
normale et même spéciale ou de s’y réintégrer. 101 »
≥ La peur qui apparaît encore plus criante chez les parents est
celle de l’après… après l’école itinérante… après eux… À cette
même période, la question notamment du devenir des enfants à
la fin de la scolarité préoccupe également l’Association de
parents qui se mobilise pour créer des ateliers et des lieux de vie
pour les adultes.
L'école à plein temps plébiscitée
≥ Concernant leur souhait en lien avec l’école itinérante, la
grande majorité des parents confirment les intuitions de
Simone Reichenbach et du comité de l’association : une école à
plein temps « comme pour tous les enfants » avec la possibilité
de manger sur place à midi. La solution de l’externat est également
plébiscitée. Seule une très petite minorité des mères
d’élèves de l’école itinérante préférerait placer leur enfant, soit
par surcharge de travail, soit à cause des déplacements trop
importants pour amener l’enfant à l’école 102 .
048
ÉCLAIRAGE
INFORMER, RAPPROCHER
≥ Durant la même période, afin de soutenir ses projets et de
défendre la cause des enfants déficients, le comité de l’Association
de parents réfléchit à de nouvelles actions : lobby auprès de
parlementaires, rencontre du Conseil d’État, contacts avec des
journalistes, participation à des actions au niveau romand ou
suisse – journée de l’arriération mentale par exemple. D’autres
actions sont également menées à l’attention du grand public.
Sensibiliser au handicap mental sur grand écran
≥ L’Association de parents décide, en 1967, de produire le film
envisagé par le Montheysan Fernand Premand dans le cadre de
sa thèse de doctorat en ethnologie. « L’est où Jacky ? » est présenté
pour la première fois à Paris en juin 1968 et en Valais en
décembre de la même année. Le réalisateur a vécu durant une
semaine avec les participants de la colonie de Praz-de-Fort.
« N’attendez pas une histoire agréablement faite et qui finit bien »
annonce en substance le comité de l’association dans le Main
dans la main de mai 1968. « Ce film veut vous saisir et inoculer
en vous un virus contre la léthargie. […] De la situation de nos
enfants, ce film apportera un aperçu presque brutal, mais l’examen
de conscience qui doit suivre en donnera une véritable intelligence,
soit un approfondissement et discernement tellement
nécessaires pour la recherche urgente d’un statut social digne
pour les arriérés mentaux. » 103 À noter que la musique, insolite
selon les dires du réalisateur, a été composée par les enfants de
la colonie eux-mêmes 104 .
≥ L’association organise des projections en Valais et en profite
pour présenter ses activités et sensibiliser les spectateurs à la
cause des enfants handicapés mentaux.
≥ Au moment de visionner le film avant sa sortie, les membres
du comité sont partagés entre ceux qui regrettent que l’aspect
éducatif ne soit pas mieux valorisé et ceux qui pensent que le film
peut choquer et qu’il s’agit d’un processus nécessaire à une large
prise de conscience 105 .
L’association met sur pied d’autres actions pour sensibiliser
le public et pour lui faire voir que les enfants en
situation de handicap peuvent s’adonner aux mêmes
activités que les autres enfants et qu’ils disposent de leur
propre mode d’expression. Du 8 au 16 novembre 1969,
huitante toiles présentant les travaux des élèves sont
exposées au Musée cantonal des beaux-arts. « Le public
est venu nombreux au vernissage, il a manifesté son
intérêt tout au long de la semaine ; il a ouvert ses yeux sur
ce monde inconnu des jeunes handicapés mentaux » 106 .
049
L’ÉCOLE LA BRUYÈRE
≥ En 1968, afin de marquer cette volonté de changement, l’Association
de parents décide de changer le nom de l’école, Avec le
choix d’ouvrir des classes à temps plein, à terme, dans chacun de
ses centres, le qualificatif « itinérante » ne fait plus sens. L’école
s’appellera désormais La Bruyère. « Comme cette plante qui fleurit
et s’épanouit dans les landes arides, nos enfants pourront désormais
s’épanouir à la vie de l’esprit et du cœur… » s’enthousiasme
le comité dans le bulletin d’information de l’association 107 .
≥ Durant l’année scolaire 1967-1968, les enfants ne viennent
encore à l’école que deux à trois jours par semaine et les parents
doivent dès lors s’impliquer les autres jours pour mettre en place
des exercices à domicile à l’aide du matériel éducatif fourni. De
premières expériences d’école à la journée, avec repas de midi
pris en commun, sont organisées et donnent satisfaction. Elles
sont un argument de plus, de terrain cette fois, qui vient soutenir
la volonté de l’Association de parents d’ouvrir des classes à plein
temps, en externat.
À Martigny et Monthey,
les premières classes à plein temps
≥ L’année scolaire 1968-1969 est une année de transition vers
ce nouveau départ, une année de préparation. À Sion, Sierre et
Orsières, les enfants viennent à l’école à mi-temps alors qu’une
classe se tient à Vollèges, un jour par semaine, dans un local mis
à disposition par la commune. Pour la première fois, des classes
sont organisées à plein temps : deux groupes se retrouvent dans
des appartements loués à la rue de la Moya, à Martigny, sous la
responsabilité de Cilette Cretton, enseignante spécialisée, et de
Marie-Thérèse Carron, jardinière d’enfants « avec formation complémentaire
pour enfants arriérés » ; deux autres à Monthey où
un appartement a également été trouvé, rue de l’Industrie 58.
Marie-Françoise Tomasi, enseignante spécialisée, et Andrée
Voeffray, jardinière d’enfants, sont en charge des élèves chablaisiens.
Dans les deux cas, une liste d’attente existe 108 .
≥ Pour ouvrir ces classes à plein temps, le comité a dû redoubler
d’efforts, d’une part pour trouver des locaux adéquats et
dont le coût soit acceptable, d’autre part, et peut-être surtout,
pour recruter du personnel qualifié, répondant aux exigences du
Département de l’instruction publique 109 .
Des difficultés de recrutement
≥ Dans la discussion avec l’État sur le renouvellement de la
convention qui le lie à l’école La Bruyère, la question de l’encadrement
des élèves est centrale. Le DIP arrête qu’un nombre
maximum de dix élèves peut être pris en charge par une même
personne. L’école comptant désormais une centaine d’élèves à la
fin de l’année scolaire 1968-1969, pour respecter cette disposition,
du personnel doit être engagé. Le problème se situe alors
dans l’écart qui existe entre les exigences de formation établies
par le Département et la réalité du marché de l’emploi. Pour toute
nouvelle classe ouverte, l’État souhaite que soit recrutée une personne
qui dispose au moins d’un brevet d’enseignement primaire
et d’une formation spécialisée.
≥ Respecter ces conditions est extrêmement laborieux. Peu de
personnes répondent aux critères et, en ce début 1968, aucune
formation n’existe en Valais. En outre, le recrutement hors canton
est également difficile. L’association va jusqu’à imaginer recruter
du personnel en France ou en Belgique 110 .
≥ À la suite des annonces passées dans la presse au cours du
premier semestre 1968, l’association ne reçoit que trois candidatures
; aucune ne répond aux critères. Il s’agit d’une enseignante
Montessori et de deux jardinières d’enfants 111 . En juin
1968, et pour ne pas mettre en péril la rentrée scolaire à venir,
le comité propose de les engager et de les salarier directement,
en attendant que le DIP se prononce sur la question 112 .
≥ QUID DU PERSONNEL DÉJÀ ENGAGÉ ?
Pour le personnel déjà en place, et dont la formation n’est pas
reconnue par le DIP dans le cadre de l’enseignement spécialisé
– comme les jardinières d’enfants –, des cours de perfectionnement
sont exigés 113 . Les personnes concernées ne pourront pas
obtenir d’augmentation salariale tant que leur formation n’est
pas complétée 114 .
050
Créer une formation en Valais ?
≥ Le constat du manque de personnel qualifié n’est pas nouveau
; il remonte à l’ouverture de l’école itinérante. En 1967 déjà,
Simone Reichenbach obtient que des cours de pédagogie curative
soient proposés dans le cadre des formations cantonales de
perfectionnement. L’ensemble du personnel enseignant de
l’école le suit 115 . D’autres formations sont mises sur pied durant
ces premières années de l’école, pour acquérir divers outils
méthodologiques, des voyages d’études sont organisés. Pour
Simone Reichenbach, assurer de bonnes bases pédagogiques
pour l’école est indispensable 116 .
≥ Les exigences posées par l’État et la nécessité de professionnalisation
pour répondre à l’augmentation des effectifs poussent
toutefois Simone Reichenbach à redoubler d’efforts pour faire
évoluer cette situation. Des contacts sont notamment pris avec
l’Université de Fribourg qui serait disposée à donner des cours de
pédagogie curative en Valais, sous forme de formation en
emploi 117 . Une solution pourrait également être trouvée en collaboration
avec l’École d’études sociales et pédagogiques (EESP),
gérée par Claude Pahud à Lausanne 118 . Le Dr Rey-Bellet donne
son appui au projet. Locaux et professeurs pourraient être payés
par l’AI. Toutefois, l’Association de parents n’a pas pour mission
de développer une telle offre. Contact sera donc pris avec l’ASA 119 .
≥ Le projet semble se concrétiser moins vite que prévu, le chef
du Service de l’enseignement émettant quelques réserves. Nous
n’avons malheureusement pas plus de précisions à ce sujet.
Peut-être émet-il des doutes sur la formation dispensée alors par
l’EESP qui, selon une note de Simone Reichenbach, forme des
jardinières d’enfants avec spécialisation, formation qu’elle juge
excellente, mais qu’elle doit défendre auprès du DIP pour obtenir
une reconnaissance 120 .
≥ Des cours extraordinaires de formation de base pour maîtres
et maîtresses des classes de développement et écoles spéciales
sont finalement mis en place pour l’année scolaire 1969-1970 sur
Dès novembre 1969, l’Association de parents loue la Maison Turini
pour y installer les classes de son école de Sierre jusqu’au déplacement
des élèves de cette région à Sion, dans le nouveau bâtiment
construit pour l’école La Bruyère dans le quartier de Champsec,
et inauguré en 1976.
la base d’une convention signée entre le Département de l’instruction
publique et l’Institut de pédagogie curative de l’Université
de Fribourg. Le cursus complet est réparti sur cinq semestres et
comptabilise 900 heures. La formation est destinée aux enseignants
primaires avec brevet, aux maîtresses de classes enfantines
et aux titulaires d’une formation jugée équivalente. Elle est
conçue avant tout pour les personnes qui s’occupent de « retardés
scolarisables avec un QI minimum de 0,60 », soit pour les
enseignants des classes de développement. Sur le principe, les
jardinières d’enfants, les éducateurs, les élèves d’écoles normales
en cours de formation, les éducatrices des classes pour
débiles profonds – soit les éducatrices de La Bruyère – ne sont
pas admis. La commission constituée pour mettre en place cette
nouvelle formation estime en effet que ces dernières seraient
mieux formées par l’EESP. Seule possibilité pour elles : suivre les
cours en auditrices si des places sont disponibles 121 .
≥ Le combat mené par Simone Reichenbach n’a que peu servi
pour l’école La Bruyère. Il a toutefois peut-être aidé le DIP à
prendre conscience des obstacles rencontrés dans le recrutement
et de la nécessité de procéder, pour un temps, à des adaptations
des critères.
051
Ce passage au temps
plein est présenté
comme une évidence.
≥ Finalement, à l’ouverture de l’année scolaire 1969-1970,
l’école La Bruyère peut annoncer au DIP quatorze membres du
personnel éducatif : cinq diplômées en pédagogie curative, deux
diplômées de l’EESP, quatre jardinières d’enfants avec stage dans
une école spécialisée, deux institutrices diplômées en train de
réaliser leur stage de formation spécialisée, une institutrice diplômée
de l’École normale italienne et jardinière d’enfants
Montessori. On constate que l’Association de parents a fait tout
son possible pour se rapprocher des critères de professionnalisme
établis par le DIP 123 .
1969-1970 : l’école à plein temps
≥ Le 3 septembre 1969, le DIP accepte la demande de l’Association
de parents pour l’ouverture de cinq nouvelles classes à la
journée entière à Sierre, Sion et Martigny. Dans ce dernier centre,
une classe accueillera les élèves de Vollèges et celle établie dans
cette commune ferme ses portes. Dans le texte de la décision
prise ce jour-là, ce passage au temps plein est présenté
comme une évidence, tant l’ancien système à la demijournée,
appliqué « faute de maîtres, de locaux et de
classes », ne pouvait donner satisfaction, « l’état mental et
physique de tous ces enfants exigeant un effort maximum
au point de vue éducatif et scolaire ». Autre argument : ce
système est celui qui permet à l’association de bénéficier
du maximum des prestations AI 124 .
≥ Notons que cette décision, une fois de plus, est prise
« à titre provisoire » en attendant l’ouverture du centre pour
oligophrènes profonds de Monthey. Il ne s’agit toutefois sans
doute pas de remettre ici en question l’existence même d’une
école à plein temps en externat gérée par l’Association de
parents, solution préconisée par la commission cantonale sur
l’enfance déficiente en complément au centre de Monthey, mais
l’aspect transitoire de la décision porte sans doute plutôt sur le
nombre de classes ouvertes.
≥ NAISSANCE DU CENTRE
DE FORMATION PÉDAGOGIQUE ET SOCIALE
Il faut attendre 1975 pour qu’une formation en cours d’emploi
en faveur des éducateurs et maîtres socio-professionnels soit
organisée à Sion, conjointement par le Département de l’instruction
publique et l’Association valaisanne en faveur des
enfants et adolescents en difficulté (AVIEA). Il est géré par un
comité de direction comprenant des représentants des pouvoirs
publics, des institutions et des éducateurs (Association
romande des travailleurs de l’éducation spécialisée - ARTES).
Le Centre de formation pédagogique et sociale est né 122 .
≥ RÉACTIVATION DE LA FONDATION
En 1963, l’Association de parents avait créé la Fondation valaisanne
en faveur des enfants mentalement déficients, organe
qui devait se charger des aspects juridiques et financiers de
certains projets, notamment celui d’acheter l’atelier de tissage
de Sion. La fondation, qui n’est finalement pas inscrite au
registre du commerce, n’a alors pas vraiment d’existence
légale, ni d’activité 125 . Ce n’est qu’en 1968 qu’elle devient vraiment
utile. L’Association de parents développe alors son projet
d’école à plein temps et prévoit la construction d’un bâtiment à
Sion pour celle-ci. Elle développe également son secteur pour
adultes avec l’ouverture d’un deuxième atelier à Sierre et des
projets de homes-ateliers (ouverture à Sion en 1974, construction
du home Pierre-à-Voir à Saxon inauguré en 1975). Aussi,
entre 1968 et 1973, on observe « une consolidation de la fondation
dans son rôle de gestionnaire des institutions créées par
l’Association de parents » 126 .
052
Une prise en charge par classe d’âge
≥ Au vu des effectifs et du temps passé en classe, il est également
possible de répartir les enfants selon leur âge : des classes
enfantines (« classes des petits »), avec des effectifs réduits, car,
en plus des acquisitions sensori-motrices, l’apprentissage de la
vie pratique (habillement, propreté, etc.) demande un suivi individualisé
et du temps pour chacun ; des classes d’élèves en âge
scolaire (« classe des moyens ») avec une accentuation sur les
notions de la vie pratique, avec des activités manuelles, et, pour
ceux qui le peuvent, l’apprentissage de notions de lecture et de
calcul ; des classes préprofessionnelles (« classes des grands »)
dans lesquelles un accent particulier est mis sur la transition vers
une activité en atelier comprenant des exercices d’attention, de
maîtrise spatio-temporelle et des acquisitions gestuelles 127 .
≥ Au-delà de l’appellation, l’école itinérante devient alors réellement
l’école La Bruyère cette année-là, c’est-à-dire une école
répartie en centres régionaux, accueillant des enfants en âge
scolaire à la semaine et en externat.
On recevait les enfants dans un sous-sol
à Platta. Il y avait juste deux salles et une salle
de bain. On devait les recevoir vers 9h.
C’étaient les mamans qui les emmenaient alors
on ne savait pas… Il y avait certains qui arrivaient
à 8h, d’autres à 9h, de ceux qui venaient plus tard,
etc. On avait fait deux groupes de six.
Un qui venait lundi, mercredi, vendredi. Et l’autre
groupe qui venait mardi, jeudi, samedi.
On travaillait le mercredi toute la journée,
le samedi toute la journée. Les enfants venaient
avec leur pique-nique, mais certains enfants
n’avaient rien du tout. Alors on essayait
de distribuer un peu, pour que tout le monde
puisse manger. Le soir, souvent, les parents
n’étaient pas prêts à 16 h… parfois on finissait
à 18 h. C’était dur. Mais j’étais contente ! Je faisais
une nouvelle expérience. J’avais enseigné
avec des élèves de l’école normale (la scuola
magistrale) et ça me changeait. Avec ces enfants,
on devait enseigner les choses pratiques :
comment enlever le manteau, comment délacer
les souliers, comment se laver les mains,
comment manger.
Anne-Marie Mayor, enseignante
à l’école La Bruyère de Sion dès 1968.
Entretien mené en 2021.
École La Bruyère, 1971.
En 1971, l’école La Bruyère de Martigny est transférée des appartements
de la rue de la Moya à la villa Coquoz, propriété de la Commune
sise rue du Nord 1. La Fondation loue la bâtisse dans sa totalité.
054
PAROLES D’ARCHIVES
LE TRAVAIL DES ÉDUCATRICES
≥ L’école itinérante n’existerait pas sans des personnes prêtes à s’engager pour prendre en charge des groupes d’enfants avec handicap
mental. Nous avons déjà souligné l’engagement sans faille de Simone Reichenbach. À partir de 1965, face à l’augmentation du nombre
de demandes, d’autres personnes s’investissent pour assurer l’éducation des enfants et pour faire vivre les différents centres régionaux.
Marie-Françoise Tomasi est de celles-là. Alors qu’elle est étudiante en psychologie à l’Université de Genève, avec notamment pour professeurs
André Rey et Jean Piaget, Simone Reichenbach la contacte pour lui proposer de travailler avec elle. À l’automne 1965, elle
l’accompagne le mercredi après-midi auprès d’un groupe de Monthey. Puis, à partir de janvier 1966, elle se charge seule, d’abord, de
cinq élèves, pour une journée, puis dix et enfin dix-neuf en novembre 1967 en augmentant son temps de travail. En septembre 1968,
une seconde personne est engagée pour l’aider. À l’ouverture de La Castalie, en 1972, l’école La Bruyère de Monthey est intégrée au
centre médico-pédagogique et ses élèves sont répartis dans différentes classes selon leur niveau et leur handicap. C’est là que Marie-
Françoise Tomasi poursuivra sa carrière.
≥ En 2012, l’ancienne responsable du centre de Monthey confie quelques-uns de ces souvenirs. En voici un extrait à lire comme
un « instantané de vie » de l’école durant l’année scolaire 1967-1968 128 .
Je travaille désormais à plein temps. Les élèves viennent à temps partiel, car, entre septembre et novembre, leur nombre
passe de quinze à dix-neuf. Le temps de classe varie de deux jours et demi à une demi-journée selon les problématiques
et les possibilités. Deux élèves sont pris individuellement pour une à deux heures. Niveau : première préhension de
l’objet jusqu’à l’apprentissage de la lecture.
C’est un mélange d’élèves étonnant : des handicapés sans diagnostic précis, des trisomiques, des IMC mais qui peuvent
marcher à peine (la salle est au 3 e étage), des autistes, des psychotiques, un enfant plutôt surdoué mais avec une
psychose symbiotique et un enfant de Monthey qui est à temps partiel dans une classe enfantine (il ne disait rien), mais
qui parlait dans ma classe.
La composition des groupes est basée sur les aspects pratiques [ndlr : notons toutefois que lorsque le regroupement par
niveau était possible, cette option était privilégiée 129 ]. Mercredi : élèves de la Vallée, car les parents viennent au marché.
Mardi : ceux de Morgins, du home La Forêt. Jeudi : ceux de la plaine du Rhône amenés par une dame. Les autres selon
entente avec les parents et possibilités de la classe.
055
PAROLES D’ARCHIVES
PLACER SON ENFANT, UNE SOURCE DE SOUFFRANCE
≥ Au milieu des années 1960, malgré les efforts réalisés par l’Association de parents, la situation des familles avec des enfants déficients
mentaux reste en Valais très souvent précaire. Un échange de correspondance, datant de 1967, retrouvé dans les archives de
l’Association de parents, l’illustre bien. Une maman qui n’arrive plus à s’occuper de sa fille handicapée avait trouvé une solution de
proximité auprès d’une femme de la région qui prenait en charge des enfants. Au vu de son âge avancé, celle-ci a décidé d’arrêter cette
activité. D’autres solutions doivent dès lors être trouvées. L’Association de parents, via son président, puis sa secrétaire assistante sociale,
sont en contact avec une maman, veuve, empêchée de s’occuper de sa fille pour cause de santé 130 .
Vous vous souvenez sans doute d’une visite que je vous ai
faite, l’an passé, quand je travaillais au service de Pro
Infirmis. Nous avions parlé de [votre fille]. Depuis, je l’ai vue
à plusieurs reprises chez M me Mischler et j’ai bien compris
qu’il ne vous était plus possible de vous occuper [d’elle].
[…] Monsieur Lovey m’a dit combien vous étiez soucieuse,
car M me Mischler ne veut plus garder les enfants, à partir de
juin.
Je voudrais vous assurer que M lle Brunner qui m’a remplacée
à Monthey prend sa tâche très au sérieux. […] Elle fera tout
son possible et même l’impossible pour trouver une place
pour votre enfant […] C’est souvent à la dernière minute
que l’on trouve quelque chose, car les instituts alors voient
que l’on est acculé et trouvent tout de même une petite
place. […]
En Suisse allemande, on a parfois la chance de trouver une
place, car les instituts y sont plus nombreux qu’en Suisse
française. Cela vous paraît terriblement loin et pourtant, on
s’habitue assez vite à faire des voyages un peu plus longs,
on y prend même plaisir, petit à petit. Le plus important est
que [votre fille] soit entourée d’un gentil personnel et
reçoive tous les soins nécessaires. Savez-vous qu’il y a
beaucoup de Valaisans handicapés mentaux qui sont expatriés
dans d’autres cantons ? Je suis sûre qu’[elle] réussira
aussi à s’acclimater dans un milieu allemand.
Je vous remercie de votre lettre qui me fait beaucoup de
bien, car je suis si désemparée et bien gros souci pour [ma
fille]. Qu’elle va loin n’est pas tellement un problème si cela
est dans de bonnes conditions sous surveillance, maintenant
je peux me déplacer facilement. J’ai un tout gros chagrin
de ne pas avoir l’enfant avec moi, mais ce n’est pas
possible, ma santé ne me permet pas. […] Après tant de
grandes épreuves, je ne puis avoir à satisfaction de l’enfant
que de m’en priver encore par l’éloignement. Mon plus
grand désir et qu’[elle] soit pour le mieux, c’est l’essentiel.
Ce sera alors pour moi un soulagement.
Réponse reçue par l’Association de parents, 18 [mars] 1967
Extrait d’une copie de lettre de l’assistante sociale, secrétaire
de l’Association de parents, 17 mars 1967
056
PAROLES D’ARCHIVES
LE CADRE PÉDAGOGIQUE DE L’ÉCOLE
≥ Dans une lettre adressée en novembre 1967 au Conseiller d’État Marcel Gross, chef du DIP, Simone Reichenbach expose notamment
sa vision de la déficience mentale et de l’éducation 131 . La missive nous permet de connaître ses influences, le courant dans lequel l’école
itinérante s’inscrit ainsi que la pédagogie qui y est développée au quotidien. La directrice de l’école itinérante cite évidemment Jean Piaget,
mais également sa principale collaboratrice, Bärbel Inhelder, et Robert Lafon, psychiatre, professeur à la faculté de médecine de
Montpellier, président de l’Association française de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence.
Tout débile est un combiné : comme tout être humain, il
est à la foi totalité et complexité. C’est une mosaïque
d’insuffisances actuelles et de potentiels méconnus. Il ne
faut pas le considérer comme un être en dessous de la
normale et penser qu’il ne sera jamais achevé ou complet,
mais comme un être différent qui peut arriver à sa maturité.
Il est dangereux de dire que son âge mental ne dépassera
jamais 6 ou 9 ans par exemple. […] Ce qu’il faut
essayer de mettre en évidence, ce n’est pas une insuffisance
quantitative et globale, mais une somme analytique
qualitative avec des capacités actuelles, et si possible
futures, en sachant bien que la débilité mentale n’est pas
un état statique, mais un moment dans une situation.
L’éducation est un voyage au radar, et non pas une expédition
dont le trajet est déjà déterminé par l’étiquette mise
au départ.
« … Quand on est handicapé, pour ne pas manquer le
train, on part plus tôt que les autres. Ici nous devons faire
de même, n’attendons pas l’âge où les autres sont en
classe pour bénéficier de l’action éducative et pédagogique
du maître, pour avoir recours aux spécialistes de
l’éducation spéciale. » (Professeur Lafon de la faculté de
médecine de Montpellier, in Sauvegarde de l’enfance,
mars 1965, n o 1/2/3.)
C’est donc très tôt et d’une façon régulière que nous
allons suivre l’enfant en l’aidant à développer ses possibilités
au maximum avec l’aide de jeux éducatifs appropriés.
Il faut aider l’enfant dans son évolution plus lente, mais
réelle, et avec le même stade que chez l’enfant normal ;
mais l’enfant déficient mental n’atteint jamais un certain
palier (cf. Inhelder et Piaget).
Ces quelques idées émises par d’éminents spécialistes
sont des idées de base pour un travail comme le nôtre.
Nous y ajouterons ce qui nous semble primordial : l’enfant
déficient mental, comme tout autre enfant, a le droit de
vivre heureux et de s’épanouir, épanouissement à sa
mesure, avec ses possibilités, ses moyens qui sont
valables.
L’éducation sera donc aussi complète que possible : nous
essayerons, par des exercices bien conduits, de permettre
à l’enfant une intégration toujours meilleure dans sa
famille, dans son entourage (les amis, le curé, les gens du
quartier, les commerçants chez qui il se rendra avec sa
mère). Pour cela, il faut que l’enfant acquière de bonnes
habitudes de propreté, de manger seul ; rééducation des
troubles psychomoteurs qui l’empêchent de s’asseoir, de
marcher, de prendre conscience de son schéma corporel,
d’agir avec plus d’adresse dans des situations pratiques,
de s’exprimer verbalement.
Nous ajouterons à cela, bien sûr, les notions scolaires
lorsqu’elles peuvent être acquises, et surtout une éducation
manuelle qui permette à nos enfants une intégration
professionnelle dès leur sortie de l’école.
057
PAROLES D’ARCHIVES
LA FAMILLE, GAGE D'ÉPANOUISSEMENT
≥ En 1967, dans le bulletin Main dans la main, une maman, Cécile Hiroz, confie son expérience et dit « son espoir » pour son fils,
Stéphane, atteint de trisomie 21.
Ayant un petit garçon mongolien, je me trouve au cœur
même des problèmes et des réalités touchant l’éducation
et l’épanouissement des enfants mentalement déficients.
Ces enfants-là ont autant et même plus que les autres,
besoin d’une vie de famille réelle et vivante. Ils ne pourront
probablement pas créer un foyer, avoir leur famille à
eux. Leur seule famille sera celle de leur enfance, de leur
jeunesse, celle qu’ils vivront avec leurs parents, leurs
frères et sœurs. Ils ont droit à ce bien unique, qui est
nécessaire à leur épanouissement et à leur développement
harmonieux, et qui leur permettra d’être plus tard des
gens sociables.
L’enfant retardé est un enfant lent, lent aussi à s’intégrer
dans un milieu, à en faire partie. Si on le met les
¾ de l’année dans un internat, il ne pourra jamais se
réintégrer dans la vie de famille pendant les vacances
[…].
Et ses frères et sœurs ? Comment s’attacheront-ils à un
enfant déjà moins attirant qu’un autre par son retard […]?
Ma fillette de douze ans, me disait tout à coup en serrant
notre petit mongolien dans ses bras : « Ah ! Maman, tu ne
trouves pas, plus ou va, plus on l’aime ! » Et le frère de
quatre ans et demi : « Jésus est trop gentil, parce qu’il
nous a donné Stéphane. » Et le grand frère de quatorze
ans : « Maintenant, c’est un vrai petit frère, un compagnon
! » Et encore la sœur de neuf ans, au départ d’une
promenade en famille : « Réservé pour moi aujourd’hui de
garder Stéphane. » Et elle en a effectivement pris soin tout
le jour.
Combien d’autres réflexions, de gestes, d’élans d’amour
pourrais-je citer. Ce sont des impondérables, mais ces
mille impondérables qui forment l’affection, qui lient
entre eux les êtres d’une même famille n’existeront jamais
dans une vie d’internat. […]
L’internat est une solution technique de l’éducation, parfois
nécessaire dans certains cas, mais il y manque l’essentiel
à un enfant retardé : la chaleur du nid familial. […]
Sa personnalité se développera beaucoup plus nettement
dans l’atmosphère familiale qui est la sienne que dans la
vie forcément standardisée de l’internat. Comme une instruction
spéciale est nécessaire à la plupart de ces
enfants, il me paraît indispensable de créer le plus grand
nombre possible d’écoles régionales, non seulement dans
les cités, mais dans les villages bien situés de nos diverses
contrées, où les enfants viendront le matin et repartiront
dans l’après-midi ou vers le soir pour regagner leur foyer.
Les enfants retardés auront ainsi, d’après leurs capacités,
une vie aussi semblable que possible à celle de leurs compagnons
de vie : frères et sœurs, voisins, amis. Ils grandiront
en harmonie avec eux, s’habituant peu à peu à une
vie sociale, qui les préparera dans leur milieu à affronter
malgré leur handicap une vie d’adulte, plus ou moins indépendante
ou dirigée, mais toujours personnelle et liée à
celle des autres.
L’expérience des écoles itinérantes en Valais me paraît être
un gage de réussite des écoles régionales quotidiennes.
[…] Les progrès sont réels et très encourageants. Si quinze
jours font déjà tant de bien, combien plus grands pourront
être les progrès de nos petits s’ils peuvent, en âge de scolarité,
« aller à l’école » chaque jour. […]
≥ « JE VEUX LE SOLEIL DEBOUT »
En 1985, Stéphane est le personnage principal
d’un documentaire réalisé par son frère,
Pierre-Antoine. Le film reçoit quatre prix
dans des festivals internationaux.
058
ÉCLAIRAGE
L’ÉDUCATION RELIGIEUSE :
UN POINT D’INQUIÉTUDE
≥ L’école valaisanne a la mission de seconder la famille dans
l’éducation et l’instruction de la jeunesse. À cet effet, elle
recherche la collaboration de l’Église. Elle s’efforce de développer
le sens moral, les facultés intellectuelles et physiques de l’élève,
de le préparer à sa tâche d’homme et de chrétien.
Art. 3 loi de 1962 sur l'instruction publique
≥ Dès les débuts de l’école itinérante, l’éducation religieuse est
une préoccupation centrale pour les parents d’élèves, comme
pour le comité et le personnel enseignant 132 . Ainsi, en 1964, à
l’approche de Pâques et du sacrement de la communion, peut-on
lire dans le Main dans la main : « Je connais des parents qui
auront le cœur serré car la croix se fait tout d’un coup pesante,
lourde, insupportable… ah ! pourquoi notre enfant se voit-il privé
de cette félicité de recevoir Jésus, de recevoir Celui qui disait
‹ Laissez venir à moi les petits enfants ›? Pourquoi ? ». Après avoir
expliqué que grâce à « l’acte expiatoire du Christ l’arriération mentale
n’est pas définitive », que « ce que Dieu répare est plus vierge
et plus profond que dans son intégrité primitive », l’auteur de ces
lignes rappelle que l’éducation familiale est primordiale et que
c’est avant tout par l’exemple que les parents peuvent former de
jeunes chrétiens. Les parents peuvent prendre conseil auprès de
leur paroisse et de l’éducatrice de leur enfant s’ils souhaitent
savoir comment transmettre des bases de catéchisme, mais
l’Association de parents souhaite aller plus loin en proposant des
cours de catéchèse adaptés 133 . Pour l’association, selon les
termes de Simone Reichenbach, l’enseignement religieux est tout
aussi importante que l’éducation 134 .
Visite en Valais de l’abbé Bissonnier, apôtre des
handicapés mentaux
≥ Le 17 février 1965, à l’invitation de l’Association de parents,
l’abbé Henri Bissonnier 135 , prêtre français, pionnier de l’éducation
religieuse à destination des enfants et adolescents handicapés,
donne une conférence à Sion. Elle est pour les parents une lueur
d’espoir. L’homme d’Église corrige en effet l’idée reçue que
Comment expliquer la profonde émotion
qui nous a saisis lorsque nos enfants sont entrés
dans la chapelle en aube blanche, le visage
heureux ! […] Puis, la messe. Une messe pas
comme les autres, belle, authentique. M. l’abbé
Bruchez, avec une merveilleuse simplicité, a su
trouver les mots vrais et imagés pour captiver
les enfants, pour leur parler de leur ami Jésus.
Chacun de nous fut émerveillé par leur sagesse
et leur sérénité tout au long de la cérémonie.
Il est certain que nos enfants – même s’ils sont
limités – ont ressenti très profondément
la présence du Seigneur ; ils ont chanté de tout
leur cœur, ils ont été heureux !
Extrait d’un témoignage manuscrit de Marylouise Dayer, sans
date 139
l’« insuffisant mental, surtout le débile profond, soit incapable
d’une authentique vie spirituelle et religieuse ». Une quinzaine
d’années d’expérience avec des jeunes souffrant de handicap
mental lui ont montré qu’ils disposaient d’un « sens religieux »,
même si celui-ci s’exprimait par des modes d’expression rudimentaires.
Aucun doute pour lui que l’enfant handicapé mental
peut recevoir une éducation religieuse et la vivre pleinement.
≥ Quelques jours avant sa conférence, l’abbé Bissonnier se
trouvait à Rome pour une réunion d’experts consacrée à l’« intégration
professionnelle, sociale et ecclésiale de l’insuffisant mental
». Le pape a en outre reçu en audience spéciale les membres
de la conférence. Le numéro de Main dans la main se poursuit
ainsi en proposant un résumé des discussions romaines et,
notamment, en reproduisant le discours du pape à cette
occasion.
059
Des premiers cours de catéchèse
≥ En 1965, un premier cours d’éducation religieuse est donné
aux élèves de Sion par une sœur de la région. Simone
Reichenbach le suit afin de pouvoir elle-même donner le catéchisme
136 . L’expérience est reproduite ensuite à Monthey 137 .
≥ À partir de l’automne 1966, la section fribourgeoise de l’ASA
organise une formation pour catéchistes spécialisés. Elle sera
suivie par le chanoine Ducrey qui appliquera ensuite la méthode
à Martigny et à Vollèges. Le 11 mai 1969, grâce aux bons résultats
obtenus, une cérémonie de première communion peut être
organisée à la chapelle du séminaire à Martigny 138 . Il s’agit là
d’une première !
≥ En 1972, des cours de catéchèse sont donnés dans tous les
centres par un prêtre.
1977 : un aumônier pour l’éducation spécialisée
≥ Plusieurs mentions dans les procès-verbaux du comité
montrent que l’Association de parents fait des démarches dès
1965 auprès de l’évêché de Sion afin de développer une catéchèse
spécialisée et de disposer officiellement d’un aumônier. Il
semble toutefois que ce vœu fut relativement long à réaliser.
Il aboutit en 1977 avec la désignation de l’abbé Firmin Rudaz
comme aumônier pour l’éducation spécialisée. Une démarche
conjointe des institutions et des parents, par le biais de l’Association
valaisanne des institutions pour enfants adolescents et
adultes en difficulté (AVIEA), permet cette réalisation. Son rôle est
plutôt celui de coordinateur pour la formation des catéchistes, des
éducateurs, pour animer des rencontres de réseau entre aumôniers
et catéchistes, faire le lien avec les paroisses.
Entre
renforcement
institutionnel
et remise
en question
Au cours des années 1970,
l’État s’investit toujours plus dans
le domaine de l’accompagnement
des personnes avec un handicap
mental. Avec son soutien ou sous
son impulsion, les structures
de prise en charge se diversifient :
le centre pour oligophrènes
profonds, La Castalie, en projet
depuis le milieu des années 1960,
est sur le point d’ouvrir ses portes ;
l’ORIPH, organisation romande
dont le but est de favoriser
la formation et à l’orientation
professionnelles des personnes
handicapées ou en difficulté,
s’implante à Sion en 1969 ;
le home-atelier Pierre-à-Voir
pour adultes est en projet
sous l’égide de la Fondation
en faveur des handicapés mentaux ;
l’école La Bruyère réfléchit
à la construction de bâtiments
à Sion et à Martigny. Face
à la multiplication des institutions,
la nécessité de structurer,
de coordonner, de professionnaliser
est toujours plus forte.
Êcole La Bruyère. Photo provenant des archives d’Insieme Valais romand. Date inconnue.
063
UN CONTEXTE EN MUTATION
≥ En 1971 est créé un poste de préposé aux handicapés, rattaché
au DIP. Le Conseil d’État nomme André Berclaz, alors
sous-directeur de l’Institut Saint-Raphaël. L’année suivante, le
Grand Conseil accepte une motion demandant l’élaboration d’une
loi sur la formation scolaire et professionnelle et l’occupation des
personnes handicapées mentales et physiques 140 . Elle sera adoptée
par le peuple en 1978. Elle consacre le principe d’intégration :
professionnelle, sociale et scolaire. La loi prévoit l’ouverture de
« classes primaires à effectif réduit permettant l’intégration d’un
ou plusieurs handicapés » 141 . Une telle classe est déjà ouverte à
Sierre à titre d’essai 142 . Des classes dites AI pour les élèves avec
déficience intellectuelle et « scolarisables » existent depuis 1975
au centre scolaire de Martigny pour le niveau primaire. Un premier
pas vers plus d’intégration était ainsi déjà réalisé par la
Ville 143 .
L’inexorable diminution des effectifs
≥ À partir de 1975, le nombre d’élèves de l’école La Bruyère
ne cesse de baisser. En 1979, pour la première fois de son histoire,
elle n’enregistre aucune nouvelle admission 144 . Entre 1976
et 1985, les effectifs accusent une chute de 30 %. Plusieurs
explications sont données : la dénatalité, l’apparition de nouvelles
institutions à destination de l’enfance, l’ouverture de classes
d’adaptation 145 – deux classes de ce type sont par exemple
ouvertes à Martigny en 1975 et accueillent une population très
proche de celle de La Bruyère 146 . Le progrès de la médecine et
de la prévention sont également pris pour argument 147 . Dès lors,
l’école doit faire face à une « sous-occupation » du personnel à
Martigny, mais pas uniquement 148 . Cet état de fait n’est sans
doute pas pour rassurer les éducatrices qui sont déjà confrontées
aux discussions sur le changement de leur statut et doivent s’habituer
à une nouvelle structure. Des négociations sont engagées
La chose qui m’a le plus frappée et qui me
frappe encore aujourd’hui, c’est que ces enfants
n’étaient pas dans l’école publique. L’école
publique était ouverte à tous sauf à eux. Ce sont
les parents qui avaient dû mettre en place tout
un circuit de formation. Je crois que je suis
entrée en politique à cause de ça. C’est vrai que
c’est la première chose dont je me suis occupée
[à mon entrée au Grand Conseil] : de réclamer
l’ouverture de classes officielles, publiques, pour
ces enfants-là. C’est venu. Ce n’est pas venu
forcément parce que je le réclamais. Les parents
avaient fait un travail époustouflant. C’est eux
qui se sont battus pour obtenir des droits
élémentaires.
Cilette Cretton, enseignante spécialisée,
députée au Grand Conseil de 1973 à 1985.
Entretien mené en 2021
Sur vingt enfants qui nous ont quittés, treize
ont accédé à des classes ou ont été admis
dans des institutions plus proches du circuit
des classes normales. Pour la première fois, nous
avons pu laisser partir des grands qui ont été
admis dans les ateliers de l’APHM [l’Association
de parents] à Saxon et à Sierre.
Rapport annuel 1975 149
064
avec le Département de l’instruction publique afin d’éviter de
mettre au chômage une partie du personnel. L’organisation des
classes est modifiée pour que chaque membre du personnel
éducatif soit occupé. Cette solution assure un statu quo pour
l’année scolaire à venir, mais, en cas de démission, le poste ne
sera pas repourvu 150 .
≥ Les organes de direction de l’école ne peuvent qu’en prendre
note, accepter qu’il s’agit d’un mouvement qu’ils ne peuvent freiner
et s’y adapter.
≥ Dans ce contexte en forte mutation, l’école La Bruyère va
devoir faire face à de nombreux défis. Alors qu’elle semblait avoir
atteint son objectif et obtenu la reconnaissance souhaitée par
l’État, on aurait pu penser que la décennie 1970 serait celle de
la stabilité ; elle finit toutefois plutôt sur une crise identitaire qui
mène à repenser en profondeur la structure de l’école. L’évolution
dans la philosophie de la prise en charge des handicapés mentaux,
avec le passage de la « séparation » à « l’intégration », aboutit
à la fin des années 1980 au transfert de l’école La Bruyère aux
communes.
Effectifs des élèves
de La Bruyère, Sion et Martigny.
Source: Rapport annuel 1986
Nombre
d'élèves
100
95
90
85
80
75
70
60
55
50
45
40
Années
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
Relevons ici que le problème des handicapés est l’un des plus complexes
qui soit dans notre canton, tant les efforts sont disparates. Une centralisation et
une coordination s’imposent.
Extrait du Journal de Sierre du 3 décembre 1971 à l’annonce de la création du poste de préposé
aux handicapés
École La Bruyère, Sion. Sans date [Années 1970].
065
066
PAROLES D’ARCHIVES
HOMMAGES À SIMONE REICHENBACH
≥ En 1972, une soirée d’adieu est organisée au centre de Sion au moment du départ de Simone Reichenbach. À cette occasion,
plusieurs personnes lui rendent hommage dans le Main dans la main 151 . Extraits.
Un départ est toujours teinté de tristesse pour ceux qui
restent, un peu comme des orphelins et des abandonnés.
Madame Reichenbach avait pris une telle place, au sein
de notre association, que son départ nous laisse désemparés
et surpris, devant l’ampleur des tâches qui nous
attendent.
Que de chemin parcouru sous la houlette de Madame
Reichenbach […]. Il fallait avoir le courage, le dévouement
et les capacités intellectuelles et morales de
Madame Reichenbach, pour mener à chef une telle œuvre.
Première classe de l’école itinérante, Sion, 1963.
Debout, à droite: Simone Reichenbach.
Et pourtant, les écueils n’ont pas manqué sur son chemin.
Grâce à elle, les difficultés rencontrées à l’AI, à l’État du
Valais, et j’en passe, ont toujours été aplanies. Par son
entregent, par son humeur toujours égale, par son objectivité
jamais prise en défaut, elle a sans cesse atteint les
objectifs fixés au plus près des intérêts de notre association
et de nos chers handicapés, qui étaient sa seconde
famille.
Bien plus, Madame Reichenbach a su s’entourer de collaboratrices
et collaborateurs compétents, […]. Si elle
était exigeante et ne se contentait pas de l’à peu près,
c’est qu’elle ne perdait pas de vue le bien de nos enfants
et le personnel devait répondre à son attente. Dans ce
domaine, elle ne fut peut-être pas toujours très bien comprise
et secondée comme elle l’aurait mérité ; mais en
toute occasion elle a su trouver les accents du cœur et la
voix de la raison pour faire respecter l’ordre, la discipline
et l’harmonie.
L’activité de M me Reichenbach ne s’est pas seulement limitée
aux tâches scolaires, mais encore elle trouvait le
temps nécessaire pour se pencher sur le cercle des
parents ! Que de colloques fructueux, organisés par ses
soins, où tous les problèmes pouvaient être débattus et
étudiés en commun !
Ne s’est-elle pas penchée également, sur le dépistage de
la première enfance, organisant à cet effet, un service
spécial ?
Je ne veux pas m’étendre davantage sur les mérites que
s’est acquis Madame Reichenbach au sein de notre association,
dont elle fut, à la fois, l’esprit qui vivifie et l’âme
qui la faisait vivre. […]
Jules Délèze, président
067
C’est avec une vive émotion que nous avons appris votre
prochain départ. Immédiatement, nous avons réalisé tout
ce que nos enfants allaient perdre. Je ne parlerai pas ici
de vos compétences pédagogiques que chacun a pu
apprécier ; nous savons tous ce que l’école La Bruyère est
devenue en quelques années grâce à vos inlassables
efforts ; c’est votre œuvre, vous pouvez en être fière !
Je voudrais insister davantage sur ce que vous avez été
pour nos enfants : quelqu’un qui les entoure d’affection,
de bonté et de compréhension. Votre souci était de les
rendre indépendants et d’éveiller leurs intelligences bien
sûr, mais surtout de les épanouir et de les rendre heureux.
Que de patience et de temps vous avez donné pour que
nos handicapés aient une vie comme les autres enfants !
Votre ténacité est venue à bout des problèmes que nous
croyions insurmontables, nous parents. Et ce qui nous
touche le plus, c’est que chaque enfant, quel que soit la
gravité de son handicap, est pour vous une personne
importante, un être à part entière qui a tous les droits et
même davantage.
Votre départ est une perte d’équilibre. […] Avec vous,
chaque jour, nous retrouvions la logique de notre
ensemble. Nous vivions en paix. Il y a quelque temps
pourtant, notre construction a tremblé ; les chefs du
Centre d’oligophrènes profonds de Monthey vous demandaient
d’accepter la direction de l’institut. Pour nous,
cette nouvelle avait un peu le son du glas, pourtant, je
tairai notre inquiétude pour ne laisser paraître que la
fierté et la joie de voir notre directrice devenir responsable
d’une mission aussi importante. […] Ce que vous avez
commencé, vos rejetons vont essayer de le continuer. Le
travail ne sera pas trop ingrat, vous laissez une terre fertile,
nous gardons pourtant l’espoir de continuer à bénéficier
de vos conseils.
Germaine Carron, pour le personnel éducatif
« Mot d’un parent », Marylouise Dayer
068
RESTRUCTURER
≥ S’il nous fallait trouver un marqueur symbolique du changement
d’époque pour l’école La Bruyère, ce serait sans aucun
doute la démission, en 1971, de sa première directrice et sa
cheville ouvrière, Simone Reichenbach, sollicitée pour prendre la
direction du nouveau centre médico-éducatif de Monthey, La
Castalie. Le temps des pionnières prend fin. L’année précédente,
Nicole Lachat avait déjà quitté l’association puisqu’elle choisissait
de déménager hors du Valais.
≥ Le comité de l’Association de parents le sait, ces départs
vont marquer le début d’une nouvelle ère, d’autant que le succès
rencontré par les classes à plein temps oblige à revoir l’organigramme
de l’école et sa structure. Une première séance est
organisée avec les éducatrices afin d’y réfléchir. Une responsable
est désignée pour chaque centre, avec un cahier des charges
spécifique 152 . En février 1972, un nouveau directeur, André
Dupertuis, est engagé. Il peut compter sur le soutien d’un adjoint.
La Fondation en faveur des handicapés
mentaux, nouvelle gestionnaire de l’école
≥ Dans le courant de cette même année, une autre mutation
de taille intervient : l’école La Bruyère est rattachée à la Fondation
en faveur des handicapés mentaux et non plus directement à
l’Association de parents. Pour sa gestion, le Conseil de Fondation
nomme toutefois un comité de direction, dans lequel figurent des
représentants de l’association 153 .
≥ Cette modification n’est pas sans conséquence pour les
parents 154 . Des membres du comité se plaignent d’ailleurs d’un
manque de communication et d’avoir été mis devant le fait
accompli. Il leur est expliqué que cette solution ne vient pas de
l’association, mais qu’elle a été « voulue par l’AI et par l’État » 155 .
≥ Un rapport daté de mai 1972, conservé dans les archives de
l’école La Bruyère et signé par André Berclaz, confirme qu’il est
l’initiateur de ce changement. Le préposé cantonal aux handicapés
y expose les difficultés rencontrées par l’école sur divers
plans : d’abord, au niveau éducatif, il estime que les parents,
« marqués par le problème de leur enfant » peuvent manquer de
recul, que les décisions prises le sont parfois sur la base d’un cas
plutôt que de l’ensemble, que, comme ils considèrent La Bruyère
comme « leur école », ils interviennent facilement auprès des
éducatrices rendant parfois la tâche de ces dernières difficile.
Ensuite, il constate un manque de clarté dans la répartition des
tâches et des responsabilités, d’une part, entre l’école et l’Association
de parents, d’autre part, entre l’association et la
fondation. Enfin, il note qu’il est difficile pour l’État de
savoir qui est son interlocuteur entre la direction de
l’école, l’association, la fondation. Fort de ces arguments,
il propose que l’école soit rattachée à cette dernière. Cela
lui donnerait « une certaine indépendance vis-à-vis des
parents, vu que les membres de la fondation ne sont pas
tous des parents d’enfants handicapés » 156 . L’OFAS appuie
cette prise de position. Notons que, dans le même temps,
l’Assemblée des délégués de la Fédération suisses des
Associations de parents invitait les différentes sections à confier
la gestion des institutions à des fondations afin de se libérer d’un
travail administratif lourd et de pouvoir se consacrer à d’autres
projets 157 .
Un rattachement au DIP
≥ Une nouvelle convention est signée le 6 avril 1976 avec
l’État du Valais, qui entre en vigueur de manière rétroactive au
1 er janvier de cette année-là 158 . Par ce document, l’État confie à
la Fondation « l’éducation spécialisée en semi-internat (repas de
midi) des enfants déficients intellectuels éducables sur le plan
pratique du Valais romand, à l’exclusion des tâches réservées à
La Castalie ». On peut y voir une reconnaissance du travail réalisé,
mais également une volonté de « faire entrer l’école dans
On peut y voir une
volonté de « faire entrer
l’école dans le cadre »
posé par l’État pour
l’éducation spécialisée.
069
Nouvel organigramme de l’école La Bruyère.
Le premier comité de direction, désigné le 22 août 1972, est composé de André Berlcaz, préposé
aux handicapés de l’État du Valais, président; Fernand Deslarzes, inspecteur scolaire ; Raymond Héritier,
secrétaire permanent de l’Association de parents; Marylouise Dayer, membre du comité de l’Association
de parents, Emmanuel Chevrier, représentation de la Fondation en faveur des handicapés mentaux.
070
Photo d’archives d’Insieme Valais romand. Date inconnue. École La Bruyère, 1971.
071
le cadre » posé par l’État pour l’éducation spécialisée. Si le
Département de l’instruction publique avait déjà son mot à dire
dans l’organisation de l’école La Bruyère puisqu’elle était subventionnée
par l’État, avec cette convention, elle est encore plus
étroitement dépendante du DIP, et plus particulièrement du
Service de l’enseignement primaire et des écoles normales. Elle
doit suivre ses directives non seulement en matière de calendrier
scolaire et d’engagement du personnel, mais également en ce qui
concerne la ligne pédagogique à suivre 162 . Dès 1977, un poste de
conseillère pédagogique aux classes spéciales du Valais romand
est créé. La personne engagée, Marion Salamin, apportera son
soutien dans les années qui suivent afin de préciser et d’adapter
la pédagogie et la méthodologie en vigueur dans l’école.
≥ D’un point de vue financier, l’État participe aux frais de fonctionnement
par une contribution journalière aux coûts d’école
telle que prévue par l’OFAS. Pour les cas non AI admis à l’école,
il offre un supplément pour les frais d’école et de pension, égal
au montant prévu par l’AI. Il s’engage également à couvrir le solde
des dépenses d’exploitation après déduction des subventions
fédérales, jusqu’à concurrence de 12 francs par jour, à prendre
à sa charge jusqu’à 80 % d’un éventuel déficit.
≥ Cette nouvelle structure entraîne d’importants changements
pour l’Association de parents, les parents d’élèves 163 ainsi que
pour les éducatrices qui perdent en autonomie et se voient désormais
soumises à une hiérarchie relativement lourde et à un cadre
plus strict 164 . Les archives de l’école montrent bien les tensions
qui existent durant cette décennie entre le personnel éducatif et
le comité de direction, voir le Conseil de Fondation 165 . Dans certains
centres de l’école La Bruyère, les relations au sein même
de l’équipe éducative sont difficiles et la manière de les améliorer
est fortement discutée dans les colloques 166 .
≥ L’ASSOCIATION DE PARENTS,
TOUJOURS EN SOUTIEN
L’Association de parents reste très impliquée pour l’école et les
ateliers. En 1979, elle accepte notamment de couvrir à titre
exceptionnel leur déficit d’exploitation 159 . Les finances sont
alors préoccupantes, comme le signale André Dupertuis dans
une lettre envoyée aux parents d’élèves pour la rentrée scolaire
1979-1980. Le déficit à couvrir par les fonds propres de l’école
doit impérativement diminuer dans les années à venir 160 . Pour
le directeur, une manière pour les parents de soutenir les
finances de La Bruyère est d’envoyer régulièrement leur enfant
en classe. Cela est bien sûr impératif pour des raisons pédagogiques,
mais cela assure également à l’école plus de rentrées
financières puisque l’aide de l’AI est calculée selon le nombre
de journées de présence des élèves 161 .
072
ÉCLAIRAGE
UN GRAND PROJET : LA CONSTRUCTION DE L’ÉCOLE DE CHAMPSEC
≥ Avec l’augmentation des effectifs et l’instauration des classes
à plein temps au tournant des années 1970, le comité de l’Association
de parents est sans cesse préoccupé par la recherche de
locaux pour accueillir les classes. Après analyse, il estime que la
construction d’un bâtiment à Martigny, pour cette région, et d’un
autre à Sion, regroupant les enfants des districts de Conthey,
Sion, Hérens et de Sierre, serait opportune 167 . Les classes de
Sierre ont alors des effectifs plus faibles. L’OFAS se déclare favorable
à cette solution ; le comité l’adopte à l’unanimité 168 .Les
enfants de Saint-Maurice et de Monthey seront, quant à eux,
accueillis à La Castalie, en externat.
≥ La situation la moins satisfaisante est alors celle de Sion 169 . En
1973, les classes y sont réparties dans différents quartiers : les
« tout petits » suivent la classe dans une villa ancienne à l’avenue
Ritz 31 alors que les « moyens » et les « grands » se partagent deux
autres locaux dans un immeuble et deux pavillons en bois construits
au sein du nouveau complexe scolaire du quartier de Platta.
≥ Cette solution des pavillons avait d’abord été pensée comme
une solution à long terme, mais n’avait pas été retenue notamment
sur la base de doutes émis par Simone Reichenbach sur la
pertinence « d’être avec les autres » 170 . Ce sont finalement des
pavillons provisoires, à moindre coûts, qui sont bâtis… en attendant
la concrétisation d’un projet de construction d’un bâtiment
scolaire, à part, pour l’école La Bruyère. Dès 1970, des discussions
sont en cours avec la Ville de Sion qui propose plusieurs
terrains municipaux à Pont-de-la Morge – trop décentré selon
l’association – ou dans le quartier de Champsec 171 .
≥ La décision d’ouvrir ce nouveau chantier est prise en 1972.
Il s’agira de construire un bâtiment adapté aux besoins des
enfants handicapés mentaux accueillis, disposant non seulement
des équipements scolaires de base, mais également de salles
pour les thérapies individuelles ou collectives, d’un bassin d’hydrothérapie,
d’une cuisine et d’un réfectoire pour assurer l’accueil
en semi-internat, soit le repas de midi.
≥ Le projet est annoncé lors de l’assemblée générale de printemps.
Bien qu’il s’agisse là d’un développement souhaité et
important pour l’école La Bruyère, des parents s’inquiètent :
Le 30 août, la vie était vraiment donnée à la maison
par l’arrivée d’une soixantaine d’enfants. Si l’on considère
l’importance des changements qu’un tel bâtiment
représente pour nos élèves : dimension et nombre de
locaux, augmentation sensible du nombre de personnes
côtoyées, nouveautés de toutes sortes, nous pouvons
être satisfaits de leur rapide et bonne adaptation.
Projet de texte pour le rapport annuel 1976 par André Dupertuis 174
Bâtiment de l’école La Bruyère, quartier de Champsec, Sion, 1991.
073
La Castalie va ouvrir ses portes en septembre 1972, n’y a-t-il pas
un risque de dépeuplement de La Bruyère ? Simone Reichenbach
ne le croit pas : « il n’y a pas de double emploi. La Castalie vient
compléter l’équipement existant ». André Dupertuis se veut un
peu plus prudent, mais assure que tout sera mis en œuvre pour
éviter que cela ne soit le cas. Il rassure en outre les parents en
leur précisant que le choix d’un placement en internat ou d’une
inscription à l’école La Bruyère en externat se fera après une
analyse « au cas par cas » et surtout que la décision finale reviendra
aux parents.
≥ Le terrain, à l’actuelle rue des Casernes, est acheté en 1973.
Le 23 octobre 1974, le Conseil d’État donne son feu vert pour la
réalisation du complexe devisé à quelque 6,1 millions de francs
– hors achat du terrain 172 . Le projet devrait être subventionné à
hauteur de 40 % par le Canton et 33 % par l’AI. Il reste donc au
moins 1,5 million de francs à assumer pour la Fondation qui vient
déjà de contracter une dette importante pour la construction du
home-atelier Pierre-à-Voir à Saxon. L’État s’engage à assumer un
éventuel déficit.
≥ Le chantier débute fin avril 1975 et le nouveau bâtiment peut
accueillir les élèves pour la rentrée scolaire, le 30 août 1976 173 .
École La Bruyère - Sion. Date inconnue.
≥ CENTRALISER : LE CAS D’ORSIÈRES
Le projet de construction de Sion incite la Fondation en faveur des handicapés mentaux à revoir également sa
structure régionale et à regrouper certains effectifs afin de rentabiliser les nouvelles installations et rationaliser
les coûts.
Ce n’est pas la seule raison. Parfois, le nombre d’élèves devient trop faible pour créer une classe. C’est le cas à
Orsières en 1973 avec trois élèves restants. La question du transfert à Martigny se pose alors. Les parents sont
d’accord pour les grands, plus réticents pour les petits. La direction de l’école La Bruyère opte toutefois pour le
transfert de tous les enfants, ce qui permettrait également de réorganiser les classes de Martigny pour qu’elles
soient plus homogènes en tenant compte du handicap et de l’âge des enfants 175 . Si le transfert semble bien se
passer, René Lovey mentionne toutefois en séance de comité que cela péjore l’intégration des enfants au village
puisqu’ils ne vont plus dans les bâtiments de l’école 176 .
074
PROFESSIONNALISER
Dans les années 1970,
cette question
de la qualification
du personnel en charge
des élèves est toujours
plus présente.
≥ Nous l’avons vu, à la fin des années 1960, au
moment de discuter de l’ouverture de nouvelles classes
au sein de l’école La Bruyère, l’État avait établi des
critères de professionnalisme pour l’engagement du
personnel. Dans les années 1970, cette question de la
qualification du personnel en charge des élèves est
toujours plus présente.
≥ L’ouverture de classes destinées aux enfants « scolarisables »
au sein de l’école publique permet à l’école La Bruyère de recentrer
son attention sur les enfants auxquels elle se destinait dès
son origine : les « éducables sur le plan pratique ».
≥ Avec cette orientation, le statut du personnel pourrait évoluer
: s’il a été jusqu’ici considéré par le DIP comme du personnel
enseignant spécialisé, le comité de direction pense qu’il serait
plus juste de lui accorder désormais un statut d’éducateur spécialisé.
Cette modification n’est pas anodine, puisqu’elle impliquerait
des attentes différentes. Proposition est finalement faite
de trouver un compromis entre ces deux statuts et d’adapter la
convention-type existante entre l’Association romande des travailleurs
de l’éducation spécialisée (ARTES) et l’Association valaisanne
en faveur des enfants et adolescents en difficulté (AVIEA).
Le personnel occupant un poste d’enseignement dans le cadre
d’une classe pour enfants handicapés mentaux garderait les
mêmes droits que le personnel enseignant de l’État. Toutefois,
des adaptations du statut sont prévues notamment quant aux
horaires de travail, les vacances, etc.
≥ Cette question posera bien des difficultés au sein de
l’école 177 . En 1976, la convention signée avec l’État y apporte une
réponse différente de celle préconisée par le comité de direction
: les éducateurs ont une formation pour prendre en charge
les enfants hors du temps scolaire ; les personnes ayant ce titre
devraient donc se perfectionner pour continuer de fonctionner
au sein de l’école La Bruyère à titre de personnel enseignant.
Cette prise de position est en accord avec celle
du personnel de La Bruyère qui est, de manière générale,
contre l’assimilation à des éducateurs
spécialisés 178 .
≥ Le statut des personnes « non formées ou non spécialisées
» est également au cœur des discussions entre
l’école et le DIP. Des rumeurs courent et entretiennent
le climat de tension causé par le doute sur les critères
de nomination qui seront adoptés par le DIP 179 . Le flou qui règne
depuis quelque temps sur leur avenir inquiète certaines éducatrices
et crée des dissensions. Finalement, le DIP prend position :
il estime que de nombreuses occasions ont été offertes pour se
mettre à niveau et répondre aux exigences par des perfectionnements.
Dans une lettre à la direction de l’école, le DIP précise :
« Si elles ne les ont pas saisies, nous ne pouvons que le regretter.
La situation acquise n’enlève pas l’obligation de posséder les
titres requis pour une fonction » 180 . Le DIP a déjà accepté durant
plusieurs années que le personnel de La Bruyère ne réponde pas
exactement aux critères. On peut imaginer qu’il se fatigue de
cette situation d’autant que des efforts ont été faits pour offrir des
opportunités de formation en Valais.
≥ En avril 1978, le Comité de direction établit l’ordre de priorité
pour l’engagement du personnel : enseignant spécialisé, éducateur
spécialisé ou enseignant non spécialisé, personne sans formation
pédagogique spécialisée. Pour les deux dernières catégories,
une formation complémentaire en cours d’emploi est
envisagée 181 .
Renforcer le cadre éducatif
≥ Au sein du DIP, des questions se posent en lien avec les
méthodes éducatives mises en œuvre. La conseillère pédagogique
aux classes spéciales, Marion Salamin, constate notamment
les progrès réalisés par d'anciens élèves de La Bruyère qui
075
Je ne voudrais pas terminer ce rapport sans relever l’aspect positif
de ces échanges qui m’ont permis de mieux connaître les collaborateurs de La Bruyère
et de mieux les apprécier. Je ne voudrais pas sous-estimer leur action éducative.
Je mesure la résistance nerveuse et l’effort quotidien qui leur sont demandés pour agir
efficacement. Je pense que tous se donnent beaucoup de peine pour des résultats
malheureusement pas toujours visibles. Notre tâche est de les aider en leur offrant
le ressourcement nécessaire.
Rapport de Marion Salamin, 19 juillet 1984
École La Bruyère, 1971.
ont été intégrés en classe AI et s’interroge : ne devrait-on pas
exiger plus des élèves de La Bruyère, les pousser plus, tout en
évitant des exagérations négatives ? Elle relève toutefois les efforts
réalisés par les éducatrices du groupe des petits pour aborder la
lecture d’après la nouvelle méthodologie 182 .
≥ Dans un rapport établi le 19 juillet 1984, Marion Salamin
met également en lumière un manque de qualifications professionnelles
de la part de certains enseignants de La Bruyère ainsi
qu’un esprit peu collaboratif : « chacun dans son monde, chacun
dans son groupe. L’ambiance est à la méfiance, à l’indifférence,
au stress » 183 . Elle signale également que la majorité des enseignants
se trouve en situation de faiblesse face aux exigences
pédagogiques des parents comme il n’y a pas de ligne établie et
qu’ils sont libres de choisir leur méthodologie et leurs objectifs.
Elle recommande dès lors qu’une conception pédagogique
générale soit établie et approuvée par les autorités pour qu’elle
soit mieux acceptée par les parents 184 . Cette situation n’est en
effet bonne pour personne : elle provoque l’insécurité des enseignants,
l’angoisse des parents et ne peut qu’engendrer du
mécontentement.
≥ Au tournant des années 1980, une coordination se met également
en place entre institutions, aux niveaux valaisan et
romand, avec pour objectif de réaliser un document donnant un
cadre pédagogique qui offre une base de travail pour tous.
Plusieurs documents de ce type seront établis avant de trouver
celui qui convienne. Entre 1979 et 1980, un groupe de travail
romand élabore le « Cadre de référence pour le travail avec les
enfants éducables sur le plan pratique » 185 . Ce document est toutefois
remis en question par l’équipe éducative de La Bruyère
076
après expérimentation. Une nouvelle réflexion menée à l’interne
aboutit à un outil plus pratique, le « Bilan des Savoir-Faire »
(BSF), qui définit les différentes compétences à développer dans
les catégories suivantes : autonomie pratique, psychomotricité,
développement sensoriel, langage et communication, approche
des chiffres et des nombres. Des groupes de recherche comprenant
l’ensemble des praticiens des deux centres de Sion et de
Martigny sont ensuite constitués afin d’identifier des moyens
pédagogiques susceptibles de soutenir les apprentissages pour
chaque item du BSF 186 . Enfin, une grille d’observation et d’évaluation
des acquisitions vient faciliter l’établissement d’un itinéraire
pédagogique individualisé pour l’élève 187 . Il s’agit avant tout
de clarifier la ligne pédagogique de l’institution et de l’unifier dans
les divers centres.
Je pense tout d’abord que l’enseignement
au niveau des handicapés mentaux ne se sépare
pas de la vie pratique. Il s’agit essentiellement
d’une prise de conscience de soi, du monde
environnant. Les notions enseignées à travers
des exercices sensoriels, psychomoteurs doivent
passer dans la vie réelle de l’enfant.
Simone Reichenbach, dans une lettre
adressée à André Berclaz, 20 décembre 1972
Travailler en réseau
≥ Depuis plusieurs années déjà, l’école a développé un secteur
de soutien avec des logopédistes et des psychomotriciens qui travaillent
avec les enfants qui en ont besoin. Des rencontres entre les
psychologues du Service médico-pédagogique et les éducateurs et
éducatrices ont également lieu périodiquement afin de discuter de
certains cas et obtenir des conseils de spécialistes. L’école peut
encore compter sur le soutien de trois pédiatres et d’un pédagopsychiatre
188 . C’est donc un travail en réseau qui est réalisé, toujours
dans le même objectif de développer l’ensemble de la personnalité
de l’enfant, toutes ses possibilités individuelles aussi bien
pratiques qu’intellectuelles, ainsi que sa capacité d’adaptation
dans la société, et notamment le préparer à la vie du travail en
ateliers protégés ou d’occupation 189 .
GARDER LE CONTACT
≥ Face à cette évolution, l’Association de parents doit faire
preuve de beaucoup de flexibilité. Certains documents montrent
que le comité regrette le rôle qu’il pouvait remplir auparavant 190 .
L’association tenait alors les rênes et pouvait décider de ce qu’elle
souhaitait pour les enfants de ses membres. Durant longtemps,
les parents eux-mêmes avaient un accès direct aux salles de
classe, ce qui, il faut bien le dire, pouvait créer quelques tensions
et perturber le déroulement des activités. Une certaine nostalgie
de cette période s’installe, mais surtout une crainte de « perdre
le contact ».
≥ Ainsi un des objectifs établis par le comité pour l’année
1975-1976 est justement l’intensification des relations parentsinstitutions.
Le 11 novembre 1975, l’Association de parents invite
ses membres à une journée de visite : Villa Turini, à Sierre, puis
trajet vers Sion pour visiter les classes de l’école, les ateliers et le
Durant longtemps,
les parents eux-mêmes
avaient un accès direct
aux salles de classe.
077
Quelle est la formule pour une collaboration
saine et sereine entre parents et professionnels ?
Cette formule est certainement à créer de cas
en cas ; elle a ainsi l’avantage d’être sans cesse
renouvelée et renouvelable. Pourtant,
l’intervention des uns et des autres
dans le « programme quotidien » de l’enfant
doit clairement être définie. Quand bien même
l’essentiel concernant l’enfant : ses joies et ses
peines, son évolution et son avenir, les craintes,
la souffrance et les espoirs qu’il induit chez
ses parents, tout ce qui fait son être se joue
le plus souvent en dehors du « programme ».
Daniel Moulin, Rapport annuel école La Bruyère, 1985
chantier de Champsec. La journée se poursuit à Saxon et à
Martigny. L’opération est une réussite. Aussi bien les parents que
les personnes handicapées visitées ont été heureux de cet événement.
Il est décidé de le reconduire, mais en prenant toutefois
plus de temps dans les lieux afin d’avoir des contacts plus denses
avec les éducateurs et les personnes handicapées 191 .
≥ Des réunions sont organisées en 1976 entre des parents et
le personnel afin de trouver un modus vivendi. L’idée du comité
est de créer des commissions de parents en lien avec chaque
centre de l’école La Bruyère et de procéder de la même manière
pour les homes-ateliers. Elles auraient pour rôle d’inviter les
parents à des réunions périodiques et d’être un intermédiaire
entre eux, le comité de direction et les éducateurs afin de transmettre
les informations sur les besoins des uns et des autres,
d’organiser des échanges d’expériences éducatives, de discuter
de l’organisation pratique des établissements 192 . Les commissions
de parents sont instituées dans les différents centres à
partir d’octobre 1977 193 .
≥ L’importance de la relation entre les institutions et les parents
est également soulignée par le comité de direction de l’école. Le
maintien d’un contact étroit entre le personnel éducatif et les
parents des élèves est pour lui primordial. L’organisation de rencontres
lui paraît dès lors indispensable « pour briser la glace »
et établir une relation forte 194 .
≥ Au début des années 1980, sans doute face aux importantes
mutations rencontrées, le climat entre les parents et l’institution
est orageux. C’est du moins ce que laisse percevoir le compterendu
d’une séance organisée en mai 1980 avec des parents
d’élèves qui mentionne un « côté agressif et déplaisant » de
l’échange et un « esprit actuel » qui relève du « travail de sape ».
Cadrer la place des parents dans les classes
≥ En juillet 1984, Marion Salamin est chargée d’établir un rapport
sur l’école La Bruyère de Sion. Elle s’immerge dans l’institution,
rencontre le personnel, etc. Parmi ses constats, celui d’une
collaboration relativement complexe avec les parents qui peuvent
alors circuler de manière anarchique dans la maison, visiter les
classes à tout moment et capter l’attention des éducateurs.
≥ RECRUTER DES MEMBRES PARENTS, UN TRAVAIL PLUS DIFFICILE
Si, lorsque les institutions étaient gérées directement par l’Association de parents, les parents d’enfants handicapés mentaux
devenaient de facto membres de l’association, un travail plus important doit désormais être réalisé pour que les parents s’inscrivent
comme membres de l’association. Lors de l’Assemblée générale de l’association, en 1985, son président lance un appel à
la solidarité :
« Nous constatons quand même que les parents doivent rester unis dans l’effort et spécialement les parents de jeunes enfants qui
n’ont pas encore rejoint nos rangs. Nous devons tous leur demander d’unir leurs forces aux nôtres. Efforcez-vous de convaincre les
hésitants et de renseigner ceux qui ne nous connaissent pas encore. Nous devons nous unir pour toujours lutter et pour gagner. » 195
078
≥ UNE POPULATION SUIVIE
TOUJOURS PLUS VASTE
Avec le temps, les enfants suivis par le SEI ne sont plus uniquement
des enfants avec un handicap mental, mais le handicap
sensoriel est également pris en charge ainsi que des
enfants perçus considérés comme « à risques » (difficultés relationnelles
notamment) 202 . Avec les années, les interventions
deviennent de plus en plus précoces et les visites hebdomadaires
ne suffisent parfois pas 203 .
Il constate également un manque de prudence du personnel
dans les informations transmises aux parents : « faux espoirs,
poudre aux yeux, etc. ».
≥ Suite à ce rapport, le comité de direction de l’école décide
d’édicter de nouvelles règles. Désormais, les parents pourront
visiter les classes deux fois par année, dans un laps de temps
déterminé. Les visites doivent être annoncées et les parents
doivent attendre des rendez-vous en dehors des heures de classe
pour s’exprimer. Le directeur sera convié à ces rencontres 196 .
DÉVELOPPER DES STRUCTURES
POUR CHAQUE ÂGE
≥ À partir de 1968, avec son rattachement au DIP, l’école La
Bruyère recentre naturellement ses activités sur les enfants en
âge de scolarité. Il n’est toutefois pas question de laisser des
groupes d’âge de côté : l’Association de parents développe des
structures pour les enfants en âge préscolaire et pour les jeunes
en âge post-scolaire.
Le Service éducatif itinérant
≥ À la fin des années 1960, la nouvelle pédagogie spécialisée
prônant une éducation aussi précoce que possible des enfants,
Simone Reichenbach propose à l’Association de parents de réintroduire
un service à domicile, comme elle le faisait aux débuts
de l’école itinérante, mais cette fois à destination des enfants en
âge préscolaire.
≥ Basé sur le modèle vaudois 197 , le Service éducatif itinérant
(SEI) valaisan voit le jour durant l’année scolaire 1968-1969 avec
sept enfants suivis. Une éducatrice spécialisée effectue des
visites à domicile lors desquelles elle travaille directement avec
l’enfant pour stimuler ses acquisitions et améliorer son développement.
Elle échange également avec les parents et peut leur
donner des conseils et du soutien. Du matériel pédagogique
approprié leur est prêté afin qu’ils puissent réaliser des exercices
entre deux visites 198 . Objectif final : montrer aux parents comment
aider les enfants à se développer le plus harmonieusement possible
et les préparer à la scolarité 199 .
≥ Dès 1969, le SEI est reconnu par l’AI et obtient des subsides
pour mesures pédago-thérapeutiques, ce qui permet aux familles
de bénéficier gratuitement de ce service 200 . Une convention est
signée avec l’OFAS trois ans plus tard. En 1976, l’utilité du SEI
est confirmée par l’État du Valais qui, dans la convention qu’il
signe avec la Fondation en faveur des handicapés mentaux, lui
renouvelle sa confiance dans le domaine et lui confie sa
gestion.
≥ Alors que, à partir de 1975, les effectifs de l’école La Bruyère
sont en baisse, ceux du SEI ne cessent d’augmenter, jusqu’à
atteindre un plafond d’une soixantaine d’enfants dans les années
1980. Les deux courbes peuvent ne pas être similaires, puisque
les enfants suivis par le SEI ne sont pas forcément intégrés aux
classes de La Bruyère au moment de débuter leur scolarité.
Toutes les possibilités sont ouvertes et gérées au cas par cas.
Entre 1979 et 1983, par exemple, 51 % des enfants qui ont bénéficié
du SEI sont intégrés aux classes d’adaptation ou aux classes
ordinaires, 21 % sont placés en institution et 28 % sont admis à
La Bruyère 201 .
079
≥ Dès 1978, l’organisation du Service doit être revue afin de
répondre convenablement à la demande. Trois secteurs sont définis,
chacun avec une éducatrice responsable 204 . En 1980, suite
à l’augmentation régulière des demandes, le secteur Sion-Sierre-
Conthey-Hérens est divisé en deux 205 . Alors au nombre de
quatre, les éducatrices du SEI suivent annuellement une cinquantaine
d’enfants, ce qui représente une charge de travail
conséquente et un travail réalisé sous stress.
Atelier professionnel du secteur
« Formation générale des 18-23 ans »,
école La Bruyère - Sion, 1988.
Le secteur 18-23 ans,
futur Centre de formation des jeunes adultes
≥ Le passage de l’école à la vie professionnelle est une autre
préoccupation récurrente de l’Association de parents et des responsables
de l’école La Bruyère, depuis les premières années
d’existence de celle-ci. Dans les années 1970, les possibilités de
travail pour les personnes handicapées mentales se multiplient,
notamment grâce aux ateliers développés par la Fondation en
faveur des handicapés mentaux. Dans la décennie suivante,
l’importance d’offrir aux jeunes handicapés un temps de transition
entre la vie scolaire et la vie professionnelle et la possibilité
d’acquérir des compétences spécifiques pour intégrer le marché
du travail sont toujours plus présentes.
≥ Selon les dispositions de l’AI, à partir de 18 ans, les jeunes
handicapés mentaux sont au bénéfice d’une rente et quittent
dès lors la scolarité pour entrer dans le monde du travail.
Toutefois, selon la Loi cantonale sur les mesures en faveur des
≥ DES HOMMES INTÉGRÉS À L’ÉQUIPE ÉDUCATIVE
Pour la première fois depuis le départ de Paul Darbellay, l’équipe éducative intègre des hommes : « Étant donné, d’une part, que
les travaux manuels et les exercices pratiques occupent une grande partie des activités, et d’autre part, l’importance pour les
adolescents d’avoir à faire à une équipe mixte, nous avons fait appel à quatre éducateurs. […] Le résultat est positif et l’équilibre
des équipes encore meilleur .» 206
080
handicapés 1978), dans des cas spécifiques, la scolarité peut
être prolongée de deux ans. Pour obtenir une telle mesure, l’évaluation
de l’enfant doit montrer que cette prolongation peut offrir
un réel gain d’autonomie. L’autorisation est alors accordée par le
Département de l’instruction publique 208 .
≥ La pratique existait déjà avant qu’elle soit inscrite dans la loi.
En 1973, des classes de formation initiale sont d’ailleurs créées
à l’école La Bruyère, pour les jeunes en âge post-scolaire avec
un focus spécifique sur l’éducation gestuelle, l’autonomie sociale
et l’attention au travail ainsi qu’une aide à l’orientation 209 .
≥ Avec le temps, cette possibilité de prolongation semble ne
plus suffire. En outre, arrivés à 18 ans, les jeunes handicapés
souhaitent comme les jeunes de leur âge vivre une nouvelle étape
dans leur vie. Aussi, le préposé cantonal aux handicapés, André
Berclaz, et la Fondation imaginent la création d’une nouvelle
structure pour les 18-23 ans 210 .
≥ Le secteur « Formation générale des 18-23 ans », l’actuel
Centre de formation pour jeunes adultes (CFJA), est créé en 1987
et s’installe au sous-sol des bâtiments de l’école La Bruyère à
Sion où il reste jusqu’en 1996 211 . S’il a été imaginé durant un
temps de le rattacher à l’école La Bruyère, il dépend finalement
du secteur adulte et est relié aux ateliers de la Fondation 212 .
≥ L’objectif du centre de formation est de poursuivre la préparation
des jeunes handicapés mentaux pour leur entrée dans la vie
professionnelle et la vie adulte en général. Il s’agit de « troquer le
statut d’élève contre celui d’apprenti, d’adopter autant que faire se
peut un rythme de vie, des horaires, des responsabilités propres
à tout jeune adulte. Il s’agit de maintenir les acquisitions réalisées
jusqu’alors et d’acquérir de nouvelles compétences ». 213
Le CFJA est une structure extraordinaire
qui fait le lien entre la scolarité et la vie
professionnelle pour les jeunes qui ‹ se tâtent ›.
Cela fonctionne un peu comme un Semestre
de motivation. Ils peuvent faire des stages,
préciser leur orientation, puis acquérir des
compétences spécifiques. Le Centre les aide
également à trouver une place de travail et
accompagne leur intégration professionnelle.
Avant 2000, le CFJA était bien sûr plus lié
aux ateliers de la FOVAHM : 90 % environ
des jeunes les ont intégrés. Désormais,
il est ouvert sur le monde de l’entreprise.
Jean-Marc Dupont,
directeur de la FOVAHM de 2000 à 2020
≥ « JE SUIS UN ÊTRE
HUMAIN COMME LES AUTRES »
En 2006, sur une idée de Jean-Marc Dupont,
Carole Roussopoulos réalise le documentaire
« Je suis un être humain comme les autres »
qui présente le parcours de personnes
en situation de handicap accompagnées par
la FOVAHM et notamment des jeunes du CFJA.
081
PAROLES D’ARCHIVES
TÉMOIGNAGE D’UNE MAMAN
≥ En mai 1974, Marylouise Dayer témoigne dans le Main dans la main des richesses inestimables amenées par un enfant différent,
sans cacher les difficultés rencontrées, le difficile équilibre familial à trouver, le poids du regard des autres, la persévérance nécessaire.
Extraits.
Il y a un autre point qui pourrait remplir des pages de
faits, c’est l’attitude des autres qui parfois nous peine :
regards de pitié des passants, ignorance délibérée ou simplement
indifférence de la part des mamans avec qui l’on
parle. Je sais bien qu’on me dira que c’est par peur de
faire de la peine. Mais qu’il me soit permis de dire ceci :
personnellement, rien ne me réchauffe plus le cœur
qu’une maman qui salue mon petit garçon, qui lui sourit,
qui demande de ses nouvelles comme de n’importe quel
autre gosse malade, et qui le regarde avec des yeux de
maman.
Il y a les tours de force à faire pour aller au coiffeur ou au
dentiste, ou pour faire un achat important ; on ne peut pas
le prendre avec soi par la main, il faut donc toujours avoir
quelqu’un pour le garder. Une vraie semaine de vacances
devient chimère, car à qui confier un enfant qui demande
tant de soins ?
Il y a l’enfant à porter sans cesse à la maison, dans les
escaliers, et on le sent avec angoisse devenir chaque jour
plus lourd. On n’ose pas penser au jour où on ne pourra
plus le soulever.
Il y a l’épreuve qui dure des années. On passe par tous les
espoirs, les découragements, toutes les révoltes. On se
sent parfois totalement écrasé par ce combat qu’il faut
reprendre inlassablement chaque matin. […]
Il y a l’équilibre conjugal à maintenir dans l’harmonie et
le sourire malgré la détresse qui reste au fond de nous. Il
faut apprendre à être heureux quand même. C’est une
épreuve qui ne va pas sans marquer profondément le
couple ; et il n’y a pas de demi-mesure : ou elle le sépare
irrémédiablement, ou elle l’unit plus que jamais.
Il y a l’angoisse de l’avenir, et c’est là je crois un des
points les plus douloureux pour des parents d’enfants
handicapés. Pour notre enfant, arriva bientôt l’âge de
l’école. Il avait besoin de petits camarades pour s’épanouir,
il lui fallait une école spécialisée dans un centre où
l’on continuerait son traitement. Alors ont commencé des
problèmes nouveaux : séparation pénible, peur que l’enfant
souffre loin de son milieu familial, adaptation difficile,
etc. Et plus tard, que fera-t-il ? Arrivera-t-il à se véhiculer,
à lire, à employer ses mains à quelque chose, à
épanouir son esprit ? Saura-t-il accepter son état et trouver
la joie de vivre, quelle que soit la gravité de son
handicap ?
Le tableau que je viens de brosser peut vous paraître noir.
Si j’ai accepté d’écrire cela en toute simplicité, ça n’est
point par amertume ou pour me plaindre ; mais c’est parce
que je pense que ce témoignage va peut-être aider des
milliers de parents touchés comme nous, à être mieux
compris, mieux entourés, mieux aimés. Je les ai tous portés
dans mon cœur en écrivant ces lignes et j’espère avoir
été un peu leur porte-parole aujourd’hui.
≥ Et je m’empresse d’ajouter le plus important : ne croyez
pas que dans une si rude épreuve, il n’y ait que du négatif.
Par-dessus ces peines profondes de chaque jour et cette
angoisse devant l’avenir de notre enfant, il y a cette merveilleuse
certitude : c’est que nous l’aimons infiniment. Et
lorsque le soir je le regarde, abandonné dans son sommeil,
il est comme tous les enfants du monde que leur
mère regarde dormir. Et je songe que cet enfant nous a
apporté, en définitive, des richesses inestimables.
082
ÉCLAIRAGE
SENSIBILISER LES ÉLÈVES DES CLASSES TRADITIONNELLES
≥ Au début des années 1970, avec le transfert de la gestion de l’école à la Fondation en faveur des handicapés mentaux, l’Association
de parents dispose de temps pour de nouveaux projets. Elle décide alors de concentrer une partie de ses forces sur la sensibilisation.
Des parents, d’abord, en leur proposant des soirées d’information et de partage autour de thématiques qui les touchent
(appelées « formation des parents ») Du public, ensuite, avec un accent particulier sur les écoles 214 .
≥ En 1973, les journées nationales ont pour thème « Enfants
normaux, enfants déficients mentaux ». L’association de parents
fribourgeoise entreprend alors une action auprès des écoles et
propose une leçon-type 215 . Deux ans plus tard, l’Association de
parents reprend l’idée et entreprend une campagne à l’attention
des écoles primaires en passant par la revue L’École
valaisanne :
« Aujourd’hui, l’Association de parents, souhaite, par l’intermédiaire
de L’École valaisanne, créer un lien entre les enfants
handicapés et les enfants bien portants. Nous voudrions, avec
l’aide de chaque enseignant, faire connaître et aimer ces
enfants « pas comme les autres » que nous rencontrons souvent
dans notre entourage.
Au-delà d’une éducation spécialisée, nous souhaitons créer un
courant de sympathie, d’amitié dont chacun d’entre nous, handicapé
ou non, a tellement besoin. Car, au-delà du handicap,
d’un corps parfois déformé par la maladie, au-delà d’un visage
qui choque par son expression, il y a un enfant, pas tellement
différent des autres. Il y a un enfant, qui comme les autres a
soif d’amour, de relations humaines, de compréhension. Il y a
un être humain, qui sans pouvoir l’exprimer, a besoin que nous
lui tendions la main, que nous partagions avec lui notre joie de
vivre.
Il est également important de découvrir que ce même enfant
handicapé, si nous le voulons bien, peut nous apporter beaucoup
: nous trouverons en lui la richesse d’une relation spontanée,
d’une amitié qui ne se marchande pas, d’une joie sans
mélange pour toute découverte partagée.
Les enfants handicapés mentaux, sans pouvoir l’exprimer, ont
besoin de rencontrer des amis sur leur chemin. Si vous acceptez,
dans votre classe, d’en parler avec vos élèves, de créer un courant
de compréhension, d’amitié, pourquoi pas de loisirs partagés,
alors l’intégration sociale de nos handicapés deviendra,
grâce à vous une réalité dans notre canton. » 216
≥ La leçon-type répond à plusieurs questions que les enfants
peuvent se poser : qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils handicapés ?
Sur quoi est basée la classification du handicap mental et quelle
est-elle ? Les enfants handicapés mentaux vont-ils à l’école ?
Travaillent-ils une fois leur scolarité terminée ? L’association fait
ensuite des propositions d’activités autour de la thématique aux
enseignants : visite de l’école La Bruyère, des ateliers ou de La
Castalie, rencontre soit des éducatrices et éducateurs spécialisés
soit des parents d’enfants handicapés mentaux, participation à
une action de solidarité 217 .
Extrait de la leçon-type
parue dans L’École valaisanne en 1975.
083
L’année
de la personne
handicapée
constitue sans
aucun doute
un moment
charnière.
Un besoin de compréhension mutuelle
≥ Le développement des classes spéciales qui accueillent les
enfants déficients mentaux légers dans les centres scolaires –
classes d’adaptation, dites aussi classes AI – depuis le début des
années 1970 est une des raisons qui incite l’Association de
parents à mener des actions auprès des écoles. Un exposé rédigé
par Jean-Claude Berthod, à l’attention d’une commission d’étude
sur les déficients mentaux légers et les déficients auditifs, bien
qu’il présente l’avis personnel du président de l’association (dont
l’enfant est en classe d’adaptation), nous permet de mieux comprendre
la position qui est sans doute également celle de l’Association
de parents :
«Pourquoi les enfants fréquentant les classes spéciales (développement,
AI) sont souvent mal compris des autres ou même
maltraités par les autres ? L’éducation sur ce sujet est aussi à
faire dans les classes dites normales, et j’ai l’impression
qu’à ce niveau, les leçons font défaut. Nous
devons exiger l’introduction de telles leçons dans
les programmes et condamner la démission de
certains milieux éducatifs (instituteurs, directions et
parents aussi) dans le domaine de la discipline en
particulier.
Une meilleure éducation de tous les enfants doit amener à
l’intégration de chacun dans la société et cette intégration
constitue le but essentiel recherché. Si la séparation de certaines
classes est utile et aboutira finalement, par une éducation
plus spécialisée, à une intégration, c’est heureux. Mais il
faut éviter les embûches et de laisser creuser un fossé dont les
mieux doués seraient les premiers responsables, et nous
devons nous rendre conscients de ce risque. Enseignons-nous
cela suffisamment ?
[…] Évidemment, des classes spéciales sont indispensables et
nous devons les organiser au mieux. […] A-t-on songé, en
créant ces séparations, de donner des leçons aux enfants des
classes dites normales pour les rendre conscients, non pas de
leur supériorité, mais de la chance qu’ils ont d’avoir reçu des
capacités intactes ? Les handicapés doivent être acceptés
comme tels par la société et cette dernière doit être
instruite. » 218
1981 : Année internationale du handicap
L’année 1981 est consacrée « année internationale du handicap
» avec pour thème « Pleine participation et égalité ». Dans
toute la Suisse, des actions sont menées afin de sensibiliser la
population, de promouvoir une meilleure intégration sociale et
une meilleure prévention des handicaps, de diminuer les barrières
architecturales. L’Association de parents se concentre sur
l’information, notamment dans les classes des cycles d’orientation.
Des séances d’information avec les enseignants sont prévues
dans vingt établissements des districts du Valais romand.
Les objectifs visés par ces rencontres avec les jeunes sont,
d’abord, de mieux faire connaître les personnes handicapées
mentales aux jeunes et leur façon de vivre ; lutter contre les
fausses croyances et expliquer ce qu’est une personne handicapée
; apprendre aux jeunes l’attitude à avoir envers eux, comment
les accueillir ; combler le fossé qui semble exister entre personnes
dites normales et handicapés mentaux ; proposer des
actions à réaliser ensemble pour une meilleure compréhension
mutuelle. Les classes pourraient par exemple visiter une classe
ou un atelier destiné aux personnes handicapées, partager une
journée ou une activité de loisirs avec des personnes handicapées,
réaliser des actions auprès des familles 219 .
≥ L’action remporte un certain succès, même si l’accueil d’un
établissement à l’autre peut être très différent. L’année de la personne
handicapée constitue sans aucun doute un moment charnière
dans la reconnaissance du handicap mental par la société
en augmentant considérablement la visibilité et la compréhension
de cette problématique. « Après chacune de ces rencontres,
nous nous apercevions que quelque chose avait positivement
évolué. En quelques heures, des attitudes s’étaient modifiées,
des regards étaient différents, un début d’amitié était né. Chez
nos élèves aussi, nous avions le sentiment que l’expérience avait
laissé des traces inoubliables, qu’elle avait favorisé une meilleure
ouverture aux autres et que la vie était plus belle » peut-on lire
dans le rapport annuel de l’école pour cette année-là 220 .
≥ Le comité COP81 souhaite évidemment poursuivre avec certaines
actions et notamment avec l’« action école », ainsi que le
nomme André Berclaz dans un article qui paraît en novembre
1982 dans L’École valaisanne 221 .
L’intégration
à tout prix ?
« Intégration », le mot est
désormais sur toutes les lèvres
dans les milieux concernés
par le handicap. L’Italie a voté
en 1971 une loi sur l’intégration
des personnes en situation
de handicap qui établit que
l’instruction doit se faire, pour tous
et sans distinction, dans les classes
de l’école publique 222 . L’« expérience
italienne » est scrutée partout,
prise pour exemple. En 1974,
un congrès organisé par Pro Infirmis
et l’association de parents
zurichoise a pour thème
« Intégration : une possibilité réelle
ou une illusion ? ». En Valais,
le thème est également au centre
des discussions. En 1978, environ
90 % des votants acceptent la Loi
cantonale sur les mesures en faveur
des handicapés, dont l’objectif
est avant tout l’intégration
professionnelle et sociale
des personnes concernées.
L’école est également touchée
par ce changement de paradigme.
Le temps de la « ségrégation »
est révolu. L’école publique se doit
désormais d’intégrer le plus grand
nombre. L’école La Bruyère
et l’Association de parents doivent
en tenir compte, choisir leur ligne,
défendre leurs positions, s’adapter.
Photo d’archives d’Insieme Valais romand. Lieu et date inconnus.
087
≥ Les années 1980 s’ouvrent avec la conscience qu’un changement
de paradigme est en train de se mettre en place et que
l’école La Bruyère va devoir défendre sa mission pour perdurer,
mais également tenir compte du nouveau contexte. Deux constats
peuvent être faits au niveau de l’évolution de la population
accueillie par l’école en une décennie. Le premier, nous l’avons
vu, est celui de la diminution des effectifs. Le second porte sur
le niveau des élèves admis : à La Bruyère, dès le début, « seule
la limite supérieure des possibilités des élèves accueillis a été
clairement posée comme critère d’admission ; les limites inférieures
étant l’impossibilité pour les parents de garder leur enfant
à la maison et la demande de soins infirmiers importants pour les
élèves ». Toutefois, les élèves de la limite supérieure sont toujours
moins nombreux, puisque de plus en plus intégrés aux classes
d’adaptation 223 . Ainsi, André Dupertuis conclut-il le rapport
annuel 1980 avec ces mots :
« Nous vivons une période clé dans le domaine de la prise en
charge des enfants handicapés. Nous vivons une réelle contestation
de la fonction, de l’utilité et de la nécessité des institutions
telles que La Bruyère : les services placeurs estiment souvent
que le placement en institution est une solution de dernier
recours ; les pouvoirs publics souhaiteraient que les institutions
coûtent moins cher à la collectivité et des courants d’opinion, se
basant sur des expériences étrangères, poussent à une intégration
à tout prix dès l’âge scolaire ; des parents enfin voudraient
pour leur enfant handicapé une scolarisation beaucoup plus
poussée. Les problèmes sont posés, parfois d’une manière
abrupte et parfois ils sont contradictoires les uns vis-à-vis des
autres. Des solutions doivent être trouvées.
Sans prétendre répondre en quelques lignes à ces idées, nous
affirmons que, pour le moment et certainement pour de nombreuses
années encore, La Bruyère a sa place, remplit son rôle,
répond à de réels besoins dans le cadre de l’éducation et de
l’enseignement dans notre canton. En effet, si l’on veut prétendre
à une intégration réelle, dès l’âge scolaire, efficace en
premier lieu pour chaque personne handicapée, les structures
à mettre en place sont extrêmement complexes et vraisemblablement
beaucoup plus onéreuses que celles qui existent
actuellement. Si nous souhaitons que ces structures nouvelles
puissent être créées, nous ne souhaitons pas que, parce que
trop brusquement installées, elles le soient au détriment d’enfants
tels que ceux que nous recevons actuellement. » 224
≥ LE MULTIHANDICAP. UNE PRISE EN CHARGE DIFFICILE
Les élèves avec multihandicap, nécessitant une prise en charge spécifique, sont en augmentation. Relevant une prise en charge
toujours plus complexe et des adaptations à faire, André Dupertuis prend pour exemple le groupe des tout-petits de Sion dans le
rapport annuel 1984 : « sur 6 élèves : 2 doivent être déplacés en chaise roulante, 3 tenus par la main même à l’intérieur ; 5 n’ont
aucun langage et 2 d’entre eux sont atteints de surdité importante ; 5 ne mangent pas seuls et 4 ont un régime alimentaire spécial
ou la nourriture doit être mixée (une bénévole pour aider les éducatrices à midi), 3 nécessitent une surveillance constante et
rapprochée. Si nous ajoutons à cela trois élèves qui doivent être langés et qu’un élève souffre de graves troubles visuels, nous
avons un tableau sombre mais réaliste de la situation de ce groupe. »
088
≥ Certes, les institutions telles que l’école La Bruyère
ne sont pas appelées à disparaître de si tôt. Pas partout
du moins, nous le verrons dans la deuxième partie de
cet ouvrage. Cependant, l’accélération va être bien plus
importante que ce qu’imaginait André Dupertuis.
≥ Après l’année internationale de la personne handicapée,
les choses s’accélèrent. En 1982, plusieurs indices
montrent que les temps sont aux réformes et que l’État compte
bien s’y engager : une commission cantonale est créée pour
repenser l’organisation des classes d’adaptation. Des questions
de fond y sont posées : quels critères définissent les « scolarisables
» et les « éducables sur le plan pratique », quels sont les
effets de cet étiquetage, quid de l’intégration des éducables sur
le plan pratique dans les classes d’adaptation en milieu ouvert ?
Faut-il le faire ? Si oui, comment ? Et si la tendance est de les
intégrer, pourquoi ne pas intégrer les enfants des classes d’adaptation
dans les classes d’observation et ceux-là dans les classes
ordinaires, voire des élèves des autres classes spéciales selon les
cas ? Pourrait-on imaginer des spécificités d’organisation pour
chaque centre scolaire ? 225 On voit ici la complexité du
système…
POUR UNE INTÉGRATION NUANCÉE
Quid de l’intégration
des éducables
sur le plan pratique
dans les classes
d’adaptation en
milieu ouvert ?
≥ Le directeur de l’école La Bruyère décide alors d’empoigner
le sujet. En décembre 1982, il aborde la question lors d’un colloque
du personnel éducatif et enseignant du centre de Sion et
propose aux éducateurs d’y réfléchir. Pour lui, lorsque l’on décide
de parler de réorganisation des classes d’adaptation, la question
de l’intégration est forcément abordée. Mieux vaut donc avoir une
position sur le sujet. Lors des colloques suivants, les discussions
montrent que le personnel n’est pas pour le « tout intégration »,
voire qu’il doute de sa pertinence. Pour les petits, entre
4 et 6 ans, cela ne lui semble pas adéquat. De manière
générale, l’intégration totale lui apparaît comme un
« idéal inatteignable », d’autant que les structures scolaires
existantes ne sont, selon lui, pas adaptées. Tout
au plus, il lui paraît possible d’aller du moins plus loin
que ce qui se fait et de s’en approcher quelque peu 226 .
≥ L’intégration géographique – soit le fait de réunir dans le
même centre scolaire les classes ordinaires et spéciales – fait
également débat. Les avis sont mitigés ; pour certains, cette
forme d’intégration est un leurre. Une série de questions est
posée : Est-ce que les handicapés mentaux seraient plus heureux
de vivre 100 % au milieu des normaux ? Est-ce que la cohabitation
handicapés-normaux ne risque pas de marquer plus les
différences ?
≥ Du côté de l’Association de parents, bien qu’elle souhaite
s’engager pour que l’intégration des personnes handicapées soit
valorisée dans les nouveaux textes législatifs 227 , des doutes se
font également jour et des voix s’élèvent contre « l’intégration à
tout prix » et pour que le concept ne « se borne pas à son aspect
idéologique ». À cette expression est préférée celle d’« intégration
scolaire nuancée, selon chaque handicap » 228 .
≥ C’est bien cette intégration nuancée que défend l’Association
de parents comme la Fondation et le comité de direction de l’école
La Bruyère. Après une intervention de Philippe Theytaz dans une
réunion à Vercorin, l’Association de parents demande d’ailleurs à
ce dernier un entretien afin de défendre cette vision et d’influer
autant que possible sur la position du chef de l’Office de l’enseignement
spécialisé. Dans une note rédigée le 14 novembre 1986,
Simone Reichenbach revient également sur cette réunion. Si, selon
elle, le décret sur l’enseignement spécialisé est à saluer, il faut
notamment souhaiter que le choix d’une école ou d’une institution
prenne en compte l’enfant lui-même, « sa dynamique propre, ses
capacités et ses difficultés » et n’oublie pas que l’enfant handicapé
Extrait de la brochure
« La nouvelle mesure »
publiée par le Comité suisse
pour l’année de la personne
handicapée en 1981.
089
090
doit bénéficier non seulement d’un enseignement approprié, mais
également d’appuis thérapeutiques et médicaux. Simone
Reichenbach milite pour que l’internat ne soit pas totalement
écarté des mesures prises pour l’enfant, mais qu’il soit considéré
comme l’une des options possibles, utile dans certains cas :
« L’institution n’est pas la dernière mesure que l’on ne choisit qu’en
tout dernier ressort. Elle offre des possibilités parmi d’autres. Il faut
chercher la structure qui convient le mieux à chaque enfant,
compte tenu du handicap et des mesures nécessaires pour un
épanouissement de la personne. » L’institution, pour perdurer, doit
également, selon elle, s’ouvrir « sur le monde extérieur en tenant
compte de l’intégration » : « Elle doit favoriser les échanges avec les
écoles. Il faut que les enfants handicapés ou non puissent se rencontrer,
vivre ensemble certaines expériences dans les domaines
possibles : sport, expression, manifestations culturelles, etc. » 229 .
Une concurrence entre structures
≥ La question de la concurrence entre les classes d’adaptation
et l’école La Bruyère se fait toujours plus présente dans les
années 1980. De plus en plus, la direction de cette dernière
constate que des enfants qui devraient être scolarisés chez elle
sont en fait dans les classes d’adaptation. Plusieurs cas sont
signalés à Martigny où le directeur des écoles, Jean-Pierre
Cretton, est fermement engagé pour l’intégration et « accepte
tous les enfants ou presque dans les écoles de la ville », selon le
compte-rendu d’une séance de la commission de réorganisation
des classes d’adaptation 230 . Pour le directeur de La Bruyère, il y
a à Martigny une double structure de prise en charge qui provoque
une diminution des effectifs de son école, ce qui pose
problème 231 . Des questions se posent ; des éclaircissements sont
demandés à l’Office de l’enseignement spécialisé. Son chef,
Philippe Theytaz, soulève notamment un possible problème de
communication et d’information des parents sur les différentes
possibilités offertes par l’enseignement spécialisé, selon les
Si on estime que l’intégration doit être
favorisée et que les classes du circuit ordinaire
devraient être plus souples dans leur capacité
d’accueil, on reconnaît que les institutions telles
que La Bruyère ont toujours un rôle à jouer.
De plus, on peut noter que les éducateurs et
éducatrices de La Bruyère qui sont favorables
à une certaine intégration restent prudents
et réservés quant aux modalités d’application
et au niveau des élèves qu’il serait possible
d’intégrer au circuit ordinaire.
Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1983
≥ NE PAS OUBLIER LES ENFANTS
AVEC HANDICAP PROFOND
En 1987, la commission cantonale pour l’enseignement spécialisé
préconise de changer la terminologie en passant de l’expression
« éducable sur le plan pratique » à « éducable et scolarisable
». Il s’agit là, selon toute vraisemblance, de faire un
rapprochement entre les déficients légers et les déficients
moyens pour les intégrer à l’institution scolaire.
Dans ces débats sur l’intégration, l’Association de parents s’attache
à rappeler l’importance de tenir compte également des
enfants avec handicap mental profond pour qui une intégration
scolaire peut être vraiment difficile 232 . Relayant les inquiétudes
des parents d’élèves quant aux changements à venir, elle préconise
de maintenir les prestations existantes à l’école La Bruyère
pour cette catégorie d’élèves 233 .
091
En 1975, l’intégration s’est faite dans les
bâtiments scolaires de la Ville de Martigny,
c’est-à-dire que ces enfants étaient scolarisés
au milieu des enfants de leur âge. […]
Les premières années, ces élèves étaient
scolarisés dans l’école publique, mais dans
des classes particulières [classes d’adaptation].
C’est bien plus tard que, petit à petit, à dose
homéopathique, on a commencé à scolariser
les enfants en disant « le plus important est qu’ils
soient avec les enfants de leur âge ». Petit à petit,
les enseignants qui étaient d’accord prenaient
dans leur classe un ou deux élèves en grosse
difficulté. C’est nous qui avons dû changer :
au lieu d’avoir des classes avec tous les élèves
en difficulté, nous allions dans des classes
en appui à l’enseignant.
Cilette Cretton, enseignante spécialisée.
Entretien mené en 2021.
besoins de l’enfant. Il sous-entend en outre, dans une lettre
adressée à l’Association de parents que, si les classes de développement
permettent, grâce à des conditions de fonctionnement
adaptées, l’admission d’élèves éducables sur le plan pratique, il
faut le faire 234 . C’est ce qu’on peut lire également, en y mettant
de la nuance, dans une présentation qu’il fait de l’enseignement
spécialisé en Valais :
≥ « Les thèses ségrégationnistes comme les thèses intégrationnistes
sont basées sur des hypothèses. Même s’il est souvent
vérifié qu’au point de vue des résultats scolaires, il n’y a pas
d’amélioration significative résultant de la mise en éducation spéciale
des élèves débiles légers, il ne faut pas occulter le fait qu’un
certain nombre d’enfants ont besoin d’un encadrement institutionnel
spécialisé afin de pallier les carences du milieu familial,
par exemple, ou pour dispenser un enseignement spécifique
exigeant des moyens que la classe ordinaire ne possède pas. Il
est impensable aujourd’hui, dans notre canton, d’imaginer une
intégration scolaire totale. Mais, par contre, nous pouvons soutenir
la thèse suivante : ‹ Autant d’intégrations qu’il soit possible,
autant de ségrégations qu’il soit nécessaire › » 235 .
LE DÉCRET
SUR L’ENSEIGNEMENT SPÉCIALISÉ
≥ Le 25 juin 1986, le Grand Conseil adopte le Décret sur l’enseignement
spécialisé 236 qui entérine le principe de l’intégration scolaire
et post-scolaire et présente les moyens d’y parvenir.
L’enseignement spécialisé est ainsi une prestation de services à
l’intention des jeunes qui en ont besoin, qu’ils aient une déficience
diagnostiquée ou non. L’objectif final est d’intégrer, partiellement
ou totalement, les élèves « dans les circuits ordinaires de formation,
tout en répondant aux besoins de tous les élèves de la
classe » 237 . Pour ce faire, les organes spécialisés (service éducatif
itinérant, service médico-pédagogique, médecins scolaires, office
régional AI, office cantonal des mineurs, etc.) proposent les
mesures qui leur paraissent adéquates parmi celles proposées par
le décret, soit :
• les appuis pédagogiques intégrés (aide individualisée pour les
élèves avec des difficultés qui fréquentent une classe
ordinaire) ;
• les classes à effectif réduit (maintien dans les structures ordinaires
d’élèves en difficulté, sans déficience intellectuelle. Ces
classes comptent entre dix à douze élèves dont un tiers environ
avec des besoins spécifiques 238 ) ;
• les classes d’observation à l’école primaire et au cycle d’orientation
(élèves sans déficience intellectuelle qui ont des difficultés,
susceptibles d’être réintégrés en classes ordinaires 239 .
Elles réunissent entre huit et dix élèves en primaire, six à
douze au cycle selon qu’elles comportent un ou deux niveaux) ;
• les classes d’adaptation, également disponibles en primaire et
au cycle d’orientation (destinées à des élèves avec déficience
intellectuelle légère. Elles sont régies par les directives de
l’OFAS et les élèves sont reconnus par l’AI. Elles comptent
quatre à huit élèves et privilégient, dans la mesure du possible,
une intégration partielle en classe ordinaire) ;
092
• les classes de préapprentissage (destinées à des élèves –
huit à dix – rencontrant des difficultés et qui veulent acquérir
un complément de connaissances avant d’entrer dans le
monde du travail) ;
• les institutions scolaires spécialisées (pour les élèves avec
déficience intellectuelle moyenne ou grave, ne pouvant suivre
l’école publique) 240 .
≥ L’institution scolaire et les parents participent également à la
réflexion. Le décret se doit de déterminer à qui revient le choix
final. Dans un premier texte soumis aux députés, en cas de
désaccord entre les parents et la commission scolaire sur le choix
des mesures à prendre à l’intention d’un jeune en difficulté, l’inspecteur
était appelé à trancher, sur préavis de l’Office de l’enseignement
spécialisé. Plusieurs députés prennent la parole contre
ce qui est vu comme un non-respect de l’autorité parentale. Le
décret est modifié afin qu’en dernier ressort, la décision leur
revienne 241 .
QUEL AVENIR POUR LA BRUYÈRE ?
≥ Lors des débats du Grand Conseil, le député Willy Broccard
souligne le travail réalisé par les institutions spécialisées
jusqu’alors et soulève la question de leur avenir : « Le décret est
louable, car il favorise l’intégration. Cependant, nos institutions
sont pratiquement déjà vides, et se vident de plus en plus, alors
que des millions y ont été investis et que des travaux de
qualité y sont réalisés. Aujourd’hui, il se pose le dilemme
suivant : nous souhaitons une intégration totale ; qu’allonsnous
faire des institutions ? » 243 . Le Conseiller d’État
Bernard Comby, répond à la question avec pragmatisme,
sans prendre de gants :
« Cela ne veut pas dire qu’à l’avenir, étant donné la politique
d’intégration, ces institutions disparaîtront. Au
contraire, malheureusement – je puis utiliser ce terme
–, dans certaines situations, il faut placer des enfants en
dehors de leur milieu familial, en dehors de leur milieu
Cela ne veut pas dire
qu’à l’avenir, étant donné
la politique d’intégration,
ces institutions
disparaîtront.
≥ UN HOMMAGE AUX MAMANS ÉDUCATRICES
Avant d’ouvrir les deuxièmes débats sur le décret, Monique Paccolat, présidente du Grand Conseil, choisit de présenter aux députés
le film « Je veux le soleil debout » dans lequel Pierre-Antoine Hiroz retrace le parcours de son frère, Stéphane, atteint de trisomie
21. À la fin de la projection, les applaudissements sont soutenus. Cécile, leur maman, est dans la salle. « Par son exemple,
elle rend hommage à toutes les mamans éducatrices, pour leur amour, leur vigilance, leur confiance, leur patience », s’exclame
Monique Paccolat, avant de la remercier chaleureusement pour ce témoignage 242 .
093
Photo d’archives d’Insieme Valais romand. Date inconnue.
scolaire dans des institutions spéciales, qui viennent à la rescousse
et peuvent apporter une aide indispensable à ces
jeunes, afin qu’ils puissent surmonter leur handicap.
Nous sommes ainsi favorables au maintien des institutions spécialisées.
Je n’estime pas, cependant, qu’il faille renverser la
vapeur. S’il intervient une sous-utilisation des institutions spécialisées
par le fait que les enfants sont pris en charge d’une
autre manière – et mieux – dans leur milieu, c’est tant mieux !
J’estime qu’il s’agit d’une excellente solution. Il faut en tirer les
conséquences.
C’est dans cet esprit que nous devons examiner le problème
des institutions spécialisées, sans quoi ce serait quand même
‹ fort de tabac › – si vous me passez l’expression ! – de maintenir
en place des institutions tout simplement parce qu’elles
existent ! Si ces dernières ne répondent plus à des besoins, il
faudra les supprimer. Aucun député ne pourrait prétendre le
contraire… Cependant, en conclusion, je constate que nous
aurons sans doute encore besoin d’un bon nombre de ces institutions
qui existent, soit dans le Haut-Valais, soit dans le Valais
romand et qui rendent de très précieux services. » 244
Aujourd’hui, l’idéologie de l’intégration
ébranle les structures existantes, interpelle
associations et comités, agite même certains
politiciens. Ne serait-elle pas en train aussi
de se transformer en mode au risque de nier
un droit certain à la différence pour le handicapé
et un savoir-faire développé dans les institutions
spécialisées, des agents d’intégration qui ont fait
leurs preuves […]. Le mandat confié par l’État
à La Bruyère n’est à l’évidence plus réalisable
simplement parce que de nouvelles lois,
une nouvelle mode, une autre mentalité peut-être,
font que les handicapés mentaux poursuivent
leur « scolarité » à tort ou à raison, à tort et
à raison probablement, en dehors des premiers
services spécialisés dont nous faisons partie.
Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1986
094
≥ Il ne fait aucun doute que dans les circonstances du
moment, toute l’organisation de l’enseignement spécialisé
doit être repensé. L’école La Bruyère fera-t-elle partie
des institutions dont l’utilité perdure même avec l’intégration,
ou de celles destinées à disparaître, car considérée
comme obsolète ?
≥ La question doit en tous les cas être posée. Rien d’étonnant
à cela, au vu de la diminution de ses effectifs et des remises en
question qu’elle a connues. Des voix s’élèvent pour questionner
des moyens surdimensionnés au vu de nombre d’élèves accueillis.
En outre, les comptes sont de plus en plus difficiles à maintenir
: pour la première fois, en 1982, l’État doit éponger son
déficit. La question des pertes de La Bruyère est ensuite récurrente
et, en 1987, elle reste en suspens entre l’école et l’État. Il
faut attendre le début des années 1990 pour que le dossier soit
réglé 245 .
Un groupe
de travail est créé
pour négocier
la nouvelle
convention.
l’État à pallier les difficultés liées au subventionnement
et notamment à la répartition Canton-Confédération et
Canton-Institutions. Le groupe, présidé par le chef du
service administratif du DIP, est composé de treize personnes
représentant soit les services concernés de l’État
du Valais, soit des associations faitières concernées par
la question dont un membre de l’Association de parents 247 .
Une collaboration plus étroite
avec La Castalie ?
≥ Dès les premières discussions du groupe de travail « La
Bruyère », la question se pose d’un éventuel double emploi entre
l’école et La Castalie. Y a-t-il un sens à conserver les deux
services ?
≥ Le sujet est discuté en mars 1987 lors d’une séance à
laquelle est invitée également Simone Reichenbach. Si les deux
établissements accueillent des jeunes multihandicapés, les
Repenser les rapports État-École
Aussi, après discussion avec l’État du Valais et d’un commun
accord, la Fondation dénonce-t-elle la convention qui la lie à l’État
à échéance du 1 er janvier 1988. Selon les mots du rapport annuel
1986, elle le fait « par souci d’honnêteté et de clarification ». Il
s’agit de repenser les structures pour qu’elles s’insèrent mieux
dans le contexte de l’époque et la nouvelle vision de la prise en
charge des enfants handicapés mentaux. Un groupe de travail
est créé pour négocier la nouvelle convention et notamment redéfinir
La Bruyère comme service de l’éducation et de l’enseignement
spécialisé, établir des garanties financières et régler la
question des déficits en suspens 246 .
≥ En parallèle, à un niveau plus global, un autre groupe de
travail chargé d’étudier les mesures de coordination et de planification
des structures de prises en charge pour les élèves aux
besoins spécifiques est créé. Son rapport devra également aider
≥ UN MANQUE DE COMMUNICATION,
SOURCE DE TENSIONS
Le personnel de l’école, apparemment peu informé des démarches en cours,
fait part de son inquiétude dès le mois d’avril. Il demande d’être entendu et
de participer à l’élaboration de la prochaine orientation donnée à l’école, ou
tout du moins d’être informé régulièrement. Plusieurs propositions pour la
future organisation sont faites 248 . Le manque de communication dans cette
première phase d’étude soulève également l’ire de certains membres du
comité de direction de l’école, surtout parmi les représentants des parents 249 .
095
différences sont relativement évidentes : un externat géré par une
institution privée et ouvert durant l’année scolaire uniquement,
sis dans la région de Sion, pour le premier, un internat cantonal
pouvant accueillir des enfants toute l’année et sis dans le
Chablais, pour le second. Celui-ci peut d’ailleurs recevoir des
enfants pour des séjours temporaires afin d’alléger les parents
des élèves de l’école, notamment durant les vacances scolaires.
Cette option est de plus en plus utilisée 250 . Disposer d’un service
pouvant accueillir la population cible et lui offrir les services éducatifs
et thérapeutiques adéquats est sans aucun doute nécessaire
à Sion et Martigny. Une centralisation sur La Castalie n’est
pas envisageable.
≥ Dans un premier temps, le groupe de travail penche pour un
maintien de La Bruyère en mettant en place une meilleure collaboration
avec La Castalie afin d’être plus rationnel et de s’adapter
à la situation qui prévaut désormais 251 .
≥ Toutefois, durant l’été, l’optique change quelque peu. Nous
ne disposons pas de tout le déroulé des discussions, mais savons
que, le 26 juin 1987, le personnel de La Bruyère adresse une
lettre à son directeur afin de lui transmettre ses propositions et
souhaits quant à l’avenir de l’école. Pour les signataires, La
Bruyère devrait s’apparenter aux écoles régionales AI et devenir
une école d’État, rattachée au DIP sous la forme d’un service de
l’Office de l’enseignement spécialisé 252 . En septembre, le groupe
de travail insère cette option dans l’inventaire des propositions
qu’il pense soumettre à l’État et à la Fondation. Elle vient s’ajouter
à celle d’un centre médico-éducatif proche de La Castalie 253 .
Sept variantes – une plébiscitée
≥ Le groupe de travail rend finalement son rapport en
décembre 1987. Le diagnostic est le suivant : inadéquation entre
les besoins à couvrir et l’importance des services en place, lien
entre les différents handicaps et les prestations mal défini. Le
rapport constate également que pour répondre à la sous-occupation
des instituts, l’admission est ouverte de manière élargie et
les prestations sont diversifiées, plus de publicité est réalisée
avec un risque de concurrence accru. Cet état de fait crée des
tensions croissantes.
Afin de régler ce problème, sept propositions sont établies :
1. La Bruyère, centre médico-éducatif : dans cette option, les
cas simples rejoindraient les classes d’adaptation publiques.
L’école La Bruyère continuerait à offrir une solution en externat
pour les enfants multihandicapés. Des craintes sont émises sur
la fragilité de telles « petites unités » et sur le coût élevé de ce
« double service » avec La Castalie.
2. La Bruyère dans les centres scolaires : l’école reste gérée
par la Fondation tout en étant intégrée « géographiquement,
physiquement et fonctionnellement » dans les écoles publiques
communales. Les déplacements – combinés avec ceux des
enfants des classes d’adaptation – gagneraient en efficience.
La commission signale toutefois un risque de marginalisation,
d’absence d’équipement spécialisé. Elle relève en outre
une incertitude sur l’intérêt des communes pour une telle
solution et sur les difficultés qui pourraient surgir dans cette
collaboration.
3. La Bruyère, service confié aux communes de Sion et
Martigny, tout en restant dans les locaux existants avec des
équipements spécialisés déjà en place, du moins à Sion. La
gestion et la direction seraient confiées aux communes, une
économie en personnel pourrait être faite. Toutefois, l’intégration
géographique ne serait pas réalisée et les parents auraient
un choix plus restreint de placement.
4. La Bruyère, service confié aux communes dans le cadre des
classes d’adaptation à Sierre, Sion, Martigny et Monthey : on
atteindrait alors une « intégration maximale » ; les déplacements
seraient optimisés et combinés avec les classes d’adaptation ;
des économies en personnel réalisées et la gestion comme la
direction seraient confiées aux communes. La question du droit
096
à la différence et de la manière de le gérer dans ce contexte est
toutefois posée par la commission, ainsi que celle d’un choix
restreint pour les parents.
5. Statu quo, soit maintien de la structure existante en tenant
compte des conditions posées par la Fondation pour cela. Les
inconvénients relevés sont d’importance : l’incapacité de définir
et de respecter les critères de placement et de garantir
l’effectif.
6. La Bruyère, décentralisée, englobant les classes d’adaptation
de Sierre, Sion, Martigny et Monthey : parmi les inconvénients,
la « dévalorisation des classes d’adaptation » est mentionnée,
ainsi qu’un risque de marginalisation, sans compter les
difficultés posées par une « gestion mixte ». Une question reste
ouverte : les communes accepteraient-elles de confier les
classes à La Bruyère ?
7. La Bruyère, service confié à La Castalie : solution centralisée,
avec un externat, un internat et un Service éducatif itinérant
spécifique. Aucun inconvénient n’est relevé ici ; des avantages
par contre : unité de prise en charge garantie ;
rationalisation du personnel ; garantie financière (gestion de
l’État), solution pour chaque cas d’enfant multihandicapé.
Une proposition faite par le personnel de La Bruyère est ajoutée
à la liste, qui se rapproche de la quatrième ci-dessus avec
une assimilation aux classes d’adaptation des villes de Martigny
(dans les nouveaux locaux intégrés à l’école communale) et de
Sion (locaux actuels de Champsec) 254 .
≥ Après analyse de l’ensemble, d’entente avec la Fondation,
l’option 4 est retenue et mise en consultation auprès des personnes
et organismes concernés par l’avenir de l’école :
« Les classes de l’école La Bruyère seraient confiées aux communes
ayant des classes d’adaptation, soit : Sierre, Sion,
Martigny, Monthey.
Vous savez déjà que nous nous dirigeons
vers un transfert de l’école La Bruyère
aux pouvoirs publics. Sur le fond du problème,
nous pouvons approuver cette option.
En effet, l’enseignement obligatoire étant confié
aux communes, nous pensons que nos enfants
y ont aussi droit et que nos communes seront
à même d’assurer cette tâche. Sur la forme
cependant, nous croyons qu’il est de notre devoir
de transmettre nos soucis et nos expériences
aux autorités compétentes. […] La Fondation
en faveur des handicapés mentaux a déjà
transmis au Département de l’instruction
publique ses soucis pour un bon transfert
de l’école en donnant aussi l’assurance
de son appui. L’Association de parents peut
se rallier entièrement aux thèses de la Fondation
et doit la remercier du bon travail qu’elle
effectue pour nos enfants, comme pour
nos adultes handicapés.
Rapport du président, Assemblée générale
de l’Association de parents, 27 mai 1988 258
Les enfants ayant des handicaps multiples seraient accueillis
dans des unités intégrées aux écoles de Sion et Martigny qui
devraient disposer de services spécifiques complétés par les
prestations du Service médico-pédagogique et du centre
médico-éducatif de La Castalie. » 255
097
≥ Le Conseil de Fondation, le Comité de direction de l’école, le
comité de l’Association de parents, le personnel enseignant et de
soutien ainsi que celui du Service éducatif itinérant et les parents
d’élèves peuvent se prononcer. Sur 100 personnes, 62 répondent
à la consultation et sur ce nombre 58 votent en faveur d'un transfert
aux communes. Les personnes consultées peuvent également
donner leur avis sur les communes auxquelles transférer La
Bruyère. Sur les 26 personnes qui répondent à cette question,
18 se concentrent sur Sion et Martigny 256 .
≥ La Fondation donne tout de même une réponse tout en retenue
et émet des réserves en stipulant qu’elle ne voit pas vraiment
l’avantage d’une telle solution. Elle décide de ne pas s’opposer à
un transfert de son mandat aux pouvoirs publics si des garanties
sont données par les communes afin d’assurer la qualité de la
nouvelle offre établie 257 .
Photo d’archives d’Insieme Valais romand. Date inconnue.
≥ LA FONDATION DENIS ET LOUISE-ANNA TORNAY
ET LA CONSTRUCTION D’UNE ÉCOLE LA BRUYÈRE À MARTIGNY
À son décès, en 1974, Louise-Anna Tornay lègue une partie de ses terrains et de sa fortune afin que soit créé un établissement pour
enfants mentalement handicapés. Selon son souhait, la Fondation Denis et Louise-Anna Tornay est créée, présidée par Edouard
Morand, président de la Ville de Martigny, et dont Marcel Gross, alors président du Conseil de la Fondation en faveur des handicapés
mentaux, est membre 259 . En 1975, la fondation écrit au directeur de l’école La Bruyère pour lui annoncer qu’elle a pensé à investir
dans le développement de son centre de Martigny ainsi, peut-être, que dans une structure pour les adultes. La Ville de Martigny se
dit ouverte à « la construction d’un groupe de classes pour handicapés mentaux dans un complexe scolaire prévu par la commune ».
Aussi, une évaluation des besoins est-elle demandée à André Dupertuis 260 .
Malheureusement, les projets de la fondation sont retardés par des difficultés juridiques et les discussions ne reprennent qu’en
1983, la fondation pouvant enfin disposer de ses fonds. Entre 1985 et 1986, la meilleure solution pour la construction d’un bâtiment
pour les élèves de La Bruyère est recherchée avec la Commune de Martigny 261 . Il est finalement décidé de lier ce projet à celui
du nouveau centre scolaire, à la rue des Petits-Epineys. À la rentrée 1989-1990, c’est bien au dernier étage du centre scolaire des
Petits-Epineys que les élèves de l’école La Bruyère – désormais en mains communales – prennent leurs quartiers 262 .
098
Le transfert de La Bruyère – Martigny
à la commune
≥ Le 8 juin 1988, le Conseil d’État confirme ce choix, du moins
pour l’école La Bruyère de Martigny. Cette solution s’est dessinée
plus clairement dans cette ville, car la construction du bâtiment
envisagé par la Fondation pour l’accueillir ne peut se faire qu’avec
le secteur public 263 . L’OFAS refuse en effet un financement d’une
construction « La Bruyère » 264 .
≥ L’Office de l’enseignement spécialisé est chargé d’étudier
une convention entre l’État et la Commune de Martigny concernant
la prise en charge des enfants déficients intellectuels dits
« éducables sur le plan pratique » 265 . Selon la décision du Conseil
d’État, elle doit contenir les principes suivants :
• les enfants avec handicaps multiples sont accueillis dans
des unités intégrées aux écoles de Martigny qui recourent
aux services spécifiques communaux et cantonaux ;
• l’ensemble des prestations de services actuelles, la qualification
du personnel, les repas de midi et les transports sont
garantis ;
• la Commune accorde la priorité au personnel actuel de La
Bruyère-Martigny
• Elle tient compte du fait que la responsabilité pédagogique
des classes doit relever de personnes ayant une formation
spécialisée ;
• la composition de l’équipe pluridisciplinaire, la situation et la
composition des classes participent à l’intégration fonctionnelle
et géographique ;
• les parents des élèves sont consultés quant aux décisions
relatives à l’organisation et au fonctionnement des classes.
≥ La décision précise encore que la Fondation en faveur des
handicapés mentaux, l’Association de parents, la direction de
l’école La Bruyère et son personnel enseignant ainsi que les services
spécialisés doivent être parties prenantes dans l’élaboration
de cette convention 266 . Il s’agit là d’un souhait émis à maintes
La Bruyère ne doit, ni ne peut, être assimilée
à des classes AI. Elle doit rester elle-même,
indépendante, libre dans ses activités, avec
ses caractéristiques, son esprit,
qui sont essentiels pour le développement
harmonieux des jeunes handicapés mentaux.
À La Bruyère, on fait, outre le travail purement
scolaire, toutes sortes d’activités manuelles,
comme le travail sur bois, sur carton,
de la céramique, de la cuisine… et j’en passe.
On mange au restaurant, on fait des voyages,
des camps, du sport, on y vit avec intensité
et chaleur. Oui, il y a un esprit Bruyère.
Mais, cet esprit subsisterait-il si le personnel
éducatif était assimilé aux enseignants
des classes AI, perdant ainsi sa propre
spécificité, sa propre identité ?
Extrait d'une tribune libre de Cécile Theytaz-Hiroz,
parue dans Le Nouvelliste valaisan, 10 juin 1988.
reprises par ces divers acteurs ainsi que par certains membres
de la commission pour les classes d’adaptation comme Simone
Reichenbach 267 .
≥ Parmi les points dont se soucient particulièrement la
Fondation et l’Association de parents figure le respect du régionalisme
de l’école La Bruyère. Les enfants non domiciliés à
Martigny ne doivent subir aucun préjudice suite au transfert de
l’école. Un projet de convention, annoté, conservé dans les
archives de l’Association de parents montre bien ce souci. Des
précisions sont apportées afin de détailler au mieux le territoire
concerné : le district de Martigny, celui d’Entremont, les
099
communes de Dorénaz, Collonges, Évionnaz, Vernayaz,
Finhaut et Salvan.
≥ D’autres éléments sont essentiels, notamment pour l’Association
de parents : maintien des services existants à l’école (thérapies,
physiothérapie, ergothérapie, logopédie, etc.), engagement
d’un personnel qualifié pour s’occuper des enfants
handicapés y compris des cas les plus lourds, repas et transports
organisés par l’école, respect du libre choix de l’institution fait par
les parents et acceptation de tous les cas de handicapés sévères
que les parents souhaitent et peuvent « garder dans leur foyer » 268 .
L’association s’inquiète également du sort du personnel de La
Bruyère n’ayant pas de formation spécialisée et demande qu’à la
priorité de l’emploi pour le personnel de l’école soit ajoutée la
reconnaissance des droits acquis 269 .
Entre la décision du Conseil d’État et la transmission à l’Association
de parents d’un projet de convention, il se passera six
mois ; puis six mois encore jusqu’à la signature définitive de la
convention, le 11 mai 1989 270 .
Plusieurs lettres de
parents conservées
dans les archives
d’Insieme font entendre
leurs inquiétudes pour
le futur de leur enfant.
≥ La Fondation demandait pourtant en juillet 1988
déjà à l’État que des décisions soient prises rapidement
pour que les personnes concernées par les changements
puissent être avisées au plus vite sur leur avenir. Le ton de la
lettre était déjà ferme à ce moment-là, laissant transparaître un
certain agacement, peut-être une décision prise « à reculons »
par la Fondation. « La décence voudrait que nous puissions
rapidement informer chacun sur son avenir et nous comptons
sur vous pour pouvoir le faire dès la rentrée scolaire de cet
automne » peut-on lire. Puis, plus loin, concernant le transfert
de La Bruyère Sion : « Je vous demande que ce dossier avance
rapidement au niveau des décisions, afin qu’au niveau des réalisations
le temps puisse nous être accordé d’agir en dehors de
toute précipitation » 271 .
≥ Le président de la Fondation sait sans doute quelles difficultés
rencontrent les parents à accepter l’incertitude de la situation.
Certes, la décision du Conseil d’État ne date alors que d’un mois,
mais les discussions sur l’avenir de La Bruyère sont en marche
depuis plus d’une année déjà. Plusieurs lettres de parents
conservées dans les archives d’Insieme font entendre leurs
inquiétudes pour le futur de leur enfant et leur mécontentement
par rapport au manque d’information reçue sur les tractations en
cours 272 .
La commission scolaire et la commune de Sion
sont favorables à l’intégration des handicapés mentaux
dans le secteur public scolaire : pour autant que cette
intégration soit mesurée, individualisée, qu’elle ne réponde
pas seulement aux besoins d’une idéologie,
et que les moyens concrets existent.
Extrait du compte-rendu d’une séance entre la Fondation
et la Commune de Sion, 14 février 1989 276
Dans la foulée, le transfert de l’école de Sion
≥ En tenant compte des mêmes « essentiels », une convention
est négociée ensuite avec la Ville de Sion. Le transfert de l’école
sera effectif à la rentrée 1990-1991. Entre-temps, une commission
scolaire est nommée pour gérer l’école. Le comité de direction
de l’école La Bruyère a en effet été dissous par la Fondation
qui souhaite rationaliser ses activités et se recentrer sur son
engagement pour les adultes handicapés mentaux, secteur dans
lequel le travail est toujours plus important 273 .
100
≥ La question des locaux est au centre des préoccupations. La
Fondation souhaite rester propriétaire de ceux-ci et disposer de
certains espaces pour son Centre de formation des jeunes
adultes.
≥ Si, dans un premier temps, il a été imaginé de déplacer les
classes de l’école dans un établissement scolaire à construire par
la Ville, c’est finalement dans les locaux de Champsec que les
classes se tiendront, ce qui fait craindre au personnel que « les
élèves multihandicapés se retrouvent entre eux, dans une espèce
de ghetto, privés de la stimulation d’autres élèves moins handicapés
et hors toute intégration possible » 274 .
≥ Le transfert est toutefois effectif au 20 mai 1990. 275
≥ L’ASSOCIATION DE PARENTS
INTÉGRÉE AUX COMMISSIONS
Les conventions de transfert stipulent qu’un membre de l’Association
de parents doit être intégré dans les commissions créées
en lien avec les populations concernées. À leurs côtés : le président
de la commission scolaire, un représentant de la Fondation
Tornay et deux du DIP dont un de l’Office de l’enseignement
spécialisé.
Photo d’archives d’Insieme Valais romand. Date inconnue.
101
PAROLES D’ARCHIVES
UN REGARD SUR L'INTÉGRATION
≥ Le rapport annuel 1987 de l’école La Bruyère se penche sur la question du passage de celle-ci du secteur privé au secteur
public 277 . Le « propos du directeur » permet de mieux cerner la position prise par rapport à l’intégration, les espoirs et les craintes
qu’elle suscite et ce pourquoi les personnes engagées dans l’école La Bruyère vont se mobiliser lors des discussions sur les conventions
de transfert aux communes.
Plus qu’un simple transfert du support juridique, le passage
du privé au public serait une vague de fond susceptible
de modifier profondément l’organisation de la prise
en charge des enfants mentalement handicapés. Pour le
meilleur si l’on se donne réellement les moyens de concrétiser
de généreux principes, pour le pire si l’on ne reste
pas attentif à certains besoins.
Le meilleur serait de considérer l’enfant, l’adolescent,
voire l’adulte handicapé mental capable d’évoluer, de participer
au quotidien des non-handicapés sans ségrégation
ou protection par trop étouffante ou paternaliste.
Le meilleur serait une ouverture plus grande vers la société
qui peut offrir à chacun sa place, une place qui implique
pour tout individu des droits et des devoirs. N’avons-nous
pas trop tendance à réclamer des droits pour le handicapé
sans lui permettre d’assumer lui-même ses responsabilités
avec ses propres moyens ?
[…]
Le meilleur serait que se réalise enfin, pour l’enfant handicapé
mental qui suit une scolarité adaptée, le vœu de
ce père de la pédagogie curative qu’a été Heinrich
Hanselmann :
‹ Puisque le handicapé mental doit apprendre à vivre, la
salle de classe doit en quelque sorte abattre ses quatre
murs, elle doit s’ouvrir entièrement au grand air de la vie.
L’école doit se faire atelier, atelier de vie, un lieu où les
enfants apprennent à œuvrer, à réfléchir, à ressentir et à
vouloir dans le même cadre que la vraie vie leur opposera
dans son immédiateté… ›
Le pire serait que le jeune handicapé se retrouve dans une
organisation typiquement scolaire qui très tôt engendrerait
une quadruple illusion :
a) l’illusion pour le jeune handicapé mental de vivre l’école
comme tout un chacun : avec le risque d’apprendre ce
dont il n’a pas l’utilité ni immédiate, ni future
b) l’illusion pour certains parents de croire que leur enfant
est « comme les autres » puisqu’il va à la même école
que son frère, sa sœur ou son petit camarade ; illusion
qui favoriserait la dangereuse tendance à banaliser le
handicap. De grâce n’oublions pas l’unicité de l’individu
et son droit à la différence ;
c) l’illusion pour l’enseignant spécialisé de croire qu’il doit
revendiquer les mêmes droits et les mêmes devoirs que
l’enseignant d’élèves non-handicapés : au risque de
perdre son identité professionnelle, sa spécificité ;
d) l’illusion pour les autorités scolaires de croire que le
‹ programme › officiel est la référence de tout apprentissage
: même l’apprentissage de la vie pour le handicapé
mental.
Cette projection dans un avenir peut-être pas si lointain
– si La Bruyère n’endosse pas une nouvelle légitimité –
m’incite à faire un vœu et suscite une espérance :
Un vœu : que ce que La Bruyère accomplit aujourd’hui
pour les jeunes handicapés mentaux, voire les multihandicapés,
soit considéré comme le minimum et que ce
minimum soit dépassé : sous d’autres formes peut-être,
car il faut admettre que notre façon de faire institutionnelle
est peut-être ici et là teintée de conservatisme.
Une espérance : que tout changement tende vers une
situation meilleure et que ce qui est l’esprit de La Bruyère
puisse engendrer un respect toujours plus fort de l’individu
handicapé.
102
UNE REMISE EN QUESTION
EN PROFONDEUR DU SEI
≥ Si le bien-fondé d’un service pédago-thérapeutique à domicile
pour les enfants d’âge préscolaire n’est pas remis en question,
en 1985, l’arrivée d’un nouveau directeur à l’école La
Bruyère est l’occasion de questionner l’organisation du Service
éducatif itinérant (SEI). Une réflexion en profondeur est menée :
rôle et statut des pédagogues du SEI, durée et fréquence des
visites, durée du suivi, remise en question de la période d’intervention
du SEI calée sur le calendrier scolaire, etc. 278 Des solutions
sont également recherchées afin de réduire le coût des
visites qui ne peut être viable à long terme 279 . Il s’agirait de recentrer
le plus possible l’activité des éducatrices sur les visites à
domicile et de diminuer le temps d’organisation, de colloques,
etc. La Fondation considère en outre que les pédagogues du SEI
devraient réaliser au minimum trois visites par jour, soit quinze
visites par semaine, alors qu’elles estiment que dix à douze visites
hebdomadaires sont un maximum pour une prise en charge de
qualité. Le temps d’arrêt des visites durant les vacances scolaires
estivales pourrait également être diminué de quelques semaines.
En augmentant le temps de présence auprès des enfants, le SEI
pourrait toucher plus de subventions de l’OFAS et le déficit pourrait
ainsi être réduit 280 .
≥ Des tensions apparaissent entre l’équipe éducative et le
comité de direction de l’école. En 1986, l’équipe espère notamment
une augmentation du personnel équivalant à un demi-poste
pour Sion où les demandes augmentent, mais la Fondation
n’entre pas en matière, sans doute pour des raisons financières,
peut-être également à cause des discussions en cours en lien
avec la réorganisation du service et le statut du personnel
éducatif 281 .
≥ En mars 1987, ce ne sont pas moins de 62 enfants que les
quatre éducatrices du SEI suivent 282 . Dans ces conditions, la
Une nouvelle répartition des heures
de travail permettrait de travailler
dans des conditions moins ‹ stressantes ›,
d’approfondir certains domaines et de vivre
une vie familiale et sociale normale. De plus,
la prise en charge de dix enfants handicapés
et de leurs familles est absorbante, lourde
de soucis, de tension nerveuse et d’implication
de soi, que l’on ne peut chiffrer comme
des heures de travail dans un bureau.
Extrait d’un rapport des éducatrices du SEI demandant
notamment que la prise en charge de 10-12 enfants
soit reconnue comme l’équivalent d’un travail d’enseignant
à temps plein. 284
prise en charge est péjorée : certains enfants doivent être visités
tous les quinze jours plutôt qu’une fois par semaine et certaines
éducatrices doivent suivre des enfants hors de leur région. La
situation se tend toujours plus alors que les discussions en cours
avec l’État quant à l’avenir de l’école entraînent un statu quo. La
Fondation demande pourtant à plusieurs reprises à l’État que des
décisions soient prises rapidement pour clarifier la situation, apaiser
les tensions et pour adapter le personnel aux besoins de prise
en charge 283 .
103
Exercices éducatifs pratiques à l’usage des parents, juin 1981.
La solution : un rattachement
à l’Office de l’enseignement spécialisé
≥ Au cours des discussions sur la réorganisation du SEI, la
question du rattachement de celui-ci à l’école La Bruyère est
posée. Ne faudrait-il pas plutôt le rattacher directement à la
Fondation ? En effet, il semble que pour les parents des enfants
suivis, le rattachement à La Bruyère pose problème puisqu’ils
n’auraient, dans les faits, jamais contact avec l’école. Pour
les éducatrices du SEI, la situation actuelle crée la confusion
dans les esprits, laissant penser qu’il est une « pré-école La
Bruyère » 285 .
≥ Dès lors, en 1988, lorsque le transfert de l’école au secteur
public est décidé, la Fondation y voit une opportunité de régulariser
cette situation et de clarifier la fonction du SEI. Elle demande
ainsi à l’État de réfléchir également à son rattachement à un
organisme cantonal, soit au Service médico-pédagogique valaisan,
soit à l’Office de l’enseignement spécialisé 286 . La première
option a la préférence de la Fondation et surtout de la direction
de l’école, la seconde semble être celle que choisirait le personnel
qui se considère avant tout comme pédagogue et dont la
formation de base relève du domaine de l’enseignement spécialisé
287 . Leur avis est suivi par la commission, puis par l’État. Le
Service éducatif itinérant est rattaché à l'Office de l'enseignement
spécialisé dès le 1 er septembre 1989. Pour une courte
durée toutefois, puisque quatre ans plus tard, il est décidé de
l’intégrer au nouveau Service cantonal d’aide à la jeunesse. Il
rejoint alors le Service médico-pédagogique valaisan au sein de
l’Office médico-pédagogique.
Toujours engagée
pour le
vivre-ensemble
L’Association de 1990 à nos jours
Créée pour soutenir les parents
et défendre les intérêts des enfants
handicapés mentaux, l’Association
de parents traverse au début
des années 1990 une période
de questionnement. Comment
poursuivre alors que les grands
projets des débuts, pour les enfants
et les adultes, volent désormais
de leurs propres ailes ?
L’association a-t-elle encore
une légitimité ? Comment
se réinventer ? Une enquête auprès
des parents est menée en 1994.
Les réponses reçues
révèlent leur attachement
à l’association et les nombreux
domaines dans lesquels elle peut
encore les soutenir. Le comité
se remobilise pour répondre
aux besoins exprimés
par les membres : rester présents
sur le terrain de l’intégration
scolaire, trouver des solutions
pour alléger un peu leur quotidien,
continuer à sensibiliser
la population et les milieux
politiques, défendre les conditionscadres,
proposer des activités
de loisirs. Un programme qui est,
aujourd’hui encore, celui
de l’association, devenue Insieme
Valais romand en 1995. Un nom
adopté par la Fédération nationale
pour signifier l’engagement
des parents en faveur
du « vivre-ensemble ».
par Cristina Philippoz, journaliste
Sensibilisation d’une classe de primaire à la thématique du handicap
avec la valise pédagogique « Insieme fait la classe », Grégoire Jirillo, Vétroz, 2011.
107
VERS L’INTÉGRATION
≥ Au tournant des années 1990, l’école La Bruyère s’est
encore éloignée un peu plus de l’Association de parents. Si sa
gestion était confiée jusqu’alors à la FOVAHM, elle passe désormais
en mains publiques. Mais une clause des conventions
signées avec les villes de Martigny et de Sion permet à l’association
de garder le lien : les commissions scolaires de ces deux
villes doivent compter un représentant des parents parmi leurs
membres. « La participation aux commissions nous a permis de
faire entendre les besoins des parents, d’avoir des contacts privilégiés
avec les autorités scolaires et de continuer à faire avancer
la cause de nos familles dans ce domaine », explique Nathalie
Rey, l’actuelle présidente d’Insieme Valais romand. Les débuts de
l’intégration scolaire dans les villages en sont sans doute la meilleure
illustration.
Accepter l’inacceptable ?
≥ Au début des années 1990, scolariser un enfant en situation
de handicap équivaut à suivre le modèle de l’assurance-invalidité.
Un cheminement qui ne souffre pas la contestation. Avec une
voie toute tracée : si l’enfant répond aux critères définis par l’AI,
il est scolarisé dans une structure spécialisée reconnue par l’assurance.
Celle-ci prend alors à sa charge 50 % de la facture de
scolarisation, le reste étant assumé par les cantons. En Valais,
l’État assure le 80 % de ce montant, hors cas de rigueur. Sans la
volonté et la ténacité de certains parents désireux de voir leur
enfant intégrer le système scolaire traditionnel malgré leur déficience
intellectuelle, ce modèle de prise en charge aurait perduré
en Valais.
« Raphaël était un enfant particulier dans tous les domaines.
Ceux qui voulaient lui mettre une étiquette disaient de lui qu’il
était trisomique. Mais il était bien plus que cela. Il était Raphaël.
C’était notre enfant. On l’a aimé plus que tout. » 1
≥ L’arrivée de Raphaël et de sa différence dans la vie de la
famille Abbet en 1985 a été vécue comme un coup de tonnerre.
Pour Michel, son père, le choc est terrible. Au déni de la différence
succède l’acceptation.
« C’est beaucoup plus facile quand on accepte le handicap de
son enfant parce qu’on n’est plus marqué par lui. Au fond, on
a l’amour de l’enfant, on sait qu’il est handicapé, mais cela ne
nous pose plus de difficultés. Personnellement, je ne voyais
pas tellement ce qu’il avait de différent, mais je voyais plutôt ce
qu’il avait de semblable avec nous. »
≥ Et c’est cette volonté de voir le semblable, de percevoir les
similitudes et les envies communes qui ont certainement été à
l’origine de la croisade menée pour l’intégration par Michel Abbet,
en tant que père bien sûr, mais également de membre du comité,
puis de président de l’Association de parents
≥ « Moi, je voulais que mon gamin aille à l’école comme les
autres ! » Après le choc de la naissance et la découverte du handicap,
l’entrée à l’école marque souvent une étape cruciale pour
les parents et l’entourage. La question de la scolarisation agit à
nouveau comme un révélateur de la différence. Difficile pour un
parent d’imaginer que son enfant se retrouve en marge du quotidien
de n’importe quel autre enfant de son âge.
≥ Enseignant, Michel Abbet a vécu l’âge d’entrée à l’école de
Raphaël avec douleur. La solution proposée par le système en
vigueur, une scolarisation à l’école La Bruyère, n’est pas du tout
de son goût. Habiter Orsières et être scolarisé à Martigny à l’âge
de l’école enfantine, de surcroît en classe spéciale, ne sonne pas
juste à ses oreilles.
≥ Découvrez la vidéo
de l’entretien
avec Michel Abbet
108
« On venait chercher mon enfant à la maison pour aller
ensuite à l’école La Bruyère à Martigny. Le soir, on le ramenait.
Le but n’était pas l’autonomie de l’enfant, c’était que
l’enfant ne prenne aucun risque. Je comprenais bien leur
souci, mais je ne voulais pas que ce système se fasse au détriment
de la Vie ! Je me suis dit ‹ Il y a quelque chose qui cloche ›.
Le système de ramassage scolaire pour les enfants handicapés
allait de village en village. Le Châble, le Levron, Orsières,
Ravoire et finalement Martigny. Des heures dans un bus à faire
des trajets. Je me demandais s’il n’y avait pas des solutions plus
potables ! Parce que, franchement, quel est l’adulte qui accepterait
de faire cela ? Cela a été mon premier questionnement
face à la scolarisation de mon fils.
Le deuxième est venu lorsque l’on s’est présenté à moi en me
disant ‹ Ton enfant va être dans une classe spécialisée. Il faut
que tu signes là ›. On m’aurait planté un coup dans le ventre,
un coup de couteau, ça n’aurait pas été pire. Ça m’a fait une
douleur… quelque chose d’absolument insupportable. Je me
rappelle encore ce moment de la signature : à l’intérieur j’étais
détruit, même si extérieurement j’ai signé sans rien laisser
paraître. Ça me faisait tellement drôle d’imaginer que mon
enfant allait suivre une classe spécialisée à l’écart des autres.
Pour moi, c’était un crève-cœur terrible. »
Une vision novatrice à Martigny
≥ Heureux hasard ou concours de circonstances, à la même
période, Cécile Hiroz, maman de Stéphane, jeune enfant trisomique,
propose à Michel Abbet de rejoindre le comité de l’Association
de parents. À peine installé dans ses fonctions au comité,
l’Orserain se voit proposer le poste de délégué de l’association au
sein de la commission scolaire de Martigny. L’occasion pour lui
de faire connaissance avec le directeur des écoles de la ville,
Jean-Pierre Cretton, et ses méthodes peu conventionnelles pour
l’époque en matière d’intégration.
La rencontre
avec Jean-Pierre
Cretton redonne
de l’espoir
à Michel Abbet.
« J’ai pu voir qu’il existait une autre approche. Il m’a dit :
‹ Votre enfant a des besoins particuliers. Nous allons
répondre à ces besoins particuliers dans un espace
sécurisé, mais nous allons d’abord lui permettre d’avoir
une vie sociale ›. Pour moi, cette approche était complètement
différente. Profession-nellement, en tant qu’enseignant, je
voyais comment les enfants se construisaient : on ne se
construit pas tout seul, on se construit par rapport aux connaissances,
par rapport aux autres enfants qui sont là. Ce n’est pas
toujours positif, il faut parfois lutter, mais on se construit en
groupe. Et le fait que l’on dise à mon enfant : ‹Toi, on va te
donner un univers tout seul ou presque ›… Je le voyais finir sa
vie tout seul. Impossible pour moi ! Je me posais énormément
de questions et j’étais malheureux pour lui qu’il ne puisse pas
vivre cette cohabitation avec les autres enfants de son âge. »
≥ La rencontre avec Jean-Pierre Cretton redonne pourtant de
l’espoir à Michel Abbet. En avril 1989, avec la commission scolaire,
le papa de Raphaël est invité à visiter l’école La Bruyère –
installée dans la villa Coquoz. À cette date, la décision de transférer
la gestion de l’école à la Commune avait déjà été prise par
le Conseil d’État ; la convention sera signée quelques semaines
plus tard 2 . Lors de la prochaine rentrée scolaire, les élèves rejoindront
leurs camarades scolarisés en classe ordinaire, dans le
nouveau centre des Petits-Epineys. Ils se trouveront dans le
même bâtiment, mais dans des classes spécifiques. « C’était déjà
une très bonne nouvelle », se souvient Michel Abbet.
Des classes pour tous
≥ Le directeur des écoles souhaite toutefois franchir un pas
supplémentaire et intégrer les enfants dans les classes. Une
volonté qui est loin de remporter l’unanimité, mais Jean-Pierre
Cretton ne lâche pas cette idée : « Intégrer est, selon moi, une
philosophie de vie. C’est une vision de société, pas une option
109
pédagogique. Ma politique a toujours été de mélanger les enfants
le plus possible. J’ai dû me battre contre la mentalité ambiante.
À l’époque, on appelait les enfants de La Bruyère les débiles
mentaux éducables sur le plan pratique et ceux qui venaient chez
nous, en classe d’adaptation, les débiles mentaux scolarisables,
triés entre eux selon leur QI. Les scolarisables devaient afficher
un QI de 60 à 75. » 3
≥ Très rapidement, l’étage dédié fait place à des classes
mélangées où tous les enfants se côtoient. Exit donc les classes
dédiées. Symbole de ce changement, les murs qui séparent les
salles sont abattus jusqu’à ne représenter qu’un petit socle.
Insignifiante barrière architecturale qui permet de tenir compte
des demandes de l’AI. Dans les faits, il existe bien deux classes
avec un enseignant pour chacune. Dans la réalité spatiale, il y a
un lieu ouvert où tous les écoliers se voient. Le représentant de
l’OFAS, en visite sur place pour vérifier que les dispositions de
l’AI sont bien respectées, ne peut qu’admettre qu’il existe bien
deux espaces, l’équivalent de deux classes, même si dans les
faits tous les élèves sont réunis. Une petite subtilité qui, malgré
la révolution en cours, sauvera le financement de la scolarisation
des enfants en situation de handicap par l’OFAS.
Des résistances internes
≥ Si les idées novatrices de Jean-Pierre Cretton réjouissent les
parents et les politiques, elles sont loin de plaire à tous les enseignants,
à commencer par ceux qui sont engagés dans l’enseignement
spécialisé. « La commission scolaire et le conseil communal
étaient plutôt motivés. Les résistances venaient des
enseignants spécialisés qui craignaient de perdre leur statut.
C’était compréhensible, pendant des années, on leur avait dit que
ces enfants n’étaient pas scolarisables avec les autres et, avec
leur intégration dans le système dit normal, ils se sentaient
≥ LA POLITIQUE INTÉGRATIVE DE MARTIGNY CITÉE EN EXEMPLE
Les différents acteurs de l’intégration reconnaissent que ce sont avant tout les initiatives privées ou d’une
direction d’école particulièrement engagée qui sont à l’origine des avancées dans ce domaine. Au fil des
témoignages recueillis, tant auprès des parents que des enseignants ou encore de l’Office de l’enseignement
spécialisé, Martigny est immédiatement cité en exemple.
Jean-Pierre Cretton, qui a dirigé les écoles de Martigny durant quarante ans, avait conscience qu’il fallait
avant tout convaincre ses collègues pour que l’intégration soit une réalité. Un partenariat avec l’Université
de Genève est mis sur pied pour former les enseignants à cette nouvelle réalité. Des collaborations qui
aboutissent en 1997 à la création d’une charte réalisée par et pour les élèves. Une charte prônant une
école inclusive, affichée aujourd’hui encore sur un mur du Centre scolaire des Petits-Epineys.
110
désavoués dans le travail qu’ils avaient fourni au sein des classes
dédiées. Ce n’était pas évident pour eux de faire le pas. » 4 Quel
est leur rôle au sein d’une classe où tous les enfants sont désormais
mélangés ? Leur emploi est-il menacé ? Des questions légitimes
auxquelles l’expérience du quotidien trouve une réponse :
les enseignants vont se relayer auprès des élèves intégrés, tout
en partageant le même espace.
≥ Les inquiétudes des enseignants spécialisés calmées, le
directeur martignerain doit également faire face à celles d’une
partie de ses enseignants qui craignent la lourdeur de la tâche et
de se laisser déborder par la gestion d’enfants aux besoins
importants.
≥ S’il y a eu des réticences, il faut aussi souligner les enthousiasmes
parmi les enseignants, comme celui de Sonja Pillet qui
aura finalement raison de la plupart des réserves de ses collègues.
Très engagée pour l’intégration dans sa classe, elle a continué
son cursus en tant que conseillère pédagogique à l’État du
Valais. Une façon pour elle de proposer ailleurs dans le canton
l’exemple d’intégration de Martigny.
Orsières : pionnière de l’intégration
sur le lieu de domicile
≥ « ‹ Mais alors, pour Raphaël, comment ça va se passer ? ›
ai-je demandé. Jean-Pierre m’a répondu qu’il irait à l’école
enfantine à Martigny. Je lui ai répondu : ‹ C’est fantastique s’il
peut aller à l’école enfantine, mais je veux qu’il aille à Orsières.
Il faut qu’il connaisse les enfants de son village ›. Jean-Pierre
Cretton m’a simplement dit : ‹ Fais les démarches, tu verras
bien. › » 5
≥ Michel Abbet tente alors le tout pour le tout.
« Je me suis organisé. J’ai rédigé des courriers pour obtenir ce
que je voulais dès la rentrée scolaire suivante [1989-1990]. Je
suis allé voir la présidente de la commission scolaire et je lui ai
dit ce que je souhaitais. Elle m’a dit de lui écrire. Au mois de
111
ÉCLAIRAGE
D’AUTRES EXPÉRIENCES
D’INTÉGRATION
≥ En 1994, un dossier spécial « Intégration » paraît dans le
mensuel de l’École valaisanne, Résonances 6 . On y parle bien sûr
du modèle de Martigny, mais une autre expérience réalisée à
Sierre pour favoriser l’intégration entre enfants est également
présentée : deux classes enfantines de l’école publique sont délocalisées
au sein de l’Institut Notre-Dame de Lourdes. Un renversement
de situation qui a permis aux pensionnaires de l’institution
sierroise de côtoyer, malgré la lourdeur de leur handicap, des
enfants de leur âge et de partager des activités communes. Cette
forme d’intégration est dite géographique. Si elle est moins poussée,
elle permet tout de même aux enfants de créer des contacts,
de se rencontrer dans la cour de récréation, lors d’activités communes
ou de certains cours. L’Association de parents a été précurseur
dans ce domaine puisqu’au cours des années 1960 déjà
la classe de l’école itinérante d’Orsières se tenait dans les locaux
de l’école primaire de la commune 7 .
≥ Le témoignage d’Anne-Marie Mayor, enseignante à l’école La
Bruyère de Sion jusqu’en 1997, nous a permis de découvrir que
cette ville avait également intégré des élèves en situation de handicap
dans des classes ordinaires, principalement en enfantine,
dans les années 1990.
Trois classes de degré primaire et
une classe enfantine occupaient des locaux
à disposition dans nos bâtiments
à Champsec. L’enseignante de cette
dernière classe m’a d’abord demandé
si je pouvais envoyer de temps en temps
trois ou quatre enfants dans sa classe.
J’ai accepté, mais elle a rapidement trouvé
que cela lui donnait trop de travail.
Nous avons alors décidé que, chaque jour,
deux élèves en situation de handicap,
rejoindraient sa classe et que la stagiaire
qui était normalement dans ma classe
d’adaptation les accompagnerait.
Anne-Marie Mayor, enseignante
à l’école La Bruyère de Sion dès 1968.
Entretien mené en 2021.
≥ Les échanges avec les élèves de primaire étaient plus
rares. Classes ordinaires et classes de La Bruyère n’utilisaient
pas la même cour de récréation. Mais, au cas par
cas, des intégrations partielles avaient lieu. Anne-Marie
Mayor se rappelle notamment d’une petite fille aveugle qui
avait de la facilité en musique et qui rejoignait la classe de
5 e primaire pour ce cours-là. Des activités communes
étaient également prévues à des occasions particulières
comme Noël.
112
juin, j’ai appris qu’une classe de première enfantine
s’ouvrait – ailleurs en Valais, il y avait deux années
d’enfantine, mais à Orsières, jusqu’alors, on commençait
en deuxième enfantine – et que mon enfant faisait
partie de cette classe ! Ça a été pour moi une joie
indescriptible. »
≥ Sans le savoir, Michel Abbet vient de créer une sorte de
jurisprudence dans la prise en charge du handicap en milieu
scolaire. La brèche est ouverte. Plusieurs enfants de la région de
Martigny seront ainsi scolarisés dans les classes de leur village
dans la foulée comme à Fully où deux enfants sont intégrés à
l’école villageoise de Saxé 8 . Une grande première qui avait pourtant
été souhaitée par le Conseiller d’État Bernard Comby en
1986 déjà à travers le décret sur l’enseignement spécialisé 9 .
En 1998-1999,
l’AI accepte de faire
une exception et crée
« les classes d’adaptation
décentralisées.
Faire reconnaître le modèle décentralisé
≥ L’intégration d’élèves en situation de handicap dans leur
commune de domicile remet en cause le modèle AI qui prévalait
jusqu’alors. Ces intégrations, fruit de volontés locales, remontent
forcément à l’Office de l’enseignement spécialisé, alors dirigé par
Philippe Nendaz. Une question se pose : comment maintenir la
reconnaissance de ces élèves par l’AI alors qu’ils sont scolarisés
hors d’une institution reconnue ? 10
≥ Le Canton du Valais s’engage dans une bataille âpre avec
l’OFAS pour justifier ces mesures présentées comme moins onéreuses
que la variante en classe spécialisée ou en institution.
Mais l’AI ne se laisse pas facilement convaincre de la méthode
mise en place, même si, selon l’Office de l’enseignement spécialisé,
elle donne de bons résultats pour les élèves concernés 11 .
≥ Finalement, le modèle développé par Martigny l’emporte. En
1998-1999, l’AI accepte de faire une exception et crée « les
classes d’adaptation décentralisées » pour pouvoir verser une
aide aux enfants scolarisés sur leur lieu de domicile 12 . Le règlement
édicté permet de reconnaître le système d’intégration
mis en place à Orsières.
≥ En 2004, le système est officialisé et un cadre pédagogique,
administratif et financier établi. Des conventions
sont signées avec les communes de Sion, Sierre, Martigny
et Monthey, qui deviennent ainsi des « centres AI ». Les communes
ont dès lors « la responsabilité de la scolarisation des
enfants de la région relevant des mesures de formation scolaire
spéciale au sens de l’AI » 13 . Elles signent ensuite des accords avec
les autres communes de leur région qui leur confient la scolarisation
des élèves relevant de l’AI. Ces conventions ouvrent des
possibles, mais ne sont pas contraignantes. Les élèves peuvent
être scolarisés en classes spéciales, en intégration dans les
écoles du centre AI ou dans celles de leur lieu de domicile.
Plusieurs élèves de communes voisines peuvent également être
regroupés dans une même classe ordinaire 14 . Si la région de
Martigny développe largement ce modèle, jusqu’à ne plus disposer
de classes d’adaptation aux niveaux enfantine et primaire
pour privilégier l’intégration en classe ordinaire, d’autres régions
sont bien moins actives dans ce sens et les résistances sont plus
fortes, pour diverses raisons.
Encore des résistances…
≥ La Berne fédérale convaincue, les conventions régionales
signées, l’Office de l’enseignement spécialisé doit affronter les
résistances des enseignants et des institutions valaisannes.
Certains, comme Dominique Savioz, président de l’Association
des enseignants de Sion, va jusqu’à proposer un moratoire sur
l’intégration : « J’étais le porte-parole d’une inquiétude. Ce n’était
pas en mon nom propre que je le faisais, mais pour tous mes
collègues. Ce n’était pas un non à l’intégration, mais à l’intégration
à tout prix. On avait le sentiment que le Canton faisait de
‹ belles promesses › de soutien aux enseignants pour les accompagner
dans cette forme d’intégration. J’ai défendu l’idée que
cette intégration allait mettre les enseignants dans une situation
difficile. L’idée de ce moratoire était de permettre que les promesses
se transforment en réalité, avec des aides concrètes. » 15
≥ « Sion était considéré à l’époque comme un bastion avec
beaucoup de classes spécialisées où tous les enfants en difficulté
étaient regroupés, précise Michel Délitroz. On a dû faire face à une
opposition assez forte. Il a fallu expliquer que l’idée n’était pas de
faire de l’intégration à tout prix, mais de cas en cas. Ensuite, les
choses se sont apaisées. Le reste des oppositions venaient des
institutions, notamment de Notre-Dame de Lourdes. Il y avait des
enseignants qui ne comprenaient pas. Il fallait convaincre les institutions
que les enfants étaient mieux proches de chez eux. Une
fois certaines réticences levées du côté de Sierre, le processus
s’est bien mis en place. J’aurais tendance à dire qu’il y avait des
villages où l’intégration était plus facile à faire qu’ailleurs ; l’Office
de l’enseignement spécialisé arrivait plus facilement à faire passer
un message dans certaines régions que dans d’autres. » 16
≥ Grâce à l’ouverture d’esprit et au dynamisme de personnalités
du monde scolaire martignerain – avec Jean-Pierre Cretton
pour moteur –, à l’engagement de Michel Abbet et, à travers lui
de l’Association de parents, l’intégration en classe ordinaire dans
la commune de domicile devient une option proposée et encouragée
par les autorités scolaires cantonales, faisant du Valais un
pionnier en la matière.
114
ÉCLAIRAGE
L'OCTROI DE MESURES RENFORCÉES AUJOURD'HUI :
D'UNE LOGIQUE DE DROIT À UNE LOGIQUE DE BESOINS
≥ L’intégration scolaire prend un virage important en Valais à
partir de 2014, avec l’entrée en vigueur de la procédure d’évaluation
standardisée (PES). Désormais, pour octroyer des mesures
renforcées de pédagogie spécialisée, le Canton utilise cet outil
qui permet d’avoir une vision pluridimensionnelle des besoins de
l’enfant 17 . « Il s’agit désormais d’une réflexion globale sur la situation
de l’enfant en tenant compte du contexte. L’analyse est faite
en s’appuyant sur la classification internationale des maladies et
sur la classification internationale des fonctions », explique Guy
Dayer, actuel chef de l’Office de l’enseignement spécialisé. Cette
grille d’évaluation standardisée, mise en place au niveau suisse,
contient plus de 200 entrées et touche tous les secteurs de vie
de l’enfant. Libre à chaque canton, toutefois, de définir le niveau
de détail des informations qu’il souhaite utiliser.
≥ Cette manière d’évaluer l’élève change fondamentalement
les critères AI qui prévalaient jusqu’alors. L’octroi des mesures ne
dépend plus de seuils limites (test de QI), mais de l’évaluation
des besoins. Ensuite, en fonction des résultats obtenus avec la
PES, il convient de trouver la meilleure solution pour répondre
aux besoins de l’enfant, qu’il s’agisse d’une prise en charge mixte,
en classe d’adaptation ou encore en institution.
≥ « Dans certains cas, il est important de ne pas aller trop vite
dans la mise en place de mesures renforcées, car elles peuvent
être ressenties comme stigmatisantes et enfermantes, nuance
Guy Dayer. Par leur nature, elles sont amenées à durer puisqu’un
des critères est de voir s’il y a des conséquences marquantes
sur la vie du jeune une fois qu’il est adulte. Lorsque l’on présente
les mesures renforcées aux parents, on leur parle d’une orientation
de leur enfant avec l’aide de l’AI. Une situation pas toujours
simple pour eux : certains découvrent par le biais de la
scolarité la problématique de leur enfant. À quel moment ces
parents sont-ils prêts à entendre et à entrer en matière sur un
projet différent pour leur enfant de ce qu’ils avaient imaginé ou
rêvé ? » 18
Pour que l’intégration scolaire fonctionne, le projet doit convaincre
tous les partenaires : la direction de l’école, les enseignants et les parents.
Le contexte est différent pour chaque famille. Par exemple, lorsqu’un
enfant ne parle pas ou que sa compréhension est limitée, les échanges
sont plus difficiles. À cela, peuvent s’ajouter des troubles
du comportement, de l’épilepsie et bien d’autres problématiques liées
à son handicap.
La plupart des enfants n’ont pas la notion du danger, ce qui demande
un accompagnement jusque devant l’école et donc une grande disponibilité
des familles. On oublie souvent les frères et sœurs qui se retrouvent
parfois dans la même cour de récréation. La famille doit prendre
en compte tous les éléments pour que tous les membres de la famille
vivent le mieux possible.
Nathalie Rey, présidente d’Insieme Valais romand
115
Une augmentation des élèves bénéficiant
de mesures spécifiques
≥ Les critères étant différents, le public cible évolue lui
aussi. « Pour les ‹ situations claires ›, cela n’amène pas grand-chose
de plus, mais en ce qui concerne les situations ‹ zone grise ›, la PES
est très intéressante. Il peut y avoir dans la grille d’évaluation une
seule case cochée ‹ grave › pour que l’enfant obtienne des mesures
renforcées. Si on prend l’exemple de trouble du spectre autistique,
le TSA, Il peut s’agir par exemple de difficultés comportementales,
de complexité dans l’interaction avec autrui ou de sécurité. Les critères
AI, liés au QI, ne prenaient pas en compte ces éléments.
Désormais, des mesures renforcées peuvent être décidées. » 19
≥ De plus en plus d’enfants qui auparavant passaient entre les
mailles du filet sont reconnus comme ayant des besoins particuliers.
Ainsi, le nombre d’enfants nécessitant des mesures depuis
le changement des critères ne cesse de croître. Disposant d’un
budget de 85 millions de francs toutes mesures confondues,
l’Office de l’enseignement spécialisé demande chaque année que
son budget soit étendu au vu de la croissance des besoins.
L’année scolaire 2016-2017 comptait 3800 périodes pour 713 au
bénéfice de mesures renforcées ; en 2021-2022, ce chiffre
s’élève à 4500 périodes pour 821 élèves. Des chiffres que le chef
de l’Office de l’enseignement spécialisé nuance toutefois, car il
faudrait les comparer à l’effectif total des élèves du canton pour
voir s’il y a une évolution proportionnelle. Plus peut-être que celui
du nombre, le défi actuel est celui de l’hétérogénéité des problématiques
et donc des mesures mises en place. Pour les enseignants,
la tâche peut être complexe. Une réalité que l’on ne doit
pas négliger pour Guy Dayer.
Il convient de trouver
la meilleure solution
pour répondre aux
besoins de l’enfant.
différent de s’adapter et de s’intégrer, mais à la société de
le considérer comme partie prenante d’un tout. Une modification
de taille qui va au-delà de la scolarité, qui concerne
la société dans son ensemble.
≥ Peut-on alors dire que le Valais est un canton inclusif ? Si
l’intégration est une réalité depuis plusieurs années en Valais en
matière de scolarisation, il est délicat pour l’heure de parler d’inclusion.
« On doit tendre vers l’inclusion, conclut Guy Dayer, mais
ce n’est pas possible de donner une date ou un délai pour dire
‹ à partir de ce moment-là, on sera dans l’inclusion ›. En étant
réaliste, je pense que même mes successeurs à l’horizon de
cinquante ou cent ans seront toujours en train de se poser ces
questions. » 20
En route vers l’inclusion ?
≥ La volonté est claire aujourd’hui de passer d’un modèle intégratif
à celui que l’on qualifie d’inclusif. La Loi cantonale sur l’intégration
des personnes handicapées a d’ailleurs été renommée en
2021 Loi sur les droits et l’inclusion des personnes handicapées.
Une étape majeure qui voudrait que ce ne soit plus à l’enfant
≥ Durant l’année scolaire 2021-2022,
821 élèves ont bénéficié de mesures
renforcées: 374 en intégration en classes
ordinaires, 323 en écoles spécialisées
et 124 en classes d’adaptation.
116
TÉMOIGNAGES
UN ENFANT, UN PARCOURS
≥ Dans les pages qui précèdent, toutes les personnes interrogées s’attachent à préciser que chaque parcours d’enfant est unique,
que les moyens mis en œuvre pour permettre son développement, au niveau de sa scolarité notamment, sont spécifiques, dépendent
du contexte. Le vécu des familles le confirme. Certaines d’entre elles ont accepté de le partager à l’occasion des 60 ans d’Insieme
Valais romand, dans ce livre ou dans les vidéos produites. Des témoignages forts que l’on vous partage avec émotion.
ISABELLE ET DIMITRI TACCHINI,
PARENTS DE JULIE, 17 ANS – COLLONGES
« Ça été direct et terrible. Je me rappelle à la seconde près
là où j’étais, nous confie Dimitri. La veille, j’avais appelé le
CHUV pour avoir les résultats de Julie et j’étais tombé sur
une assistante. Elle semblait paniquée, elle m’a dit que la
doctoresse n’était pas là, mais qu’elle me rappellerait le
lendemain. J’ai senti tout de suite que quelque chose
n’allait pas. J’avais beau poser des questions, elle refusait
de me répondre. Cette nuit-là, Isabelle et moi n’avons pas
dormi ; on a échafaudé tous les scenarii possibles. On avait
peur qu’elle soit sourde, aveugle ou pire encore…
Le lendemain, après une nuit blanche, tu pars au CHUV
et c’est ‹ panique à bord ›. Coup de tonnerre : le diagnostic
tombe. On nous annonce que Julie a une maladie très
rare. C’est une maladie que l’on connaît très très peu. Il y
a un cas à Genève et un cas à Zurich. Un peu sonnés, on
l’écoute nous dire le peu qu’elle sait… Normalement, elle
marchera. Normalement, elle parlera. Normalement … On
n’en sait pas tellement plus.
Et aussi étonnant que cela puisse paraître, Isabelle et moi,
nous étions presque soulagés par ce diagnostic. Avec tous
les films que l’on s’était faits durant la nuit… on était
presque contents du verdict que l’on nous donnait. Un
peu sonnés, on est donc partis sans vraiment d’infos, car
la généticienne n’en avait pas plus à nous donner. Julie
avait neuf mois quand on a appris de quoi elle souffrait.
Une fois le diagnostic tombé, on s’est vite rendu compte
de la pression qu’on s’était mise avant de savoir.
Durant les neuf premiers mois de vie de Julie, tout le
monde voulait nous rassurer. Notre entourage faisait mine
que tout allait bien alors que l’on voyait bien que quelque
chose clochait. Je sais aujourd’hui que c’était une manière
de nous protéger. Mais c’est difficile quand personne ne
veut voir le problème en face. Quand on a su pour Julie,
c’est clair que c’était un coup de massue, mais on était
soulagés de savoir à quoi faire face. Et c’est là que tu te
rends compte de la difficulté que cela doit être pour ceux
qui n’ont pas de diagnostic ; ça doit être terrible. Une fois
qu’il est posé, tu sais et tu fais avec la maladie. Depuis ce
jour-là, tout s’est mis en place de manière fabuleuse et
encore aujourd’hui c’est le cas ! »
«L’entrée à l’école a été un moment perturbant pour moi,
explique Isabelle Tacchini, car du jour au lendemain, alors
que tu es tout le temps avec elle, tout à coup tu as trois
ou quatre heures de libre, explique Isabelle. Parce que
dans les faits tu vis que pour elle, que pour la famille.
Alors, là, tu es perdue.
Julie a fait la primaire au village, à Collonges. Jusqu’en
3 e primaire, cette intégration dépendait des Écoles de
Martigny, ensuite on est passé à Monthey. On a vu la
différence ! Durant la primaire, le suivi a été super, il y
avait une éducatrice spécialisée avec elle.
Pour le cycle d’orientation, normalement, lorsque l’on
habite Collonges, on va à Saint-Maurice, mais elle a été
dirigée vers Monthey. On a suivi ce qu’on nous a dit. Elle
a fait sa première année complètement intégrée à
Monthey. Là, c’était chaud pour elle ! C’est un grand cycle
d’orientation de 500 élèves et elle n’avait plus ses copines
qui étaient à Saint-Maurice. Je ne sais pas comment elle
a tenu, mais elle a tenu. Elle a été vraiment courageuse.
Il y avait les changements de classe, les changements de
prof… Elle a dû suivre les autres. Dans la classe, elle ne
faisait rien parce qu’elle ne lit pas et n’écrit pas. Elle faisait
des dessins pendant que les autres étudiaient. Sur le
moment, elle ne disait rien, mais en rentrant à la maison,
elle était très agressive. C’était très compliqué à gérer.
Pour la deuxième année, on nous a conseillé de faire un
mi-temps à La Castalie et l’autre au cycle d’orientation.
Maintenant, elle est à temps plein à La Castalie. Elle fait
les choses à son rythme et je dois avouer qu’elle progresse
mieux.»
118
LAURENCE ET OLIVIER BUCHARD,
PARENTS DE CORENTIN, 25 ANS – SAILLON
« Comme c’était le premier enfant, des deux côtés de la
famille, on a avancé avec ce petit. À six mois, il ne tenait
pas encore assis, il y avait plein de choses qui n’étaient
pas normales, mais le pédiatre nous a toujours dit ‹ il a un
petit retard, mais il va rattraper. Il va rattraper ›.
Un soir, on a vu une émission à la télé avec le professeur
Rufo. Corentin avait deux ans. Ce pédopsychiatre s’exprimait
sur les différentes formes de handicap et les retards
qui étaient liés. À la fin de l’émission, on s’est regardés
avec Olivier et on s’est dit ‹ C’est Corentin ›. L’autre signe
qui nous a alertés était le regard de notre deuxième fils,
Damien, à sa naissance, qui était totalement différent. On
a pris conscience de ce qui n’était pas normal. La difficulté
que nous avons eue est l’absence de diagnostic. Si
tu es trisomique, tu es trisomique ; si tu es autiste, tu es
autiste. Je trouve que pour Corentin, IMC, cela ne correspond
pas du tout. On ne sait pas dans quelle catégorie le
mettre, on ne sait pas, d’ailleurs, s’il y a des catégories,
mais nous n’avons jamais eu d’explications. Est-ce qu’il y
a eu un problème à la naissance ? …
À partir de ce moment-là, on a tout mis en œuvre pour que
ça se passe au mieux. Corentin a commencé la logopédie
et la psychomotricité, bien avant le début de l’école. Ce
que l’on a constaté par la suite, c’est que beaucoup de
parents attendent le début de l’école pour être alarmés
par le milieu scolaire. Nous, nous avons vraiment pris les
devants parce qu’il y avait un problème. À l’âge d’entrer à
l’école, il a été intégré en classe normale au village et
toutes les thérapies qu’il faisait ont été prises en charge
et effectuées durant les heures d’école. La logopédiste et
le psychomotricien venaient en classe, après, il a eu de
l’hippothérapie et de la musicothérapie. En tant que
maman, ça m’a énormément déchargé qu’il commence
l’école, car, avant cela, c’est moi qui l’amenais à toutes
ces thérapies. On a toujours eu un très bon contact avec
les enseignants et les enseignants spécialisés. Il y avait
vraiment un échange et une construction autour de
Corentin. Ils ont tous été là pour le faire évoluer.
Si tout se passait bien, il y avait tout de même des
moments difficiles, notamment à l’occasion des réunions
de parents où certains parents formulaient leurs craintes
que Corentin, par son handicap, retarde leurs enfants.
Tout ce relationnel avec les autres parents n’était pas toujours
évident. Finalement, cela s’est bien passé, car socialement
Corentin n’a pas de problème ; on dira même le
contraire : il est doué socialement. Les autres parents se
sont finalement rendu compte que plutôt que de retarder
leurs enfants, il amenait plein de compléments que l’école
n’aurait pas pu leur apporter, à commencer par la musicothérapie
où les autres enfants étaient aussi intégrés.
Chaque fois qu’il y avait des réunions de parents, j’y allais
la boule au ventre. Déjà rien que parce que je voyais le
programme scolaire des autres, l’avancée des autres et
que je me rendais compte que Corentin faisait du surplace.
Là, on te lance la différence au visage. »
Retrouvez
d’autres témoignages
en vidéo
120
« Insieme fait la classe » est un concept extraordinaire.
Nous sommes partis sur un projet fou et cela a été
une super expérience, car nous nous sommes rendu
compte de la détresse des enseignants dits « normaux ».
Ils ne savaient pas comment faire, ils n’osaient pas parler
du handicap. Avec ce type de projet, il y avait une réalité,
l’enseignant pouvait se préparer à recevoir des enfants
différents dans sa classe et ainsi mieux dialoguer
avec les parents et les autres élèves.
SENSIBILISER AU HANDICAP
≥ Sensibiliser, informer, créer du lien entre les personnes handicapées
et la société dans son ensemble a toujours été une des
missions de l’Association de parents. C’est à travers de petites
actions, de prises de position, d’échanges formels ou informels
que ce travail se réalise, petit à petit, jour après jour. Des projets
de plus grande envergure sont également mis en œuvre et permettent
de marquer les esprits, d’entraîner un changement plus
durable de regard. Deux actions d’Insieme Valais romand permettent
notamment de l’illustrer : la création de la valise pédagogique
« Insieme fait la classe » et sa participation à la Foire du
Valais.
INSIEME fait la classe
≥ Intégrer certes, mais aussi expliquer. Une obligation pour
que l’intégration se fasse dans les meilleures conditions, tant
pour l’élève concerné que pour les camarades qui l’accueillent.
Mais comment parler du handicap aux élèves amenés à côtoyer
dans leur salle de classe un enfant différent, qu’il s’agisse du
handicap mental ou physique ? Les membres du comité d’Insieme
Valais romand, qui vivent le handicap au quotidien, sont
régulièrement sollicités par des membres du corps enseignant
qui se préparent à accueillir un enfant différent dans leur
classe.
≥ À l’occasion des championnats du monde de ski handicap,
organisés entre Anzère et Crans-Montana durant l’hiver 2000
(Handi-Ski 2000), une action socio-éducative est mise sur pied
dans les classes pour parler du handicap physique 21 . La présidente
d’Insieme Valais a découvert ce projet à travers le regard
de son fils aîné qui faisait partie de l’une des 130 classes suisses
qui ont participé à ces championnats. Séduite par l’initiative, elle
propose au comité de reprendre le concept et d’y intégrer le
handicap mental.
Grégoire Jirillo, 2022
≥ Contact est alors pris avec l’enseignant qui a conçu l’action
Handi-Ski 2000, Grégoire Jirillo. Ce dernier accepte de se lancer
dans l’aventure. Trois ans ont été nécessaires pour créer la valise
pédagogique « Insieme fait la classe ». Au printemps 2011, les
valises sont distribuées dans tous les centres scolaires valaisans
et sont disponibles également dans les médiathèques du
canton.
≥ Pour garder une cohérence avec les valeurs mises en avant
par « Insieme fait la classe », les valises sont réalisées par des
travailleurs handicapés intégrés dans des ateliers protégés.
À l’intérieur, les enseignants découvrent des leçons, des jeux, un
appareil pour écrire en braille, des vidéos, des parcours à installer
facilement dans une salle de gym. Pour les concepteurs, la valise
se doit d’être un outil pédagogique, sorte de bagage simple et
utile pour aller à la rencontre des personnes en situation de handicap.
Le contenu de la valise est varié et permet d’aborder plusieurs
thématiques autour de jeux, de discussions et d’activités
spécifiques.
≥ Les objectifs sont nombreux : « Tordre le cou aux préjugés
envers les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental.
Favoriser à travers diverses activités l’intégration des personnes
en situation de handicap. Comprendre leurs difficultés et
se comporter de manière naturelle avec elles. » 22 Avant tout, il
s’agit de favoriser l’intégration en donnant des clés aux élèves
pour qu’ils puissent accueillir plus facilement un « copain » en
situation de handicap dans leur classe.
≥ Durant une année, les porteurs de projet vont présenter le
concept aux enseignants et dialoguer avec eux ; de nombreuses
121
Foire du Valais, 2012.
Le Conseiller d’État Maurice Tornay
visite le stand d’Insieme.
main-forte, durant plusieurs semaines, pour fabriquer ces jeux.
Une initiative rendue possible par Cyrille Philippoz, professeur
d’activités créatrices manuelles, qui avait déjà initié un partenariat
pour les cours entre les élèves de 4 e année et le centre de
réfugiés du Botza. Une façon de vivre l’intégration qui a tout de
suite séduit Nathalie Rey, laquelle a insisté pour collaborer avec
lui.
≥ Le public présent sur le stand pouvait s’essayer aux jeux
d’adresse et comprendre la difficulté dans laquelle un enfant en
situation de handicap peut se trouver.
classes du canton ont participé au projet. « L’idée de base était
que cette valise vive de manière autonome, qu’elle soit un outil
très facile d’accès pour les enseignants et également pour les
élèves », précise Grégoire Jirillo 23 .
Tester son adresse à la Foire du Valais
≥ Faire vivre l’association va de pair avec la financer. Ainsi
faut-il rivaliser d’imagination pour se faire connaître et pouvoir
lever des fonds. Des idées ambitieuses et originales, Nathalie
Rey n’en manque pas. Infatigable présidente de l’association
depuis 2004, elle n’hésite pas à se lancer dans de sacrés défis.
L’un d’eux sera la participation à la Foire du Valais en tant qu’invité
d’honneur du 28 septembre au 7 octobre 2012.
≥ Pendant dix jours, des milliers de visiteurs vont s’essayer à
déjouer les pièges de jeux d’adresse élaborés et réalisés en partenariat
avec un enseignant et des élèves de cycle d’orientation
de Conthey. Des classes de 4 e année du CO ont ainsi prêté
≥ LE COMITÉ D’ORGANISATION
DU 50 E ANNIVERSAIRE
• Maurice Chevrier, Evolène, président, ancien Conseiller
national, frère de Jean-Luc, travailleur à St-Hubert
• Marie-Madeleine Dayer,Sion, vice-présidente,
sœur d’Isabelle, travailleuse à la FOVAHM
• Grégoire Jirillo, Vétroz, caissier, beau-frère de Vincent
• Julien Délèze, Sion, membre, neveu de Jean-Paul,
travailleur à la FOVAHM
Le comité d’Insieme Valais romand a souhaité que chaque
membre du comité d’organisation soit un parent de personne
en situation de handicap.
122
AMÉLIORER L’OFFRE
DANS LE VALAIS CENTRAL
≥ Depuis toujours, l’Association de parents a eu à cœur de
tenir compte de la géographie du Valais romand et de répondre
aux besoins des personnes avec une déficience intellectuelle et
de leurs familles à un niveau régional. Cela a été le cas dans les
questions de scolarisation, du développement de l’école itinérante
à partir de 1963 à celui des classes d’adaptation décentralisées
au tournant des années 2000. La problématique perdure,
aujourd’hui encore. L’engagement d’Insieme Valais romand pour
le développement de structures régionales également.
Une unité d’accueil temporaire
pour la région de Sion
≥ Si la scolarisation d’enfants en situation de handicap au sein
du système traditionnel représente une avancée majeure, les difficultés
rencontrées au quotidien par les familles concernées
demeurent. À la différence d’une prise en charge en internat dans
une institution, l’intégration scolaire ou la scolarisation en classe
spécialisée, en externat, implique pour les parents un engagement
considérable et un rythme de vie qui peut être soutenu.
Résultat : des parents épuisés qui souhaitent pouvoir être soulagés
pour les nuits. Si c’est réalisable lorsque l’on habite la région
de Monthey grâce à La Castalie, qui accueille les enfants pour
des séjours de courte durée ou pour soulager les parents un soir
ou l’autre durant la semaine, la situation est plus compliquée dès
que l’on s’éloigne du centre médico-éducatif.
≥ En 1997, quand Nathalie Rey entre au comité d’Insieme
Valais romand, elle intègre la commission scolaire de Sion. « Mon
fils, Simon, fréquentait alors Notre-Dame de Lourdes et Pauline,
ma fille, l’école La Bruyère à Sion. Simon pouvait passer une nuit
par semaine à l’institution ; Pauline rentrait tous les soirs. Elle
n’avait pas l’air de comprendre pourquoi elle ne pouvait pas, elle
Le fait qu’Insieme Valais romand dispose
d’un représentant à la commission scolaire
permettait de faire connaître les besoins des
parents. Lors des visites que nous faisions dans
les classes, nous pouvions présenter les enfants
aux autres membres, leur expliquer les situations
des familles. Nous avions aussi des contacts
directs avec les responsables scolaires.
Actuellement, et depuis des années, nous ne
sommes plus dans les commissions et nous
sentons bien que faire passer nos idées est
désormais plus difficile.
Nathalie Rey, présidente d’Insieme Valais romand
La structure initiée en 2002 est restée
pérenne et aujourd’hui les parents qui le
souhaitent peuvent toujours bénéficier de cette
option. C’est un soutien aux familles et aux
parents et donc, à mes yeux, une manière de
soutenir l’intégration au sens large.
Michel Délitroz, ancien chef de l’Office de l’enseignement
spécialisé, 2022
123
aussi, passer une soirée avec ses copains, hors maison. Pour les
parents, cela signifie aussi qu’il n’y a aucune décharge, et donc
une absence de vie en dehors du domicile », explique-t-elle 24 .
Avec le comité d’Insieme Valais romand, elle propose alors à
l’Office de l’enseignement spécialisé de créer une structure d’accueil
temporaire dans le Valais central. Un lieu où les enfants
pourraient être accueillis un ou deux soirs par semaine, avec un
accompagnement adapté à leurs besoins.
≥ Un groupe de travail est mis sur pied en automne 2001. Il
réunit le directeur des écoles de la Ville de Sion, l’Office de l’enseignement
spécialisé, le Service de l’action sociale, un neuropédiatre,
une représentante d’Insieme Valais romand et une de
l’association IMC. Très rapidement, le concept et les coûts sont
jugés cohérents. Une séance est agendée à la mi-mars 2002.
Chacune et chacun se voit chargé d’une mission pour faire valider
au plus vite le concept arrêté auprès des différentes instances.
Les recherches de locaux commencent. Un appartement sera
mis à disposition par l’Institut Notre-Dame de Lourdes qui possède
l’infrastructure nécessaire à la prise en charge des enfants.
Mais la structure qui dépend de l’école La Bruyère de Sion reste
indépendante de l’institution sierroise.
≥ L’Unité d'accueil temporaire ouvre ses portes le mardi
27 août 2002. Elle accueille alors six jeunes de 5 à 18 ans scolarisés
à l’école La Bruyère et en classe AI de la région de Sion
pour une nuit par semaine. « Ainsi, du mardi matin au mercredi
midi, les parents confient leurs enfants à l’école La Bruyère. Cela
leur offre une pause bienvenue dans la semaine. » 25
Une antenne de La Castalie à Sierre
≥ La question géographique est également prépondérante lors
du choix de placement en institution d’une personne adulte
polyhandicapée. « La réflexion n’est sans doute pas la même si
l’on habite à quelques kilomètres de La Castalie, dans la région
de Monthey, ou dans le Valais central. Le fait d’avoir une seule
124
institution cantonale dans le Chablais pose certaines difficultés.
Imaginez-vous faire les trajets tous les jours jusqu’à Monthey si
vous souhaitez que votre enfant – quel que soit son âge – soit en
externat ou même toutes les semaines s’il rentre seulement les
week-ends ! » On choisira alors peut-être l’internat, car les déplacements
ne sont pas compatibles avec les obligations quotidiennes
et peuvent être très fatigants également pour les personnes
en situation de handicap. Ainsi, la centralisation sur La
Castalie peut être perçue par certains comme un frein à l’intégration,
la cellule familiale était le premier cercle de celle-ci, juste
avant celui du lieu de domicile.
≥ « En 2002, lorsque ma fille avait 12 ans, j’ai été convoquée
par l’AI pour une orientation professionnelle. C’est lors de ce
rendez-vous que j’ai réalisé qu’il n’y avait qu’une seule possibilité
de formation et de travail pour les enfants polyhandicapés : à La
Castalie à Monthey. Nous habitons dans la région de Sierre…
Bien loin du Chablais. Cela a été la douche froide de savoir que,
dès 18 ans, Pauline devait rejoindre une institution à plein temps
simplement parce qu’elle n’habitait pas au bon endroit », explique
Nathalie Rey. La présidente d’Insieme Valais romand se dit alors
qu’il faudrait une structure régionale. Sa préoccupation rejoint
celle du directeur de la FOVAHM. « La Castalie était arrivée à
saturation, se souvient Jean-Marc Dupont. Il fallait trouver une
solution pour les personnes adultes avec un handicap mental
sévère. Les structures de la FOVAHM ne pouvaient pas les
accueillir, car elles ne sont pas médicalisées. » 26 Des discussions
sont engagées avec le chef du Service de l’action sociale de l’État
du Valais, Simon Darioli, et le directeur de La Castalie, Michel
Giroud.
≥ En 2010, huit ans après que l’idée a été émise par Insieme
Valais romand, une antenne de La Castalie voit le jour dans les
locaux de l’Institut Notre-Dame de Lourdes à Sierre. Ce choix
permet de mieux utiliser les locaux de l’institution, jugés un peu
surdimensionnés, et de profiter de synergies pour les services
généraux et certains soins 27 . Un soulagement pour les familles
concernées, qui peuvent disposer de douze places d’hébergement
et de deux ateliers d’occupation pour leurs enfants. Les
personnes en situation de handicap peuvent y séjourner en internat
ou en externat.
Une préoccupation
encore présente aujourd’hui
≥ En 2020, le Grand Conseil a voté un crédit pour l’agrandissement
de La Castalie à Monthey, montrant ainsi une
volonté de maintenir une forme de centralisation dans la
prise en charge des personnes avec un handicap mental
lourd. Le rapport de la commission de la santé, des affaires
sociales et de l’intégration pointait pourtant du doigt le manque
de places pour les centres de jour dans le Valais central. L’antenne
L’association
fait valoir le droit
au libre choix
du lieu de vie.
125
L’objectif visé [par la nouvelle loi]
est de parvenir à une société qui ne considère
pas les personnes en situation de handicap
comme quelqu’un à intégrer, mais comme
un individu qui dispose exactement des mêmes
droits que n’importe quel citoyen ou n’importe
quelle citoyenne de notre canton.
Mathias Reynard, Conseiller d’État, lors de l’entrée en matière
sur la modification de la loi de 1991, 4 mai 2021 30
de La Castalie à Sierre existe toujours ; elle accueille actuellement
28 adultes, mais les besoins sont plus importants et un agrandissement
est nécessaire. La planification 2021-2024 de l’État
du Valais ne prend toutefois pas directement en compte le critère
géographique. Insieme Valais romand s’engage pour que cela
change. L’association a notamment interpellé le Conseil d’État à
ce sujet. « Nous avons toujours l’énergie pour nous battre, car
nous passons notre temps dans notre voiture, à faire des transports.
Et sincèrement, vous avez déjà vu un home pour personnes
âgées construit à 1h30 de route des familles ? En général
ces structures sont construites à côté des lieux de vie familiaux
pour faciliter les visites », relève la présidente d’Insieme Valais
romand 28 .
≥ Dans le combat qu’elle mène dans ce domaine, l’association
fait valoir le droit au libre choix du lieu de vie contenu dans la
Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation
de handicap, ratifiée par la Suisse en 2014. En mai 2021, le
Grand Conseil valaisan a choisi de mettre en œuvre ce texte
international en révisant la Loi sur l’intégration des personnes
handicapées du 31 janvier 1991 29 . Il est alors le deuxième canton
à le faire. La loi doit entrer en vigueur en 2022. Elle mentionne
notamment que l’État favorise le maintien à domicile des personnes
en situation de handicap.
≥ INSIEME, FINANCIÈREMENT INDÉPENDANTE DU CANTON
Les domaines des loisirs et du conseil sont régis par l’article 74 de la Loi sur l’assurance-invalidité qui n’est pas concerné par la
péréquation financière 33 . Ils restent des prérogatives fédérales, subventionnés par l’OFAS. Les recettes d’Insieme Valais romand
viennent pour 45 % de l’OFAS, pour environ 15 % de la participation demandée aux parents pour les activités. Le 40 % restant
provient des actions de soutien organisées, de fondations privées, etc. L’association ne touche donc aucune aide financière du
Canton. « Cela nous donne une liberté de parole auprès du Canton », précise Nathalie Rey.
126
S’ENGAGER SUR LA SCÈNE
POLITIQUE: LA RPT
≥ Défendre les conditions-cadres, être présente sur la
scène politique pour faire valoir les droits des personnes
en situation de handicap est un souci récurrent de l’Association
de parents. On le voit dans les démarches qu’elle effectue pour
le libre choix du lieu de vie et le développement de structures
d’accueil régionales. Mais s’il est bien un combat à citer un
exemple de son engagement politique, c’est celui mené au
moment de réforme de la péréquation financière (RPT) et de la
répartition des tâches entre Confédération et cantons. Cette révision,
acceptée par le peuple en novembre 2004, touche bien sûr
plusieurs secteurs, dont celui du handicap. Elle marque un réel
tournant dans la prise en charge puisqu’elle transfère aux cantons
la responsabilité de l’organisation et du financement des
institutions pour adultes comme pour enfants 31 . Ce changement
remet en question un système qui était jusqu’alors régi de
manière homogène au niveau fédéral, avec des lois, des règles
et des procédures claires.
Décision est prise
de créer
une communauté
d’intérêts.
≥ Insieme Valais romand s’était prononcée contre cette
réforme la jugeant « antisociale, injuste et inutile » alors que
le système en place avait fait ses preuves 32 . En 2007, au
moment où le Parlement valaisan traite de la mise en
œuvre au niveau cantonal des nouveaux articles constitutionnels,
l’association poursuit son combat, notamment pour que
certaines prestations ne diminuent ou ne disparaissent pas, que
le droit de recours reste applicable pour les parents et pour changer
la règle existant depuis longtemps dans le canton, dite « système
du 20 % de déficit à charge de l’institution ».
Création d’une communauté d’intérêts
≥ Avec l’arrivée des problématiques liées à la péréquation
financière, les associations et institutions concernées cherchent
un moyen de pouvoir être associées aux décisions ou tout du
moins à être entendues sur les problématiques auxquelles elles
sont confrontées. Une de leur crainte est notamment que la RPT
augmente les inégalités et que les financements de l’AI se
perdent dans un grand pot commun et ne soient pas forcément
utilisés pour le domaine du handicap.
Avec la communauté d’intérêts, nous avons essayé de créer des partenariats avec
le Canton, mais ça n’a pas été un grand succès. On a pris la parole, mis en garde,
mais la RPT était un dossier si important, avec tellement de secteurs touchés, tellement
de tâches à gérer, que cela a été très compliqué de se faire entendre.
Nathalie Rey, présidente d’Insieme Valais romand 35
127
≥ Décision est prise de créer une communauté d’intérêts. Vital
Darbellay, ancien Conseiller national, membre du comité central
de la Société suisse de la sclérose en plaques, qui fut également
président du Conseil de fondation de la FOVAHM, en devient le
chef de file. Le 22 février 2006, la « Communauté mise en œuvre
RPT Valais » voit le jour. Quatorze organismes reconnus dans le
domaine du handicap en font partie. 34 Insieme Valais romand en
assume la coordination et le secrétariat.
Les « moins » de la cantonalisation
≥ L’engagement de la communauté d’intérêts ne parvient pas
à éviter certains changements qui péjorent la prise en charge des
personnes en situation de handicap.
≥ La cantonalisation et la redistribution des tâches impactent
le processus de demande d’aide et de soutien, notamment en
matière de scolarisation, que ce soit en classe « normale » ou en
institution. « Avant la RPT, regrette Nathalie Rey, les parents pouvaient
faire recours contre la décision qui leur était notifiée par
l’AI quant aux mesures à mettre en œuvre pour leur enfant. Les
lois étaient claires, les procédures également. Et elles étaient les
mêmes pour toute la Suisse. La possibilité d’avoir gain de cause
lors d’un recours était donc réaliste. C’était d’ailleurs souvent le
cas. Avec la péréquation et la cantonalisation dans ce domaine,
le droit de recours a perdu de sa pertinence ! Il existe, certes,
mais le cadre est désormais moins clair et, dès lors, les arguments
lors d’un recours sont plus faciles à écarter. » 36
≥ Autre élément relevé par la présidente d’Insieme comme une
perte de qualité dans la prise en charge : les transports. « La règle
de l’AI était de soutenir un transport réalisé par des professionnels
depuis et vers le domicile de la personne en situation de
handicap. Depuis que le Canton est responsable du domaine, il
n’y a plus d’obligation de les prendre et les déposer au domicile.
Il peut arriver que les enfants soient pris en charge à un lieu de
La qualité de leurs prestations éducatives
dépendra désormais des gains de la Loterie
romande, des bénéfices des bricolages de Noël
ou des recettes du loto annuel. Aujourd’hui déjà,
les bus qui transportent les enfants handicapés
sont entièrement recouverts de publicité...
Faudra-t-il compter sur ces mêmes sponsors
pour financer une heure de mathématiques
ou de français ?
Communiqué de presse d’Insieme Valais romand,
2 novembre 2007
regroupement dans le village. Dans certains cas, c’est très problématique,
notamment pour les enfants qui ne peuvent pas se
déplacer seuls. »
Une victoire : la scolarisation financée à 100 %
≥ Il est important de relever que la passation en mains cantonales
a également eu des avantages. Le décret de mise en œuvre
de la RPT qui doit être adopté par le Grand Conseil lors de la
session de septembre 2007 modifie plusieurs lois pour s’adapter
à la nouvelle donne. L’occasion de faire modifier une règle remise
en question à plusieurs reprises déjà 37 : le 20 % du déficit des
institutions spécialisées non pris en charge par l’État. Avant la
péréquation, Berne prend à sa charge le 50 % des coûts alors
que le reste doit être assumé par le canton. Mais celui-ci n’assure
que le 80 % du déficit. Les institutions doivent donc trouver ellesmêmes
un financement pour le 20 % restant. Aucune loi au
niveau fédéral ne justifie que le Canton n’assure pas un financement
intégral et le Valais est le seul à procéder ainsi.
≥ Les parents sont alors souvent mis à contribution, lors d’actions
de recherche de fonds comme des lotos, pour que les institutions
parviennent à boucler leurs comptes. Une situation
jugée inacceptable par beaucoup qui ont le sentiment de devoir
faire la manche pour scolariser leur enfant. Une méthode de
128
financement qui fait également remonter à la surface certaines
inégalités de traitement, selon l’intégration ou non des enfants
dans le système scolaire traditionnel. « La famille d’un enfant qui
était en intégration scolaire ou dans une classe d’adaptation
n’avait pas besoin de faire des recherches de fonds. Nous,
parents d’enfants scolarisés dans les institutions spécialisées, le
faisions, par peur que les prestations soient supprimées par
manque de moyens financiers », précise Nathalie Rey 38 .
≥ En 2007, les discussions sur le décret d’introduction de la
péréquation financière permettent de relever cette problématique.
Dans le cas où cette règle du 80 % du déficit subsiste 39 , le
montant à trouver par les institutions deviendrait bien plus conséquent.
Si l’État promet des solutions au cas par cas et l’établissement
de mandats de prestations, les institutions qui se
chargent de la scolarisation des enfants en situation de handicap
souhaitent que le principe soit adopté dans la loi pour assurer sa
pérennité et une égalité de traitement.
≥ Afin d’influer sur les débats et de sensibiliser les politiciens
qui vont voter le décret de mise en œuvre de la RPT en septembre
2007, Insieme Valais romand publie un communiqué de
presse « coup de poing » et lance l’opération « Cartes postales ».
Chaque parlementaire valaisan recevra une ou plusieurs cartes
postales avec des mots personnalisés, de la main des parents
concernés, membres d’Insieme Valais romand, ou de leurs
enfants en situation de handicap.
≥ En septembre 2007, au moment de l’entrée en matière, plusieurs
groupes parlementaires soulèvent la question et font des
propositions de modification du décret et des lois liées 40 . Le
Grand Conseil accède finalement aux demandes de l’Association
de parents et le décret est modifié. Exit le 20 % du déficit restant
à la charge des institutions 41 . Le Canton couvrira désormais le
100 % des frais liés à la scolarisation des enfants en situation
de handicap, qu’ils soient intégrés dans les classes ou en
institution.
Sur la carte postale envoyée
par les familles, trois enfants,
chacun avec une situation
différente. Objectif : montrer
qu’il y a inégalité de traitement
quant au financement puisque,
par exemple, un enfant
qui se trouve à La Castalie,
dans une institution cantonale,
se voit financé à 100 %
alors qu’un enfant scolarisé
à Notre-Dame de Lourdes,
dans le domaine privé,
ne l’est que à 80 %.
129
LES LOISIRS, NOUVELLE MARQUE
DE FABRIQUE
≥ L’Association de parents a toujours eu ce souci d’organiser
une colonie durant l’été pour permettre aux jeunes, puis plus tard
également aux adultes, de vivre ces moments de vacances collectives
et de développer certaines compétences, pratiques et
sociales 42 . Mais, au cours des années 1990, les week-ends et les
camps d’Insieme deviennent la nouvelle marque de fabrique de
l’association.
Une secrétaire-animatrice à l’esprit scout
≥ L’engagement de Lucienne Darbellay Fumeaux comme
secrétaire-animatrice en 1994 marque un tournant. « L’association
recherchait un double profil, explique l’intéressée : ‹ animatrice ›
pour les camps d’été, pour les rencontres avec les parents et
‹ secrétaire › pour tout ce qui concernait l’aide aux démarches
administratives par rapport au droit aux subventions. Le poste
comportait également un aspect de représentation de l’Association
de parents devant les autorités politiques et les institutions.
Comme j’avais été employée de banque et que j’étais infirmière
en psychiatrie, j’avais les deux casquettes. Mais surtout j’avais
beaucoup mis en avant mon côté scout. Animer un groupe, faire
un petit journal, faire des lotos – car il y avait également la
recherche de fonds –, je savais faire et j’avais beaucoup axé làdessus
lors de mon entretien ».
S’amuser les week-ends
≥ Son côté scout chevillé au corps, Lucienne Darbellay
Fumeaux se lance le défi de mettre sur pied des week-ends de
loisirs pour les enfants d’Insieme. Il y avait un réel besoin : « Dans
l’association, à l’époque, il n’y avait pas de parents de très jeunes
enfants, il s’agissait d’enfants qui avaient entre 10-12 ans et qui
avaient connu les débuts de l’intégration scolaire. Mais pour leur
parent, gérer le week-end était compliqué. Imaginez : les frères
et sœurs allaient au foot, partaient en week-end avec les scouts,
avec le ski… et cet enfant qui restait toujours avec eux parce qu’il
était intégré dans les loisirs avant, mais qu’en grandissant, il était
mis de côté de ce point de vue-là. » 44
≥ Pour concrétiser son idée, il lui faut d’abord convaincre les
parents de confier leurs enfants à l’association le temps d’un
week-end et trouver des accompagnants pour les prendre en
charge. Que cela ne tienne ! « Je suis allée voir les gens chez eux,
j’ai discuté avec les parents. Pour trouver une équipe d’encadrement,
comme j’étais membre de l’équipe cantonale scoute, j’ai
demandé du renfort. Les membres de l’équipe étaient inquiets à
l’idée de ne pas savoir comment faire, mais j’avais besoin de leurs
compétences logistiques et organisationnelles. Mon idée était de
partir petit, avec trois ou quatre enfants, et de montrer aux
parents que c’était possible. »
Aujourd’hui, lorsque je sollicite mon
entourage, c’est pour que mes enfants
puissent profiter des loisirs. Ainsi, je suis
presque comme une autre maman qui vend
des abonnements de loto pour le club de foot
de son fils ou pour la fanfare du village.
Nathalie Rey, présidente d’Insieme Valais romand
130
ÉCLAIRAGE
LE CONTACT AVEC LES FAMILLES : UN « INDISPENSABLE »
≥ Disposer d’une association rassembleuse et pouvant leur
venir en aide est important pour les membres d’Insieme Valais
romand. Ils l’ont rappelé lors de l’enquête de 1994. Le rôle des
secrétaires de l’association a toujours été de maintenir et de développer
le lien avec et entre les familles. « L’association est là pour
les membres, explique Nathalie Rey. Par son secrétariat bien sûr,
mais également via les membres du comité, tous parents de personnes
en situation de handicap. Par ce statut, ils connaissent le
quotidien des familles, sont confrontés aux démarches administratives,
etc. Ils peuvent donc aider les parents et également renseigner
la secrétaire de l’Association qui n’a pas forcément les
mêmes connaissances. Toutes les personnes du comité sont là
pour les membres et sont sollicités régulièrement ». Répondre
aux questions individuelles, informer, offrir aux parents une oreille
attentive, sont des « indispensables ».
Un soutien récompensé
pendant la crise du Covid-19
≥ Il a marqué la scolarité et la vie de toutes et tous à partir de
mars 2020 : la pandémie de Covid-19. Qu’en est-il du monde du
handicap ? Les enfants intégrés dans le cursus scolaire traditionnel
ont été logés à la même enseigne que le reste de leurs camarades,
à cette différence près que la majeure partie des thérapies
ont été suspendues avec pour conséquence des régressions
dans l’apprentissage. Pour les enfants et adultes en externat dans
une institution, celle-ci n’étant pas considérée comme leur lieu
de domicile, ils n’ont plus été accueillis durant cette période.
Quant aux internes, deux possibilités se présentaient aux parents :
soit les enfants restaient dans le cadre de l’institution et, à ce
moment-là, ils ne pouvaient recevoir de visite ni rentrer chez eux,
soit les parents les reprenaient à la maison, le temps de laisser
passer la crise sanitaire. Une situation particulièrement difficile
à gérer sur le plan émotionnel et logistique. Durant près de sept
mois, certains parents ont dû réorganiser leur quotidien pour faire
face à cette situation. Insieme Valais romand s’est engagée
auprès d’eux durant cette période, notamment par un suivi téléphonique
personnalisé et en proposant des activités pour rythmer
les journées. « Les jeunes appréciaient d’entendre notre
secrétaire-animatrice, qu’ils connaissent bien. Elle les rassurait,
leur disait que les camps allaient reprendre bientôt, etc. » 43
Insieme Valais romand a reçu un Prix de la Fondation du 100 e de
la Banque cantonale du Valais pour ce travail. Notons qu’elle avait
déjà été récompensée en 1993 par un Prix de la Fondation du
75 e anniversaire de la banque.
≥ Moins d’un an après son engagement, en mars 1995,
Lucienne Darbellay Fumeaux organise le premier week-end, à la
Maison des Pères, à Massongex. Il accueille dix enfants et dix
accompagnants. « En ce qui concerne les accompagnants, on
demandait des gens de bonne volonté, on leur disait ‹ vous faites
un week-end, vous venez et vous voyez ›. Et on avait toujours
dans nos week-ends deux ou trois anciens qui revenaient. » 45
Le succès est au rendez-vous
≥ Les week-ends se multiplient et le succès est au rendezvous.
Les parents sont heureux de pouvoir confier leurs enfants
en toute sécurité tout en leur offrant une parenthèse de vie « normale
», sans les codes de l’institution ou de l’intégration scolaire.
Le temps d’un week-end, leur enfant redevient un enfant comme
les autres.
« Pour moi, ces week-ends devaient être un concept provisoire,
le temps d’une transition, car à terme, j’imaginais que cela
devait se passer comme pour l’école, à savoir une intégration
des enfants dans les structures de loisirs existantes. Je voulais
démontrer qu’il y avait un réel besoin. On a fait des camps sous
tente, on a fait un camp à Marseille pour dire à tout le monde :
‹ On peut ! ›. L’Association de parents voyait cela ainsi : un premier
pas pour ensuite proposer aux structures existantes que
l’enfant en situation de handicap vienne participer à leurs activités
accompagné d’une personne de référence – nos accompagnants
–qui sera là pour que tout se passe bien. Mais les
parents étaient tellement satisfaits et enthousiastes des weekends
que, quand je revenais à la charge avec mes idées, il n’y
avait plus du tout d’écho.
Très rapidement, on a mis sur pied deux camps enfants et deux
camps ados durant l’été. En ce qui concerne les week-ends, le
rythme était d’un par mois. À un moment donné, nous louions
des locaux à l’Institut Sainte-Agnès pour les week-ends que
l’on appelait les week-ends « casbah ». C’était important d’offrir
132
des lieux rassurants, notamment à tous ceux qui avaient des
traits autistiques. Mais on pouvait également leur offrir des
expériences hors des sentiers battus pour élargir leurs compétences.
J’ai toujours adoré participer à ces camps, c’étaient des
moments merveilleux. »
≥ Lorsque Lucienne Darbellay Fumeaux passe le relais, progressivement
entre 1998 et 2000, la cartothèque contient 200
noms d’accompagnants désireux de s’investir pour les weekends.
Avec la généralisation des week-ends et des camps d’été,
un subventionnement de l’OFAS permet de défrayer les accompagnants.
Quant aux parents, c’est une somme symbolique qui
leur est demandée. Une quarantaine de francs par week-end, le
montant qu’aurait payé un enfant qui allait en week-end chez les
scouts ou à un camp de foot. « Et pour ceux pour qui ce n’était
pas possible de payer, on passait le message que l’Association
de parents pouvait prendre en charge la finance d’inscription
grâce à un fonds dévolu à cet effet. Il fallait souvent convaincre
ceux qui n’avaient pas d’argent de se laisser aider. » 46 Annonce pour les activités de loisirs, 1995-1996.
≥ Insieme Valais romand organise entre 110 et 120 journées entre week-ends et camps de vacances, réparties tout
au long de l’année. Elle est au bénéfice de subventions de l’OFAS pour ces activités. Le contrat est négocié tous les quatre
ans. Les subventions sont calculées par journée et par participant, quel que soit le coût effectif.
Le Mont-Blanc – chalet Insieme, aux Marécottes.
Un chalet de vacances « comme à la maison »
≥ Au début des années 2010, l’Association de parents a un
nouveau projet : acquérir un chalet de vacances à la montagne
où organiser ses camps. Elle développe alors un partenariat avec
le Rotary Club de Sierre pour le réaliser. Des commissions mixtes
sont créées entre le Club Service et Insieme Valais romand afin
de mêler les compétences métiers des membres du premier et
les connaissances des besoins de l’Association de parents et des
personnes en situation de handicap. « Nous avons passé une
annonce pour trouver un bâtiment à acheter et nous avons reçu
des offres pour septante objets. L’évaluation de chacun d’eux a
été menée à bien grâce à la complémentarité des connaissances
et points de vue de la commission mixte », explique la présidente
d’Insieme Valais romand. Le choix est arrêté : ce sera le chalet
Mont-Blanc aux Marécottes qui dispose de la taille nécessaire,
d’une bonne desserte en transports publics et se trouve au cœur
d’une station touristique dynamique, gage d’intégration pour les
personnes en situation de handicap.
≥ « Le Rotary de Sierre a impliqué tous ses membres dans la
recherche de fonds également et a participé au financement à
hauteur de 20 % du coût total ! » s’enthousiasme Nathalie Rey
avec un regard plein de gratitude. Le rêve devient réalité en 2014.
Désormais, enfants, jeunes, adultes ont « leur chalet », aux
Marécottes. Cet achat a joué un rôle important dans la pérennisation
des activités de loisirs de l’association, car les logements
pour groupe en montagne devenaient difficiles à trouver.
134
Des séjours pour les jeunes par les jeunes
≥ Aujourd’hui encore, l’esprit festif et joyeux de ces week-ends
hors du temps persiste. C’est une volonté de la part d’Insieme
Valais romand de maintenir ces activités où les jeunes peuvent
avoir leur espace et leurs loisirs. « Nous souhaitons vraiment
qu’ils puissent vivre des temps de loisirs comme les autres jeunes
de leur âge, entre eux. Pour l’encadrement, nous engageons une
responsable formée, mais jeune diplômée, et des jeunes dès
17 ans comme moniteurs », commente Nathalie Rey. « Il y a des
règles : les enfants partent en bus, les parents ne les amènent
pas. Et pas question qu’ils débarquent au milieu de la semaine !
précise-t-elle en souriant. C’est justement cela qui fait la spécificité
de nos camps et pour cela qu’ils plaisent autant. Ces offres
de week-end et de camps aident les mamans à décrocher ; elles
apprennent à le faire même si ce n’est pas toujours facile. Je leur
dis souvent : ‹ Vous, quand vous aviez 18 ans, vous auriez aimé
que papa et maman vous gardent avec eux tous les week-ends,
à regarder la télé sur le canapé ? Ne faisons pas cela avec nos
enfants qui rencontrent déjà des difficultés ›. » 47
≥ Autre bénéfice de ces temps de partage : s’intégrer au monde
du handicap. La présidente d’Insieme Valais romand le relève :
« J’entends souvent des familles qui se réjouissent que leur enfant
soit intégré, mais qui souhaitent également qu’il connaisse son
monde, celui du handicap. Une fois la scolarité terminée, à l’entrée
dans l’âge adulte, il va retrouver le monde des personnes en
situation de handicap, que ce soit dans un cadre professionnel
ou, s’il est intégré en entreprise, dans le cadre des loisirs. Alors il
faut qu’il s’y fasse aussi des amis. L’expérience montre que la
situation la plus favorable à l’épanouissement à long terme de la
personne en situation de handicap est celle où, enfant déjà, il
côtoie les deux mondes. Une solution qu’on pourrait considérer
comme mixte. » 48
135
≥ DES LOISIRS À L’ARRÊT
En mars 2020, l’Association suspend week-ends et camps en raison de la crise sanitaire du Covid-19. « Une collaboration étroite
s’est mise en place entre le médecin cantonal et les institutions liées au handicap. Les personnes qui participent aux activités
d’Insieme venant de tout le Valais romand, et étant intégrées soit dans des classes ordinaires, des institutions, des ateliers, des
entreprises, il était évident que nous devions les suspendre. Le risque de propagation était bien trop élevé. Et il s’agit de loisirs… »
précise Nathalie Rey.
136
CONCLUSION
≥ Dès 1962, et les premières discussions sur les projets à
mener par la future Association de parents d’enfants mentalement
déficients, le comité se donne pour mission, d’une part, de
rassembler les parents et de libérer leur parole, d’autre part, de
développer des offres dans le domaine de l’école, du travail, des
loisirs. L’année suivante déjà, une première classe de l’école itinérante
voit le jour, un atelier de tissage est ouvert à la rue de
Savièse à Sion, les enfants peuvent passer un mois à la montagne
lors d’une colonie de vacances. Une motivation au cœur
de toutes ces actions : permettre aux enfants handicapés mentaux
de grandir dans les meilleures conditions possibles et de
vivre en participant eux aussi aux différents aspects qui composent
la vie d’un individu dans nos sociétés.
≥ Par l’exemple, en retroussant ses manches, sans jamais
baisser les bras, en sensibilisant les autorités publiques et en
partageant sans cesse ses convictions, l’Association de parents
a été un moteur dans le domaine de la prise en charge des personnes
avec une déficience intellectuelle. Plus même, elle a fait
office de pionnière en mettant sur pied rapidement des actions
convaincantes.
≥ Donner l’impulsion est une chose ; savoir la transformer en
orientation durable en est une autre. Une décennie après sa
création, l’Association de parents pose un constat courageux :
elle ne dispose plus des ressources nécessaires pour gérer les
structures qu’elle a créées et qu’elle souhaite encore voir grandir.
La Fondation en faveur des handicapés mentaux (actuelle
FOVAHM), créée d’abord pour des raisons juridiques et financières,
se voit confier alors la gestion des homes et ateliers pour
adultes et de l’école. Tout en restant présente dans les organes
de direction, l’Association de parents choisit toutefois de laisser
ses structures prendre leur envol pour qu’elles puissent grandir
en confiance. Ce choix a été judicieux puisqu’il a permis à chacun
des secteurs de se structurer, de se professionnaliser et
d’ainsi suivre une évolution nécessaire à sa pérennisation.
≥ Toujours mettre au centre des décisions prises le bien-être
des personnes en situation de handicap et la volonté de leur offrir
des choix variés et des niveaux d’intégration adaptés, ne se fait
pas toujours sans heurt ou sans pincement au cœur. Ainsi, en
est-il notamment du transfert de l’école La Bruyère aux communes
de Sion et de Martigny. Accepter le changement, pour
plus d’intégration, mais rester présents pour rappeler sans cesse
les besoins de leurs enfants, être un « garde-fou », sensibiliser les
politiques et les gestionnaires d’institutions : nouveau credo de
l’association dans les domaines de l’éducation, mais également
de l’occupation et de l’hébergement des adultes. Depuis 1962 et
jusqu’à nos jours, l’Association de parents, Insieme Valais
romand, s’engage pour le bien des familles et contribue, sans
cesse, à la politique valaisanne d’intégration et à sa mise en
œuvre sur le terrain. Une politique et un système considérés par
beaucoup comme exceptionnels au niveau suisse, et souvent
cités en exemple.
≥ Après avoir dépensé sans compter son énergie pour le droit
à l’éducation et le droit au travail des personnes en situation de
handicap, Insieme Valais romand se consacre désormais prioritairement
au troisième axe qu’elle avait choisi dès ses débuts : les
loisirs. Avec toujours une motivation : voir, au travers des sourires
des enfants et des adultes concernés, qu’elle contribue à
leur épanouissement et à leur offrir des moments de vie
enrichissants.
Le fait qu’il y ait eu tout ce travail dès
les années 1970 au niveau scolaire, pour l’intégration,
crée une particularité dans notre canton. Cela veut dire
que nous avons déjà deux générations, que j’allais dire
« inclusives », et cela se ressent dans la population,
dans les milieux de l’entreprise. Ce n’est pas tout rose,
il y a encore des gens qui aimeraient que les personnes
en situation de handicap soient exclues,
mais on bénéficie d’un climat très favorable en Valais,
la grande majorité des gens estiment
que l’intégration est une bonne chose.
Jean-Marc Dupont, directeur de la FOVAHM, de 2000 à 2020
139
PRÉSIDENCE DE L’ASSOCIATION DE PARENTS
1962-1966 Nicole Lachat
1966-1969 René Lovey
1969-1974 Jules Délèze
1974-1988 Jean-Claude Berthod
1988-1994 Laurent Torrent
1994 Marie-Madeleine Dayer (intérim)
1994-2001 Michel Abbet
2001-2004 Jacques Dessimoz
Dès 2004 Nathalie Rey-Cordonier
140
NOTES
1 Sur l’instruction publique et la notion d’arriération à la fin du XIX e siècle, voir notamment :
Martine Ruchat, Inventer les arriérés pour créer l’intelligence. L’arriéré scolaire et la classe
spéciale. Histoire d’un concept et d’une innovation psychopédagogique. 1974-1914, Peter
Lang, 2003, pp. 13-29 ; sur les concepts et les termes utilisés pour désigner les personnes
handicapées au fil des décennies, voir notamment le résumé de Lara Bolzman dans son
mémoire de licence : La prise en charge institutionnelle des enfants « anormaux » à Genève.
1874-1932, Université de Genève, 2004.
2 Xavier de Cocatrix, Examens pédagogiques des recrues en Valais de 1886 à 1906, Berne,
1907, p. 7.
3 Id., p. 15.
4 Loi du 3 décembre 1898 sur l’assistance, dans Recueil des lois, décrets et arrêtés du Canton
du Valais (Recueil des lois), t. XVII, 1899, pp. 273-288, citation du préambule.
5 Ibid.
6 Il le pouvait en vertu du Décret du 27 mai 1891 concernant l’application du dixième de la
part du Canton au produit de la régie fédérale des alcools. Le Conseil d’État attribue ce
dixième à la création ou à l’entretien d’institutions publiques ou privées de bienfaisance et
d’éducation.
7 Recueil des lois, t. XVI, 1895, pp. 231-234.
8 AEV, 4150-8/692, lettre signée de Courten à Laurent Rey, chef du DIP, 30 mai 1903.
9 Bulletin des séances du Grand Conseil (BSGC), novembre 1905 ; Loi sur l’enseignement
primaire et sur les écoles normales du 1 er juin 1907, dans Recueil des lois, t. XXI, 1910, pp.
119-158, articles 40 et 46.
10 Id., article 47.
11 BSGC, novembre 1905, pp.127-128.
12 L’École primaire, n o 5, 15 mars 1908, pp. 2-3.
13 « Éducation des enfants anormaux », dans Journal et Feuille d’Avis du Valais (JFAV), 19 mai
1908, p.2.
14 Arrêté du 23 août 1910 concernant la création d’écoles spéciales pour enfants anormaux,
dans Recueil des lois, t. XXIII, 1912, pp. 137-139.
15 Archives de l’État du Valais (AEV), 4150-8/679, Rapport annuel de l’Institut des sourdsmuets
de Géronde 1910-1911.
16 Id., Rapport annuel de l’Institut de Géronde pour l’année 1912/1913. Le Conseil d’État
décide de payer le 50 % de la pension.
17 AEV, 4150-8/680, lettre de l’Institut de Géronde au DIP, 12 septembre 1924.
18 Id., circulaire à Messieurs les Présidents des Commissions scolaires », DIP, 14 septembre
1923.
19 Id., rapport annuel de l’Institut des sourds-muets de Géronde, 1926/27.
20 Id., lettre de l’Institut de Géronde au chef du DIP, Walpen, 18 avril 1927, version non signée.
21 L’École primaire, décembre 1935, p. 429.
22 AEV, 4150-8/683, document intitulé « Total des élèves ayant fréquenté l’institut durant le
cours scolaire 1945-46 ».
23 Plusieurs sources laissent penser que Sion dispose de la seule classe spéciale du canton :
L’École primaire, octobre 1932, p.323 ; L’École primaire, n o 3, 31 janvier 1933, p. 62 (retranscription
des débats du Grand Conseil, réponse à une motion déposée le 17 février 1929 par
le chef du DIP) ; Id., n. 5, 30 novembre 1939, p. 103 (article rédigé par M. Thomas du Service
médico-pédagogique valaisan). Un article de la même revue datant d’octobre 1926 affirme
toutefois que « seules quelques communes » ont créé des cours spéciaux. Il est possible que
les classes ouvertes à Sierre à l’institut de Géronde soient prises en compte.
24 AEV, 4150-8/692, lettre au chef du DIP signée par neufs hommes de Saxon, pères d’un
enfant placé en classe spéciale, 6 novembre 1934.
25 À sa création, le SMPV est unique en Suisse, et même en Europe comme l’écrit l’historienne
Anne-Françoise Praz. Le Dr André Repond a joué un rôle de pionnier dans le domaine de
l’aliénation, mais également de la prise en charge et du dépistage du handicap mental. Sur
le SMPV, voir en particulier : A.-F. Praz, Discours et pratiques face à la maladie mentale en
Valais de la fin du XIX e à 1940 : un terrain d’action pour la Maison de santé de Malévoz,
mémoire de licence, Université de Fribourg, 1985, pp. 169-183 ; Romaine Schnyder,
« Enfants aux besoins particuliers », dans Jean-Henry Papilloud et al., L’enfant en Valais
1815-2015, Annales valaisannes, SHVR, 2016, pp. 161-175. En 2000, le SMPV devient le
Centre pour le développement et la thérapie de l’enfant et de l’adolescent (CDTEA). Il est un
office du Service cantonal de la jeunesse.
26 AEV, 4150-8/692, lettre au Conseiller d’État Loretan, chef du DIP, signée par Louise-Marie
Dupraz [assistante auprès du SMPV], 20 novembre 1934.
27 Id., PV de la séance du 29 novembre 1934.
28 Id., copie non signée d’une lettre du DIP à la commission scolaire de Saxon, 3 juillet 1935.
29 Id., note manuscrite « Écoles des ânes », non signée, sans date. Le soulignement est de
l’auteur de la note. Les mots entre crochets sont de nous.
30 JFAV, 13 novembre 1958, p. 5.
31 AEV, 4150-8/692, Rapport sur l’enquête faite au sujet des élèves de la classe spéciale de
Saxon, 5 p., non signé, non daté ; Id., lettre d’accompagnement, SMPV au chef du DIP, 8
janvier 1935.
32 Dans les rapports de test de QI du SMPV, les QI sont établis par rapport à une valeur de 1
qui représente le niveau médian de la performance dans un échantillon de scores de personnes
testées ayant environ le même âge. Aujourd’hui, cette valeur médiane est de 100.
Nous avons adapté les chiffres de nos sources pour faciliter la lecture.
33 AEV, 4150-8/692, lettre du Service médico-pédagogique valaisan, signée L. Dupraz, à l’inspecteur
scolaire Thomas, 8 janvier 1935.
34 Id., lettre de l’inspecteur scolaire Thomas au chef du DIP, 19 janvier 1934 [sic. Date correcte :
1935]
35 Sur l’histoire de l’AI, voir : Virginie Fracheboud, L’introduction de l’assurance invalidité en
Suisse (1944-1960). Tensions au cœur de l’État social, Antipodes, 2015.
36 L’ASA, nommée depuis 1976 Association suisse d’aide aux handicapés mentaux, a été créée
en 1889 sous le nom Conférence suisse en faveur des idiots. Elle devient, en 1916, l’Association
suisse en faveur des arriérés, et une faitière, avec sections cantonales, en 1931.
37 AEV, 4150-8/689, lettre de l’ASA Section valaisanne, signée [Paul] Mudry, président, et S.
Reichenbach, secrétaire, à Marcel Gard, chef du Département cantonal des finances, 8
janvier 1960.
38 Le terme «oligophrène profond » est utilisé à cette période pour désigner les personnes
souffrant d’un handicap mental profond. Il vient du grec « oligo », peu, et « phrène », esprit.
39 Jean-Louis Korpès, Handicap mental. Notes d’histoire, Cahiers de l’EESP, 3, 1988, pp. 57-59.
40 Sur ces éléments, dans le contexte de la création des associations de parents d’enfants
déficients mentaux, voir notamment : https ://www.insieme.ch/fr_old/wp-content/
uploads/2010/12/50ans_f_4_10.pdf (consulté le 12 juillet 2022).
41 https ://www.aigues-vertes.ch/historique (consulté le 12 juillet 2022).
42 Chef de l’Office cantonal du crédit agricole, dès 1963
43 La Patrie valaisanne, 1 er juin 1962, p. 2.
44 « L’enfance la plus malheureuse », dans Nouvelliste du Rhône, 4 juin 1962, p. 14.
45 Nicole Lachat, « Association valaisanne de parents d’enfants mentalement déficients », dans
JFAV, 14 décembre 1962, p. 15. L’article parait également dans d’autres journaux
valaisans.
46 AEV, fonds Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 19 novembre 1962.
47 AEV, Insieme, document dactylographié avec note manuscrite « Exposé de M me Nicole
Lachat », Sion, 9 décembre 1970.
48 AEV, Insieme, 1.1, Statuts du 17 décembre 1962, version signée uniquement par Nicole
Lachat, manque la signature du secrétaire.
49 Main dans la main, n° 4, nov. 1964.
50 Main dans la main, n° 1, nov. 1963, p. 9. Nous avons gardé l’ordre d’apparition dans cette
publication.
51 Delphine Debons, Une place pour chacun ? Histoire de la FOVAHM, FOVAHM, 2010, p. 29.
52 Main dans la main, n° 1, novembre 1963, p. 9.
53 AEV, Insieme, 5.4, document dactylographié avec note manuscrite « Exposé de M me Nicole
Lachat », Sion, 9 décembre 1970. Nous ne savons pas à quelle occasion a été lu le texte.
54 Main dans la main, n° 1, nov. 1963, p. 5.
55 L’ouvrage présente les activités développées dans le domaine de l’emploi jusqu’en 2010 : de
l’atelier de tissage de la rue de Loèche au projet d’hôtel (aujourd’hui réalisé) en passant par
141
l’atelier de Sierre ouvert en 1967, l’ouverture du premier home-atelier à Saxon en 1975 puis
les développements successifs menés par la Fondation valaisanne en faveur des handicapés
mentaux (FOVAHM), née à l’initiative de l’Association de parents et indissociable de son
histoire. D. Debons, op.cit.
56 AEV, Insieme, 3.1, PV du comité provisoire du 9 novembre 1962.
57 Id., PV de la séance du comité du 22 mars 1963.
58 Main dans la main, n° 3, avril-mai 1964, p. 4.
59 Ibid.
60 AEV, Insieme, 10/7, Commission de la colonie, séance du 7 février 1973.
61 AEV, Insieme, 10/,7, document « Colonie de Montana », avec mention des dates des trois
semaines et des noms des participants, non daté.
62 Id., document « Camp d’été 1973 Montana-Village du 12 au 31 août. Liste des enfants inscrits
au secrétariat APHM Sion ».
63 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 8 février 1974.
64 AEV, Insieme, 10/9, Secrétariat APHM, circulaire aux parents, 21 janvier 1981.
65 Id., document « Colonie de la Fouly, 1981, Maison Les Girolles. Liste des participants,
13.07.1981 ».
66 AEV, Insieme, 10/12, circulaire aux parents du secrétariat APHM sur l’organisation de weekends,
23 mars 1984.
67 Voir ci-après pp. 129-135.
68 L’Association de parents parle soit d’école itinérante, soit d’école ambulante. Pour la suite de
cet ouvrage, le premier terme, plus souvent utilisé dans les documents et qui est resté dans
les mémoires des témoins, est privilégié malgré le fait qu’il puisse entraîner une confusion
avec le Service éducatif itinérant – aujourd’hui Office éducatif itinérant – qui sera créé en
1968 par l’Association de parents.
69 Loi du 4 juillet 1962 sur l’instruction publique, dans Recueil des lois, t. LVI, 1963, pp.
196-225.
70 Règlement du 20 juin 1963 concernant l’octroi de subventions en vertu de l’article 120 de
la loi du 4 juillet 1962 sur l’instruction publique, dans Recueil des lois, t. LVII, 1964, pp.
182-189, articles 26 à 29.
71 Loi du 4 juillet 1962 sur l’instruction publique, dans Recueil des lois, tome LVI, 1963, pp.
196 ss, citation de l’art. 42 et43. Elles sont réparties entre classes d’observation et
d’adaptation.
72 Id., art. 31
73 AEV, La Bruyère, 55, décision du 30.10.1963 mentionnée dans : Extrait des protocoles des
séances du Conseil d’État, décision du 29 décembre 1964.
74 Participation aux Journées internationales organisées à Bruxelles par des psychologues
spécialisés dans l’éducation d’enfants mentalement déficients.
75 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 21 janvier et du 4 février 1964. Disposition
confirmée par une note sans date sur l’école itinérante dans dossier : AEV, Fonds école La
Bruyère (désormais La Bruyère), 42.
76 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 21 janvier 1964.
77 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 17 décembre 1963.
78 Id., PV de la séance du comité du 6 avril 1965.
79 AEV, La Bruyère, 55, Extrait du protocole des séances du Conseil d’État, 29 décembre 1964.
80 AEV, 4150-8/693, note de Marcel Gross à A. Chastonay, chef du Service de l’enseignement,
10 juillet 1964 ; AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 19 janvier 1965 mentionnant
les décisions du Conseil d’État reçues.
81 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 1 er décembre 1964.
82 AEV, 4150-8/693, OFAS, « Les conditions à observer par les écoles spéciales reconnues par
l’assurance-invalidité », note dactylographiée avec visa au 18.03.1964 ; « Convention portant
sur la participation des cantons à la reconnaissance et à la surveillance des écoles spéciales
dans l’assurance-invalidité », document dactylographié avec visa au 28.04.1964.
83 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 14 janvier 1967.
84 Id., PV de la séance du comité du 9 février 1965.
85 AEV, La Bruyère, 47, lettre du 2 novembre 1967 au Chef du DIP signée par Simone
Reichenbach ; voir aussi dans le même dossier une lettre à la clinique dentaire scolaire de
Sion, du 1 er décembre 1967 donnant la répartition des classes à Sion : Une classe le lundi
après-midi, une le mardi de 9h à 15h, une le mercredi après-midi, une le mercredi matin et
une le mercredi après-midi.
86 Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 6 avril 1965.
87 Id., PV de la séance du comité du 19 avril 1966.
88 AEV, 4150-8/693, lettre de Marcel Gross à René Lovey en réponse à sa lettre, 29 novembre
1965 ; lettre de Marcel Gross à Wolfgang Loretan, du même jour ; réponse de W. Loretan à
M. Gross, 3 décembre 1965 lui assurant que cette question a toute son attention. Il précise
qu’une commission d’études, présidée par Marcel Gard, ancien Conseiller d’État et membre
du comité de patronage de l’Association de parents, est au travail avec intention de commencer
la construction en 1966. Il faudra toutefois attendre plus longtemps.
89 AEV, Insieme, 3.1, PV des séances du comité des 24 avril 1967 et 7 septembre 1967.
90 Composition de la commission : R. Perraudin, Chef du Service juridique au DJP, Dr P. Calpini,
Chef du Service de la santé publique, A. Chastonay, chef du Service de l’enseignement
primaire et ménager, Dr. J. Rey-Bellet, directeur de l’hôpital psychiatrique de Malévoz.
91 Voir notamment AEV, La Bruyère, 64, lettre du Dr Rey-Bellet à M me Reichenbach, 1 er octobre
1968.
92 AEV, 4150-8/693, rapport intitulé « Les problèmes de l’enfance déficiente », 25 octobre
1968, 51 p.
93 Id., p, 17-20.
94 AEV, La Bruyère, 43, PV de la séance de la commission de l’école du 26 juin 1970 ; AEV, La
Bruyère, 44, Présentation de l’école La Bruyère, Sion, juin 1973.
95 AEV, La Bruyère, 64, document « Projet pour une école à plein-temps et atelier pour handicapés
», AVPHM Région Sierre, mai 1968.
96 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 7 septembre 1967.
97 Christiane Besson-Gloor, Les enfants du secret. Recherche sur la situation de 198 enfants et
adolescents mentalement handicapés du Valais romand, École d’études sociales et pédagogiques,
Lausanne, 1969.
98 Vingt-et-un élèves ont alors un QI compris entre 50 et 60 à l’école La Bruyère.
99 Christiane Besson-Gloor, op. cit., p. 19.
100 Id., pp. 26-27.
101 Id., pp. 56-58.
102 Id., pp. 66-68.
103 Main dans la main, n° 11, mai 1968, p. 8.
104 G. Favre, « Fernand Premand, applaudi à Paris », dans Le Nouvelliste, 20 juin 1968, p. 10.
105 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 12 janvier 1968.
106 Main dans la main, n° 15, avril 1970.
107 Main dans la main, n° 12, nov. 1968, p. 7.
108 AEV, La Bruyère, 42, document manuscrit « Rapport annuel. école La Bruyère. Année
1968/69 ».
109 Une décision du Conseil d’État du 25 octobre 1968 donne toute compétence au Département
de l’instruction publique pour autoriser l’ouverture de nouvelles classes pour enfants handicapés
mentaux et pour fixer le traitement du personnel.
110 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 26 juin 1968.
111 AEV, La Bruyère, 64, copie d’une lettre de Simone Reichenbach et René Lovey au chef du
DIP, 23 septembre 1968.
112 AEV, Insieme, 3.1, comité 20 mai 1968, du 26 juin 1968 et du 16 août 1968.
113 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 1 er mars 1968.
114 AEV, La Bruyère, 42, PV de la commission de l’école du 8 février 1968, rapport sur une
rencontre organisée avec le Conseiller d’État Marcel Gross.
115 AEV, La Bruyère, 42, copie d’une lettre de Simone Reichenbach à Marcel Gross, chef du DIP,
18 juin 1968.
116 Voir notamment : AEV, La Bruyère, 42, Rapport annuel Année scolaire 1968/69, version
manuscrite de la main de Simone Reichenbach.
117 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 27 mars 1968.
118 Claude Pahud (1924-2017) dirige entre 1953 et 1964 le Centre de formation d’éducateurs
pour l’enfance et l’adolescence inadaptées. Cette année-là, le Centre fusionne avec le Centre
142
d’assistantes sociales et d’éducatrices Fondation Curchod. L’École d’études sociales et pédagogiques
(EESP) – future Haute école de travail social et de la santé – est née.
119 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 27 mars 1968.
120 PV commission école, 23 avril 1968 ; 3.1, comité, 16 août 1968.
121 Voir le dossier 4150-8/494, Didactique à l’école spéciale, 1967-1969
122 Main dans la main, mars 1978. Sur le Centre de formation pédagogique et sociale : CFPS,
20 ans, Centre de formation pédagogique et sociale, Cahiers du CFPS, 5, 1995.
123 AEV, La Bruyère, 43, document « État du personnel, novembre 1969 », copie d’une lettre de
Simone Reichenbach à l’OFAS, 27 novembre 1969.
124 AEV, La Bruyère, 64, Décision du DIP signée A. Zufferey, 3 septembre 1969.
125 D. Debons, op. cit., p. 30.
126 Id., p. 36.
127 AEV, La Bruyère, 42, Rapport annuel Année scolaire 1968/69, version manuscrite de la main
de Simone Reichenbach.
128 Témoignage de Marie-Françoise Tomasi, responsable de l’école de Monthey, transmis par
mail à Nathalie Rey, présidente d’Insieme, le 25 juin 2012.
129 AEV, La Bruyère, 42, copie d’une lettre de S. Reichenbach au chef du DIP, Marcel Gross, 18
juin 1968.
130 Documents conservés dans : AEV, La Bruyère, 42.
131 AEV, La Bruyère, 42, lettre de Simone Reichenbach à Marcel Gross, chef du DIP, 2 novembre
1967.
132 Main dans la main, 3, avril-mai 1964, p. 4.
133 Id., pp. 2-3.
134 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 9 mars 1965.
135 Ordonné prêtre en 1935, l’abbé Henri Bissonnier (1911-2004) fut successivement aumônier
de branches handicapés dans des mouvements de jeunes, professeur d’orthopédagogie et
professeur à l’Institut catholique de Paris avec une chaire de catéchèse et pastorale des états
pathologiques et à l’Université catholique de Louvain de 1963 à 1981.
136 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 9 mars 1965.
137 Main dans la main, n° 6, Juillet 1966, p. 2.
138 AEV, La Bruyère, 42, Rapport annuel Année scolaire 1968/69, version manuscrite de la main
de Simone Reichenbach.
139 AEV, Insieme, 5.4, document manuscrit signé M. Dayer, sans date, probablement 1974.
140 Motion de François Joseph Bagnoud déposée en 1971, développée le 15 novembre 1972 et
acceptée par le Grand Conseil et le Conseil d’État. En 1973, Cilette Cretton dépose une
question écrite concernant cette future législation. Afin d’élaborer une loi, le préposé aux
handicapés est chargé de faire un rapport. Une commission est ensuite réunie et un premier
avant-projet étudié en décembre 1975, puis une consultation des institutions intéressées
organisée en juin 1976. Notons aussi qu’une motion est déposée en 1977 pour l’élaboration
d’une loi sur l’enseignement spécialisé. Voir : Message accompagnant le projet de loi sur les
mesures en faveur des handicapés, BSGC, session prorogée de nov. 1977, p. 321.
141 Loi du 12 mai 1978 sur les mesures en faveur des handicapés, dans Recueil des lois, t. LXXII,
1979, pp. 147-152, art. 4.
142 Message accompagnant le projet de loi…, op. cit., p. 373
143 Voir notamment : AEV Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1975 ; interview
réalisée par Cristina Philippoz avec Cilette Cretton, 2022.
144 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1979.
145 Dites aussi classes AI. En 1978, de telles classes existent à Viège, Sierre, Sion, Martigny et
Monthey (voir Message accompagnant le projet de loi sur les mesures en faveur des handicapés,
n o 12, dans BSGC, session prorogée de nov. 1977, p. 312.
146 Cilette Cretton quitte alors l’école La Bruyère pour prendre en charge une de ces classes.
147 AEV, Insieme, 2, PV de l’AG de 3 mai 1979
148 AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 29 octobre 1974 et du 26 mai
1975.
149 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1975.
150 Id., PV de séance du comité de direction du 30 avril 1976 ; AEV, La Bruyère, 7, lettre de Anselme
Pannatier, chef du Service de l’enseignement primaire, à André Dupertuis, 13 avril 1976.
151 Main dans la main, n° 16, janvier 1972.
152 Les responsables nommées sont : Marie-Françoise Tomasi pour Monthey ; Cilette Cretton
pour Martigny ; Germaine Carron pour Sion ; Monique Frossard pour Sierre.
153 AEV, La Bruyère, 4, « Organisation des écoles et ateliers en faveur des handicapés mentaux »,
note manuscrite indique « décision du C.E. svp. 19.06.1972 » ; Id., « Organisation des écoles
et ateliers en faveur des handicapés mentaux », document à l’en-tête de la Fondation en
faveur des handicapés mentaux, copie non signée, adopté par le Conseil de Fondation dans
sa séance du 24 mai 1972 ; Id., compte-rendu de la séance constitutive du comité de direction,
22 août 1972, signé par Simone Reichenbach ; AEV, La Bruyère, 1, séance du comité
de direction du 12 octobre 1972.
154 Dans le Main dans la main de septembre 1973, Jules Délèze rassure les membres en expliquant
que le comité a veillé à être bien représenté au comité de direction avec trois membres
de l’Association et de la Fondation sur cinq.
155 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 11 juillet 1972.
156 AEV, La Bruyère, 4, « Rapport concernant ‹ école La Bruyère › », document dactylographié,
signature manuscrite d’André Berclaz, mai 1972.
157 Main dans la main, n° 20, février 1973, p. 7.
158 AEV, La Bruyère, 57, « Convention entre l’État du Valais, d’une part, et la Fondation valaisanne
en faveur des handicapés mentaux, d’autre part », copie du document signé, 8 avril 1976.
159 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 29 août 1979.
160 AEV, La Bruyère, 11, lettre aux parents des élèves, 6 août 1979.
161 Ibid.
162 Sous réserve, bien sûr, du respect des directives de l’AI.
163 Voir notamment AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du 13 mai 1980 : les parents
ont posé un certain nombre de questions en lien avec le comité de direction de l’école lors
de l’Assemblée générale. Le comité de direction de l’école envisage de créer une commission
de parents avec un rôle consultatif. Durant toute cette période, on constate une certaine
difficulté de l’Association de parents à trouver sa place dans l’organisation école-comité de
direction. Élément clairement mentionné après la démission d’André Dupertuis, au moment
de repenser l’organisation (Id., PV de la séance du comité du 17 avril 1985)
164 Id., PV de la séance du comité du 24 novembre 1971. Les responsables de centre demandent
une révision du cahier des charges, car les tâches à réaliser sont trop importantes pour être
accomplies dans le temps d’école. Elles demandent des heures supplémentaires pour les
charges administratives. Le « système pyramidal » est remis en cause, mais pour le comité il
est indispensable, voire obligatoire. Les éducatrices doivent désormais tenir un plan de travail
individuel pour chaque élève (évaluation de départ, objectifs, cheminement) qui peut être
contrôlé par le comité (AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du
5 décembre 1972).
165 Voir notamment : Id., PV de séance du 22 juin 1978, du 15 décembre 1978 et du 7 mai 1980.
AEV, La Bruyère, 4, note manuscrite « La Bruyère. Statut des éducatrices » ; AEV, La Bruyère,
8 et AEV, La Bruyère, 10, divers échanges concernant des difficultés entre certaines éducatrices
et la hiérarchie, entre 1976 et 1979. AEV, La Bruyère, 47, lettre d’André Dupertuis à
Anselme Pannatier, chef du Service de l’enseignement, 17 décembre 1979.
166 AEV, La Bruyère, 72, colloques centre de Sion, PV des séances du 17 et du 24 octobre ainsi
que du 14 novembre 1977.
167 AEV, Insieme, 8.1/1, Rapport « Construction du centre ‹ La Bruyère › – Sion (Champsec),
A. Dupertuis, 15 janvier 1973.
168 AEV, Insieme, 3.1, PV de séance du comité du 29 février 1972.
169 AEV, Insieme, 8.1/2.1, compte-rendu « Visite des classes de La Bruyère par MM Villet, OFAS
à Berne, et Berclaz, préposé aux handicapés, Département de l’instruction publique »,
A. Dupertuis, 27 novembre 1973.
170 AEV, La Bruyère, 42, PV de séance de la commission de l’école, 23 avril 1968.
171 AEV, La Bruyère, 43, PV de séance du comité de direction du 17 avril 1970.
172 AEV, Insieme, 8.1/2.2, Extrait du procès-verbal des décisions du Conseil d’État, 23 octobre
1974.
173 Id., PV de séance du comité du 14 septembre 1976.
174 AEV, La Bruyère, 110, Projet de rapport 1967 par M. Dupertuis, 11 mai 1977.
143
175 Voir notamment AEV, La Bruyère, 1, Rapport activité 1973 ; AEV, La Bruyère, 44, lettre au
Service de l’enseignement, 28 juin 1973.
176 AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 1 er octobre 1973.
177 Voir notamment AEV, La Bruyère, 4, lettre aux préposés aux handicapés mentaux des centres
La Castalie, La Bruyère, le centre de Glis, signatures manuscrites de 32 membres du personnel
éducatif de ces institutions, Monthey, 19 mai 1973 ; AEV, La Bruyère, 1, PV, Résumé
des discussions dans les centres sur la convention des éducatrices, 9 mai 1973 ; Id., PV de
séance du comité de direction du 18 mai 1973.
178 Les éducatrices ne sont notamment pas en accord avec ce statut. Voir AEV, La Bruyère, 44,
lettre d’André Dupertuis à Claude Pahud, directeur de l’EESP, pour lui demander des précisions
sur la formation d’éducatrice spécialisée et savoir si, la remarque des éducatrices, soit
que ces professionnels ne sont pas formés pour l’organisation et l’élaboration d’activités
structurées dans le cadre de classes, est justifiée, 24 avril 1973.
179 AEV, La Bruyère, 47, lettre d’André Dupertuis au Service de l’enseignement, 21 janvier 1977.
Dans le même dossier se trouve la même lettre mais manuscrite, signée par André Dupertuis,
son directeur adjoint et 17 membres du personnel éducatif.
180 Id., lettre d’Anselme Pannatier, chef du Service de l’enseignement, à la direction de l’école
La Bruyère,7 février 1977.
181 AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 21 février 1978.
182 AEV, La Bruyère, 4, lettre de l’inspecteur scolaire, M. Praplan, au DIP, 3 juillet 1972 ; AEV,
La Bruyère, 1, PV de séance du comité du 10 novembre 1980.
183 AEV, Insieme, 8.2, Rapport concernant l’Institut La Bruyère à Sion, signé par Marion
Salamin,19 juillet 1984, p. 3.
184 Id., p. 2.
185 Voir notamment AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 10 novembre
1980 ; AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1979, divers documents dans AEV, La Bruyère,
47.
186 AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 10 novembre 1980. Sur le « Bilan
des savoir-faire », voir entre autres AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1981 et document
« Projet de rapport annuel et de rapport de direction », 1984, p. 7.
187 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1986, p. 9.
188 AEV, La Bruyère, 1, correspondance, comité de direction, 18 juin 1973.
189 Id., Correspondances, Allocution prononcée à l’AG de l’AVPHM, 23 mars 1973, non signée
[sans doute A. Dupertuis].
190 AEV, Insieme, 3.1., PV de la séance du comité du 11 juillet 1972.
191 Id., PV de la séance du comité du 21 novembre 1975.
192 Id., PV de la séance du comité du 17 février 1977.
193 Id., PV du comité des 3 juin et 14 septembre 1976, 17 octobre 1977.
194 AEV, La Bruyère, 1, PV de séance du comité de direction du 5 décembre 1972.
195 AEV, Insieme, 2, PV de l’AG du 9 mai 1985.
196 AEV, Insieme, 5.4, PV de séance du comité de direction du 28 août 1984.
197 Le SEI vaudois a été créé en 1960 (voir le site web de la Fondation Verdeil, qui s’en charge
(https ://www.verdeil.ch/presentation/historique/, consulté le 22 juillet 2022). À la fin des
années 1970, tous les cantons romands disposent d’un tel service.
198 AEV, La Bruyère, 42, Rapport annuel Année scolaire 1968/69, version manuscrite de la main
de Simone Reichenbach ; AEV, La Bruyère, 67, « Les pré-scolaires », note avec visa d’André
Dupertuis, 14 octobre 1976.
199 Main dans la main, n° 16, janvier 1972.
200 AEV, La Bruyère, 57, « SEI du Valais romand », document établi par les pédagogues du SEI,
septembre 1982.
201 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère 1984.
202 Voir notammentAEV, La Bruyère, 57, « SEI du Valais romand », document établi par les cent
douze pédagogues du SEI, septembre 1982.
203 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1985.
204 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1978.
205 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1979.
206 Main dans la main, n° 23, décembre 1973, p. 2.
207 Le décret sur l’enseignement spécialisé de 1986 (voir ci-après pp. 91-92) confirme également
cette prolongation de l’âge de scolarité pour les personnes en situation de handicap à
son art.30 (jusqu’à 20 ans révolus).
208 AEV, La Bruyère, 14, « Critères pour le maintien des élèves La Bruyère entre 18 et 20 ans »,
21 septembre 1982.
209 Id., correspondances, Rapport d’activité 1973.
210 D. Debons, op. cit., pp. 113-117.
211 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 14 octobre 1987. Une seconde
structure est prévue à Martigny, mais c’est finalement au home-atelier Pierre-à-Voir à Saxon
qu’elle ouvre ses portes en 1995 où il reste jusqu’en 2002. Quant au centre de Sion, après
une période à la rue Pré-Fleuri, il est désormais installé dans des locaux au sud de la gare.
Voir : D. Debons, op. cit., p. 116.
212 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 18 septembre 1986.
213 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1986.
214 AEV, Insieme, 3.1, PV des séances du comité des 15 mai 1979 et 19 juin 1979.
215 voir L’Éducateur, novembre 1973.
216 Éditorial de Simone Reichenbach, L’École valaisanne, octobre 1975.
217 L’École valaisanne, octobre 1975, pp. 13-16.
218 AEV, Insieme, 8, « Exposé aux membres de la commission d’étude : Déficients mentaux
légers-déficients auditifs », Jean-Claude Berthod, 21 janvier 1976, p. 1-2.
219 AEV, Insieme, 3.1, PV de la séance du comité du, 16 juin 1980 ; Id., 7.2/4, « Présentation
dans les cycles d’orientation 1980-81 », document dactylographié non signé non daté.
220 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1981.
221 « Handicapés… Action école… », dans L’École valaisanne, n° 4 (nov. 1984), p. 15.
222 Pour un rapide résumé historique de cette intégration italienne, voir notamment Olivia Cattan,
Roberto Strizzi, « L’inclusion scolaire à l’italienne », dans Le magazine de la différence, en
ligne : https ://lemagazinedeladifference.com/linclusion-scolaire-a-litalienne/ (consulté le 27
juin 2022) ; pour aller plus loin, voir aussi : Anna de Lucia, Barbara Walter, Yves Jeanne, « Les
processus d’intégration scolaire en Italie et la formation des enseignants » dans Reliance,
2088/1, pp. 111-120, en ligne : https ://www.cairn.info/revue-reliance-2008-1-page-111.htm
(consulté le 27 juin 2022).
223 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 26 janvier 1988.
224 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1980.
225 AEV, La Bruyère, 14, Commission « Réorganisation des classes d’adaptation », séance du 21
octobre 1982.
226 AEV, La Bruyère, 72, PV des colloques du 11 janvier et du 18 janvier 1983.
227 AEV, Insieme, 3.1, PV de séance du comité du 13 juillet 1982. Discussion sur l’avant-projet
de loi scolaire.
228 Voir notamment Id., PV de séance du comité du 12 novembre 1986.
229 AEV, Insieme, 5.4, « Thème de l’intégration », note dactylographiée signée Simone
Reichenbach, 14 novembre 1986.
230 AEV, La Bruyère, 14, PV de séance de commission du 21 octobre 1984.
231 AEV, La Bruyère, 100, Rapport annuel école La Bruyère, 1984.
232 AEV, Insieme, 3.1, PV des séances du comité du 25 février 1987 et du 3 juin 1987. La crainte
de voir les enfants « éducables » et non « scolarisables » mis à l’écart de la législation et des
mesures de soutien étatiques n’est pas nouvelle. En 1970, par exemple, des modifications
sont apportées au texte de la Loi sur l’assurance-invalidité afin que cette catégorie puisse
continuer à bénéfitcier des mesures d’éducation liées. Jusqu’alors la pratique administrative
les prenait en compte, mais des décisions du tribunal fédéral des assurances les excluant
pouvaient faire jurisprudence. Voir : Message du Conseil fédéral à l’attention de l’Assemblée
fédérale à l’appui d’un projet de loi modifiant la Loi sur l’assurance-invalidité, du 4 février
1970, dans : Feuille fédérale, vol. 1, 1970, pp. 173-177.
234 AEV, Insieme, 5.4, lettre de Philippe Theytaz à l’AVPHM, 17 décembre 1984.
235 Philippe Theytaz, « L’enseignement spécialisé dans le canton du Valais », dans L’enseignement
spécialisé en Suisse romande. Une vue d’ensemble rédigée par les responsables cantonaux
de l’enseignement spécialisé, coll. Aspekte – Aspects, 22, 1986, pp. 43-48, citation en p.
48.
144
235 AEV, Insieme, 3.1., PV des séances du comité du 25 novembre et du 18 décembre 1987.
236 Décret du 25 juin 1986 sur l’enseignement spécialisé, dans : Recueil des lois, t. LXXX, 1987,
pp. 76-82. Ce paragraphe se base également sur le règlement d’exécution de ce décret
adopté le 25 février 1987.
237 Décret sur l’enseignement spécialisé, 25 juin 1986, art. 2.
238 Ibid. ; Règlement d’exécution du 25 février 1987, dans : Recueil des lois, t. LXXXI, 1988,
p. 231-236.
239 À noter toutefois que les élèves de ces classes peuvent être également intégrés après cette
période « d’observation » à une classe d’adaptation ou même à un institut spécialisé. Voir
notamment l’étude menée par l’Office de l’enseignement spécialisé : Les classes d’observation
dans le Bas-Valais, juin 1991.
240 Id., art. 11 et 18 et suivants. L’Office de l’enseignement spécialisé a produit divers documents
faisant la synthèse de ces mesures : Ph. Theytaz, « L’enseignement spécialisé dans le canton du
Valais », op.cit. ; Office de l’enseignement spécialisé, Typologie des services à disposition des
enfants ayant des besoins spéciaux, sans date [1989] ; Office de l’enseignement spécialisé,
L’enseignement spécialisé en Valais. Cadre général, 1991. Celui qui apporte peut-être le plus de
clarté, avec notamment des schémas explicatifs, est le dossier « Enseignement spécial » paru
dans Résonances, n° 2, octobre 1989. Le dossier présente également l’école La Bruyère, La
Castalie, l’Institut Notre-Dame de Lourdes. Cette même année, dans d’autres numéros,
paraissent des dossiers sur l’Institut Sainte-Agnès (déc. 1989) et sur l’Institut Saint-Raphaël (nov.
1989). Ces dossiers offrent une bonne vue d’ensemble de l’enseignement spécialisé à cette
période charnière. Tous les numéros sont consultables en ligne sur www.resonances-vs.ch.
241 BSGC, session prorogée de mai 1986 (1 re partie juin 1986), en part. pp. 211, 223, 235.
242 BSGC, session prorogée de mai 1986, op. cit., p. 208.
243 Id., p. 249.
244 Id., p. 250
245 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 22 janvier 1987, retour sur une
séance qui a eu lieu à ce sujet avec le chef du DIP, Bernard Comby ; AEV, La Bruyère, 107,
notamment Rapport sur la situation financière suite à la fermeture de l’école La Bruyère,
1984-1991 ; AEV, La Bruyère, 107, Extrait des procès-verbaux des séances du Conseil d’État,
séance du 18 janvier 1989. Selon toute vraisemblance, le Conseil d’État a finalement « effacé
l’ardoise » de la Fondation en lien avec l’école La Bruyère.
246 Ibid.
247 AEV, Insieme, 8.2, Décision du Département de l’instruction publique du 6 janvier 1987 ; Id.,
lettre du DIP à l’Association valaisanne de parents d’enfants mentalement handicapés,
13 janvier 1987.
248 AEV, La Bruyère, 111, PV de séance du groupe de travail « La Bruyère » du 23 mars 1987.
249 Ibid. ; AEV, La Bruyère, 111, PV de séance du groupe de travail « La Bruyère » du 27 avril
1987.
250 Id., Lettre du personnel de La Bruyère à son directeur, 26 juin 1987.
251 Id., PV de séance du groupe de travail « La Bruyère » du 10 août 1987 ; AEV, La Bruyère, 57,
Convention État du Valais/Bruyère, séance du lundi 28 septembre 1987, « Inventaire des
propositions à soumettre à l’État du Valais et à la Fondation », document interne au groupe
de travail, signé Daniel Moulin, 22 septembre 1987.
252 AEV, La Bruyère, 2, lettre du personnel pédago-thérapeutique de l’école au comité de direction,
13 avril 1987. Voir aussi AEV, La Bruyère, 112, lettre du personnel de La Bruyère Sion,
à Philippe Theytaz, 23 novembre 1987.
253 AEV, La Bruyère, 2, lettre du personnel pédago-thérapeutique de l’école au comité de direction,
13 avril 1987 ; Id., lettre d’Arlette Darbellay, représentante des parents au comité de
direction, à Daniel Moulin, 18 octobre 1987 ; Id., lettre de Laurent Torrent, membre du comité
de direction, 21 octobre 1987 ; Id., lettre de Lisette Bétrisey, 25 octobre 1987,
254 AEV, Insieme, 8.2, « école La Bruyère – Propositions », tableau avec les sept propositions,
daté d’octobre 1987 ; Id., document « Proposition du personnel », 19 octobre 1987.
255 AEV, Insieme, 8.2, lettre du DIP « aux personnes et organismes concernés par l’avenir de
l’école La Bruyère, 9 décembre 1987.
256 Id., lettre du DIP « aux personnes et organismes concernés par l’avenir de l’école La
Bruyère», 9 décembre 1987.
257 AEV, La Bruyère, 2, PV des séances du comité de direction des 26 janvier 1988 et 12 avril
1988.
258 AEV, Insieme, 2, PV de l’AG du 27 mai 1988.
259 AEV, La Bruyère, 79, Étude d’une marche à suivre pour réaliser les dernières volontés de
feue Mlle Louise-Anna Tornay à Martigny, signé Edouard Morand, 7 février 1984.
260 AEV, La Bruyère, 1, PV, copie de lettre de la Fondation L.-A. Tornay, par Simone Reichenbach,
à André Dupertuis, 25 juin 1975.
261 Pour suivre l’évolution des démarches en lien avec cette construction depuis 1983, voir :
AEV, La Bruyère, dossiers 78 à 81.
262 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 27 mars 1987 ; Id., 14 octobre
1987. « L’école La Bruyère passe du privé au public. Un virage à négocier », Le Nouvelliste,
13 juillet 1989, p. 26.
263 AEV, La Bruyère, 70, PV du colloque du 21 octobre 1987. Le décret pour l’octroi de subventions
pour la construction de locaux scolaires à Martigny, du 17 mai 1988, mentionne qu’elle
doit accueillir les classes primaires, les classes AI et les classes de l’école La Bruyère.
264 AEV, La Bruyère, 78, Notes relatives à la séance du 16.06.1987 à l’OFAS/Berne, signées
Daniel Moulin.
265 Voir notamment Id., Décision du Département de l’instruction publique, 8 juin 1988 ; Id.,
lettre de Simone Reichenbach à Philippe Theytaz, 25 novembre 1987.
266 AEV, Insieme, 8.2, Décision du Conseil d’État du 8 juin 1988.
267 Voir notamment AEV, La Bruyère, 3, lettre signée « Le centre de Martigny », 10 octobre 1987 ;
AEV, La Bruyère, 112, lettre du personnel de La Bruyère Sion à Philippe Theytaz, 23
novembre 1987.
268 AE, Insieme, 8.2, lettre de l’Association de parents à Philippe Theytaz, 30 septembre 1988.
269 AEV, Insieme, 8.2, Projet de convention entre l’État du Valais et la Commune de Martigny,
version annotée, 12 décembre 1988.
270 Les desiderata de la Fondation et de l’Association de parents sont pris en compte dans la
version finale de la convention, à l’exception d’une demande d’y inscrire l’admission des
jeunes handicapés jusqu’à l’âge de 2 ans pour tenir compte de leur retard par rapport aux
élèves sans déficience mentale un rehaussement de l’âge à 20 ans pour les enfants handicapés.
L’Office de l’enseignement spécialisé ne remet pas en question cette demande. AEV,
La Bruyère, 57, copie signée de la Convention entre l’État du Valais et la Commune de
Martigny, 11 mai 1989.
271 AEV, Insieme, 8.2, Lettre de la Fondation à Philippe Theytaz, 13 juillet 1988.
272 Voir entre autres : AEV, Insieme, 4.10/2, correspondance avec les membres ; AEV, La
Bruyère, 70, colloque du 25 novembre 1987.
273 AEV, La Bruyère, 2, Lettre de l’école La Bruyère à Jean-Pierre Cretton, 8 septembre 1989.
274 AEV, La Bruyère, 111, « Projet de convention État du Valais/Commune de Sion. Remarques
du personnel (enseignants, éducateurs, spécialistes) », 23 janvier 1990.
275 AEV, La Bruyère, 57, Copie signée de la convention État du Valais-Commune de Sion, 20 mai
1990.
276 AEV, La Bruyère, 57, document « Notes à l’attention des représentants de la Fondation à la
séance du 14 février 1989 », émis par l’école La Bruyère, 20 février 1989.
277 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel 1987.
278 AEV, La Bruyère, 2, PV de séance du comité de direction du 23 janvier 1986.
279 Le coût des visites est problématique depuis plusieurs années. Voir : AEV, La Bruyère, 110,
Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1981. En 1980, il s’élève à 143,35 francs par visite.
280 Id., PV de séance du comité de direction du 9 octobre 1986 ; AEV, La Bruyère, 57, « Objet
de la rencontre avec M. Bernard Comby, chef du DIP », signé par le directeur de l’école La
Bruyère, Daniel Moulin, 18 novembre 1986. Le document explique les modifications que
l’école souhaite faire dans l’organisation du SEI et demande au DIP si, sous réserve de la
Convention État/Fondation, il soutient cette démarche.
281 Voir notamment AEV, La Bruyère, 57, « Considérations complémentaires relatives aux
attentes de la Fondation concernant le SEI », signé Moulin, 27 mai 1987 ; Id., « Séance du
25 octobre 1988 concernant l’avenir de l’école « La Bruyère » et du Service éducatif itinérant
(SEI) », PV établi par la Fondation en complément du résumé envoyé par Philippe Theytaz
en date du 27 octobre 1988, 11 novembre 1988, p. 3. La Fondation souhaiterait que le
145
personnel accède à un statut proche de celui d’éducateur en externat alors que le personnel
du SEI se considère avant tout comme des enseignants spécialisés préparant les enfants à
la scolarité. Voir aussi : AEV, La Bruyère, 67, « Rapport concernant le travail en service itinérant
», signé par les éducatrices, 28 novembre 1980 ; Id., PV du colloque SEI du 21 novembre
1986 ; Id., PV du colloque SEI du 15 mai 1987 ; AEV, La Bruyère, 111, PV de la rencontre du
4 septembre 1987 entre le groupe de travail « école La Bruyère » et les pédagogues du SEI.
282 AEV, La Bruyère, 67, « SEI valaisan. Situation au 31 mars 1987 », p. 2.
283 AEV, La Bruyère, 57, Séance du 25 octobre 1988 concernant l’avenir de l’école « La Bruyère »
et du Service éducatif itinérant (SEI), PV établi par la Fondation en complément du résumé
envoyé par Philippe Theytaz en date du 27 octobre 1988, 11 novembre 1988, p. 3.
284 AEV, La Bruyère, 67, « Rapport concernant le travail en service itinérant », signé par les
éducatrices, 28 novembre 1980.
285 Id., lettre des éducatrices du SEI au comité de direction de l’école La Bruyère, 11 février
1985. Id., PV du colloque du SEI du 21 novembre 1986. AEV, La Bruyère, 2, « Avantages et
désavantages du rattachement du SEI à l’école La Bruyère », signé Sylvia Schouwey,
29 octobre 1986. AEV, La Bruyère, 57, « Notes tirées de documents internes à La Bruyère »,
confidentiel, signé Daniel Moulin, 12 février 1987.
286 AEV, La Bruyère, 110, Rapport annuel de l’école La Bruyère, 1988 ; AEV, La Bruyère, 2, PV
de la séance du 10 novembre 1988.
287 Voir notamment l’argumentaire des pédagogues du SEI dans le « dossier d’information
concernant le SEI du Valais romand » transmis au comité de direction, juin 1986 (AEV, La
Bruyère, 57).
288 AEV, La Bruyère, 67, lettre de l’école La Bruyère au chef du DIP, Bernard Comby, 17 avril
1989.
289 Id., « Service éducatif itinérant. Principes d’organisation 1989 », document émis par l’école
La Bruyère, signé par le président du comité de direction et par le directeur de l’école,
11 avril 1989.
1 Entretien mené avec Michel Abbet, 2021. Les citations suivantes sont tirées du même
entretien.
2 Voir ci-devant, pp. 98-99.
3 Entretien mené avec Jean-Pierre Cretton, directeur des écoles de Martigny de 1970 à 2004,
2022.
4 Ibid.
5 Entretien mené avec Michel Abbet, op. cit.
6 Dossier «Handicap et intégration», dans Résonances, n° 2, octobre 1994, pp. 3-19.
7 Voir ci-devant p. 73.
8 Dossier «Handicap et intégration», dans Résonances, n° 2, octobre 1994, pp. 3-19.
9 Voir ci-devant pp. 91-92.
10 Entretien mené avec Michel Délitroz, 2022.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Ibid.; «Convention pour la scolarisation des élèves relevant des mesures scolaires spéciales
au sens de l’Assurance-Invalidité», Région de Sierre, signée le 23 août 2004 entre l’État du
Valais et la Commune. Le 6 septembre, une convention similaire est signée avec la Commune
de Sion, puis le 9 septembre avec Monthey et le 22 septembre avec Martigny; Accord
régional pour la scolarisation des élèves relevant des mesures scolaires spéciales de l’assurance
invalidité, signé par la Commune de Sierre et les quatorze communes desservies, entre
le 23 et le 24 août 2004. Documents communiqués par Guy Dayer, chef de l’Office de l’enseignement
spécialisé.
14 Ibid.
15 Témoignage de Dominique Savioz, 2022.
16 Entretien avec Michel Délitroz, 2022.
17 https://www.csps.ch/themes/pes (consulté le 22 juillet 2022).
18 Entretien avec Guy Dayer, 2022.
19 Ibid.
20 Ibid.
21 Sur ce projet, voir notamment: Yves Terrani, «Handi-Ski 2000 lance une action socioéducative
destinée aux enfants», Le Temps, 30 septembre 1999.
22 http://www.insieme-faitlaclasse.ch/description-du-projet (consulté le 22 juillet 2022).
23 Entretien mené avec Grégoire Jirillo, 2022.
24 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2022.
25 Ibid.
26 Entretien mené avec Jean-Marc Dupont, 2021.
27 «La Castalie s’installe à Sierre», Le Nouvelliste, 26 mars 2010.
28 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2021.
29 Modification de la Loi sur les droits et l’inclusion des personnes en situation de handicap,
session de mai 2021, en ligne sur le site du Parlement valaisan: www.parlement.vs.ch
(consulté le 15 août 2022).
30 https://vs.recapp.ch/viewer/detail/_?uid=60916abc51583e09080558b1
(consulté le 15 août 2022).
31 Révision de l’article 73 de la Loi sur l’assurance-invalidité.
32 Éditorial de Nathalie Rey-Cordonier, dans Main dans la main, octobre 2004.
33 Ibid.
34 Document «Les représentants des organisations à la séance du 22 février 2006», disponible
en ligne: http://www.insieme-vs.ch/rpt/doc/assocaitionCi.pdf (consulté le 22 juillet 2022).
35 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2022.
36 Ibid.
37 Les archives d’Insieme montrent que l’Association de parents ou la Fondation en faveur des
handicapés mentaux ont à plusieurs reprises mentionné ce problème. La commission RISC
(Rôles des institutions scolaires), active au tournant des années 2000, l’a relevé
également.
38 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2022.
39 L’avant-projet de décret mis en consultation mentionne à son article 32 que «la subvention
n’excède pas en principe 80% du déficit». La Communauté d’intérêts mise en œuvre RPT
prend position en mars 2007 et se prononce contre cette règle. «Communication très importante»,
circulaire aux parents, frères et sœurs d’Insieme Valais romand, août 2007, disponible
en ligne: www.insieme-vs.ch (consulté le 22 juillet 2022).
40 Bulletin des séances du Grand Conseil, septembre 2007, disponible en ligne sur le site
www.parlement.vs.ch, onglet Documents (consulté le 22 juillet 2022).
41 À partir de cette date, les institutions signent avec l’Etat des mandats de prestations. Dès
lors, la limite du 80% de déficit n’est plus applicable. Cette règle est encore plus clairement
formulée depuis la révision de la Loi cantonale de 1991: Loi sur les droits et l’inclusion des
personnes en situation de handicap, 6 mai 2021, art. 32 al. 3 et 4, disponible en ligne sur
www.lex.vs.ch (consulté le 15 août 2022).
42 Voir ci-devant p. 31.
43 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2022.
44 Entretien mené avec Lucienne Darbellay Fumeaux, 2022.
45 Ibid.
46 Ibid.
47 Entretien mené avec Nathalie Rey, 2022.
48 Ibid.
146
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
AI
ASA
ARTES
AVIEA
AVS
CFJA
DIP
EESP
FOVAHM
ORIPH
OFAS
SEI
SMPV
Assurance-invalidité
À sa fondation, Association suisse en faveur des arriérés.
Devient en 1976 l’Association suisse d’aide aux handicapés mentaux
Association romande des travailleurs de l’éducation spécialisée
À sa fondation, Association valaisanne en faveur des enfants et adolescents en difficulté,
puis Association valaisanne des institutions en faveur des enfants, adolescents et adultes en difficulté.
Aujourd’hui, Association valaisanne des institutions en faveur des personnes en difficulté (AVIP)
Assurance vieillesse et survivants
Centre de formation pour jeunes adultes
Département de l’instruction publique
École d’études sociales et pédagogiques
Fondation valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales.
Aujourd’hui, Fondation valaisanne en faveur des personnes avec une déficience intellectuelle
Organisation romande pour l’intégration des personnes handicapées, aujourd’hui Orif
Office fédéral des assurances sociales
Service éducatif itinérant
Service médico-pédagogique valaisan
147
ILLUSTRATIONS ET CODES QR
Références, crédits photographiques
Page 14 – Jullien frères, Phot. Editeurs, Genève. Coll. P. M. Epiney
Page 17 – Cote: AEV, 4150-8/679 – Photo: AEV
Page 19 – Cote: AEV, 4150-8/687 – Photo: Michel Martinez
Page 21 – Cote: AEV 4150-8/692 – Photo: AEV
Pages 26, 66 – © Philippe Schmid, Médiathèque Valais - Martigny
Page 28 – Cote: AVE, Fonds Insieme, 1.2/1.1 – Photo: AEV
Pages 40, 45 – Cote: Médiathèque Valais – Sion, PB 2584 – Photo: MV – Sion
Page 48 – Cote: Médiathèque Valais – Sion, Ba84 – Photo: MV – Sion
Page 50 – Photo Robert Hofer, 2020, État du Valais, Archives SIP-Patrimoine
Pages 52, 53, 70 (dr.), 75 – © Treize Etoiles, Médiathèque Valais – Martigny
Page 69 – Cote: AEV, La Bruyère, 1 – Photo: AEV
Page 72 – Archives de la Ville de Sion
Page 79 – Archives photographiques de la FOVAHM
Page 82 – Archives du mensuel L’École valaisanne, en ligne: www.resonances-vs.ch
Page 89 – Cote: AEV, La Bruyère, 14 – Photo: AEV
Page 103 – Cote: AEV, Insieme 8.2/1 – Photo: Michel Martinez
Pages 106, 110, 113, 119, 123, 124, 130, 131, 135 (g.) – © Raphaël Fiorina
Page 117 – Olivier Maire/Studio54 Sion
Page 132 – Cote: AEV, Insieme, 10.21 – Photo: AEV
Pages 31, 33, 36, 59, 62, 65, 70 (g.),
73, 86, 93, 97, 100, 121, 128, 133, 134, 135 (dr.) – Archives photographiques Insieme Valais romand
URL liés aux codes QR
Liens consultés le 1 er septembre 2022
Page 11 – www.insieme-vs.ch/livre
Pages 52, 111 – www.insieme-vs.ch/livre/portrait1
Page 57 – www.youtube.com/watch?v=XHr8GwNyukE
Pages 63, 91 – www.insieme-vs.ch/livre/portrait3
Page 80, haut – www.insieme-vs.ch/livre/portrait5
Page 80, bas – www.youtube.com/watch?v=X7eCuPEFjY0
Page 107 – www.insieme-vs.ch/livre/portrait4
Page 126 – www.insieme-vs.ch/livre/portrait6
148
REMERCIEMENTS
≥ Nous remercions chaleureusement toutes les personnes sans qui ce livre n’aurait pas
pu exister. Chacune a apporté sa pierre à l’édifice et nous leur en sommes sincèrement
reconnaissantes :
• En premier lieu, Nathalie Rey, présidente d’Insieme Valais romand, et Jean-Marc
Dupont, ancien directeur de la FOVAHM, qui ont imaginé ce projet et s’en sont fait les
promoteurs. Merci pour leur confiance, pour l’agréable collaboration que nous avons
eue, pour leurs relectures attentives et leur souci de la qualité ;
• Le comité d’Insieme Valais romand qui a approuvé et suivi le projet ;
• Les personnes qui se sont prêtées au jeu de l’entretien, devant caméra ou non :
Michel Abbet, Laurence et Olivier Buchard, Rachel et Myriam Carraux, Emmanuel
Chevrier, Cilette Cretton, Jean-Pierre Cretton, Lucienne Darbellay Fumeaux, Guy Dayer,
Michel Délitroz, Juliane Dolt, Jean-Marc Dupont, Anne-Marie Mayor, Nathalie Rey,
Isabelle et Dimitri Tacchini ;
• Les Archives de l’État du Valais, les Archives de la Ville de Sion, la Médiathèque Valais
– Sion, la Médiathèque Valais – Martigny et leurs collaboratrices et collaborateurs pour
leur accueil, leurs conseils et leur disponibilité ;
• Anne Bourban et Olivier Dami pour leurs relectures ;
• Cilette Cretton pour avoir réalisé un pré-tri des archives d’Insieme Valais romand et
établi une chronologie historique sur cette base ;
• Toutes les institutions qui ont soutenu ce projet et les personnes et institutions qui y
ont participé de près ou de loin.
149
TABLE DES MATIÈRES
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 005
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 009
La situation des enfants
handicapés mentaux avant 1960 . . . . . . . . . 013
Les premières actions pour l’éducation
des enfants anormaux en Valais . . . . . . . . . . . . . . 015
Le tournant des années 1960 :
un autre regard sur le handicap . . . . . . . . . . . . . . 022
L’Association valaisanne de parents
d’enfants mentalement déficients . . . . . . . . 025
17 décembre 1962 : Assemblée constitutive . . . . . . . 027
Une première année riche en projets . . . . . . . . . . . 031
ÉCLAIRAGE
Proposer des temps de vacances . . . . . . . . . . . . . . . 032
PAROLES D’ARCHIVES
Nicole Lachat témoigne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 030
PAROLES D’ARCHIVES
Le travail des éducatrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 054
Placer son enfant, une source de souffrance . . . . . . . . 055
Le cadre pédagogique de l’école . . . . . . . . . . . . . . . 056
La famille, gage d’épanouissement . . . . . . . . . . . . . . 057
Entre renforcement institutionnel
et remise en question . . . . . . . . . . . . . . . . . 061
Un contexte en mutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 063
Restructurer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 068
Professionnaliser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 074
Garder le contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 076
Développer des structures pour chaque âge . . . . . . . . 078
ÉCLAIRAGE
Un grand projet : la construction de l’école de Champsec 072
Sensibiliser les élèves des classes traditionnelles . . . . . . 082
PAROLES D’ARCHIVES
Hommages à Simone Reichenbach . . . . . . . . . . . . . 066
Témoignage d’une maman . . . . . . . . . . . . . . . . . . 081
De l’école itinérante à l’école La Bruyère . . . 035
Une base légale : la loi scolaire de 1962 . . . . . . . . . 037
Reconnaissance provisoire par l’État . . . . . . . . . . . . 037
L’école itinérante : une année test . . . . . . . . . . . . . 038
Un soutien confirmé du Conseil d’État . . . . . . . . . . 039
La hausse des effectifs : un défi à relever . . . . . . . . . 041
La commission cantonale sur l’enfance déficiente . . . . 043
« Les enfants du secret » : enquête
sur les enfants éducables sur le plan pratique . . . . . . 046
L’école La Bruyère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 049
L’intégration à tout prix . . . . . . . . . . . . . . . . 085
Pour une intégration nuancée . . . . . . . . . . . . . . . 088
Le décret sur l’enseignement spécialisé . . . . . . . . . . 091
Quel avenir pour La Bruyère ? . . . . . . . . . . . . . . . 092
Une remise en question en profondeur du SEI . . . . . . 102
PAROLES D’ARCHIVES
Un regard sur l’intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
ÉCLAIRAGE
Informer, rapprocher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 048
L’éducation religieuse : un point d’inquiétude . . . . . . . . 058
150
Toujours engagée pour le vivre-ensemble.
L’Association de 1990 à nos jours . . . . . . . . 105
par Cristina Philippoz
Vers l’intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Sensibiliser au handicap . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Améliorer l’offre dans le Valais central . . . . . . . . . . . 122
S’engager sur la scène politique : la RPT . . . . . . . . . 126
Les loisirs, nouvelle marque de fabrique . . . . . . . . . 129
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Présidence de l'Association de parents . . . . 139
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Abréviations et acronymes . . . . . . . . . . . . . 146
Illustrations et QRcodes :
Références et crédits . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
ÉCLAIRAGE
D’autres expériences d’intégration . . . . . . . . . . . . . . 111
L’octroi des mesures renforcées aujourd’hui.
D’une logique de droit à une logique de besoins . . . . . . 114
Le contact avec les familles : un « indispensable » . . . . . 130
TÉMOIGNAGES
Un enfant, un parcours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
SOUTIENS
FONDATION
LÉONARD GIANADDA
MÉCÉNAT
Logotype Bourgeoisie de Sion 2/2 (sponsoring)
Fondation
Paul & Marcelle Blondin
CMYK: 0/100/100/0 PANTONE 032 U PANTONE 1797 C
CMYK: 0/0/0/50
CMYK: 0/0/0/70
Le logotype est indissociable.
Fondation
Pierre-à-Voir
Fondation Denis et
Louise-Anna Tornay
Fondation
Gabriel Tschopp
Graphisme et mise en page : www.laligne.ch
Impression : Imprimerie Ronquoz Graphix, Sion
Papier : Couché demi-mat, 150 gm 2 , issu d’une gestion exemplaire des forêts
Dépôt légal : Octobre 2022
≥ Cet ouvrage, publié à l’occasion des 60 ans d’Insieme Valais romand,
met en lumière l’engagement des parents pour offrir aux personnes avec
une déficience intellectuelle une meilleure qualité de vie et un accès à l’éducation,
au travail et aux loisirs. Ce livre vient compléter celui publié en 2010
à l’occasion des 40 ans de la FOVAHM et qui, à travers l’histoire de cette
dernière, retraçait les actions menées pour les adultes. Il s’attache dès lors
principalement aux actions menées en faveur des enfants, et en particulier
de leur accès à l’éducation. De la création de l’école itinérante en 1963
à l’intégration scolaire aujourd’hui, il éclaire les origines d’une démarche qui
a fait du Valais un exemple pour toute la Suisse.
Faire l’histoire d’Insieme Valais romand, c’est également donner la parole à des personnes qui
ont participé à l’écrire. Pour enrichir et compléter le livre, des vidéos ont été produites. Elles
offrent un regard « de cœur » sur le parcours de personnes en situation de handicap et sur
celui de femmes et d’hommes qui ont participé à la vie de l’association.