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ÉVALUATION DE LA CORRUPTION AU SÉNÉGAL

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Si les différents corps de la justice ne disposent pas de code d’éthique et de déontologie en bonne et due<br />

forme, les textes qui les régissent contiennent cependant des dispositions tendant à les astreindre à une<br />

certaine discipline. Aux termes ainsi de l’article 13 de la loi organique portant statut des magistrats 18 ces<br />

derniers doivent rendre impartialement la justice sans considération de personnes ni d’intérêt. L’article 15<br />

de ladite loi dispose que tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la<br />

délicatesse ou à la dignité constitue une faute disciplinaire.<br />

La justice souffre cependant d’un déficit d’indépendance à l’égard de l’exécutif. Si cette indépendance<br />

est formellement proclamée par la Constitution, elle est remise en cause dans la pratique. Les raisons<br />

essentielles ont été déjà analysées dans la partie relative au cadre institutionnel de lutte contre la<br />

corruption. Il convient néanmoins de s’arrêter sur la fragilisation du principe de l’inamovibilité par le<br />

Conseil d’Etat dans l’affaire Mbacké FALL et Cheikh Ndiaye en date du 18 avril 2002. Les requérants<br />

faisaient valoir qu’ils ont été affectés sans leur consentement en violation du principe de l’inamovibilité.<br />

Dans sa formation en section, le Conseil d’Etat leur avait donné gain de cause 19 . Le Ministre de la justice<br />

introduit une requête tendant au rabat de cet arrêt. Le Conseil d’Etat se saisit de nouveau de cette affaire<br />

mais cette fois en sections réunies. Elle infirme la première décision en affirmant qu’en leur qualité de<br />

juges intérimaires, ils devaient s’attendre à de telles affectations et qu’il leur appartenait d’exprimer leur<br />

désaccord au Conseil Supérieur de la Magistrature. En d’autres termes, il leur appartenait d’aller vers le<br />

Conseil supérieur de la magistrature et non d’attendre que leur avis soit sollicité.<br />

Cette interprétation du principe de l’inamovibilité des juges fragilise naturellement leur indépendance. Et<br />

face au risque d’être de ne pas être promu en raison de son indépendance d’esprit nombreux seront les<br />

juges qui éviteront de mettre en cause l’exécutif.<br />

La justice ne bénéficie pas non plus d’une autonomie budgétaire à l’image du parlement bien qu’il soit<br />

érigé en pouvoir au même titre que ce dernier. On doit toutefois souligner que la justice a connu une<br />

amélioration de sa gestion budgétaire à travers l’expérience pilote de déconcentration de l’exécution du<br />

budget dans un cadre de dépenses sectorielles à moyen terme (CDSMT) qui s’est traduite par une nette<br />

augmentation des moyens financiers. La justice a été ces dernières années renforcée par le recrutement<br />

massif de magistrats et de greffiers en particulier. Les conditions matérielles de la magistrature ont connu<br />

une nette amélioration par la revalorisation de l’indemnité de judicature.<br />

La corruption est généralisée et affecte toutes les composantes de la justice.<br />

Elle concerne d’abord la police judiciaire. Il arrive souvent que des personnes convoquées par le<br />

procureur ne se présentent car averties par des agents de police judiciaire eux-mêmes moyennant<br />

rétribution, elles quittent le territoire national. Corrompus par des délinquants, certains officiers rendront<br />

compte en affirmant que l’enquête a été infructueuse l’adresse de la personne incriminée n’existant pas.<br />

Dans d’autres cas, les dossiers pour lesquels une enquête de police a été sollicitée n’arrivent jamais au<br />

commissariat qui a été requis.<br />

Au niveau des greffes deux pratiques ont été relevées. Des dossiers sont volontairement égarés ou alors<br />

les minutes des décisions ne sont délivrées que moyennant rétribution ou non délivrés pour empêcher<br />

l’exécution de la décision. Des détournements de fonds publics ont été opérés par certains greffiers.<br />

Certaines procédures sont encore pendantes devant la justice.<br />

Les magistrats ne sont pas épargnés par la corruption qu’ils s’agissent de magistrats du parquet que ceux<br />

du siège. Il est arrivé que des magistrats acceptent des avantages indus pour décider dans un sens<br />

18<br />

Loi organique n° 92-27 portant statut des magistrats<br />

19<br />

CE 13 septembre 2001<br />

<strong>ÉVALUATION</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CORRUPTION</strong> <strong>AU</strong> <strong>SÉNÉGAL</strong> 27

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