Notes du mont Royal
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<strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong> <strong>Royal</strong><br />
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<strong>Royal</strong> » dans le cadre d’un exposé<br />
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i#V<br />
Ra^<br />
* V • ••<br />
0 ' >*«<br />
CONFUCIUS; ».<<br />
m? ir-rfci<br />
CZb:<br />
N
CATALOGUE DE LA BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER.<br />
VÏCTO» ses®.<br />
Noire-Dame de Paris, 2 vol.<br />
Le Dernier jour d'un Condamné, i , __,<br />
Bug-Jargal, »<br />
Han d'Islande, 4 voî.<br />
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Les Feuilles d'Automne, i . .,<br />
Chants <strong>du</strong> Crépuscule, f *° '<br />
£&? ^o/ar intérieures, » . ,<br />
!.« Rayons et les Ombres, I<br />
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Physiologie <strong>du</strong> Mariage, 4 vol.<br />
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Scènes de la Fie paris rt nue, 2 vol.<br />
Ztf Médecin de Campagne, |gf ©î.<br />
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CONFUCIUS<br />
ET MENCIUS.<br />
LES QUATRE LIVRES<br />
DE PHILOSOPHIE MORALE ET POLITIQUE DE LA CHINE,<br />
TRADUITS DU CD1R018,<br />
FAB m. m. PAVVHIEB.<br />
-*
w*m*mm^mm<br />
INTRODUCTION.<br />
' et Toute grande puissance qui apparaît sur la terre y<br />
laisse des traces plus ou moins <strong>du</strong>rables de son passage.<br />
Des pyramides, des arcs de triomphe, des colonnes, des<br />
temples, des cathédrales, en portent témoignage à la postérité;<br />
mais les monumens les plus <strong>du</strong>rables-, ceux qui<br />
exercent la plus puissante influence sur les destinées des<br />
nations, ce sont les grandes œuvres de l'intelligence hu-<br />
; maine que les siècles'pro<strong>du</strong>isent de loin en loin, et qui,<br />
météores extraordinaires, apparaissent comme des révélations<br />
à des points déterminés <strong>du</strong> temps et de l'espace,<br />
pour guider les nations dans les voies providentielles que<br />
le genre humain doit parcourir 1 .»<br />
C'est un de ces monumens providentiels, dont on donne<br />
ici la première tra<strong>du</strong>ction française faite sur le texte chinois<br />
2 .<br />
Dans un moment où l'Orient semble se réveiller de son<br />
sommeil séculaire au bruit que font les puissances euro- *<br />
péennes qui convoitent déjà ses dépouilles, il n'est peutêtre<br />
pas inutile de faire connaître les œuvres <strong>du</strong> plus<br />
grand philosophe moraliste de cette merveilleuse contrée,<br />
dont les souvenirs touchent au berceau <strong>du</strong> monde, comme<br />
* àTertitsemeal de la tra<strong>du</strong>ction française que sons a?oo§ donnée en 1831 <strong>du</strong> Ta-hio<br />
ou de la Grande Étude, avec une version latine et h texte chinois en regard ; acmmpagné<br />
<strong>du</strong> commentaire complet <strong>du</strong> Tchw-hi et de notes tirées des divers autres eommentateurs<br />
chinois. Gr. in-8°.<br />
9 Voyez la aote ci-après, 'p. xs?in.<br />
a
11 nmODUGTION.<br />
elle touche au berceau <strong>du</strong> soleil. C'est le meilleur moyen<br />
de parvenir à l'intelligence de l'un des phénomènes les<br />
plus extraordinaires que présente l'histoire <strong>du</strong> genre humain.<br />
En Orient, comme dans la plupart des contrées <strong>du</strong><br />
globe, mais en Orient surtout, le sol a été sillonné par<br />
de nombreuses révolutions , par des bouleversemess fui<br />
ont changé la face des empires. De grandes nations, depuis<br />
quatre mille ans, ont paru avec éclat sur cette vaste scène<br />
<strong>du</strong> monde. La plupart sont descen<strong>du</strong>es dans la tombe avec<br />
les raonumens de leur civilisation, ou n'ont laissé que de<br />
faibles traces de leur passage ; tel est l'ancien empire de<br />
Darius , dont l'antique législation nous t été en partie<br />
conservée dans les écrits de Zoroastre, et dont on cherche<br />
maintenant à retrouver les curieux et importans vestiges<br />
dans les inscriptions cunéiformes de Babylone et de Persépolis.<br />
Tel est celui des Pharaons, qui, avant de s'ensevelir<br />
sous ses éternelles pyramides, avait jeté à la postérité,<br />
comme un défi, l'énigme de sa langue figurative, dont le<br />
génie moderne, après deux mille ans de tentatives infrpo<br />
tueuses, commence enfin à soulever le voile. Mais d'autres<br />
, nations, contemporaines de ces grands empires, ont<br />
résisté, depuis près de quarante siècles, à toutes les révolutions<br />
que la nature et l'homme leur ont fait subir.<br />
Restées seules debout et immuables quand tout s'écroulait<br />
autour d'elles, elles ressemblent à ces rochers escarpés<br />
que les flots des mers battent depuis le jour de la création<br />
sans pouvoir les ébranler, portant ainsi témoignage de<br />
l'impuissance <strong>du</strong> temps pour détruire ce qui n'est pas une<br />
œuvre de l'homme.<br />
En effet, c'est un phénom^ie, on peut le dire, extraordinaire,<br />
que celui de la nation chinoise et de la nation in-<br />
—gj s***~- -•• • m„r-,-, jt y* ^ ^
- ' * MTlÔMJCfitîf* ni<br />
dienne se conservant immobiles, depuis l'origine la plus<br />
reculée des sociétés humaines, sur la scène si mobile et si<br />
changeante <strong>du</strong> monde ! On dirait que leurs psemiers législateurs<br />
, saisissant de leurs bras de fer ces nations à<br />
leur berceau, leur ont imprimé une forme indélébile» et<br />
les ont coulées, pour ainsi dire, dans un moule d'airain,<br />
tant l'empreinte a été forte, tant la forme a été <strong>du</strong>rable !<br />
Assurément, il y a là quelques vestiges des lois éternelles<br />
qui gouvernent le monde.<br />
La civilisation chinoise est sans aucun doute la plus<br />
ancienne civilisation de la terre. Elle re<strong>mont</strong>e authentiquement,<br />
c'est-à-dire par les preuves de l'histoire chinoise!,<br />
jusqu'à deux mille six cents ans avant notre ère. Leô documens<br />
recueillis dans le Chou-king ou Livre par excellence 2 ,<br />
surtout dans les premiers chapitres, sont les documetis les<br />
plus anciens del'histoire des peuples. Il est vrai que le Choufongr<br />
fut coordonné par KHOUMG-FOU-TSEU (COOTUCIUS) dan«<br />
la seconde moitié <strong>du</strong> sixième siècle avant notre ère 3 ; mais ce<br />
grand philosophe, qui avait un si profond respect pour l'antiquité,<br />
n'altéra point les documens qu'il mit en ordre.<br />
D'ailleurs, pour les sinologues, le style de ces documens,<br />
qui diffère autant <strong>du</strong> style moderne que le style des douze<br />
Tables.dififére de celui de Cicéron, est une preuve suffisante<br />
de leur ancienneté.<br />
Ce qui doit profondément étonner à la lecture de ee<br />
beau monument de l'antiquité, c'est la haute raison, le<br />
sens éminemment moral qui y respirent* Les auteurs de<br />
Oa peat consulter à ce sujet notre Description historique, géographique ê$ Uiiérmn<br />
de la Chine, 1.1, pag. 32 et sait. F. Dldot frères, 18ST.<br />
* Yojes la tra<strong>du</strong>ction de ce livre dans les livres satrêt is l'Orient qm Mil mm*<br />
publies ches MM. F. Didoi, eo as fort ?oi. ia-8 9 à deux colonnes, d'où la tra<strong>du</strong>ction<br />
qm tient doaaoai ici des Quatn Uvrti a éff tiré*.<br />
* V«y«i Sa Wîêkm en F. §tiM!f pag. 1 «I «tir»<br />
/
"<br />
. m nmoBUCTiov*<br />
de ce livre, et les personnages dans la bouche desquels<br />
sont placés les discours qu'il contient, devaient, à une<br />
époque m m reculée, posséder une grande culture morale,<br />
qu'il serait difficile de surpasser, même de nos jours. Cette<br />
pande culture morale, dégagée de tout autre mélange<br />
impur que ©elui de la croyance aux indices des sorts, est<br />
un fait très-important pour l'histoire de l'humanité ; car,<br />
ou cette grande culture morale était Se fruit d'une civilisation<br />
déjà avancée, ou c'était le pro<strong>du</strong>it spontané d'une<br />
nature éminemment droite et réfléchie : dans l'un et l'autre<br />
cas, le fait n'en est pas moins digne des méditations <strong>du</strong><br />
philosophe et de l'historien.<br />
Les idées contenues dans le Chou-king- sur la Divinité,<br />
sur l'influence bienfaisante qu'elle exerce constamment<br />
dans les événemeos <strong>du</strong> monde, sont très-pures et dignes<br />
en tout point delà plus saine philosophie. On y remarqua<br />
surtout l'intervention constante <strong>du</strong> Ciel ou de la Raison<br />
suprême dans les relations des princes avec les populations,<br />
ou des gouvernans avec les gouvernés, et cette intervention<br />
est toujours en faveur de ces derniers 9 c'est-à-dire<br />
<strong>du</strong> peuple. L'exercice de la souveraineté, qui dans nos<br />
sociétés modernes n'est le plus souvent que l'exploitation <strong>du</strong><br />
plus grand nombre au profit de quelques-uns, n'est, dans<br />
le Chow-kimg, que l'accomplissement religieux d'un mandat<br />
céleste au profit de tous, qu'une noble et grande mission<br />
confiée au plus dévoué et au plus digne, et qui était retirée<br />
dès l'instant que le mandataire manquait à son mandat.<br />
Nulle part peut-être les droits et les devoirs respectifs des<br />
,#- rois et des peuples, des gouvernans et des gouvernés,<br />
n'ont été enseignés d'une manière aussi élevée, aussi digne,<br />
aussi conforme à la raison. C'est bien là qu'est constamment<br />
mise en pratique cette grande maxime de la démocratie<br />
\
INTHODUCTIOlf. *V<br />
moderne : vox poputi+vox Dei9 « la voix <strong>du</strong> peuple est la<br />
voix de Dieu. » Cette maxime se manifeste partout, mais on<br />
la trouve ainsi formulée à la fin <strong>du</strong> chapitre Kdo-Jjao-mo,<br />
§ 7 (p. 56 des Livres sacrés de VOrient).^ •<br />
« Ce que le Ciel voit et entend n'est que ce que l^peu-<br />
» pie voit et entend. Ce que le peuple juge dipte de récom-<br />
» pense et de punition est ce que le Ciel veut punir et<br />
» récompenser. 11 y a une compunication intime entre le<br />
» Ciel et le peuple; que ceux qui gouvernent les peuples<br />
» soient donc attentifs et réservés.» On la trouve aussi formulée<br />
de cette manière dans le Ta-hio ou la Grande<br />
Etude, ch. x, § 5 (pages 25-26 <strong>du</strong> présent volume) :]<br />
c< Obtiens l'affection <strong>du</strong> peuple, et tu obtiendras l'em-<br />
» pire ;<br />
» Perds l'affection <strong>du</strong> peuple, et tu perdras l'empire. »<br />
On ferait plusieurs volumes si Ton voulait recueillir tous<br />
les axiomes semblables qui sont exprimés dans les livres<br />
chinois, depuis les plus anciens jusqu'aux plus modernes ;<br />
et, nous devons le dire, on ne trouverait pas dans tous les<br />
écrivains politiques et moraux de la Chine, bien plus nombreux<br />
que partout ailleurs, un seul apôire de la tyrannie<br />
et de l'oppression, un seul écrivain qui ait eu l'audace, pour<br />
ne pas dire l'impiété, de nier les droits de tous aux dons<br />
de Dieu, c'est-à-dire aux avantages qui résultent de la<br />
réunion de l'homme en société, et de les revendiquer au<br />
profit d'un seul ou d'un petit nombre. Le pouvoir le plus<br />
absolu que les écrivains politiques et les moralistes chinois<br />
aient reconnu aux chefs <strong>du</strong> gouvernement n'a jamais été<br />
qu'un pouvoir délégué par le Ciel ou la Raison suprême -<br />
absolue, ne pouvant s'exercer que dans l'intérêt de tous,<br />
pour le bien de tous, et jamais dans l'intérêt d'un seul et<br />
pour le bien d'un seul. Des limites morales infranchissa-<br />
/ :
H IMïlôIHJCIMIl.<br />
Mis sont posées à ce pouvoir absolu; et s'il lui arrivait de<br />
les dépasser, d'enfreindre ces lois morales, d'abuser de son<br />
mandat» alors, comme fa dit un célèbre philosophe chinois<br />
<strong>du</strong> douzième siècle de notre ère, TCHOU-HI[, dans son<br />
Commentaire sur le premier des Quatre Livres classiques<br />
de la Ckim (voyez page 15), enseigné dans toutes les écoles<br />
et les collèges de l'empire 9 le peuple serait dégagé de<br />
tout respect et de toute obéissance envers ce même pouvoir,<br />
qui serait détrait immédiatement; pour faire place à<br />
un autre pouvoir légitime, c'est-à-dire s'eierçant uniquement<br />
dans les intérêts de tous.<br />
Ces doctrines sont enseignées dans le Chom-Ung ou<br />
le Livre soerê far excellence des Chinois, ainsi que dans<br />
les Quatre Livres classiques <strong>du</strong> grand philosophe KHOUN Ch»<br />
TSBU et de ses disciples, dont nous donnons dans ce volume<br />
une tra<strong>du</strong>ction complète et aussi littérale que possible. Ces<br />
livres, révérés à l'égal des livres les plus révérés dans d'autres<br />
parties <strong>du</strong> monde, et qui ont reçu la sanction de générations<br />
et de populations immenses, forment la base <strong>du</strong><br />
droit public ; ils ont été expliqués et commentés par les<br />
philosophes et les moralistes les plus célèbres, et ils sont<br />
continuellement dans les mains de tous ceux qui, tout en<br />
voulant orner leur intelligence, désirent encore posséder<br />
la connaissance de ces grandes vérités morales qui font<br />
seules la prospérité et la félicité des sociétés humaines.<br />
KHOUNG-FûU-TSBU [que les missionnaires européens,<br />
en le faisant connaître et admirer à l'Europe, nommèrent<br />
Cmfucim, en latinisant son nom], fut, non pas le premier,<br />
mais le plus grand législateur de la Chine. C'est lui qui recueillit<br />
et mit en ordre, dans la seconde moitié <strong>du</strong> sixième<br />
siècle avant notre ère, tous les documens religieux, philosophiques,<br />
politiques et moraux qui existaient de mm
IKTRODUCTIOX* ¥11<br />
temps, et en forma un corps de doctrines* sous le litre-de<br />
Y-king9 ou Livre sacré des permutations ; • Chou+hing, ou<br />
Livre sacré par excellence; Chi-kingf ou Livre des Ver$f<br />
Li*ki, ou Livre des Rites. Les Sse-chou9 ou Quatre Livres<br />
classiques, sont ses dits ei ses maximes recueillis par ses<br />
disciples. Si Ton peut juger de la faîeur d'un homme et de<br />
la puissance de ses doctrines par l'influence qu'elles ont<br />
exercée sur les populations* on peut, avec les Chinois, ap*~ -<br />
peler KHOUNG-TSEU le plus grmd Instituteur <strong>du</strong> genre<br />
humain que Us siècles, aient jamais pro<strong>du</strong>it!<br />
En effet r il suffit de lire les ouvrages de ce philosophe,<br />
composés par lui ou recueillis par ses disciples, pouf, être<br />
de l'avis des Chinois. Jamais la raison humaine n'a été<br />
plus dignement représentée* On est vraiment étonné de<br />
retrouver dans les écrits de KHOUNG-TSEû l'expression<br />
d'une si haute et si vertueuse intelligence, en même temps<br />
que celle d'une civilisation aussi avancée. C'est surtout<br />
dans le Lûn-yù ou les Entretiens philosophiques que se<br />
manifeste la belle âme de KHûUHG-TSBU. Où trouver, en<br />
effet, des maximes plus belles, des idées plus nobles et plus<br />
élevées que dans les livres dont nous publions-la tra<strong>du</strong>ction?<br />
On ne doit pas être surpris si les missionnaires européens,<br />
qui les premiers firent connaître ces écrits à l'Europe,<br />
conçurent pour leur auteur un enthousiasme égal à<br />
celui des Chinois.<br />
Ses doctrines étaient simples et fondées sur la nature<br />
de l'homme. Aussi disait-il à ses disciples : ce Ma doctrine<br />
est simple et facile à pénétrer*. » Sur quoi l'un d'eux ajoutait<br />
: ce La doctrine de notre maître consiste uniquement<br />
» à posséder la droiture <strong>du</strong> cœur et à aimer son prochain<br />
» comme soi-même K »<br />
9 Lun-yu, chap. iv, S 15* — * W.» S 16.<br />
^
VIII INTRODUCTION.<br />
• Cette doctrine, il ne la donnait pas comme nouvelle,<br />
mais comme un dépôt traditionnel des sages de l'antiquité,<br />
qu'il s'était imposé la mission de transmettre à la postérité<br />
1 . Cette mission, il l'acomplit avec courage, avec dignité,<br />
avec persévérance, mais non sans éprouver de profonds<br />
- découragement et de mortelles tristesses. Il faut<br />
donc que partout ceux qui se dévouent au bonheur de l'humanité<br />
s'attendent à boire le calice d'amertume, le plus<br />
souvent jusqu'à la lie, comme s'ils devaient expier par<br />
toutes les souffrances humaines les dons supérieurs dont<br />
leur âme avait été douée pour accomplir leur ' mission divine<br />
1<br />
Cette mission d'Instituteur <strong>du</strong> genre humain, le philosophe<br />
chinois l'accomplit, disons-nous, dans toute son<br />
éten<strong>du</strong>e, et bien autrement qu'aucun philosophe de l'antiquité<br />
classique. Sa philosophie ne consistait pas en spéculations<br />
plus su moins vaines, mais c'était une philosophie<br />
surtout pratique, qui s'étendait à toutes les conditions de<br />
la vie, à tous les rapports de l'existence sociale. Le grand<br />
but de cette philosophie, le but pour ainsi dire unique était<br />
F amélioration constante de soi-même et des autres hommes;<br />
de soi-même d'abord, ensuite des autres. L'amélioration<br />
ou le perfectionnement de soi-même est d'une nécessité<br />
absolue pour arriver à l'amélioration et au perfectionnement<br />
des autres. Plus la personne est en évidence,<br />
plus elle occupe un rang élevé, plus ses devoirs d'amélioration<br />
de soi-même sont grands; aussi KHOUNG-TSEU considérait-il<br />
le gouvernement des hommes comme la plus<br />
haute et la plus importante mission qui puisse être conférée<br />
à un mortel, comme un véritable mandat céleste.<br />
1 bm-yti, eïiap. vu, § 1,19.
IMTEÔDUCflôH. IX<br />
L'étude <strong>du</strong> cœur humain ainsi que l'histoire lui avaient<br />
appris que le pouvoir pervertissait les hommes quand ils<br />
ne savaient pas se défendre de ses prestiges, que ses tendances<br />
permanentes étaient d'abuser de sa force et d'arriver<br />
à l'oppression. C'est ce qui donne aux écrits <strong>du</strong> philosophe<br />
chinois, comme à tous ceux de sa grande école, un<br />
caractère si éminemment politique et moral. La vie de<br />
KHOUNG-TSEU se consume en cherchant à donner des enseignemens<br />
aux princes de son temps, à leur faire connaître<br />
leurs devoirs ainsi que la mission dont ils sont chargés<br />
pour gouverner les peuples et les rendre heureux. On<br />
le voit constamment plus occupé de prémunir les peuples<br />
contre les passions et .la tyrannie des rois que les rois contre<br />
les passions et la turbulence des peuples ; non pas qu'il<br />
regardât les derniers comme ayant moins besoin de connaître<br />
leurs devoirs et de les remplir, mais parce qu'il considérait<br />
les rois comme seuls responsables <strong>du</strong> bien et <strong>du</strong><br />
mal qui arrivaient dans l'empire, de la prospérité ou de la<br />
misère des populations qui leur étaient confiées. Il attachait<br />
à l'exercice de la souveraineté des devoirs si éten<strong>du</strong>s et si<br />
obligatoires une influence si vaste et si puissante, qu'il ne<br />
croyait pas pouvoir trop, éclairer ceux qui en étaient revêtus<br />
des devoirs qu'ils avaient à remplir pour accomplir<br />
convenablement leur mandat. C'est ce qui lui faisait dire :<br />
ce Gouverner son pays avec la vertu et la capacité néces-<br />
» saires, c'est ressembler à l'étoile polaire, qui demeure im-<br />
» mobile à sa place, tandis que toutes les autres étoiles cir-<br />
» culent autour d'elle et la prennent pour guide *. »<br />
Il avait une foi si vive dans l'efficacité des doctrines qu'il<br />
enseignait aux princes de son temps, qu'il disait :<br />
» Lun-yu, ckap. Ut$L<br />
^^m^mmlÊmm ÉMft^ ni i ni
X ' IHTR0DUCT10X*<br />
ce Si je possédais le mandat de la royauté» il ne me fau-<br />
» drait pas plus d'une génération pour faire régner par-<br />
» tout la vertu de l'humanité *. »<br />
Quoique la politique <strong>du</strong> premier philosophe et législateur<br />
chinois soit essentiellement démocratique, c'est-à-dire<br />
ayant pour but la culture morale et la félicité <strong>du</strong> peuple»<br />
il ne faudrait pas cependant prendre ce mot dans l'acception<br />
qu'on lui donne habituellement. Eien ne s'éloigne<br />
peut-être plus de la conception moderne d'un gouvernement<br />
démocratique que la conception politique <strong>du</strong> philosophe<br />
chinois. Chez ce dernieri les lois morales et politiques<br />
pu doivent régir le genre humain sous le triple rapport de<br />
l'homme considéré dans sa nature d'être moral perfectible,<br />
dans ses relations de famille» et comme membre de la société,<br />
sont des lois éternelles» immuables» expression vraie<br />
de la véritable nature de l'homme» en harmonie avec toutes<br />
les lois <strong>du</strong> monde visible» transmises et enseignées par<br />
des hommes qui étaient eux-mêmes la plus haute expression<br />
de la nature morale de l'homme» soit qu'ils aient dû<br />
cette perfection à une faveur spéciale <strong>du</strong> ciel, soit qu'ils<br />
l'aient acquise par leurs propres efforts pour s'améliorer<br />
et se rendre dignes de devenir les instituteurs <strong>du</strong> genre humain.<br />
Dans tous les cas» ces lois ne pouvaient être parfaitement<br />
connues et enseignées que par un très-petit nombre<br />
d'hommes, arrivés à la plus haute culture morale de l'intelligence<br />
à laquelle il soit donné à la nature humaine d'atteindre,<br />
et qui aient dévoué leur vie tout entière et san§<br />
réserve à la mission noble et sainte de l'enseignement politique<br />
pour le bonheur de l'humanité. C'est donc la réalisation<br />
des lois morales et politiques qui peuvent constituer<br />
1 £tm-yu, chap. an, § 12.
HfTHOBtJCTlOIf, »<br />
véritablement la société et assurer la félicité publique, lois<br />
conçues et enseignées par un petit nombre- au profit de<br />
tous ; tandis que , dans la conception politique moderne<br />
d'un gou?ernement démocratique, la connaissance des lois<br />
morales et politiques qui constituent la société et doivent<br />
assurer la félicité publique est supposée dans chaque indivi<strong>du</strong><br />
dont se compose cette société, quel que soit son degré<br />
de culture morale et intellectuelle; de sorte que, dani<br />
cette dernière conception, il arrive le plus souvent que celui<br />
qui n'a pas même les lumières nécessaires pour distinguer<br />
le juste de l'injuste, dont l'é<strong>du</strong>cation morale et intellectuelle<br />
est encore entièrement à faire, ou même dont les'<br />
penchans vicieux sont les seuls mobiles de sa con<strong>du</strong>ite, est<br />
appelé, surtout si sa fortune le lui permet, à donner des<br />
lois à celui dont la culture morale et intellectuelle est le plus<br />
développée, et dont la mission devrait être l'enseignement<br />
de cette même société, régie par les Intelligences les plus<br />
nombreux il est vrai, mais aussi souvent les moins faites<br />
pour cette Mute mission.<br />
Selon KHOUNO-TSEI;, h gouvernement e$t u qui est<br />
pêêiê et Ardt % . C'est la réalisation des lois éternelles qui<br />
doivent faire le'bonheur de l'humanité, et que les plus hautes<br />
intelligences, par une application incessante de tous les<br />
instans de leur vie, sont seules capables de connaître et<br />
d'enseigner aux hommes. Au contraire, le gouvernement,<br />
dans la conception moderne, n'est plus qu'un acte à la portée<br />
de tout le monde, auquel tout le monde veut prendrepart,<br />
comme à la chose la plus triviale et la plus vulgaire,<br />
et à laquelle on n'a pas besoin d'être préparé par le moin •<br />
dre travail intellectuel et moral.<br />
s lun-yu, chap. xn, S iî«<br />
^
XII INTRODUCTION.<br />
Pour faire mieux comprendre les doctrines morales et<br />
politiques <strong>du</strong> philosophe chinois, nous pensons qu'il ne sera<br />
pas inutile de présenter ici un court aperçu des Quatre<br />
Livres classiques dont nous donnons la tra<strong>du</strong>ction.<br />
1° LE TA-MIO ou LA GRANDE ÉTUDE. Ce petit ouvrage<br />
se compose d'un texte attribué à KHOUNG-TSEU, et d'une<br />
Exposition faite par son disciple Thseng-tsm, Le teste,<br />
proprement dit, est fort court. 11 est nommé King ou Livre<br />
par excellence ; mais tel qu'il est, cependant, c'est peutêtre,<br />
sous le rapport de l'art de raisonner, le plus précieux<br />
de tous les écrits de l'ancien philosophe chinois, parce qu'il<br />
offre au plus haut degré l'emploi d'une méthode logique,<br />
qui décèle dans celui qui en fait usage, sinon la connaissance<br />
des procédés syllogistiques les plus profonds, enseignés<br />
et mis en usage par les philosophes indiens et grecs,<br />
au moins les progrès d'une philosophie qui n'est plus bornée<br />
à l'expression aphoristique des idées morales, mais qui<br />
est déjà passée àTétat scientifique. L'art est ici trop évident<br />
pour que l'on puisse attribuer Tordre et l'enchaînement<br />
logique des propositions à la méthode naturelle d'un<br />
esprit droit qui n'aurait pas encore eu conscience d'ellemême.<br />
On peut donc établir que l'argument nommé sorite<br />
était déjà connu en Chine environ deux siècles avant Aristote,<br />
quoique les lois n'en aient peut-être jamais été formulées<br />
dans cette contrée par des traités spéciaux *.<br />
Toute la doctrine de ce premier traité repose sur un<br />
grand principe auquel tous les autres se rattachent et dont<br />
ils découlent comme de leur source primitive et naturelle :<br />
le perfectionnement de soi-même. Ce principe fondamental,<br />
le philosophe chinois le déclare obligatoire pour tous les<br />
* Voyez l'Argument philosophique de l'édition chinoise-latine et française qm%om<br />
avons donnée de cet ouvrage. Paris, 1831, grand in-in-P.
INTRODUCTION. XIII<br />
hommes, depuis celui qui est le plus élevé et le plus puissant<br />
jusqu'au plus obscur et au plus faible ; et il établit<br />
que négliger ce grand devoir, c'est se mettre dans l'impossibilité<br />
d'arriver à aucun autre perfectionnement moral.<br />
Après avoir lu ce petit traité, on demeure convaincu que<br />
le but <strong>du</strong> philosophe chinois a été d'enseigner les devoirs<br />
<strong>du</strong> gouvernement politique comme ceux <strong>du</strong> perfectionnement<br />
de soi-même et de la pratique de la vertu par tous les<br />
hommes.<br />
2° LE TCHOUNG-YOUNG, ou L'INVARIABILITé BANS LE<br />
MILIEU. Le titre de cet ouvrage a été interprété de diverses<br />
manières par les commentateurs chinois. Les uns l'ont<br />
enten<strong>du</strong> comme signifiant la persévérance de la con<strong>du</strong>ite<br />
dans une ligne droite également éloignée des extrêmes,<br />
c'est-à-dire dans la voie de la vérité que Ton doit constamment<br />
suivre ; les autres Font considéré comme signifiant<br />
tenir le milieu en se conformant aux temps et aux<br />
circonstances, ce qui nous parait contraire à la doctrine<br />
exprimée dans ce livre, qui est d'une nature aussi métaphysique<br />
que morale. Tseu-sse9 qui le rédigea, était petitfils<br />
et disciple de KHOUNG-TSEU. On voit, à la lecture de ce<br />
traité, que Tseu-sse voulut exposer les principes métaphysiques<br />
des doctrines de son maître, et <strong>mont</strong>rer que ces<br />
doctrines n'étaient pas de simples préceptes dogmatiquespuisés<br />
dans le sentiment et la raison, et qui seraient par<br />
conséquent plus ou moins obligatoires selon la manière de<br />
sentir et de raisonner, mais bien des pricipes métaphysiques<br />
fondés sur la nature de l'homme et les lois éternelles<br />
<strong>du</strong> monde. Ce caractère élevé, qui domine tout le Tchoungyoung,<br />
et que des écrivains modernes, d'un mérite supérieur<br />
d'ailleurs f , n'ont pas voulu reconnaître dans les écrits<br />
1 Voyez les Histoires de îa philosophie ancienne de Hegel et de H. Hitler.<br />
b<br />
n<br />
I !••«•
XIV IHTRODUCTION.<br />
des philosophes chinois, place ce traité de morale métaphysique<br />
au premier rang des écrits de ce genre que nous<br />
a légués l'antiquité. On peut certainement le mettre à côté,<br />
sinon au-dessus de tout ce que la philosophie ancienne<br />
nous a laissé de plus élevé et de plus pur. On sera môme<br />
frappé, en le lisant, de l'analogie qu'il présente, sous certains<br />
rapports, avec les doctrines morales de la philosophie<br />
stoïque enseignées par Épictète et Marc-Aurèle, en même<br />
temps qu'avec la métaphysique d'Aristote.<br />
On peut se former une idée de son contenu par l'analyse<br />
sommaire que nous allons en donner d'après les commentateurs<br />
chinois.<br />
Dans le premier chapitre, Tseu-sse expose les idées principales<br />
de la doctrine de son maître KHOUNG-TSEU, qu'il<br />
veut transmettre à lapostérité. D'abord il faitvoir que la vote<br />
droite, ou la règle de con<strong>du</strong>ite momie, qui oblige tous les<br />
Sommes, a sa base fondamentale dans le ciel, d'où elle tire<br />
son origine, et qu'elle ne peut changer; que sa substance<br />
véritable, son essence propre, existe complètement en nous,<br />
et qu'elle ne peut en être séparée ; secondement, il parle<br />
<strong>du</strong> devoir de conserver cette règle de con<strong>du</strong>ite morale, de<br />
l'entretenir, de l'avoir sans cesse sous les yeux ; enfin il<br />
dit que les saints hommes, ceux qui approchent le plus de<br />
l'intelligence divine, type parfait de notre imparfaite intelligence,<br />
l'ont portée par leurs œuvres à son dernier degré<br />
de perfection.<br />
Dans les dix chapitres qui suivent, Tseu-sse ne fait,<br />
pour ainsi dire, que des citations de paroles de son maître<br />
destinées à corroborer et à compléter les sens <strong>du</strong> premier<br />
chapitre. Le grand but de cette partie <strong>du</strong> livre est de <strong>mont</strong>rer<br />
que la prudence éclairée, Y humanité ou la bienveillance<br />
universelle pour les hommes, la force d'âme, ces trois
INTRODUCTION. XV<br />
vertus universelles, et capitales, sont comme la porte par<br />
laquelle on doit entrer dans la voie droite que doiveot suivre<br />
tous les hommes ; c'est pourquoi ces vertus ont été traitées<br />
dans la première partie de l'ouvrage, [qui comprend<br />
les chapitres 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,9, 10 et il. ]<br />
Dans le douzième chapitre, Tseu-sse cherche à expliquer<br />
te sens de cette expression <strong>du</strong> premier chapitre, où il est<br />
dit que la voie droite ou la règle de con<strong>du</strong>ite morale de<br />
l'homme est tellement obligatoire, que Ton ne peut s'en<br />
écarter d'un seul point un seul instant. Dans les huit chapitres<br />
qui suivent, Tseu-sse cite sans ordre les paroles de<br />
son maître KHOUNG-TSEU pour éclaircir le même sujet.<br />
Toute morale qui n'aurait pas pour but le perfectionnement<br />
de la nature humaine serait une morale incomplète<br />
et passagère. Aussi le disciple de KHOUNG-TSEU , qui veut<br />
enseigner la loi éternelle et immuable d'après laquelle les<br />
actions des hommes doivent être dirigées, établit, dans le<br />
vingtième chapitre, que la loi suprême, la loi de con<strong>du</strong>ito<br />
morale de l'homme qui renferme toutes les autres, est.la<br />
perfection» ce II y a un principe certain, dit-il, pour re-<br />
» connaître l'état de perfection. Celui qui m sait pas dis-<br />
» tinguer le bien <strong>du</strong> mal, le vrai <strong>du</strong> faux, qui ne sait pas<br />
» reconnaître dans l'homme le mandat <strong>du</strong> ciel, n'est pas<br />
» encore arrivé â la perfection, B<br />
- Selon le philosophe chinois, le parfait, le vrai, dégagé<br />
de tout mélange, est la loi <strong>du</strong> ciel ; la perfection ou le perfectionnement,<br />
qui consiste à employer tous ses efforts<br />
pour découvrir et suivre la loi céleste, le vrai principe<br />
<strong>du</strong> mandat <strong>du</strong> ciel, est la loi de l'homme. Par conséquent,<br />
il faut que l'homme atteigne la perfection pour accomplir<br />
sa propre loi.<br />
Mais pour que l'homme puisse accomplir sa loi, il faut
XVI INTRODUCTION.<br />
qu'il la connaisse, a Or, dit T§eu-s§ê (chap. XXII), il n'y a<br />
» dans le monde que les hommes souverainement parfaits<br />
» qui puissent connaître à fond leur propre nature, la loi<br />
» de leur être et les devoirs qui en dérivent ; pouvant con-<br />
» naître à fond la loi de leur être et les devoirs qui en dé-<br />
» rivent, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la<br />
» nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur en-<br />
» seigner tous les devoirs qu'ils ont à observer pour ac-<br />
» complir le mandat <strong>du</strong> ciel.» Voilà les hommes parfaits, les<br />
saints, c'est-à-dire ceux qui sont arrivés à la perfection,<br />
constitués les instituteurs des autres hommes, les seuls capables<br />
de leur enseigner leurs devoirs et de les diriger dans<br />
la droite voie, la voie de la perfection morale. Mais Tseus$e<br />
ne borne point là les facultés de ceux qui sont parvenus<br />
à la perfection. Suivant le procédé logique que nous<br />
avons signalé précédemment, il <strong>mont</strong>re que les hommes<br />
arrivés à la perfection développent leurs facultés jusqu'à<br />
leur plus haute puissance, s'assimilent aui pouvoirs supérieurs<br />
de la nature, et s'absorbent finalement en eux. « Pou-<br />
» vaut connaître à fond, ajoute-t-il, la nature des autres<br />
» hommes, la loi de leur être, et leur enseigner les devoirs<br />
» qu'ils ont à observer pour accomplir le mandat <strong>du</strong> ciel,<br />
» ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature<br />
» des autres êtres vivans et végétans, et leur faire accom-<br />
» plir leur loi de vitalité selon leur propre nature; pou-<br />
» vant connaître à fond la nature des êtres vivans et végé-<br />
» tans, et leur faire accomplir 'leur loi de vitalité, selon<br />
» leur propre nature, ils peuvent, par cela même, au moyen<br />
» de leurs facultés intelligentes supérieures, aider le ciel<br />
» et la terre dans la transformation et l'entretien des êtres,<br />
» pour qu'ils prennent leur complet développement ; pou-<br />
» vant aider le ciel et la terre dans la transformation et
INTRODUCTION. XV H<br />
» l'entretien des êtres, ils peuvent, par cela même, co'n-<br />
» stituer un troisième pouvoir avec le ciel et la terre. »<br />
Voilà la loi <strong>du</strong> ciel.<br />
Mais, selon Tseu-sse (chap.'XXHI-XXIV), il y a différons<br />
degrés de perfection. Le plus haut degré est à peine<br />
compatible avec la nature humaine, ou plutôt ceux qui<br />
Font atteint sont devenus Supérieurs à la nature humaine.<br />
Ils peuvent prévoir Favenir, la destinée des nations, leur<br />
élévation et leur chute, et ils sont assimilés aux intelligences<br />
immatérielles, aux êtres supérieurs à l'homme.<br />
Cependant ceux qui atteignent un degré de perfection<br />
moins élevé, plus accessible à la. nature de l'homme<br />
(chap. XXIII), opèrent un grand bien dans le monde par<br />
la salutaire influence de leurs bons exemples. On doit donc<br />
s'efforcer d'atteindre à ce second degré de perfection.<br />
« Le parfait (chap. XXV) est par lui-même parfait, ab-<br />
» solu ; la loi <strong>du</strong> devoir est par elle-même loi <strong>du</strong> devoir.<br />
ce Le parfait est le commencement et la fin de tous les<br />
» êtres ; sans le parfait, les êtres ne seraient pas. » C'est<br />
pourquoi Tseu-sse place le perfectionnement.de soi-même<br />
et des autres au premier rang des devoirs de l'homme.<br />
« Réunir le perfectionnement intérieur et le perfectionne-<br />
» ment extérieur constitue la règle <strong>du</strong> devoir. »<br />
« C'est pour cela, dit-il (chap. XXVI), que l'homme<br />
» souverainement parfait ne cesse jamais d'opérer le bien<br />
» et de travailler au perfectionnement-dés autres hoinmes.»<br />
Ici le philosophe chinois exalte tellement la puissance de<br />
l'homme parvenu à la perfection, qu'il l'assimile à celle<br />
<strong>du</strong> ciel et de la terre (chap. XXVI et XXVII). C'est un caractère<br />
propre à la philosophie de l'Orient *, et que l'on ne"<br />
• Voyez aussi noire tra<strong>du</strong>ction des Essais de Golebrookç sur la Philosophie éeê<br />
Hindous, an vol. in«8 B .<br />
V
£¥111 INT10DUCTI01I.<br />
retrouYQ point dans la philosophie de Tantiquité classique,<br />
d'attribuer à l'homme parvenu à la perfection philosophique<br />
des pouvoirs surnaturels qui le placent au rang des<br />
puissances «nrhumaines.<br />
Tê$Urksef dans le vingt-neuvième chapitre de son livre,<br />
est amené, par la méthode de dé<strong>du</strong>ction, à établir que les<br />
lois qui doivent régir un empire ne peuvent pas être proposées<br />
par des sages qui ne seraient pas revêtus de la dignité<br />
souveraine, parce qu'autrement, quoique excellentes,<br />
elles n'obtiendraient pas <strong>du</strong> peuple le respect nécessaire à<br />
leur sanction, et ne seraient point observées. Il en conclut<br />
que cette haute mission est réservée au souverain, qui doit<br />
établir ses lois selon les lois <strong>du</strong> ciel et de la terre, et d'après<br />
les inspirations des intelligences supérieures. Mais voyez<br />
à quelle rare et sublime condition il accorde le droit de donner<br />
des institutions aux hommes et de leur commander !<br />
ce 11 n'y a dan» l'univers (chap. XXXI) que l'homme sou-<br />
» verainement saint qui, par la faculté de connaître à fond<br />
» et de comprendre parfaitement les lois primitives des<br />
» êtres vivans, soit digne de posséder l'autorité souveraine<br />
» et de commander aux hommes ; qui, par sa faculté d'a-<br />
» voir une âme grande, magnanime, affable et douce,-soit<br />
-» capable de posséder le pouvoir de répandre des bien-<br />
» faits avec profusion ; qui, par sa faculté d'avoir une<br />
» âme élevée, ferme, imperturbable et constante, soit ca-<br />
» pable de faire régner la justice et l'équité ; qui, par sa fa-<br />
» culte d'être toujours honnête, simple, grave, droit et<br />
» juste, soit capable de s'attirer le respect et la vénération ;<br />
» qui, par sa faculté d'être revêtu des ornemens de l'es-<br />
» prit et des talens que donne une étude assi<strong>du</strong>e, et de ces-<br />
» lumières que procure une exacte investigation des choses<br />
» les plus cachées, des principes les plus subtils, soil<br />
m f '-'Étr'u i - i [ [ m m
^ • J — „ , lia in pi szz/<br />
INTRODUCTIOM» XIX<br />
» capable de discerner avec exactitude le vrai <strong>du</strong> faux, le<br />
» bien <strong>du</strong> mal. »<br />
Il ajoute: « Que cet homme souverainement saint ap-<br />
» paraisse avec ses vertus, ses facultés puissantes, et les<br />
» peuples ne manqueront pas de lui témoigner leur véné-<br />
» ration; qu'il parle,"et les peuples ne manqueront pas<br />
» d'avoir foi en ses paroles ; qu'il agisse, et les peuples ne<br />
» manqueront pas d'être dans la joie... Partout où les vais-<br />
» seaux et les chars peuvent parvenir, où les forces de Fln-<br />
» <strong>du</strong>strie humaine peuvent faire pénétrer, dans tous les lieux.<br />
» que le ciel couvre de son dais immense, sur tous les<br />
» points que la terre enserre, que le soleil et la lune éclai-<br />
» rent de leurs rayons, que la rosée et les nuages <strong>du</strong> ma-<br />
» tin fertilisent, tous les êtres humains qui vivent et qui<br />
» respirent ne peuvent manquer de l'aimer et de le re-<br />
» vérer. »<br />
Mais ce n'est pas tout d'être souverainement saint pour<br />
donner des lois aux peuples et pour les gouverner, il faut<br />
encore être souverainement parfait (chap. XXXII) pour,<br />
pouvoir distinguer et fixer les devoirs des hommes entre<br />
eux. La loi de l'homme souverainement parfait ne peut<br />
être connue que par l'homme souverainement saint; la<br />
vertu de l'homme souverainement saint ne peut être pratiquée<br />
que par l'homme souverainement parfait; il faut<br />
donc être l'un et l'autre pour être digne de posséder l'aa—<br />
torité souveraine.<br />
. 3° Le LUN-YU, ou les ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES. Lalecture<br />
de ces Entretiens philosophiques de KMOUNG-TSEU<br />
et de ses disciples rappelle, sous quelques rapports, les* '<br />
dialogues de Platon, dans lesquels Socrate, son maître»,<br />
occupe le premier plan, mais avec toute la différence des<br />
lieux et des civilisations. Il y a assurément beaucoup
Il IATR0MJCTI01I.<br />
moins d'art, si toutefois il y a de Fart, dans les entretiens<br />
<strong>du</strong> philosophe chinois, recueillis par quelques-uns de ses<br />
disciples, que dans les dialogues poétiques <strong>du</strong> philosophe<br />
grec. On pourrait plutôt comparer les dits de KHOUNG-<br />
TSEU à ceux de Socrate, recueillis par son autre disciple<br />
Xénophoo. Quoi qu'il en soit, l'impression que Ton éprouve<br />
à la lecture des Entretiens <strong>du</strong> philosophe chinois avec ses<br />
disciples n'en est pas moins grande et moins profonde,<br />
quoique un peu monotone peut-être. Mais cette monotonie<br />
même a quelque chose de la sérénité et de la majesté d'un<br />
enseignement moral qui fait passer successivement sous<br />
les yeux les divers côtés de la nature humaine en la contemplant<br />
d'une région supérieure. Et après cette lecture<br />
on peut se dire comme le philosophe chinois : « Celui qui<br />
» se livre à l'étude <strong>du</strong> vrai et <strong>du</strong> bien, qui s'y applique<br />
» avec persévérance et sans relâche, n'en éprouve-t-il pas<br />
» une grande satisfaction f ? »<br />
On peut dire que c'est dans ces Entretiens philosophiques<br />
que se révèle à nous toute la belle âme .de KHOUNG-<br />
TSEU, sa passion pour la vertu, son ardent amour de<br />
l'humanité et <strong>du</strong> bonheur dés hommes. Aucun sentiment<br />
de vanité ou d'orgueil, de menace ou de crainte, ne ternit<br />
la pureté et l'autorité de ses paroles, « Je ne naquis point<br />
» doué de la science, dit-il; je suis un homme qui a aimé<br />
» les anciens et qui a fait tous ses efforts pour acquérir leurs<br />
» connaissances 2 . »<br />
ce II était complètement exempt de quatre choses, disent<br />
» ses disciples : il était sans amour-propre, sans préjugés,<br />
» sans égoïsme et sans obstination*. »<br />
* Lun-yu, ebap. i, ? i.<br />
7 Jd., chap v, § 19.<br />
s M., chap. ix. 5 4.
IHTttODUCTIOïf. 1X1<br />
L'étude, c'est-à-dire la recherche <strong>du</strong> bien, <strong>du</strong> vrai, de<br />
la vertu, était pour lui le plus grand moyen de perfectionnement.<br />
« J'ai passé, disait-il, des journées entières sans<br />
» nourriture, et des nuits entières sans sommeil, pour<br />
» me livrer à la méditation, et cela sans utilité réelle : Fé-<br />
» tude est bien préférable. »<br />
11 ajoutait : « L'homme supérieur ne s'occupe que de<br />
» la droite voie, et non <strong>du</strong> boire et <strong>du</strong> manger. Si vous<br />
» cultivez la terre, la faim se trouve souvent au milieu de<br />
» vous ; si vous étudiez, la félicité se trouve dans le sein<br />
» même de Fétude. L'homme supérieur ne s'inquiète que<br />
» de ne pas atteindre la droite voie; il ne s'inquiète pas de<br />
» la pauvreté 1 . »<br />
Avec quelle admiration il parle de l'un de ses disciples,<br />
qui, au sein de toutes les privations, ne s'en livrait pas<br />
moins avec persévérance à Fétude de la sagesse î<br />
a Oh ! qu'il était sage Boeï! Il avait un vase de bambou<br />
» pour pceodre sa nourriture, une simple coupe pour<br />
» boire, et il demeurait dans l'humble ré<strong>du</strong>it d'une rue<br />
» étroite et abandonnée; un autre homme que lui n'aurait<br />
» pu supporter ses privations et ses souffrances. Cela ne<br />
» changeait pas cependant la sérénité de Boeï! Ohî qu'il<br />
» était sage Boeï 1 !}}<br />
S'il savait honorer la pauvreté, il savait aussi flétrir<br />
énergiquement la vie matérielle, oisive et inutile, ce Ceux<br />
» qui ne font que boire et que manger, disait-il, pendant<br />
» toute la journée, sans employer leur intelligence à quel-<br />
» que objet digne d'elle, font pitié. N'y a-t-il pas le métier<br />
» de bateleur? Qu'ils le pratiquent. Ils seront des sages en<br />
» comparaison 8 ! »<br />
1 Ltm-y«, ehap. xv, § 30 el 31.<br />
* lun-yu, chap. vi, $ 9.<br />
s Irf., chap. xvn, $ 22.
Mil IMTRGDtîCTIOÏÎ.<br />
C'est une question résolue souveot par l'affirmative,<br />
que les anciens philosophes grecs avaient eu deux doctrines,<br />
l'une publique et l'autre secrète ; Tune pour le vulgaire<br />
(profanum vulgm), et l'autre pour les initiés. La<br />
même question ne peut s'élever à l'égard de KHOUNG -<br />
TSEU ; car il déclare positivement qu'il n'a point de doctrine<br />
secrète. « Vous, mes disciples, tous tant que vous<br />
» êtes, croyez-vous que j'aie pour vous des doctrines ca-<br />
» chées? Je n'ai point de doctrines cachées pour vous. Je<br />
» n'ai rien fait que je ne vous l'aie communiqué, ô mes<br />
» disciples I C'est la manière d'agir de Khieou ( de lui-<br />
» même *);»<br />
Il serait très-difficile de donner une idée sommaire <strong>du</strong><br />
Lûn-yù9 à cause de la nature de l'ouvrage, qui présente,<br />
non pas un traité systématique sur un ou plusieurs sujets,<br />
mais des réflexions amenées à peu près sans ordre<br />
sur toutes sortes de sujets. Voici ce qu'a dit un célèbre<br />
commentateur chinois <strong>du</strong> Lûn-yu et des autres livres<br />
classiques, Tching-tseu, qui vivait sur la fin <strong>du</strong> onzième<br />
siècle de notre ère :<br />
« Le Lûn-yù est un livre dans lequel sont déposées les<br />
». paroles destinées à transmettre la doctrine de la raison;<br />
» doctrine qui a été l'objet de l'étude persévérante des<br />
» hommes qui ont atteint le plus haut degré de sainteté...<br />
» Si l'on demande quel est le but <strong>du</strong> Lûn-yù9 je répon-<br />
» drai : Le but <strong>du</strong> Lén-yù consiste à faire connaître la<br />
» vertu de l'humanité ou de la bienveillance universelle<br />
» pour les hommes; c'est le point principal des discours<br />
» de KHOUNG-TSEU. Il y enseigne les devoirs de tous; seu-<br />
» lement, comme ses disciples n'avaient pas les mêmes<br />
! Lun -yii, cbap. vi, § 23.
INTRODUCTION* XXIII<br />
» moyens pour arriver aux mêmes résultats (ou à la pra-<br />
» tique des devoirs qu'ils devaient remplir), il répond di-<br />
» versement à leurs questions. » Le Lûn-yù est divisé en<br />
deux livres, formant ensemble vingt chapitres. 11 y eut,<br />
selon les commentateurs chinois, trois copies manuscrites<br />
<strong>du</strong> Lûn-yù : Tune conservée par les hommes instruits de<br />
la province de Thsi ; l'autre par ceux de Lou9 la province<br />
natale de KHOUNG-TSEU, et la troisième fut trouvée cachée<br />
dans un mur après l'incendie des livres; cette dernière<br />
copie fut nommée Kou-lûnf c'est-à-dire Y Ancien Lûn.<br />
La copie de Tsi comprenait vingt-deux chapitres ; l'ancienne<br />
copie {Km4ûn) vingt-et-un, et la copie de LôU,<br />
celle qui est maintenant suivie, vingt. Les deux chapitres<br />
en plus delà copie de Thsi ont été per<strong>du</strong>s; le chapitre en<br />
plus de l'ancienne copie vient seulement d'une division<br />
différente de la même matière.<br />
h° MENG-TSBU. Ce quatrième des livres classiques porte<br />
le nom de son auteur, qui est placé par les Chinois immédiatement<br />
après KHOUNG-TSEU, dont il a exposé et développé<br />
les doctrines. Plus vif, plus pétulant que ce dernier,<br />
pour lequel il avait la plus haute admiration et qu'il<br />
regardait comme le plus grand instituteur <strong>du</strong> genre humain<br />
que les siècles aient jamais pro<strong>du</strong>it, il disait : « Depuis<br />
qu'il existe des hommes, il n'y en a jamais eu de<br />
comparable à KHOUNG-TSEU t. » A l'exemple de ce grand<br />
maître, il voyagea avec ses disciples (il en avait dix-sept)<br />
dans les différons petits états de la Chine, se rendant à la<br />
cour des princes, avec lesquels il philosophait et auxquels<br />
il donnait souvent des leçons de politique et de sagesse<br />
! Meng-tsm, chap. m, pag. 249, de notre tra<strong>du</strong>ction. Ce témoignage est corroboré<br />
dans Meng-tseu par celui de trois des plus illustre» disciples <strong>du</strong> philosophe que Mengiseu<br />
rapporte au même endroit.
XXIV INTRODUCTION.<br />
dont ils ne profitaient pas toujours. Comme KHOUHG-TSEI<br />
(ainsi que nous l'avons déjà dit ailleurs ! )f il avait pour bo<br />
le bonheur de ses compatriotes et de l'humanité tout entière.<br />
Eo communiquant la connaissance de ses principe*<br />
d'abord aux princes et aui hommes qui occupaient un<br />
raog élevé dans la société, et ensuite à un grand nombre<br />
de disciples que sa renommée attirait autour de lui, il s'efforçait<br />
de propager le plus possible ces mêmes doctrines<br />
au sein de la multitude, et d'inculquer dans l'esprit des<br />
grands, des princes, que k stabilité de leur puissance dépendait<br />
uoiqoement de l'amour et de l'affection qu'ils<br />
I auraient pour leurs peuples. Sa politique parait avoir eu<br />
j une eïpression plus décidée et plus hardie que celle de<br />
! son maître. En s'efforçant de faire comprendre aux gouvernaos<br />
et aux gouvernés leurs* devoirs réciproques, il<br />
C tendait à soumettre tout l'empire chinois à la domination<br />
) " de ses principes. D'un côté, il enseignait aui peuples le<br />
droit divin que les rois avaient à régner, et de l'autre il<br />
enseignait aux rois que c'était leur devoir de coosulteries<br />
désirs <strong>du</strong> peuple, et de mettre uo frein à l'exercice de leur<br />
tyrannie; en uo mot, de se rendre le père et la mire <strong>du</strong><br />
peuple, MENG-TSEU était un homme de principes iodépeodans,<br />
et, contrôle vivant et incorruptible <strong>du</strong> pouvoir, il ne<br />
laissait jamais passer un acte d'oppression dans les états<br />
avec lesquels il avait des relations sans le blâmer sévèrement.<br />
MENG-TSEU possédait une connaissance profonde <strong>du</strong>*<br />
cœur humain, et iî a déployé dans son ouvrage une grande<br />
souplesse de talent, une grande habileté à découvrir les<br />
mesures arbitraires des princes régnans et les abus des<br />
* Description de la Chine. î. I, pag. IS7.
IHTSODUCTION.<br />
actionnaires publics. Sa manière de philosopher est c i<br />
de Socrate et de Platon, mais avec plus de vigueur eTde<br />
sadhes spmtuelles. Il prend son adversaire, queTq^'lth<br />
pnnce ou autre, corps à corps, et, de dé<strong>du</strong>cL en ééZt<br />
Uon de conséquence en conséquence, il le mène droit à<br />
la sott.se ou à l'absurde. Il le serre de si près au'il „e<br />
peut lui échapper. Aucun écrivain orient/pourra"<br />
El T: PlUS f d ' attraitS 8 U " l6CteUr -opéeT" -<br />
S km t<br />
,eCteUr franÇai8 ' « Ue M E « G -^» Parci que<br />
(cec. a est pas un paradoxe) ce qu'il y a de plus saillant<br />
en lu,, quoye Chinois, c'est la vivacité de son esprit. I<br />
m me parfument l'ironie, etcette arme, dans ses Lins,<br />
Socrate ^ Gt P ai8UÔ qUe daDS Cel,es <strong>du</strong> 8a S°<br />
^ Voici ce que dit un écrivain chinois <strong>du</strong> livre de MENG-<br />
TSEU. « Les sujets traités dans cet ouvrage sont de di-<br />
>> verses natures. Ici les vertus de la vie indivi<strong>du</strong>elle et<br />
» de parenté sont examinées; là l'ordre des affaires est<br />
» d,scuté. le, les devoirs des supérieurs, depuis le souve-<br />
>» ram jusqu au magistrat <strong>du</strong> dernier degré, sont prescrite<br />
» pour exercice d'un bon gouvernement; là les travaux<br />
» des étudmns, des laboureurs, des artisans, des négo-<br />
» cans, sont exposés aux regards; et dans le cours de<br />
» ouvrage, les lois <strong>du</strong> monde physique, <strong>du</strong> ciel, de la<br />
» terre et des <strong>mont</strong>agnes, des rivières, des oiseaux, des qua-<br />
» drupèdes, des poissons, des insectes, des plantes, desar-<br />
» bres, sont occasionnellement décrites. Bon nombre des<br />
» affiures que MENG-TSEU traita dans le cours de sa vie<br />
» dans son commerce avec les hommes; ses discours doc'<br />
» cas avec des personnes de tous rangs; ses instruc-"<br />
> Uons àses élèves; ses vues ainsi que ses explications<br />
» des hvres ancens et modernes, toutes ces chosessont
XXVI INTRODUCTION.<br />
» incorporées dans cette publication. Il rappelle aussi les<br />
» faits historiques, les dits des anciens sages pour l'ies-<br />
» traction de l'humanité. »<br />
M. Abel Rémusat a ainsi caractérisé les deux plus célèbres<br />
philosophes de la Chine :<br />
« Le style de MENG-TSEU, moins élevé et moins concis<br />
» que celui <strong>du</strong> prince des lettres (KHOUNG-TSEU), est aussi<br />
» noble, plus fleuri et plus élégant. La forme <strong>du</strong> dialogue,<br />
» qu'il a conservée à ses entretiens philosophiques avec les<br />
» grands personnages de son temps, comporte plus de va-<br />
» riété qu'on ne peut s'attendre à en trouver dans les<br />
D apophthegmes et les maximes de Confucius. Le carac-<br />
» 1ère de leur philosophie diffère aussi sensiblement. Con-<br />
» fucius est toujours grave, môme austère; il exalte les<br />
» gens de bien, dont il fait un portrait idéal, et ne parle<br />
» des hommes vicieux qu'avec une froide indignation.<br />
» Meng-tseu, avec le même amour pour la vertu, semble<br />
» avoir pour le vice plus de mépris que d'horreur; il l'at-<br />
» taque par la force de la raison, et ne dédaigne pas même<br />
» l'arme <strong>du</strong> ridicule. Sa manière d'argumenter se rappro-<br />
» che de celte ironie qu'on attribue à Socrate. Il ne con-<br />
» teste rien à ses adversaires; mais en leur accordant leurs<br />
D principes, il s'attache à en tirer des conséquences ab-<br />
» surdes qui les couvrent de confusion. Il ne ménage même<br />
» pas les grands et les princes de son temps, qui souvent<br />
» ne feignaient de le consulter que pour avoir occasion de<br />
» vanter leur con<strong>du</strong>ite, ou pour obtenir de lui les éloges<br />
» qu'ils croyaient mériter. Rien de plus piquant que les<br />
» réponses qu'il leur fait en ces occasions; rien surtout de<br />
» plus opposé à ce caractère servile et bas qu'un préjugé<br />
» trop répan<strong>du</strong> prête aux Orientaux et aux Chinois en<br />
» particulier. Meng-tseu ne ressemble en rien à Aristippe :
INTRODUCTION. XXVII<br />
» c'est plutôt à Diogène, maïs avec plus de dignité et dedé-<br />
» cence. On est quelquefois tenté de blâmer sa vivacité,<br />
» qui tient de l'aigreur ; mais on l'excuse en le voyant tou-<br />
» jours inspiré par le zèle <strong>du</strong> bien public 1 . »<br />
Quel que soit le jugement que l'on porte sur les deux plus<br />
célèbres philosophes de la Chine et sur leurs ouvrages, dont<br />
nous donnons la tra<strong>du</strong>ction dans ce volume, il n'en restera<br />
pas moins vrai qu'ils méritent au plus haut degré l'attention<br />
<strong>du</strong> philosophe et de l'historien, et qu'ils doivent occuper<br />
un des premiers rangs parmi les plus rares génies<br />
qui ont éclairé l'humanité et Font guidée dans le chemin<br />
de la civilisation. Bien plus, nous pensons que l'on ne<br />
trouverait pas dans l'histoire <strong>du</strong> monde une figure à opposer<br />
à celle <strong>du</strong> grand philosophe chinois, pour l'influence si<br />
longue et si puissante que ses doctrines et ses écrits ont<br />
exercée sur ce vaste empire qu'il a illustré par sa sagesse<br />
et son génie. Et tandis que les autres nations de la terre<br />
élevaient de toutes parts des temples à des êtres inintelligens<br />
ou à des dieux Imaginaires, la nation chinoise en élevait<br />
à l'apôtre de Ja sagesse et de l'humanité, de la morale<br />
et de la vertu ; au grand missionnaire de l'intelligence humaine,<br />
dont les enseignemens se soutiennent depuis plus<br />
de deux mille ans, et se concilient maintenant l'admi-ation<br />
et l'amour de plus de trois cents millions d'âmes 1 . »<br />
Avant que de terminer, nous devons dire que ce n'est<br />
pas le désir d'une vaine gloire qui nous a fait entreprendre<br />
la tra<strong>du</strong>ction dont nous donnons aujourd'hui une édition<br />
nouvelle 3 , mais bien l'espérance de faire partager aux per-<br />
1 Tïe de Meng-tseu. Non*. Mélanges asiatique», î. H, pag. î 19.<br />
• Nou» renvoyons, pour les détails biographiques que l'on pourrait désirer sur KHOUNG-<br />
TSEIî et MENG-TSEU, à notre Description de la Chine déjà citée, t. I, pag. 120 et<br />
suivantes, où Ton trouvera aussi le portrait de ces deus philosophes.<br />
1 La tra<strong>du</strong>ction que nous publions des Qvaln Livres classiques de la Chine est ta
XXTm IHTR0DUCT10H.'<br />
sonnes qui la liront une partie des impressions morales<br />
que nous avons éprouvées nous-même en la composant. Oh l<br />
c'est assurément une des plus douces et des plus noMes<br />
impressions de l'âme que la contemplation de cet enseignement<br />
si lointain et si pur, dont l'humanité, quel que<br />
soit son préten<strong>du</strong> progrès dans la civilisation, a droit de<br />
s'enorgueillir. On ne peut lire les ouvrages des deux premiers<br />
philosophes chinois sans se sentir meilleur, ou <strong>du</strong><br />
moins sans se sentir raffermi dans les principes <strong>du</strong> wa|<br />
comme dans la pratique <strong>du</strong> bien, et sans avoir une plus<br />
haute idée de la dignité de notre nature. Dans un temps<br />
où le sentiment moral semble se corrompre et se perdre,<br />
et la société marcher aveuglément dans la voie des seuls<br />
instincts matériels, il ne sera peut-être pas inutile de répéter<br />
les enseignemens de haute et divine raison que le plus<br />
grand philosophe de l'antiquité orientale a donnés au monde.<br />
Nous serons assez récompensé des peines que notre tra<strong>du</strong>ction<br />
nous a coûté, si nous avons atteint le but que nous<br />
nous sommes proposé en la composant.<br />
G. PAUTHIER.<br />
première tra<strong>du</strong>ction française qui ait été faite sur le teste chinois, eseeptd toutefois 1rs<br />
deus premiers livres : le Ta-hio ou la Grande Étude, et le Tchmmg-ywng ou Y Invariabilité<br />
dans le milieu, qui avaient déjà éié tra<strong>du</strong>its es français par quelques rais-<br />
MOonaim(Jftfmot'r«f «tir k$ Chinois, 1.1, pag. 436-481} et par V. Â. Réstesat [Noiim<br />
et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque dm roi, 1.1, pag. 269 et suiv.). La tra<strong>du</strong>ction<br />
des missionnaires n'est qu'use longue paraphrase enthousiaste dans laquelle<br />
on reconnaît à peiae le texte original. Celle <strong>du</strong> Tcfmung-y&ung de V. Hémsiat,qui
0 *<br />
LES SSE CHOU,<br />
ou<br />
LES QUATRE LIVRES DE PHILOSOPHIE<br />
MOEALE ET POLITIQUE<br />
DE LA CHINE.
LE TA HIO<br />
LA GRANDE ÉTUDE,<br />
OUVRAGE DE<br />
KHOUNG-FOU-TSEU (CONFUCIUS)<br />
ET DE SON DISCIPLE THSÊNG-TSEU.<br />
PREMIER LIVRE CLASSIQUE.<br />
PRÉFACE<br />
DU COMMENTAIRE SUR LE TA HIO,<br />
PAU LE BOCTEUM TCHOU-HI.<br />
Le livre de la Grande Étude est cette Grande Étude que dans<br />
l'antiquité on enseignait aui hommes et qu'on leur proposait pour<br />
règle de con<strong>du</strong>ite ; orf les hommes tirant <strong>du</strong> ciel leur origine, il en<br />
résulte qu'il n'en est aucun qui n'ait été doué par lui des sentlmens<br />
de charité ou d'humanité, de justice, de convenance et de sagesse.<br />
Cependant, quoique tous les hommes possèdent certaines dispositions<br />
naturelle! et constitutives qu'ils orft reçues en naissant, il m en
4 PRÉFACE BU COMMENTA»!<br />
quelques-uns qui n'ont pas le pouvoir ou la faculté de les cultiver<br />
et de les bien diriger. C'est pourquoi ils ne peuvent pas tous avoir<br />
en eui les moyens de connaître les dispositions distantes de leur<br />
propre nature, et ceux de leur donner leur complet développement.<br />
11 en est qui, possédant une grande perspicacité, une intelligence<br />
pénétrante, une connaissance intuitive, une sagesse profonde,<br />
peuvent développer toutes les facultés de leur nature,' et ils se<br />
distinguent au milieu de la foule qui les environne ; alors le ciel<br />
leur a certainement donné le mandat d'être les chefs et les instituteurs<br />
des générations infinies ; il les a chargés de la mission de<br />
.les gouverner et de les instruire, afin de les faire retourner à la<br />
pureté primitive de leur nature.<br />
Voilà comment [les anciens empereurs] Fou-hif Chin-noutig,<br />
Hoang-tif Yao et Chun, occupèrent successivement les plus hautes<br />
dignités que confère le ciel; comment les ministres d'État furent<br />
attentifs à suivre et à propager leurs instructions, et d'où les magistrats<br />
qui président aux lois civiles et à la musique dérivèrent<br />
leurs enseignemens.<br />
Après l'extinction des trois premières dynasties, les institutiens<br />
qu'elles avaient fondées s'étendirent gra<strong>du</strong>ellement. Ainsi, il arriva<br />
par la suite que dans les palais des rois, comme dans les<br />
grandes villes et même jusque dans les plus petits villages, il n'y<br />
avait aucun lieu où l'on ne se livrât à l'étude. Dès que les jeunes<br />
gens avaient atteint l'âge de huit ans, qu'ils fussent les fils des rois,<br />
des princes ou de la foule <strong>du</strong> peuple, ils entraient tous à la Petite<br />
École *, et là on leur enseignait à arroser, à balayer, à répondre<br />
promptement et avec soumission à ceux qui les appelaient ou les<br />
interrogeaient; à entrer et à sortir selon les règles de la bienséance;<br />
à recevoir les hôtes avec politesse et à les recon<strong>du</strong>ire de<br />
même. On leur enseignait aussi les usages <strong>du</strong> monde et des cérémonies,<br />
la musique, l'art de lancer des flèches, de diriger des<br />
chars, ainsi que celui d'écrire et de compter.<br />
Lorsqu'ils avaient atteint l'âge de quinze ans, alors, depuis l'héritier<br />
présomptif de la dignité impériale et tous les autres fils de<br />
l'empereur, jusqu'aux fils des princes, des premiers ministres, des<br />
gouverneurs de provinces, des lettrés ou docteurs de l'empire promus<br />
à des dignités, ainsi que tous ceux d'entre les enfans <strong>du</strong> peuple<br />
qui brillaient par des talens supérieurs, entraient à la Grande<br />
École 2 , et on leur enseignait les moyens de pénétrer et d'appro-<br />
1 Siaô hio.<br />
* Ta hi&. ' *
SUR LE TA MO* K<br />
fondir les principes des choses, de rectifier les monvemens de leur<br />
cœur, de se corriger, de se perfectionner eux-mêmes, et de gouverner<br />
les hommes. Voilà comment les doctrines que l'on enseignait<br />
dans les collèges étaient divisées en grandes et petites. Par<br />
cette division et cette composition des études, leur propagation<br />
s'étendit au loin, et le mode d'enseigner se maintint dans les limites<br />
précises de cet ordre de subordination ; c'est ce qui en fit un<br />
véritable enseignement. En outre, toute la base de cette institution<br />
résidait dans la personne <strong>du</strong> prince, qui en pratiquait tous<br />
les devoirs. On ne demandait aucun salaire aui enfans <strong>du</strong> peuple,<br />
et on n'exigeait rien d'eux que ce dont ils avaient besoin pour vi- t<br />
vre journellement. C'est pourquoi, dans ces âges passés, il n'y<br />
avait aucun homme qui ne se livrât à Fétude. Ceux qui étudiaient<br />
ainsi se gardaient bien de ne pas s'appliquer à connaître les dispositions<br />
naturelles que chacun d'eux possédait réellement, la<br />
con<strong>du</strong>ite qu'il devait suivre dans les fonctions qu'il avait à remplir<br />
; et chacun d'eux faisait ainsi tous ses efforts, épuisait toutes<br />
ses facultés, pour atteindre à sa véritable destination. Voilà comment<br />
il est arrivé que, dans les temps florissans de la haute antiquité,<br />
le gouvernement a été si glorieux dans ceux qui occupaient<br />
les emplois élevés, les moeurs si belles, si pures dans les inférieurs,<br />
et pourquoi il a été impossible aux siècles qui leur ont succédé<br />
d'atteindre à ce haut degré de perfection.<br />
Sur le déclin de 1a dynastie des Tchéou, lorsqu'il ne paraissait<br />
plus de souverains doués de sainteté et de vertu, les réglemens des<br />
grandes et petites Écoles n'étaient plus observés ; les saines doctrines<br />
étaient dédaignées et foulées aux pieds ; les mœurs publiques<br />
tombaient en dissolution. Ce fut à cette époque de dépravation<br />
générale qu'apparut avec éclat la sainteté de KHOUNG-TSEU ;<br />
mais il ne put alors obtenir des princes qu'ils le plaçassent dans<br />
les fonctions élevées de ministre ou instituteur des hommes, pour<br />
leur faire observer ses réglemens et pratiquer sa doctrine. Dans<br />
ces circonstances, il recueillit dans la solitude les lois et institutions<br />
des anciens rois, les étudia soigneusement et les transmit [à<br />
ses disciples] pour éclairer les siècles à venir, Les chapitres intitulés<br />
Khio-li, Chao-i9 iVeï-Isc 1 , concernent les devoirs des élèves,<br />
et appartiennent véritablement à la Petite Étude,* dont ils sont<br />
comme des ruisseaux détachés ou des appendices ; mais parce que<br />
les instructions concernant la Petite Etude [ou Y Étude propre<br />
1 Chapilre» <strong>du</strong> £»>&», ou Livre dit Ritu, *<br />
1.
t pmÉwAcm nu comiiNf AIEB<br />
4111 enfant] avaient élé complètement développai iani lei ©uwages<br />
ci-dessin, le livre qui nous occupe a été deitiné à exposer<br />
et rendre manifestes à tous, les lois claires, évidentes, de la Grande<br />
Étude [on YÉtud§ propre aui esprits mûrs]. En dehors <strong>du</strong> livre<br />
•t Comme frontispice, sent posés les grands principes qui doivent<br />
servir de base à ces. enielgnemens, et dans le livre, ces mêmes<br />
principes sont expliqués et développés en paragraphes séparés.<br />
Mali, quoique dans une multitude de trois mille disciples, il n'y<br />
m ait eu aucun qui n'eût souvent enten<strong>du</strong> les enseignemens <strong>du</strong><br />
maître, cependant le contenu de ce livre fut transmis à la postérité<br />
par les seuls disciples de Tkiêng~t$eu, qui en avait reçu luimême<br />
les maiïmes de son maître KHOUNG-TSSU, et qui, dans une<br />
eipoaition concise, en avait eipliqué et développé le sens.<br />
Après la mort de Mêng-tseu, il ne se trouva plus personne pour<br />
enseigner et propager cette doctrine des anciens ; alors, quoique<br />
1§ livre qui la contenait continuât d'exister, ceux qui la comprenaient<br />
étalent fort rares. Ensuite il est arrivé de là que les lettrés<br />
dégénérés l'étant habitués à écrire des narrations, à compiler, à<br />
foire des discours élégans, leurs œuvres concernant la Petite Étude<br />
furent au moins doubles de celles de leurs prédécesseurs ; mâJi<br />
lauri préceptes différons furent d'un usage complètement nul.<br />
Les doctrines <strong>du</strong> Fiée et de la Non-entité *9 <strong>du</strong> Repte absolu<br />
et de Y Extinction finale 2 , vinrent ensuite se placer bien audessus<br />
de celle de la Grande Étude; mais elles manquaient de<br />
base véritable et solide. Leur autorité, leurs prétentions, leurs<br />
artiÉcei ténébreux, leurs fourberies, en un mot, les discours<br />
de ceux qui les prêchaient pour s'attirer une renommée glorieuse<br />
et un vain nom, se sont répan<strong>du</strong>s abondamment parmi les hommes<br />
; de sorte que l'erreur, en envahissant le siècle, a abusé<br />
lai peuples et a fermé toute voie à la charité et à la justice. Bien<br />
plus, le trouble et la confusion de toutes les notions morales sont<br />
sorties de leur sein ; au point que les sages mêmes ne pouvaient<br />
être asseï heureux pour obtenir d'entendre et d'apprendre les devoirs<br />
les plus importans de la grande doctrine, et que les hommes<br />
<strong>du</strong> commun ne pouvaient également être assez heureux pour obtenir<br />
dans leur ignorance d'être éclairés sur les principes d'une bonne<br />
administration; tant les ténèbres de l'ignorance s'étalent épaissies<br />
il avaient obscurci les esprits! Cette maladie s'était tellement aug-<br />
* Celle des foo-isg, qui a lao-Uw pour fondateur.<br />
* Celle def Bouédhitmt qui t Fo ou BmMfm pour fondtttnr.
SUR Ut TA H1G. 7<br />
maniée dans k succession des années, elle était devenue telle*<br />
méat invétérée, qu'à la In de l'époque des cinq dynasties [vers 950<br />
de noire ère] le désordre et 1a confusioo étaient au comble.<br />
Mais il n'arrive rien sur cette terre que le ciel ne ramène de nouveau<br />
dans le cercle de ses révolutions; la dynastie des Soung s'enleva,<br />
et la vertu fut bientôt florissante ; les principes <strong>du</strong> bon gonvernement<br />
et l'é<strong>du</strong>cation reprirent leur éclat. À cette époque, apparurent<br />
dans la province <strong>du</strong> Ho-nan deui docteurs de la famille<br />
Tehing, lesquels, dans le dessein de transmettre à la postérité les<br />
écrits de Mêng-tseu et de ses disciples, les réunirent et en formé-,<br />
rent un corps d'ouvrage. Ils commencèrent d'abord par manifester<br />
une grande vénération pour ce livre [le Ta hio ou la Grande Étude],<br />
et ils le remirent en lumière, afin qu'il frappât les yeux de tous.<br />
A cet effet, ils le retirèrent <strong>du</strong> rang secondaire où il était placé 1 ,<br />
en mirent en ordre les'matériaux, et lui rendirent ses beautés primitives.<br />
Ensuite la doctrine qui avait été anciennement exposée<br />
dans le livre de la Grands Étude, pour instruire les hommes ; le<br />
véritable sens <strong>du</strong> saint texte original [de KHOUMG-TSEU] et de l'explication<br />
de son sage disciple, furent de nouveau examinés et ren<strong>du</strong>s<br />
au siècle, dans toute leur splendeur. Quoique moi JEB, je ne<br />
sois ni habile ni pénétrant, j'ai été assez heureux cependant pour<br />
retirer quelque fruit de mes propres études sur ce livre, et pour<br />
entendre la doctrine qui y est contenue. J'avais vu'qu'il existait<br />
encore dans le travail des deux docteurs Tching des choses incorrectes,<br />
inégales, que d'autres en avaient été détachées ou per<strong>du</strong>es;<br />
c'est pourquoi, oubliant mon ignorance et ma profonde obscurité,<br />
je l'ai corrigé et mis en ordre autant que je l'ai pu, en<br />
remplissant les lacunes qui y existaient, et en y joignant des notes<br />
pour faire saisir le sens et la liaison des idées 2 ; enfin, en suppléant<br />
ce que les premiers éditeurs et commentateurs avaient omis<br />
ou seulement indiqué d'une manière trop concise; en attendant<br />
que, dans la suite des temps, il vienne un sage capable d'accomplir<br />
la tâche que je n'ai fait qu'effleurer. Je sais parfaitement que<br />
celui qui entreprend plus qu'il ne lui convient, n'est pas exempt<br />
1 II formait un des chapitres <strong>du</strong> Li-ki.<br />
1 II ne faudrait pas croire que cet habile commentateur ait fait des changemens au<br />
teste ancien <strong>du</strong> livre; il n'a fait que transposer quelquefois des chapitres de l'Explication,<br />
et suppléer par des noies aux lacunes des mots ou des idées ; mais il a eu toujours<br />
soin d'en avertir dans le court de l'ouvrage, et ses additions explicatives sost<br />
imprimées es plus petits caractères ou es lignes plus courtes que celles <strong>du</strong> texte primitif.
8 AVERTISSEMENT BU B0CTEUE TCHIlfG-TSHU.<br />
d'encourir pour sa faute le blâme de la postérité. Cependant, en<br />
ce qui concerne le gouvernement des Etats, Im conversion des<br />
peuples, l'amélioration des mœurs, celui qui étudiera 0100 travail<br />
sur le mode et les moyens de se corriger ou se perfectionner soimême<br />
et de gouverner les hommes, dira assurément qu'il ne lui<br />
aura pas été d'un faible secours.<br />
Du règne nommé Chun-hi, année Kui-yeo [1191 de notre ère],<br />
second mots lunaire Eia~tseu$ dans Sa ville de Sin-ngmn, ou de la<br />
Paix nouvelle [vulgairement nommée Hoeï~tchéou]. Préface de<br />
Tehou-hi.<br />
AVERTISSEMENT<br />
DU DOCTEUR TCHING-TSEU.<br />
Le docteur TeMng-tseu a dit : Le Ta Mo [ou la Grande Étude]<br />
est un livre laissé par KHOUNG-TSEU et son disciple [ Thsing-tseu],<br />
afin que ceux qui commencent à étudier les sciences morales et<br />
politiques s'en servent comme d'une porte pour entrer dans le<br />
sentier de la sagesse. On peut voir maintenant que les hommes de<br />
l'antiquité, qui faisaient leurs études dans un ordre méthodique,<br />
s'appuyaient uniquement sur le contenu de ce livre ; et ceux qui<br />
veulent étudier le Lun-yu et le Mêng-tseu doivent commencer<br />
leurs études par le Ta Mo; alors ils ne courent pas le risque de<br />
s'égarer.
LA<br />
GRANDE ÉTUDE.<br />
1. La loi de la grande Étude, ou de la philosophie<br />
pratique, consiste à développer et remettre en lumière<br />
le principe lumineux de la raison que nous avons reçu<br />
<strong>du</strong> ciel, à renouveler les hommes, et à placer sa destination<br />
définitive dans la perfection, ou le souverain bien.<br />
2.11 faut d'abord connaître le but auquel on doit tendre,<br />
ou sa destination définitive, et prendre ensuite une<br />
détermination ; la détermination étant prise, on peut<br />
ensuite avoir l'esprit tranquille et calme ; l'esprit étant<br />
tranquille et calme, on peut ensuite jouir de ce repos<br />
inaltérable que rien ne peut troubler ; étant parvenu à<br />
jouir de ce repos inaltérable que rien ne peut troubler,<br />
on peut ensuite méditer et se former un jugement surl'essence<br />
des choses ; ayant médité et s'étant formé un<br />
jugement sur l'essence des choses, on peut ensuite atteindre<br />
à l'état de perfectionnement désiré.<br />
3. Les êtres de la nature ont une cause et des effets;<br />
les actions humaines ont un principe et des conséquences<br />
: connaître les causes et les effets, les principes et les<br />
conséquences, c'est approcher très-près de la méthode<br />
rationnelle avec laquelle on parvient à la perfection.<br />
k. Les anciens princes qui désiraient développer et<br />
remettre en lumière dans leurs États le principe lumineux<br />
de la raison que nous recevons <strong>du</strong> ciel, s'attachaient<br />
auparavant à bien gouverner leurs royaumes ; ceux qui<br />
désiraient bien gouverner leurs royaumes, s'attachaient<br />
auparavant à mettre le bon ordre dans leurs familles;
£0 TA H109<br />
ceux qui désiraient mettre le bon ordre dans leurs familles,<br />
s'attachaient auparavant à se corriger euxmêmes;<br />
ceux qui désiraient se corrifer eux-mêmes,<br />
s'attachaient auparavant à donner de la droiture à leur<br />
âme ; ceux qui désiraient donner de la droiture à leur<br />
âme, s'attachaient auparavant à rendre leurs intentions<br />
pures et sincères ; ceux qui désiraient rendre leurs intentions<br />
pures et sincères, s'attachaient auparavant à<br />
perfectionner le plus possible leurs connaissances morales<br />
; perfectionner le plus possible ses connaissances<br />
morales consiste à pénétrer et approfondir les principes<br />
des actions.<br />
5. Les principes des actions étant pénétrés et approfondis»<br />
les connaissances morales parviennent ensuite<br />
à leur dernier degré de perfection ; les connaissances<br />
morales étant parvenues à leur dernier degré de perfection,<br />
les intentions sont ensuite ren<strong>du</strong>es pures et<br />
sincères; les intentions étant ren<strong>du</strong>es pures et sincères,<br />
l'Ame se pénètre ensuite de probité et de droiture;<br />
Fâme étant pénétrée de probité et de droiture, la personne<br />
est ensuite corrigée et améliorée; la personne<br />
étant corrigée et améliorée, la famille est ensuite bien<br />
dirigée; la famille étant bien dirigée, le royaume est<br />
ensuite bien gouverné ; le royaume étant bien gouverné,<br />
le monde ensuite jouit de la paix et de la bonne harmonie.<br />
6. Depuis l'homme le plus élevé en dignité, jusqu'au<br />
plus humble et au plus obscur, devoir égal pour tous :<br />
corriger et améliorer sa personne, ou le perfectionnemenî<br />
de §ùi~mimef est la base fondamentale de tout progrès<br />
et de tout développement moral<br />
7* Il n'est pas dans la nature des choses que ce qui a<br />
sa base fondamentale en désordre et dans la confusion,<br />
puisse avoir ce qui en dérive nécessairement, dans un<br />
état convenable*
LA «UUrtV ÉTUI». ||<br />
Traiter légèrement et qui est le principal ou lt plus<br />
important, et gravement ce qui n'est que secondaire, eit<br />
une méthode d'agir qu'il ne faut jamais suivre *.<br />
Le Eing ou Livre par excellence, qui précède, ne<br />
forme qu'un chapitre; il contient les propres paroles de<br />
KHOUNG-TSEU, que son disciple Thsêng^iseu a commentées<br />
dans les dis sections ou chapitres suivans,<br />
composés de ses idées recueillies par ses disciples,<br />
Les tablettes en bambou des anciennes copies avaient<br />
été réunies d'une manière fautive et confuse ; c'est pour<br />
cela que Tching-iseu détermina leur place, et corrigea<br />
en l'examinant la composition <strong>du</strong> livre. Par la disposition<br />
qu'il établit, l'ordre et l'arrangement ont été arrêtés<br />
comme il suit.<br />
EXPLICATION DE THSÊNG-TSEU.<br />
CHAPITRE I".<br />
Sur le devoir de développer et de rendre à ra clarté primitive le principe luraleeu*<br />
de notre raison.<br />
1. Le Khang-kao s dit : Le roi Wen parvint à développer<br />
et faire briller dam tout $on éclai le principe lumineux<br />
de la raison que nous recevons <strong>du</strong> cm.<br />
• Le teste entier de l'ouvrage consiste en quinze cent quarante-six caractères.<br />
Toute l'Exposition [de Thiéng-tsw] est «impoiée de citations variées qgf servent de<br />
commentaire au King [ou texte original de KHOUNG-TSEU], lorsqu'il n'est pas complètement<br />
narratif. Ainsi les principes posés dans le texte sont successivement développés<br />
dans un enchaînement logique. Le sang circule bien partout dans les veines Depuis<br />
le commencement jusqu'4 Sa fin, le grave et le léger soet employés avee beaucoup<br />
d'an et de finesse. La lecture de ce livre est agréable et pleine de mari té. 0* doit le<br />
méditer long -temps, et l'on ne parviendra même jamais à en épuiser le sens.<br />
,.,, ...... , W m à** Cpwwm(9twr%<br />
s 11 forme aujourd'hui as des chapitre au Chm-king, •
12 TA HIO,<br />
2. Le Taï~ki® ! dit : Le roi Tching-thang avait sans<br />
cesse les regards fixés sur ce don brillant de Vintelligence<br />
que nous recevons <strong>du</strong> ciel<br />
3. Le Ti-tien 2 dit : Yao put développer et faire briller<br />
dans tout son éclat le principe sublime de Vintelligence<br />
que nous recevons <strong>du</strong> ciel.<br />
k. Tous ces exemples indiquent que l'on doit cultiver<br />
sa nature rationnelle et morale.<br />
Voilà le premier chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il explique ee que<br />
Fou doit entendre par développer et rémettre en lumière le principe<br />
lumineux de la raison que nous recevons <strong>du</strong> ciel.<br />
CHAPITRE IL<br />
Sur le devoir de renouveler ou d'éclairer les peuples.<br />
1. Des caractères gravés sur la baignoire <strong>du</strong> roi<br />
Tching-îhang disaient : Renouvelle-toi complètement<br />
chaque jour ; fais-le de nouveau, encore de nouveau, et<br />
toujours de nouveau.<br />
2. Le Kkang-kao dit : Fais que le peuple se renouvelle.<br />
3. Le Livre des Vers dit :<br />
«Quoique la famille des Tcheou possédât depuis<br />
» long-temps une principauté royale,<br />
» Elle obtint <strong>du</strong> ciel (dans la personne de Wen-wang)<br />
» une investiture nouvelle. »<br />
k. Cela prouve qu'il n'y a rien que le sage ne pousse<br />
jusqu'au dernier degré de la perfection.<br />
Voilà le second chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il explique ce que<br />
Fou doit entendre par renouveler les peuples.<br />
% f . Us forment aujourd'hui des chapitres <strong>du</strong> Chw-king*
LA GRANDI ÉTCDK. 13<br />
CHAPITRE III.<br />
Sur le devoir de placer sa destination défmïlive dans la perfection on le «ouTerain bien.<br />
1. Le Livre des Vers dit :<br />
M tA m,<br />
I. Le Livre des Vers dit : *<br />
c< Regarde là-bas sur les bords <strong>du</strong> Si;<br />
» Obi qu'ils sont beaux et abondans les verti bam-»<br />
» bous I<br />
» Nous avons un prince orné de science et de sali<br />
gesse * ;<br />
» 11 ressemble à l'artiste qui coupe et travaille l'ivoire,<br />
» A celui qui taille et polit les pierres précieuse?.<br />
» Ohl qu'il paraît grave et silencieux!<br />
» Comme sa con<strong>du</strong>ite est austère et digne !<br />
» Nous avons un prince orné de science et de sa-<br />
» gesse ;<br />
» Nous ne pourrons jamais l'oublier! »<br />
8. Il ressemble à Vartiste qui coupe et travaille Vivotre,<br />
indique l'étude ou l'application de l'intelligence à la recherche<br />
des principes de nos actions ; il ressemble é celui<br />
qui taille et polit les pierres précieuses^ indique le<br />
perfectionnement de soi-même. L'expression Ohl qu'il<br />
parait grave et silencieux! indique la crainte, la sollici-<br />
' ude qu f il éprouve pour atteindre à la perfection. Comme<br />
sa con<strong>du</strong>ite est austère et digne ! exprime combien il mettait<br />
de soin à rendre sa con<strong>du</strong>ite digne d'être imitée.<br />
Nous avons un prince orné de science et de sagesse ; nous<br />
ne pourrons jamais V oublier! indique cette sagesse accomplie,<br />
cette perfection morale que le peuple m peut<br />
oublier.<br />
6. Le Livre des Vers dit :<br />
« Comme la mémoire des anciens rois (Wen et Wou)<br />
» est restée dans le souvenir des hommes ! »<br />
Les sages et les princes qui les suivirent imitèrent<br />
leur sagesse et leur sollicitude pour le bien-être de leur<br />
priûdpe de su destination obligatoire on de ses devoirs dô «m4pf% il silei#drs à #§<br />
destination est <strong>du</strong> devoir do saint homme. »<br />
1 Tcàm^hûung qm lirait en iiSO ifipl mm ère ; Fui êm flm !»§•• ft êm plni<br />
«fiai hommet qu'ait eut la Chine*
LA CHAUVI ÉTUBX. fi<br />
postérité. Les populations jouirent en paix, par la suite,<br />
de ce qu'ils avaient fait pour leur bonheur, et elles mirent<br />
à profit ce qu'ils firent de bien et de profitable dans<br />
une division et une distribution équitable des terres f .<br />
C'est pour cela qu'ils ne seront point oubliés dans les<br />
siècles à venir.<br />
Voilà le troisième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il explique ce que<br />
l'on doit entendre par placer m desUnatien définitive dam la<br />
perfection ou l§ souverain MenK<br />
' CHAPITRE IV.<br />
Sur le devoir de connaître et de distinguer les causes et les effets.<br />
^ 1* Le Philosophe a dit : Je puis écouter des plaidoiries<br />
et juger des procès comme les autres hommes ; mais<br />
ne sêrait-il pas plus nécessaire de faire en sorte d'empêcher<br />
les procès? Ceux qui sont fourbes et méchans*<br />
il ne faudrait pas leur permettre de porter leurs accuiafions<br />
mensongères et de suivre leurs coupables dôê~<br />
seins. On parviendrait par là à se soumettre entièrement<br />
les mauvaises intentions des hommes. C'est ce qui<br />
S'appelle connaître la racine ou la cause.<br />
^ Voilà le quatrième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. 11 explique ce que<br />
l'on doit entendre par lu racine «f Us brancha ou ta cause §t tei<br />
0jf#ff.<br />
1 C'est l'explication qne donnent de ce passage plusieurs commentateurs: « Par Se<br />
partage des champs labourables elleur distribution en portion d'un li { un dixième de<br />
lieue carrée], chacun m% de «poi l'occuper et s'entretenir habituellement | c'est là le<br />
profit qu'ils en ont tiré. » (Commentaire, M&> Mmn§.}<br />
«Bans ce chapitre sont faites plusieurs citations <strong>du</strong> Lwtê dm Vert, qui seront ®i<br />
tinaées dans les suit ans. Les anciennes éditions sont îmïhm à ml endroit. Elles pi<br />
€tat m €bafitft spfè* mlm sur le âmir é§ tmàm m inmthm pmm m êêmêrm.<br />
(teSOMlt)
16 TA BIO,<br />
CHAPITRE V.<br />
Sur le devoir de perfectionner ses connaissances morales en pénétrant les principes<br />
des actions.<br />
1. Cela s'appelle connaître la racine ou la cause*<br />
2. Cela s'appelle la perfection de la connaissance.<br />
Voilà ce qui reste <strong>du</strong> cinquième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il<br />
expliquait ce que l'on doit entendre par perfectionner ses connaissances<br />
morales en pénétrant les principes des actions ; il est<br />
maintenant per<strong>du</strong>. Il y a quelque temps, j'ai essayé de recourir<br />
âui idées de Tehing-tseu [ autre commentateur <strong>du</strong> Ta hio9 un peu<br />
plus ancien que Tchou-hi ] pour suppléer à cette lacune, en disant<br />
:<br />
Les expressions suivantes <strong>du</strong> teite perfectionner ses connaissances<br />
morales consiste â pénétrer le principe et la nature des<br />
actions, signifient que si nous désirons perfectionner nos connaissances<br />
morales, nous devons nous livrer à une investigation<br />
profonde des actions, et scruter à fond leurs principes ou leur raison<br />
d'être ; car l'intelligence spirituelle de l'homme n'est pas évidemment<br />
incapable de connaître [ou est adéquate à la connaissance];<br />
et les êtres de la nature, ainsi que les actions humaines,<br />
ne sont pas sans avoir un principe, une cause ou une raison d'être<br />
1 . Seulement ces principes, ces causes, ces raisons d'être n'ont<br />
pas encore été soumis à d'assez profondes investigations. C'est<br />
pourquoi la science des hommes n'est pas complète, absolue;<br />
c'est aussi pour cela que la Grande Étude commence par enseigner<br />
aux hommes que ceux d'entre eux qui étudient la philosophie<br />
morale doivent soumettre à une longue et profonde investigation<br />
les êtres de la nature et les actions humaines, afin qu'en<br />
parlant de ce qu'ils savent déjà des principes des actions, ils puissent<br />
augmenter leurs connaissances, et pénétrer dans leur nature<br />
la plus intime 2 . En s'appliquant ainsi à exercer toute son énergie,<br />
1 Le li-kiang s'exprime ainsi sur ce passage 5 « Le cœur ou le principe pensant de<br />
l'homme esl éminemment immatériel, émiuemmeat intelligent ; il est bien lois d'être<br />
dépourvu de tout «avoir naturel, et toutes les actions humaines sont bien loin de se<br />
pas avoir une cause ou une raison d'être également naturelle. »<br />
* Le commentaire H&-kian§ s'exprime ainsi : « Il s'est pas dit [dans le teste primitif]<br />
qu'il faut chercher à connaître, à scruter profondément les principes, les causes;
LA SaAMBl ÉTUDE. 17<br />
toutes ses facultés intellectuelles, pendant long-temps, on arrive<br />
un jour à avoir une connaissance, une compréhension intime des<br />
vrais principes des actions ; alors la nature intrinsèque et extrinsèque<br />
de toutes les actions humaines, leur essence la plus subtile,<br />
comme leurs parties les plus grossières, sont pénétrées; et, pour<br />
notre intelligence ainsi exercée et appliquée par des* efforts soutenus,<br />
tous les principes des actions deviennent clairs et manifestes,<br />
Voilà ce qui est appelé la pénétration des principes des actions;<br />
voilà ce qui est appelé la perfection des connaissances morales»<br />
CHAPITRE VI.<br />
Sur le devoir de rendre ses intentions pares et sincères.<br />
1. Les expressions rendre ses intentions pures et $in~<br />
eèresf signiient : Ne dénature point tes inclinations<br />
droites, comme celles de fuir une odeur désagréable, et<br />
d'aimer un objet agréable et sé<strong>du</strong>isant C'est ce qui est<br />
appelé la satisfaction de soi-même. C'est pourquoi le<br />
sage veille attentivement sur ses intentions et ses pensées<br />
secrètes.<br />
2. Les hommes vulgaires qui vivent à l'écart et sans<br />
témoins commettent des actions vicieuses ; il n'est rien<br />
de mauvais qu'ils ne pratiquent. S'ils voient un homme<br />
. sage qui veille sur soi-même, ils feignent de lui ressembler,<br />
en cachant leur con<strong>du</strong>ite vicieuse et en faisant<br />
parade d'une vertu simulée. L'homme qui les voit est<br />
comme s'il pénétrait leur foie et leurs reins ; alors à quoi<br />
leur a-t-il servi de dissimuler? C'est là ce que l'on enmais<br />
il est dit qu'il faut chercher à apprécier parfaitement les actions; en disant qu'il<br />
faut chercher à connaître, à scruter profondément les principes, les causes, alors on<br />
entraîne facilement l'esprit dans un chaos d'incertitudes inextricables ; en disant qu'il<br />
faut chercher à apprécier parfaitement les actions, alors on con<strong>du</strong>it l'esprit à Sa recherche<br />
de îa vérité. »<br />
Pascal a dit : « C'est une chose étrange que les hommes aient voulu comprendre les<br />
principes des choses, et arriver jusqu'à connaître tout S car il est sans doute qu'on ne<br />
peut former ce dessein saos une présomption ou sans une capacité infinie comme la<br />
sature. »<br />
2.
18 TA fllO,<br />
tend par le proverbe : La vérité est dans l'intérieur, le<br />
forme â Vextérieur. C'est pourquoi le sage doit veiller<br />
attentivement sur ses intentions et ses pensées secrètes.<br />
3. Thséng-tseu a dit : De ce que dix yeux le regardent,<br />
de ce que dix mains le désignent, combien n'a-t-il pas<br />
à redouter, ou à veiller sur lui-même!<br />
4. Les richesses ornent et embellissent une maison, la<br />
vertu orne et embellit la personne ; dans cet état de félicité<br />
pure, Tàme s'agrandit, et la substance matérielle<br />
qui lui est soumise profite de même. C'est pourquoi le<br />
sage doit rendre ses intentions pures et sincères *.<br />
Voilà le sixième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il explique ce que<br />
l'on doit entendre par rendre ses intentions pures et sincères*<br />
CHAPITRE VU.<br />
Sur 1s defôif de le perfectionner soi-même en pénétrant mm à» de probité tt êê<br />
droiture.<br />
1. Ces paroles, se corriger soi-même de toutes passions<br />
vicieuses consiste â donner de la droiture â son âme,<br />
veulent dire : Si l'âme est troublée par la passion de la<br />
colère, alors elle ne peut obtenir cette droiture ; si l'âme<br />
1 « Il est dit dans le King s Désirant rendre ses intention* pnru et sincères, lit<br />
s'attachaient d'abord à perfectionner au plus Jwut degré leurs connaissantes moraks.<br />
Il est encore dit : Ijts connaissances morales étant portées au plus haut degréf les in»<br />
tentions sont ensuite ren<strong>du</strong>es pures et sincères. Or l'essence propre de l'intelligence est<br />
d'être éclairée ; s'il existe en elle (Ses facultés qui ne soient pas encore développées,<br />
alors ce sont ces facultés qui sont mises an jour par le perfectionnement des connaissances<br />
morales ; iî doit donc y avoir des personnes qui ne peuvent pas véritablement<br />
faire usage de toutes leurs facultés, et qui, s'il en est ainsi, se trompent elles-mêmes.<br />
De cette manière, quelques hommes sont éclairés par eux-mêmes, et ne font aueua<br />
effort pour devenir tels; alors ce sont ces hommes qui éclairent les autres, en outre,<br />
ils ne cessent pas de S'être, et ils n'aperçoivent aucun obstacle qui puisse les empêcher<br />
d'approcher de la vertu. C'est pourquoi ce chapitre sert de développement an précédent,<br />
pour rendre celle vérité évidente. Ensuite il y aura à examiner le commencement<br />
et la fin de l'usage des facultés, et à établir que leur ordre se peut pai être troublé,<br />
et que leurs opérations ne peuvent pas mmqmï de se manifeaiof. C'est simi que<br />
1« philosophe raisonne. » (TCKOIMU*)
LA fiïlÂJfW ÉTCBK. il<br />
•st livrée i k erainte, alors elle ne peut obtenir dette<br />
droiture; si l'âme est agitée par la passion de la joie et ;<br />
<strong>du</strong> plaisir, alors elle ne peut obtenir cette droiture; si<br />
l'âme est accablée par la douleur, alors elle ne peut obtenir<br />
cette droiture.<br />
i* L'âme n'étant point maîtresse d'elle-même, on regarde,<br />
et on ne voit pas ; on écoute, et on n'entend pas j<br />
on mange, et on ne connaît point la saveur des alimefts.<br />
Cela explique pourquoi l'action de $e corriger soi-même<br />
de toutes passions viciewes comiêtê dam l'obligation de<br />
donner de la droiture â son âme><br />
Voilà le septième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. 11 eiplîque m qu@<br />
l'on doit entendre par te corriger soi-même de toute habitude, de<br />
f suffi pmêmm vieteutm, m ê&mmmi 4$ lu imi$wf§ ê êm êmê K<br />
CHAPITRE .Vffl.<br />
Sur le devoir de melire le boa ordre dans sa famille, en se perfectionnant soi-même.<br />
1. Ce que signiient ces mots, mettre U bon ordre dêm<br />
$a famille consiste auparavant â se corriger soi-mime de<br />
toutes passions vicieuses, le voici : Les' hommes sont partiaux<br />
envers leurs parens et ceux qu'ils aiment; ils sont<br />
aussi partiaux ou injustes envers ceux qu'ils méprisent<br />
et qu'ils haïssent; envers ceux-qu'ils respectent et qu'ils<br />
révèrent, ils sont également partiaux ou serviles; ils<br />
! Ce chapitre se rattache aassi au précédent, afin d'en lier le *eas à celui do chapitre suivant.<br />
Or, les intentions étant rendes pures et sineères, alors la vérité est sans mélange<br />
d'errenr, le bien sas» mélange de mal, et l'on possède véritablement la vertu. Ce qui peut<br />
la conserver dans l'homme, c'est le cœar ou la faculté intelligente dont il isidooé<br />
pour dompter ou maintenir son corps. Quelques uns ne savent-ils pat seulement rendre<br />
leurs intentions pures et sincères, sans pouvoir examiner soigneusement les facultés de<br />
l'Intelligence qui sait les conserver telles ? alors ils ne possèdent pas encore la vérité<br />
iaiéneurement, et ils doivent continuer à améliorer, à perfections®? leirt personnel.<br />
Bepuii ce ehapilre jusqu'à 11 in, lest est pritiiemeM sosf»m@ ans anciens» éM«<br />
fi©». (Tout»!*)
20 TA BIO,<br />
sont partiaux ou trop miséricordieux f envers ceux qui<br />
inspirent la compassion et la pitié ; ils sont aussi partiaux<br />
ou hautains envers ceux qu'ils traitent avec supériorité.<br />
C'est pourquoi aimer et reconnaître les défauts<br />
de ceux que Fon aime, haïr et reconnaître les bonnes<br />
qualités de ceux que Fon hait, est une chose bien rare<br />
sous le ciel 2 .<br />
2. De là vient le proverbe qui dit : Les pères m mutent<br />
pas reconnaître les défauts de leurs mfam9 et les<br />
laboureurs la fertilité de leurs terres.<br />
3. Cela prouve qu'un homme qui ne s ? est pas corrigé<br />
lui-même de ses penchans injustes est incapable de<br />
mettre le bon ordre dam sa famille*<br />
Voilà le huitième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il eiplique ce que Fou<br />
doit entendre par mettre le bon ordre dans sa famille, en se corrigeant<br />
ioi-même de toute habitude, de toutes passions vicieuses*<br />
CHAPITRE IX.<br />
Sur îe devoir de bien gouverner an Eiat, en mettant le bon ordre dans sa famille.<br />
1. Les expressions <strong>du</strong> texte, pour bien gouverner un<br />
royaume, il est nécessaire de s'attacher auparavant à<br />
mettre le bon ordre dans sa famille, peuvent s'expliquer<br />
ainsi : Il est impossible qu'un homme qui ne peut pas<br />
1 C'est le sens que donnent les commentateurs cbinois. L'Explication <strong>du</strong> Kiang-i-pitehi<br />
dit : « Envers les hommes qui sont dans îa peine et la misère, qui sont épuisés par<br />
la souffrance, quelques-uns s'abandonnent à une excessive in<strong>du</strong>lgence, et ils sont partiaux.<br />
»<br />
* Le Ji-kiang s'exprime ainsi sur ce chapitre : « Thsêng-tseu dit : Ce que le saint<br />
livre fie texte de KHOONG-TSEU) appelle mettre le bon ordre dans sa famille, consiste<br />
auparavant à se corriger soi-même de toutes passions vicieuses, signifie : Que la personne<br />
étant Se fondement, îa base de la famille, celui qui veut mettre le bon ordre dans<br />
sa famille doit savoir que tout consiste dans les sentimens d'amitié et d'aversion, d'amour<br />
et de haine qui sont eu nous, et qu'il s'agit seulement de ne pas être partial et<br />
injuste dans l'expression de ces sentimens. L'homme se laisse toujours naturellement<br />
entraîner aux sentimens qui naissent en lui, et s'il est dans le sein d'une famille, il perd<br />
prompiement la règle de ses devoirs naturels. C'est pourquoi, dans ce qu'il aime el<br />
dans ce qu'il hait, il arrive aussitôt à la partialité et à l'injmtiœ, et sa personne n'est<br />
point corrigés et améliorée. »
LA GEAHB1 ÉTUBI. Il<br />
Instruire sa propre famille puisse instruire les hommes.<br />
C'est pourquoi le fils de prince 1 , sans sortir de sa famille,<br />
se perfectionne dans Fart d'instruire et de gou-<br />
Yerner un royaume. La piété filiale est le principe qui<br />
le dirige dans ses rapports avec le souverain ; la déférence<br />
est le principe qui le dirige dans ses rapports avec<br />
ceux qui sont plus âgés que lui ; la bienveillance la plus<br />
tendre est le principe qui le dirige dans ses rapports<br />
avec la multitude 2 .<br />
2. Le Khang-kao dit : Il est comme une mère qui<br />
embrasse tendrement son nouveau-né *. Elle s'efforce de<br />
toute son âme à prévenir ses désirs naissans; si elle ne<br />
les devine pas entièrement, elle ne se méprend pas beau-<br />
1 La glose <strong>du</strong> Kiang-i-pi-tehi dii que c'est le fils d'un prince possédantnn royaume<br />
qui est ici désigné.<br />
• En dégageant complètement îa pensée da philosophe de sa forme chinoise,©o voit<br />
qu'il assimile le gouvernement de l'Etal à celui de la famille, et qu'à ses yeux, celui<br />
qui possède toutes les vertus exigées d'un chef de famille, possède également toutes<br />
les vertus exigées d'un souverain. C'est aussi ce que dit le Commentaire impétial [ Jikiang)<br />
% « Ces trois vertus : la piété filiale, îa déférence envers Ses frères aînés, la bienveillance<br />
ou raffeclion pour ses parens, sont des vertus avec lesquelles le prince orne<br />
sa personne, tout en instruisant sa famille ; elles sont généralement la source des<br />
bonnes mœurs, et en les étendant, en en faisant une grande application, on en fait par<br />
conséquent la règle de toutes ses actions. Voilà comment le fils <strong>du</strong> prince, sans sortir<br />
de sa famille, se forme dans l'art d'instruire et de gouverner un royaume. »<br />
* Le Commentaire impérial {li-kiang) s'exprime ainsi sur ce passage : « Autrefois<br />
Ww~wang écrivit un livre pour donner des avertissemens à Kang-ehw (son frère cadet,<br />
qu'il envoyait gouverner un Etal dans la province <strong>du</strong> Ho-nan) ; il dit: Si l'on<br />
exerce Ses fonctions de prince, il faut aimer, chérir les cent familles {tout le peuple<br />
chinois) comme une tendre mère aime et chérit son jeune enfant au berceau. Or, dans<br />
les premiers temps que son jeune enfant vient de naître, chaque mère ne peut pas apprendre<br />
par des paroles sorties de sa bouche ce que l'enfant désire ; Sa mère, qui par sa<br />
nature est appelée à lui donner tous ses soins et à ne le laisser manquer de rien, s'applique<br />
avec la plus grande sincérité <strong>du</strong> cœur, et beaucoup plus souvent qu'il est nécessaire,<br />
à chercher à savoir ce qu'il désire, et elle le trouve ensuite. 11 faut qu'elle cherche<br />
à savoir ce que son enfant désire, et quoiqu'elle ne puisse pas toujours réussir à deviner<br />
tout ses vœux, cependant son cœur est satisfait, et le cœur de son enfant doit aussi<br />
être satisfait; ils ne peuvent pas s'éloigner l'un de l'autre. Or, le cœur de cette mère,<br />
qui chérit ainsi son jeune enfant au berceau, le fait naturellement et de lui-même ;<br />
toutes les mères ont les mêmes sentimens maternels ; elles n'ont pas besoin d'attendre<br />
qu'on les instruise de leur devoir pour pouvoir ainsi aimer leurs enfans. Aussi n'a-t-on<br />
jamais vu dans Se monde qu'une jeune femme apprenne d'abord les règles des soins à<br />
donner à un jeune enfant au berceau, pour se marier ensuite. Si l'os sait une fois que<br />
tei tendra Miss qu'une mère prodigue à MU Jeiae enfant loi sent ainsi inspirés par
M îA aïo,<br />
coup sur l'objet de ses vœux. Il n'ait pas dans Ift nature<br />
qu'une mère apprenne à nourrir un enfant pour se marier<br />
ensuite.<br />
3. Une seule famille ayant de l'humanité et de la charité<br />
suffira pour faire natlre dans la nation ces mêmes<br />
vertus de charité et d'humanité ; une seule famille ayant<br />
de la politesse et de la condescendance suffira pour<br />
rendre une nation condescendante et polie; un seul<br />
homme, le prince *, étant avare et cupide, suffira pour<br />
causer <strong>du</strong> désordre dans une nation. Tel est le principe<br />
ou le mobile de ces vertus et de ces vices. C'est ce que<br />
dit le proverbe : Un mot perd l'affaire; un homme diter~<br />
mine le sort d'un empire.<br />
4. Yao et Chun gouvernèrent l'empire avec humanité,<br />
et le peuple les imita. Kie et Teheou 1 gouvernèrent<br />
l'empire avec cruauté, et le peuple les imita. Ce que<br />
ces derniers ordonnaient était contraire à ce qu'ils aimaient,<br />
et le peuple ne s'y soumit pas. C'est pour cette<br />
raison que le prince doit lui-même pratiquer toutes les<br />
vertus et ensuite engager les autres hommes à les pratiquer.<br />
S'il ne les possède pas et ne les pratique pas<br />
lui-même, il ne doit pas les exiger des autres hommes.<br />
Que n'ayant rien de bon, rien de vertueuï dans le<br />
cœur, on puisse être capable de commander aux hommes<br />
ce qui est bon et vertueux, cela est impossible et contraire<br />
à la nature des choses.<br />
5. C'est pourquoi le bon gouvernement d'un royaume<br />
se§ senlieaeûs naturels, oo petit savoir également que ce sont les mêmes lentlmeos de<br />
. tendresse salureiie qui doivent diriger ou prince dans ses rapports avec la multitude.<br />
N'en est-il pas de même dans ses rapporté avec le souverain el avec ses aînésf Atari,<br />
c'est ce qui est dit, que sans sortir de sa familk onpmt se perfectionner «tant fart<br />
d'instruire et de gouverner un royaume. »<br />
1 Par un seul homme on indique le prince. [Glose.)<br />
s On peut voir ce qui a été dit de ces souverains de la Chine dans notre Résumé de<br />
l'histoire et delà civilisation chinoises, depuis ki temps le* plus anciens jusqu'à nei<br />
jours, pages M tl surtanies, et pages il, 70. OQ peal toni y ftWMfir peur ieatw 1«<br />
tin « iafematîMis hmimiqm» qm mw mm®m pu «w êmmt ftprotain M*
LA ÔHAÎfll ÉTUM. Il<br />
WMkte dm* l'êbligation préalable 4e mettre U èûn ordre<br />
. dans m famille,<br />
6. Le Livre <strong>du</strong> Vers dit :<br />
« Que le pêcher- est beau et raYissantt<br />
» Que son feuillage est fleuri et abondant!<br />
» Telle une jeune fiancée se rendant à la demeure de<br />
» çon époux,<br />
» Et se con<strong>du</strong>isant convenablement envers les peiv<br />
» sonnes de sa famille ! »<br />
Con<strong>du</strong>isez-vous convenablement envers les personnes<br />
de votre famille, ensuite vous pourrez instruire et diriger<br />
une nation d'hommes.<br />
7. Le Livre des Vers dit :<br />
c< Faites ce qui est convenable entre frères et sœurs<br />
» de différons âges. »<br />
Si vous faites ce qui est convenable entre frères de<br />
différons âges, alors vous pourrez instruire de leurs<br />
devoirs mutuels les frères aînés et les frères cadets d'un<br />
royaume*.<br />
8. Le Livre des Vers dit ;<br />
c< Le prince dont la con<strong>du</strong>ite est toujours pleine d'é-<br />
.» quité et de sagesse,<br />
» Verra les hommes des quatre parties <strong>du</strong> monde<br />
» imiter sa droiture. »<br />
! Dans îa politique de ces philosophes chinois, chaque famille est une nation ou Élal<br />
en pelii, el toute nation ou tout Etat s'est qu'une grande famille : Tune et l'autre<br />
doiîBnt être gouvernés par le» mêmes priacipes de sociabilité el soumis aus même»<br />
devoirs. Ainsi, comme un homme qui ne <strong>mont</strong>re pas de vertus dans sa con<strong>du</strong>ite et<br />
n'exerce point d'empire sur ses passions, n'est pas capable de bien administrer une famjiie<br />
| de mime un prince qui n'a pas |es qualités qu'ai faut pour bien administrer une<br />
famille esl égalemenl incapable de bien gouverner uue nation. Ces doctrines ne sont<br />
point constitutionnelles, parce qu'elles sont en opposition avec la doctrine que le chef<br />
de Y État rlgnt et n$g&ummê$m$ , et qu'elles lui attribuent un pouvoir exorbitant sur<br />
ses sujets, celui d'un père sur ses enrans, pouvoir dont les princes, en Chine, sont aussi<br />
portés à abuser que partout ailleurs ; mais d'un autre cèié ce caractère d'assimilatioi<br />
au père de famille leur impose des devoiis qu'ils trouvent quelquefois assez gênant<br />
pour se décider à les enfreindre j alors, d'après Sa même politique, les membres de 1s<br />
grande famille ont le droit, sinon toujours la force, de déposer Ses mauvais rois qui<br />
m g®i¥«Fi|§f | §>» ta mjf pèrw de. famille. Qp m • ti fief eitmplti.<br />
*&ÉH
24 TA B109<br />
Il remplit ses devoirs de père, de Ils, de frère aîné<br />
et de frère cadet, et ensuite le peuple l'imite.<br />
9. C'est ce qui est dit dans le texte: L'art de bien gouverner<br />
une nation consiste à mettre auparavant le bon<br />
ordre dans sa famille.<br />
Voilà le neuvième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. Il eiplique ce que<br />
Fon doit entendre par bien gouverner le royaume en mettant le<br />
bon ordre dans sa famille.<br />
CHAPIT1E X.<br />
Sur le devoir d'entretenir là paix et la bonne harmonie dans le monde, ea bien gouvernant<br />
les royaumes.<br />
1. Les expressions <strong>du</strong> texte, faire jouir le monde de<br />
la paix et de l'harmonie consiste à bien gouverner son<br />
royaumef doivent être ainsi expliquées : Que celui qui<br />
est dans une position supérieure, ou le prince, traite<br />
ses père et mère avec respect, et le peuple aura de la<br />
piété filiale ; que le prince honore la supériorité d'âge<br />
entre les frères, et le peuple aura de la déférence fraternelle;<br />
que le prince ait de la commisération pour les<br />
orphelins, et le peuple n'agira pas d'une manière contraire.<br />
C'est pour cela que le prince a en lui la règle et<br />
la mesure de toutes les actions.<br />
2. Ce que vous réprouvez dans ceux qui sont audessus<br />
de vous, ne le pratiquez pas envers ceux qui sont<br />
au-dessous ; ce que vous réprouvez dans vos inférieurs,<br />
ne le pratiquez pas envers vos supérieurs ; ce que vous<br />
réprouvez dans ceux qui vous précèdent, ne le faites<br />
pas à ceux qui vous suivent; ce que vous réprouvez<br />
dans ceux qui vous suivent, ne le faites pas à ceux qui<br />
vous précèdent ; ce que vous réprouvez dans ceux qui<br />
sont à votre droite, ne le faites pas à ceux qui sont à
LA GRANDE ÉTUDE» 25<br />
votre gauche; ce que vous réprouvez dans ceux qui sont<br />
à votre gauche, ne le faites pas à ceux qui sont à votre<br />
droite : voilà ce qui est appelé la raison et la règle de<br />
toutes les actions.<br />
3. Le Livre dès Vers dit :<br />
ce Le seul prince qui inspire de la joie<br />
• » C'est celui qui est le père et la mère <strong>du</strong> peuple! »<br />
Ce que le peuple aime, l'aimer; ce que le peuple hait,<br />
le haïr : voilà ce qui est appelé être h père ei la mère <strong>du</strong><br />
peuple.<br />
h. Le Livre des Vers dit :<br />
« Voyez au loin cette grande <strong>mont</strong>agne <strong>du</strong> Midi,<br />
» Avec ses rochers escarpés et menaçans !<br />
» Ainsi, ministre Ynf tu brillais dans ta fierté I<br />
» Et le peuple te contemplait avec terreur î »<br />
Celui qui possède un empire ne doit pas négliger de<br />
veiller attentivement sur lui-même, pour pratiquer le<br />
bien et éviter le mal ; s'il ne tient compte de ses principes,<br />
alors la ruine de son empire en sera la conséquence<br />
*.<br />
5. Le Livre des Vers dit :<br />
« Avant que les princes de la dynastie de Yn [ou<br />
» Chang] eussent per<strong>du</strong> l'affection <strong>du</strong> peuple,<br />
» Ils pouvaient être comparés au Très-Haut.<br />
» Nous pouvons considérer dans eux<br />
» Que le mandat <strong>du</strong> ciel n'est pas facile à conserver. »<br />
Ce qui veut dire :<br />
ce Obtiens l'affection <strong>du</strong>' peuple, et tu obtiendras l'em-<br />
» pire ;<br />
1 Os veut dire [dans ce paragraphe] que celui qui est dans la position la plus élevée<br />
de la société [le souverain] ne doit pas ae pas presdre en sérieuse considération<br />
ce que les hommes ou les populations demandent et attendent de lui ; s'il ne se conformait<br />
pas dans sa con<strong>du</strong>ite aux droites règles de la raison, et qu'il se livrât de préférence<br />
aux actes vicieux [ans actions contraires à l'intérêt <strong>du</strong> peuple] en donnant un<br />
libre cours à ses passions d'amitié et de haine, alors sa propre personne serait exterminée<br />
et le gouvernement périrait ; c'est là la grande ruine de l'empire [dont il est<br />
parlé dans le texte]. (TCHOU-HI.)<br />
3
m TA mi»,<br />
» Perds l'affection <strong>du</strong> peuple, et tu perdras l'em-<br />
» pire *. »<br />
6, C'est pourquoi un prince doit, avant tout, veiller<br />
attentivement sur son principe rationnel et moral. S'il<br />
possède les vertus qui en sont la conséquence, il possédera<br />
le cœur des hommes; s'il possède le cœur des<br />
hommes, il possédera aussi le territoire ; s'il possède le<br />
territoire, il en aura les revenus ; s'il en a les revenus,<br />
il pourra en faire usage pour l'administration de l'Etat.<br />
Le principe rationnel et moral est la base fondamentale;<br />
les richesses ne sont que l'accessoire.<br />
7. ' Traiter légèrement la base fondamentale ou le<br />
principe rationnel et moral, et faire beaucoup de cas<br />
de l'accessoire ou des richesses, c'est pervertir les sentimens<br />
<strong>du</strong> peuple et l'exciter par l'exemple au vol et<br />
aux rapines.<br />
•8. C'est pour cette raison que si un prince ne pense<br />
qu'à amasser des richesses, alors le peuple, pour l'imiter,<br />
s'abandonne à toutes ses passions mauvaises; si,<br />
au contraire, il dispose convenablement des revenus<br />
publics, alors le peuple se maintient dans Tordre et la<br />
soumission.<br />
9. C'est aussi pour cela que si un souverain ou des<br />
magistrats publient des décrets et des ordonnances<br />
contraires à la justice, ils éprouveront une résistance<br />
opiniâtre à leur exécution et aussi par des moyens contraires<br />
à la justice; s'ils acquièrent des richesses par'<br />
des moyens violens et contraires à la justice, ils les<br />
perdront aussi par des moyens violens et contraires à<br />
la justice.<br />
10. Le Khang-kao dit : ce Le mandat <strong>du</strong> ciel qui donne<br />
s Le Ho-kiang dit à ee sujet : « la fortune <strong>du</strong> prince dépend <strong>du</strong> ciel, et la volonté<br />
<strong>du</strong> ciel existe dans le peuple. Si le prince obtient l'affection et l'amour <strong>du</strong> peuple, i§<br />
Très Haut le regardera avec complaisance et affermira son trône; rouis s'il perd l'af*<br />
fection et l'amour <strong>du</strong> peuple, le Très-HQiii le regardera avec colère, et il perdn son<br />
royaume, »
LA ô&AJfM ilUBB. 17<br />
» la souveraineté à un homme ne la lui confère pas<br />
» pour toujours. » Ce qui signifie qu'en pratiquant le<br />
bien ou la justice» on l'obtient, et qu'en pratiquant le<br />
mal ou l'injustice» on la perd.<br />
11. Les Chroniques de Thsou disent :<br />
ce La nation de Thsou ne regarde pas les parure» en<br />
» or et en pierreries comme précieuses ; mais, pour elle,<br />
» les hommes vertueux, les bons et sages ministres sont<br />
» les seules choses qu'elle estime être précieuses. »<br />
12. KiëQt^fan a dit :<br />
ce Bans les voyages que j'ai faits au dehors je n'ai -<br />
» trouvé aucun objet précieux ; l'humanité, et l'amitié<br />
» pour ses parens sont ce que j'ai trouvé seulement<br />
» de précieux. »<br />
13. Le Thsin-tchi dit :<br />
ce Que n'ai-je un ministre d'une droiture parfaite,<br />
» quand même il n'aurait d'autre habileté qu'un cœur<br />
» simple et sans passions; il serait comme s'il avait les<br />
» plus grands talensl-Lorsqu'il verrait des hommes de<br />
» haute capacité, il les pro<strong>du</strong>irait, et n'en serait pas<br />
» plus jaloux que s'il possédait leurs talens lui-même.<br />
» S'il venait à distinguer un homme d'une vertu et d'une<br />
» intelligence vastes, il ne se bornerait pas à en faire<br />
» l'éloge <strong>du</strong> bout des lèvres, il le rechercherait avec sin-<br />
» cérité et l'emploierait dans les affaires. Je pourrais me<br />
» reposer sur un tel ministre <strong>du</strong> soin de protéger mes<br />
» enfans, leurs enfans et le peuple. Quel avantage n'en<br />
» résulterait-il pas pour le royaume ! 1<br />
» Mais si un ministre est jaloux des hommes" de ta-.<br />
» lent, et que par envie il éloigne ou tienne à l'écart<br />
» ceux qui possèdent une vertu et une habileté émi-<br />
1 On voit par ce» instructions de Môu-koun§f prince dd petit rojaame 'de TArin,<br />
tirées <strong>du</strong> Chou-king, quelle importance on attachai! déjà es Chine, 650 ans étant<br />
notre ère, an bon choit des ministres, pour la prospérité et le bonheur d'un Stat.<br />
Varient l'expérience éolaire les hommes ! Mais malheureusement ©§ai qui lit gou?@r*<br />
sent m iront pu si se veultal pal Iwjawf §a proii§r
28 TA MO,<br />
» nentes, en ne les employant pas dans les charges im-<br />
» portantes, et en leur suscitant méchamment toutes<br />
» sortes d'obstacles, un tel ministre, quoique possédant<br />
» des talens, est incapable de protéger mes enfans,<br />
» leurs enfans et le peuple. Ne pourrait-on pas dire.<br />
» alors que ce serait un danger imminent, propre à<br />
» causer la ruine de l'empire ? »<br />
14. L'homme vertueux et plein d'humanité peut seul<br />
éloigner de lui de tels hommes, et les rejeter parmi les<br />
barbares des quatre extrémités de l'empire, ne*leur<br />
permettant pas d'habiter dans le royaume <strong>du</strong> milieu. '<br />
Cela veut dire que l'homme juste et plein d'humanité<br />
seul est capable d'aimer et de haïr convenablement les<br />
hommes ! .<br />
15. Voir un homme de bien et de talent, et ne pas lui<br />
donner de l'élévation ; lui donner de l'élévation et ne<br />
pas le traiter avec toute la déférence qu'il mérite, c'est<br />
lui faire injure. Voir un homme pervers et ne pas le<br />
repousser; le repousser et ne pas l'éloigner à une grande<br />
distance, c'est une chose condamnable pour un prince.<br />
16. Un prince qui aime ceux qui sont l'objet de la<br />
haine générale, et qui hait ceux qui sont aimés de tous,<br />
fait ce que l'on appelle un outrage à la nature de<br />
l'homme. Des calamités redoutables atteindront certainement<br />
un tel prince.<br />
17. C'est en cela que les souverains ont une grande<br />
règle de con<strong>du</strong>ite à laquelle ils doivent se conformer ;<br />
ils l'acquièrent, cette règle, par la sincérité et la fidélité;<br />
et ils la perdent par l'orgueil et la violence.<br />
18. Il yra un grand principe pour accroître les revenus<br />
(de l'État ou de la famille). Que ceux qui pro<strong>du</strong>isent<br />
* € le s'admire point lia homme qui possède «ne vertu dans toute sa perfection, s'il<br />
se possède es même temps dans us pareil degré la vertu opposée, tel qu'était Epaminondas,<br />
qui avait l'extrême valeur joiste à l'extrême bénignité; car autrement ce s'est<br />
pas <strong>mont</strong>er, c'est tomber. On ne <strong>mont</strong>re pas sa grandeur pour être en une extrémité ;<br />
mais bien en louchant les deux à la fois, et remplissant tout Feutre-deux. » (PASCAL.)
LÀ 6BÀKS1 ÉTUDE. 29<br />
ces revenus soient nombreux, et «eux qui les dissipent,<br />
en petit nombre; que ceux qui les font croître par leur<br />
travail se donnent beaucoup de peine, et que ceux qui<br />
les consomment le fassent avec modération ; alors, de<br />
cette manière, les revenus seront toujours suffisans *.<br />
19. L'homme humain et charitable acquiert de la considération<br />
à sa personne, en usant généreusement de<br />
ses richesses ; l'homme sans humanité et sans charité<br />
augmente ses richesses aux dépens de sa considération.<br />
20. Lorsque le prince aime l'humanité et pratique la<br />
vertu, il est impossible que le peuple n'aime pas la justice<br />
; et lorsque le peuple aime la justice, il est impossible<br />
que les affaires <strong>du</strong> prince n'aient pas une heureuse<br />
In ; il est également impossible que les impôts dûment<br />
exigés ne lui soient pas exactement payés.<br />
21. Mmg-hien-tsew 1 a dit : Ceux qui nourrissent des<br />
coursiers et possèdent des chars à quatre chevaux n'élèvent<br />
pas des poules et des pourceaux, qui sont le gain<br />
des pauvres. Une famille qui se sert de glace dans la<br />
cérémonie des ancêtres ne nourrit pas des bœufe et des<br />
moutons. Une famille de cent chars, ou un prince, n'en-<br />
1 Liù-chi a dit : « Si dans un royaume le peuple n'est pas paresseux el avide d'amusemens,<br />
alors ceux qui pro<strong>du</strong>isent les revenus sont nombreux ; si la cour n'est pas<br />
son séjour de prédilection, alors ceux qui mangent ou dissipent ces revenus sont ea<br />
petit nombre ; si on n'enlève pas aux laboureurs le temps qu'ils consacrent à leari<br />
travaux, alors ceux qui travaillent, qui labourent et qui sèment, se donneront beaucoup<br />
de peines pour faire pro<strong>du</strong>ire îa terre ; si l'on a soin de calculer ses revenus pour<br />
régler sur eux ses dépenses, alors l'usage que l'on en fera sera modéré.»<br />
* Meng-hien-tseu était uu sage Ta-fou, ou mandarin, <strong>du</strong> royaume de Lou, dont lapostérité<br />
s'est éteinte dans son second petit-fils. Ceux qui nourrissent des coursiers et<br />
possèdent des chars à quatre chevaux, ce sont les mandarins ou magistrats civils, Tafou,<br />
qui passent les premiers examens des lettres à des périodes fixes. Une famille qui<br />
se sert de glace dans la cérémonie des ancêtres, ce sont les grands de l'ordre supérieur<br />
nommésKing, qui se servaient de glace dans les cérémonies funèbres qu'ils faisaient<br />
en l'honneur de leurs ancêtres. Une famille de cent chars, ce sont les grands de l'Etat<br />
qui possédaient des liefs séparés dont ils tiraient les revenus. Le prince devrait plutôt<br />
perdre ses propres revenus, ses propres richesses, que d'avoir des ministres qui<br />
fissent éprouver .des vexations et des dommages au peuple. C'est pourquoi il vaut mieux<br />
que [le prince] ail des ministres qui dépouillent le trésor <strong>du</strong> souverain que des tnsnistres<br />
qui surchargent h peuple d'impôts pour accumuler des richesses.<br />
3.
S© TA fllO,<br />
tretient pas des ministres qui ne cherchent qu'à augmenter<br />
les impôts pour accumuler des trésors. S'il avait<br />
des ministres qui ne cherchassent qu'à augmenter les<br />
impôts pour amasser des richesses, il vaudrait mieux<br />
qu'il eût des ministres ne pensant qu'à dépouiller le<br />
trésor <strong>du</strong> souverain. — Ce qui veut dire que ceux qui<br />
gouvernent un royaume ne doivent point faire leur ri- '<br />
Chesse privée des revenus publics, mais qu'ils doivent<br />
faire de la justice et de l'équité leur seule richesse.<br />
22. Si ceux qui gouvernent les États ne pensent qu'à<br />
amasser des richesses pour leur usage personnel, ils<br />
attireront in<strong>du</strong>bitablement auprès d'eux des hommes<br />
dépravés ; ces hommes leur feront croire qu'ils sont des<br />
ministres bons et vertueux, et ces hommes dépravés<br />
gouverneront le royaume. Mais l'administration de ces<br />
indignes ministres appellera sur le gouvernement les<br />
châtimens divins et les vengeances <strong>du</strong> peuple. Quand<br />
les affaires publiques sont arrivées à ce point, quels<br />
ministres, fussent-ils les plus justes et les plus vertueux,<br />
détourneraient de tels malheurs? Ce qui veut dire que<br />
Ceux qui gouvernent un royaume ne doivent point faire<br />
leur richesse privée des revenus publics, mais qu'ils doivent<br />
faire de la justice et de l'équité leur seule richesse.<br />
Voilà le dixième chapitre <strong>du</strong> Commentaire. 11 explique ce que<br />
I'OD doit entendre par faire jouir le monde de la paix et de<br />
l'harmonie en bien gouvernant Vempire 1 .<br />
1 « Le sens de ce chapitre est, qu'il faut faire tous ses efforts pour être d'accord avec<br />
le peuple dans son amour et son aversion, ou partager ses sympathies, et qu'il ne faut<br />
pas s'appliquer uniquement à faire son bien-être matériel. Tout cela est relatif à la<br />
fèglede con<strong>du</strong>ite la plus importante que l'on paisse s'imposer. Celui qui peut agir ainsi<br />
irai le alors bien les sages, se plaît dans les avantages qui en résultent ; chacun obtient<br />
ce à quoi il peut prétendre, et le monde vit dans, la paix et l'harmonie. » (Glose.)<br />
Thoung-yang-hiu*chi a dit: « Le grand but, le sens principal de ce chapitre signifie<br />
que le gouvernement d'un empire consiste dans l'application des règles de droiture<br />
et d'équité naturelles que nous avons en nous, à tous les actes <strong>du</strong> gouvernement, ainsi<br />
qu'au chois des hommes que l'on emploie, qui, par leur bonne ou mauvaise administration,<br />
conservent ou perdent l'empire. Il faut que dans ce qu'ils aiment et dans ee<br />
qu'ils haïssent ilsse conforment toujours au sentiment de peuple. »
LA «EANDB ÉTUDE. 31<br />
L'Explication tout entière consiste en dix chapitres. Les quatre<br />
premiers chapitres exposent l'ensemble général de l'ouvrage et en<br />
<strong>mont</strong>rent le but. Les six autres chapitres exposent plus en détail<br />
les diverses branches <strong>du</strong> sujet de l'ouvrage. Le cinquième chapitre<br />
enseigne le devoir d'être vertueux et éclairé» Le lixtème chapitre<br />
pose la base fondamentale <strong>du</strong> perfectionnement de soimême.<br />
Ceux qui commencent l'étude de ce livre doivent faire tous<br />
leurs efforts pour sur<strong>mont</strong>er les difficultés que ce chapitre présente<br />
à sa parfaite intelligence ; ceux qui le lisent ne doivent pas le<br />
regarder comme très-facile à comprendre et en faire peu de cas.
TCHOCNG-YOUNG,<br />
OU<br />
L'INVARIABILITÉ DANS LE MILIEU;<br />
RECUEILLI PAR TSEU-SSE,<br />
PBTIT-FIL8 11 BISCIPL1 BB KHOUNG-T8BU.<br />
' " DEUXIÈME LIVRE CLASSIQUE.<br />
AVERTISSEMENT<br />
DU DOCTEUR TCHING-TSEU.<br />
Le docteur Tehing-t§eu a dit : Ce qui ne dévie d'aucun côté est<br />
appelé milieu ( tchoung ) ; ce qui ne change pas est appelé invctriable<br />
(young). Le milieu est la droite voie, ou la droite règle <strong>du</strong><br />
monde ; l'invariabilité en est la raison fixe. Ce livre comprend les<br />
règles de l'intelligence qui ont été transmises par les disciples de<br />
KHOUNG-TSEU à leurs propres disciples. Tseu-sse (petit-fils de KHOUNG-<br />
TSEU ) craignit que, dans la suite des temps, ces règles de l'intelligence<br />
ne se corrompissent ; c'est pourquoi il les consigna dans ce<br />
livre pour les transmettre lui-même à Méng-tseu* T$ei&-$$e9 au<br />
commencement de son livre, parle de la raison qui est une pour<br />
tous les hommes ; dans le milieu, il fait des digressions sur toutes<br />
sortes de sujets; et à la fin, il revient sur la raison unique, dont<br />
il réunit tous les élémens. S'étend-il dans des digressions variées,<br />
alors il parcourt les six points fixes <strong>du</strong> monde [Ymi, l'ouest.
ICBOUNG-YÔIIÏÎG. 13<br />
le nord, le sud, le nadir et le zénith); se resserre-t-il dans son exposition,<br />
alors il se concentre et s'enveloppe pour ainsi dire dans<br />
les voiles <strong>du</strong> mystère. La saveur de ce livre est inépuisable, tout<br />
est fruit dans son étude. Celui qui sait parfaitement le lire, s'il le<br />
médite avec une attention soutenue, et qu'il en saisisse le sens<br />
profond, alors, quand même il mettrait toute sa vie ses maximes<br />
en pratique, il ne parviendrait pas à les épuiser.<br />
CHAPITRE 1 CT .<br />
1. Le mandat <strong>du</strong> ciel (ou le principe des opérations<br />
vitales et des actions intelligentes conférées par le ciel<br />
aux êtres vivans 1 ) s'appelle nature rationnelle ^ le principe<br />
qui nous dirige dans la conformité de nos actions<br />
avec la nature rationnelle, s'appelle règle de con<strong>du</strong>ite<br />
morale ou droite voie ; le système coordonné de la règle<br />
de con<strong>du</strong>ite morale ou droite voie, s'appelle Doctrine<br />
des devoirs ou Institutions.<br />
2. La règle de con<strong>du</strong>ite morale qui doit diriger les actions<br />
est tellement obligatoire, que l'on ne peut s'en<br />
écarter d'un seul point, un seul instant. Si l'on pouvait<br />
s'en écarter, ce ne serait plus une règle de con<strong>du</strong>ite<br />
immuable. C'est pourquoi l'homme supérieur, ou celui<br />
qui s'est identifié avec Sa droite voie 2 ? veille attentivement<br />
dans son cœur sur les principes qui ne sont pas<br />
encore discernés par tous les hommes, et il médite avec<br />
précaution sur ce qui n'est pas encore proclamé et reconnu<br />
comme doctrine.<br />
3. Rien n'est plus évident pour le sage que les choses<br />
cachées dans le secret de la conscience ; rien n'est plus<br />
manifeste pour lui que les causes les plus subtiles des<br />
actions. C'est pourquoi l'homme supérieur veille atten-<br />
* Commentaire.<br />
8 Gkm,
•* TOSÔtJN Gh¥OUM S,<br />
fivement sur les inspirations secrètes de sa conscience.<br />
4. Avant que la joie, la satisfaction, la colère, la tristesse,<br />
se soient pro<strong>du</strong>ites dans Fâme (avec excès),<br />
Fétat dans lequel on se trouve s'appelle milieu. Lorsqu'une<br />
fois elles se sont pro<strong>du</strong>ites dans Fàme, et qu'elles<br />
n'ont encore atteint qu'une certaine limite, Fétat dans<br />
lequel on se trouve s'appelle harmonique. Ce milieu est<br />
la grande base fondamentale <strong>du</strong> monde; Y harmonie en<br />
est la loi universelle et permanente.<br />
5. Lorsque le milieu et Y harmonie sont portés au<br />
point de perfection, le ciel et la terre sont dans un état<br />
de tranquillité parfaite, et tous les êtres reçoivent leur<br />
complet développement.<br />
Voilà le premier chapitre <strong>du</strong> livre dans lequel Tsew-sss expose<br />
le^idées principales de la doctrine qu'il veut transmettre à la postérité.<br />
D'abord il <strong>mont</strong>re clairement que îa vote droite ou la règle<br />
de con<strong>du</strong>ite morale tire sa racine fondamentale, sa source primitive<br />
<strong>du</strong> ciel, et qu'elle ne peut changer; que sa substance<br />
véritable existe complètement en nous, et qu'elle ne peut en être<br />
séparée. Secondement il parle <strong>du</strong> devoir de la conserver, de l'entretenir,<br />
de l'avoir sans cesse sous les yeux; enfin il dit que les<br />
saints hommes, ceux qui approchent le plus de l'intelligence divine,<br />
Font portée par leurs bonnes œuvres à son dernier degré de<br />
perfection. Or, il veut que ceux qui étudient ce livre reviennent<br />
sans cesse sur son contenu, qu'ils cherchent en eux-mêmes les<br />
principes qui y sont enseignés, et s'y attachent après les avoir<br />
trouvés, afin de repousser tout désir dépravé des objets extérieurs<br />
et d'accomplir les actes vertueux que comporte leur nature originelle.<br />
Voilà ce que 'Yang-ehi 1 appelait la substance nécessaire<br />
ou le corps obligatoire <strong>du</strong> livre. Dans les dix chapitres qui suivent,<br />
Tseu-sse ne fait, pour ainsi dire, que des citations des paroles de<br />
son maître, destinées à corroborer et à compléter le sens de ce<br />
premier chapitre.<br />
1 le philosophe Yang»utu.
OU L'1NYAHIAW«1TÉ H4MS LE WlIBU. Il<br />
CHAPITRE IL<br />
1. Le Philosophe TCHOUNG-NI (KHOUMG-TSEU) dit :<br />
L'homme d'une vertu supérieure persévère invariablement<br />
dans le milieu; l'homme vulgaire, ou sans principes,<br />
est constamment en opposition avec ce milieu<br />
invariable.<br />
2. L'homme d'une vertu supérieure persévère sans<br />
doute invariablement dans le milieu; par cela même<br />
qu'il est d'une vertu supérieure, il se conforme aux circonstances<br />
pour tenir le milieu. L'homme vulgaire et<br />
sans principes tient aussi quelquefois le milieu ; mais<br />
par cela même qu'il est un homme sans principes, il ne<br />
craint pas de le suivre témérairement en tout et partout<br />
(sans se conformer aux circonstances f ).<br />
Voilà le second chapitre.<br />
CHAPITRE III.<br />
1. Le Philosophe (KHOUNG-TSEU) dirait : Obi quel*<br />
limite de la persévérance dans le milieu est admirable 1<br />
Il y a bien peu d'hommes qui sachent s'y tenir long»<br />
temps 1<br />
Voilà le troisième chapitre.<br />
CHAPITRE IV.<br />
1. Le Philosophe disait : La voie droite n'est pas suivie;<br />
j'en connais la cause. Les hommes instruits la dépassent;<br />
les ignorans ne l'atteignent pas. La voie droite<br />
n'est pas évidente pour tout le monde, je le sais : les<br />
«dieu,<br />
• - il iiiiiiirttiiiiiiifii iiiirmiiiniii urinai mm *' J-L • im iliiiinil i ili 11 ffiiiiiMIiM liJMiil i il il " 11' H '
96 TCHOUlfS-YOÏÎNG,<br />
hommes d'une vertu forte vont au-delà; eeux d'une<br />
vertu faible ne l'atteignent pas.<br />
2. De tous les hommes, il n'en est aucun qui ne boive<br />
et ne mange ; mais bien peu d'entre eux savent discerner<br />
les saveurs!<br />
Voilà le quatrième chapitre.<br />
CHAPITRE V.<br />
1. Le Philosophe disait : Qu'il est à déplorer que la<br />
voie droite ne soit pas suivie !<br />
Voilà le cinquième chapitre. Ce chapitre se rattache au précédent<br />
qu'il eiplique, et l'exclamation sur la voie droite qui n'est<br />
pas suivie, sert de transition pour relier le sens <strong>du</strong> chapitre suivant.<br />
( TCHOU-HI, )<br />
CHAPITRE VI.<br />
1. Le Philosophe disait : Que la sagesse et la pénétration<br />
de Chun étaient grandes ! Il aimait à interroger<br />
les hommes et à examiner attentivement en lui-même les<br />
réponses de ceux qui rapprochaient; il retranchait les<br />
mauvaises choses et divulguait les bonnes. Prenant les<br />
deux extrêmes de ces dernières, il ne se servait que de<br />
leur milieu envers le peuple. C'est en agissant ainsi qu'il<br />
devint le grand Chun!<br />
Voilà le sixième chapitre.<br />
CHAPITRE VIL<br />
1. Le Philosophe disait : Tout homme qui dit : Je sais<br />
distinguer Us-mobiles des actions humaines, présume trop
00 L'INVARIABILITé DANS LE MILIEU. 37<br />
de sa science; entraîné par son orgueil, il tombe bientôt<br />
dans mille pièges, dans mille filets qu'il ne sait pas<br />
éviter. Tout homme qui dit : Je sais distinguer les mobiles<br />
des actions humaines, choisit Fétat de persévérance<br />
dans la voie droite également éloignée des extrêmes;<br />
mais il ne peut le conserver seulement l'espace d'une<br />
lune»<br />
Voilà Je septième chapitre. 11 y est parlé indirectement <strong>du</strong> grand<br />
sage <strong>du</strong> chapitre précédent. En outre, il y est question de la sagesse<br />
qui n'est point éclairée, pour servir de transition au chapitre<br />
suivant. (TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE VIII.<br />
1. Le Philosophe disait : JBbeï 1 , lui, était véritablement<br />
un homme! Il choisit Fétat de persévérance dans<br />
la voie droite également éloignée des extrêmes. Une fois<br />
qu'il avait acquis une vertu, il s'y attachait fortement,<br />
la cultivait dans son intérieur et ne la perdait jamais.<br />
Voilà le huitième chapitre.<br />
CHAPITRE IX.<br />
1. Le Philosophe disait : Les États peuvent être gouvernés<br />
avec justice ; les dignités et les émolumens peuvent<br />
être refusés ; les instrumens de gains et de profite,<br />
peuvent être foulés aux pieds : la persévérance dans la<br />
voie droite également éloignée des extrêmes ne peut<br />
être gardée I<br />
Voilà le neuvième chapitre. 11 se rattache au chapitre précédent,<br />
et il sert de transition au chapitre suivant. (TCHOU-HI. )<br />
1 Le plus aimé de ses disciples, dont le petit nom était Jan-youan.<br />
4<br />
m
. CHAP1T1E X.<br />
1. T§eu4m [disciple de KHOUNG-TSEU] interrogea son<br />
maître sur la force de l'homme.<br />
2. Le Philosophe répondit : Est-ce sur la force virile<br />
des contrées méridionales, ou sur la force virile des<br />
contrées septentrionales? Parlez-vous de votre propre<br />
force?<br />
3. Avoir des manières bienveillantes et douces pour<br />
instruire les hommes ; avoir de la compassion pour les<br />
insensés qui se révoltent contre la raison : voilà la force<br />
virile propre aux contrées méridionales ; c'est à elle que<br />
s'attachent les sages.<br />
4. Faire sa couche de lames de fer et de cuirasses de<br />
peaux de bêtes sauvages ; contempler sans frémir les<br />
approches de la mort : voilà la force virile propre aui<br />
contrées septentrionales, et c'est à elle que s'attachent<br />
les braves.<br />
5. Cependant, que la force d'âme <strong>du</strong> sage qui vit<br />
toujours en paix avec les hommes et ne se laisse point<br />
corrompre par les passions, est bien plus forte et<br />
bien plus grande! Que la force d'âme de celui qui se<br />
tient sans dévier dans la voie droite également éloignée<br />
des extrêmes, est bien plus forte et bien plus<br />
grande 1 Que la force d'âme de celui qui, lorsque son<br />
pays jouit d'une bonne administration qui est son ouvrage,<br />
ne se laisse point corrompre ou aveugler par un<br />
sot orgueil, est bien plus forte et bien plus grande! Que<br />
la force d'âme de celui qui, lorsque son pays sans lois<br />
manque d'une bonne administration, reste immuable<br />
dans la vertu jusqu'à la mort, est bien plus forte et bien<br />
plus grande !.<br />
Yoilà le dixième chapitre.
05 l/lHVÂWÀMMTÉ ©41S LB MILIEU. Si<br />
CHAPITRE XL .<br />
i. Le Philosophe disait : Rechercher les principes des<br />
choses qui sont dérobées à l'intelligence humaine; faire<br />
des actions extraordinaires qui paraissent en dehors de<br />
la nature de l'homme ; en un mot, opérer des prodiges<br />
pour se procurer des admirateurs et des sectateurs dans<br />
les siècles à venir : voilà ce que je ne voudrais pas faire.<br />
2. L'homme d'une vertu supérieure s'applique à suivre<br />
©t à parcourir entièrement la voie droite. Faire la moitié<br />
<strong>du</strong> chemin, et défaillir ensuite* est une action que je ne<br />
voudrais pas imiter.<br />
3. L'homme d'une vertu supérieure persévère naturellement<br />
dans la pratique <strong>du</strong> milieu également éloigné<br />
des extrêmes. Fuir le monde, n'être ni vu ni connu des<br />
hommes, et cependant n'en éprouver aucune peine, tout<br />
cela n'est possible qu'au saint.<br />
Voilà le onzième chapitre. Les citations des paroles de KHOUNGissupar<br />
Tseu-sse, faites dans l'intention d'éclaircïr ïeseng <strong>du</strong> premier<br />
Chapitre, s'arrêtent ici. Or le grand but de cette partie <strong>du</strong> livre est<br />
de <strong>mont</strong>rer que la prudence éclairée, Y humanité ou la bienveillance<br />
mnivertelle pour les hommes, la force d'âme, ces trois vertus universelles<br />
et capitales, sont la porte par où l'on entre dans là mm<br />
droite que doivent suivre tous les hommes. C'est pourquoi ces<br />
vertus ont été traitées dans la première partie de l'ouvrage, en les<br />
illustrant par l'exemple des actions <strong>du</strong> grand Chun, de Yan-youan<br />
(ou Boeï, le disciple chéri de KHOUNG-TSEîî), et de Tseu-lou (autre<br />
disciple <strong>du</strong> même philosophe). Bans Chun, c'est la prudence<br />
éclairée i dans Yam^yoman, c'est Y humanité ou la bienveillance<br />
pour tous les hommes ; dans Tseu-lou, c'est la force d'âme ou lt<br />
force virile. Si l'une de ces trois vertus manque, alors il n'est plus<br />
possible d'établir la règle de con<strong>du</strong>ite morale ou la voie droite,<br />
et de rendre la vertu parfaite. On verra le reste dans le vingtième<br />
chapitre. ((TCHOU-HI.)
I©. TCHOUMG-YÔCHG,<br />
CHAPITRE XII.<br />
1. La voie droite [ou la règle de con<strong>du</strong>ite morale <strong>du</strong><br />
sage] est d'un usage si éten<strong>du</strong>, qu'elle peut s'appliquera<br />
toutes les actions des hommes ; mais elle est d'une nature<br />
tellement subtile, qu'elle n'est pas manifeste pour<br />
tous.<br />
2. Les personnes les plus ignorantes et les plus grossières<br />
de la multitude, hommes et femmes, peuvent atteindre<br />
à cette science simple de se bien con<strong>du</strong>ire ; mais<br />
il n'est donné à personne, pas même à ceux qui sont<br />
parvenus au plus haut degré de sainteté, d'atteindre à<br />
la perfection de cette science morale ; il reste toujours<br />
quelque chose d'inconnu [qui dépasse les plus nobles<br />
intelligences sur cette terre ']. Les personnes les plus<br />
ignorantes et les plus grossières de la multitude, hommes<br />
et femmes, peuvent pratiquer cette règle de con<strong>du</strong>ite<br />
morale dans ce qu'elle a de plus général et de plus<br />
commun ; mais il n'est donné à personne, pas même à<br />
ceux qui sont parvenus au plus haut degré de sainteté,<br />
d'atteindre à la perfection de cette règle de con<strong>du</strong>ite<br />
morale ; il y a encore quelque chose que l'on ne peut<br />
pratiquer. Le ciel et la terre sont grands sans doute ; cependant<br />
l'homme trouve encore en eux des imperfections.<br />
C'est pourquoi le sage, en considérant ce que la règle de<br />
con<strong>du</strong>ite morale de l'homme a de plus grand, dit que le<br />
monde ne peut la contenir; et en considérant ce qu'elle<br />
a de plus petit, il dit que le monde ne peut la diviser.<br />
3. Le Livre des Vers dit s :<br />
ce L'oiseau youan s'envole jusque dans les cieux, le<br />
» poisson plonge jusque dans les abîmes. »<br />
Ce qui veut dire, que la règle de con<strong>du</strong>ite morale de<br />
* Glose.<br />
* Lifre 7a-ya, ©de Han-lw.
OU L'iNTAftlABILlTi DAMS' LE HHJHJ. 41<br />
l'homme est la loi de toutes les intelligences ; qu'elle<br />
illumine l'univers dans le plus haut des cieux comme<br />
dans les plus profonds abîmes !<br />
h. La règle de con<strong>du</strong>ite morale <strong>du</strong> sage a son principe<br />
dans le cœur de tous les hommes, d'où elle s'élève à sa<br />
plus haute manifestation pour éclairer le ciel et la terre<br />
_de ses rayons éclatans !<br />
Voilà le douzième chapitre. II renferme les paroles 'de T$eu-$$ê<br />
destinées à expliquer le sens de cette expression <strong>du</strong> premier chapitre,<br />
où il est dit que Von ne peut s'écarter de la règle de eon<strong>du</strong>ite<br />
morale de l'homme» Bans les huit chapitres suifâns, Tteutse<br />
cite sang ordre les paroles de KHOONG-TSEU pour éclâircir le<br />
même sujet. * (TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE Xffl.<br />
1. Le Philosophe a dit : La voie droite ou la règle de<br />
con<strong>du</strong>ite que l'on doit suivre n'est pas éloignée des<br />
hommes. Si les hommes se font une règle de con<strong>du</strong>ite<br />
éloignée d'eux [c'est-à-dire, qui ne soit pas conforme à<br />
leur propre nature], elle ne doit pas être considérée<br />
comme une règle de con<strong>du</strong>ite.<br />
; 2.-Le Livre des Vers dit* :<br />
« L'artisan qui taille un manche de cognée sur un<br />
» autre manche,<br />
» N'a pas son modèle éloigné de lui. »<br />
Prenant le manche modèle pour tailler l'autre manche,<br />
il le regarde de côté et d'autre, et après avoir confectionné<br />
le nouveau manche, il les examine bien tous<br />
les deux pour voir s'ils diffèrent encore l'un de l'autre.<br />
De même le sage se sert de l'homme ou de l'humanité<br />
pour gouverner et diriger les hommes ; une fois qu'il<br />
les a ramenés au bien, il s'arrête là 8 .<br />
1 Uire Kouë-foungf odeFo-to.<br />
9 11 se lui impose pas nue perfeclioa contraire à sa sature.<br />
4.
3. Celui dont le coeur est droit, et qui porto tut autres<br />
les mêmes sentimens qu'il a pour lui-même, ne s'écarte<br />
pas de la loi morale <strong>du</strong> devoir prescrite aux hommes<br />
par leur nature rationnelle ; il ne fait pas aux autres ce<br />
qu'il désire qui ne lui soit pas fait à lui-même.<br />
4. La règle de con<strong>du</strong>ite morale <strong>du</strong> sage lui imposa<br />
quatre grandes obligations : moi, je n'en puis pas seulement<br />
remplir complètement une. Ce qui est exigé d'un<br />
fils, qu'il soit soumis à son père, je ne puis pas même<br />
l'observer encore; ce qui est exigé d'un sujet, qu'il soit<br />
soumis à son prince, je ne puis pas même l'observer<br />
encore ; ce qui est exigé d'un frère cadet, qu'il soit soumis<br />
à son frère aîné, je ne puis pas même l'observer encore;<br />
ce qui est exigé des amis, qu'ils donnent la préférence<br />
en tout à leurs amis, je ne puis pas l'observer encore.<br />
L'exercice de ces vertus constantes, éternelles; la circonspection<br />
dans les paroles de tous les jours ; ne pas<br />
négliger de faire tous ses efforts pour parvenir à l'entier<br />
accomplissement de ses devoirs; ne pas se laisser<br />
aller à un débordement de paroles superflues ; faire en<br />
sorte que les paroles répondent aux œuvres, et les<br />
œuvres aux paroles ; en agissant de cette manière, comment<br />
le sage ne serait-il pas sincère et vrai?<br />
Voilà le treitiôme chapitre.<br />
CHAPITRE XIV.<br />
1. L'homme sage qui s'est identifié avec la loi morale<br />
[en suivant constamment la ligne moyenne également'<br />
éloignée des extrêmes], agit selon les devoirs de son<br />
état, sans rien désirer qui lui soit étranger.<br />
2. Est-il riche, comblé d'honneurs, il agit comme doit<br />
agir un homme riche et comblé d'honneurs. Est-il pau-
©Il h'UXVAVUMtlTà làlS LE MILIEU. ê$<br />
?re et méprisé, il agit comme doit agir in homiii pauvre<br />
et méprisé. Est-il étranger et d'une civilisation différente,<br />
il agit comme doit agir un homme étranger et<br />
de civilisation différente. Est-il malheureux, accablé<br />
d'infortunes, il agit comme doit agir un malheureux a@~<br />
câblé d'infortunes. Le sage qui s'est identiié avec la loi<br />
morale, conserve toujours assez d'empire sur lui-même<br />
pour accomplir les devoirs de son état dans quelque<br />
condition qu'il se trouve.<br />
3. S'il est dans un rang supérieur, il ne tourmente «<br />
passes inférieurs; s'il Qst dans un rang inférieur, il<br />
n'assiège pas de sollicitations basses et cupides ceux qui<br />
occupent un rang supérieur. 11 se tient toujours dans la<br />
droiture, et ne demande rien aux hommes; alors la paix<br />
et la sérénité de son âme ne sont pas troublées. Il ne<br />
murmure pas contre le ciel, et il n'accuse pas les hommes<br />
de ses infortunes.<br />
h. C'est pourquoi le sage conserve une âme toujours<br />
égale, en attendant l'accomplissement de la destinée<br />
céleste. L'homme qui est hors de la voie <strong>du</strong> devoir se<br />
jette dans mille entreprises téméraires pour chercher ce<br />
qu'il ne doit pas obtenir.<br />
5. Le Philosophe a dit : L'archer peut être, sous un<br />
certain point de vue, comparé au sage : s'il s'écarte <strong>du</strong><br />
but auquel il vise, il rentre en lui-même pour en chercher<br />
la cause.<br />
Yoilà le quatorzième chapitre.<br />
•CHAP1T1E XV.<br />
1. La voie morale <strong>du</strong> sage peut être comparée à la<br />
route <strong>du</strong> voyageur, qui doit commencer à lui pour s'éloigner<br />
ensuite ; elle peut aussi être comparée au chemin
14 TeHôiwfi-vôiîïfa 1 ,<br />
de celui qui gravit un lieu élevé en partant <strong>du</strong> lieu b as<br />
où il se trouve.<br />
2. Le Livre des Vers dit* ;<br />
ce Une femme et des enfans qui aiment l'union et Ttaar-<br />
» monie,<br />
» Sont comme les accords pro<strong>du</strong>its par le Khin et le<br />
»Che.<br />
» Quand les frères vivent dans l'union et l'harmonie,<br />
» la joie et le bonheur régnent parmi eux. Si le bon<br />
» ordre est établi dans votre famille, votre femme et<br />
» vos enfans seront heureux et satisfaits. »<br />
3. Le Philosophe a dit : Quel contentement et quelle<br />
joie doivent éprouver un père et une mère à la tète<br />
d'une semblable famille!<br />
Voilà le quinzième chapitre.<br />
CHAPITRE XVI.<br />
1. Le Philosophe a dit : Que les facultés des puissances<br />
subtiles <strong>du</strong> Ciel et de la Terre sont vastes et profondes I<br />
2. On cherche à les apercevoir, et on ne les voit pas ;<br />
on cherche à les entendre, et on ne les entend pas;<br />
identiiées à la substance des choses, elles ne peuvent<br />
en être séparées.<br />
• 3. Elles font que, dans tout l'univers, les hommes<br />
purifient et sanctifient leur cœur, se revêtent de leurs<br />
habits de fêtes pour offrir des sacrifices et des oblations<br />
à leurs ancêtres. C'est un océan d'intelligences subtiles !<br />
Elles sont partout au-dessus de nous, à notre gauche,<br />
à notre droite ; elles nous environnent de toutes parts !<br />
4. Le Livre des Vers dit 2 :<br />
1 Livre Siao-ya, ode Tchang-îi.<br />
s Litre Ta-ya, ode Y-tthi.
00 L'iNVABlABILITÂ BAHS II MILIEU* 41<br />
ce L'arrivée des esprits subtils<br />
» Ne peut être déterminée ;<br />
» A plus forte raison si on les néglige. »<br />
5. Ces esprits cependant quelque subtils et imperceptibles<br />
qu'ils soient, se manifestent dans les formes corporelles<br />
des êtres; leur essence étant une essence réelle,<br />
vraie, elle ne peut pas ne pas se manifester sous une<br />
forme quelconque.<br />
Voilà le seizième chapitre. On ne peut ni voir ni entendre ces<br />
esprits subtils; c'est-à-dire, qu'ils sont dérobés à nos regards par<br />
leur propre nature. Identifiés 'avec la substance des choses telles<br />
qu'elles existent, ils sont donc aussi d'un usage général. Dans les<br />
trois chapitres qui précèdent celui-ci, il est parlé de choses d'un<br />
usage restreint, particulier ; dans les trois chapitres suirans, il est<br />
parlé de choses d'un usage général ; dans ce chapitre-ci, il est parlé<br />
tout à la fois de choses d'un usage général, obscures et abstraites ;<br />
il comprend le général et le particulier. (TCHOU-HI. )<br />
CHAPITRE XVII.<br />
1. Le Philosophe a dit : Qu'elle était grande la piété<br />
filiale de Chunl il fut un saint par sa vertu; sa dignité<br />
fut la dignité impériale; ses possessions s'étendaient<br />
aux quatre mers* ; il offrit les sacrifices impériaux à ses<br />
ancêtres dans le temple qui leur était consacré; ses fils<br />
et ses petits-fils conservèrent ses honneurs dans une<br />
suite de siècles *.<br />
2. C'est ainsi que sa grande vertu fut, sans aucun<br />
doute, le principe qui lui fit obtenir sa dignité impériale,<br />
ses revenus publics, sa renommée, et la longue<br />
<strong>du</strong>rée de sa vie.<br />
' C'est-à-dire, aux douze provinces [ïdmm) dans lesquelles e'tait alors compris l'empire<br />
chinois, {Gh$s.)<br />
• GUm.<br />
.-^fc.-jA^ga
#§ mmmê-mmë^<br />
3. C'est ainsi que le ciel, dans la pro<strong>du</strong>ction continuelle<br />
des êtres, leur donne salis aucun doute leurs développemens<br />
selon leurs propres naturel 9 ou leurs<br />
tendances naturelles : Farbre debout, il le fait croître,<br />
le développe; Farbre tombé* mort, il le dessèche, le<br />
ré<strong>du</strong>it en poussière.<br />
4. Le Livre de§ Vers dit â :<br />
ce Que le prince qui gouverne avec sagesse soit loué 1<br />
» Sa brillante vertu resplendit de toutes parts;<br />
» Il traite comme ils le méritent les magistrats et le<br />
» peuple ;<br />
» Il tient ses biens et sa puissance <strong>du</strong> ciel ;<br />
B 11 maintient la pan, la tranquillité et l'abondance<br />
» en distribuant [les richesses qu'il a reçues] ;<br />
» Et le ciel les loi rend de nouveau 1 »<br />
5. Il est évident par là que la grande vertu des sages<br />
leur fait obtenir le mandat <strong>du</strong> ciel pour gouverner les<br />
hommes.<br />
Voilà le diï-septième chapitre. Ce chapitre tire son origine de la<br />
persévérance dans la voie droit@$ de la constance dans les bonnes<br />
œuvres ; il a été destiné à <strong>mont</strong>rer au plus haut degré leur dernier<br />
résultat; il fait voir que les effets de la voie <strong>du</strong> devoir sont<br />
effectivement très-éten<strong>du</strong>s, et que ce par quoi ils sont pro<strong>du</strong>its<br />
est d'une nature subtile et cachée. Les deux chapitres suivans pré-<br />
«lieil aussi de pareilles idées. (TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE XVIII.<br />
1. Le Philosophe a dit : Le seul d'entre les hommes<br />
qui n'ait pas éprouvé les chagrins de l'âme fut certainement<br />
Wen-wang. 11 eut Wamg-U pour père, et Wouwang<br />
fut son ils. Tout le bien que le père avait entrepris<br />
fut achevé par le ils.<br />
1 Liv r© To-yo, ©de £tè-lo.
©17 L'INVARIABILITÉ DAIS LE MILIEU, 4t<br />
2. Wour-wang continua les bonnes œuvres de Taïwmgf<br />
de Wang-ki et de Wenrioang. 11 ne revêtit qu'une<br />
fois ses habits de guerre, et tout l'empire fut à lui. Sa<br />
personne ne perdit jamais sa haute renommée dans tout<br />
l'empire; sa dignité fut celle de fils <strong>du</strong> Ciel [c'est-àdire<br />
d'empereur]; ses possessions s'étendirent aux quatre<br />
mers. Il offrit les sacrifices impériaux à ses ancêtres<br />
dans le temple qui leur était consacré; ses fils et ses<br />
petits-fils conservèrent ses honneurs et sa puissance<br />
dans une suite de siècles.<br />
8. Wou-noang était déjà très-avancé en âge lorsqu'il<br />
accepta le mandat <strong>du</strong> Ciel qui lui conférait l'empire.<br />
Tohêêu-koung accomplit les intentions vertueuses de Wemwang<br />
et de Wou-wang. Re<strong>mont</strong>ant à ses ancêtres, il<br />
éleva Taï-u>ang et Wang-ki au rang de roi, qu'ils n'avaient<br />
pas possédés et il leur offrit les sacrifices selon<br />
le rite impérial Ces rites furent éten<strong>du</strong>s aux princes<br />
tributaires, aux grands de l'empire revêtus de dignités,<br />
jusqu'aux lettrés et aux hommes <strong>du</strong> peuple sans titres<br />
et dignités. Si le père avait été un grand de l'empire, et<br />
que le fils fut un lettré, celui-ci faisait des funérailles à<br />
son père selon l'usage des grands de l'empire, et il lui<br />
sacrifiait selon Fusage des lettrés ; si son père avait été<br />
un lettré, et que le fils fût un grand de l'empire, celuici<br />
faisait des funérailles à son père selon l'usage des<br />
lettrés, et il lui sacrifiait selon l'usage des grands de<br />
l'empire. Le deuil d'une année s'étendait jusqu'aux<br />
grands; le deuil de trois années s'étendait jusqu'à l'empereur»<br />
Le deuil <strong>du</strong> père et de la mère devait être porté<br />
trois années sans distinction de rang ; il était le même<br />
pour tous.<br />
Voiîà le dix-huitième ehapitre.
48 • TCHOUl!Cb-YOUN&,<br />
CHAPITRE XIX,<br />
1. Le Philosophe "a dit : Oh! que la piété filiale de<br />
Wûfr-wang et de Tcheour-koung s'étendit au loin!<br />
2. Cette même piété filiale sut heureusement suivre<br />
les intentions des anciens sages qui les avaient précédés,<br />
et transmettre à la postérité le récit de leurs<br />
grandes entreprises.<br />
3. Au printemps, à l'automne, ces deux princes décoraient<br />
avec soin le temple de leurs ancêtres ; ils disposaient<br />
soigneusement les vases et ustensiles anciens les<br />
plus précieux [au nombre desquels étaient le grand<br />
sabre à fourreau de pourpre, et la sphère céleste de<br />
Chun*] ; ils exposaient aux regards les robes et les dif—<br />
Jérens vêtemens des ancêtres, et ils leur offraient les<br />
mets de la saison.<br />
4. Ces rites étant ceux de la salle des ancêtres, c'est<br />
poàr cette raison que les assistans étaient soigneusement<br />
placés à gauche ou à droite, selon que l'exigeait leur dignité<br />
ou leur rang ; les dignités et les rangs étaient observés<br />
: c'est pour cette raison que les hauts dignitaires<br />
étaient distingués <strong>du</strong> commun des assistans ; les fonctions<br />
cérémoniales étaient attribuées à ceux qui méritaient<br />
de les remplir : c'est pour cette raison que l'on<br />
savait distinguer .les sages des autres hommes ; la foule<br />
s'étant retirée delà cérémonie, et la famille s'étant réunie<br />
dans le festin accoutumé, les jeunes gens servaient<br />
les plus âgés : c'est pour cette raison que la solennité<br />
atteignait les personnes les moins élevées en dignité.<br />
Pendant les festins, la couleur des cheveux était observée<br />
: c'est pour cette raison que les assistans étaient<br />
placés selon leur -âge.<br />
1 On peut toir îa grawure de celle sphère, el la description des cérémonies indiquées<br />
ci-dessus, daas !a DuenptUm de la Chine, parle in<strong>du</strong>cteur, tom. 1, pag, 89el IUîV.
OU L'INYAMAIILITA BANS 11 MILIEU. 40<br />
5. Ces princes, Won-wang et Tckeou-koung, succédaient<br />
à la dignité de leurs ancêtres ; ils pratiquaient<br />
leurs rites ; ils exécutaient leur musique ; ils respectaient<br />
ce qu'ils avaient respecté ; ils chérissaient ce qu'ils<br />
avaient aimé ; ils les servaient morts comme ils les, auraient<br />
servis vivants ; ils les honoraient ensevelis dans<br />
la tombe comme-,s'ils avaient encore été près d'eux :<br />
n'est-ce pas là le comble de la piété filiale?<br />
6. Les rites <strong>du</strong> sacrifice au ciel et <strong>du</strong> sacrifice à la<br />
terre étaient ceux qu'ils employaient pour rendre leurs<br />
hommages au suprême Seigneur 1 ; les rites <strong>du</strong> temple<br />
des ancêtres étaient ceux qu'ils employaient pour offrir<br />
des sacrifices à leurs prédécesseurs. Celui qui sera parfaitement<br />
instruit des rites <strong>du</strong> sacrifice au ciel et <strong>du</strong> sacrifice<br />
à la terre, et qui comprendra parfaitement le sens<br />
<strong>du</strong> grand sacrifice quinquennal nommé Ti, et <strong>du</strong> grand<br />
sacrifice automnal nommé Tehang, gouvernera aussi<br />
facilement le royaume que s'il regardait dans la paume<br />
de sa main.<br />
Voilà le'dix-neuvième chapitre.<br />
CHAPITRE XX.<br />
1. Ngaï-koung interrogea KHOUNG-TSEU sur les principes<br />
constitutifs d'un bon gouvernement<br />
2. Le Philosophe dit : Les lois gouvernementales des<br />
rois Wm et Wou sont consignées tout entières sur les<br />
tablettes de bambous. Si leurs ministres existaient encore,<br />
alors leurs lois administratives seraient en. vigueur;<br />
leurs ministres ont cessé d'être, et leurs principes<br />
pour bien gouverner ne sont plus suivis.<br />
3. Ce sont les vertus, les qualités# réunies des minis-.<br />
très d'un prince qui font la bonne administration d'un<br />
8 « Le ciel et îa terre qui est au milieu. - iGlou.)
m TCHOUM-YOTOC*,<br />
État ; comme la vertu fertile de la terre, réunissant le<br />
mou et le <strong>du</strong>r, pro<strong>du</strong>it et fait croître les plantes qui<br />
•couvrent sa surface. Cette bonne administration dont<br />
vous me parlez ressemble aux roseaux qui bordent les<br />
leuves ; elle se pro<strong>du</strong>it naturellement sur un sol convenable.<br />
h. Ainsi la bonne administration d'un État dépend des<br />
ministres qui lui sont préposés. Un prince qui veut imiter<br />
la bonne administration des anciens rois doit choisir<br />
ses ministres d'après ses propres sentimens, toujours<br />
inspirés par le bien public ; pour que ses sentimens aient<br />
toujours le bien public pour mobile s il doit se conformer<br />
à la grande loi <strong>du</strong> devoir ; et cette grande loi <strong>du</strong> devoir<br />
doit être cherchée dans l'humanité, cette belle vertu<br />
<strong>du</strong> cœur, qui est le principe de l'amour pour tous les<br />
hommes.<br />
5. Cette humanité, c'est l'homme lui-même ; l'amitié<br />
pour les parens en est le premier devoir. La justice,<br />
c'est l'équité ; c'est rendre à chacun ce qui lui convient :<br />
honorer les hommes sages en forme le premier devoir.<br />
L'art de savoir distinguer ce que Ton doit aux parens<br />
de différens degrés, celui de savoir comment honorer<br />
les sages selon leurs mérites, ne s'apprennent que par<br />
les rites, ou principes de con<strong>du</strong>ite inspirés par le ciel *.<br />
6. C'est pourquoi le prince ne peut pas se dispenser<br />
de corriger et perfectionner sa personne. Dans l'intention<br />
de corriger et perfectionner sa personne, il ne peut<br />
pas se dispenser de rendre à ses parens ce qui leur est<br />
dû. Bans l'intention de rendre à ses parens ce qui leur<br />
est ûù3 il ne peut pas- se dispenser de connaître les<br />
hommes sages pour les honorer et pour qu'ils puissent<br />
l'instruire de ses devoirs. Dans l'intention de connattreles<br />
! Il y a ici dans l'édition de TCHOO-M Uû paragraphe qui se trouve plus loin, et que<br />
la plupart des autres éditeurs chinois ont supprimé, parce qu'il n'a aucun rapport<br />
a¥ec ce qui précède et ce qui suit, et qu'il paraît là déplacé et faire aa double emploi.<br />
Nom l'aront aussi supprimé es cet endroit.
OU L'iMYÂMlÂllUTi BâWS 11 K1LIBU. SI<br />
hommes sages, il ne peut pas se dispenser de connaître<br />
le ciel, ou la loi qui dirige dans la pratique des devoirs<br />
prescrits.<br />
7. Les deYoirs les plus universels pour le genre humain<br />
sont au nombre de cinq, et l'homme possède trois<br />
facultés naturelles pour les pratiquer. Les cinq devoirs<br />
sont : les relations qui doivent exister entre le prince et<br />
ses ministres, le père et ses enfans, le mari et la femme,<br />
les frères aînés et les frères cadets, et l'union des amis<br />
entre eux; lesquelles cinq relations constituent la loi<br />
naturelle <strong>du</strong> devoir la plus universelle pour les hommes.<br />
La conscience, qui est la lumière de l'intelligence pour<br />
distinguer le bien et le mal ; l'humanité, qui est l'équité<br />
<strong>du</strong> cœur; le courage moral, qui est la force d'âme, sont<br />
les trois grandes et universelles facultés morales de<br />
l'homme ; mais ce dont on doit se servir pour pratiquer<br />
les cinq grands devoirs se ré<strong>du</strong>it à une seule et unique<br />
condition.<br />
8. Soit qu'il suffise de naître pour connaître ces devoirs<br />
universels, soit que l'étude ait été nécessaire pour<br />
les apprendre, soit que leur connaissance ait exigé de<br />
grandes peines, lorsqu'on est parvenu à cette connaissance,<br />
le résultat est le même ; soit que l'on pratique<br />
naturellement et sans efforts ces devoirs universels,<br />
soit qu'on les pratique dans le but d'en retirer des<br />
profits ou des avantages personnels, soit qu'on les pratique<br />
difficilement et avec efforts, lorsqu'on est parvenu<br />
à l'accomplissement des œuvres méritoires, le résultat<br />
est le même.<br />
9. Le Philosophe a dit : Celui qui aime l'étude, ou<br />
l'application de son intelligence à la recherche de la loi<br />
<strong>du</strong> devoir, est bien près de la science morale ; celui qui<br />
fait tous ses efforts pour pratiquer ses devoirs, est bien<br />
près de ce dévouement au bonheur des hommes que l'on<br />
appelle humanité; celui qui sait rougir de sa faiblesse
B2 TCHOtJlf G-Y0UN6 ><br />
dans la pratique de ses devoirs, est bien près de la force<br />
d'âme nécessaire pour leur accomplissement<br />
10. Celui qui sait ces trois choses, connaît alors les<br />
moyens qu'il faut employer pour bien régler sa personne,<br />
ou se perfectionner soi-même ; connaissant les<br />
moyens qu'il faut employer pour régler sa personne, il<br />
connaît alors les moyens qu'il faut employer pour faire<br />
pratiquer la vertu aux autres hommes ; connaissant les<br />
moyens qu'il faut employer pour faire pratiquer la vertu<br />
aux autres hommes, il connaît alors les moyens qu'il<br />
faut employer pour bien gouverner les empires et les<br />
royaumes.<br />
il. Tous ceux qui gouvernent les empires et les<br />
royaumes ont neuf règles invariables à suivre, à savoir :<br />
se régler ou se perfectionner soi-même, révérer les<br />
sages, aimer ses parens, honorer les premiers fonctionnaires<br />
de l'Etat ou les ministres, être en parfaite harmonie<br />
avec tous les autres fonctionnaires et magistrats,<br />
traiter et chérir le peuple comme un ils, attirer près de<br />
soi tous lessavans et les artistes, accueillir agréablement<br />
les hommes qui viennent de loin, les étrangers *,<br />
et traiter avec amitié tous les grands vassaux.<br />
12. Dès l'instant que le prince aura bien réglé et amélioré<br />
sa personne, aussitôt les devoirs universels seront<br />
accomplis envers lui-même ; dès l'instant qu'il aura révéré<br />
les sages, aussitôt il n'aura plus de doute sur les<br />
principes <strong>du</strong> vrai et <strong>du</strong> faux, <strong>du</strong> bien et <strong>du</strong> mal ; dès<br />
l'instant que ses parens seront l'objet des affections qui<br />
leur sont <strong>du</strong>es, aussitôt il n'y aura plus de dissensions<br />
entre ses oncles, ses frères aînés et ses frères cadets ;<br />
dès l'instant qu'il honorera convenablement les fonctionnaires<br />
supérieurs ou ministres, aussitôt il verra les<br />
affaires d'État en bon ordre ; dès l'instant qu'il traitera<br />
1 la Glose dit que ce mut les marchands étrangers ;(chang), les commerçant (kou)v<br />
In Mus ou visitmrs (pis), #1 lit étrangers au pays flli).
01 t/lHYÂRlÂlltlTÉ DAMS LE MILIEU. 13<br />
comme il convient les fonctionnaires et magistrats secondaires,<br />
'aussitôt les docteurs, les lettrés s'acquitteront<br />
avec zèle de leurs devoirs dans les cérémonies ; dès<br />
l'instant qu'il aimera et traitera le peuple comme un fils,<br />
aussitôt ce même peuple sera porté à imiter son supérieur;<br />
dès l'instant qu'il aura attiré près de lui tous<br />
les savans et les artistes, aussitôt ses richesses seront<br />
suffisamment mises en usage ; dès l'instant qu'il accueillera<br />
' agréablement les hommes qui viennent de loin,<br />
aussitôt les hommes des quatre extrémités de l'empire<br />
accourront en foule dans ses États pour prendre part<br />
à ses bienfaits; dès l'instant qu'il traitera avec amitié<br />
ses grands vassaux, aussitôt il sera respecté dans tout<br />
l'empire.<br />
13. Se purifier de toutes souillures, avoir toujours un<br />
extérieur propre et décent et des vêtemens distingués;<br />
ne se permettre aucun mouvement, aucune action contrairement<br />
aux rites prescrits 1 : voilà les moyens qu'il<br />
faut employer pour bien régler sa personne ; repousser<br />
loin, de soi les flatteurs, fuir les sé<strong>du</strong>ctions de la beauté*<br />
mépriser les richesses, estimer à un haut prix la vertu et<br />
les hommes qui la pratiquent : voilà les, moyens qu'il<br />
faut employer pour donner de l'émulation aux sages ;<br />
honorer la dignité de ses parens, augmenter leurs revenus,<br />
aimer et éviter ce qu'ils aiment et évitent : voilà<br />
les moyens qu'il faut employer pour faire naître l'amitié<br />
entre les parens ; créer assez de fonctionnaires inférieurs<br />
pour exécuter les ordres des supérieurs : voilà le<br />
moyen qu'il faut employer pour exciter le zèle et l'émulation<br />
des ministres ; augmenter les appointemens des<br />
hommes pleins de fidélité et de probité : voilà le moyen<br />
d'exciter le zèle et l'émulation des autres fonctionnaires<br />
1 « Regarder, écouter, parler, se mouvoir, sortir, entrer, se lever, s'asseoir, soal dei<br />
smmemmi qui doives! être conformes aux rites. » (Gfoif.)<br />
S.
il TCHOTOfa-TOURG<br />
publics | n'exiger de services <strong>du</strong> peuple que dans les<br />
temps convenables, diminuer les impôts ;.voilà les<br />
moyens d'exciter le zèle et l'émulation des familles ; examiner<br />
chaque jour si la con<strong>du</strong>ite des hommes que l'on<br />
emploie est régulière, et voir tous les mois si leurs travaux<br />
répondent à leurs salaires : voilà les moyens d'exciter<br />
le zèle et l'émulation des artistes et des artisans ;<br />
recon<strong>du</strong>ire les étrangers quand ils s'en vont, aller audevant<br />
dé ceux qui arrivent pour les bien recevoir, faire<br />
l'éloge de ceux qui ont de belles qualités et de beaux<br />
talens, avoir compassion de ceux qui en manquent :<br />
voilà les -Moyens de bien recevoir les étrangers ; prolonger<br />
k postérité des grands feudataires sans enfans, les<br />
réintégrer dans leurs principautés per<strong>du</strong>es, rétablir le<br />
bon ordre dans les États troublés par les séditions, les<br />
Recourir- dans les dangers, faire venir à sa cour les*<br />
grands vassaux, et leur ordonner de faire apporter par<br />
les gouverneurs de province les présens d'usage aux<br />
époqties ixées ; traiter grandement ceux qui s'en vont<br />
et généreusement ceux qui arrivent, en n'exigeant d'eux<br />
que de légers tributs : voilà les moyens de se faire aimer<br />
des grands vassaux.<br />
14. Tous ceux qui gouvernent les empires ont ces<br />
neuf règles invariables à suivre; les moyens à employer .<br />
pour les pratiquer se ré<strong>du</strong>isent à un'seul.<br />
15. Toutes les actions vertueuses, tous les devoirs qui<br />
ont été résolus d'avance, sont par cela même accomplis;<br />
s'ils ne sont pas résolus d'avance, ils sont par cela<br />
même dans un état d'infraction. Si l'on a déterminé<br />
d'avancé les paroles que l'on doit prononcer, on n'éprouve<br />
par cela même aucune hésitation. Si l'on a déterminé<br />
d'avance ses affaires, ses occupations dans le<br />
monde, paç cela même elles s'accomplissent facilement.<br />
Si l'on a déterminé d'avance sa con<strong>du</strong>ite morale dans la<br />
vie, on n'éprouvera point de peines del'àme. Si l'on a dé-
OU l/lHVAllÀlltlTÉ DAMS LE MILIEU. 55<br />
terminé d'avance la loi <strong>du</strong> devoir, elle ne faillira jamais.<br />
10. Si celui qui est dans ou rang itdériour n'obtient<br />
pas la confiance fit* sou su péi ieur, le peuple ne peut pas<br />
èlre bien administré; il va un principe certain dans la<br />
détermination de ce rapport ; Celui, qui rdesi pas sineère<br />
ei fuit'le aee^ ses amis, n'obtiendra pas la confiance de<br />
ses superisurs. Il y a nu principe certain pour défermiiier<br />
les rapports de sincérité ei de fidélité avec les amis :<br />
Celui qui né es! pas sent in is envers ses par en s n'est pas<br />
sincère et pdvï- arec ses a min. II y a un principe certain<br />
pour déterminer les rapports d'obéissance envers<br />
les parons ; St. en faisant un retour sur sr,i~même on ne<br />
se (rouée pas entièrement dépouillé de tout mensongef<br />
de tout re qui liesl pas la vérité ; si for? ne se trouve pas<br />
parfait enfin, n ne remplit pas complètement sesdeeoirs<br />
d'ohèissaftce eaeers ses parens • 11 va un principe certain<br />
pour reconnaître l'état de pt-rleetion : Celai qui ne sait<br />
pas distinguer le hien <strong>du</strong>, mal, (e vrai <strong>du</strong> faux ; (pua, ne<br />
sait pasreconua'itre dans l'homme le mandai <strong>du</strong>-eîcl, n 1 est<br />
pas encore arrivé â fa perfeetnm.<br />
f 7. 1 .e pariait, ie v ra i, d é.; ; a gé < l e tout ni éî a n j]e, est la<br />
loi <strong>du</strong> ciel; la perfection ou le perfectionnement, qui<br />
consiste â cm pi o ver tons ses efforts pour découvrir la<br />
1 < » î ce I e s I e, I e v r a i p r i n c i pe d u m a n d a t. <strong>du</strong> c iel, est: la lot<br />
île l'homme. L'homme parfait \chin
ISS TCHomro-YouirG,<br />
veiller soigneusement sur tout ce qui est bien, de crainte<br />
de le perdre, et le méditer dans son âme; il doit s'efforcer<br />
toujours de connaître tout ce qui est bien, et avoir<br />
grand soin de le distinguer de tout ce qui est mal ; il doit<br />
ensuite fermement et constamment pratiquer ce bien.<br />
19. S'il y a des personnes qui n'étudient pas, ou qui,<br />
si elles étudient, ne profitent pas, qu'elles ne se découragent<br />
point, ne s'arrêtent point; s'il y a des personnes<br />
qui n'interrogent pas les hommes instruits, pour s'éclairer<br />
sur les choses douteuses ou qu'elles ignorent,<br />
au si, en les interrogeant, elles ne peuvent devenir plus<br />
instruites, qu'elles ne se découragent point; s'il y a des<br />
personnes qui ne méditent pas, ou qui, si elles méditent,<br />
ne parviennent pas à acquérir une connaissance<br />
claire <strong>du</strong> principe <strong>du</strong> bien, qu'elles ne se découragent<br />
point; s'il y a des personnes qui ne distinguent pas le<br />
bien <strong>du</strong> mal, ou qui, si elles le distinguent, n'en ont pas<br />
cependant une perception claire et nette, qu'elles ne se<br />
découragent point; s'il y a des personnes qui ne pratiquent<br />
pas le bien, ou qui, si elles le pratiquent, ne peuvent<br />
y employer toutes leurs forces, qu'elles ne se découragent<br />
point: ce que d'autres feraient en une fois, elles<br />
le feront en dix; ce que d'autres feraient en cent, elles<br />
le feront en mille.<br />
20. Celui qui suivra véritablement cette règle de persévérance,<br />
quelque ignorant qu'il soit, il deviendra nécessairement<br />
éclairé; quelque faible qu'il soit, il deviendra<br />
nécessairement fort.<br />
Voilà le vingtième chapitre. 11 contient les paroles de KHOUNG-<br />
TSEU destinées à offrir les exemples de vertus <strong>du</strong> .grand Chun, de<br />
Wenrwang, de Wou-wang et de Tchsour-koung, pour les continuer.<br />
Tteu-tte9 dans ce chapitre, éclaircit ce qu'ils ont transmis<br />
par la tradition; il le rapporte et'le met en ordre. Il fait même<br />
plus, car il embrasse les devoirs d'un usage général, ainsi que les<br />
devoirs moins accessibles des hommes qui tendent à la perfection,<br />
es même temps que ceux qui concernent les petits et les grands.
OU L'INVARIABILITE DANS LE MILIBU. 117<br />
afin de compléter le sens <strong>du</strong> douzième chapitre. Dans le chapitre<br />
précédent, il est parlé de la perfection, et le philosophe eipose ee<br />
qu'il entend par ce terme ; ce qu'il appelle le parfait est véritablement<br />
le nœud central et fondamental de ce livre.<br />
(TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE XXL<br />
1. La haute lumière de l'intelligence qui naît de la<br />
perfection morale, ou de la vérité sans mélange, s'appelle<br />
vertu naturelle ou sainteté primitive. La perfection<br />
morale qui naît de la haute lumière de l'intelligence<br />
s'appelle instruction ou sainteté acquise. La<br />
perfection morale suppose la haute lumière de l'intelligence;<br />
la haute lumière de l'intelligence suppose la<br />
perfection morale.<br />
VoMà le vingt-et-unième chapitre, par lequel Tseu-me a lié le<br />
sens <strong>du</strong> chapitre précédent i celui des chapitres suivans, dans lesquels<br />
il expose la doctrine de son maître KHOUNG-TSEU, concernant<br />
la loi <strong>du</strong> ciel et la loi de l'homme. Les onze chapitres qui' suivent<br />
renferment les paroles de Tien-fie, destinées à éclaircir et à développer<br />
le sens de celui-ci.<br />
CHAPITRE XXII.<br />
1. Il n'y a dans le monde que les hommes souverainement<br />
parfaits qui puissent connaître à fond leur propre<br />
nature, la loi de leur être, et les devoirs qui en dérivent;<br />
pouvant connaître à fond leur propre nature et<br />
les devoirs qui en dérivent, ils peuvent par cela même<br />
connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de<br />
leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu'ils ont à<br />
observer pour accomplir le mandat <strong>du</strong> ciel; pouvant<br />
connaître à fond la nature des autres hommes9 la loi de
leur être, et leur enseigner les devoirs qu'ils ont à observer<br />
pour accomplir le mandat <strong>du</strong> ciel, ils peuvent par<br />
cela même connaître à fond la nature des autres êtres<br />
vivans et végétans, et leur faire accomplir leur loi de<br />
vitalité selon leur propre nature ; pouvant connaître à<br />
fond la nature des êtres vivans et végétans, et leur faire<br />
accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature,<br />
ils peuvent par cela même, au moyen de leurs facultés<br />
intelligentes supérieures, aider le ciel et la terre dans les<br />
transformations et l'entretien des êtres, pour qu'ils<br />
prennent leur complet développement; pouvant aider<br />
le ciel et la terre dans les transformations et l'entretien<br />
des êtres, ijs peuvent par cela même constituer un troisième<br />
pouvoir avec le ciel et la terre.<br />
Voilà ïe fiogi-deuiième chapitre. Il y est parlé de la loi <strong>du</strong> ciel.<br />
(TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE XXIII.<br />
1. Ceux qui viennent immédiatement après ces hommes<br />
souverainement parfaits par leur propre nature, sont<br />
ceux qui font tous leurs efforts pour rectifier leurs penefaans<br />
détournés <strong>du</strong> bien ; ces penchans détournés <strong>du</strong><br />
bien peuvent revenir à l'état de perfection; étant arrivés<br />
à l'état de perfection, alors ils pro<strong>du</strong>isent des effets<br />
extérieurs visibles ; ces effets extérieurs visibles étant<br />
pro<strong>du</strong>its, alors ils se manifestent; étant manifestés,<br />
alors ils jetteront un grand éclat; ayant jeté un grand<br />
éclat, alors ils émouvront les cœurs; ayant ému les<br />
cœurs, alors ils opéreront de nombreuses conversions;<br />
ayant opéré de nombreuses conversions, alors ils effaceront<br />
jusqu'aux dernières traces <strong>du</strong> vice : il n'y a dans<br />
le monde que les hommes souverainement parfaits qui
OU ï/lWTÀMIÀliMTÉ BAîlS LS MILIEU. §•<br />
puissent être capables d'effacer ainsi les dernières traces<br />
<strong>du</strong> yice dans le cœur des hommes.<br />
Voilà le vingt-troisième chapitre. 11 y est parlé kde la loi de<br />
l'homme.<br />
CHAPITRE XXIV.<br />
1. Les facultés de l'homme souverainement parfait<br />
sont si puissantes qu'il peut, par leur moyen, prévoir<br />
les choses à venir. L'élévation des familles royales s'annonce<br />
assurément par d'heureux présages ; la chute des<br />
dynasties s'annonce assurément aussi par de funestes<br />
présages ; cesprésages heureux ou funestes se manifestent<br />
dans la grande herbe nommée chi, sur le dos de la tortue,<br />
et excitent en elle de tels mouYemens qu'ils font frissonner<br />
ses quatre membres. Quand des événemens<br />
heureux ou malheureux sont prochains, l'homme souverainement<br />
parfait prévoit avec certitude s'ils seront<br />
heureux ; il prévoit également avec certitude s'ils seront<br />
malheureux; c'est pourquoi l'homme souverainement<br />
parfait ressemble aux intelligences surnaturelles.<br />
Voilà le vingt-quatrième chapitre. Il y est parlé de la loi <strong>du</strong><br />
ciel.<br />
CHAPITRE XXV.<br />
1. Le parfait est par lui-même parfait absolu ; la loi<br />
<strong>du</strong> devoir est par elle-même loi de devoir.<br />
% Le parfait est le commencement et la fin de tous<br />
les êtres; sans le parfait ou la perfection, les êtres ne<br />
seraient pas. C'est pourquoi le sage estime cette perfection<br />
au-dessus de tout.
60 TCHOUMG-YOOT G ,<br />
3. L'homme parfait ne se borne pas à se perfectionner<br />
lui-même et s'arrêter ensuite; c'est pour cette raison<br />
qu'il s'attache à perfectionner aussi les autres êtres. Se<br />
perfectionner soi-même est sans doute une vertu; perfectionner<br />
les autres êtres est uoe haute science; ces<br />
deux perfectionnemens sont des vertus de la nature ou<br />
de la faculté rationnelle pure. Réunir le perfectionnement<br />
extérieur et le perfectionnement intérieur, constitue<br />
la règle <strong>du</strong> devoir. C'est ainsi que l'on agit convenablement<br />
selon les circonstances.<br />
Voilà le vingt-cinquième chapitre. 11 y est parié de la loi de<br />
l'homme.<br />
CHAPITRE XXVI.<br />
i. C'est pour cela que l'homme souverainement parfait<br />
ne cesse jamais d'opérer le bien, ou de travailler<br />
au'perfectionnement des autres hommes.<br />
2. Ne cessant jamais de travailler au perfectionnement<br />
des autres hommes, alors il persévère toujours dans ses<br />
bonnes actions; persévérant toujours dans ses bonnes<br />
actions , alors tous les. êtres portent témoignage de lui.<br />
3. Tous les êtres portant témoignage de lui, alors<br />
l'influence de la vertu s'agrandit et s'étend au loin;<br />
étant agrandie et éten<strong>du</strong>e au loin, alors elle est vaste et<br />
profonde; étant vaste et profonde/ alors elle est haute<br />
et resplendissante.<br />
h. La vertu de l'homme souverainement parfait est<br />
vaste et profonde : c'est pour cela qu'il a en lui la faculté<br />
de contribuer à l'entretien et au développement<br />
des êtres ; elle est haute et resplendissante : c'est pour<br />
cela qu'il a en lui la faculté de les éclairer de sa lumière;<br />
elle est grande et persévérante : c'est pour cela
®0 L'INVARIABILITÉ BAMS LE MILIEU, il<br />
qu'il a en lui la faculté de contribuer à leur perfectionnement,<br />
et de s'identifier par ses œuvres avec le ciel et<br />
la terre.<br />
5. Les hommes souverainement parfaits, par la grandeur<br />
et la profondeur de leur vertu, s'assimilent avec<br />
la terre ; par sa hauteur et son éclat, ils s'assimilent<br />
avec le ciel ; par son éten<strong>du</strong>e et sa <strong>du</strong>rée, ils s'assimilent<br />
avec l'espace et le temps sans limite.<br />
6. Celui qui est dans cette haute condition de sainteté<br />
parfaite ne se <strong>mont</strong>re point, et cependant, comme la<br />
terre, 1^ se révèle par ses bienfaits; il ne se déplace point,<br />
et cependant, comme le ciel, il opère de nombreuses<br />
transformations ; il n'agit point, et cependant, comme<br />
Fespâce et le temps, il arrive au perfectionnement de<br />
ses œuvres.<br />
7. La puissance ou la loi pro<strong>du</strong>ctive <strong>du</strong> ciel et de la<br />
terre peut être exprimée par un seul mot ; son action<br />
dans l'un et l'autre n'est pas double: c'est la perfection;<br />
mais alors sa pro<strong>du</strong>ction des êtres est incompréhensible.<br />
8. La raison d'être, ou la loi <strong>du</strong> ciel et de la terre, est<br />
vaste en effet ; elle est profonde ! elle est sublime ! elle est<br />
éclatante! elle est immense! elle est éternelle!<br />
9. Si nous portons un instant nos regards vers le ciel,<br />
nous n'apercevons d'abord qu'un petit espace scintillant<br />
de lumière; mais si nous pouvions nous élever jusqu'à<br />
cet espace lumineux, nous trouverions qu'il est<br />
d'une immensité sans limites; le soleil, la lune, les<br />
étoiles, les planètes, y sont suspen<strong>du</strong>s comme à un fil ;<br />
tous les êtres de l'univers en sont couverts comme d'un<br />
dais. Maintenant si nous jetons un regard sur la terre,<br />
nous croirons d'abord que nous pouvons la tenir dans<br />
la main ; mais si nous la parcourons, nous la trouverons<br />
éten<strong>du</strong>e, profonde; soutenant la haute <strong>mont</strong>agne fleurie<br />
1 sans fléchir sous son poids; enveloppant les fleuves
il ïiM©f!fê-¥©!!f#f<br />
et les mers clans son sein, sans en être inondée, et contenant<br />
tous les êtres. Cette <strong>mont</strong>agne ne nous semble<br />
qu'un petit fragment de rocher ; mais si nous explorons<br />
son éten<strong>du</strong>e, nous la trouverons Yaste et élevée ; les<br />
plantes et les arbres croissant à sa surface, des oiseaux<br />
et des quadrupèdes y faisant leur demeure! et renfermant<br />
elle-même dans son sein des trésors inexploités.<br />
Et cette eau que nous apercevons de loin, nous semble<br />
•pouvoir à peine remplir une coupe légère ; mais si nous<br />
parvenons à sa surface, nous ne pouvons en sonder la<br />
profondeur ; des énormes tortues, des crocodiles, des<br />
hydres, des dragons, des poissons de toute espèce vivent<br />
dans son sein ; des richesses précieuses y prennent naissance.<br />
10. Le Livre des Vers dit * :<br />
ce II n'y a que le mandat <strong>du</strong> ciel<br />
OU i/lMYARIABILITi DAM LB MIMBU. INI<br />
3. Ohl qu'elle est abondante et vaste! elle embrasse<br />
trois cents rites <strong>du</strong> premier ordre et trois mille <strong>du</strong> second.<br />
4. Il faut attendre l'homme capable de suivre une<br />
telle loi, pour qu'elle soit ensuite pratiquée.<br />
5. C'est pour cela qu'il est dit : ce Si l'on ne possède<br />
pas la suprême vertu des saints hommes, la suprême<br />
loi <strong>du</strong> devoir ne sera pas complètement pratiquée. »<br />
6. C'est pour cela aussi que le sage, identifié avec la<br />
loi <strong>du</strong> devoir, cultive avec respect sa nature vertueuse,<br />
cette raison droite qu'il a reçue <strong>du</strong> ciel, et qu'il s'attache<br />
à rechercher et à étudier attentivement ce qu'elle<br />
lui prescrit. Dans ce but, il pénètre jusqu'aux dernières<br />
limites de sa profondeur et de son éten<strong>du</strong>e, pour saisir<br />
ses préceptes les plus subtils et les plus inaccessibles<br />
aux intelligences vulgaires. Il développe au plus haut<br />
degré les hautes et pures facultés de son Intelligence, et<br />
il se fait une loi de suivre toujours les principes de la<br />
droite raison. 11 se conforme aux lois déjà reconnues et<br />
pratiquées anciennement de la nature vertueuse de<br />
l'homme, et il cherche à en connaître de nouvelles, non<br />
encore déterminées ; il s'attache avec force à tout ce<br />
qui est honnête et juste, afin de réunir en lui la pratique<br />
des rites, qui sont l'expression de la loi céleste.<br />
7. C'est pour cela que s'il est revêtu de la dignité<br />
souveraine, il n'est point rempli d'un vain orgueil;<br />
s'il se trouve dans l'une des conditions inférieures, il<br />
ne se constitue point en état de révolte. Que l'administration<br />
<strong>du</strong> royaume soit équitable, sa parole suffira pour<br />
l'élever à la dignité qu'il mérite; qu'au contraire le<br />
royaume soit mal gouverné, qu'il y règne des troubles<br />
et des séditions, son silence suffira pour sauver sa personne.<br />
Le Livré des Vers dit * :<br />
1 Liro To-yo, ©de ïéhin§*mMg.
A4 TCHÔCH G-YOUNG ,<br />
(c Parce qu'il fut intelligent et prudent obser?ateur<br />
» des événemens,<br />
» C'est pour cela qu'il conserva sa personne. »<br />
Cela s'accorde avec ce qui est dit précédemment.<br />
Voilà le viDgt-septième ehâpitre. 11 y est parlé de la loi de<br />
l'homme.<br />
CHAPITRE XXVm.<br />
1. Le Philosophe a dit : L'homme ignorant et sans<br />
vertu, qui aime à ne se servir que de son propre jugement;<br />
l'homme sans fonctions publiques, qui aime à<br />
s'arroger un pouvoir qui ne lui appartient pas; l'homme<br />
né dans le siècle et soumis aux lois de ce siècle, qui<br />
retourne à la pratique des lois anciennes, tombées en<br />
désuétude ou abolies, et tous ceux qui agissent d'une<br />
semblable manière, doivent s'attendre à éprouver de<br />
grands maux.<br />
2. Excepté le fils <strong>du</strong> Ciel, ou celui qui a reçu originairement<br />
un mandât pour être le chef de l'empire \ personne<br />
n'a le droit d'établir de nouvelles cérémoniesf<br />
personne n'a le droit de fixer de nouvelles lois somptuaires,<br />
personne n'a le droit de changer ou de corriger<br />
la forme des caractères de l'écriture en vigueur.<br />
3. Les chars de l'empire actuel suivent les mêmes ornières<br />
que ceux des temps passés ; les livres sont écrits<br />
avec les mêmes caractères; et les mœurs sont les mêmes<br />
qu'autrefois.<br />
4. Quand même il posséderait la dignité impériale<br />
des anciens souverains, s'il n'a pas leurs vertus, personne<br />
ne doit oser établir de nouvelles cérémonies et<br />
une nouvelle musique. Quand même p posséderait leurs<br />
1 C'est ainsi que t'exprime la Gkm.<br />
- > - - *
01 L'INVARIABILITÉ DAMS LE MILIEU. §5<br />
vertus, s'il n'est pas revêtu de leur dignité impériale,<br />
personne ne doit également oser établir de nouvelles<br />
cérémonies et une nouvelle musique.<br />
5. Le Philosophe a dit : J'aime à me reporter aux<br />
usages et coutumes de la dynastie des Hia ; mais le petit<br />
état de Khi, où cette dynastie s'est éteinte, ne les a<br />
pas suffisamment conservés. J'ai étudié les usages et<br />
coutumes de la dynastie de Yin [ou Chang]; ils sont<br />
encore en vigueur dans Fétat de Soûng. J'ai étudié les<br />
usages et coutumes de la dynastie des Tehem; et comme<br />
ce sont celles qui sont aujourd'hui en vigueur, je dois<br />
aussi les suivre.<br />
Voilà le vingt-huitième chapitre. Il se rattache au chapitre précédent,<br />
et il n'y a rien de contraire au suivant. Il y est aussi question<br />
de la M de l'homme. ( Tceou-m. )<br />
CHAPITRE XXIX.<br />
i. Il y a trois affaires que l'on doit regarder comme<br />
de la plus haute importance dans le gouvernement d'un<br />
empire : L'établissement des rites ou cérémonies, la fixation<br />
des lois somptuaires, et Valtération dans la forme<br />
des caractères de Vécriture ; et ceux qui s'y conforment<br />
commettent peu de fautes.<br />
2. Les lois, les règles d'administration des anciens<br />
temps, quoique excellentes, n'ont pas une autorité suffisante,<br />
parce que l'éloignement des temps ne permet<br />
pas d'établir convenablement leur authenticité; manquant<br />
d'authenticité, elles ne peuvent obtenir la confiance<br />
<strong>du</strong> peuple; le peuple ne pouvant accorder une<br />
confiance suffisante aux hommes qui les ont écrites, il<br />
ne les observe pas. Celles qui sont proposées par des<br />
sages non revêtus de la dignité impériale, quoique ex-<br />
6.
§§ TCH©IÏICG~lSlîlf@,<br />
eellentes, n'obtiennent pas le respect nécessaire ; n'obtenant<br />
pas le respect qui est nécessaire à leur sanction,<br />
elles n'obtiennent pas également la confiance <strong>du</strong> peuple;<br />
n'obtenant pas la coniance <strong>du</strong> peuple, le peuple ne les<br />
observe pas.<br />
3. C'est pourquoi la loi <strong>du</strong> devoir d'un prince sage<br />
dans rétablissement des lois les plus importantes, a m<br />
base fondamentale en lui-même; l'autorité de sa vertu<br />
et de sa haute dignité s'impose à tout le peuple ; il conforme<br />
son administration à celle des fondateurs des<br />
trois premières dynasties, et il ne se trompe point ; il<br />
établit ses lois selon celles <strong>du</strong> ciel et de la terre, et elles<br />
n'éprouvent aucune opposition ; il cherche la preuve de<br />
la vérité dans les esprits et les intelligences supérieures,<br />
et il est dégagé de nos doutes ; il est cent générations<br />
à attendre le saint homme, et il n'est pas sujet à<br />
nos erreurs.<br />
4. Il cherche la preuve de la vérité dans les esprits et<br />
les intelligences supérieures, et par conséquent il connaît<br />
profondément la loi <strong>du</strong> mandat céleste ; il est cent<br />
générations à attendre h saint homme* et il n'est pas sujet<br />
à nos errmrs; par conséquent il connaît profondément<br />
les principes de la nature humaine.<br />
5. C'est pourquoi le prince sage n'a qu'à agir, et,<br />
pendant des siècles, ses actions sontk loi de l'empire;<br />
il n'a qu'à parler, et, pendant des siècles, ses paroles<br />
sont la règle de l'empire. Les peuples éloignés ont alors<br />
espérance en lui; ceux qui l'avoisinent ne s'en fatigueront<br />
jamais.<br />
• 6. Le Livre des Vers dit * :<br />
ce Dans ceux-là il n'y a pas de haine»<br />
a Bans ceux-ci il n'y a point de satiété*<br />
» Ohî oui, matin et soir<br />
'Livre Teheùu-toung, ode Tehing-lôu.
OU L'INVARIABILITÉ DANS 11 MILIEU. ff<br />
» Il sera à jamais l'objet d'éternelles louanges ! »<br />
Il n'y a jamais eu de sages princes qui n'aient été<br />
tels après avoir obtenu une pareille renommée dans le<br />
monde.<br />
Voilà le vingt-neuvième chapitre. Il se rattache à ces paroles <strong>du</strong><br />
chapitre précédent : placé dans U rang supérieur [ou revêtu de<br />
la dignité impériale], il n'est point rempli d'orgmil; il y esI<br />
aussi parlé de la loi do l'homme.<br />
CHAPIT1E XXX.<br />
1. Le philosophe KOUMG-TSIU rappelait avec vénération<br />
les temps des anciens empereurs Ym et Chun;<br />
mais il se réglait principalement sur ta exin<strong>du</strong>ite des<br />
souverains plus récent Win et Wou. Prenant pour<br />
exemple de ses actions les lois naturelles et immuables<br />
qui régissent les corps célestes au-dessus de nos tètes*<br />
il imitait la succession régulière des saisons qui s'opère<br />
dans le ciel ; à nos pied9f il se conformait aui lois de la<br />
terre et de l'eau fixes ou mobiles.<br />
2. On peut le comparer au ciel et à la terre, qui contiennent<br />
et alimentent tout, qui couvrent et enveloppent<br />
tout; on peut le comparer aux quatre'saisons, qui se<br />
succèdent continuellement sans interruption ; on peut<br />
le comparer au soleil et à la lune, qui éclairent alternativement<br />
le monde.<br />
3. Tous les êtres de là nature vivent ensemble de lt<br />
vie universelle, et ne se nuisent pas les uns aux autres;<br />
toutes les lois qui règlent les saisons et les corps célestes<br />
s'accomplissent en même temps sans se contrarier<br />
entre elles. L'une des facultés partielles de la nature<br />
est de faire couler un ruisseau; mais ses grandes énergies,<br />
ses grandes et souveraines facultés pro<strong>du</strong>isent et
68 TCHOUHti-YOUN69<br />
transforment tous les êtres. Voilà en eiet ce qui rend<br />
grands le ciel et la terre!<br />
Toilà le trentième chapitre. Il traite de h loi <strong>du</strong> ciel.<br />
(TCHOU-HI.)<br />
CHAPITBE XXXI.<br />
1. Il n f j a dans l'univers que l'homme souverainement<br />
saint qui, par la faculté de connaître à fond et de comprendre<br />
parfaitement les lois primitives des êtres vivans,<br />
soit digne de posséder l'autorité souveraine et de<br />
commander aux hommes; qui9 par sa faculté d'avoir<br />
une âme grande, magnanime, affable et douce, soit capable<br />
de posséder le pouvoir de répandre des bienfaits<br />
avec profusion ; qui, par sa faculté d'avoir une âme élevée,<br />
ferme, imperturbable et constante, soit capable de<br />
faire régner la justice et l'équité ; qui, par sa faculté<br />
d'être toujours honnête, simple, grave, droit et juste,<br />
soit capable de s'attirer le respect et la vénération ; qui,<br />
par sa faculté d'être revêtu des ornemens de l'esprit, et<br />
des talens que procure une étude assi<strong>du</strong>e, et de ces lumières<br />
que donne une exacte investigation des choses<br />
les plus cachées, des principes les plus subtils, soit capable<br />
de discerner avec exactitude le vrai <strong>du</strong> faijx, le<br />
bien <strong>du</strong> mal.<br />
2. Ses facultés sont si amples, si vastes, si profondes,<br />
que c'est comme une source immense d'où tout sort en<br />
son temps.<br />
3. Elles sont vastes et éten<strong>du</strong>es comme le ciel; la<br />
source cachée d'où elles découlent est profonde comme<br />
l'abîme. Que cet homme souverainement saint apparaisse<br />
avec ses vertus, ses facultés puissantes, et les<br />
peuples ne manqueront pas de lui témoigner leur véné-
OU L'INVARIABILITÉ DANS LE MIL1BU. if<br />
ration; qu'il parle, et les peuples ne manqueront pas<br />
d'avoir foi en ses paroles ; qu'il agisse, et les peuples<br />
ne manqueront pas d'être dans la joie.<br />
4. .C'est ainsi que la renommée de ses vertus est un<br />
océan qui inonde l'empire de toutes parts ; elle s'étend<br />
même jusqu'aux barbares des régions méridionales et<br />
septentrionales ; partout où les vaisseaux et les chars<br />
peuvent aborder, où les forces de l'in<strong>du</strong>strie humaine<br />
peuvent faire pénétrer, dans tous les lieux que le ciel<br />
couvre de son dais immense, sur tous les points que la<br />
terre enserre, que le soleil et la lune éclairent de leurs<br />
rayons, que la rosée et les nuages <strong>du</strong> matin fertilisent;<br />
tous les êtres humains qui vivent et qui respirent ne<br />
peuvent manquer de l'aimer et de le révérer. C'est pour*<br />
quoi il est-dit : Que ses facultés, ses vertus puissantes<br />
l'égalent au ciel<br />
Voilà le tiento-et-unième chapitre. Il se rattache au chapitre<br />
précédent ; il y est parlé des énergies ou facultés partielles de la<br />
nature dans la pro<strong>du</strong>ction des êtres. Il y est aussi question de la<br />
loi <strong>du</strong> cieL (TCHOU-HI.)<br />
CHAPITRE XXXII.<br />
1. Il n'y a dans l'univers que l'homme souverainement<br />
parfait par la pureté de son âme qui soit capable de distinguer<br />
et de fixer les devoirs des cinq grandes relations<br />
qui existent dans l'empire entre les hommes, d'établir sur<br />
des principes fixes et conformes à la nature des êtres, la<br />
grande base fondamentale des actions et des opérations<br />
qui s'exécutent dans le monde; de connaître parfaite-<br />
• ment les créations et les annihilations <strong>du</strong> ciel et de la<br />
terre. Un tel homme souverainement parfait a en luimême<br />
le principe de ses actions.<br />
% Sa bienveillance envers tous les hommes .est extrê-
70 TCHOUKG-Yomra,<br />
mement vaste ; ses facultés intimes sont extrêmement<br />
profondes ; ses connaissances des choses célestes sont<br />
extrêmement éten<strong>du</strong>es.<br />
3. Mais à moins d'être véritablement très-éclairé, profondément<br />
intelligent, saint par ses œuvres, instruit des<br />
lois divines, et pénétré des quatre grandes vertus<br />
célestes [l'humanité f la justice, la biêméunee et la<br />
science des devoirs], comment pourrait-on connaître ses<br />
mérites ?<br />
Voilà le trente-deuxième chapitre. Il se rattache au chapitre<br />
précédent, et il y est parlé des grandes énergies ou facultés de la<br />
nature dans la pro<strong>du</strong>ction des êtres ; il y est aussi question de la<br />
loi <strong>du</strong> ciel. Dans le chapitre qui précède celui-ci, il est parlé des<br />
vertus de l'homme souverainement saint ; dans celui-ci, il est parlé<br />
de la loi de l'homme souverainement parfait. Ainsi la loi de<br />
l'homme souverainement parfait ne peut être connue que par<br />
l'homme souverainement saint ; la vertu de l'homme souverainement<br />
saint ne peut être pratiquée que par l'homme souverainement<br />
parfait; alors ce ne sont pas effectivement deux choses difft-<br />
F@ntes. Dans ce livre» il est parlé <strong>du</strong> saint homme comme ayant<br />
atteint le point le plus extrême de la loi céleste ; arrivé là, Il est<br />
impossible d'y rien ajouter. ( TCHOU-HI. )<br />
CHAPITRE XXXIII.<br />
1. Le Livre des Vers dit 1 :<br />
« Elle couvrait sa robe brodée d'or d'un surtout gros-<br />
» sier. »<br />
Elle haïssait le faste et la pompe de ses ornemens.<br />
C'est ainsi que les actions vertueuses <strong>du</strong> sage se déro-<br />
' bent aux regards, et cependant se révèlent de plus en<br />
plus chaque jour, tandis que les actiQOs vertueuses de<br />
l'homme inférieur se pro<strong>du</strong>isent avec ostentation et s'é-<br />
* Une Kê*§*fmm§$ odt CMj'fo.
ou L'INVARIABILITé BAMS LE MILIEU. li<br />
vanouisseiit chaque jour. La con<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> sage est sans<br />
saveur comme l'eau ; mais cependant elle n'est point<br />
fastidieuse; elle est retirée, mais cependant'elle est<br />
bille et grave ; elle parait confuse et désordonnée, mais<br />
cependant elle est régulière. Le sage connaît les choses<br />
éloignées, c'est-à-dire, le monde, les empires et les<br />
hommes, par les choses qui le touchent, par sa propre,<br />
personne; il connaît les passions des autres- par les<br />
siennes propres, par les mouvemens de son cœur; il<br />
connaît les plus secrets mouvemens de son cœur par<br />
ceux qui se révèlent dans les autres. C'est ainsi qu'il peut<br />
entrer dans le chemin de la vertu.<br />
% Le Livre de$ Vers dit * :<br />
« Quoique le poisson en plongeant se cache dan»<br />
» l'eau,<br />
» Cependant la transparence de l'onde le trahit, et on<br />
peut le voir tout entier. »<br />
C'est ainsi que le sage en s'examinant intérieurement<br />
ne trouve rien dans son cœur qu'il ait à se reprocher et<br />
dont il ait à rougir. Ce que le sage ne peut trouver en lui,<br />
n'est-ce pas ce que les autres hommes n'aperçoivent<br />
pas en eux?<br />
3. Le Livre dm Vers dit 2 :<br />
ce Sois attentif sur toi-même jusque dans ta maison ;<br />
» Prends bien garde de ne rien foire, dans le lieu le<br />
»^plus secretf dont tu puisses rougir. y><br />
" C'est ainsi que le sage s'attire encore le respect, lors<br />
même qu'il ne se pro<strong>du</strong>it pas en public; il est encore<br />
vrai et sincère, lors même qu'il garde le silence.<br />
4. Le Livre des Vers dit 3 :<br />
ce II se rend avec recueillement et en silence au tem-<br />
» pie des ancêtres,<br />
1 Livre Siao-ya, ode Tching-youë.<br />
* Livre Ta-ya, ©de ï.<br />
* Livre Chang~wung, ©de Lieï-twu,
72 TCMOUHS-VÔIÎMG ,<br />
D Et pendant tout le temps <strong>du</strong> sacrifice il ne s'élève<br />
» aucune discussion sur la préséance des rangs et des<br />
» devoirs. »<br />
C'est ainsi que le sage, sans faire de largesses, porte<br />
les hommes à pratiquer la vertu; il ne se livre point à<br />
des mouvemens décolère, et il est craint <strong>du</strong> peuple à<br />
•l'égal des haches et des coutelas.<br />
5. Le Livre des Vers dit 1 :<br />
c< Sa vertu recueillie ne se <strong>mont</strong>rait pas, tant elle était<br />
'» profonde!<br />
» Cependant tous ses vassaux l'imitèrent! »<br />
C'est pour cela qu'un homme plein de vertus s'attache<br />
fortement à pratiquer tout ce qui attire le respect, et par<br />
cela même il fait que tous les États jouissent entre eux<br />
d'une bonne harmonie.<br />
6. Le Livre des Vers 2 met dans la bouche <strong>du</strong> souverain<br />
suprême ces paroles :<br />
« J'aime et je chéris cette vertu brillante qui est l'ac-<br />
» complissement de la loi naturelle de l'homme,<br />
» Et qui ne se révèle point par beaucoup de pompe et<br />
» de bruit. »<br />
•Le Philosophe disait à ce sujet : La pompe extérieure<br />
et le bruit servent bien peu pour la conversion des<br />
peuples.<br />
Le Livre des Vers dit 1 :<br />
ce La vertu est légère comme le <strong>du</strong>vet le plus fin. »<br />
Le <strong>du</strong>vet léger est aussi l'objet d'une comparaison :<br />
« Les actions, les opérations secrètes <strong>du</strong> ciel su-<br />
» prême<br />
» N'ont ni son ni odeur. »<br />
C'est le dernier degré de l'immatérialité.<br />
Voilà le trente-troisième chapitre. Tseu-sse ayant, dans les pré-<br />
1 Livre Tchtou+oung, ode Lm-wm.<br />
* Litre Ta-ya, ©de Hoang-4.<br />
s Litre lo-yo, ©de Tcfttfy-mfa.
OU L'INYAR1ABIL1T£ DANS LB MILIEU. 73<br />
cédées chapitres, porté F exposé de sa doctrine au dernier degré de<br />
l'évidence, revient sur son sujet pour en sonder la base. Ensuite il<br />
enseigne qu'il est de notre devoir de donner une attention sérieuse<br />
à nos actions et à nos pensées intérieures secrètes ; il poursuit, et<br />
dit qu'il faut faire tous nos efforts pour atteindre à cette solide<br />
vertu qui attire le respect et la vénération de tous les hommes, et<br />
procure une abondance de paix et de tranquillité dans tout l'empire.<br />
Il exalte ses effets admirables, merveilleux, qui vont jusqu'à<br />
la rendre dénuée des attributs matériels <strong>du</strong> son et de l'odeur; et il<br />
s'arrête là. Ensuite il reprend les idées les plus importantes <strong>du</strong> Livre,<br />
et il les explique en les résumant. Son intention, en revenant<br />
ainsi sur les principes les plus essentiels pour les inculquer davantage<br />
dans l'esprit des hommes, est très-importante et très-profonde.<br />
L'étudiant ne doit-il pas épuiser tous les efforts de son esprit pour<br />
les comprendre ? ( TCHOU-HI. )
nw m<br />
LE LUN-YU,<br />
OU<br />
LES ENTRETIENS PHIlOSOMiQÛÉS.<br />
TSOISIÉME LITH1 CB1A88IQ6E.<br />
CHANG-LUN,<br />
PREMIER LITRE.<br />
CHAPITRE PREMIER,<br />
COMPOSÉ DB 16 ARTICLES.<br />
1. Le philosophe KHOUNG-TSEU a dit : Celui qui se<br />
livre à l'étude <strong>du</strong> vrai et <strong>du</strong> bien, qui s'y applique avec<br />
persévérance et sans relâche, n'en éprouve-t-il pas une<br />
grande satisfaction?<br />
N'est-ce pas aussi une grande satisfaction que de<br />
voir arriver près de soi, des contrées éloignées, des hommes<br />
attirés par une communauté d'idées et de sentimens<br />
?<br />
Être ignoré ou méconnu des hommes, et ne pas s'en<br />
indigner, n'est-ce pas le propre de l'homme éminemment<br />
vertueux?<br />
2. Yeoit-tom (disciple de KHOUNG-TSEU) dit : Il est
LE LUK-YU, OU LIS ENTEETtENS PHILOSOPHIQUE». 75<br />
rare que celui qui pratique les devoirs de la piét^ filiale<br />
et de la déférence fraternelle aime à se révolter contre<br />
ses supérieurs; mais il n'arrive, jamais .que celui qui<br />
n f aime pas à se révolter contre ses supérieurs aime à<br />
susciter des trouble^ dans l'empire.<br />
L'homme supérieur ou le sage applique toutes les forces<br />
de son intelligence à l'étude des principes fondamentaux;<br />
les principes fondamentaux étant bien établisses<br />
règles de con<strong>du</strong>ite, les devoirs moraux s'en dédoisent<br />
naturellement La piété filiale, la déférence fraternelle,<br />
dont»nous avons parlé, ne sont-elles pas le principe fondamental<br />
de l'humanité ou de la bienveillance universelle<br />
pour les hommes?<br />
3. KHOUNG-TSEU dit : Des expressions ornées et fleuries,<br />
un extérieur recherché et plein d'affectation, s'allient<br />
rarement avec une vertu sincère.<br />
4. Thsêng-tsêu dit : Je m'examine chaque jour sur<br />
trois points principaux ; N'aurais-je pas géré les affaire»<br />
d'autrui avec le même zèle et la même intégrité que<br />
les miennes propres? n'aurais-je pas été sincère dans<br />
mes relations avec mes amis et mes condisciples? n'aurais-je<br />
pas conservé soigneusement et pratiqué la doctrine<br />
qui m'a été transmise par mes instituteurs?<br />
• 5. KHOUNG-TSEU dit : Celui qui gouverne un royaume<br />
de mille chars* doit obtenir la confiance <strong>du</strong> peuple, en<br />
apportant toute sa sollicitude aux affaires de l'Etat; il<br />
doit prendre vivement à cœur les intérêts <strong>du</strong> peuple en<br />
modérant ses dépenses, et n'exiger les corvées des populations<br />
qu'en temps convenable.<br />
6. KHOUNG-TSEU dit : 11 faut que les enfans aient<br />
de la piété filiale d$ns la maison paternelle, et de la déférence<br />
fraternelle au dehors. Il faut qu'ils soiept attentifs<br />
dans leurs actions, sincères et vrais dans leurs pa-<br />
1 « Ua royaume de milk chars est UE royaume fepdat^iref doj?f h ^arflloire; e*i u-<br />
•« éten<strong>du</strong> pour ie^er une armée de mille dmn de guerre. » (Glose.)
76 LB LUN-TU,<br />
rôles envers tous les hommes, qu'ils doivent aimer de<br />
toute la force et l'éten<strong>du</strong>e de leur affection, en s'attachant<br />
particulièrement aux personnes vertueuses. Et siy<br />
après s'être bien acquittés de leurs devoirs, ils ont encore<br />
des forces de reste, ils doivent s'appliquer à orner<br />
leur esprit par l'étude et à acquérir des connaissances<br />
et des talens.<br />
7. Tseu-hia (disciple de KHOUNG-TSEU) dit : Être<br />
épris de la vertu des sages au point d'échanger pour<br />
elle tous les plaisirs mondains 1 ; servir ses père et mère<br />
autant qu'il est en son pouvoir de le faire; dévouer sa<br />
personne au service de son prince ; et dans les -relations<br />
que -l'on entretient avec ses amis, porter toujours une<br />
sincérité et une fidélité à toute épreuve : quoique celui<br />
qui agirait ainsi puisse être considéré comme dépourvu<br />
d'instruction, moi je l'appellerai certainement un homme<br />
instruit.<br />
8. KHOUNG-TSEU dit : Si l'homme supérieur n'a point<br />
de gravité dans sa con<strong>du</strong>ite, il n'inspirera point de respect;<br />
et s'il étudie, ses connaissances ne seront pas<br />
solides. Observez constamment la sincérité et la fidélité<br />
ou la bonne foi; ne contractez pas des liaisons d'amitié<br />
avec des personnes inférieures à vous-mêmes moralement<br />
et pour les connaissances; si vous commettes<br />
quelques fautes, ne craignez pas de vous corriger.<br />
9. Iheng-tsew dit : Il faut être attentif à accomplir<br />
dans toutes leurs parties les rites funéraires envers ses<br />
parens décédés, et offrir les sacrifices prescrits ; alors<br />
le peuple, qui se trouve dans une condition inférieure,<br />
frappé de cet exemple, retournera à la pratique de cette<br />
vertu salutaire.<br />
10. T$eu-kin interrogea Tseu-koungf en disant:<br />
Quand le philosophe votre maître est ' venu dans ce<br />
1 La Glotê eatead par S$ef U$ plaisirs des femmes.
OU LIS KKTRSXIBirS PMttÔSôPMIIHJlS. 77<br />
royaume, obligé d'étudier son gouvernement, a—t—il luimême<br />
demandé des informations, ou, au contraire, eston<br />
venu les lui. donner? Tsm-koung répondit : Notre<br />
maître est bienveillant, droit, respectueux, modeste et<br />
condescendant; ces qualités lui ont suffi pour obtenir<br />
toutes les informations qu'il a pu désirer. La manière<br />
de prendre des informations de notre maître ne diffèret—elle<br />
pas de celle de tous les autres hommes ?<br />
11. KHOUHG-TSEU dit : Pendant le vivant de votre<br />
père,, observez avec soin sa volonté; après sa mort,<br />
ayez toujours les yeux fixés sur ses actions; pendant les<br />
trois années qui suivent îa mort de son père, le fils qui,<br />
dans ses actions, ne s'écarte point de sa con<strong>du</strong>ite, peut<br />
être appelé doué de piété filiale.<br />
1*2. Yeou-tseu dit : Bans la pratique usuelle de la politesse<br />
[ou de cette é<strong>du</strong>cation distinguée qui est la loi<br />
<strong>du</strong> ciel 1 ], la déférence ou la condescendance envers<br />
les autres doit être placée au premier rang. C'était la<br />
règle de con<strong>du</strong>ite des anciens rois, dont ils. tirent un si<br />
grand éclat ; tout ce qu'ils firent, les grandes comme les<br />
petites choses, en dérivent. Mais il est cependant une<br />
condescendance que Ton ne doit pas avoir quand on<br />
sait que ce n'est que de la condescendance; n'étant pas<br />
de l'essence même de la véritable politesse, il ne faut pas<br />
la pratiquer.<br />
13. Yêou-tseu dit : Celui qui ne promet que ce qui<br />
est conforme à la justice, peut tenir sa parole;, celui<br />
dont la crainte et le respect sont conformes aux lois de<br />
la politesse, éloigne de* lui la honte et le déshonneur.<br />
Par la même raison, si l'on ne perd pas en même temps<br />
les personnes avec lesquelles on est uni par des liens<br />
étroits de parenté, on peut devenir un chef de famille.<br />
14% KHOCNG-TSEU dit : L'homme supérieur, quand<br />
* Commentaire de TèhoU'hi.<br />
7.
TS LE LUN-YU,<br />
H est à table? ne cherche pas à assouvir son appétit;<br />
lorsqu'il est dans sa maison, il ne cherche pas les jouissances<br />
de l'oisiveté et de la mollesse; il est attentif à<br />
ses devoirs et vigilant dans ses paroles ; il aime à fréquenter<br />
ceux qui ont des principes droits, afin de régler<br />
sur eux sa con<strong>du</strong>ite. Un tel homme peut être appelé<br />
'philosophe, ou qui se plaît dans l'étude de la sagesse*.<br />
15. Tsm-koung dit : Comment trouvez-vous l'homme<br />
pauvre qui ne s'avilit point par une a<strong>du</strong>lation servile ;<br />
l'homme riehç qui ne s'enorgueillit point de sa richesse?<br />
••<br />
KeouMG-TSEU dit : Un homme peut encore être estimable<br />
sans leur ressembler ; mais ce dernier ne sera<br />
Jamais comparable à l'homme qui trouve <strong>du</strong> contenteinent<br />
dans sa pauvreté, ou qui, étant riche! se plaît néanmoins<br />
dans la pratique des vertus sociales,<br />
Thou-kmng dit : On lit dans le Livre des Vers 1 :<br />
» Comme l'artiste qui coupe et travaille l'ivoire,<br />
» Comme celui qui taille et polit les pierres pré-<br />
» cieuses. »<br />
Ce passage ne fait-il pas allusion à ceux dont il vient<br />
d'être question?<br />
KHOUNG-TSEU répondit : Sse (surnom de Tseu-koung)<br />
commence à pouvoir citer dans la conversation des passages<br />
<strong>du</strong> Livre des Vers ; il interroge les événemens passés<br />
pour connaître l'avenir.<br />
16. KHOUNG-TSEU dit : Il ne faut pas s'affliger de ce<br />
que les hommes ne nous connaissent pas, mais au contraire<br />
de ne pas les connaître nou^-mêmes.<br />
* Es chinois fow~hiof littéralement ; aimant, chérissant l'étude.<br />
• .Qde Khi-ngMt seelioa Vti-fwmg*
igpuappn. n,,^ ..iiii,.^ , miLi _,„,.„<br />
m LIS INTmiTIEMS PHILOSOPHIQUES. 79<br />
CHAPITRE H,<br />
COMPOSÉ BE 24 ARTICLES.<br />
jL JLe Philosophe 1 dit : Gouverner son pays â¥ec la<br />
yertu et la capacité nécessaires, c'est, ressembler à l'étoile<br />
polaire, qui demeure immobile à sa place, tandis<br />
que toutes les autres étoiles circulent autour d'elle et la<br />
prennent pour guide.<br />
2. Le Philosophe dit : Le sens des trois cents odes <strong>du</strong><br />
livre des Vers est contepu dans une seule de ses expressions<br />
: ce Que vos pensées ne soient point perverses»<br />
3. Le Philosophe dit: Si on gouverne le peuple selon<br />
les lois d'une bonne administratiop, et qu'on le maintienne<br />
dans l'ordre par la crainte des supplices, il sera<br />
circonspect dans sa con<strong>du</strong>ite, sans rougir de ses mauvaises-<br />
actions. Mais si on le gouverne selon les prin*<br />
cipes de la vertu, et qu'on le maintienne dans l'ordre<br />
par les seules lois de la politesse sociale [qui n'est que<br />
la loi <strong>du</strong> ciel], il éprouvera de la honte d'une action<br />
coupable, et il avancera dans le chemin de la vertu.<br />
4. Le Philosophe dit : A l'âge de quinze ans, mort<br />
esprit était continuellement occupé à l'étude ; à trente<br />
ans, je m'étais arrêté dans des principes solides et fixes;<br />
à quarante, je n'éprouvais plus de doutes et d'hésitation<br />
; à cinquante, je connaissais la loi <strong>du</strong> ciel [c'està-dire<br />
la loi constitutive que le ciel a conférée à chaque<br />
être de la nature pour accomplir régulièrement sa destinée<br />
2 ]; à soixante, je saisissais facilement les causes<br />
des événemens; à soixante et dix, je satisfaisais aux<br />
1 Nous emploierons dorénavant ce mot pour rendre le mot chinois tseu, lorsqu'il<br />
est isolé, terme doat on qualifie en Chine ceux qui se sont livrés à l'étude de la sagesse,<br />
et dont le chef et le modèle est KKOUira-ftew, oa XHOUMG-roo-liet*.<br />
* Comnmtain,
80 LB LUK-YU,<br />
désirs de mon cœur, sans toutefois dépasser la mesure.<br />
5. Meng-i-tseu (grand <strong>du</strong> petit royaume de Lou) demanda<br />
ce que c'était que l'obéissance filiale.<br />
Le Philosophe dit qu'elle consistait à ne pas s'opposer<br />
aux principes de la raison.<br />
Fan-tehi (un des disciples de KHOUNG-TSEU), en con<strong>du</strong>isant<br />
le char de son maître, fut interpellé par lui de<br />
cette manière : Meng-sun § me questionnait un jour sur<br />
la piété filiale; je lui répondis qu'elle consistait à ne pas<br />
s'opposer aux principes de la raison.<br />
Fan-tehi dit : Qu'entendez-vous par là? Le Philosophe<br />
répondit : Pendant la vie de ses père et mère? il<br />
faut leur rendre les devoirs qui leur sont <strong>du</strong>s? selon les<br />
principes de la raison' naturelle qui nous est inspirée<br />
par le ciel (M); lorsqu'ils meurent, il faut aussi les ensevelir<br />
selon les cérémonies prescrites par les rites [qui<br />
ne sont que l'expression sociale de la raison céleste], et<br />
ensuite leur offrir des sacrifices également conformes<br />
aux rites.<br />
' 6. Meng-woîfrfe demanda ce que c'était que la piété<br />
filiale. Le Philosophe dit : Il n'y a que les pères et les<br />
mères qui s'affligent 'véritablement de la maladie de<br />
leurs enfans.<br />
. 7. Tseu-yeou demanda ce que c'était que la piété filiale.<br />
Le Philosophe dit : Maintenant, ceux qui sont considérés<br />
comme ayant de la piété filiale sont ceux qui<br />
nourrissent leurs père et mère ; mais ce soin s'étend<br />
également aux chiens et aux chevaux; car on leur procure<br />
aussi leur nourriture. Si on n'a pas de vénération<br />
et de respect pour ses parens, quelle différence y auraitil<br />
dans notre manière d'agir ?<br />
-• 8. T§ew-hia demanda ce que c'était que la piété fi-<br />
1 Celai doal iî vient d'être question.
©U LIS EWTE1TI1JCS PHILOSOPHIQUES. 81<br />
liale. Le Philosophe dit : C'est dans la manière d'agir<br />
et de se comporter que réside toute la difficulté. Si les<br />
pères et mères ont des travaux à faire, et que les enfans<br />
les exemptent de leurs peines ; si ces derniers ont le boire<br />
et le manger en abondance, et qu'ils leur en cèdent une<br />
partie, est-ce là exercer la piété filiale ?<br />
9. Le Philosophe dit : Je m'entretiens avec Hoeï (disciple<br />
chéri <strong>du</strong> Philosophe) pendant toute la journée, et<br />
il ne trouve rien à m'objecter, comme si c'était un<br />
homme sans capacité. De retour chez lui, il s'examine<br />
attentivement en particulier, et il se trouve alors capable<br />
d'illustrer ma doctrine. Hoeï n'est pas un homme<br />
sans capacité. ' .<br />
10. Le Philosophe dit : Observez attentivement les<br />
actions d'un homme; voyez quels sont ses penchans;<br />
examinez attentivement quels sont ses sujets de joie.<br />
Comment pourrait-il échapper à vos investigations?<br />
Comment pourrait-il plus long-temps vous en imposer?<br />
il. Le Philosophe dit : Rendez-vous complètement<br />
maître de ce que vous venez d'apprendre, et apprenez<br />
toujours de nouveau ; vous pourrez alors devenir un instituteur<br />
des hommes.<br />
12. Le Philosophe dit : L'homme supérieur n'est pas<br />
un vain ustensile employé aux usages vulgaires.<br />
13. Tseu-koung demanda quel était l'homme supérieur.<br />
Le Philosophe dit : C'est celui qui d'abord met ses paroles<br />
en pratique, et ensuite parle conformément à ses actions.<br />
î h. Le Philosophe dit : L'homme supérieur est celui<br />
qui a une bienveillance égale pour tous, et qui est sans<br />
égoïsme et sans partialité. L'homme vulgaire est celui<br />
qui n'a que des sentimens d'égoïsme sans disposition<br />
bienveillante pour tous les hommes en général.<br />
15. Le Philosophe dit : Si vous étudiez sans que votre<br />
pensée soit appliquée, vous perdrez tout le fruit de<br />
votre étude; si, au contraire, vous vous abandonnez à
82 LB LUlf-YU,<br />
vos pensées sans les diriger vers l'étude» vous vous exposez<br />
à de graves inconvéniens.<br />
16. Le Philosophe dit : Opposez-vous aux principes<br />
différons des véritables 1 ; ils sont dangereux et portent<br />
à la perversité 2 .<br />
17. Le Philosophe dit : Tm%f savez-vous ce que c'est<br />
que la science? Savoir que Ton sait ce que Ton çait, #t<br />
savoir que Ton ne sait pas ce que Ton ne sait pas : yoilà<br />
la véritable science.<br />
18. Tseu-tchang étudia' dans le but d'obtenir les<br />
fonctions de gouverneur. Le Philosophe lui dit : Ecoutez<br />
beaucoup, afin de diminuer vos doutes; soyez attentif<br />
à ce que vous dites, afin de ne rien dire de superflu;<br />
alors vous commettrez rarement des fautes. Voyez beaucoup,<br />
afin de diminuer les dangers que vous pourriez<br />
courir en n'étant pas informé de ce qui se passe. Veillez<br />
attentivement sur vos actions, et vous aurez rarement<br />
<strong>du</strong> repentir. Si dans vos paroles il vous arrive rarement<br />
de commettre des fautes, et si dans vos actions<br />
vous trouvez rarement une cause de repentir, vous possédez<br />
déjà la charge à laquelle vous aspirez.<br />
19. Ngai-koung (prince de Lou) fit la question suivante<br />
; Comment ferai-je pour assurer la soumission <strong>du</strong><br />
peuple?KHOUNG-TSEU lui répondit : Élevez, honorezles<br />
hommes droits et intègres; abaissez,destituez les hommes<br />
corrompus et pervers; alors le peuple yous obéira. Élevez,<br />
honorez les hommes corrompus et pervers; abaissez,<br />
destituez les hommes droits et intègres, et le peuple vous<br />
désobéira.<br />
20. Ki-kang (grand <strong>du</strong> royaume de Lou) demanda<br />
comment il faudrait faire pour rendre le peuple respeotueux,<br />
fidèle, et pour l'exciter à la pratique de la vertu.<br />
* Ce sont des prlsclpês? des doctrines coalrairei à mïïm êm salait hommes.<br />
(TCBOU-HI.)<br />
*Mmmmmmmm TAêng-Om dit cpie les paroles m h doctrine de Fo, aîifff qm<br />
mïïm de T&n§ el de M49 ne tout pas conformes à la raiion.
OU LBg EHTEBT1EHS PHILOSOPHIQUES. 88<br />
Le Philosophe dit : Surveillez-le avec dignité et fermeté,<br />
et alors il Sera respectueux; ayez de la piété filiale<br />
et de la commisération, et alors il sera fidèle ; élevez<br />
aux charges publiques et aux honneurs les hommes vertueux,<br />
et donnez de l'instruction à ceux qui ne peuvent<br />
se la procurer par eux-mêmes, alors il sera excité à la<br />
vertu.<br />
21. Quelqu'un parla ainsi à KHOUNG-TSEU : Philosophe,<br />
pourquoi n'exercez-vous pas une fonction dans<br />
l'administration publique? Le Philosophe dit : On lit<br />
dans le Chou-king 1 : « S'agit-il delà piété filiale?Il n'y<br />
a que la piété filiale et la concorde entre les frères de<br />
différons âges, qui doivent être principalement cultivées<br />
par ceux qui occupent des fonctions publiques; ceux<br />
qui pratiquent ces vertus remplissent par cela même<br />
des fonctions publiques d'ordre et d'administration. »<br />
Pourquoi considérer seulement ceux qui occupent des<br />
emplois publics comme remplissant des fonctions publiques?<br />
22. Le Philosophe dit : Un homme dépourvu de sincérité<br />
et de fidélité est un être incompréhensible à mes<br />
yeux. C'est un grand char «ans flèche, un petit char<br />
sans timon ; comment peut-il se con<strong>du</strong>ire dans le Chemin<br />
de la vie?<br />
23. Tsêu-tehmg demanda si les éténetnens de dix<br />
générations pouvaient être connus d'avance.<br />
Lé Philosophe dit : Ce que la dynastie des Tn (Mi des<br />
Chang ) emprunta à celle des Met en fait de rites et de<br />
cérémonies, peut être connu ; ce que la dynastie des<br />
Tchê&u (sous laquelle vivait le Philosophe) emprunta à<br />
celle des Yn en fait de rites et de cérémonies, peut être<br />
connil. Qu'une autre dynastie succède à celle des Tcheou 2 ,<br />
1<br />
Yoyez îa tra<strong>du</strong>ction de ce livre dans notre volume intitulé Lu Uwe's surît ê§<br />
fOrfent.<br />
* Cette supposition même «§t hardie de la J»ârt <strong>du</strong> PhiloMphe.
81 LB LUN-YU,<br />
alors même les événemens de cent générations pourront<br />
être prédits 1 .<br />
24. Le Philosophe dit : Si ce n'est pas au génie auquel<br />
on doit sacrifier que Ton sacrifie, Faction que Von<br />
fait n'est qu'une tentative de sé<strong>du</strong>ction avec un dessein<br />
mauvais ; si Ton voit une chose juste, et qu'on ne la<br />
pratique pas, on commet une lâcheté.<br />
CHAPITRE III,<br />
COMPOSÉ 111 26 ARTICLES*<br />
1. KHOUNG-TSEU dit que Ki-chi (grand <strong>du</strong> royaume<br />
deLùu) employait huit troupes de musiciens à ses fêtes<br />
de famille; s'il peut se permettre d'agir ainsi, que n'estil<br />
pas capable de faire 2 ?<br />
2. Les trois familles (des grands <strong>du</strong> royaume de Lou)<br />
se servaient delà musique Young -tchi. Le Philosophe<br />
dit:<br />
ce U n'y a que les princes qui assistent à .la cérémo- '<br />
» nie ;<br />
» Le fils <strong>du</strong> Ciel (l'empereur) conserve un air profondément<br />
recueilli et réservé. » (Passage <strong>du</strong> Livre des<br />
Vers.)<br />
Comment ces paroles pourraient-elles s'appliquer à<br />
la salle des trois familles ?A<br />
3. Le Philosophe dit : Être homme, et ne pas pratiquer<br />
les vertus que comporte l'humanité, comment se—<br />
! Selon les commeetateurs chinois, qui se fout que confirmer ce qui résulte clairement<br />
<strong>du</strong> texte, le Philosophe dit à sou disciple que l'étude <strong>du</strong> passé peut seule faire<br />
prévoir l'avenir, et que par sou moyeu on peut arriver à connaître ia loi des événemens<br />
sociaux.<br />
* Il était permis aux empereurs, par les rites, d'avoir huit troupes de musiciens dans<br />
les fêtes ; aux princes, fis ; et aux îa-fou ou ministres, quatre. Ki-chi usurpait le rang<br />
de priucet
OU LES EHTE1T1EHS FH1LOSOFHIQUBS. 85<br />
rait-ce se conformer aux rites? Être homme, et ne pas<br />
posséder les vertus que comporte l'humanité S comment<br />
jouerait-on dignement de la musique?<br />
4. Ling-fang (habitant <strong>du</strong> royaume de Lou) demanda<br />
quel était le principe fondamental des rites [ou de la raison<br />
céleste, formulé en diverses cérémonies sociales 2 ].<br />
Le Philosophe dit : C'est là une grande question, assurément!<br />
En fait de rites, une stricte économie est<br />
préférable à l'extravagance; en fait de cérémonies funèbres<br />
, une douleur silencieuse est préférable à une<br />
pompe vaine et stérile..<br />
5. Le Philosophe dit : Les barbares <strong>du</strong> nord et de<br />
l'occident (les Jet les Joung) ont des princes qui les<br />
gouvernent; ils ne ressemblent pas à nous tous, hommes<br />
de Hia (de Fempire des Eia)f qui n'en avons<br />
point.<br />
6. Ki-chi alla sacrifier au <strong>mont</strong> Taï-chan (dans le<br />
royaume de Lou.) Le Philosophe interpella Yen-yéow*f<br />
en lui disant : Ne pouvez-vous pas Fen empêcher,? Ce<br />
dernier lui répondit respectueusement : Je ne le puis î<br />
Le Philosophe s'écria : Hélas ! hélas ! ce que vous avez<br />
dit relativement au <strong>mont</strong> Taï-chan me fait voir' que<br />
vous êtes inférieur à Ling-fang (pour la connaissance<br />
des devoirs <strong>du</strong> cérémonial *).<br />
7. Le Philosophe dit : L'homme supérieur n'a de querelles<br />
ou de contestations avec personne. S'il lui arrive<br />
d'en avoir, c'est quand il faut tirer au but. Il cède la<br />
place à son antagoniste vaincu, et il <strong>mont</strong>e dans la salle;<br />
il en descend ensuite pour prendre une tasse avec lui<br />
(en signe de paix). Voilà les seules contestations de<br />
l'homme supérieur.<br />
1 Un, îa droite raison <strong>du</strong> monde. [Comm.)<br />
9 C'est ainsi que les commentateurs chinois entendent le mot H.<br />
* Disciple <strong>du</strong> Philosophe, et aide-assistant de Ki-chù<br />
* Il n'y avait que le chef de l'État qui avait le droit d'aller sacrifier au <strong>mont</strong> Taï-chan*<br />
S
86 LB LUïf-YU,<br />
8. Tseu-hia fit une question en ces termes :<br />
ce Que sa bouche fine et délicate a un sourire agréable I<br />
» Que son regard est doux et ravissant I II faut que le<br />
» fond <strong>du</strong> tableau soit préparé pour peindre 1 » (Paroles<br />
<strong>du</strong> Livre des Vers.) Quel est le sens de ces paroles?<br />
Le Philosophe dit : Préparez d'abord le fond <strong>du</strong> tableau<br />
pour y appliquer ensuite les couleurs. Tseu-hia<br />
dit: Les lois <strong>du</strong> rituel sont donc secondaires? Le Philosophe<br />
dit : Vous avez saisi ma pensée, ô Chang / Vous<br />
commencez maintenant à comprendre mes entretiens<br />
sur la poésie.<br />
9. Le Philosophe dit: Je puis parler des rites et des'<br />
cérémonies de la dynastie Bia); mais Ki est incapable<br />
d'en comprendre le sens caché. Je puis parler des rites<br />
et des cérémonies de la dynastie Yn; mais Sung est incapable<br />
d'en saisir le sens caché : le secours des lois et<br />
l'opinion des sages ne suffisent pas pour en connaître les<br />
causes. S'ils suffisaient, alors nous pourrions en saisir<br />
le sens le plus caché.<br />
10. Le Philosophe dit : Bans le grand sacrifice royal<br />
nommé Ti9 après que la libation a été faite pour demander<br />
la descente des esprits, je ne désire plus rester<br />
spectateur de la cérémonie.<br />
11. Quelqu'un ayant demandé quel était le sens <strong>du</strong><br />
grand sacrifice royal, le Philosophe dit : Je ne le connais<br />
pas. Celui qui connaîtrait ce sens, tout ce qui est<br />
sous le ciel serait pour lui clair et manifeste ; il n'éprouverait<br />
pas plus de difficultés à tout connaître qu'à poser<br />
le doigt dans la paume de sa main.<br />
12. Il faut sacrifier aux ancêtres comme s'ils étaient<br />
présens ; il faut adorer les esprits et les génies comme<br />
s'ils étaient présens. Le Philosophe dit : Je ne fais pas<br />
les cérémonies <strong>du</strong> sacrifice comme si ce n'était pas un<br />
sacrifice.<br />
13. Wang-iun-kia demanda ce que Ton entendait en
©U LES ENTEETtlîCS PHILOSOPHIQUES. 87<br />
4isant. qu'il valait mieux 'adresser ses hommages au génie<br />
des grains qu'au génie <strong>du</strong> foyer. Le Philosophe dit ;<br />
Il n'en est pas ainsi; dans cette supposition celui qui 4<br />
commis une faute envers le ciel 1 ne saurait pas à qui<br />
adresser sa prière.<br />
14. Le Philosophe dit : Les fondateurs de la dynastie<br />
des Teheou examinèrent les lois et la civilisation de$<br />
deux dynasties qui les avaient précédés ; quels progrès<br />
ne firent-ils pas faire à cette civilisation l ' Je suis pour<br />
les Teheou :<br />
15. Quand le Philosophe entra dans le grand tenjple,<br />
il s'informa minutieusement de chaque chose ; quelqu'up<br />
s'écria : Qui dira maintenant que le fils de l'homme de<br />
Tséou 2 connaît les rites et les cérémonies ? Lorsqu'il est<br />
entré dans le grand temple, il s'est informé minutieusement<br />
de chaque chose I Le Philosophe ayant enten<strong>du</strong><br />
ces paroles, dit : Gela même est conforme aux rites.<br />
16. Le Philosophe dit : En tirant à la cible, il ne s'agit<br />
pas de dépasser le but, mais de l'atteindre ; toutes<br />
les forces ne sont pas égales ; c'était là la règle des anciens.<br />
17. Tseu^koung désira abolir le sacrifice <strong>du</strong> mouton?<br />
qui g'offsrait le premier jour de la douzième lune. Le<br />
Philosophe dit : Sse, vous n'êtes occupés que <strong>du</strong> sacrifice<br />
<strong>du</strong> mouton ; moi je ne le suis que de la cérémonie.<br />
18. Le Philosophe dit : Si quelqu'un sert (maintenant)<br />
le prince comme il doit l'être, en accomplissant les rites,<br />
les hommes le considèrent comme un courtisan et un<br />
Batteur.<br />
19. Ting (princede Lou) demanda comment un prince<br />
doit employer ses ministres, et les ministres servir le<br />
prince. KHOUNG-TSEU répondit avec déférence : Un<br />
prince doit employer ses ministres selon qu'il est pres^<br />
1 « Enfet» îa raison (!».) » (Comm.)<br />
* L'homme de Ttéouj c*«t4-dtre, le père de Kmcraie-TSEif.
88 IB unx-TB,<br />
crit dans les rites ; les ministres doivent servir le prince<br />
avec fidélité.<br />
20. Le Philosophe dit : Les mo<strong>du</strong>lations joyeuses de<br />
l'ode Kouan-tseu n'excitent pas des désirs licencieux ;<br />
les mo<strong>du</strong>lations tristes ne blessent pas les sentimens.<br />
21. Ngai-koung (prince de Lou) questionna Tsaï-ngo,<br />
disciple de KHOUNG-TSEU, relativement aux autels ou<br />
tertres de terre érigés en l'honneur des génies. Tsaï-ngo<br />
répondit avec déférence : Les familles princières de la<br />
dynastie Hia érigèrent ces autels autour de l'arbre fin ;<br />
les hommes de la dynastie Ynf autour des cyprès ; ceux<br />
de la dynastie Tcheouf autour <strong>du</strong> châtaignier : car on<br />
dit que le châtaignier a la faculté de rendre le peuple<br />
craintif *.<br />
Le Philosophe ayant enten<strong>du</strong> ces mots, dit : Il ne<br />
faut pas parler des choses accomplies, ni donner des<br />
avis concernant celles qui ne peuvent pas se faire convenablement<br />
; ce qui est passé doit être exempt de blâme.<br />
22. Le Philosophe dit : Kouan-tchoung (grand ou tafou<br />
de l'état de Thsi) est un vase de bien peu de capacité.<br />
Quelqu'un dit : Kouan-tchoung est donc avare et<br />
parcimonieux? [Le Philosophe] répliqua : Kouan-chi<br />
(le même) a trois grands corps de bâtimens nommés<br />
Koueï, et dans le service de ses palais il n'emploie pas<br />
plus d'un homme pour un office : est-ce là de l'avarice<br />
et de la parcimonie?<br />
Alors, s'il en est ainsi, Kouanr tchoung connatt-il les<br />
rites?<br />
[Le Philosophe] répondit : Les princes d'un petit état<br />
ont leurs portes protégées par des palissades ; Kouanchi<br />
a aussi ses portes protégées par des palissades.<br />
Quand deux princes d'un petit état se rencontrent,<br />
pour fêter leur bienvenue, après avoir bu ensemble, ils<br />
* le nom même <strong>du</strong> ehâtaigaler, fi, signifie craindre.
OU LIS ENTRKTIEHS f H1L080PH1QUB8. 89<br />
renversent leurs coupes ; Komtirchi a aussi renversé sa<br />
coupe. Si Kouan-chi connaît les rites ou usages prescrits,<br />
pourquoi vouloir qu'il ne les connaisse pas?<br />
23. Le Philosophe s'entretenant un jour sur la musique<br />
avec le Tat-sse, ou intendant de la musique <strong>du</strong><br />
royaume de £ot*,.dit : En fait de musique, vous devez<br />
être parfaitement instruit; quand on compose un air,<br />
.toutes les notes ne doivent-elles pas concourir à l'ouverture?<br />
en avançant, ne doit-on pas chercher à pro<strong>du</strong>ire<br />
l'harmonie, la clarté, la régularité, dans le but de<br />
compléter le chant? *<br />
• 24. Le résident de F demanda avec prière d'être intro<strong>du</strong>it<br />
[près <strong>du</strong> Philosophe], disant': c< Lorsque des<br />
» hommes supérieurs sont arrivés dans ces lieux, je n'ai<br />
» jamais été empêché de les voir. » Ceux qui suivaient<br />
le Philosophe l'intro<strong>du</strong>isirent, et quand le résident sortit,<br />
il leur dit : Disciples <strong>du</strong> Philosophe, en quelque<br />
nombre que vous soyez, pourquoi gémissez-vous de ce<br />
que votre maître a per<strong>du</strong> sa charge dans le gouvernement?<br />
L'empire* est sans lois, sans direction depuis<br />
long-temps ; le ciel va prendre ce grand homme pour<br />
en faire un héraut 2 rassemblant les populations sur son<br />
passage, et pour opérer une grande réformation.'<br />
25. Le Philosophe appelait léchant de musique nommé<br />
Tchaô (composé par Chun) parfaitement beau, et même<br />
parfaitement propre à inspirer la vertu. Il appelait le<br />
chant de musique nommé Vou9 guerrier, parfaitement<br />
beau, mais nullement propre à inspirer la vertu.<br />
26. Le Philosophe dit : Occuper le rang suprême, et ne<br />
! Littéralement ; tout ce qui est sous le ciel [Thian-hia, le monde).<br />
- * Tel est le sens que comportent les deux mois chinois mou-to, littéralement : elockette<br />
avec battant de bois, dont se servaient ies hérauts dans les anciens temps, pour<br />
rassembler la multitude claas Se but de lui faire connaUre un message <strong>du</strong> prisée. (Comment.)<br />
Le texte porte littéralement : le ciel va prendre votre maître pour en faire uns<br />
dochstte avec un battant de bois. Nous avons dû tra<strong>du</strong>ire en îe paraphrasant, pour ea<br />
faire comprendre le sens. * -
•• U LUlf-YU,<br />
pfts exercer dis bienfaits envers ceux que Ton gouverne ;<br />
pratiquer les rites et usages prescrits sans aucune sorte<br />
de respect, et les cérémonies funèbres sans douleur<br />
véritable : voilà ce que je ne puis me résigner à voir.<br />
CHÂPITEE IV,<br />
COMPOSA DE 26 ARTICLES.<br />
ri. Le Philosophe dit : L'humanité ou les sentimens de<br />
bienveillance envers les autres sont admirablement pratiqués<br />
dans les campagnes; celui qui, choisissant sa résidence,<br />
ne veut pas habiter parmi ceux qui possèdent<br />
si bien l'humanité ou les sentimens de bienveillance<br />
envers les autres, peut-il être considéré comme doué<br />
d'intelligence?<br />
2. Le Philosophe fiit : Ceux qui sont dépourvus d'Au*<br />
mmiié * .ne peuvent se maintenir long-temps vertueux<br />
dansbpauvreté, ne peuvent se maintenir long-tempsvertueux<br />
dans l'abondance et les plaisirs. Geux qui sont<br />
pleins d'humanité aiment à trouver le repos dans les<br />
vertus de l'humanité ; et ceux qui possèdent la science<br />
trouvent leur profit dans l'humanité.<br />
3. Le Philosophe dit : 11 n'y a que l'homme plein d'hu-<br />
• manité qui puisse aimer véritablement les hommes et<br />
les haïr d'une manière convenable 2 .<br />
h. Le Philosophe dit : Si la pensée est sincèrement<br />
dirigée vers les vertus de l'humanité, on né commettra<br />
.point d'actions vicieuses.<br />
5. Le Philosophe dit : Les richesses et les honneurs<br />
«s0t£ l'objet <strong>du</strong> désir des hommes; si on ne peut les #b-<br />
JZTn^T^r 9 dësormâis cele e pour rendre le caractère chinois/tn, qui<br />
comprend toutes lemrlus attachées à Vhumaniti<br />
P *£!%£* idée est exprimée presque a¥ee ies mêmes temes dan- le 2WWè » QU $-<br />
X »<br />
9ÈÊm
OU LES BHTBBT1EN0 MILôSOPHIQUlg. 91<br />
tenir par des voies honnêtes et droites, il faut y renoncer.<br />
JLa pauvreté et une position humble ou vile sont<br />
l'objet de la haine et <strong>du</strong> mépris des hommes ; si on no<br />
peut en sortir par des voies honnêtes et droites, il faut<br />
y rester. Si l'homme supérieur abandonne les vertus de<br />
l'humanité, comment pourrait-il rendre sa réputation<br />
de sagesse parfaite? L'homme supérieur ne doit pas<br />
un seul instant * agir contrairement aux vertus de Fhu-<br />
.manité. Dans les momens les plus pressés, comme dans<br />
les plus confus, il doit s'y conformer.<br />
6. Le Philosophe dit : Je n'ai pas encore vu un homme<br />
qui aimât convenablement les hommes pleins d'humanité,<br />
qui eût une haine convenable pour les hommes vicieux<br />
et pervers. Celui qui aime les hommes pleins d'humanité,<br />
ne met rien au-dessus d'eux ; celui qui hait les<br />
hommes sans humanité, pratique l'humanité ; il ne per-<br />
' met pas que les hommes sans humanité approchent de lui.<br />
Y a-t-il des personnes qui puissent faire un seul jour<br />
usage de toutes leurs forces pour la pratique des vertus<br />
de l'humanité? [S'il s'en est trouvé] je n'ai jamais vu<br />
que leurs forces n'aient pas été suffisantes [pour accomplir<br />
leur dessein], et s'il en existe, je ne les ai pas encore<br />
vues.<br />
7. Le Philosophe dit : Les fautes des hommes sont<br />
relatives à l'état de chacun. En examinant attentive-.<br />
ment ces fautes, on arrivera à connaître si leur "humanité '<br />
était une véritable humanité.<br />
8. Le Philosophe dit : Si le matin vous avez enten<strong>du</strong><br />
la voix delà raison céleste, le soir vous pourrez mourir 2 .<br />
9. Le Philosophe dit : L'homme d'étude dont la<br />
pensée est dirigée vers la pratique de la raison, mais<br />
qui rougit de porter de mauvais vêtemens et de se<br />
* Littéralement ; intervalle d'un repas.<br />
' Le caractère Tao de celle admirable sentence, qmmm WQM imêmi
•3 LE LUH-YU,<br />
nourrir de mauvais alimens, n'est pas encore apte à entendre<br />
la sainte parole de la justice.<br />
10. Le Philosophe dit : L'homme supérieur, dans toutes<br />
les circonstances de la vie, est exempt de préjugés et<br />
d'obstination ; il ne se règle que d'après la justice.<br />
1 !. Le Philosophe dit : L'homme supérieur fixe ses pensées<br />
sur la vertu; l'homme vulgaire les attache à la terre.<br />
L'homme supérieur ne se préoccupe que de l'observation<br />
des lois; l'homme vulgaire ne pense qu'aux^profits.<br />
12. Le Philosophe dit : Appliquez-vous uniquement<br />
aux gains et aux profits, et vos actions vous feront recueillir<br />
beaucoup de ressentimens.<br />
^ 13. Le Philosophe dit : L'on peut, par une réelle et<br />
. sincère observation des rites, régir un royaume; et cela<br />
n'est pas difficile à obtenir. Si l'on ne pouvait : pas, par<br />
une réelle et sincère observation des rites, régir un<br />
royaume, à quoi servirait de se conformer aux rites?<br />
14. Le Philosophe dit : Ne. soyez point inquiets de ne<br />
point occuper d'emplois publics ; mais soyez inquiets<br />
d'acquérir les talens nécessaires pour occuper ces emplois.<br />
Ne soyez point affligés de ne pas encore être<br />
connu; mais cherchez à devenir digne de l'être..<br />
15. Le Philosophe dit : San I (nom de Thsêng-tseu)<br />
ma doctrine est simple et facile à pénétrer. Thsêng-tseu<br />
répondit : Cela est certain.<br />
Le Philosophe étant sorti, ses disciples demandèrent<br />
• ce que leur maître avait voulu dire. Thsêng-êseu répondit<br />
: « La doctrine de notre maître consiste uniquement<br />
» à avoir la droiture <strong>du</strong> cœur et à aimer son prochain<br />
» comme soi-même ! . r><br />
16. Le Philosophe dit : L'homme supérieur est influencé<br />
par la justice ; l'homme vulgaire est influencé<br />
par l'amour <strong>du</strong> gain.<br />
1 Eo chinois, tehoung et chou. 0a croira difGcilement qoe autre tradaction soit<br />
exacte ; cependant noas ne pensons pas que l'on puisse es faire une plus fidèle.
OU LES EHT1ET1EHS PHILOSOPHIQUES. 93<br />
17. Le Philosophe dit : Quand vous voyez un sage,<br />
réfléchissez en vous-même si vous avez les mêmes vertus<br />
que lui. Quand vous voyez un pervers, rentrez en vousmême<br />
et examinez attentivement votre con<strong>du</strong>ite.<br />
18. Le Philosophe dit : En vous acquittant de vos devoirs<br />
envers vos père et mère, ne faites que très-peu<br />
d'observations ; si vous voyez qu'ils ne sont pas disposés<br />
à suivre vos re<strong>mont</strong>rances, ayez pour eux les mêmes<br />
respects, et ne vous opposez pas à leur volonté ; si vous<br />
éprouvez de leur part de mauvais traitemens, n'en murmurez<br />
pas.<br />
19. Le Philosophe dit : Tant que votre père et votre<br />
mère subsistent, ne vous éloignez pas d'eux ; si vous<br />
vous éloignez, vous devez leur faire connaître la contrée<br />
ou vous allez vous rendre.<br />
20. Le Philosophe dit : Pendant trois années (depuis<br />
sa mort), ne vous écartez pas de la voie qu'a suivie votre<br />
père ; votre con<strong>du</strong>ite pourra être alors appelée de la<br />
piété filiale.<br />
21. Le Philosophe dit : L'âge de votre père et de votre<br />
mère ne doit pas être ignoré de vous ; il doit faire naître<br />
en vous, tantôt de la joie, tantôt de la crainte.<br />
2*2. Le'Philosophe dit: Les anciens ne • laissaient<br />
point échapper de vaines paroles, craignant que leurs<br />
actions n'y répondissent point.<br />
23. Le Philosophe dit : Ceux qui se perdent en restant<br />
sur leurs gardes sont bien rares !<br />
24. Le Philosophe dit : L'homme supérieur aime à<br />
être lent dans ses paroles, mais rapide dans ses actions.<br />
25. Le'Philosophe dit : La vertu ne reste pas comme<br />
une orpheline abandonnée; elle doit nécessairement<br />
avoir des voisins.<br />
26. Tseu-yeou dit : Si dans le service d'un prince il<br />
arrive de le blâmer souvent, on tombe bientôt en dis-
fi II LUN-YU,<br />
grâce. Si'dans les relations- d'amitié on blâme souvent<br />
don ami, on éprouvera bientôt son indifférence.<br />
CHAPITRE V,<br />
COMPOSÉ DE 27 ARTICLES.<br />
1. Le Philosophe dit que Kong-tchi-tchang (un de ses<br />
disciples) pouvait se marier, quoiqu'il fût dans les prisons,<br />
parce qu'il n'était pas criminel ; et il se maria avec<br />
la fille <strong>du</strong> Philosophe.<br />
Le Philosophe dit à Nan-young (un de ses disciples)<br />
que si le royaume était gouverné selon les principes de<br />
la droite raison, il ne serait pas [repoussé des emplois<br />
publics ; que si, au contraire, il n'était pas gouverné<br />
par les principes de la droite raison, il ne subirait aucun<br />
châtiment : et il le maria avec la fille de son frère<br />
aîné.-<br />
2. Le Philosophe dit que Tseu-tsien (un de ses disciples)<br />
était un homme d'une vertu supérieure. Si le<br />
royaume de Lou ne possédait aucun homme supérieur, "<br />
où celui-ci aurait-il pris sa vertu éminente ?<br />
3. Tseu-koung fit une question en ces termes : Que<br />
pensez-vous de moi ? Le Philosophe répondit : Vous êtes<br />
un vase. — Et quel vase? reprit le disciple. — Un vase<br />
chargé d'ornemens 1 , dit le Philosophe/<br />
4. Quelqu'un dit que Young (un des disciples de<br />
KHOUNG-TSEU) était plein d'humanité, mais qu'il était<br />
dénué des talens de la parole. Le Philosophe dit : A<br />
* Tase hou'lien, richement orné, dont on faisait usage pour mettre le grain dans le<br />
temple des ancêtres. Oo peut wirles nos 21, 22,23 (43e planche) des ?ases que fauteur<br />
de cette tra<strong>du</strong>ction a fait graver, et publier daas le 1er volume de sa Description historique,<br />
géographique et Uttfraire de Vmpire âe la Chine ; Paris, F. Dïdot, 1831.
ou us iHTmiTiiîfs PHILOSOPHIQUES. 9S<br />
quoi bon faire usage de la faculté de parler avec<br />
adresse? Les discussions de paroles que l'on a avec les<br />
hommes nous attirent souvent leur haine. Je ne sais pas<br />
s'il a les vertus de l'humanité ; pourquoi m'informeraisje<br />
s'il sait parler avec adresse ?<br />
5. Le Philosophe pensait à faire donner à Tsirtiao-kaï<br />
(un de ses disciples) un emploi dans le gouvernement<br />
Ce dernier dit respectueusement à son maître : Je suis<br />
encore tout-à-fait incapable de comprendre parfaitement<br />
les doctrines que vous nous enseignez. Le Philosophe<br />
fat ravi de ces paroles.<br />
6. Le Philosophe dit : La voie droite (sa doctrine) n'est<br />
point fréquentée. Si je me dispose à <strong>mont</strong>er un bateau<br />
pour aller en merf celui qui me suivra, n'est-ce pas Yeou<br />
(surnom de TseuAou) ? Tseu-lou entendant ces paroles,<br />
fut ravi de joie. Le Philosophe dit : Yêouf vous me surpassez<br />
en force et en audace, mais non en ce qui consiste<br />
à saisir la raison des actions humaines.<br />
7. Meng-wou-pe (premier ministre <strong>du</strong> royaume de<br />
Lou) demanda si Tseu-lou était humain. Le Philosophe<br />
dit: Je l'ignore. Ayant répété sa demande, le Philosophe<br />
répondit : S'il s'agissait de commander les forces militaires<br />
d'un royaume de mille chars, Tseurlouen serait<br />
capable ; mais je ne sais pas quelle est son humanité.<br />
— EtKieou, qu'en faut-il penser? Le Philosophe dit:<br />
Kieou? s'il s'agissait d'une ville de mille maisons, ou<br />
d'une famille de cent chars, il pourrait en être le gouverneur<br />
: je ne sais pas quelle est son humanité.<br />
— Et Tchi (un des disciples deKHOUNG-TSEU), qu'en<br />
faut-il penser? Le Philosophe dit : ïchi9 ceint d'une<br />
ceinture officielle, et occupant un poste à la cour, serait<br />
capable, par son élocution ieurief d'intro<strong>du</strong>ire et de<br />
recon<strong>du</strong>ire les hôtes : je ne sais pas quelle est son humanité.<br />
8. Le Philosophe interpella T$eu-koung> en disant :
96 M LUH-YU,<br />
Lequel de vous, ou de Hoeï9 surpasse l'autre en qualités ?<br />
[Tseu-koung] répondit avec respect : Moi Ssey comment<br />
oserais-je espérer d'égaler seulement Hoeï ? Bon n'a<br />
besoin que d'entendre une partie d'une chose pour en<br />
comprendre de suite les dix parties ; moi Sse9 d'avoir<br />
enten<strong>du</strong> cette seule partie, je ne puis en comprendre<br />
que deux [sur dix].<br />
Le Philosophe dit : Yous ne lui ressemblez pas ; je<br />
vous accorde que vous ne lui ressemblez pas.<br />
9. Tsaï-yu se reposait ordinairement sur un lit pendant<br />
le jour. Le Philosophe dit : Le bois pourri ne peut<br />
être sculpté; un mur de boue ne peut être blanchi; à<br />
quoi servirait-il de réprimander Tu ?<br />
Le Philosophe dit : Dans le commencement de mes<br />
relations avec les hommes, j'écoutais leurs paroles, et je<br />
croyais qu'ils s'y conformaient dans leurs actions.<br />
Maintenant, dans mes relations avec les hommes, !j'écoûte<br />
leurs paroles, mais j'examine leurs actions. Tsaïyu<br />
a opéré en moi ce changement.<br />
10. Le Philosophe dit : Je n'ai pas encore vu un<br />
homme qui fut iniexible dans ses principes. Quelqu'un<br />
lui répondit avec respect : Et Chin-tchang ? Le Philosophe<br />
dit : Chang est adonné au plaisir ; comment serait-il<br />
iniexible dans ses principes ?<br />
11. Tseurkaung dit : Ce que je ne désire pas que les<br />
hommes me fassent, je désire également ne pas le faire<br />
aux autres hommes. Le Philosophe dit : Sse, vous n'avez<br />
pas encore atteint ce point de perfection.<br />
12. Tseu-koung dit : On peut souvent entendre parler<br />
notre maître sur les qualités et les talens nécessaires<br />
pour faire un homme parfaitement distingué ; mais il est<br />
bien rare de l'entendre -discourir sur la nature de<br />
l'homme et sur la raison céleste.<br />
13. Tseu4ou avait enten<strong>du</strong> (dans les enseignemens de<br />
son maître) quelque maxime morale qu'il n'avait pas en-
OU LES BNTRITIEKS tHILOSOPHIQUBS. 07<br />
core pratiquée ; il craignait d'en entendre encore de<br />
semblables,<br />
14. Tsen-koung fit une question en ces termes : Pourquoi<br />
Khoung-wên-tsêw est-il appelé lettré 9 ou d'une<br />
é<strong>du</strong>cation distinguée (wen) ? Le Philosophe dit : 11 est intelligent,<br />
et il aime Fétude ; il ne rougit pas d'interroger<br />
ses inférieurs (pour en recevoir d'utiles '^informations)<br />
;" c'est pour cela qu'il est appelé lettré ou d'une<br />
é<strong>du</strong>cation distinguée,<br />
15. Le Philosophe dit que Tsevr-tchan (grand de l'état<br />
de Tching) possédait les qualités, au nombre de<br />
quatre, d'un homme supérieur ; ses actions étaient empreintes<br />
de gravité et de dignité ; en servant son supérieur,<br />
il était respectueux ; dans les soins qu'il prenait<br />
pour la subsistance <strong>du</strong> peuple, il était plein de bienveillance<br />
et de sollicitude ; dans la distribution des emplois<br />
publics, il était juste et équitable.<br />
16. Le Philosophe dit : Ngam^ping-tchoung (grand de<br />
l'état de Thsi) savait se con<strong>du</strong>ire parfaitement dans ses<br />
relations avec les hommes; après un long commerce<br />
avec lui, les hommes continuaient à le respecter.<br />
17. Le Philosophe dit : Tchamg-wefir-tchoung (grand<br />
<strong>du</strong> royaume de Lou) logea une grande tortue dans une<br />
demeure spéciale, dont les sommités représentaient des<br />
<strong>mont</strong>agnes, et les poutres, des herbes marines. Que<br />
doit-on penser de son intelligence?<br />
18. Iseu-tchang fit une question en ces termes : Le<br />
mandarin Tseu-wm fut trois fois promu aux fonctions<br />
de premier ministre (ling-yin)9 sans manifester de la<br />
joie, et il perdit par trois fois cette charge sans <strong>mont</strong>rer<br />
aucun regret. Comme ancien premier ministre, il se fit<br />
un devoir d'instruire de ses fonctions le nouveau premier<br />
ministre. Que doit-on penser de cette con<strong>du</strong>ite?<br />
Le Philosophe dit qu'elle fut droite et parfaitement<br />
honorable. [Le disciple] reprit : Était-ce de l'humanité?<br />
9
96 Ml LUIT-YU,<br />
[Le Philosophe] répondit : Je ne le sais pas encore:<br />
pourquoi [dans sa con<strong>du</strong>ite toute naturelle] vouloir<br />
trouver la grande vertu de l'humanité?<br />
Tsouï-tseu (grand <strong>du</strong> royaume de Th§i)9 ayant assassiné<br />
le prince de Thsis Tchin-wetiriseu K également grand<br />
dignitaire, tarfou, de l'état de Tksi), qui possédait dii<br />
quadriges (ou quarante chevaux de guerre), s'en défit, et<br />
se retira dans un autre royaume. Lorsqu'il y fut arrivé<br />
il dit : ce Ici aussi il y a des grands comme notre Tsouïfteu.<br />
» 11 s'éloigna de là, et se rendit dans un autre<br />
royaume. Lorsqu'il y fut arrivé, il dit encore : ce Ici<br />
aussi il y a des grands comme notre Tsouï-toeu. » Et il<br />
s'éloigna de nouveau. Que doit-on penser der cette con<strong>du</strong>ite?<br />
Le Philosophe dit : 11 était, pur. —Était-ce de<br />
l'humanité? [Le Philosophe] dit : Je ne le sais pas encore;<br />
pourquoi [dans sa con<strong>du</strong>ite toute naturelle] vouloir<br />
trouver la grande vertu de l'humanité?<br />
19. Ki-wenrtêêu (grand <strong>du</strong> royaume de Lou) réfléchissait<br />
trois fois avant _d'agir. Le Philosophe ayant enten<strong>du</strong><br />
ces paroles, dit : Deux fois peuvent suffire. '<br />
20. Le Philosophe dit : Ning~w®u~lgm (grand de l'état<br />
de Weï) tant que le royaume fut gouverné selon les<br />
principes de la droite raison, affecta de <strong>mont</strong>rer sa<br />
science} mais lorsque le royaume ne fut plus dirigé par<br />
les principes de la droite raison, alors il affecta une<br />
grande ignorance. Sa science peut être égalée; sa [feinte]<br />
ignorance ne peut pas l'être.<br />
21. Le Philosophe étant dans l'état de Tchin s'écria :<br />
Je veux m'en retourner I je veux m'en retourner 1 les<br />
disciples que j'ai dans mon pays ont de l'ardeur, de<br />
l'habileté, <strong>du</strong> savoir, des manières parfaites; mais ils ne<br />
savent pas de quelle façon ils doivent se maintenir dans<br />
la voie droite.<br />
22. Le Philosophe dit : Pe4 et Chow-tm 1 ne pensent<br />
•Déni filf è& prisée Rw-tthm*
OU US 1HTE1TI1HS PBIL0S0PH1QUB8. 9t<br />
point aux fautes que Ton a pu commettre autrefois [ si<br />
l'on a changé de con<strong>du</strong>ite] ; aussi il est rare que le peuple<br />
éprouve des ressentimens contre eux.<br />
23. Le Philosophe dit : Qui peut dire que Weï-sang-<br />
Aao était un homme droit? Quelqu'un lui ayant demandé<br />
<strong>du</strong> vinaigre, il alla en chercher chez son voisin pour le<br />
lui donner.<br />
24. Le Philosophe dit : Des paroles fleuries, des manières<br />
affectées, et un respect exagéré, voilà ce dont<br />
Tso-kietm-ming rougit. Moi KHIEOU (petit nom <strong>du</strong> Philosophe<br />
) j'en rougis également. Cacher dans son sein<br />
de la haine et des ressentimens en faisant des démonstrations<br />
d'amitié à quelqu'un, voilà ce d'ont T§o-kimw~<br />
ming rougit. Moi KHIEOU, j'en rougis également.<br />
25. Yen-youan et Kirlou étant à ses côtés, le Philosophe<br />
leur dit : Pourquoi l'un et l'autre ne m'exprimezvous<br />
pas votre pensée? T$eu~lou dit : Moi, je désire des<br />
chars, des chevaux, des pelisses fines et légères, pour<br />
les partager avec mes amis. Quand même ils me les<br />
prendraient, je n'en éprouverais aucun ressentiment.<br />
Ten-youan dit rMoi, je désire de ne pas m'enorgueillir<br />
de ma vertu ou de mes talens, et de ne pas répandre<br />
le bruit de mes bonnes actions.<br />
Tseu-hu dit : Je désirerais entendre exprimer la pensée<br />
de notre maître. Le Philosophe dit : Je voudrais<br />
procurer aux vieillards un doux repos ; aux amis et à<br />
ceux avec lesquels on a des relations, conserver une fidélité<br />
constante ; aux enfans et aux faibles, donner des<br />
soins tout maternels *.<br />
26. Le Philosophe dit : Hélas I je n'ai pas encore vu<br />
un homme qui ait pu apercevoir ses défauts et qui' s'en<br />
soit blâmé intérieurement.<br />
27. Le Philosophe dit : Dans un village de ^dix mai-<br />
1 « laisses tenir à moi les petits enfant. » [ÊvangiU.)
100 . LE LUN-YU,<br />
sons, il doit y avoir des hommes aussi droits, aussi sincères<br />
que KHIEOU (lui-même); mais il n'y.en a point<br />
qui aime l'étude comme lui.<br />
CHAPIT1E VI,<br />
COMPOSÉ DE 28 ARTICLES»<br />
1. Le Philosophe dit : Toung peut remplir les fonctions<br />
de celui qui se place sur son siège, la face tournée<br />
vers le midi (c'est-à-dire gouverner un état).<br />
. Tchmng-k&ung (Young) dit : Et T$ang~pe-t$m? Le<br />
Philosophe dit : Il le peut; il a le jugement libre et pénétrant.<br />
• Tchmng-koung dit : Se maintenir toujours dans une<br />
situation digne de respect, et agir d'une manière grande<br />
et libérale dans la haute direction des peuples qui nous<br />
sont coniés, n'est-ce pas là aussi ce qui rend propre à<br />
gouverner? Mais si on n'a que de la libéralité, et que<br />
toutes ses actions répondent à cette disposition de caractère,<br />
n'est-ce pas manquer des conditions nécessaires<br />
et ne posséder que l'excès d'une qualité?<br />
Le Philosophe dit : Les paroles de Young sont conformes<br />
à la raison.<br />
% Ngaï-kong demanda quel était celui des disciples<br />
<strong>du</strong> Philosophe qui avait le plus grand amour de<br />
l'étude.<br />
KHOUNG-TSEU répondit avec déférence : Il y avait<br />
Faw-Aoeïqui aimait l'étude avec passion; il ne pouvait<br />
éloigner de lui Fardent désir de savoir; il ne commettait<br />
pas deux fois la même faute. Malheureusement sa<br />
destinée a été courte, et il est mort jeune. Maintenant il
OU LES IWT11I11MS PHILOSOPHIQUES. 101<br />
n'est plus * I je n'ai pas appris qu'un autre eût un aussi<br />
grand amour de l'étude.<br />
3. Tsenrhm ayant été envoyé (par le Philosophe) dans<br />
le royaume de Tcki, Yan~têêu demanda <strong>du</strong> riz pour la<br />
mère de Tseu-hoa, qui était momentanément privée de<br />
la présence de son fils. Le Philosophe dit : Donnez-luien<br />
une. mesure. Le disciple en demanda davantage. Donnez-lui-en<br />
une mesure et demie, répliqua-t-il. Yan-tseu<br />
lui donna cinq ping de riz (ou huit mesures).<br />
Le Philosophe dit: Tchi (Tsmjhhôa), en se rendant<br />
dans l'état de Th$if <strong>mont</strong>ait des chevaux fringans,<br />
portait des pelisses fines et légères ; j'ai toujours enten<strong>du</strong><br />
dire que l'homme supérieur assistait les nécessiteux,<br />
et n'augmentait pas les richesses <strong>du</strong> riche.<br />
Youan~§se (un des disciples <strong>du</strong> Philosophe) ayant été<br />
fait gouverneur d'une ville, on lui donna neuf cents me<br />
sures de riz pour ses appointemens.il les refusa.<br />
Le Philosophe dit: Ne les refusez pas; donnez-les aux<br />
habitans des villages voisins de votre demeure.<br />
4. Le Philosophe, interpellant Tchoung-houng, dit : Le<br />
petit d'une vache de couleur mêlée, qui aurait le poil<br />
jaune et des cornes sur la tête, quoiqu'on puisse désirer<br />
ne l'employer à aucun usage, [les génies] des <strong>mont</strong>agnes<br />
et des rivières le rejetteraient-ils?<br />
5. Le Philosophe dit : Quant à Boeiï, son cœur pendant<br />
trois mois ne s'écarta point de la grande vertu de<br />
l'humanité. Les autres hommes agissent ainsi pendant<br />
un jour ou un mois ; et voilà tout 1<br />
6. Ki-kang-t$eu demanda si Tehoung^yeou pourrait occuper<br />
un emploi supérieur dans l'administration publique.<br />
Le Philosophe dit : Y mu est certainement propre à<br />
occuper un emploi dans l'administration publique;<br />
pourquoi ne le serait-il pas ?—Il demanda ensuite : EtSse<br />
tfan-hôet mourut à îreniê-deax ans.
lOi M LTOf-TO,<br />
est-il propre à occuper un emploi supérieur dans l'administration<br />
publique?— Sse a un esprit pénétrant,<br />
très-propre à occuper un emploi supérieur dans l'administration<br />
publique; pourquoi non?— Il demanda encore<br />
: Kieou est-il propre à occuper un emploi supérieur<br />
dans l'administration publique?— Kieou, avec ses talens<br />
nombreux et distingués, est très-propre à occuper<br />
un emploi supérieur dans l'administration publique;<br />
pourquoi non?<br />
7. Ki-chi envoya un messager à Minrtseu-kien ( disciple<br />
de KHOUNG-TSEU), pour lui demander s'il voudrait<br />
être gouverneur de Pi. Min-tseu-kien répondit : Veuillez<br />
remercier pour moi votre maître; et s'il m'envoyait<br />
de nouveau un messager, il me trouverait certainement<br />
établi sur les bords de la rivière Wan [ hors de ses<br />
états).<br />
8. Pe-nieou (disciple de KHOUNG-TSEU) étant malade,<br />
le Philosophe demanda à le voir. 11 lui prit la main à<br />
travers la croisée, et dit : Je le perds î c'était la destinée<br />
de ce jeune homme qu'il eût cette maladie; c'était<br />
la destinée de ce jeune homme qu'il eût cette maladie<br />
î<br />
9. Le Philosophe dit : O qu'il était sage, Boeïl il avait<br />
un vase de bambou pour prendre sa nourriture, une<br />
coupe pour boire, et il demeurait dans l'humble ré<strong>du</strong>it<br />
d'une rue étroite et abandonnée ; un autre homme que<br />
lui n'aurait pu supporter ses privations et ses souffrances.<br />
Cela ne changeait pas cependant la sérénité de<br />
Hoeï: 6 qu'il était sage, Hoeït<br />
10. Yan-kieou dit : Ce n'est pas que je ne me plaise<br />
dans l'étude de votre doctrine, maître ; mais mes forces<br />
sont insuffisantes. Le Philosophe dit : Ceux dont les<br />
forces sont insuffisantes font la moitié <strong>du</strong> chemin et s'arrêtent;<br />
mais vous, vous manquez de bonne volonté.<br />
11. Le Philosophe, interpellant $Teu~hwf lui dit : Que
OU LES EWTEET1EWS PHILOSOPHIQUES. 109'<br />
TOtre savoir soit le savoir d'un homme supérieur, et non<br />
celui d'un homme vulgaire.<br />
12. Lorsque Tseu-yeou était gouverneur de la ville de<br />
Wou, le Philosophe lui dit : Avez-vous des hommes de<br />
mérite? Il répondit : Nous avons Tan-taï, surnommé<br />
Miê-ming, lequel en voyageant ne prend point de chemin<br />
de traverse, et qui, excepté lorsqu'il s'agit d'affaires<br />
publiques, n'a jamais mis les pieds dans la demeure é*<br />
Yen (Tseu^yeou),<br />
13. Le Philosophe dit : Meng-tchi-fan (grand de l'état<br />
de Lou) ne se vantait pas de ses belles actions. Lorsque<br />
l'armée battait en retraite, il était à l'arrière-garde ;<br />
mais lorsqu'on était près d'entrer en ville, il piquait<br />
son cheval et disait : Ce n'est pas que j'aie eu plus de<br />
courage que les autres pour rester en arrière, mon cheval<br />
ne voulait pas avancer.<br />
l
104 LE LUIT-YU,<br />
pes de la droite raison n'égale pas celui qui les aime;<br />
celui qui les aime n'égale pas celui qui en fait ses délices<br />
et les pratique.<br />
19. Le Philosophe dit : Les hommes au-dessus d'une<br />
intelligence moyenne peuvent être instruits dans les<br />
plus hautes connaissances <strong>du</strong> savoir humain ; les hommes<br />
au-dessous d'une intelligence moyenne ne peuvent<br />
pas être instruits des hautes connaissances <strong>du</strong> savoir<br />
humain.<br />
20. Fanr-tchi demanda ce que c'était que le savoir.<br />
Le Philosophe dit : Employer toutes ses forces pour<br />
faire ce qui est juste et convenable aux hommes ; révérer<br />
les esprits' et les génies, et s'en tenir toujours à la<br />
distance qui leur est <strong>du</strong>e : voilà ce que l'on peut appeler<br />
savoir. Il demanda ce que c'était que l'humanité*<br />
L'humanité [dit le Philosophe], c'est ce qui est d'abord<br />
difficile à pratiquer, et que l'on peut cependant acquérir<br />
par beaucoup d'efforts : voilà ce qui peut être appelé<br />
humanité» *<br />
21. ,Le Philosophe dit : L'homme instruit est [comme]<br />
une eau limpide qui réjouit; l'homme- humain est<br />
[comme] une <strong>mont</strong>agne qui réjouit. L'homme instruit a<br />
en lui un grand principe de mouvement ; l'homme humain<br />
un principe de repos. L'homme instruit a en lui<br />
des motifs 1 instantanés de joie ; l'homme humain a pour<br />
lui l'éternité.<br />
22. Le Philosophe dit : L'état de Tksi, par un changement<br />
ou une révolution, arrivera à la puissance de<br />
l'état de Lou; l'état de Louf par une révolution, arrivera<br />
au gouvernement de la droite raison.<br />
23. Le Philosophe dit : Lorsqu'une coupe à anses a<br />
per<strong>du</strong> ses anses, est-ce encore une coupe à anses, est-ce<br />
encore une coupe à anses?<br />
24. Tsal-ngo It une question en ces termes : Si un<br />
homme plein de la vertu de l'humanité se trouvait in-
OC LES 1HT11T1EHS PHILOSOPHIQUES. iûtl<br />
terpellé en ces mots : « Un homme est tombé dans un<br />
puits,. » pratiquerait-il la vertu de l'humanité, s'il l'y<br />
suivait? Le Philosophe dit : Pourquoi agirait-il ainsi?<br />
Dans ce cas l'homme supérieur doit s'éloigner; il ne<br />
doit pas se précipiter lui-même dans le puits; il ne doit<br />
point s'abuser sur l'éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> devoir, qui ne l'oblige<br />
point à perdre la vie [pour agir contrairement aux principes<br />
de la raison].<br />
25. Le Philosophe dit : L'homme supérieur doit appliquer<br />
toute son étude à former son é<strong>du</strong>cation, à acquérir<br />
des connaissances ; il doit attacher une grande<br />
importance aux rites ou usages prescrits. En agissant<br />
ainsi, il pourra ne pas s'écarter de la droite raison.<br />
26. Le Philosophe ayant fait une visite à Nan-tsm<br />
(femme de Ling-koung9 prince de l'état de Weï), Jktilou<br />
n'en fut pas satisfait. KHOUNG-TSEU s'inclina en<br />
signe de résignation, et dit : « Si j'ai mal agi, que le ciel<br />
» me rejette, que le ciel me rejette. »<br />
27. Le Philosophe dit : L'invariabilité dans le milieu<br />
est ce qui constitue la vertu ; n'en est-ce pas le faite<br />
même? Les hommes rarement y persévèrent.<br />
28. Tsêu-koung'dit : S'il y avait un homme qui manifestât<br />
une extrême bienveillance envers le peuple, et<br />
ne s'occupât que <strong>du</strong> bonheur de la multitude, qu'en<br />
faudrait-il penser ? pourrait-on l'appeler homme doué<br />
de la vertu de l'humanité? Le Philosophe dit : Pourquoi<br />
se servir [pour le qualifier] <strong>du</strong> mot humanité? ne serait-il<br />
pas plutôt un saint ? Tao et Chun sembleraient<br />
même bien au-dessous de lui.<br />
L'homme qui a la vertu de l'humanité désire s'établir<br />
lui-même, et ensuite établir les autres hommes ; il désire<br />
connaître les principes des choses, et ensuite les faire<br />
connaître aux autres hommes.<br />
Avoir assez d'empire sur soi-même pour juger des autres<br />
par comparaison avec nous, et agir envers eux
UNI M LUN-YU,<br />
comme nous voudrions que l'on agit envers nous-même,<br />
t'est ce que Ton peut appeler la doctrine de l'humanité;<br />
i n'y a rien au-delà.<br />
CHAPITRE ¥11,<br />
COMPOSÉ DE 37 ARTICLES.<br />
i. Le Philosophe dit : Je commente, j'éclairas (les<br />
anciens ouvrages), mais je n'en compose pas de nouveaux.<br />
J'ai foi dans les anciens, et je les aime ; j'ai la plus<br />
haute estime pour notre Lao-pang*.<br />
2. Le Philosophe dit : Méditer en silence et rappeler<br />
à sa mémoire les objets de ses méditations ; se livrer à<br />
l'étude9 et ne pas se rebuter; instruire les hommes, et<br />
ne pas se laisser abattre : comment p,arviendrai-je à<br />
posséder ces vertus ?<br />
3. Le Philosophe dit : La vertu n'est pas cultivée;<br />
l'étude n'est pas recherchée avec soin ; si Ton entend<br />
professer des principes de justice et d'équité, on ne veut<br />
pas les suivre; les médians et les pervers ne veulent pas<br />
se corriger : voilà ce qui fait ma douleur î<br />
4. Lorsque le Philosophe se trouvait chez lui, sans<br />
préoccupation d'affaires, que ses manières étaient<br />
douces et persuasives ! que son air était affable et prévenant<br />
1<br />
5. Le Philosophe dit : O combien je suis déchu de<br />
moi-même! depuis long-temps, je n'ai plus vu en songe<br />
Tchmu-koung 1 *<br />
6. Le Philosophe dit : Que la pensée soit constamment<br />
liée sur les principes de la droite voie;<br />
' Sage, ia-fou, de la dynastie des Chang,<br />
* Yoyez notre Ducription de la Chine, 1.1, p. 84 et sait •
OU LIS BHTMTIIHS PHILOSOPHIQUES, tff<br />
Que l'on tende sans cesse à la vertu de l'humanité;<br />
Que Ton s'applique, dans les momens de loisir, à la<br />
culture des arts 1 .<br />
7. Le Philosophe dit : Dès l'instant qu'une personne<br />
est venue me voir, et m'a offert les présens d'usage 2 , je<br />
n'ai jamais manqué de l'instruire.<br />
8. Le Philosophe dit : Si un homme ne fait aucun efc<br />
fort pour développer son esprit, je ne le développerai<br />
point moi-même. Si un homme ne veut faire aucun<br />
usage de sa faculté de parler, je ne pénétrerai pas le<br />
sens de ses expressions ; si, après avoir fait connaître<br />
l'angle d'un carré, on ne sait pas la dimension de»<br />
trois autres angles, alors je ne renouvelle pas la démonstration.<br />
9. Quand le Philosophe se trouvait à table avec une<br />
personne qui éprouvait des chagrins delà perte de quelqu'un,<br />
il ne pouvait manger pour satisfaire son appétit<br />
Le Philosophe, dans ce jour (de deuil ) se livrait luimême<br />
à la douleur, et il ne pouvait chanter.<br />
10. Le Philosophe, interpellant Yen-youan, lui dit :<br />
Si.on nous emploie dans les fonctions publiques, alors<br />
nous remplissons notre devoir ; si on nous renvoief alors<br />
nous nous reposons dans la vie privée. Il n'y a que vous<br />
et moi qui agissions ainsi.<br />
'Tseu-Um dit : Si vous con<strong>du</strong>isiez trois corps d'armée<br />
ou Kiun de douze mille cinq cents hommes chacun, lequel<br />
de nous prendriez-vous pour lieutenant?<br />
Le Philosophe dit : Celui qui de ses seules mains nous<br />
engagerait au combat avec un tigre; qui, sans motife,<br />
voudrait passer un fleuve à gué; qui prodiguerait<br />
sa vie sans raison et sans remords : je ne voudrais<br />
pas ïe prendre pour lieutenant II me faudrait un homme<br />
* Ces arts sont, selon le Commentaire, les rites, la musique, Fart d« tirer de fitc,<br />
l'équitation, l'écriture ei l'arithmétique.<br />
* Des morceaux de iriaade salée et sécbéê au soleil.
108 LE LUN-YU,<br />
qui portât une vigilance soutenue dans la direction des<br />
affaires ; qui aimât à former des plans et à les mettre à<br />
exécution.<br />
11. Le Philosophe dit : Si, pour acquérir des richesses<br />
par des moyens honnêtes, il me fallait faire un vil<br />
métier, je le ferais ; mais si les moyens n'étaient pas<br />
honnêtes, f aimerais mieux m'appliquer à ce que j'aime.<br />
12. Le Philosophe portait la plus grande attention sur<br />
l'ordre, la guerre et la maladie.<br />
• 13. Le Philosophe étant dans le royaume de Thsi9<br />
entendit la musique nommée Tchm (de Chun). Il en<br />
éprouva tant d'émotion, que pendant trois lunes il ne.<br />
connut pas le goût des alimens. Il dit : Je ne me figure<br />
pas que depuis la composition de cette musique on soit<br />
jamais arrivé à ce point de perfection.<br />
14. Yen-yeou dit : Notre maître aidera-t-il le prince<br />
de Weil Tsm-kmng dit : Pour cela, je le lui demanderai.<br />
• •<br />
11 entra (dans l'appartement de son maître), et dit :<br />
Que pensez-vous de Pe-t" et de Chôu-tsi? Le Philosophe<br />
dit : Ces hommes étaient de véritables sages de l'antiquité.<br />
Il ajouta : N'éprouvèrent-ils aucun regret? — Ils<br />
cherchèrent à acquérir la vertu de l'humanité, et ils obtinrent<br />
cette vertu : Pourquoi auraient-ils éprouvé des<br />
regrets?En sortant (Tseurhoung) dit: Notre maître n'assistera<br />
pas (le prince de Wei).<br />
15. Le Philosophe dit : Se nourrir d'un peu de riz,<br />
boire de l'eau, n'avoir que son bras courbé pour appuyer<br />
sa tête, est un état qui a aussi sa satisfaction.<br />
Etre riche et honoré par des moyens iniques, c'est pour '<br />
moi comme le nuage flottant qui passe.<br />
16. Le Philosophe dit : S'il m'était accordé d'ajouter<br />
à mon âge de nombreuses années, j'en demanderais cinquante<br />
-pour étudier le Y-king9 afin que je pusse me<br />
rendre exempt de fautes graves.
OU LES ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES. 109<br />
17. Les sujets dont le Philosophe parlait habituelle-:<br />
ment étaient le Livre des Vers, le Livre des Annales et le<br />
Livre des Mites, C'étaient les sujets constans de ses entretiens.<br />
18. Ye-kong interrogea Tseu-lou sur KHOUNG-TSEU.<br />
Tseu-lou ne lui répondit pas.<br />
Le Philosophe dit : Pourquoi ne lui avez-vous pas<br />
répon<strong>du</strong>? C'est un homme qui, par tous les efforts qu'il<br />
fait pour acquérir la science, oublie de prendre de la •<br />
nourriture; qui, par la joie qu'il éprouve de Favoir acquise,<br />
oublie les peines qu'elle lui a causées, et qui ne<br />
s'inquiète pas de l'approche de la vieillesse. Je vous en<br />
instruis.<br />
19. Le Philosophe dit : Je ne naquis point-doué de la<br />
science. Je suis un homme qui a aimé les anciens, et qui<br />
a fait tous ses efforts pour acquérir leurs connaissances.<br />
20. Le Philosophe ne parlait dans ses entretiens ni<br />
des choses extraordinaires, ni de la bravoure, ni des<br />
troubles civils, ni des esprits.<br />
21. Le Philosophe dit : Si nous sommes trois qui voyagions<br />
ensemble, je trouverai nécessairement deux instituteurs<br />
[dans mes compagnons de voyage] ; je choisirai<br />
l'homme de bien pour l'imiter, et l'homme pervers<br />
pour me corriger.<br />
22. Le Philosophe dit : Le ciel a fait naître la vertu<br />
en moi ; que peut donc me faire Hoan-iouï?<br />
23. Vous, mes disciples, tous tant que vous êtes,<br />
croyez-vous que j'aie pour vous des doctrines cachées?<br />
Je n'ai point de doctrines cachées pour vous. Je n'ai<br />
rien fait que je ne vous Taie communiqué, ô mes disciples<br />
I C'est la manière d'agir de KHïEOU ( de lui-même ).<br />
24. Le Philosophe employait quatre sortes d'enseignemens<br />
: la littérature, la pratique des actions vertueuses,<br />
la droiture ou la sincérité, et la fidélité.<br />
25. Le Philosophe dit : Je ne puis parvenir à voir un<br />
10
saint homme ; tout ce que je puis, c'est de voir un sage.<br />
Le Philosophe dit ; Je ne puis parvenir 4 voir un<br />
homme véritablement vertueux; tout ce que je put^,<br />
c'est de parvenir à voir un homme constant et ferip§<br />
dans ses idées.<br />
Manquer de tout, et agir comme si Fou possédait avec<br />
abondance; être vide, et se <strong>mont</strong>rer plein ; être petit,<br />
et se <strong>mont</strong>rer grand, est up rôle difficile jl soutenir<br />
constamment.<br />
26. Le Philosophe péchait quelquefois | l'hameçon,<br />
mais non au filet ; il chassait aux oiseau^ avec une fiè^<br />
chet niais non avec des pièges.<br />
27. Le Philosophe dit : Comment se trouve-t-il clef<br />
hommes qui agissent sans savoir ce qu'ils font ? je ne<br />
voudrais pas me comporter ainsi. 11 faut écouter les avis<br />
de beaucoup de personnes, choisir ce que ces avis ont<br />
de bon et le suivre; voir beaucoup et réfléchir mûrement<br />
sur ce que l'on a vu ; c'est le second pas de la connaissance.<br />
28. Les Heow-hiang (habitans d'un pays ainsi nommé)<br />
étaient difficiles à instruire. Un de leurs jeunes gens<br />
étant venu visiter les disciples <strong>du</strong> Philosophe, ils déli-r<br />
bérèrent s'ils le recevraient parmi eux.<br />
Le Philosophe dit : Je Fai admis à entrer [au nombre<br />
de mes disciples] ; je ne Fai pas admis à s'en aller. D'où<br />
vient cette opposition de votre part? cet homme s'est<br />
purifié, s'est renouvelé lui-même afin d'entrer à moi}<br />
école; louez-le de s'être ainsi purifié ; je ne réponds pas<br />
de ses actions passées ou futures.<br />
29. Le Philosophe dit : L'humanité est-elle si éloignée<br />
de nous 1 je désire posséder l'humanité, et l'humanité<br />
vient à moi.<br />
30. Le juge <strong>du</strong> royaume de Tchin demanda si Tchaokong<br />
connaissait les rites. KHOUNG-TSEU dit : Il connaît<br />
les rites.<br />
KHOUHG-TSED s'étant éloigné, [le juge] palua On-
OU LES IHTlBtîlti PttLOSÔFHIftCES. Mi<br />
ifto-JK, et le faisant entrer, il lui dit t J'ai enten<strong>du</strong> dire<br />
que l'homme supérieur rie donnait pas son assentiment<br />
aux fautes des autres ; cependant lin tomnie supérieur<br />
y a dotlné son assentiment. Lé prince s'est marié avec<br />
titte femme de la famille Gt#-, tltt mente nom que le sien,<br />
et il Fa appelée Ou-memg-tsm. Un prince doit connaître<br />
les rites et coutumes : pourquoi, lui, ne les connaît-il pas î<br />
Ôu-fba-ki avertit le Philosophe, qui s'écria : Que<br />
KttiEotr est heureux 1 s'il commet une faute, les hommes<br />
sont sûrs de la connaître.<br />
3t. Lorsque le Philosophe se trouvait avec quelqu'un<br />
qui savait bien fehanter, il l'engageait à chanter la<br />
même pièce une seconde fbi§, et il l'accompagnait de la<br />
voix.<br />
32. Le Philosophe dit : En littérature, je ne suis pas<br />
l'égal d'autres hommes. Si je veux que mes actions soient<br />
celles d'un homme supérieur, alors je ne puis jamais<br />
atteindre à la perfection.<br />
33. Le Philosophe dit : Si je pense à un homme qui<br />
réunisse la sainteté à la vertu de l'humanité, comment<br />
oserais-je me comparer â lui-! Tout ce que je sais, c'est<br />
que je m'efforce de pratiquer ces vertus sans me rebuter,<br />
et de les enseigner aux autres sans me décourager et me<br />
laisser abattre. C'est là tout ce que je vous puis dire de<br />
tooi. Kmg-n-'hou dit : Il est juste d'ajouter que nous, vos<br />
disciples, nous ne pouvons pas iûême apprendre ces<br />
choses.<br />
31. Le Philosophe étant très-^nalade, Iheu-léu le pria<br />
de permettre à Ses disciples d'adresser pour lui leurs<br />
prières l aux esprits et aux gêniez Lfe Philosophe dit :<br />
Cela convient-il î Tscu-lou répondit avec respect : Cela<br />
convient. 11 est dit dans le livre intitulé Lotit : « Àdres*<br />
* Le mot ektsofs, selon te commentateur, implique l'idée êêtitêt h ma m êman*<br />
eer dans la vertu mec l'assistance des esprits. Si Foa s'a aucun motif de prier, alors<br />
l'on ned0itpa§j»mr.
112 LB LUIf-YU,<br />
» sezTOS prières aux esprits et aux génies d'en haut et<br />
» d'en bas [ <strong>du</strong> ciel et de la terre]. » Le Philosophe dit :<br />
La prière de KeiEOU [la sienne] est permanente.<br />
35. Le Philosophe dit : Si Ton est prodigue et adonné<br />
au luxe, alors on n'est pas soumis. Si Ton est trop parcimonieux,<br />
alors on est vil et abject. La bassesse est cependant<br />
encore préférable à la désobéissance.<br />
36. Le Philosophe dit : L'homme supérieur a de Féquanimité<br />
et de la tranquillité d'âme. L'homme vulgaire<br />
éprouve sans cesse <strong>du</strong> trouble et de l'inquiétude.<br />
37. Le Philosophe était d'un abord aimable et prévenant<br />
; sa gravité sans roideur et la dignité de son maintien<br />
inspiraient <strong>du</strong> respect sans contrainte.<br />
CHAPITRE Vffl,<br />
COMPOSÉ DE 21 ARTICLES.<br />
1. Le Philosophe dit : C'est Tiïi-pé* qui pouvait être<br />
appelé souverainement vertueux! on ne trouvait rien<br />
à ajouter à sa vertu. Trois fois il refusa l'empire, et le<br />
peuple ne voyait rien de louable dans son action désintéressée.<br />
2. Le Philosophe dit : Si la déférence et le respect envers<br />
les autres ne sont pas réglés par les rites ou l'é<strong>du</strong>cation,<br />
alors ce n'est plus qu'une chose fastidieuse ; si la<br />
vigilance et la sollicitude ne sont pas réglées par l'é<strong>du</strong>cation,<br />
alors ce n'est qu'une timidité outrée ; si le courage<br />
viril n'est pas réglé par l'é<strong>du</strong>cation, alors ce n'est<br />
que de l'insubordination; si la droiture n'est pas réglée<br />
par l'é<strong>du</strong>cation, alors elle entraîne dans une grande<br />
confusion.<br />
Si ceux qui sont dans une condition supérieure trai-<br />
^ » Fils aîné de T&ï-wang, des TeMm,
OU M* lïffaiTîlHS raiLOSOPBIllUlS. 113<br />
tent leurs parens comme ils doivent l'être, alors le peuple<br />
s'élèvera à la vertu de l'humanité. Pour la même raison, •<br />
s'ils ne négligent et n'abandonnent pas leurs anciens<br />
amis, alors le peuple n'agira pas d'une manière contraire.<br />
3. Thsêmg-tsm étant dangereusement malade, fit venir<br />
auprès de lui ses disciples, et leur dit : Découvrez-moi<br />
les pieds, déeouvréz-moi les mains. Le Livre -dm Vers<br />
dit:<br />
« Ayez la même crainte et la même circonspection<br />
» Que si vous contempliez sous vos yeux un abîme<br />
» profond,<br />
» Que si vous marchiez sur une glace fragile î » Maintenant<br />
ou plus tard, je sais que je dois vous quitter, mes<br />
chers disciples.<br />
4. Thsing-tseu étant malade, Meng-king~Ueu (grand<br />
<strong>du</strong> royaume de Lou) demanda des nouvelles de sa santé.<br />
Thséng-Uew prononça ces paroles : a Quand l'oiseau est<br />
» près de mourir, son chant devient triste ; quand<br />
» l'homme est près de mourir, ses paroles portent<br />
» l'empreinte de la vertu. »<br />
Les choses que l'homme supérieur met au-dessus de<br />
tout dans la pratique de la raison, sont au nombre<br />
de trois : dans sa démarche et dans son attitude, il<br />
a soin d'éloigner tout ce qui sentirait la brutalité et la<br />
rudesse ; il fait en sorte que la véritable expression de<br />
sa figure représente autant que possible la réalité et la<br />
sincérité de ses sentimens ; que dans les paroles qui<br />
lui échappent de la bouche et dans l'intonation de sa<br />
voix, il éloigne tout ce qui pourrait être bas ou vulgaire<br />
et contraire à la raison. Quant à ce qui concerne<br />
les vases en bambous [choses moins importantes], il<br />
faut que quelqu'un préside à leur conservation.<br />
5. Th§êng-$seu dit : Posséder la capacité et les talens,<br />
et prendre avis de ceux qui en sont dépourvus; avoir<br />
10.
m tk tiftr-Jft)<br />
bëâWWuf •, m prèftère atis de tett 'fùî VeWi irteà; 4trè<br />
riche, et se Comporter 'isuttittie si l'oïi était pauvre; êfrô<br />
piefo, et pmttoe ?iêô ou dén^é de tout; se laisser offense<br />
san) Bit téwwgner dm ressentiment : autrefois j'ava»<br />
un ami qui se con<strong>du</strong>isait ainsi dans la vie.<br />
i. Th$êwq-t$m dit : L'hoeMïiè à qui Ton peut couler<br />
M Jeu» ©rpheliti de six palmes ( feAt ) de haut *, à qui<br />
l'on peut remettre Vadttiifstrafkm et le commandement<br />
d'un royaume de cent li d'éten<strong>du</strong>e, et qui, lorsque ap*<br />
paraît un grand déchirement politique, «e se laisse pas<br />
arrachei*
OU LES BNTRBf ïlfl MftOSOPHIQUBS. Ml<br />
êùkè de la liante et dès talent de J%ftam~fottity, mais<br />
qu'il soit en inertie temps hautaitt et d'une avarice wt^.<br />
aide, ce ifUi lui reste de «e& qualités ne vaut pas b p^fiit<br />
qu'on y fasse attention.<br />
12. Le Philosophe dit : 11 n'est pas feeile dé trouver<br />
utoe personne qui pendant trois anttéeê te livre constamment<br />
à Tétude [de M sagesse] sans avoir m vue les éûrohtteëns<br />
qu'il peut en retirer.<br />
13. Le Philosophe dit : Gelai qtti a titue foi inébranlable<br />
dans la vérité, et qui aime l'étude «vec passion,<br />
conserve jusqu'à la mort lefe principes de lâ vertu, qui<br />
en sont la conséquence.<br />
Si un état se trouve en danger dfe nêvoktfcti {par<br />
suite de son mauvais gouvernement], n'allez pas le visiter;<br />
un pays qui est litre au désordre he peut pas y<br />
rester. Si un empire se trouvé gouverné par les principes<br />
de la droiture et de la tafeon, ailes le visiter; s'il<br />
n'est pas gouverné par les priti%ipés de ta raison, restez<br />
ignorés dans la retraite et la solitude.<br />
Si un état est gouverné par tes principes de la raison,<br />
la pauvreté et la misère sont un sujet de honte; si<br />
un état n'est pas gouverné par les principes de la raison,<br />
la richesse et les honneurs sont alors les sujets de<br />
honte*.<br />
îk Le Philosophe dit : Si vous n'occupez pas des<br />
fonctions dans un gouvernement, ne donnez pas votre<br />
avis sur son administration.<br />
15. Le Philosophe dit : Gomme fe chef de musique<br />
nommé îbW, dans son chant qui commence par ces<br />
mots : Kouan-tsiu-tchi-loum, avait su charmer l'oreiHe<br />
par la grâce et la mélodie I<br />
16. Le Philosophe dit : Être courageux et hardi sans<br />
droiture, hébété sans attention, inepte sans sincérité;<br />
je ne connais pas de tels caractères.<br />
* Ces admirables principe! n'ont pas besoin de commentaires.
116 LE uriMro,<br />
17. Le Philosophe dit : Étudiez' toujours comme si<br />
vous ne pouviez jamais atteindre [au sommet de la<br />
science], comme si vous craigniez de perdre le fruit de<br />
vos études.<br />
18. Le Philosophe dit : O quelle élévation, quelle sublimité<br />
dans le gouvernement de Chun et de Tul et cependant<br />
il n'était encore rien à leurs yeux.<br />
19. Le Philosophe dit : O qu'elle était grande la con<strong>du</strong>ite<br />
de Yao dans l'administration de l'empire I qu'elle<br />
était élevée et sublime ! il n'y a que le ciel qui pouvait<br />
l'égaler en grandeur ; il n'y a que Yao qui pouvait imiter<br />
ainsi le ciel I Ses vertus étaient si vastes et si profondes,<br />
que le peuple ne trouvait point de noms pour leur donner!<br />
O quelle grandeur 1 quelle sublimité dans ses actions<br />
et ses mérites î et que les monumens qu'il a laissés de<br />
sa sagesse sont admirables I<br />
20. Chun avait cinq, ministres ; et l'empire était bien<br />
gouverné.<br />
Wou-wang disait : J'ai pour ministres dix hommes<br />
d'état habiles dans Fart de gouverner.<br />
KHOUNG-TSEU dit : Les hommes de talent, sont rares<br />
et difficiles à trouver; n'est-ce pas la vérité? A partir<br />
de l'époque de Chang {Yao) et de Yu {Chun) jusqu'à<br />
ces ministres (de Wou^wang), pleins de mérites, il y a<br />
eu une femme, ainsi que neuf hommes de talent; et<br />
voilà tout<br />
De trois parties qui formaient l'empire ( Wm^mang )<br />
en eut deux, avec lesquelles il continua à servir la dynastie<br />
de Yn. La vertu <strong>du</strong> fondateur de la dynastie des<br />
Tcheou peut être appelée une vertu sublime.<br />
21.^ Le Philosophe dit : Je ne vois aucun défaut dans<br />
Yu!^ il était sobre dans le boire et le manger, et souverainement<br />
pieux envers les esprits et les génies. Ses<br />
vêtemens ordinaires étaient mauvais et grossiers ; mais
OU LES ÉWTESTIMfS PHILOSOPHIQUE!. 117<br />
comme ses robes et ses autres habillemens de cérémonies<br />
étaient beaux et parés ! Il habitait une humble demeure;<br />
mais il employa tous ses efforts à faire élever des digues<br />
et creuser des canaux pour l'écoulement des eaux. Je ne<br />
vois aucun défaut dans Tu.<br />
CHAPITRE IX,<br />
COMPOSÉ DE 30 ARTICLES.<br />
1. Le Philosophe parlait rarement <strong>du</strong> gain, <strong>du</strong> destin<br />
[ou mandat <strong>du</strong> ciel, ming] et de Fhumanité [la plus<br />
grande des vertus].<br />
2. Unhomme<strong>du</strong>villagedeJa-Àtangrdit : QUCKHOUNG-<br />
TSEU est grandi cependant ce n'est pas son vaste savoir<br />
qui a fait sa renommée.<br />
Le Philosophe ayant enten<strong>du</strong> ces paroles, interpella<br />
ses disciples en leur disant : Que dois-je entreprendre<br />
de faire? Prendrai-je l'état de voiturier ou apprendraije<br />
celui d'archer? Je serai voiturier.<br />
3. Le Philosophe dit : Autrefois on portait un bonnet<br />
d'étoffe de lin, pour se conformer aux rites; maintenant<br />
on porte un bonnet de soie comme plus économique ;<br />
je veux suivre la multitude. Autrefois on s'inclinait respectueusement<br />
au bas des degrés de la salle de réception<br />
pour saluer son prince, en se conformant aux rites;<br />
maintenant on salue en haut des degrés. Ceci est de<br />
l'orgueil. Quoique je m'éloigne en cela de la multitude,<br />
je suivrai le mode ancien.<br />
4. Le Philosophe était complètement exempt de quatre<br />
choses : il était sans amour-propre, sans préjugés,<br />
sans obstination et sans égoïsme.
& Le Philotôpltë éprouva des inqliiéttideS et des<br />
frayeurs à Koumng. 11 dit : Wm-wang n'est plus; la mise<br />
en luttiière dfe là pdré doctrine lie dèpénd^elle pas maintenais<br />
de tndi?<br />
Si le ciel avait résolu de laisser périt cette doctrine,<br />
ceux qui ont succédé à Wen-vaang, qui n'est plus, n'auraient<br />
pas eu la faculté de la faire revivre et de lui<br />
rendre son ancien éclat. Le ciel ne veut donc pas que<br />
cette doctrine périsse. Que me veulent donc les hommes<br />
de Kouang ?<br />
6. Un Taï~t$aïf ou grand fonctionnaire public, interrogea<br />
un jour fseU'koung en ces termes ; Votre maître<br />
est-il un saint? N'a-t-il pas un grand nombre de<br />
tttlens?<br />
ïsm-èeûng dit : Certainement le ciel lui ft départi<br />
presque tout ce qui constitue la sainteté, et, en outre »<br />
un grand notiabre de talens.<br />
Le Philosophe -ayant enten<strong>du</strong> parler de ces propos,<br />
dit : Ce grand fonctionnaire me connait-il? Quand j'é-*<br />
tais petit, je me suis trouvé dans des circonstances pénibles<br />
et difficiles; c'est pourquoi j'ai acquis un grand<br />
nombre de talens pour la pratique des affaires vulgaires.<br />
L'homme supérieur possède-t-il un grand nombre de ces<br />
talens? Non, il n'en possède pas un grand nombre.<br />
Lao (un des disciples de KnouKG-tSttu) dit : Le Philosophe<br />
répétait souvent : t< le ne fas pas employé jeune<br />
» dans les charges publiques; c'est pourquoi je m'ap-<br />
» pli
OU LES EMTBlTepfS PBU.OSOPHIQUBS. |||<br />
8. Le Philosophe dit ; L'oiseau nompé Fmng ou<br />
Famç-ling ne vient pas, le leuve ne fait pas sortir de<br />
pp sçin le [tableau sur lequel est ïguré le dragon]. C'en<br />
est fait de moi.<br />
9. Lorsque le Philosophe voyait quelqu'un en habits<br />
de deuil, ou portant le bonnet et la robe de magistrat,<br />
ou ayeugle, quand pêpe il eût été plus jeune que lui,<br />
il se levait à son approche [s'il se trouvait ^sgis]. S'il<br />
passait devant lui assis, le Philosophe accélérait le pas.<br />
10. Yen*y<br />
Si je voulais p'arrêter, je pe le pouvais pp. Qu^pd<br />
j'avais épuisé toutes mes forces, [cette doctrine] étfpt<br />
toujours là comme i*ée devant ppi à une certaine distance.<br />
Quoique j'aie désiré ardeppent de ratteindfre,<br />
je n'ai pu y parvenir.<br />
11. Le Philosophe étant trèfih-pftlpdo» Tmurhu }uj envoya<br />
un disciple pour lui servir de pinfctre.<br />
Dans un intervalle [de souffrances] que lui laissa 1&<br />
maladie, le Philosophe dit : N'y a-t-il pas d^jà long-?<br />
temps que Yecnt {fseu-lou) se cop<strong>du</strong>jt d'upe panière<br />
peu conforme à la raison? Je n'ai pas de piastres, et<br />
cependant j'ai quelqu'un qui en fait les fonction^ ; qui<br />
trompfr-je, de moi ou <strong>du</strong> cipl ?<br />
Plutôt qm ûP wûurir pnfrp l#§ mmm û'm PîiwtPt »
120 LE LUH-YU,<br />
n'aurait-il pas mieux valu pour moi de mourir entre les<br />
mains de mes disciples? Quoique, dans ce dernier cas,<br />
je n'eusse pas obtenu de grandes funérailles, je serais<br />
mort dans la droite voie!<br />
12. Tsm-koung dit : Si j'avais un beau joyau dans<br />
les circonstances actuelles, devrais-je le renfermer et le<br />
cacher dans une boîte, ou chercher à le vendre un bon<br />
prix? Le Philosophe dit : Vendez-le 1 vendez-le! Mais<br />
j'attendrais quelqu'un qui pût l'estimer sa valeur.<br />
13. Le Philosophe témoigna Se désir d'aller habiter<br />
parmi les Kiem-i, ou les neuf tribus barbares des régions<br />
orientales. Quelqu'un dit : Caserait une condition<br />
vile et abjecte; comment avoir un pareil désir? Le Philosophe<br />
dit : Où l'homme supérieur, le sage, habite,<br />
comment y aurait-il bassesse et abjection ?<br />
14. Le Philosophe dit : Lorsque <strong>du</strong> royaume de Weï<br />
je retournai dans celui de Lou, je corrigeai et rectifiai<br />
la musique. Les chants compris sous les noms de Ya<br />
et de Soung [deux divisions <strong>du</strong> Livre des Vers] furent<br />
remis chacun à la place qu'ils doivent occuper.<br />
15. Le Philosophe dit : Quand vous êtes hors de chez<br />
vous, rendez vos devoirs à vos magistrats supérieurs.<br />
Quand vous êtes chez vous, faites votre devoir envers<br />
vos père et mère et vos frères. Dans les cérémonies funèbres,<br />
ne vous permettez aucune négligence. Ne vous<br />
livrez à aucun excès dans l'usage <strong>du</strong> vin. Comment<br />
pourrais-je tolérer une con<strong>du</strong>ite contraire?<br />
16. Le Philosophe étant sur le bord d'une rivière,<br />
dit : Comme elle coule avec majesté ! elle ne s'arrête ni<br />
jour ni nuit!<br />
17. Le Philosophe dit : Je n'ai encore vu personne<br />
qui aimât autant la vertu que l'on aime la beauté <strong>du</strong><br />
corps.<br />
18. Le Philosophe dit : Soit une comparaison : je<br />
veux former un <strong>mont</strong>icule de terre; avant d'avoir rem-
OU LES ENTBETIENS PHILOSOPHIQUES. 121<br />
pli un panier, je puis m'arrêter; je m'arrête. Soit une<br />
autre comparaison : je veux niveler un terrain ; quoique<br />
j'aie déjà transporté un panier de terre, j'ai toujours la<br />
liberté de discontinuer.ou d'avancer; je puis agir d'une<br />
façon ou d'une autre.<br />
19. Le Philosophe dit : Dans le cours de nos entretiens,<br />
celui dont l'esprit ne se lassait point, ne s'engourdissait<br />
point, c'était Boeï.<br />
20. Le Philosophe, parlant de Yem-youan (Hoeï),<br />
disait : Hélas ! je le vis toujours avancer et jamais s'arrêter.<br />
'<br />
21. Le Philosophe dit : L'herbe pousse, mais ne<br />
donne point de fleurs; si elle donne des fleurs, elle ne<br />
pro<strong>du</strong>it point de graines mûres. Voilà où en est le sage!<br />
22. Le Philosophe dit : Dès l'instant qu'un enfant est<br />
né, il faut respecter ses facultés; la science qui lui<br />
Tiendra par la suite ne ressemble en rien à son état<br />
présent. S'il arrive à l'âge de quarante ou de cinquante<br />
ans sans avoir rien appris, il n'est plus digne d'aucun<br />
respect.<br />
23. Le Philosophe dit : Un langage sincère et conforme<br />
à la droite raison n'obtiendra-t-il pas l'assentiment<br />
universel? C'est un changement de con<strong>du</strong>ite, une<br />
conversion à la vertu qui est honorable et bien par-dessus<br />
tout. Un langage insinuant et flatteur ne causerat-il<br />
pas de la satisfaction à celui qui l'entend? c'est la<br />
recherche <strong>du</strong> vrai qui est honorable et bien par-dessus<br />
tout. Éprouver de la satisfaction en entendant un langage<br />
flatteur, et ne pas rechercher le vrai ; donner son<br />
assentiment à un langage sincère et conforme à la droite<br />
raison, et ne pas se convertir à la vertu : c'est ce que je<br />
n'ai jamais approuvé et pratiqué moi-même.<br />
24. Le Philosophe dit : Mettez toujours au premier<br />
rang la droiture <strong>du</strong> cœur et la fidélité;'ne contractez<br />
point d'amitié avec ceux qui ne vous ressemblent pas;<br />
il
II! I* 14W-TB,<br />
si YOîîS commette? une faute, alors ne craignez p%s 4ft<br />
changer de con<strong>du</strong>ite.<br />
25. Le Philosophe dit : A une armée de trois divisions<br />
(un corps de 37,500 hommes) on peut enlever son<br />
général [et la mettre en déroute]; à l'homme le plus afo<br />
ject ou le plus vulgaire, on ne peut enlever sa pensée!<br />
26. |Le Philosophe dit ; S'il y a quelqu'un qpi, vêtit<br />
d'habits les plus humbles et les plus grossiersf puisse<br />
s'asseoir sans rougir à côté de ceux qui portent les vêtpniens<br />
les plus précieux et les plus belles fourrures,<br />
c'est Yeoul<br />
« Saps envie de puire et sans désirs ambitieux,<br />
» 4 quelle action simple et vertueuse n'est-on p§§<br />
p propre ' ? »<br />
'Tseifi-lou (Teou) avait san§ cesse la maxime préeédepte<br />
à la bouche. Le Philosophe dit : C'est à l'étude et à la<br />
pratique 4e la droite raison qu'il faut surtout s'appli-?<br />
quer; comment suffirait-il de faire le bien?<br />
27. L?e Philosophe dit : Quand la saison de l'hiver<br />
arrive, c'est alors que l'on reconnaît le pin et le cyprès<br />
[dont les feuilles ne tombent pas], tandis que les autres<br />
feuilles tpmbept.<br />
28. Celui qui est instruit et éclairé par la raison, n'hésite<br />
point; celui qui possède la vertu de l'humanité,<br />
n'éprouve point de regret; celui qui est fort et courageux,<br />
n'a point de praipte.<br />
291 Le Philospphe dit : On peut s'appliquer de toutes<br />
ses fqrpes 4 l'étude, sans pouvoir rencontrer les vrais<br />
principe de la ratson? la véritable doctrine ; on peut<br />
rencontrer les yrais pfincipes de la raison, sans pouvoir<br />
s'y établir 4'unp manière fixe ; on peut s'y établir<br />
d ? une manière fixe, sans popvoir déterminer leur valppr<br />
d'une mapière certaine? relativement aux temps et aux<br />
çircopstapces.<br />
1 VnroStt li Imr* 4m V$rt.
OU LIS IHfmiTÏEHS ffilLOSOfHIQUSS. ilâ<br />
80. « Les ieurs <strong>du</strong> prunier sont agitées de cMô et<br />
» d'autre^<br />
» Et je pense à leur porter un appui.<br />
» Comment ne penserais-je pas à toi,<br />
» O nia demeure, dont je suis si éloigné M»<br />
Le Philosophe dit : On ne doit jamais penser à la<br />
"distance-9 quelle qu'elte soit, qui note séparé [delà<br />
vertu ].<br />
CHAPITRE ï,<br />
COMPOSA DE 17 ARTICLES.<br />
ï. KHOUNG-îSEU, lorsqu'il 'résidait encore clans son<br />
Village, était extrêmement sincère et droit; mais il avait<br />
tant de modestie, qu'il paraissait dépourvu de la faculté<br />
de parler.<br />
Lorsqu'il se trouva dans le temple des ancêtres et à<br />
la cour de son souverain, il parla clairement et distinetetaent;<br />
et tout ce qu'il dit portait l'empreinte de la réflexion<br />
et de la maturité.<br />
2. A la cour, il parla aux officiers inférieurs avec fermeté<br />
et droiture ; aux officiers supérieurs, avec une franchise<br />
polie.<br />
Lorsque le prince était présent, il conservait une attitude<br />
respectueuse et digne.<br />
3. Lorsque le prince lé mandait à sa cour, et le chargeait<br />
de recevoir les hôles 2 , son attitude changeait soudain.<br />
Sa démarche était grave et mesurée, comme sUl<br />
avait 'eu des entraves aux pieds.<br />
S'il venait à saluer les personnes qui se trouvaient<br />
' s CttiHoB d'un asdeû Iwnâes Vers. Les
124 LIS LIÎN-YU,<br />
auprès de lui, soit à droite, soit à gauche, sa robe, devant<br />
et derrière, tombait toujours droite et bien dis-<br />
Son pas était accéléré en intro<strong>du</strong>isant les hôtes, et il<br />
tenait les bras éten<strong>du</strong>s comme les ailes d'un oiseau.<br />
Quand l'hôte était parti, il se faisait un devoir d'aller<br />
rendre compte [au prince] de sa mission en lui disant :<br />
(c L'hôte n'est plus en votre présence. »<br />
k. Lorsqu'il entrait sous la porte <strong>du</strong> palais, il inclinait<br />
le corps, comme si la porte n'avait pas été assez<br />
haute pour le laisser passer.<br />
Il ne s'arrêtait point en passant sous la porte, et dans<br />
sa marche il ne foulait point le seuil de ses pieds.<br />
En passant devant le trône, sa contenance changeait<br />
tout-à-coup ; sa démarche était grave et mesurée, comme<br />
s'il avait eu des entraves. Ses paroles semblaient aussi<br />
embarrassées que ses pieds.<br />
Prenant sa robe avec les deux mains, il <strong>mont</strong>ait ainsi<br />
dans la salîe <strong>du</strong> palais, le corps incliné, et retenait son<br />
haleine comme s'il n'eût pas osé respirer.<br />
En sortant, après avoir fait un pas, il se relâchait<br />
peu à peu de sa contenance grave et respectueuse, et<br />
prenait un air riant; et quand il atteignait le bas de<br />
l'escalier, laissant retomber sa robe, il étendait de nouveau<br />
les bras comme les ailes d'un oiseau ; et en repassant<br />
devant le trône sa contenance changeait de<br />
nouveau, et sa démarche était grave et mesurée, comme<br />
s'il avait eu des entraves aux pieds.<br />
5. En recevant la marque distinctive de sa dignité<br />
[comme envoyé de son prince], il inclina profondément<br />
le corps, comme s'il n'avait pu la supporter. Ensuite il<br />
l'éleva en haut avec les deux mains, comme s'il avait<br />
voulu la présenter à quelqu'un, et la baissa jusqu'à terre,<br />
comme pour la remettre à un autre; présentant dans sa<br />
contenance et son attitude l'apparence de la crainte, et
OU LIS IHTlITHIfS tHItOSOraïQUlf. fil<br />
dans sa démarche tantôt lente, tantôt rapide, comme<br />
les différens mouvemens de son âme.<br />
En offrant les présens royaux selon l'usage, il avait<br />
une contenance grave et affable ; en' offrant les autres<br />
présens, son air avait encore quelque chose de plus affable<br />
et de plus prévenant.<br />
6. Le Philosophe ne portait point de vêtemens avec<br />
des paremens pourpre ou bleu foncé.<br />
Il ne faisait point ses habiliemens ordinaires d'étoffe<br />
rouge ou violette.<br />
Bans la saison chaude, il portait une robe d'étoffe de<br />
chanvre fine ou grossière, sous laquelle il en mettait toujours<br />
une autre pour faire ressortir la première.<br />
Ses vêtemens noirs (d'hiver) étaient fourrés de peaux<br />
d'agneaux; ses vêtemens blancs, de peaux de daims ;<br />
ses vêtemens jaunes, de peaux de renards.<br />
La robe qu'il portait chez lui eut pendant long-temps<br />
la manche droite plus courte qoe l'autre.<br />
Son vêtement de nuit ou de repos était toujours une<br />
fois et demie aussi long que son corps.<br />
11 portait dans sa maison des vêtemens épais faits de<br />
poils de renards.<br />
Excepté dans les temps de deuil, aucun motif ne l'empêchait<br />
de porter attaché à ses vêtemens tout ce qui<br />
était d'usage.<br />
S'il ne portait pas le vêtement propre aux sacrifices<br />
et aux cérémonies nommé wêi-ehangf sa robe était toujours<br />
un peu ouverte sur le côté.<br />
11 n'allait pas faire de visites de condoléance avec<br />
une robe garnie de peaux d'agneaux et un bonnet noir.<br />
Le premier jour de chaque lune, il mettait ses habits<br />
de cour, et se rendait au palais [pour présenter ses devoirs<br />
au prince].<br />
7. Dans les jours d'abstinence, il se couvrait constamment<br />
d'une robe blanche de lin.<br />
il»
111 i« tun-tuv<br />
DMi cffll ftÉftiès-jours d'âbstinèncè, îl se feisait toujours<br />
un devoir de changer sa manière de vivre; il se<br />
ftriS&ft itatôi lin devoir de changer le lieu où il avait l'ha-<br />
Mtude d'è reposer.<br />
8. Çhïattt à la nourriture il ne rejetait pas le riz cuit<br />
à l'eau, ni les viandes de bœuf ou de poisson découpées<br />
éft petits morceaux.<br />
Il ne mangeait jamais de mets côrrortiptrt par la chateur-,<br />
ni éé poisson ni des autres viandes déjà entrées<br />
en putréfaction. Si la couleur _ en était altérée, il<br />
É^èn 'mangeait pas ; si l'odeur en était mauvaise, il n'en<br />
mangeait pas ; s'ils avaient per<strong>du</strong> leur saveur, il n'en<br />
mangeait pas ; si ce à'était pas des pro<strong>du</strong>its de la saison,<br />
il n'ten mangeait pas.<br />
La viande qui n'était pas coupée en lignes droites, il<br />
ne la mangeait pas. Si un mets n'avait pas la sauce qui<br />
lui convenait, il n'en mangeait pas.<br />
Quand même il aurait eu beaucoup de viande à son<br />
repas-, îl faisait en sorte de n'en prendre jamais une<br />
quantité qui excédât celle 'de son pain ou de son rifc. Il<br />
â'y avait que pour sa boisson qu'il n'était pas régîé;<br />
mais il n'en prenait jamais une quantité quipit porter<br />
le trouble dans son esprit<br />
Si le vîn était acheté sur un marché public, il n'en<br />
buvait pas ; si on lui présentait de la viande sèche achetée<br />
sur les ^marchés, fl n'en mangeait pas.<br />
Il ne s'abstenait pas de gingembre dans ses alimens.<br />
Il ne mangeait jamais beaucoup.<br />
Quand on 'offrait les sacrifices et les oblations dans<br />
lêB palais <strong>du</strong> prince, il ne retenait pas pour lui, même<br />
pour une nuit, la viande qu'il avait reçue. _ Quand il<br />
y offrait lui-même les oblations de viande à ses ancêtres,<br />
il ne passait pas trois jours sans la servir; si les<br />
trois jours étaient passés, on ne la mangeait plus.<br />
En mangeant, il n'entretenait point lie 'conversa-
»*#«^—*~v:•**<br />
m LIS iNTaitiiilâ Ptauogo»HIQUBS. &t<br />
tion; en prenant son repos au lit, il ne parlait point<br />
Quand même il n'eût pris que très-peu d'âlimens, et<br />
des plus communs, soit des végétaux, ou <strong>du</strong> bouillon,<br />
il en offrait toujours une petite quantité comnreoblation<br />
ou libation ; et il faisait cette cérémonie avec \é respect<br />
-et là gravité 'convenables.<br />
9. Si la natte sur laquelle il devait s'asseoir détail<br />
pas éten<strong>du</strong>e régulièrement, il ne s'asseyait pas desstts.<br />
!©. Quand des hàbitans de son village l'invitaient I<br />
un festin, il ne sortait d'e table que lorsque tes vieillards<br />
qui portaient des bâtons étaient eux-mêmes Sortis.<br />
Quand les hàbitans de son village faisaient là 'cérémonie<br />
nommée nôf pour 'chasser tes esprits Wiâli'ii's? il<br />
se revêtait de sa robe 'de eour, et allait s'àsSèôïr païM<br />
les assistans <strong>du</strong> côté oriental de la saHe.<br />
11. Quand il envoyait quelqu'un prendre des informations<br />
dans d'autres états, il lui faisait deux fois M révérence,<br />
e* l'accompagnait jusqu'à une certaine distance.<br />
Kang-tseu lui ayant envoyé un certain médicament,<br />
il le reçut avec un témoignage de reconnaissance; mais<br />
il dit : KHIEOU ne connaît pas assez te Médicament, il<br />
n'ose pas le goitar.<br />
12. Son écurie ayant été incendiée, te Philosophé, de<br />
retour de la cour, dit : Le feu a-t-il atteint quelque personne?<br />
je ne m'inquiète pas des chevaux.<br />
13. Lorsque le prince lui envoyait en présent des aïrmens*,<br />
il se faisait aussitôt un devoir de les placer régulièrement<br />
sur sa table et de les goûter. Lorsque le<br />
prince lui -envoyait un présent de -chair crue, il la faisait<br />
toujours cuire, et il l'offrait ensuite [aux mânes de<br />
ses ancêtres }. Si le prince lui envoyait en présent un<br />
animal vivant, il se faisait un devoir de le nourrir et de<br />
Fentretenir avec soin. S'il était invité par te prince à<br />
* Cet usage t'est maioieau m Ghioe jusqu'à mm jours, ?oyez les diverses relations<br />
d'tmbassadef européennes à la eour de l'empereur de la Chine.
128 LB LUlf-TU,<br />
dîner à ses côtés, lorsque celui-ci se disposait à faire<br />
une oblation, le Philosophe en goûtait d'abord.<br />
S'il était malade, et que le prince allât le voir, il se faisait<br />
mettre la tête à l'orient, se revêtait de ses habits de<br />
cour, et se ceignait de sa plus belle ceinture.<br />
Lorsque le prince le mandait près de loi, sans attendre<br />
son attelage, qui le suivait, il s'y rendait à pied.<br />
14. Lorsqu'il entrait dans le grand temple des "ancêtres,<br />
il s'informait minutieusement de chaque chose,<br />
15. Si quelqu'un'de ses amis venait à mourir, n'ayant<br />
personne pour lui rendre les devoirs funèbres, il disait :<br />
Le soin de ses funérailles m'appartient<br />
Recevait-il des présens de ses amis, quoique ce fussent<br />
des chars et des chevaux, s'il n'y avait pas de viande<br />
qu'il pût offrir comme oblation à ses ancêtres, il ne les<br />
remerciait par aucune marque de politesse.<br />
16. Quand il se livrait au sommeil, il ne prenait pas<br />
la position d'un homme mort ; et lorsqu'il était dans sa<br />
maison, il se dépouillait de sa gravité habituelle.<br />
Si quelqu'un lui faisait une visite pendant qu'il portait*<br />
des habits de deuil, quand même c'eût été une personne<br />
de sa connaissance particulière, il ne manquait jamais<br />
de changer de contenance et de prendre un air convenable<br />
; s'il rencontrait quelqu'un en bonnet de cérémonie,<br />
ou qui fût aveugle, quoique lui-même ne portât que<br />
ses vêtemens ordinaires, il ne manquait jamais de lui<br />
témoigner de la déférence et <strong>du</strong> respect.<br />
Quand il rencontrait une personne portant des vêtemens<br />
de deuil, il la saluait en descendant de son attelage;<br />
il agissait de même lorsqu'il rencontrait les personnes<br />
qui portaient les tablettes sur lesquelles étaient<br />
inscrits les noms des citoyens l .<br />
Si Ton avait préparé pour lejrecevoir un festin splen-<br />
1 Quels beaux senlimcns, ci comme ils relèvent la dignité de l'homme I
OU LES BNTRETIBlfS FHILOSÔfHIQUBS. 139<br />
dide, il ne manquait jamais de changer de contenance<br />
et de se lever de table pour s'en aller.<br />
Quand le tonnerre se faisait entendre tout-à-coup, ou<br />
que se levaient des vents violens, il ne manquait jamais<br />
de changer de contenance [de prendre un air de crainte<br />
respectueux envers le ciel] 1 .<br />
17. Quand il <strong>mont</strong>ait sur son char, il se tenait debout<br />
ayant les rênes en mains.<br />
Quand il se tenait au milieu, il ne regardait point en<br />
arrière, ni ne parlait sans un motif grave ; il ne <strong>mont</strong>rait<br />
rien <strong>du</strong> bout <strong>du</strong> doigt.<br />
18.11 disait : Lorsque l'oiseau aperçoit le visage <strong>du</strong><br />
chasseur, il se dérobe à ses regards, et il va se reposer<br />
dans un lieu sûr.<br />
11 disait encore : « Que le faisan qui habitelà au sommet<br />
» de la colline sait bien choisir son temps [pour prendre<br />
» sa nourriture ] ! » Tsêu-hu ayant vu le faisan* voulut le<br />
prendre ; mais celui-ci poussa trois cris, et s'envola.*<br />
HIA-LUN,<br />
SECOND LIVRE.<br />
CHAPITRE XI,<br />
COMPOSÉ DE 25 ARTICLES.<br />
1. Le Philosophe dit : Ceux qui les premiers firent<br />
des progrès dans la connaissance des rites et dans Fart<br />
de la musique sont regardés [aujourd'hui] comme des<br />
1 C&mfhmtsire ehiwù.
11! tl LtW-ft,<br />
ftommèfe grossiers. Ceui qui après eux et de notre tempg<br />
ont fait de nouveaux progrès dans les rites et dans la<br />
ittusiqttë sont regardés edmme des hommes supérieurs.<br />
Pour mon propre usage, je suis les anciens.<br />
2. Le Philosophe disait : De tous ceux qui me suivirent<br />
dans les états de Tchin et de Tsaï, aucun ne vient<br />
Maintenant à ma porte [pour écouter mes leçons].<br />
Ceux qui <strong>mont</strong>raient le plus de vertu dans leur con<strong>du</strong>ite<br />
êtàiéht Yàh-'youatt9 Min-tèeu-kian, Jan-pe-nieou,<br />
et Tchountf-koung. Ceut qui brillaient par la parole et<br />
dans les discussions étaient Tsaï-ngo, et fseu-koung ;<br />
ceui qui avaient le plus de talens pour l'administration<br />
des affaires étaient Jan-^eou et Ki-Um; ceux qui excellaient<br />
dans les études philosophiques étaient Tseu-yeou<br />
et Fsëw-Mn.<br />
8. Le Philosophe dit : ffoeï m m'aidait point [dans<br />
mes discussions] ! ; dans tout ce que je disais, il ne trouvait<br />
rien dont il ne fût satisfait.<br />
4. Le Philosophe dit : O quelle piété filiale avait Mintseu-kian!<br />
Personne ne différait là-dessus de sentiment<br />
avec le témoignage de ses père et mère et de ses frères.<br />
5. Nanr-young trois fois par jbur répétait l'ode Pekoueï<br />
<strong>du</strong> Livre des Vers. KHOUNG-TSEU lui donna la fille<br />
de son frère en mariage.<br />
6. Ki-kang-î$eu demanda lequel des disciples <strong>du</strong> Philosophe<br />
avait le plus d'application et d'amour pour l'étude.<br />
KHOUNG-TSEU répondit avec déférence : C'était<br />
Yan-hoei qui aimait le plus l'étude 1 mais, malheureusement,<br />
sa destinée a été courte ; il est mort avant le<br />
temps. Maintenant c'en est fait; il n'est plus-!<br />
7. Yan-youan étant mort, Yan-hu (père de Yan~<br />
$owa%)(pria qu'on lui remit le char <strong>du</strong> Philosophe pour<br />
He vendre, afin dé faire construire un tombeau pour son<br />
ife ave'c le prix qu'il en retirerait<br />
1 Parce qu'il était toujours de l'avis de mu maître.
on m§ iWTîtiîïiïci ranosoraïQVBs. |||<br />
te Philosophe dit : Qu'il spt <strong>du</strong> talent ou qu'il R'egftit<br />
pas, chaque père reconnaît toujours son fils pour ^®^ £1;,<br />
1% (ou Pe-yv9 fils de KHOUNG-TSEO) étant morf, i| n'eut<br />
qu'un cercueil intérieur, ei pop un toiphe^i- le Ri puf§<br />
pas aller à pied pour faire construire up tombeau [à Fp«~<br />
youan]; puisque je marche avec les grande dignitaires,<br />
je ne dois pas aller à pied.<br />
8. Fati-yman étant morf, }e Philoiopbe djt : ïfélâ| J<br />
le cie) m'accable de 4ouleursl hélasl le c|el ip'acpabl?<br />
de douleurs 1<br />
9. Yan-yqua* étant port, le Philosophe le pleura<br />
avec e?cès. tes disciple qui le çuiyaieiit difent : Nftfjrf<br />
maître se livre trop à sa douleur.<br />
[Le Philosophe] dit : ïf'ai-je pas éprouvé upe perte<br />
extrême?<br />
Si je ne regrette pas extrêmement pn te| bpppe, pour<br />
qui donc éprouverais-je npe pareille dQuleprî<br />
10. Yan-yauan étant mort, ses copdtseip|e§ désirer<br />
rent lui faire dp grandes fupérailleç. Le f$i\mopbe dit :<br />
11 ne le faut pas.<br />
Ses condisciples lui firent des funérailles lomplueuses,<br />
Le Philosophe dit : Ha$ {fcm-youm) me considérait<br />
comme son père ; moi je ne puis le considère^ commit<br />
niop fils ; la cause n'en vient pas de moi, mais de mes disciples.<br />
IL Ki-lou demanda comment il fallait servir les esprits<br />
et les génies. Le Philosophe dit : Quand op n'est<br />
pas encore ep état de servir les hommes* comment ppurrait-on<br />
servir les esprits et les génies ? — Permettes-moi!<br />
ajouta-t-il, que j'ose vous demander ce que c'est qpe<br />
la mort? [Le Philosophe] dit : Qpand op ne ffajtpftif encore<br />
ce que c'est que la vie, comment pourrait-on connaître<br />
la mort?<br />
12. Min~t$m se tenait près <strong>du</strong> Philosophe, l'air calme<br />
et serein ; Tsev-hu, l'air austère et hardi ; JaQ-yçou et
182 LE LtJM-VU,<br />
lieu-koung, l'air grave et digne. Le Philosophe en était<br />
satisfait.<br />
En ce qui concerne Yeou (ou Tseu-lou, dit-il), il ne lui<br />
arrivera pas de mourir de sa mort naturelle*.<br />
13. Les habitans <strong>du</strong> royaume de Lou voulaient construire<br />
un grenier public.<br />
Min-tseu-kian dit : Pourquoi l'ancien ne servirait-il<br />
pas encore, et pourquoi agir comme vous le faites ?<br />
Qu'est-il besoin de le changer et d'en construire un<br />
autre [qui coûtera beaucoup de sueurs au peuple] 1 ?<br />
Le Philosophe dit : Cet homme n'est pas un homme à<br />
vaines paroles ; s'il parle, c'est toujours à propos et dans<br />
un but utile.<br />
14. Le Philosophe dit : Comment les sons de la guitare<br />
8 de Yeau (Tseu-lou), peuvent-ils parvenir jusqu'à<br />
la porte de KHIEOU? [à cause de cela] les disciples <strong>du</strong><br />
Philosophe ne portaient plus le même respect à Tseu-hu.<br />
Le Philosophe dit : Yeou est déjà <strong>mont</strong>é dans la grande<br />
salle, quoiqu'il ne soit pas encore entré dans la demeure<br />
intérieure.<br />
15.' Tseu-koung demanda lequel de S§e ou de Chang<br />
était le plus sage? Le Philosophe dit : Ssê dépasse le but;<br />
Chang ne l'atteint pas.<br />
—Il ajouta : Cela étant ainsi, alors Sse est-il supérieur<br />
à Change<br />
Le Philosophe dit : Dépasser, c'est comme ne pas atteindre.<br />
16. Kir-chi était plus riche que Tckeou-koung, et cependant<br />
Kieou levait pour lui des tributs plus considérables,<br />
et il ne faisait que de les augmenter sans cesse.<br />
Le Philosophe dit : Il n'est pas de ceux qui fréquen—<br />
1 A cause de soa esprit aventureux el hardi.<br />
• Commentaire de TCHOU-HI.<br />
s lasiramest de musique aomm^ sse en chiaoïs. On eifpeut voir la figure dans aotrê<br />
ouvrage cité. Planche 2.
u Wlll^l<br />
00 LES ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES. 133<br />
tent mes leçons. Les petits enfans doivent publier ses<br />
crimes au bruit <strong>du</strong> tambour, et il leur est permis de le<br />
poursuivre de leurs railleries.<br />
17. Tchaï est sans intelligence.<br />
San a l'esprit lourd et peu pénétrant<br />
Sse est léger et inconstant.<br />
' Yeou a les manières peu polies.<br />
18. Le Philosophe dit : Hoeï, lui, approchait beaucoup<br />
de la voie droite ! il fut souvent ré<strong>du</strong>it à la plus<br />
extrême indigence.<br />
Sse ne voulait point admettre le mandat <strong>du</strong> ciel ; mais<br />
il ne cherchait qu'à accumuler des richesses. Comme il<br />
tentait beaucoup d'entreprises, alors il atteignait souvent<br />
son but.<br />
19. Tsm-tchang demanda ce que c'était que la voie<br />
ou la règle de con<strong>du</strong>ite de l'homme vertueux par sa nature.<br />
Le Philosophe dit : Elle consiste à marcher droit<br />
sans suivre les traces des anciens, et ainsi à ne pas pénétrer<br />
dans la demeure la plus secrète [des saints<br />
hommes].<br />
20. Le Philosophe dit : Si quelqu'un discourt solidement<br />
et vivement, le prendrez-vous pour un homme<br />
supérieur, ou pour un rhéteur qui en impose?<br />
21. Tmw-lou demanda si aussitôt qu'il avait enten<strong>du</strong><br />
une chose [une maxime ou un précepte de vertu enseigné<br />
par le Philosophe] il devait la mettre immédiatement<br />
en pratique? Le Philosophe dit : Vous avez un<br />
père et un frère aîné qui existent encore [et qui sont vos<br />
précepteurs naturels] ; pourquoi donc, aussitôt que vous<br />
auriez enten<strong>du</strong> une chose, la mettriez-vous immédiatement<br />
en pratique? Yan^yeou demanda également si aussitôt<br />
qu'il avait enten<strong>du</strong> une chose il devait la mettre<br />
immédiatement en pratique? Le Philosophe dit : Aussitôt<br />
que vous l'avez enten<strong>du</strong>e, mettez-la en pratique.<br />
Kong-$i-hoa dit : Ywu (T§ew~low) a demandés! aussitôt<br />
12
qu'il avait enten<strong>du</strong> une chose il devait la mettre immédiatement<br />
en pratique ? Le maître a répon<strong>du</strong> : Vous<br />
avez un père et un frère aîné qui existent encore. Khieau<br />
(Yan-yeou) a demandé si aussitôt qu'il avait enten<strong>du</strong><br />
une chose il devait la mettre immédiatement en pratique<br />
? Le maître a répon<strong>du</strong> : aussitôt qu,e vous l'avez enten<strong>du</strong>e,<br />
mettez-la en pratique. Moi, Tçhi (lftmg-*Moa),<br />
j'hésite [sur le sens de ces deux réponses] ; je n'p^e faire<br />
une nouvelle question. Le Philqsophe dit : Quant à<br />
Khieou, il est toujours disposé à reculer ; c'est pourquoi<br />
je Faiguillonne pour qu'il av^npe ; YMU aiipe à surpasser<br />
les autres hommes; p'pst pourquoi je le retiens.<br />
22. l^e Philosophe éprouva pn jour une alarme dans)<br />
Eouang. Yan-youan était resté en arrière. [Lorsqu'il eut<br />
rejoint], |e Philosophe lui dit ; le YQP$ croyais moftî<br />
[Le disciple] dit : Le maître étant viv§pt, comment IfWi<br />
(Yan-yçwan) oserait-il mourir?<br />
23. ^trfiett-jffft f geiqapda si fcfyquan^yem et Fantyiequ<br />
pouvaient être appelés (je g r f*p4 s ministres?<br />
Le Philosophe répondit : Je pensais que ce sprait §up<br />
dej çfop$ç% impQr|aptP$ et pxtcaordipaires (jpp vquç me<br />
feriez une question f ef J^ êtes Y?ûP fp pqif )eç dp jêflff<br />
et de Khiegu!<br />
-Cep que Fqp §ppellp grp4s minières servent leur<br />
pripce selon Ips principps'4e la ffrottg W§m [et pw<br />
selon }e§ désirs <strong>du</strong> prince j 2 ; s'i|§ fie }e peuyept pa§,<br />
a}or§ ils se refirepf.<br />
Maintenant Jp^ pf Kkiffty fleurent êfre p opsidéré^<br />
comme ayapt augmenté le pomhre des ipinistre?.<br />
Il ajopfa : ^ior 8 ils »e fpront'd.QPc; qj§e fujyre la ffh<br />
lQeté'delpur ro#fe? ' '" "<br />
1 Fils piiné de JTt-cM, qui, par la grande puissance que sa famille avait acquise,<br />
* Commenfatrt.
ou LIS ENTRETIEN* pfetLosoraiôuis. * lié<br />
Le Philosophe dit : Faire périr son père bu àoft prince,,<br />
ce he serait pas même suivre sa volonté.<br />
21. Tseu-lou * fit nommer Tsêu-kao gouverneur âb Pi.<br />
Le Philosophe dit : Tous avez fait dû tort à ce jeune<br />
homme.<br />
Tseu4ou dit : Il aura dëâ populations à gouverner, il<br />
aura les esprits de la terre et des grains â ménager ;<br />
qu'a-t-il besoin de lire des livres [eh pràti'cfuânt les affaires<br />
comme il va le faire ]? il deviendra par là suite<br />
assez instruit.<br />
Le Philosophe dit : C'est là te motif pourquoi je iiâîâ<br />
les docteurâ de cette sorte.<br />
25. Tseu-lou; Ttiseng-s'ie 1 , tM-yeou, koh§-H-hoa;<br />
étaient assis aux côtés <strong>du</strong> Philosophe.<br />
Le Philosophe dit : Ne s'erais-je même que d'un jour<br />
plus âgé que vous, n'en tenez compte dans nos entretiens<br />
[tt'ayez aucune réserve par rapport à mon âge].<br />
Demeurant à l'écart et dans l'isolement, alors Voilà<br />
dites : Ntfas ne somhies pas connus. Si quelqu'un VoliS<br />
connaissait, alors que feri'ez-vous?<br />
Tseu-loù répondit avec un air léger, îhâis respectueux<br />
: Supposé un royaume de dix mille chars de guerre,<br />
pressé entre d'autres grands royaumes, ajoutez m'éinè,<br />
par deà armées nombreuses, et qu'avec cela il soufré<br />
de là disette et de îa famine; que Teou (Tseu-hu) soit<br />
préposé à 'è'Ort administration, eh moins de trois années<br />
je pourrais faire en sorte que le peuplé scie dé royaume<br />
reprît un courage viril et qu'il connût sa condition. Le<br />
Philosophe sourit â ces paroles.<br />
Et voué, JSfAîébb, que pehsëz-vous i<br />
Le diâcïplè répondit respectueusement: Supposé une<br />
ïfrôvittce de soixante
136 UB LUM-1U,<br />
ou même de cinquante ou de soixante li9 et que KMêou<br />
soit préposé à son administration, en moins de trois<br />
ans je pourrais faire en sorte que le peuple eût le suffisant.<br />
Quant aux rites et à la musique, j'en confierais<br />
renseignement à un homme supérieur.<br />
Et vous, Tchif que pensez-vous?<br />
Le disciple répondit respectueusement : Je ne dirai<br />
pas que je puis faire ces choses; je désire étudier. Lorsque<br />
se font les cérémonies <strong>du</strong> temple des ancêtres, et<br />
qu'ont lieu de grandes assemblées publiques, revêtu de<br />
ma robe d'azur et des autres vêtemens propres à un tel<br />
lieu et à de telles cérémonies, je voudrais y prendre<br />
part en qualité d'humble fonctionnaire.<br />
Et vous, Tian, que pensez-vous?<br />
Le disciple ne fit plus que de tirer quelques sons rares<br />
de sa guitare ; mais ces sons se prolongeant, il la déposa,<br />
et, se levant, il répondit respectueusement : Mon<br />
opinion diffère entièrement de celles de mes trois condisciples.<br />
—Le Philosophe dit : Qui vous empêche del'exprimer?<br />
chacun ici peut dire sa pensée. [Le disciple]<br />
dit : Le printemps n'étant plus, ma robe de printemps<br />
mise de côté, mais coiffé <strong>du</strong> bonnet de virilité *, accompagné<br />
de cinq ou six hommes, et de six ou sept jeunes<br />
gens, j'aimerais à aller me baigner dans les eaux de<br />
IF 2 , à aller prendre le frais dans ces lieux touffus où<br />
l'on offre les sacrifices au ciel pour demander la pluie,<br />
mo<strong>du</strong>ler quelques airs? et retourner ensuite à ma demeure.<br />
Le Philosophe, applaudissant à ces paroles par un<br />
soupir de satisfaction, dit : Je suis de l'avis de Tian.<br />
Les trois disciples partirent* et Thseng-sie resta encore<br />
quelque temps. Thseng-sie dit : Que'doit-on penser<br />
* Rouan, bonnet que le père donne à son fils à l'âge de vingt ans.<br />
9 Siliiée as midi de la ville de Rom.
OU LES 1HT1ITIINS PHILOSOPHIQUES. 137<br />
des paroles de ces trois disciples? Le Philosophe dit :<br />
Chacun d'eux a exprimé son opinion; et voilà tout—Il<br />
ajouta : Maître, pourquoi avez-vous souri aux paroles<br />
de Yeou?<br />
[Le Philosophe] dit : On doit administrer un royaume<br />
selon les lois et coutumes établies; les paroles de Teou<br />
n'étaient pas modestes ; c'est pourquoi j'ai souri.<br />
Mais Khieou lui-même n'exprimait-il pas le désir .<br />
d'administrer aussi un état? Comment voir cela dans<br />
une province de soixante à soixante et dix li9 et même<br />
de cinquante à soixante li d'éten<strong>du</strong>e? ce n'est pas là un<br />
royaume..<br />
Et Tchi9 n'était-ce pas des choses d'un royaume dont<br />
il entendait parler? ces cérémonies <strong>du</strong> temple des ancêtres,<br />
ces assemblées publiques, ne sont-elles pas le<br />
privilège des grands de tous les ordres? et comment<br />
Tchi pourrait-il y prendre part en qualité d'humble<br />
fonctionnaire? qui pourrait donc remplir les grandes<br />
fonctions?<br />
CHAPITRE XII,<br />
COMPOSÉ DE 24 ARTICLES.<br />
1. Tan-youan demanda ce que c'était que la vertu<br />
de l'humanité. Le Philosophe dit : Avoir un empire absolu<br />
sur soi-même, retourner aux rites [ou aux lois primitives<br />
de la raison céleste manifestée dans les sages<br />
coutumes], c'est pratiquer la vertu de l'humanité. Qu'un<br />
seul jour, un homme dompte ses penchans et ses désirs<br />
déréglés, et qu'il retourne à la pratique des lois primitives,<br />
tout l'empire s'accordera à dire qu'il a la vertu de<br />
l'humanité. Mais la vertu de l'humanité dépend-elle de<br />
12,
138 LB UJH-YtJ,<br />
soi-même, ou bien dépend-elle des autres hommes?<br />
Yan^gouan dit : Permettez-moi 'de demander quelles<br />
sont les diverses ramifications de cette vertu? Le Philosophe<br />
dit : Ne regardez rien contrairement aux rites ;<br />
n'entendez rien 'contrairement aux rites ; ne dites rien<br />
contrairement aux rites; ne faites rïeh contrairement<br />
aux rites. Yan-^ouan dit: Quoique Boeï (lui-même) n'ait<br />
pas fait preuve jusqu'ici de pénétration, il 'demande à<br />
mettre ces préceptes en pratique.<br />
2. Tchoung-koung demanda ce que c'était 'que ta.<br />
vertu de l'humanité. Le Philosophe 'dit : Quand vous<br />
êtes sorti de chez vous, comportez-vous comme si vous<br />
deviez voir un hôte d'une grande distinction ; en dirigeant<br />
le peuple, comportez-vous avec le même respect<br />
que si vous offriez le grand sacrifice. Ce que vous ne<br />
désirez pas qui vous soit fait à Vous-même, ne le faites<br />
pas aux autres h'ortàies. [ En vous comportant ainsi ]<br />
dans le royaume, personne n'aura 'contre vous de ressentiment;<br />
dans votre famille, personne n'aura Contre<br />
vous de ressentiment.<br />
Tchoung-koung dit : Quoique-Young (Tchoung-koung)<br />
n'ait pas fait preuve jusqu'ici de pénétration, il demande<br />
à mettre ces préceptes en ptatiqtiè.<br />
3. S$e-ma-nieou demanda ce que c'était que la vertu<br />
de l'humanité.<br />
Le Philosophe dit : Celui qui est doué de la vertu de<br />
l'huùianité est sobre de paroles. —ïl ajouta : Celui-qui<br />
est sobre 'de paroles, c'est celui-là que l'on appelle 'doué<br />
de la vertu de l'humanité. Le Philosophe dit : Pratiquer<br />
l'humanité est une -chose difficile ; pour en parler, ne<br />
feut-il paâ être sobre de paroles?<br />
flk Sse-ma-nieou demanda ce qu'était l'homme supérieur.<br />
Le Philosophe dit : L'homme supérieur n'éprouve<br />
ni regrets ni crainte. [Sse-ma-nwou] ajouta : Celui qui<br />
n'éprouve ni regrets ni craiàfe, c'est celui-là que l'on
OU LIS IMTElTÎEIfS tHIlOSOPHIQUIS. ift<br />
appelle l'homme supérieur. Le ÎPhilosophe dît : Celui<br />
qui s'étant examiné intérieurement ne trouva r én lui aucun<br />
sujet de peine, celui-là 'qu'aurait-il à-regrettée<br />
qu'aurait-il à craindre?<br />
S. S$e-ma-ûùm, affecté 'de tristesse, dît : ïôUâ les<br />
Itommes ont deâ frètes; moi seul Je n'en ai point!<br />
Tseu-hia dît : 'Châng (lui-même) a enten<strong>du</strong> dire :<br />
Que la vie et la mort étaient soumises i une loi immuable<br />
fixée dès l'origine, et que lea richesses et lôS<br />
honneurs dépendaient.<strong>du</strong> ciel;<br />
Que l'homme supériètar Veille avec une trieuse attention<br />
sur lui-même, et nfe 'Cesse d'agir ainsi ; 'qu'il<br />
porte 'dans le commette des hommes une déférence toujours<br />
digne, avec de's manières 'distinguées et polies,<br />
regardant tous les hoiftmes qnï habitent dans llntérîeut<br />
des quatre mers [ tout l'univers ] comme ses ptôpteà<br />
frères. En agissant aiirët, pourquoi Vfaoïùiùe 'supérieur<br />
s'àffligerait-il donc de n'avoir paè de frèfès?<br />
0. Tsêu-ttkang 'demanda ce que t'était que la pénétration.<br />
Lé ÎPhiîosophe dit : Ne *pâs écouter dés c'aîontnies<br />
-qui Vïn&inuènt là petit bruït comme Une tea'U quî<br />
coule doucement, û dès accusations dont le* âUtèufâ<br />
seraient prêts à se couper un morceau de Cnaïr '-pont les<br />
affirmer ; ceîâ peut 'être appelé de la pénétration. Ne<br />
pas tenïr compte des calomniés qui s'insinuent 'à ]petft<br />
bruit comme une *ean qui 'coule doucement, et dès accusations<br />
dont les auteurs sont toujours prêts à se couper<br />
un morceau de chair pour les affirmer; cela peut<br />
être aussi appelé de l'extrême pénétration.<br />
7. Tseu-koung demanda ce que c'était que l'administration<br />
des affaires publiques?- Le Philosophe dit : Ayez<br />
de quoi fournir suffisamment âuï besoins des populations,<br />
des troupes en quantité suffisante, et que le peuple<br />
vous soit fidèle.<br />
Tseu-koung dit : Si l'on se trouve dans l'impossibilité
140 Ll LUN-YU,<br />
de parvenir à ces conditions, et que l'une doive être<br />
écartée, laquelle de ces trois choses faut-il écarter de<br />
préférence? [ Le Philosophe ] dit : Il faut écarter les<br />
troupes.<br />
Tseu-koung dit : Si l'on se trouve dans l'impossibilité<br />
de parvenir aux autres conditions, et qu'il faille en<br />
écarter encore une, laquelle de ces deux choses faut-il<br />
écarter de préférence? [Le Philosophe] dit : Ecartez-les<br />
provisions. Depuis la plus haute antiquité, tous les<br />
hommes sont sujets à la mort ; mais un peuple qui n'aurait<br />
pas de confiance et de fidélité dans ceux qui le gouvernent,<br />
ne pourrait subsister.<br />
8. Ko-tsm-tehing ( grand de l'état de Weï ) dit :<br />
L'homme supérieur est naturel, sincère; et voilà tout.<br />
A quoi sert-il de lui donner les ornemens de l'é<strong>du</strong>cation<br />
? . •<br />
T$m-koung dit : Oh I quel discours avez-vous tenu,<br />
maître, sur l'homme supérieur î quatre chevaux attelés<br />
ne pourraient le ramener dans votre bouche. Les ornemens<br />
de l'é<strong>du</strong>cation sont comme le naturel; le naturel,<br />
comme les ornemens de l'é<strong>du</strong>cation. Les peaux de tigre<br />
et de léopard, lorsqu'elles sont tannées, sont comme les<br />
peaux de chien et de mouton tannées.<br />
9. Ngaï-éoung questionna Feow-joen ces termes : L'année<br />
est stérile, et les revenus <strong>du</strong> royaume ne suffisent<br />
pas; que faire dans ces circonstances?<br />
Yeou-jo répondit avec déférence : Pourquoi n'exigezvous<br />
pas la dîme? [Le prince] dit:Les deux dixièmes<br />
ne me suffisent pas; d'après cela, que ferais-je <strong>du</strong><br />
dixième seul ?<br />
[Yeou-jo] répondit de nouveau avec déférence : Si les<br />
ceot familles [tout le peuple chinois] ont le suffisant,<br />
comment le prince ne Faurait-il pas? les cent familles<br />
n'ayant pas le suffisant, pourquoi le prince l'exigerait-il?
OU LES IMTE1TIEHS PHILOSOPHIQUES. 141<br />
10. T$êu-tchang fit une question concernant la manière<br />
dont on pouvait accumuler des vertus et dissiper<br />
les erreurs de l'esprit. Le Philosophe dit : Mettre au<br />
premier rang la droiture et la fidélité à sa parole ; se livrer<br />
à tout ce qui est juste [en tâchant de se perfectionner<br />
chaque jour] ; c'est accumuler des vertus. En aimant<br />
quelqu'un, désirer qu'il vive; en le détestant, désirer<br />
qu'il meure, c'est par conséquent désirer sa vie, et, en<br />
outre, désirer sa mort ; c'est là le trouble, l'erreur de<br />
l'esprit<br />
L'homme parfait ne recherche point les richesses; il<br />
a même <strong>du</strong> respect pour les phénomènes extraordinaires<br />
*.<br />
11. King-kong, prince de Thsi, questionna KHOUNG-<br />
TSEU sur le gouvernement.<br />
KHOUNG-TSEU lui répondit avec déférence : Que le<br />
prince soit prince ; le ministre, ministre ; le père, père ;<br />
le fils, fils. [Le prince] ajouta : Fort bien ! c'est la vérité!<br />
si le prince n'est pas prince, si le ministre n'est pas ministre,<br />
si le père n'est pas père, si le fils n'est pas fils,<br />
quoique les revenus territoriaux soient abondans, comment<br />
parviendrais-je à en jouir et à les consommer?<br />
12. Le Philosophe dit : Celui qui avec la moitié d'une<br />
parole peut terminer des différends, n'est-ce pas Yeou<br />
(Tseu-lou)?<br />
Tseu-hu ne met pas l'intervalle d'une nuit dans l'exécution<br />
de ses résolutions.<br />
13. Le Philosophe dit : Je puis écouter des plaidoiries,<br />
et juger des procès comme les autres hommes ;<br />
mais ne serait-il pas plus nécessaire de faire en sorte<br />
d'empêcher les procès' 2 ?<br />
14. Tseu-tchang fit une question sur le gouverne-<br />
!<br />
Plusieurs commentateurs chinois regardent eeltephrase comme défectueuse ou interpolée.<br />
s<br />
Ce paragraphe m trouve déjà dans le Ta»hio, ehap. iv, § I.
142 LS tUN-TTU,<br />
ment. Le Philosophe dit : Kéfléchissez mûrement, ne<br />
vous lassez jamais de faire le bien et de traiter les choses<br />
avec droiture.<br />
15. Le Philosophe dit : Celui qui â des études trèséten<strong>du</strong>es<br />
en littérature, se fait un devoir de se conformer<br />
aux rites ; il peut même prévenir les séditions.<br />
16. Le Philosophe dit : L'hoihme supérieur perfectionne<br />
bu développe les bonnes qualités des autres<br />
hommes ; il ne perfectionne pas ou ne développe pas<br />
leurs mauvais penchans; l'homme vulgaire est l'opposé.<br />
17. Ki-kahg-tsen questionna KHOUNG-TSEU sur le<br />
gouvernement. KHOUNG-TSEU répondit avec déférence:<br />
Le gouvernement, c'est ce qui est juste et droit. SI vous<br />
gouvernez avec justice et droiture, qui oserait ne pas<br />
lire juste et droit?<br />
18. Ki-kang-tseu ayant une grande crainte des voleurs,<br />
questionna KHOUNG-TSEU à leur sujet KHOUKGïSEU<br />
lui répondit avec déférence : Si vous ne désirez<br />
point le bien des autres, quand même vous les en récompenseriez,<br />
vos sujets ne voleraient point.<br />
'19. Ki-kang-t$eu questionna de nouveau KHOUNGî$EU<br />
sur la manière de gouverner, en disant : Si je mets<br />
à mort ceux qui ne respectent aucune loi, pour favoriser<br />
ceux qui observent les lois, qu'arrivera-t-il de là?<br />
KHOUNG-TSEU répondit avec déférence : Vous qui gouvernez<br />
les affaires publiques, qu'avez-vous besoin d'employer<br />
les supplices? aimez Ta vertu, et le peuple sera<br />
Vtertueux. Les vertuô d'un homme supérieur sont comme<br />
h vent; les vertus d'un homme vulgaire sont comme<br />
l'herbe; l'herbe, lorsque le vent passe dessïié, s'incline.<br />
20* Tseu-tchang demanda «Quel devait être un chef<br />
pour pouvoir être appelé illustre [ou d'une vertu reconnue<br />
par tous les hommes] ?
OU LIS IWTllTïlHi PHILOSOPHIQUES. ||S<br />
Le Philosophe répondit : Qu'appelez-vous illustration?<br />
Tseu-tchang répondit avec respect : Si l'on réside<br />
dans les provinces, d'entendre bien parier de soi; si<br />
Fpn réside dans sa famille, d'entendre bien parler de soi.<br />
Le Philosophe dit : Cela, c'est simplement une bonne<br />
renommée, et non de l'illustration. L'illustration dont il<br />
s'agit consiste à posséder le naturel, la droiture, et à<br />
chérir la justice ; à examiner attentivement les paroles<br />
des hommes, à considérer leur contenance, à soumettre<br />
sa volonté à celle des autres hommes. [ De cette manière<br />
] si l'on réside dans les provinces, on est certainement<br />
illustrt; si l'on réside dans sa famille, on est<br />
certainement illustre.<br />
Cette renommée, dont il s'agit, consiste quelquefois à<br />
ne prendre que l'apparence de la vertu de l'humanité,<br />
et de s'en éloigner dans ses actions. En demeurant<br />
dans cette voie, on n'éprouve aucun doute ; si Ton réside<br />
dans les provinces, qn entendra bien parler de<br />
soi; si J'on résicîe dans sa famille, on entendra bien<br />
parler fie soj.<br />
21. Fanrtchi ayant suivi le Philosophe dans la partie<br />
inférieure <strong>du</strong> îjeu sacré pu l'on faisait les sacrifices<br />
au ciel pour demander la pluie [Wou-yu] dit : Perniettez-moi<br />
que j'ose vous demander ce qu'il faut faire pour<br />
accumuler des vertus, se corriger de ses défauts, et discerner<br />
les erreurs c|e l'esprit f ?<br />
Le Philosophe dit4 Oh! c'est là une grande et belle<br />
question!<br />
Il faut placer ^vant tout le devoir dp faire ce que'l'on<br />
doit faire [pour acquérir la yejtu], et PQ fnettrë qu'w<br />
second rang le fruit .que I'QII pn pbtiept; p'est-ce pas<br />
là accumuler des vertuç? fjpmb^ttre ses défaits on ses<br />
* Vpjei V4ntcfe 10
III LE LUH-YU,<br />
mauvais penchans, ne pas combattre les défauts ou les<br />
mauvais penchans des autres; n'est-ce pas là se corn<br />
.per de ses défauts; par un ressentiment ou une colère<br />
d'un seul matin perdre son corps, pour que le malheur<br />
atteigne ses parens, n'est-ce pas là un trouble de<br />
e %![ l Fan-tchi demanda ce que c'était que la vertu de<br />
l'humanité. Le Philosophe dit : Aimer les hommes. — Il<br />
demanda ce que c'était que la science. Le Philosophe<br />
dit : Connaître les hommes. Fan^tchi ne pénétra pas le<br />
sens de ces réponses. m<br />
Le Philosophe dit : Elever aux honneurs les hommes<br />
justes et droits, et repousser tous les pervers, on peut,<br />
en agissant ainsi, rendre les pervers justes et droits.<br />
Fan-tchit en s'en retournant, rencontra Tseitrhta, et<br />
lui dit : Je viens de faire une visite à notre maître, et je<br />
l'ai questionné sur la science. Le maître m'a dit : Elever<br />
aux honneurs les hommes justes et droits, et repousser<br />
tous les pervers, on peut, en agissant ainsi, rendre<br />
les pervers justes et droits. Qu'a-t-il voulu dire?<br />
T$êu-hia dit : O que ces paroles sont fertiles en<br />
application ! # .<br />
Chun ayant obtenu l'empire, choisit parmi la foule,<br />
et éleva aux plus grands honneurs Kao~yao ; ceux qui<br />
étaient vicieux et pervers, il les tint éloignés. Chang<br />
ayant obtenu l'empire, choisit parmi la foule, et éleva<br />
aux plus grands honneurs Y-yn; ceux qui étaient vicieux<br />
et pervers, il les tint éloignés.<br />
23. Tseu-koung demanda comment il fallait se comporter<br />
dans ses relations avec ses amis? Le Philosophe<br />
dit : Avertisses avec droiture de cœur, et ramenez votre<br />
ami dans le-chemin de la vertu. Si vous ne pouvez<br />
pas agir ainsi, abstenez-vous. Ne vous déshonorez pas<br />
vous-même.<br />
24. Th$êng-Um dit : L'homme supérieur emploie son
OU LIS EHTH1TIBMS PHILOSOPHIQUES. 145<br />
é<strong>du</strong>cation [ou ses talens acquis par l'étude] à rassembler<br />
des amis, et ses amis à l'aider dans la pratique de<br />
l'humanité.<br />
CHAPITRE XIII,<br />
COMPOSÉ DE 30 ÀBTICLES. .<br />
i. Tseu-lou fit une question sur la manière de bien<br />
gouverner. Le Philosophe dit : Donnez le premier au<br />
peuple, et de votre propre personne, l'exemple de la<br />
vertu ; donnez le premier au peuple, et de votre propre<br />
personne, l'exemple des labeurs *.<br />
—Je vous prie d'ajouter quelque chose à ces instructions,—Ne<br />
vous lassez jamais d'agir ainsi.<br />
â. Tchoung~kmng9 exerçant les fonctions de ministre<br />
de Ki-chi9 fit une question sur la manière de bien<br />
gouverner. Le Philosophe dit : Commencez par avoir de<br />
bons fonctionnaires sous vos ordres pour diriger avec<br />
intelligence et probité les diverses branches de votre<br />
administration; pardonnez les fautes légères; élevez<br />
les hommes de vertus et de talens aux dignités publiques.<br />
[Tchoung-koung] ajouta : Comment connaître les<br />
hommes de vertus et de talens afin de les élever aux<br />
dignités ? [Le Philosophe] dit : Élevez aux dignités ceux<br />
que vous connaissez être tels : ceux que vous ne connaissez<br />
pas, croyez-vous que les autres hommes les négligeront?<br />
3. Tseu-lou dit : Supposons que le prince de l'état de<br />
Met vous désire, maître, pour diriger les affaires publiques<br />
; à quoi vous appliqueriez-vous d'abord de préférence?<br />
1 Ces deax maiimes sont exprimées dans le texte par quatre caractères i «fan-fcM,<br />
lâQ-UMl PSJSEAS EO, LÀB01ES EO.<br />
13
146 LE LOTT-YU, •<br />
Le Philosophe dit : Ne serait-ce pas à rendre correctes<br />
les dénominations mêmes des personnes et des choses f<br />
Tseu-lou dit : Est-ce véritablement cela? Mattre, voua<br />
vous écartez de la question. A quoi bon cette rectification<br />
?<br />
Le Philosophe dit : Vous êtes bien simple, Teou !<br />
L'homme supérieur, 'dans ce qu'il ne connaît pas bien,<br />
éprouve une sorte d'hésitation et d'embarras.<br />
Si les dénominations ne sont pas exactes, correctes,<br />
alors les instructions qui les concernent n'y répondent<br />
pas comme il convient ; les instructions ne répondant<br />
pas aux dénominations des personnes et des choses,<br />
alors les affaires ne peuvent êfre fraitées comme il convient.<br />
Les affaires n'étanf pas traitées comme il convient,<br />
alors les rites et {a musique ne sont pas en honneur; les<br />
rites et la musique n'étant pas en honneur, alors les<br />
peines et les supplices n'atteignent pas leur but d'équité<br />
et de justice ; les peines et les supplices n'atteignant pas<br />
leur but d'équité et de justice, alors le peuple ne sait oè<br />
poser sûrement ses pieds et tendre ses mains.<br />
C'est pourquoi l'homme supérieur, dans les noms qu'il<br />
donne, doit toujours faire en sorte que ses instructions y<br />
répondent exactement ; les instructions étant telles, elles<br />
devront être facilement exécutées. L'homme supérieur,<br />
dans ses instructions, n'est jamais inconsidéré ou futile.<br />
4. Fan-tchi pria son maître de l'instruire dans l'agriculture.<br />
Le Philosophe dif : Je n'ai pas les connaissances<br />
d'un vieil agriculteur, il le pria de lui enseigner la culture<br />
des jardins. Il répondit : |e n'ai pas les connaissances<br />
d'un vieux jardinier.<br />
Fan-îchi étant sorti, le Philosophe dit : Quel homm©<br />
vulgaire que ce Fan-siu !<br />
Si ceux qui occupent les rangs supérieurs dans la société<br />
aiment à observer les rites, alors le peuple n'osera
OU LES BNTRBTISVS PHILOSOPHIQUES. 147<br />
pas ne pas les respecter; si les supérieurs se plaisent<br />
dans la pratique dé la justice, alors -le peuple n'osera<br />
pas ne pas être soumis ; si les supérieurs chérissent la<br />
sincérité et la fidélité, alors le peuple n'osera pas ne pas<br />
pratiquer ces vertus. Si les choses se passent ainsi, alors<br />
les peuples des quatre régions portant sur leurs épaules<br />
leurs eofans enveloppés de langes* accourront se ranger<br />
sous vos lois. [Quand on peut faire de pareilles<br />
choses], à quoi bon s'occuper d'agriculture?<br />
5. Le Philosophe dit : Qu'un homme ait appris à réciter<br />
les.trois cents odes <strong>du</strong> Livre des Vers, s'il reçoit<br />
un traitement pour exercer des fonctions dans l'administration<br />
publique, qu'il ne sait pas remplir ; ou s'il est<br />
envoyé comme ambassadeur dans les quatre régions <strong>du</strong><br />
monde, sans pouvoir par lui-même accomplir convenablement<br />
sa mission; quand même il aurait encore lu<br />
davantage, à quoi cela servirait-il ?<br />
6. Le Philosophe dit :Si la personne de celui qui commande<br />
aux autres ou qui les gouverne, est dirigée d'après<br />
la droiture et l'équité, il n'a pas besoin d'ordonner<br />
le bien pour qu'on le pratique ; si sa personne n'est pas<br />
dirigée par la droiture et l'équité, quand même il ordonnerait<br />
le bien, il ne serait pas obéi.<br />
7. Le Philosophe dit : Les gouvernemens des états de<br />
Lou et de Weï sont frères.<br />
8. Le Philosophe disait de Kong-tseu-king9 grand de<br />
l'état de Weï9 qu'il s'était parfaitement bien comporté<br />
dans sa famille. Quand il commença à posséder quelque<br />
chose, il disait : J'aurai un jour davantage; quand il eut<br />
en peu plus, il disait : C'est bien; quand il eut de grandes<br />
richesses, il disait : C'est'parfait<br />
9. Le Philosophe ayant voulu se rendre dans l'état<br />
de Weï, Yan-yeou con<strong>du</strong>isit son char.<br />
Le Philosophe dit : Quelle multitude [quelle grande<br />
population] 1
148 LK LUN-VU,<br />
Yan-yeou dit : Une grande multitude en effet. Qu'y<br />
aurait-il à faire pour, elle? Le Philosophe dit : La<br />
rendre riche et heureuse. [Le disciple] ajouta : Quand<br />
elle serait riche-et heureuse, que faudrait-il faire encore<br />
pour elle? [Le Philosophe] dit : L'instruire.<br />
10. Le Philosophe dit : Si [un gouvernement] -voulait<br />
m'employer aux affaires publiques, dans le cours d'une<br />
douzaine de lunes je pourrais déjà réformer quelques<br />
abus ; dans trois années, la réformation serait complète.<br />
11. Le Philosophe dit : « Si des hommes sages et ver-<br />
» tueux gouvernaient un état pendant sept années, ils<br />
» pourraient dompter les hommes cruels [les convertir<br />
» au bien] et supprimer les supplices. » Qu'elles sont<br />
parfaites ces paroles [des anciens sages] 1<br />
12. Le Philosophe dit : Si je possédais le mandat<br />
de la royauté, il ne, me faudrait pas plus d'une génération<br />
1 pour faire régner partout la vertu de l'humanité.<br />
13. Le Philosophe dit : Si quelqu'un règle sa personne<br />
selon les principes de l'équité et de la droiture,<br />
quelle difficulté éprouvera-t-il dans l'administration <strong>du</strong><br />
gouvernement ? s'il ne règle pas sa personne selon les<br />
principes de l'équité et de la droiture, comment pourrait-il<br />
rectifier la con<strong>du</strong>ite des autres hommes? •<br />
14. Yan-yeou étant revenu de la cour, le Philosophe<br />
lui dit : Pourquoi si tard ? [Le disciple] lui répondit respectueusement<br />
: Nous avons eu à traiter des affaires<br />
concernant l'administration. Le Philosophe dit : C'étaient<br />
des affaires de famille, sans doute ; car s'il se fut<br />
agi des affaires d'administration publique, quoique je<br />
ne sois plus en fonctions, je suis encore appelé à en<br />
prendre connaissance.<br />
15. Ting-kong (prince de LQM) demanda s'il y avait<br />
un mot qui eût la puissance de faire prospérer un état.<br />
1 Un laps de temps de trente années, (TCHOU-BI.)
'OU LES EHTI1TÏ1MS PHILOSOPHIQUES. ' 149<br />
KHOUNG-TSEU lui répondit avec déférence : Un seul<br />
mot ne peut avoir cette puissance; on peut cependant<br />
approcher de cette concision désirée.<br />
Il y a un proverbe parmi les hommes qui dit : « Faire<br />
» son devoir comme prince est difficile; le faire comme<br />
» ministre n'est pas facile 1 . »<br />
Si vous savez que de faire son devoir comme prince<br />
est une chose difficile, n'est-ce pas en presque un seul<br />
mot-trouver le moyen de faire prospérer un état?<br />
[Le même prince] ajouta : Y a-t-il un mot qui ait la<br />
puissance de perdre un état? KHOUNG-TSEU répondit<br />
avec déférence : Un seul mot ne peut avoir cette puissance<br />
; on peut cependant approcher de cette concision<br />
désirée. Il y a un proverbe parmi les hommes qui dit :<br />
« Je ne vois pas qu'un prince ait plaisir à remplir ses<br />
» devoirs, à moins que ses paroles ne trouvent point de<br />
» contradicteurs. » Qu'il fasse le bien, et qu'on ne s'y<br />
oppose pas : n'est-ce pas en effet très-bien ; qu'il fasse le<br />
mal, et que l'on ne s'y oppose pas : n'est-ce pas, dans<br />
ce peu de mots, trouver la cause de la ruine d'un état?<br />
16. Ye-koung demanda ce que c'était que le bon gouvernement.<br />
Le Philosophe dit : Rendez satisfaits et-contons ceux<br />
qui sont près de vous, et ceux qui sont éloignés accourront<br />
d'eux-mêmes.<br />
17. Tseu-hia étant gouverneur de Kiu~fou ( ville de<br />
l'état de Lou), demanda ce que c'était que le bon gouvernement.<br />
Le Philosophe dit : Ne désirez pas aller<br />
trop vite dans l'expédition des affaires, et n'ayez pas<br />
en vue de petits avantages personnels. Si vous désirez<br />
expédier promptement les affaires, alors vous ne les<br />
comprendrez pas bien ; si vous avez en vue de petits<br />
• Wôî kiùn, nào ; wêïleaie, pbu ï : agmprimipmf difficile; agm minMimm, nm<br />
ftcile. •<br />
13.
180 LE LUH-YU,<br />
avantages personnels, alors les grandes alfeires rie se<br />
termineront pas convenablement.<br />
18. Ye-kong s'entretenant avec KHOUNG-TSEU, dit :<br />
Dans mon village, il y a un homme d'une droiture et<br />
d'une sincérité parfaites; son père ayant volé un moutons<br />
le fils porta témoignage contre lui.<br />
KHOUNG-TSEU dit : Les hommes sincères et droits de<br />
mon lieu natal diffèrent beaucoup de celui-là : le père<br />
cache les fautes de son fils, le fils cache les fautes de<br />
son père. La droiture et la sincérité existent dans cette<br />
con<strong>du</strong>ite.<br />
19. Fan-tchi demanda ce que c'était que la vertu de<br />
l'humanité. Le Philosophe répondit : Dans la vie privée,<br />
ayez toujours une tenue grave et digne; dans le maniement<br />
des affaires, soyez toujours attentif et vigilant;<br />
dans Ses rapports que vous avez avec les hommes, soyez<br />
droit et fidèle à vos engagemens. Quand môme vous<br />
iriez parmi les barbares des deux extrémités de l'empire,<br />
vous ne devez point négliger ces principes.<br />
20. Tseu-koung fit une question en ces termes : A<br />
quelles conditions un homme peut-il être appelé lettré<br />
<strong>du</strong> premier ordre [sst), ou homme d'état? Le Philosophe<br />
dit : Celui qui, dans ses actions et dans sa personne, a<br />
toujours le sentiment de la honte <strong>du</strong> mal; qui, envoyé<br />
comme ambassadeur dans les quatre régions, ne déshonore<br />
pas le mandat de son prince : celui-là peut être<br />
appelé lettré <strong>du</strong> premier ordre ou homme d'état.<br />
[Tseu-koung] ajouta : Permettez-moi de vous demander<br />
quel est celui qui vient après? [Le PhilosopheJ dit :<br />
Celui dont les parens et les proches vantent la piété filiale,<br />
et dont les compagnons de jeunesse célèbrent la<br />
déférence fraternelle.<br />
Il ajouta encore : Permettez-moi de vous demander<br />
quel est celui qui vient ensuite? [ Le Philosophe] dit :<br />
Celui qui est toujours sincère dans ses paroles, ferme et
OU IIS ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES. 151<br />
persévérant dans ses entreprises, quand même il aurait<br />
la <strong>du</strong>reté de la pierre, qu'il serait un homme vulgaire,<br />
il peut cependant être considéré comme celui qui suit<br />
immédiatement.<br />
11 poursuivit ainsi : Ceux qui sont de nos jours à la tête<br />
de l'administration publique, quels hommes sont-ils?<br />
Le Philosophe dit : Hélas 1 ce sont des hommes de la<br />
même capacité que le boisseau nommé tiou et la unesure<br />
nommée chao. Comment seraient-ils dignes d'être<br />
comptés?<br />
21. Le Philosophe dit : Je ne puis trouver des hommes<br />
qui marchent dans la voie droite, pour leur communiquer<br />
la doctrine ; me faudra-t-il recourir à des hommes<br />
qui aient les projets élevés et hardis, mais qui manquent<br />
de résolution pour exécuter, ou, à défaut de science,<br />
doués d'un caractère persévérant et ferme ? Les hommes<br />
^ux projets élevés et hardis, mais qui manquent de<br />
résolution pour exécuter, en avançant dans la voie<br />
droite, prennent, pour exemple à suivre, les actions extraordinaires<br />
des grands hommes; les hommes qui n'ont<br />
qu'un caractère persévérant et ferme s'abstiennent au<br />
moins de pratiquer ce qui dépasse leur raison.<br />
22. Le Philosophe dit : Les hommes des provinces méridionales<br />
ont un proverbe ainsi conçu : « Un homme<br />
ce qui n'a point de persévérance n'est capable ni d'exercc<br />
cer l'art de la divination, ni celui de la médecine. »<br />
Ce proverbe est parfaitement juste.<br />
« Celui qui ne persévère pas dans sa vertu, éprouvera<br />
152 M LUN-YU,<br />
24. Tseu-koung it une question en ces termes : Si<br />
tous les hommes de son village chérissent quelqu'un,<br />
qu'en faut-il penser? Le Philosophe dit: Gela ne suffit<br />
pas pour porter sur lui un jugement équitable. — Si<br />
tous les hommes de son village haïssent quelqu'un,<br />
qu'en faut-il penser? Le Philosophe dit : Gela ne suffit<br />
pas pour porter sur lui un jugement équitable. Ce serait<br />
bien différent si les hommes vertueux d'entre les habitans<br />
de ce village le chérissaient, et si les hommes vicieux<br />
de ce même village le haïssaient.<br />
25. Le Philosophe dit : L'homme supérieur est facilement<br />
servi, mais difficilement satisfait. Si -on tâche de<br />
lui déplaire par des moyens contraires à la droite raison,<br />
il n'est point satisfait. Bans l'emploi qu'il fait des<br />
hommes, il mesure leur capacité [ il les emploie selon<br />
leur capacité]. L'homme vulgaire est difficilement servi<br />
et facilement satisfait. Si on tâche de lui plaire, quoique<br />
ce soit par des moyens contraires à la raison, il est<br />
également, satisfait. Dans l'emploi qu'il fait des hommes,<br />
il ne cherche que son avantage personnel.<br />
26. Le Philosophe dit : L'homme supérieur, s'il se<br />
trouve dans une haute position, ne <strong>mont</strong>re point de<br />
faste et d'orgueil ; l'homme vulgaire <strong>mont</strong>re <strong>du</strong> faste et<br />
de l'orgueil, sans être dans une position élevée.<br />
27. Le Philosophe dit : L'homme qui est ferme, patient,<br />
simple et naturel, sobre en paroles, approche<br />
beaucoup de la vertu de l'humanité.<br />
28. Tseu-hu fit une question en ces termes : A.quelles<br />
conditions un homme peut-il être appelé lettré <strong>du</strong> premier<br />
ordre, ou homme d'état? Le Philosophe dit : Rechercher<br />
le vrai avec sincérité, exposer le résultat de<br />
ses recherches ou de ses informations avec la même sincérité;<br />
avoir toujours un air affable et prévenant : voilà<br />
ce que l'on peut appeler les conditions d'un lettré de<br />
premier ordre. Les amis et les connaissances doivent
00 LES EMUITIIMS »H1L080FHIQUBB. 153<br />
être traités avec sincérité et franchise; les frères, avec<br />
affabilité et prévenance.<br />
29. Le Philosophe dit : Si un homme vertueux instruisait<br />
le peuple pendant sept ans, il pourrait le rendre<br />
habile dans Fart militaire.<br />
30. Le Philosophe dit) Employer à l'armée des populations<br />
non instruites dans Fart militaire, c'est les livrer<br />
à leur propre perte.<br />
CHAPITRE XIV,<br />
COMPOSÉ DE 47 ARTICLES.<br />
1. Hien l demanda ce jqm c'était que la honte. Le<br />
Philosophe dit : Quand l'État est gouverné par les principes<br />
déjà droite raison, recevoir des émolumens 2 ;<br />
quand l'État n'est pas gouverné par les principes de la<br />
droite raison, recevoir également des émolumens : c'est<br />
là de la honte.<br />
2. — Aimer à dompter son désir de combattre, et ne<br />
pas satisfaire ses ressentimens, ni ses penchans avides ;<br />
cela ne peut-il pas être considéré comme la vertu de<br />
l'humanité?<br />
Le Philosophe dit : Si cela peut être considéré comme<br />
difficile, comme la vertu de l'humanité; c'est ce que je<br />
' ne sais pas.<br />
3. Le Philosophe dit : Si un lettré aime trop l'oisiveté<br />
et le repos de sa demeure, il n'est pas digne d'être considéré<br />
comme lettré.<br />
4. Le Philosophe dit : Si l'État est gouverné par les<br />
1 Pelil nom de fournisse.<br />
9 Pour des fonctions que l'on ne remplit pas, ou que l'on s'a pas besoin de remplir.<br />
« L'Étal étant bien gouverné, ne pas remplir activement ses fonctions ; l'État étant<br />
mal gouverné, ne pas avoir le courage d'être seul vertueux, et cependant savoir cousommer<br />
ses éstolsmeas ; dans l'un et l'autre as on doit éprouver de la honte. »<br />
TCIOIMD.
194 W lUK-YU,<br />
principes de la droite raison, parle? hautement et dignement,<br />
agissez hautement et dignement. Si l'Etat<br />
n'est pas gouverné par les principes de la droite raison,<br />
agissez toujours hautement et dignement; mais parlez<br />
avec mesure et précaution.<br />
5. I^e Philosophe dit : Celui qui à des vertus, doit<br />
avoir la faculté de s'exprimer facilement; celui qui a la<br />
faculté de s'exprimer facilement, ne doit pas nécessairement<br />
posséder ces vertus. Celui qui est doué de la<br />
vertu de l'humanité, doit posséder le courage viril; celui<br />
qui est doué <strong>du</strong> courage viril, ne possède pas nécessairement<br />
la vertu de l'humanité.<br />
6. Nan-koung-kouo questionna KHOUNG-TSEU en ces<br />
termes : Y savait parfaitement tirer de l'arc ; Ngao savait<br />
parfaitement con<strong>du</strong>ire un navire, même dans un bassin<br />
à sec. L'un et l'autre cependant ne trouvèrent-ils pas<br />
la mort? Yu et Tsie labouraient la terre de leur propre<br />
personne, et cependant ils obtiarefitTempire. Le maître<br />
ne répondit point. Nan-koung-kouo sortit. Le Philosophe<br />
dit : C'est un homme supérieur que cet homme-là !<br />
comme il sait admirablement rehausser la vertu!<br />
7. Le Philosophe dit : Il y a eu des hommes supérieurs<br />
qui n'étaient pas doués de la vertu de l'humanité; mais<br />
il n'y a pas encore eu d'homme sans mérite qui fût doué<br />
de la vertu de l'humanité.<br />
8. Le Philosophe dit : Si l'on aime bien, ne peut-on<br />
pas aussi bien châtier * ? Si l'on a de la droiture et de la<br />
fidélité, ne peut-on pas faire des re<strong>mont</strong>rances?<br />
9. Le Philosophe dit : S'il fallait rédiger les documens<br />
d'une mission officielle, Pi-chin en traçait le plan et<br />
les esquissait; Chi-chou\es examinait attentivement et y<br />
plaçait les dits des anciens; l'ambassadeur'chargé de remplir<br />
la mission, T*eu-yu9 corrigeait le tout ; T§eur~tehanf<br />
de Thoung-li, y ajoutait les divers ornemens <strong>du</strong> style.<br />
• € Ôd aime bien, châtie biea, » dit aussi Ha proverbe français.
OU LES BHTRBTRMS PHILOSOPHIQUES. ISS<br />
10. Quelqu'un demanda quel était Tseurtehant Le<br />
Philosophe dit : C'était un homme bienfaisant.<br />
On demanda aussi quel était TùU-Bî? [Le Philosophe]<br />
dit : Celui-là? celui-là? [cette question" est déplacée<br />
].<br />
On demarida quel était Kauan-tckoung ? Il dit : C'est<br />
un homme qui avait enlevé à Pe-chi f un lef de trois<br />
cents familles. [Cependant ce dernier] se nourrissant<br />
d'alimens grossiers, ne laissa échapper jusqu'à la In<br />
de ses jours aucune parole de ressentiment ou d'indignation.<br />
îl. Le Philosophe dit : Il est difficile d'être pauvre,<br />
et de n'éprouver aucun ressentiment; il est facile en<br />
comparaison d'être riche, et de ne pas s'en enorgueillir.<br />
là. Le Philosophe dit : Meng-kong-icho (grand fonctionnaire<br />
<strong>du</strong>'royaume de Lou) est très-propre à être le<br />
premier intendant des familles Tchao et Weï 1 ; mais il<br />
n'esf pas capable d'être grand fonctionnaire des petits<br />
états de lïng et de Siê.<br />
13. Tsêu^lou demanda en quoi consistait l'homme<br />
accompli. Le Philosophe répondit: S'il réunit la science<br />
de Wou-tchouhg 3 , la modération de Eong-tcho ^ la force<br />
virile de TehoUang-tseu de Pian é , l'habileté dans les<br />
arts de J.en-khieou; si* outré cela, il est versé dans la<br />
connaissance des rites et 4© la musique : il peut être<br />
considéré comme un homme accompli.<br />
11 ajouta : Qu*est-il besoin que l'homme accompli de<br />
nos jours soit tel qu'il fient d'être décrit? Si, en voyant<br />
un proit à obtenir, il peiise à la justice; si, en voyant<br />
un danger, il dévoue sa vie; si, lorsqu'il s'agit d'an-<br />
» Grand de l'état de Thti.<br />
9 Familles de l'état de Tçin, ayant le rang de king, donné ans premiers dignitaire».<br />
s Grand fonctionnaire de Lou.<br />
« Grand fonctionnaire de la ville de Pion, dans l'état de lou.
iHft LE LUH-YU,<br />
ciens engagemens, il n'oublie pas les paroles de ses<br />
jours d'autrefois : il pourra aussi être considéré comme<br />
un homme accompli.<br />
14. Le Philosophe questionna K&mg-mimgf surnommé<br />
Kia î f sur Kong~teho~~wên~t§m l f en ces termes : Faut-il<br />
le croire? on dit que votre maître ne parle pas, ne rit<br />
pas, et n'accepte rien de personne?<br />
Ko%g-ming-kia répondit avec respect : Ceux qui ont<br />
rapporté cela vont trop loin. Mon mattre parle en temps<br />
opportum ; il ne fatigue pas les autres de ses discours.<br />
Quand il faut être joyeux, il rit ; mais il ne fatigue pas<br />
les autres de sa galté. Quand cela est juste, il reçoit ce<br />
qu'on lui offre ; mais on n'est pas fatigué de sa facilité à<br />
recevoir. Le Philosophe dit : Il se comporte ainsi! comment<br />
se peut-il comporter ainsi !<br />
15. Le Philosophe dit : Jhang-wow-tehoung cherchait<br />
à obtenir <strong>du</strong> prince de Lou que sa postérité eût toujours •<br />
la terre de Fang en sa possession. Quoiqu'il eût dit<br />
qu'il ne voulait pas l'exiger de son prince, je n'ajoute<br />
pas foi à ses paroles.<br />
16. Le Philosophe dit : Wm-kong, prince de Tçin,<br />
était un fourbe sans droiture; Wan-kong, prince de<br />
Tftst, était un homme droit sans fourberie.<br />
17. lieu-lou dit : Wan-kong tua Eong-tsei*-kieou.<br />
Tchao-kou mourut avec lui; Kouan-tchoung ne mourut<br />
pas : ne doit-on pas dire qu'il a manqué de la vertu de<br />
l'humanité?<br />
Le Philosophe dit : Wan-kong réunit et paciïa tous<br />
les grands de l'Etat, sans recourir à la force des armes;<br />
ce résultat fut dû à Fhabileté de Eouafb-tehoung : quel<br />
est celui dont l'humanité peut égaler la sienne 1<br />
18. Tseu-koung dit : Kouanrtchoung n'était pas dénué<br />
* De l'eut de Wet.<br />
* Grand dignitaire de l'état de Wti.
OU LIS BNTRBTIlirS PHILOSOPHIQUES. iW<br />
de la vertu de l'humanité. Lorsque Wan-kong tua Kong*<br />
tsêu-kièûu, [ Kouan-tchoung, son ministre] ne sut pas<br />
mourir; mais il aida le meurtrier dans ses entreprises.<br />
Le Philosophe dit : Kouafir-tckoung aida Wan-kong<br />
à soumettre les grands de tous les ordres, à remettre<br />
de l'unité et de l'ordre dans l'empire. Le peuple, jusqu'à<br />
nos jours, a conservé les bienfaits de son administration.<br />
Sans Kouan-iehmng j'aurais les cheveux rasés,<br />
et ma robe suspen<strong>du</strong>e en nœuds à mon côté gauche [selon<br />
la coutume des barbares*].<br />
Pourquoi [Kouan-tckoung], comme un homme ou une<br />
femme vulgaire, aurait-il accompli le devoir d'une médiocre<br />
fidélité, en s'étranglant ou en se jetant dans un<br />
fossé plein d'eau, sans laisser un souvenir dans la mémoire<br />
des hommes 1 !<br />
19. L'intendant de Kong-tcko-wen-tseu étant devenu<br />
ministre par le choix et avec l'appui de ce grand dignitaire,<br />
se rendit avec lui à la cour <strong>du</strong> prince. Le Philosophe<br />
ayant appris ce fait, dit : Il était digne par ses<br />
vertus et ses connaissances d'être considéré comme paré<br />
des omemem de Vé<strong>du</strong>cation (wen).<br />
20. Le Philosophe ayant dit que Ling-bmgf prince de<br />
Weïf était sans principes, Khang-tseu observa que s'il<br />
en était ainsi, pourquoi n'avait-il pas été privé de sa<br />
dignité?<br />
. KHOUNG-TSEU dit : Tchoung-cho-yu préside à la ré-<br />
1 Commentaire.<br />
3 Ces paroles éloquentes <strong>du</strong> philosophe chinois sont une admirable leçon pour ceux<br />
qui pîacelîl îa loi <strong>du</strong> devoir daas de vaines el stériles doctrines. Oh S sans doute il vaut<br />
cent fois mieux consacrer sa vie au service de sou pays, au bonheur de F humanité tout<br />
entière, que de la jeter en holocauste à une vaine poussière ! Si, comme le dit le grand<br />
philosophe que sous tra<strong>du</strong>isons, Kouan-tehoung s'était suicidé, commodes espritsétroiis<br />
l'auraient voulu, pour ne pas survivre à la défaite et à la mort <strong>du</strong> prince dont il était<br />
le ministre, il s'aurait pas accompli les grandes réformes populaires qu'il accomplit,<br />
et par suite de l'état de barbarie où serait tombée la Chine, KHôTOG-TSEIî n'aurait été<br />
lui-même qu'us barbare 1<br />
14
w^<br />
lit JLË 'LUN-YÛ,<br />
ception des hôtes et des étrangers; Chou~to préside aux<br />
cérémonies dû temple des ahcétres; Wang-sun-kia préside<br />
aui affaires militaires : cela étant ainsi, pourquoi<br />
l'aurait-on privé de sa dignité?<br />
2i. Le Philosophe dit : Celui qui parle sans modération<br />
et sans retenue, met difficilement ses paroles en<br />
pratique.<br />
Ob/Tchinrtching-tseu (grand de l'état de Thsi) mit<br />
à mort Kiêfir-kong (prince de Thsi).<br />
KfiouNG-TSEU se purifia le corps par un bain, et se<br />
rendit à la cour (de Lou), où il annonça l'événement à<br />
Ngaï-korig (prince de Lou) en ces termes : Tchin-heng<br />
a tué son prince; je viens demander qu'il soit puni.<br />
' Ld prince dit : Exposez l'affaire à mes trois grands<br />
dighitaires.<br />
KHOUNG-TSEU dit : Comme je marche immédiatement<br />
après les grands dignitaires, je n'ai pas cru devoir me<br />
dispenser de vous faire connaître l'événement. Le prince<br />
dit': C'est à mes trois grands dignitaires qu'il faut exposer<br />
le fait.<br />
Il exposa lé fait aux trois grands dignitaires, qui jugèrent<br />
que cette démarche ne convenait pas. KHOPNGf<br />
SEU ajouta : Comke je marche immédiatement après<br />
les gratids dignitaires, je n'ai pas cru devoir me dispenser<br />
de vous faire connaître le fait<br />
23. Tswh-lou demanda comment il fallait servir le<br />
prince. Le Philosophe dit : Ne f abusez pas, et résistezlui<br />
dans l'occasion.<br />
24. Le Philosophe dit : L'homme supérieur s'élève<br />
continuellement en intelligence et en pénétration;<br />
l'homme sans mérites descend continuellement dans l'ignorance<br />
et le vice.<br />
25. ie Philosophe dit : Dans l'antiquité, ceux qui se<br />
livraient à l'étude le faisaient pour eux-mêmes ; maintenant,<br />
ceux' qui se livrent à l'étude le font pour les
IIP IIP<br />
OC LBS iWïfttXIllfS PmiOSOPHlQUBS. lit<br />
autres [pour paraître instruits aux yeux des autrpg*].<br />
26. Kieourfe-yu (grand dignitaire de l'état de Weï)<br />
envoya un homme à KHOUNG-TSEU pour savoir de ses<br />
nouvelles. KHOUNG-TSEU fit asseoir l'envoyé près de<br />
lui, et lui fit une question en ces termes : Que fait votre<br />
maître? L'envoyé répondit avec respect : Mon maître<br />
désire diminuer le nombre de ses défauts, mais il ne<br />
peut en venir à bout L'envoyé étant sorti, le Philosophe<br />
dit : Quel digne envoyé ! quel digne envoyé I<br />
27. Le Philosophe dit Que lorsqu'une chose ne rentrait<br />
pas dans ses fonctions, il ne fallait pas se mêler de<br />
la diriger.<br />
28. THSêNG-TSEU dit :
|U0 US UJIMrU,<br />
trompé par les hommes, ne pas se prémunir contre leur<br />
manque de foi, lorsque cependant on Fa prévu d'avance,<br />
n'est-ce pas là être sage?<br />
3k. Wéi-semg, surnommé Miou, s'adressant àKHOUNG-<br />
TSEU, lui dit: KHIEOU [petit nom <strong>du</strong> Philosophe], pourquoi<br />
êtes-vous toujours par voies et par chemins pour<br />
propager votre doctrine ? N'aimes-vous pas un peu trop<br />
à en parler?<br />
KHOUNG-TSEU dit : Je n'oserais me permettre d'aimer<br />
trop à persuader par la parole ; mais je hais l'obstination<br />
à s'attacher à une idée fixe.<br />
35. Le Philosophe dit : Quand on voit le beau cheval<br />
nommé JK, on ne loue pas en lui la force, mais les qualités<br />
supérieures.<br />
36. Quelqu'un dit : Que doit-on penser de celui qui<br />
rend bienfaits pour injures* ?<br />
Le Philosophe dit : [Si l'on agit ainsi], avec quoi<br />
payera-t-on les bienfaits mêmes ? *<br />
11 faut payer par l'équité la haine et les injures, et<br />
les bienfaits par des bienfaits.<br />
37. Le Philosophe dit : Je ne suis connu de personne.<br />
Tseur-koung dit : Comment se fait-il que personne ne<br />
vous connaisse? Le Philosophe dit : Je n'en veux pas<br />
au ciel, je n'en accuse pas les hommes. Humble et simple<br />
étudiant, je suis arrivé par moi-même à pénétrer les<br />
choses. Si quelqu'un me connaît, c'est le ciel!<br />
38. Kong-pe-liao calomniait Tseu-lm près deJH-Mtt.<br />
fsew-fou, Kng-pe (grand de l'état de Lou) en informa le<br />
Philosophe en ces termes : Son supérieur [Ki-sun] a certainement<br />
une pensée de doute d'après le rapport de<br />
» Toyes VEvangile et le Koran. L'Évangile dit qu'il faut rendre le biea pomtfe mal;<br />
îe Koran, qu'il faut rendre le mal pour le mai. Le précepte <strong>du</strong> Philosophe chinois sous<br />
paraît moins sublime que celai de lésas, mais peut-être plus conforme aux lois équitables<br />
de la nature humaine. Téhou-t» sur celte phrase, reatoie au livre de lao-Ueu,<br />
où îe caractère té, ©rdiaaÈremeat vertu, est. expliqué par Ngan-hm, bimfaiwnt,<br />
bienfaits.
OU LES IWTMTIElfS PHILOSOPHIQUES. 161<br />
Kong-pe-liao. Je suis assez.fort pour châtier [le calomniateur],<br />
et exposer son cadavre dans la cour <strong>du</strong> marché.<br />
Le Philosophe dit : Si la voie de la droite raison doit<br />
être suivie, c'est le décret <strong>du</strong> ciel; si la voie de la droite<br />
raison doit être abandonnée, c'est le décret <strong>du</strong> ciel.<br />
Comment Kong-pe-liao arrêterait-il les décrets <strong>du</strong> cielf<br />
39. Le Philosophe dit : Les sages fuient le siècle.<br />
Ceux qui les suivent immédiatement, Ment leur patrie.<br />
Ceux qui suivent immédiatement ces derniers, fuient<br />
les plaisirs.<br />
Ceux qui viennent -après, fuient les paroles trompeuses.<br />
40. Le Philosophe dit : Ceux qui ont agi ainsi, sont<br />
au nombre de sept.<br />
41. Tsm-lou passa la nuit à Chi-men. Le gardien de<br />
la porte lui dit : D'où venez-vous? Tsev-hu lui dit : Je<br />
viens de près de KHOUNG-TSEU. Le gardien ajouta : Il<br />
doit savoir sans doute qu'il ne peut pas faire prévaloir<br />
ses doctrines, et cependant il s'applique toujours activement<br />
à les propager.<br />
42. Le Philosophe étant un jour occupé à jouer de<br />
son instrument de pierre nommé king, dans l'état de<br />
Weï9 un homme, portant un panier sur ses épaules,<br />
vint à passer devant la porte de KHOUNG-TSEU, et<br />
s'écria : Oh! qu'il a de cœur celui qui joue ainsi <strong>du</strong><br />
king !<br />
Après un instant de silence, il ajouta : 0 les hommes<br />
vils! quelle harmonie! king! king! personne ne sait<br />
l'apprécier. Il a cessé de jouer ; c'est fini.<br />
« Si l'eau est profonde, alors ils la passent sans rele-<br />
» ver leur robe ;<br />
« Si elle n'est pas profonde, alors ils la relèvent 1 . »<br />
1 Citation <strong>du</strong> Mm de* Vtn, Weï-foung, ode Pao-^on-ten.<br />
14.
i$% H LVH-TU9<br />
Le Philosophe dit : Pour celui qui est persévérant et<br />
ferme, il n'est rien de difficile»<br />
43. T&u-tchang dit : Le Chou-king rapporte que<br />
Kao-Êsoung passa ,dans le Liang-yn 1 trois années sans<br />
parler; quel est le sens de ce passage?<br />
Le Philosophe dit : Pourquoi citer seulement Jfaotsoung<br />
? Tous les hommes de l'antiquité agissaient ainsi.<br />
Lorsque le prince avait cessé de vivre, tous les magistrats<br />
ou fonctionnaires publics qui continuaient leurs<br />
fonctions recevaient <strong>du</strong> premier ministre leurs instructions<br />
pendant trois années.<br />
44. Le Philosophe dit : Si celui qui occupe le premier<br />
rang dans l'Etat aime à se conformer aux rites,<br />
alors le peuple se laiss« facilement gouverner.<br />
45. Tseu-lou demanda ce qu'était l'homme supérieur.,<br />
Le Philosophe répondit : 11 s'efforce constamment d'améliorer<br />
sa personne pour s'attirer le respect. — C'est<br />
là tout ce qu'il fait? — Il améliore constamment sa personne<br />
pour procurer aux autres <strong>du</strong> repos et de la tranquillité.<br />
— C'est là tout ce qu'il fait?— Il améliore constamment<br />
sa personne pour rendre heureuses toutes les<br />
populations. 11 améliore constamment sa personne pour<br />
rendre heureuses toutes les populations : Yao et Chun<br />
eux-mêmes agirent ainsi.<br />
46. Youan-jang (un ancien ami <strong>du</strong> Philosophe), plus<br />
4gé que lui, était assis sur le chemin les jambes croisées.<br />
Le Philosophe lui dit : Etant enfant, n'avoir pas eu de<br />
Référence fraternelle; dans l'âge mûr, n'avoir rien fait<br />
de louable ; parvenu à la vieillesse, ne pas mourir : c'est<br />
être un vaurien. Et H lui frappa les jambes avec son bâton<br />
[pour le faire lever].<br />
47. "Un jeune homme <strong>du</strong> village de Kiouë-thang était<br />
chargé par le Philosophe de recevoir les personnes qui<br />
1 Demeure pour passer les années de deuil.
OU LES 1MTR1TÏ1MS PHILOSOPHIQUES. I§3<br />
le visitaient. Quelqu'un lui demanda s'il avait fait de<br />
grands progrès dans l'étude.<br />
Le Philosophe dit : J'ai vu ce jeune homme s'asseoir<br />
pu: le siège 1 ; je l'ai vu marchant de pair avec ses maîtres<br />
1 ; je pe cherche pas à lui faire faire des progrès<br />
dans l'étude, je désire seulement qu'il devienne un<br />
homme distingué.<br />
CHAPITRE XV,<br />
COMPOSÉ DE 41 ARTICLES.<br />
1. Ling-kongf prince de Weï9 questionna KBOUNG-<br />
TSEU sur Fart militaire. KHOUNG-TSEU lui répondit avec<br />
déférence : Si vous m'interrogiez sur les affaires des<br />
cérémonies et des sacrifices, je pourrais vous répondre<br />
en connaissance de cause. Quant, aux affaires de Fart<br />
militaire, je ne les ai pas étudiées. Le lendemain matinal<br />
partit.<br />
Etant arrivé dans l'état de Tçhing,t les vivres l^ui manquèrent<br />
complètement. Les disciples qui le suivaient<br />
tombaient de faiblesse, sans pouvoir se relever.-, \<br />
Tseu-hu, manifestant son mécontentement^ dit : Lqs<br />
hommes supérieurs éprouvent donc aussi les besoins de<br />
la faim ? Le Philosophe dit : L'homme supérieur est plus<br />
fort que le besoin; l'homme vulgaire, dans le besoin,<br />
se laisse aller à la défaillance.<br />
2. Le Philosophe dit : Sse, ne pensez-vous pas que j'ai<br />
beaucoup appris, et que j'ai retenu tout cela dans ma<br />
mémoire?<br />
1<br />
AU lieu de se tenir à Mû angle de l'appartement, comme il convenait à us jeûne<br />
homme.<br />
9<br />
Au lien de marcher à leur mite.
164 LE LUIMTO,<br />
[Le disciple] répondit avec respect : Assurément ;<br />
n'en est-il pas ainsi?<br />
Il n'en est pas ainsi; je ramène tout à un seul principe.<br />
'3. Le Philosophe dit : Teou [petit nom de T$eu4ou],<br />
ceux qui connaissent la vertu sont bien rares 1<br />
4. Le Philosophe dit : Celui qui sans agir gouvernait<br />
l'État, n'était-ce pas Chun? comment faisait-il? Offrant<br />
toujours dans sa personne l'aspect vénérable de<br />
la vertu, il n'avait qu'à se tenir la face tournée vers le<br />
midi, et cela suffisait.<br />
5. Tseu-tchang demanda comment il fallait se con<strong>du</strong>ire<br />
dans la vie.<br />
Le Philosophe dit : Que vos paroles soient sincères<br />
et fidèles ; que vos actions soient constamment honorables<br />
et dignes, quand même vous seriez dans le pays<br />
des barbares <strong>du</strong> midi et <strong>du</strong> nord, votre con<strong>du</strong>ite sera<br />
exemplaire. Mais si vos paroles ne sont pas sincères et<br />
fidèles, vos actions constamment honorables et dignes,<br />
quand même vous seriez dans une cité de deux mille familles,<br />
ou dans un hameau de vingt-cinq,'que penseraiton<br />
de votre con<strong>du</strong>ite?<br />
Lorsque vous êtes en repos, ayez toujours ces maximes<br />
sous les yeux; lorsque vous voyagez sur un char, voyezles<br />
inscrites sur le joug de votre attelage. De cette manière,<br />
votre con<strong>du</strong>ite sera exemplaire.<br />
Tseur-tehang écrivit ces maximes sur sa ceinture.<br />
6. Le Philosophe dit : Oh I qu'il était droit et véridique<br />
l'historiographe Tu (grand dignitaire <strong>du</strong> royaume<br />
de Weï) I Lorsque l'État était gouverné selon les principes<br />
de la raison, il allait droit comme une flèche ; lorsque<br />
l'État n'était pas gouverné par les principes de la<br />
raison, il allait également droit comme une flèche.<br />
Khivrfe-yu était un homme supérieur ! si l'État était<br />
gouverné par les principes de la droite raison, alors il<br />
remplissait des fonctions publiques ; si FEtat n'était pas /
OU LES BHTEET1BHS ^BlLOgOPHlgUIS. lêi<br />
gouverné par les principes de la droite raison, alors<br />
il résignait ses fonctions et se retirait dans la solitude.<br />
7. Le Philosophe dit : Si vous devez vous entretenir<br />
avec un homme [sur des sujets de morale], et que vous<br />
ne lui parliez pas, vous le perdez. Si un homme n'est<br />
pas disposé à recevoir vos instructions morales, et que<br />
vous les lui donniez, vous perdez vos paroles. L'homme<br />
sage et éclairé ne perd pas les hommes [faute de les<br />
instruire] ; il ne perd également pas ses instructions.<br />
8. Le Philosophe dit : Le lettré qui a les pensées grandes<br />
et élevées, l'homme doué delà vertu de l'humanité,<br />
ne cherchent point à vivre pour nuire à l'humanité; ils<br />
aimeraient mieux livrer leur personne à la mort pour<br />
accomplir la vertu de l'humanité.<br />
9. Tseu-koung demanda en quoi consistait la pratique<br />
de l'humanité. Le Philosophe dit : L'artisan qui veut<br />
bien exécuter son œuvre, doit commencer par bien aiguiser<br />
ses instrument Lorsque vous habiterez dans un<br />
état quelconque, fréquentez pour les imiter les sages<br />
d'entre les grands fonctionnaires de cet état, et liezvous<br />
d'amitié avec les hommes humains et vertueux d'entre<br />
les lettrés.<br />
"10. Yan-youan demanda comment il fallait gouverner<br />
un état.<br />
Le Philosophe dit : Suivez la division des temps de la<br />
dynastie Hia.<br />
Montez les chars de la dynastie Yn; portez les bonnets<br />
de la dynastie Tcheou. Quant à la musique* adoptez<br />
les airs chaô-woû [de Churi\.<br />
Rejetez les mo<strong>du</strong>lations de Tching; éloignez de vous<br />
les flatteurs. Les mo<strong>du</strong>lations de Tehing sont licencieuses;<br />
les flatteurs sont dangereux.<br />
11. Le Philosophe dit : L'homme qui ne médite ou ne<br />
prévoit pas les choses éloignées, doit éprouver un chagrin<br />
prochain.
t2. L(3 Philosophe dit : Hélas 1 je n'ai encore YU personne<br />
qui aimât la vertu comme on aime la beauté corporelle<br />
1 .<br />
13. Le Philosophe dit : Tsang-wen-êehoung. n'était-il<br />
pa§ un secret accapareur d'emplois publics? Il connaissait<br />
la sagesse et les talens de Liêou-hia~koêïf et il ne<br />
voulut point qu'il pût siéger avec lui à la cour.<br />
ïk. Le Philosophe dit : Soyez sévères envers vousmêmes<br />
et in<strong>du</strong>lgens envers les autres, alors vous éloignerez<br />
de vous les ressentimens.<br />
15. Le Philosophe dit : Si un homme ne dit pointsouvent<br />
en lui-mêpie : Comment ferai-je ceci? comment<br />
éviterai-je cela? comment, moi, pourrais-je lui dire : Ne<br />
faites pas ceci ; évitez cela ? C'en est fait de lui.<br />
16. Le Philosophe dit : Quand une multitude de personnes<br />
se trouvent ensemble pendant toute une journée,<br />
leurs parqles ne sont pas toutes celles de l'équité et de la<br />
justice; elles aiment à ne s'occuper que de choses vulgaires<br />
et pleines de ruses. Qu'il leur est difficile de faire<br />
le. bien!<br />
17. Le Philosophe dit : L'homme supérieur fait de<br />
Féquitéetde la justice la base de toutes ses actions; les<br />
rites forment la règle de sa con<strong>du</strong>ite ; la déférence et<br />
la modestie le dirigent au dehors ; la sincérité et la fidélité<br />
lui servent d'accomplissemens. N'est-ce pas un<br />
homme supérieur?<br />
18. Le Philosophe (fit : L'homme supérieur s'afflige<br />
de son impuissance [à faire tout le bien qu'il désire] ; il<br />
ne s'afflige pas d'être ignoré et méconnu des hommes.<br />
19. Le Philosophe dit : L'homme supérieur regrette<br />
de voir sa vie s'écouler sans laisser après lui des actions<br />
dignes d'éloges.<br />
20. Le Philosophe dit : L'homme supérieur ne de-<br />
1 Voyez la même pensée exprimée ci-de?mî.
OU US EMTEBTIEHS PHILOSOPHIQUES. ifSf<br />
mande rien qu'à lui-même ; l'homme Yulgaire et sans<br />
mérite demande tout aux autres.<br />
21. Le Philosophe dit : L'homme supérieur est ferme<br />
dans ses résolutions, sans avoir de différends avec personne;<br />
il vit en paix avec la foule, sans être de la foule.<br />
22. Le Philosophe dit : L'homme supérieur ne donne<br />
pas de l'élévation à un homme pour ses paroles ; il ne<br />
rejette pas lies paroles à cause' de l'homme qui les a<br />
prononcées.<br />
23. T§êu~koung fit une question en ces termes : Y at-il<br />
un mot dans la langue que l'on puisse se borner à<br />
pratiquer seul jusqu'à la fin de l'existence? Le Philosophe<br />
dit : 11 y a le mot chou*, dont le sens est : Ce que<br />
Von ne désire pm qui nom soit fait, il ne faut pas k<br />
faire aux autres.<br />
2%. Le Philosophe dit : Dans, mes relations avec les<br />
hommes, m'est-il arrivé de blâmer quelqu'un, ou de<br />
le louer outre mesure ? S'il se trouve quelqu'un que<br />
j'aie loué outre mesure, il a pris à tâche de justifier pat<br />
la suite mes éloges.<br />
Ces.personnes [dont j'aurais exagéré les défauts ou<br />
les qualités] pratiquent les lois d'équité et de droiture<br />
des trois dynasties; [quel motif aurais-je eu de les en<br />
blâmer]?<br />
25. Le Philosophe dit : J'ai presque vu le jour où<br />
l'historien de l'empire laissait des lacunes dans ses récits<br />
[quand il n'était pas sûr des faits ] ; où celui qui possédait'un<br />
cheval, le prêtait aux autres pour le <strong>mont</strong>er;<br />
maintenant ces mœurs sont per<strong>du</strong>es.<br />
26. Le Philosophe dit : Les paroles artificieuses pervertissent<br />
la vertu même; une impatience capricieuse<br />
ruine les plus grands projets.<br />
1 Vojrez ce mot, et l'explication que nous en avons donnée dans notre édition déjà<br />
citée <strong>du</strong> Ta-hio, en chinois, m latin et en français, avec-la tra<strong>du</strong>ction complète de<br />
commentaire de Tchou-hi, p. 66. Yojez aussi la même maxime déjà plusieurs foi inexprimée<br />
précédemment.
168 L" LUK-TU,<br />
27. Le Philosophe dit : Que la foule déteste quelqu'un,<br />
vous devez examiner attentivement avant de juger; que<br />
la foule se passionne pour quelqu'un, vous devez examiner<br />
attentivement avant de juger.<br />
28. Le Philosophe dit : L'homme peut agrandir la<br />
voie de la vertu; la voie de la vertu ne peut pas agrandir<br />
l'homme.<br />
29. Le Philosophe dit : Celui qui a une con<strong>du</strong>ite vicieuse,<br />
et ne se corrige pas, celui-là peut être appelé<br />
vicieux.<br />
30. Le Philosophe dit : J'ai passé des journées entières<br />
sans nourriture, et des nuits entières sans sommeil,<br />
pour me livrer à des méditations, et cela sans<br />
utilité réelle; l'étude est bien préférable.<br />
31. Le Philosophe dit : L'homme supérieur ne s'occupe<br />
que de la droite voie ; il ne s'occupe pas <strong>du</strong> boire<br />
et <strong>du</strong> manger. Si vous cultivez la terre, la Mm se trouve<br />
souvent au milieu de vous; si vous étudiez, la félicité se<br />
trouve dans le sein même de l'étude. L'homme supérieur<br />
ne s'inquiète que de ne pas atteindre la droite<br />
voie ; il ne s'inquiète pas de la pauvreté.<br />
. 32. Le Philosophe dit : Si l'on a assez de connaissance<br />
pour atteindre à la pratique de la raison, et que<br />
la vertu de l'humanité que l'on possède ne suffise pas<br />
pour persévérer dans cette pratique; quoiqu'on y parvienne,<br />
on finira nécessairement par l'abandonner.<br />
Bans le cas où l'on aurait assez de connaissance pour<br />
atteindre à la pratique de la raison, et où la vertu de<br />
l'humanité que l'on possède suffirait pour persévérer<br />
dans cette pratique ; si l'on n'a ni gravité ni dignité,<br />
alors le peuple n'a aucune considération pour vous.<br />
Enfin, quand même on aurait assez de connaissance<br />
pour atteindre à Sa pratique de la raison, que la vertu<br />
de l'humanité que l'on possède suffirait pour persévérer<br />
dans cette pratique, et que l'on y joindrait la gra-
OU LES EffTllTlElS PHILOSOfHIQUES. 109<br />
vite et la dignité convenables; si Ton traite le peuple<br />
d'une manière contraire aux rites, il n'y a pas encore<br />
là de vertu.<br />
33. Le Philosophe dit : L'homme supérieur ne peut<br />
pas être connu et apprécié convenablement dans les petites<br />
choses, parce qu'il est capable d'en entreprendre<br />
de grandes. L'homme vulgaire, au contraire, n'étant<br />
pas capable d'entreprendre de grandes choses, peut être<br />
connu et apprécié dans les petites.<br />
34. Le Philosophe dit : La vertu de l'humanité est<br />
plus salutaire aux hommes que Feau et le feu; j'ai vu<br />
des hommes mourir pour avoir foulé l'eau et le feu ; je<br />
n'en ai jamais vu mourir pour avoir foulé le sentier de<br />
l'humanité.<br />
35. Le Philosophe dit : Faites-vous un devoir de pratiquer<br />
la vertu de l'humanité, et ne l'abandonnez pas<br />
même sur l'injonction de vos instituteurs.<br />
36. Le Philosophe dit : L'homme supérieur se con<strong>du</strong>it<br />
toujours conformément à la droiture et à la vérité,<br />
et il n'a pas d'obstination.<br />
37. Le Philosophe dit : En servant un prince, ayez<br />
beaucoup de soins et d'attention pour ses affaires, et<br />
faites peu de cas de ses émolumens.<br />
38. Le Philosophe dit : Ayez des enseignemens pour<br />
tout le monde, sans distinction de classes ou de rangs.<br />
39. Le Philosophe dit : Les principes de con<strong>du</strong>ite<br />
étant différens, on ne peut s'aider mutuellement par des<br />
conseils,<br />
40. Le Philosophe dit : Si les expressions dont on se<br />
sert sont nettes et intelligibles, cela suffit.<br />
L'intendant de la musique, nommé Mian \ vint un<br />
jour voir (KHOUNG-TSEU). Arrivé au pied des degrés,<br />
le Philosophe lui dit : Voici les degrés. Arrivé près des<br />
1 11 était aveuglé.<br />
16
iT§ LB LUN-YU,<br />
sièges, le Philosophelui dit : Voici les sièges. Et tous deux<br />
s'assirent Le Philosophe l'informa alors qu'un tel s'était<br />
assis là, un tel autre là. L'intendant de la musique,<br />
Mian, étant parti, Tseu-tckang fit une question en ces<br />
termes : Ce que vous avez dit à l'intendant est-il conforme<br />
aux principes?<br />
41. Le Philosophe dit : Assurément ; c'est là la manière<br />
d'aider et d'assister les maîtres d'une science quelconque.<br />
CHAPITRE XVI,<br />
COMPOSE SE 14 ARTICLES.<br />
1. Kirchi était sur le point d'aller combattre Tehouan-<br />
/qn-yeofi et Mi-lou, qui étaient près de KHOUNG-TSEU,<br />
lui dirent : Ki-chi se prépare à avoir un démêlé avec<br />
Tchouqn-qu.<br />
Le Philosophe dit : Mhimu (Jan-yecn*) 1 n'est-ce pas<br />
votre faute?<br />
Ce jfçÀpuqn-yu reçut autrefois des anciens rois la souveraineté<br />
sur fhoung-mom(j 2 .<br />
En outre, il rentre par unp partie c(e ses confins dans<br />
Je territoire de l'état (de Lou). 11 est le vassal des esprits<br />
de la terre et des grains [c'est un état vassal <strong>du</strong><br />
prince de Lou ]. Comment aurait-il à subir une invasion<br />
?<br />
Jafiryew dit : Notre maître le désire.Nous deux, ses<br />
mipistres, nous ne le désirons pas.<br />
K»O!JNG-TSEU dit : Khieouf [l'ancien et illustre hia-<br />
* Nom d'un royaume. (Commentaire.J<br />
• Nom d'usé <strong>mont</strong>agne. [Ibid.)
OU LES IWTUTHÎfg PHILOSOPHIQUES. 171<br />
torien] Teheou^jin a dit : ce Tant que vos forces vous<br />
servent, remplissez votre devoir ; si vous ne pouvez pas<br />
le remplir, cessez vos fonctions. Si un homme en danger<br />
n'est pas secouru ; si lorsqu'on le voit tomber on<br />
ne le soutient pas : alors à quoi servent ceux qui sont là<br />
pour l'assister? »<br />
Il suit de là que vos paroles sont fautives. Si le tigre<br />
ou le buffle s'échappent de l'enclos où ils sont renfermés;<br />
si la tortue à la pierre précieuse s'échappe <strong>du</strong> coffre<br />
où elle était gardée : à qui en est la faute ?<br />
Jan-yeou dit : Maintenant, ce pays de Tchôuan-yu<br />
est fortifié, et se rapproche beaucoup de Pi [ville appartenant<br />
en propre à JK-cAt]. Si maintenant on ne s'en<br />
empare pas, il deviendra nécessairement, dans les générations<br />
avenir, une source d'inquiétudes et de troubles<br />
pour nos fils et nos petits-fils.<br />
KHOUNG-TSEU dit : Khieou! l'homme supérieur hait<br />
ces détours d'un homme qui se défend de toute ambition<br />
cupide, lorsque ses actions le démentent<br />
J'ai toujours enten<strong>du</strong> dire que ceux qui possèdent un'<br />
royaume, ou qui sont chefs de grandes familles, ne se<br />
plaignent pas deice que ceux qu'ils gouvernent ou administrent<br />
sont peu nombreux, mais qu'ils se plaignenf<br />
de ne pas avoir l'éten<strong>du</strong>e de territoire qu'ils prétendent<br />
leur être <strong>du</strong>e ; qu'ils ne se plaignent pas delà pauvreté où<br />
peuvent se trouver les populations, mais qu'ils se plaignent<br />
de la discorde qui règne entre elles et eux. Car, si<br />
chacun obtient la part qui lui est <strong>du</strong>e, il n'y a point de<br />
pauvre; si la concorde règne, il n'y a pas pénurie d'habitans;<br />
s'il y a paix et tranquillité, il n'y a pas cause de<br />
ruine ou de révolution.<br />
Les choses doivent se passer ainsi.C'est pourquoi, si les<br />
populations éloignées ne sont pas soumises, alors cultivez<br />
la science et la vertu, afin de les ramener à vous<br />
par vos mérites. Une fois qu'elles sont revenues i l'o-
172 LE UJN-YU,<br />
béissance, alors faites-les jouir de la paix et de la tranquillité.<br />
Maintenant, Ymu et Kkieou, en aidant votre maître,<br />
vous ne ramènerez pas à l'obéissance les populations<br />
éloignées, et celles-ci ne pourront venir se'soumettre<br />
d'elles-mêmes. L'État est divisé, troublé, déchiré par<br />
les dissensions intestines, et vous n'êtes pas capables de<br />
le protéger.<br />
Et cependant vous projetez de porter les armes au<br />
sein de cet état. Je crains bien que les petits-fils de Si<br />
n'éprouvent un jour que la source continuelle de leurs<br />
craintes et de leurs alarmes n'est pas dans le pays<br />
de Tchouanryu, mais dans l'intérieur de leur propre<br />
famille.<br />
2. KHOUNG-TSEU dit : Quand l'empire est gouverné<br />
par les principes de la droite raison, alors les rites, la<br />
musique, la guerre pour soumettre les rebelles, procèdent<br />
des fils <strong>du</strong> Ciel [des empereurs]. Si l'empire est<br />
sans loi, s'il n'est pas gouverné par les principes de la<br />
droite raison, alors les rites, la musique, la guerre pour<br />
soumettre les rebelles, procèdent des princes tributaires<br />
ou des vassaux de tous les rangs. Quand [ces choses,<br />
qui sont exclusivement dans les attributions impériales]<br />
procèdent des princes tributaires, il arrive rarement<br />
que, dans l'espace de dix'générations 1 , ces derniers<br />
ne perdent pas leur pouvoir usurpé [qui tombe alors<br />
dans les mains des grands fonctionnaires publics].<br />
Quand il arrive que ces actes de l'autorité impériale<br />
procèdent des grands fonctionnaires, il est rare que,<br />
dans l'espace de cinq générations, ces derniers ne perdent<br />
pas leur pouvoir [qui tombe entre les mains des<br />
intendans des grandes familles]. Quand les intendans<br />
des grandes familles s'emparent <strong>du</strong> pouvoir royal, il est<br />
1 On de dix périodes de trente aisées.
OU LES IMTïtlTIlffS PHttôSOPBI||UIS, 173<br />
rare qu'ils ne le perdent pas dans l'espace de trois générations.<br />
Si l'empire est gouverné selon les principes de la droite<br />
raison, alors l'administration ne réside pas dans les<br />
grands fonctionnaires.<br />
Si l'empire est gouverné selon les principes de la droite<br />
raison, alors les hommes de la foule ne s'occupent pas<br />
à délibérer et à exprimer leur sentiment sur les actes<br />
qui dépendent de l'autorité impériale.<br />
3. KHOUNG-TSEU dit : Les revenus publics n'ont pas<br />
été versés à la demeure <strong>du</strong> prince pendant cinq générations<br />
; la direction des affaires publiques est tombée<br />
entre les mains des grands fonctionnaires pendant quatre<br />
générations. C'est pourquoi les ils et les petits-fils<br />
des- trois Bouan [trois familles de princes de Lou] ont<br />
été si affaiblis.<br />
4. KHOUNG-TSEU dit : 11 y a trois sortes d'amis qui<br />
sont utiles, et trois sortes qui sont nuisibles. Les amis<br />
droits et vérîdiques, les amis fidèles et vertueux, les amis<br />
qui ont éclairé leur intelligence, sont les amis utiles ;<br />
les amis qui affectent une gravité toute extérieure et sans<br />
droiture, les amis prodigues d'éloges et de basses flatteries,<br />
les amis qui n'ont, que de la loquacité sans intelligence,<br />
sont les amis nuisibles.<br />
5. KHOUNG-TSEU dit : Il y a trois sortes de joies ou<br />
satisfactions qui sont utiles, et trois sortes qui sont nuisibles.<br />
La satisfaction de s'instruire à fond dans les rites<br />
et la musique, la satisfaction d'instruire les hommes<br />
dans les principes de la vertu, la satisfaction de posséder<br />
l'amitié d'un grand nombre de sages, sont les joies<br />
ou satisfactions utiles; la satisfaction que donne la vanité<br />
et l'orgueil, la satisfaction de l'oisiveté et de la mollesse,<br />
la satisfaction de la bonne chère et des plaisirs,<br />
sont les satisfactions nuisibles.<br />
6. KHOUNG-TSEU dit : Ceux qui sont auprès des prin-<br />
15.
$74 LE LUN-YU,<br />
ces vertueux pour les aider dans leurs devoirs ont trois<br />
fautes à éviter : De parler sans y avoir été invités, ce qui<br />
est appelé précipitation ; de ne pas parler lorsqu'on y<br />
est invité, ce qui est appelé taciturnité ; de parler sans<br />
avoir observé la contenance et la disposition [<strong>du</strong> prince],<br />
ce qui est appelé aveuglement.<br />
7. KHOUNG-TSEU dit : 11 y a pour l'homme supérieur<br />
frois choses dont il cherche à se préserver : Dans le<br />
temps de la jeunesse, lorsque le sang et les esprits vitaux<br />
ne sont pas encore fixés [que la forme corporelle<br />
n'a pas encore pris tout son développement 1 ], ce que<br />
l'on doit éviter, ce sont les plaisirs sensuels; quand on a<br />
atteint la maturité, et que le sang et les esprits vitaux t<br />
ont acquis toute leur force et leur vigueur, ce que Ton<br />
doit éviter, ce sont les rixes et les querelles ; quand on<br />
est arrivé à la vieillesse, que le sang et les esprits vitaux<br />
* tombent dans un état de langueur, ce que l'on doit éviter,<br />
c'est le désir d'amasser des richesses.<br />
. 8. KHOUNG-TSEU dit : Il y a trois choses que l'homme<br />
supérieur révère : 11 révère les décrets <strong>du</strong> ciel, il révère<br />
les grands hommes, il révère les paroles des saints.<br />
Les hommes vulgaires ne connaissent pas les décrets<br />
<strong>du</strong> ciel, et par conséquent ils ne les révèrent pas; ils font<br />
peu de cas des grands hommes, et ils se jouent des paroles<br />
des saints.<br />
. Sj. KHOUNG-TSEU dit : Ceux qui, <strong>du</strong> jour même de<br />
leur naissance, possèdent la science, sont les hommçs<br />
<strong>du</strong> premier ordre [supérieurs à tous les autres] ; ceux qui<br />
par l'étude acquièrent la science, viennent après eux;<br />
ceux qui, ayant l'esprit lourd et épais, acquièrent cependant<br />
des connaissances par l'étude, viennent ensuite ;<br />
enfin ceux qui, ayant l'esprit lourd et épais, n'étudient<br />
pas et n'apprennent rien ; ceux-là sont <strong>du</strong> dernier rang<br />
parmi les hommes.<br />
1 Commentaire.
OU US 1MTEBT1MCS PHILOSOPHIQUES. f7I<br />
10. KHOUNG-TSEU dit : L'homme supérieur, pu<br />
l'homme accompli dans la vertu, a neuf sujets principaux<br />
de méditations : En regardant, il pense à s'éclairer;<br />
en écoutant, il pense à s'instruire; dans son air et<br />
son attitude, il pense à conserver <strong>du</strong> calme et de la sérénité;<br />
dans sa contenance, il pense à conserver toujours<br />
de la gravité et de la dignité ; dans sçs paroles,<br />
il pense à conserver toujours de la fidélité et de la sincérité;<br />
dans ses actions, il pense à s'attirer toujours <strong>du</strong><br />
respect; dans ses doutes, il pense à interroger îes autres;<br />
dans la colère, il pense ^ réprimer ses mouvemens;<br />
en voyant des gains à obtenir, il pense à la justice.<br />
11. KHOUNG-TSEU dit : ce On considère le. bien<br />
comme si on ne pouvait l'atteindre ; on considère le vice<br />
comme si on touchait de l'eau bouillante. » J'ai vu de^<br />
hommes agir ainsi, et j'ai enten<strong>du</strong> des hommes tenir ce<br />
langage.<br />
ce On se retire dans le secret de la solitude pour chercher<br />
dans sa pensée les principes de la raison ; on cultive<br />
la justice pour mettre en pratique ces mêmes principes<br />
de la raison. » J'ai enten<strong>du</strong> tenir ce langage, mais<br />
je n'ai pas encore vu d'homme agir ainsi.<br />
12. King-kong, prince de Thsi9 avait mille quadriges<br />
de chevaux. Après sa mort, on dit quele peuple ne trouva<br />
à louer en lui aucune vertu. Pu et Chou-î$i moururent<br />
de faim au bas de la <strong>mont</strong>agne Cheou-yang, et le peuple<br />
n'a cessé jusqu'à nos jours de faire leur éloge.<br />
N'est-ce pas cela que je disais ?<br />
13. Tchin-kang fit une question à Pe-yu (fils de<br />
KHOUNG-TSEU) en ces termes : Avez-vous enten<strong>du</strong> des<br />
choses extraordinaires?<br />
11 lui répondit avec déférence : Je n'ai rien enten<strong>du</strong>.<br />
[Mon père] est presque toujours seul Moi Li9 en passant<br />
un jour rapidement dans la salle, je fus interpellé
176 LE LUH-TO,<br />
par lui en ces termes : Ètudiez-vouslelivr* des Vers? Je<br />
lui répondis avec respect : Je ne l'ai pas encore étudié.—<br />
Si vous n'étudies pas le Livre des Vers, vous n'aurez rien<br />
à dire dans la conversation. Je me retirai, et j'étudiai le<br />
Livre des Vers.<br />
Un autre jour qu'il était seul, je passai encore à la<br />
hâte dans la salle, et il me dit : Etudiez-vous le Livre<br />
des Rites ? Je lui répondis avec respect : Je ne l'ai pas<br />
encore étudié. — Si vous n'étudiez pas le Livre des<br />
Rites, vous n'aurez rien pour vous fixer dans la vie. Je<br />
me retirai, et j'étudiai le Livre des Rites,<br />
Après avoir enten<strong>du</strong> ces paroles, Tchin-kang s'en retourna<br />
et s'écria tout joyeux : J'ai fait une question sur<br />
une chose, et j'ai obtenu la connaissance de trois. J'ai<br />
enten<strong>du</strong> parler <strong>du</strong> Livre des Vers, <strong>du</strong> Livre des Rites ;<br />
j'ai appris en outre que l'homme supérieur tenait son<br />
fils éloigné de lui.<br />
14. L'épouse <strong>du</strong> prince d'un état est qualifiée par le<br />
prince lui-même de Fou~jin9 ou compagne de F homme.<br />
Cette épouse [nommée Fow-jin] s'appelle elle-même petite<br />
fille. Les habitans de l'état l'appellent épouse ou<br />
compagne <strong>du</strong> prince. Elle se qualifie, devant les princes<br />
des diférens états, pauvre petite reine. Les hommes des<br />
différons états la nomment aussi compagne <strong>du</strong> prince.<br />
CHAP1T1E XVII,<br />
COMPOSÉ DE 26 ARTICLES.<br />
1. Yang-ho (intendant de la maison de Ki~chi ) désira<br />
que KHOUNG-TSEU lui fît une visite. KHOUNG-TSEU<br />
n'alla pas le voir. L'intendant l'engagea de nouveau en<br />
lui envoyant un porc. KHOUNG-TSEU ayant choisi le
OU LES lïffllïillfg PHILOSOPHIQUES. 177<br />
moment où il était absent pour lui faire ses complimens,<br />
le rencontra dans la rue.<br />
[Yang-ko] aborda KHûUNG-TSEU en ces termes : Venez,<br />
j'ai à parler avec vous. 11 dit : Cacher soigneusement<br />
dans son sein des trésors précieux, pendant<br />
que son pays est livré aux troubles et à la confusion,<br />
peut-on appeler cela de l'humanité? [Le Philosophe]<br />
dit : On ne le peut. — Aimer à s'occuper des affaires<br />
publiques et toujours perdre les occasions de le faire,<br />
peut-on appeler cela sagesse et prudence ? [Le Philosophe]<br />
dit : On ne le peut. — Les soleils et les lunes [les<br />
jours et les mois] passent, s'écoulent rapidement. Les<br />
années ne sont pas à notre disposition.—KHOUNG-TSEU<br />
dit : C'est bien, je me chargerai d'un emploi public.<br />
2. Le Philosophe dit : Par la nature, nous nous rapprochons<br />
beaucoup les uns des autres; par l'é<strong>du</strong>cation,<br />
nous devenons très-éloignés.<br />
3. Le Philosophe dit : Il n'y a que les hommes d'un<br />
savoir et d'une intelligence supérieurs qui ne changent<br />
point en vivant avec les hommes de la plus basse ignorance,<br />
de l'esprit le plus lourd et le plus épais.<br />
4. Le Philosophe s'étant ren<strong>du</strong> à Wou-tching (petite<br />
ville de Lou)9 il y entendit un concert de voix humaines<br />
mêlées aux sons d'un instrument à cordes.<br />
Le maître se prit à sourire légèrement, et dit : Quand<br />
on tue une poule, pourquoi se servir d'un glaive qui<br />
sert à tuer les bœufs?<br />
Tseur^yeou répondit avec respect : Autrefois, moi Yen,<br />
j'ai enten<strong>du</strong> dire à mon maître que si l'homme supérieur<br />
qui occupe un emploi élevé dans le gouvernement,<br />
étudie assidûment les principes de la droite raison [les<br />
rites, la musique, etc.], alors, par cela même il aime<br />
les hommes et il en est aimé ; et que si les hommes <strong>du</strong><br />
peuple étudient assidûment les principes de la droite<br />
raison, alors ils se laissent facilement gouverner.
178 LB tuir-Yu,<br />
Le Philosophe dit :Mes chers disciples, les paroles de<br />
Yen sont justes. Dans ce que j'ai dit il y a quelques instans,<br />
je ne faisais que plaisanter.<br />
5. Kong-ehan, feï-jao (ministre de Ki-cki) ayant appris<br />
qu'une révolte avait éclaté à Pi, en avertit le Philosophe,<br />
selon l'usage. Le Philosophe désirait se rendre<br />
auprès-de lui.<br />
Tseu-lou n'étant pas satisfait de cette démarche, dit :<br />
Ne vous y rendez pas, rien ne vous y oblige ; qu'avezvous_besoin<br />
d'aller voir la famille deKong-chan?<br />
Le Philosophe dit : Puisque cet homme m'appelle,<br />
pourquoi n'aurait-il aucun motif d'agir ainsi? S'il lui<br />
arrive de m'employer, je ferai '<strong>du</strong> royaume de Lou un<br />
état de Tcheou oriental ! .<br />
6. Tseu-tchang demanda à KHOUNG-TSEU ce que c'était<br />
que la vertu de l'humanité. KHOUNG-TSEU dit : Celui<br />
qui peut accomplir cinq choses dans le monde est<br />
doué de la vertu de l'humanité. [ Tseu-ichang] demanda<br />
en suppliant quelles étaient ces cinq choses. [Le Philosophe]<br />
dit : Le respect de soi-même et des autres, la générosité,<br />
la fidélité ou la sincérité, l'application au bien<br />
et la bienveillance pour tous.<br />
Si vous observez dans toutes vos actions le respect de<br />
vous-même et des autres, alors vous ne serez méprisé de<br />
personne ; si vous êtes généreux, alors vous obtiendrez<br />
l'affection <strong>du</strong> peuple; si vous êtes sincère et fidèle, alors<br />
les hommes auront confiance en vous; si vous êtes appliqué<br />
au bien, alors vous aurez des mérites; si vous<br />
êtes bienveillant et miséricordieux, alors vous aurez tout<br />
ce qu'il faut pour gouverner les hommes.<br />
7. Pi-hi (grand fonctionnaire de l'état de Tçin )<br />
demanda à voir [KHOUNG-TSEU]. Le Philosophe désira<br />
se rendre à son invitation.<br />
* C'est-à-dire, qu'il intro<strong>du</strong>ira daas l'état de itou, situé à l'orient de celui des ïdwou,<br />
les sages «Joeirise* de l'antiquité conservées dans ce dernier état.
OU-LES EHTBKT1KHS PHILOSOPHIQUES. 179<br />
Ibeu-lou dit : Autrefois,, moi Yeou, j'ai souvent enteo<strong>du</strong><br />
dire à mon maître ces paroles : Si quelqu'un commet<br />
des actes vicieux de sa propre personne, l'homme<br />
.supérieur ne doit pas entrer dans sa demeure. Pi-hi<br />
s'est révolté contre Tchoung-meou i ; d'après cela, comment<br />
expliquer la visite de mon maître ?<br />
Le Philosophe dit : Oui, sana doute, j'ai tenu ces propos<br />
; mais ne disais-je pas aussi : Les corps les plus ours<br />
ne s'usent-ils point par le frottement? Ne disais-je pas encore<br />
: La blancheur inaltérable ne devient-elle pas noire<br />
par son contact avec une couleur noire? pensez-vous que<br />
je suis un melon de saveur amère, qui n'est bon qu'à être<br />
suspen<strong>du</strong> sans être mangé ?<br />
8. Le Philosophe dit : Ymuf avez-vouâ enten<strong>du</strong> parler<br />
des six maximes et des six défauts qu'elles impliquent?<br />
[Le disciple] répondit avec respect: Jamais.<br />
— Prenez place à côté de moi, je vais vous les expliquer.<br />
L*amour de l'humanité, sans Famour de l'étude, a<br />
pour défaut Fignorancë ou la stupidité; Famour de là<br />
science, sans Famour de Fétude, a pour défaut Fincertitude<br />
ou. la perplexité ; Famour de la sincérité et<br />
de la fidélité, sans Famour dé Fétude, a pour défaut la<br />
<strong>du</strong>perie ; Famour de la droiture, sans Famour de Fétude,<br />
a pour défaut une témérité inconsidérée ; l'amouf<br />
<strong>du</strong> courage viril, sans Famour de Fétude, a pour défaut<br />
l'insubordination ; l'amour de la fermeté et de la persévérance,<br />
sans Famour de Fétude, a pour défaut la démence,<br />
ou l'attachement à une idée fixe.<br />
9, Le Philosophe dit : Mes chers disciples, pourquoi<br />
n'étudiez-vous pas le Livre des Versl<br />
Le Livre des Vers est propre à élever les sentiment<br />
et les idées ;<br />
* Nom de cité.
fgO LE LUIC-YU,<br />
Il est propre à former le jugement par la contemplation<br />
des choses ;<br />
Il est propre à réunir les hommes dans une mutuelle<br />
harmonie ;<br />
Il est propre à exciter des regrets sans ressentimens.<br />
[On y trouve enseigné] que lorsqu'on est près de ses<br />
parens, on doit les servir, et que lorsqu'on en est éloigné,<br />
on doit servir le prince.<br />
On s'y instruit très au long des noms d'arbres, de<br />
plantes, de bêtes sauvages et d'oiseaux.<br />
10. Le Philosophe interpella Pi-yu (son Ils), en disant<br />
: Vous exercez-vous dans l'étude <strong>du</strong> Tekmurmn et<br />
<strong>du</strong> Tchao-nan [les deux premiers chapitres <strong>du</strong> Livre des<br />
Vers] ? Les hommes qui n'étudient pas le Tcheou-nan et<br />
le Tchao-mn sont comme s'ils se tenaient debout le visage<br />
tourné vers la muraille.<br />
il. Le Philosophe dit : On cite à chaque instant les<br />
Rites! les Ritesl Les pierres précieuses et les habits de<br />
•cérémonies ne sont-ils pas pour vous tout ce qui constitue<br />
les rites? On cite à chaque instant la Musique!<br />
la MmiquéJ Les clochettes et les tambours ne sont-ils<br />
pas pour vous tout ce qui constitue la musique?<br />
12. Le Philosophe dit : Ceux qui <strong>mont</strong>rent extérieurement<br />
un air grave et austère, lorsqu'ils sont intérieurement<br />
légers et pusillanimes, sont à comparer aux<br />
hommes les plus vulgaires. Ils ressemblent à des larrons<br />
qui veulent percer un mur pour commettre leurs vols.<br />
13. Le Philosophe dit : Ceux qui recherchent les suffrages<br />
des villageois, sont des voleurs de vertus.<br />
14. Le Philosophe dit : Ceux qui dans la voie publique<br />
écoutent une affaire et la discutent, font un abandon<br />
de la vertu.<br />
15. Le Philosophe dit : Gomment les hommes vils et<br />
abjects pourraient-ils servir le prince ?<br />
Ces hommes, avant d'avoir obtenu leurs emplois, sont<br />
i iirifftïiii » M mm *M
OU LES EHTE1TI1HS PHILOSOPHIQUES. lg't<br />
déjà tourmentés de la crainte de ne pas les obtenir ;<br />
lorsqu'ils les ont obtenus, ils sont tourmentés de la<br />
crainte de les perdre.<br />
Dès l'instant qu'ils sont tourmentés de la crainte de<br />
perdre leurs emplois, il n'est rien dont ils ne soient capables.<br />
16. Le Philosophe dit : Dans l'antiquité, les peuples<br />
avaient trois travers d'esprit; de nos jours, quelquesuns<br />
de ces travers sont per<strong>du</strong>s ; Fambition des anciens<br />
s'attachait aux grandes choses et dédaignait les petites;<br />
Fambition des hommes de nos jours est modérée sur les<br />
grandes choses et très-ardente sur les petites.<br />
La gravité et l'austérité des anciens étaient modérées<br />
sans extravagance; la gravité et l'austérité des hommes<br />
de nos jours'est irascible, extravagante. La grossière<br />
ignorance des anciens était droite et sincère ; la grossière<br />
ignorance des hommes de nos jours n'est que fourberies<br />
, et voilà tout.<br />
17. Le Philosophe dit : Les hommes aux paroles artificieuses<br />
et leuries, aux manières engageantes, sont<br />
rarement doués de la vertu de l'humanité.<br />
18. Le Philosophe dit : Je déteste la couleur violette<br />
[ couleur intermédiaire ], qui dérobe aux regards la véritable<br />
couleur de pourpre. Je déteste les sons musicaux<br />
de Tching, qui portent le trouble et la confusion dans<br />
la véritable musique. Je déteste les langues aiguës [ou<br />
calomniatrices], qui bouleversent les états et les familles.<br />
19. Le Philosophe dit : Je désire ne pas passer mon<br />
temps à parler.<br />
Ism-kmng dit : Si notre maître ne parle pas, alors<br />
comment ses disciples transmettront-ils ses paroles à<br />
la postérité?<br />
Le Philosophe dit : Le ciel, comment parle-t-il ? les<br />
quatre saisons suivent leur cours ; tous les êtres de la<br />
16
pâture reçoivent tQW I tour V»wtffH?fr GqiumeRt le fiel<br />
parle-t-ilt<br />
20. Jou-pet* 1 désirait voir KHopiffi-fSiç. Kqofnfft^<br />
fSTO p'rnP W § 011 indisposition; mais aussitôt que<br />
le porteur <strong>du</strong> message fut sorti de la porte, le PhpQ^opbp<br />
prit sa guitare, et se mit à chanter, dans le dessin ftp<br />
id foire entendrp.<br />
St. tïfw-tp demanda pii m îfai de t?oi§ mnèm d§<br />
deuil après te mort des pureiis, upe révolution 4e dop»§<br />
lunes [ou une apée] m suffirait pa&<br />
Si l'homme supérieur n'observait pas tes rites su?'ta<br />
deuil pendant trois appées* $m rites tomberaient certainement<br />
eu désuétude; Pî pendant trois. années il<br />
se cultivait pas te musique* te musique perteinement<br />
périrait<br />
Qn#ud les anciens fruit* saut pawenus à leur maturite,<br />
de nouieaui fruits se <strong>mont</strong>rent et prennent leur<br />
place. On change le feu en forant ta* bois qui te donnent*,<br />
Une révolution de rtcuw taies peut suffire pour<br />
toutes oes closes.<br />
Le Philosophe dit i Si Fou m bornait à se nourrir <strong>du</strong><br />
plus beau ris, et à se vêtir des plus beau* hubillemeus,<br />
geriea-Yûus satisfait et tranquille!— le serais satisfait<br />
et tranquille.<br />
ii TOUS vous trouvei satisfeit et tranquille de cette<br />
mtpiàce d'agir,, alors pratiquez-la.<br />
Mais cet homme supérieur [dont vous avez .parlé],<br />
tant qu'il sera dans le deuil de ses parens, ne trouvera<br />
point de douceur dans tes mets les plqs recherchés .qui<br />
lui seront offerts; il ne trouvera point de plaisir à entendre<br />
te musique, il ne trouvera point de repos dans<br />
les lieu* qu'il bahitera. C'est pourquoi il ne fera pas<br />
1 Homme de royaume de lot*.<br />
* C'était un osagi de raaowekr le feu k chaque laissa.
OU LES 11 T.Il ÉTUI S PHILOSOPHIQUES. 181<br />
[ce iple mm proposez | 11 né tédbirà pas feei trois années<br />
de deuil à tiiië rêfoltltiotl de ûonie lunes]. Maintéftattt<br />
si fOuâ êtes iatiâftllt.dë cette ré<strong>du</strong>ction* pratlqiléÉ-la.<br />
Bttï-i|d étant 8bHl* le Philosophé dit : Tu (fietit AtM<br />
de Ràï-tijo) ti'eit pife dëtiê de la Vertu dé l'huuuMiité.<br />
liërëcjue Fënfetlt à attëlrit dft tt-diliêttife atitlêe d'âgé, Il<br />
est sevré dti sein de ses pète et trière ; alors sPi?eht trois<br />
iftriéesdë deuil potlr les-ftâtetis ; ce deuil est ëfi tttegè<br />
dans tout l'empire i ^ h'ft-t-ll pas eu tes trois atMêeë<br />
d'ftfibctfbtt ptiblkpië de li part dé sëà père et Mêref<br />
22. Le Philosophe dit : Ceux qui ne font qpe boire et<br />
manger pëhdaht toute la journée, èM's employer leur<br />
iHtëlligettfce à quelque objet digne d'elle» font pitié. N'y<br />
â-t-il pas le métier de bâtelePrf Qu'ils le pratiquent $<br />
ils seront des sages en comparaison!<br />
23. Tseu-lou dit : L'homme supérieur estime-t-il beaucoup<br />
le courage viril? Le Philosophe dit : L'homme supérieur<br />
met au-dessus de tout l'équité et la justice. Si<br />
l'homme supérieur possède le courage viril ou la bravoure<br />
sans la justice, il fomente des troubles dans l'État.<br />
L'homme vulgaire qui possède le courage viril, ou<br />
la bravoure sans la justice, commet des violences et des<br />
rapines.<br />
_ 24. fseu-komg dit : L'hotome supérieur a-t-il en-lui<br />
des sentimens de haine Ou d'aversion? Le Philosophe<br />
dit : Ë a en lui des sentimens de haine ou d'aversion, il<br />
hait ou déteste ceux qui divulguent les fautes des autres<br />
hommes; il déteste ceux qui* occupant les rangs lés plus<br />
bas de la société, calomnient leurs supérieurs; il déteste<br />
les braves et les forts qui ne tiennent aucun compte<br />
des rites ; il déteste les audacieux et les téméraires qui<br />
s'arrêtent au milieu de leurs entreprises sans avoir le<br />
coeur de les achever.<br />
[Iieur4toung] dit : C'est aussi cfe que moi Sife, je 3é-
184 t.1 LUH-YU,<br />
teste cordialement. Je déteste ceux qui prennent tous<br />
les détours, toutes les précautions possibles pour être<br />
considérés comme des hommes d'une prudence accomplie;<br />
je déteste ceux qui rejettent toute soumission,<br />
toute règle de discipline, afin de passer pour braves et<br />
courageux; je déteste ceux qui révèlent les défauts secrets<br />
des autres, ain de passer pour droits et sincères.<br />
25. Le Philosophe dit : Ce sont les servantes et les<br />
domestiques qui sont les plus difficiles à entretenir. Les<br />
traitez-vous comme des proches, alors ils sont insoumis;<br />
les tenez-vous éloignés, ils conçoivent de la haine et des<br />
ressentiraens.<br />
26. Le Philosophe dit : Si, parvenu à l'âge de quarante<br />
ans [Fâg6 delà maturité delà raison], on s'attire<br />
encore la réprobation [des sages], c'en est fait, il n'y a<br />
plus rien à espérer.<br />
CHAPITRE XVIII,<br />
COMPOSÉ DE il ARTICLES.<br />
1. Weï-tseu* ayant résigné ses fonctions, Ki-tseu*<br />
devint l'esclave (de Cheoti-sin). Pi-kan fit des re<strong>mont</strong>rances,<br />
et fut mis à mort KHOUNG-TSEO dit : La dynastie<br />
Yn (ou Chang) eut trois hommes doués delà<br />
grande vertu de l'humanité s .<br />
2. Liêou-hia-hoeï exerçait l'emploi de chef des prisons<br />
de l'Etat; il fut trois fois destitué de ses fonc-<br />
1 Prince feudaîaire de l'état de Wei, frère <strong>du</strong> lyraa Cheou-sin. Yoyez notre Résumé<br />
historique de ^histoire et de la civilisation chinoises, etc., pag. W eî soiv.<br />
s Oncle de Chmu-sin^ ainsi que Pi-kan , que îe preaaier fit périr delà manière la<br />
plus cruelle. Toyes l'ouvrage cité, pag. 70, 2e col.<br />
8 Wrt-tnu, JK-lse», et Pi-kan.
dH US IWflIlfllHS fHILOSOPHIQUHS. 185<br />
tions. Une personne lui dit : Et vous n'avez pas encore<br />
quitté ce pays? 11 répondit : Si je sers les hommes selon<br />
l'équité et la raison, comment trouverais-je un pays où<br />
je ne serais pas trois fois destitué de mes fonctions? Si<br />
je sers les hommes contrairement à l'équité et à la raison,<br />
comment devrais-je quitter le pays où sont mon<br />
père et ma mère?<br />
3. King-kongf prince de Thsi, s'occupant de la manière<br />
dont il recevrait KHOUNG-TSEU, dit : « Je ne puis le recevoir<br />
avec les mêmes égards que j'ai eus envers Ki-chi*.<br />
Je le recevrai d'une manière intermédiaire entre Ki et<br />
Meng 1 . » Il ajouta : « Je suis vieux, je ne pourrais pas<br />
» utiliser sa présence. » KHOUNG-TSEU se remit en route<br />
pour une autre destination.<br />
4. Les ministres <strong>du</strong> prince de Thsi avaient envoyé des<br />
musiciennes au prince de Lou. Ki-hoan^tseu (grand fonctionnaire<br />
de Lou) les reçut ; mais pendant trois jours,<br />
elles ne furent pas présentées à la cour. KHOUNG-TSEU<br />
s'éloigna [parce que sa présence gênait la cour].<br />
5. Le sot Tsie-yu9 de l'état de Thsou, en faisant passer<br />
son char devant celui de KHOUNG-TSEU, chantait ces<br />
mots : ce Ohl le phénix! oh! le phénixI comme sa vertu<br />
» est en décadence 1 Les choses passées ne sont plus sou-<br />
» mises à sa censure ; les choses futures ne. peuvent se<br />
» conjecturer. Arrêtez-vous donc! arrêtez-vous doncl<br />
» Ceux qui maintenant dirigent les affaires publiques<br />
» sont dans un éminent danger! »<br />
KHOUNG-TSEU descendit de son char dans le dessein<br />
de parler à cet homme ; mais celui-ci s'éloigna rapidement,<br />
et le Philosophe ne put l'atteindre pour lui parler.<br />
6. Tchang~t§iu et Ki-nie étaient ensemble à labourer<br />
la terre. KHOUNG-TSEU, passant auprès d'eux, envoya<br />
1 Grand de premier ordre de l'état de Lou,<br />
a Grand <strong>du</strong> dernier ordre de l'état de Lou,<br />
16.
flS fci iritffi,<br />
rmm us» m^^mèt Où était té pe [ptr ps§# M<br />
rifièi*].<br />
rcfa^-htit dit : Quel è'M cet hbmihë qui cOhdîiit le<br />
chart Ttttorloû dit : C'est InbuNG-ifliÈoti. L'autre<br />
ajouta: C'est lùiëuite-KÉifeotJ de £onf — C'est luimême.<br />
— SI fc'ëst lui, il cbîifaalt le jjfaê. (<br />
[Jsen-loM] fit la même demande à JfMfé. JR-ftie dit :<br />
Mort filé, qui êtes-Vous? Il répondit : îe suii Tiliiftif-yeob -<br />
— Êtfes-v<strong>du</strong>â un dès disciples de KtioufG-àfttfetJu dé<br />
fou f II répondit respéctuéusehiëiit : Otil — Oh f l'eifipire<br />
tbut eiltiér se jprécîpltë bommë un totreht vers sa<br />
ruirië, ëi il fie se tr<strong>du</strong>ve personne p<strong>du</strong>f ife ckângét, le<br />
reformer 1 Et vous, Vôift êtes te disciple d'un Mitre qui<br />
ne fait que les hommes [qui ne Veulent pas Yethployer 1 ].<br />
Pourqiièi hè foui foitës-vous pas lé diéciple des Mitres<br />
qui fuient lé sifeele [fcbmmë riouà]? —li lé laboureur<br />
coiitinua S senler soh grain.<br />
Tst^lbè alla râppof tel* &è qu'on lui af ait dit Lé Philosophe<br />
s'écria en éoùpiràiit : Les oiseaux et lès (piàdHipêdës<br />
fie peuvent se Iréiinif* pourvivirëëhàemble; si je<br />
n'àvàiâ pis de tels tibbimes pdttf disciple^ qui àurâiâ-jëf<br />
Quand féitifiil-é a dëbohnës lois èt^ù'il est bien gouverné,<br />
je ifai pas à nfbcciipëf de le réMmèr.<br />
T. TtoMôû éiarit resté éh arrière de là suite <strong>du</strong> Philosophe,<br />
il ièticontta itii vieillard portaht tlnfe Corbeille<br />
sfispëh<strong>du</strong>ë â un Mloti. jtàeà-hu i^ititerrpgeà eh disaht :<br />
Avez-vous vu notre maître? Le vieillard rêpoildit : Vos<br />
quatre Membi-es tie sont pas accoutumés à U fatigue ;<br />
vous lie èâvëz f>âs foire la distinction des cinq sortes<br />
dé grairts : quel est Vôtre maître? Eh mêtne temps il<br />
planta soh bâtoii en terte, et s'bccupa à arracher des<br />
ratines.<br />
Tseu-lou joignit les mains sur sa poitrine en signe de<br />
respect, et se tint debout près <strong>du</strong> vieillard.<br />
1 Commentaire êhimis»
ou LES iMTRiïîttfs frUitosopHiQUBs. iff -<br />
Ce mtàwï Retint Ztak-BHf if m liii pour plisser là<br />
nuit 11 tua uiie poule, pt-épata tiri petit repas, et lui offrit<br />
à manger. Il lui présenta ensuite ses defat ils.<br />
Le lendemainî lorsque le jour parut; 2ktt-I#ti se tait<br />
en route pour rejoindre- son maître* et l'instruire de ce<br />
qui lui était Arrivé. Lé Philoiophe dit : C'est un solitaire<br />
qui Vit dans, la retraité. 11 fit ensuite retbûrnef tsmlonpôtor<br />
lé toit. Mais lorsqu*il arriva, le vieillard étaitparti<br />
[afin de dérober ses traces].<br />
Tsett-fc« dit : Ne pas accepter d'ëtrtpM public est<br />
contraire à la justice, ai on se Mi une loi de rie pas fioler<br />
l'ordre des rapports qui ëiistént entre lés différais<br />
âges* comment serait-il permis de violer la toi de justice,<br />
bien plus importante, qui existé entre les «Sinistres<br />
et le prince 1 ? Désirant Cbnservër pure sa pferàtïhne, bn<br />
porté le trouble et la ëoiîfusibn dans lés gtands devoirs<br />
sociaux. L'homitie stifiéMetU* qui accepte un etaploi public<br />
remplit Son devoir*. Les principes dé là droite Maison<br />
n'étant pas mis en pratique, il le sait [et il s'elforee<br />
d'J remédier].<br />
8. Des hommes illustres sans emplois publics furent<br />
Pt-ijf Chou-Ûsi (prittcè de Ëjfùrtêhoû)i Ftt-fctott% (le<br />
même que Taï~pé9 <strong>du</strong> pays des MM ôû bâtbatèS dtfmidi),<br />
F-ye, Tdkm-fôftciftj, Li%m-hiorlUMi9Gl Cftfeb-ifen<br />
(barbares de l'est).<br />
Le Philosophe dit : N'abandoftnèrertt-ilS jamais leur»<br />
résolutions, et ne déshourtorèf eht-îls jamais leur catâctère,Pe-jf<br />
et Ctwti-thri? Ori dit que £tôotf-Àfo-ftctef et<br />
CMû4îm ne soutinrent pas jusqu'au bout leurs résolu- '<br />
* Si l'homme a des devoirs de famille à remplir, il a aussi des devoirs sociaux plus<br />
iinportans, et auxquels il ne peut se soustraire sans faillir; tel est celui d'occuper des<br />
fonctions publiques lorsque l'on peut être utile à son pays. C'est masquer à ce devoir<br />
que de s'éloigner de la vie politique et de se retirer daos la retraite lorsque ses services<br />
peuvent être utiles. Voiîà la pensée d'un philosophe chinois, qui avait à combattre des<br />
sectateurs d'une doctrine contraire. Yoyez notre édition <strong>du</strong> Livre de la Raison suprême<br />
tt
188 « LUH-YU,<br />
tions, et qu f ils déshonorèrent leur caractère. Leur langage<br />
était en harmonie avec la raison et la justice;<br />
tandis que leurs actes étaient en harmonie avec les<br />
sentimens des hommes. Mais en voilà assez sur ces<br />
personnes et sur leurs actes.<br />
On dit que Yu-tchoung et Y-ye habitèrent dans le secret<br />
de la solitude, et qu'ils répandirent hardiment leur<br />
doctrine. Ils conservèrent à leur personne toute sa pureté<br />
; leur con<strong>du</strong>ite se trouvait en harmonie avec leur<br />
caractère insociable, et était conforme à la raison.<br />
Quant à moi, je diffère de ces hommes; je ne dis pas<br />
d'avance : Gela se peut, cela ne se peut pas.<br />
9. L'intendant en chef de la musique de l'état de Lom9<br />
nommé Tchi9 se réfugia dans l'état de Thsi.<br />
Le chef de la seconde tablée ou troupe, JSTon, se réfugia<br />
dans l'état de Tsoti. Le chef de la troisième troupe,<br />
Liao, se réfugia dans l'état de Thaï. Le chef de la<br />
quatrième troupe, Kirnë, se réfugia dans l'état de<br />
Thtin.<br />
Celui qui frappait le grand tambour, Fang-chou, se<br />
retira dans une île <strong>du</strong> Hoang-ho.<br />
Celui qui frappait le petit tambour, Wm, se retira<br />
dans le pays de Han.<br />
L'intendant en second, némmé Yangf et celui qui<br />
jouait des instrumens de pierre, nommé Siang, se retirèrent<br />
dans une île de la mer.<br />
10. Tcheou-koung ( le prince de Tchem ) s'adressa à<br />
Lou-kôung (le prince de Lou), en disant : L'homme supérieur<br />
ne néglige pas ses parens et ne les éloigne pas de<br />
lui ; il n'excite pas des ressentimens dans le cœur de<br />
ses grands fonctionnaires, en ne voulant pas se servir<br />
d'eux ; il ne repousse pas, sans de graves motifs, les<br />
anciennes familles de dignitaires, et il n'exige pas toutes<br />
sortes de talens et de services d'un seul homme.<br />
11. Les [anciens] Tehem avaient huit hommes ac-
OU LIS IWfîIlTlllS PHILOSOPHIQUES. 189<br />
complis; c'étaient Pe-ta9 Pe-komf Tchmng-tof Tchoumgkouè\<br />
Chm-ye, Çhou-hiaf Ki-$ouïf Ki-wa.<br />
CHAPITRE XIX,<br />
COMPOSÉ DE 2{f ARTICLES *.<br />
1. Tsêu-tchang dit : L'homme qui s'est élevé au-dessus<br />
des autres par les acquisitions de son intelligence 2 ,<br />
prodigue sa vie à la vue <strong>du</strong> danger. S'il voit des.circonstances<br />
propres à lui faire obtenir des profits, il<br />
médite sur la justice et le devoir. En offrant un sacrifice,<br />
il médite sur le respect et la gravité, qui en sont<br />
inséparables. En accomplissant des cérémonies funèbres,<br />
il médite sur les sentimens de regrets et de douleurs<br />
qu'il éprouve. Ce sont là les devoirs qu'il se plaît<br />
à remplir.<br />
2. Tsêu-tchang dit : Ceux qui embrassent la vertu<br />
sans lui donner aucun développement; qui ont su acquérir<br />
la connaissance des principes de la droite raison<br />
sans pouvoir persévérer dans sa pratique : qu'importe<br />
au monde que ces hommes aient existé ou qu'ils n'aient<br />
pas existé?<br />
3. Les disciples de Tseu-hia demandèrent à Tseuîchang<br />
ce que c'était que l'amitié ou l'association des<br />
amis. Tsew-tchang dit : Qu'en pense votre maître T$m-<br />
Mal [Les disciples] répondirent avec respect: Tseurhia<br />
dit Que ceux qui peuvent se lier utilement par les liens<br />
de l'amitié, s'associent ; et que ceux dont l'association<br />
serait nuisible, ne s'associent pas. Tseu-tchang ajouta :<br />
* Ce chapitre ne rapporte que les dits des disciples de IHOîîSG-ïSEII, Ceai.de ïtm*<br />
km sont les plus nombreux; ceux de Ttturkowg, après. {Commentaire.)<br />
* Tel est le sens <strong>du</strong> mot fit, donné par quelques commentateurs chinois.
Gëli différé de ëë qiie j'Ii ètlIbaSb dire. Ht fiptftig |Mê<br />
l'homme supérieur hbUbr&it les Mgel et ëittbtaÉâËit<br />
dams son affection toute la multitude ; qu'il louait hautement<br />
les hommes vertueux et avait pitié de ceux qui<br />
ne Fêtaient pas. Suis-je un grand sage ; pourquoi, dans<br />
mes relations avec les ho&ihitë&? ii f aurais-je pas une<br />
bienveillance commune pour tous? Ne suis-je pas un<br />
sage ; les hommes feâgéâ [daitè f otfë Système] me repousseront.<br />
S'il en est ainsi, pourquoi repousser de soi<br />
certains fidttttrie§ ?<br />
I. TMu-hM dit : Otitiityle fefettàittès pf bfëâsiëhâ de la<br />
vie soient humbles S elles sbttt cependant vêtitable-<br />
Meilt dighèâ dé cbfctàidêtàtion. ftéannitfirijj si bmx pi<br />
suivent ces professioei veulent parVettir â ce qu'il y à<br />
de pltid éloigné de leur état 1 ; je craiM cju'ils île puissent<br />
tétiâsiir. C'est pourquoi Fhomnie siipëriëttlr ne i>rtLtiijttè<br />
pas ceâ pt-dftesâtorti itiRSfifeûres.<br />
5. nè*-lttd dit : Celui i}ui eBàtibe jSttf lècjuiëlt Sëè<br />
connaissances qui lui manquaient, et qui chape inëié<br />
d'bnblie pas m qu'il a pu appimnârn, pmî fifre dit aimer<br />
retire..<br />
8. Tsm-Mu dit : Donnes beaucoup d'êtfen<strong>du</strong>e ft vd§<br />
êttldeSi et portës-y ùhé volonté ftttnè et fconstântë. Ititèrfogez<br />
attentivement, et méditez â loisir Mt m tjdë<br />
vous avez enten<strong>du</strong>. La vertu de l'humanité» là vèrttt<br />
supérieure est là.<br />
f ; néû-hid dît • Tous fcfeiix qui pràtkjtiëtit lei arts<br />
ti&nùelë s'établissent dânS des ateliers peut confiatiOtiriëf<br />
leûri ônvtâgb&; FMëtitffle supérieur étudie potir<br />
porter ft-la (Sëf-fëction les réglée des devoir s.<br />
8; tU*-hïa dit : Lm hottitnês tteiétti déguisent lëlirs<br />
fentes iëtt§ nn certain dëhëti d'Honnêteté;<br />
1 éoiifcë Celles 3ë lâBëaréttr, jàMIiifèr, lôécîeclii, erse.' \MOuhfaiH.)<br />
» Comme le fefflMrftfMffflfii an H$&iriè; ht féëifecJUftfi 'de r«Rpi«{ etfc.
OU LIS IWTipfTOl FJOLOSÔPHIQUES. fftf<br />
8. Tsm-hm dit : L'homme supérieur a trois apparents<br />
changeantes ; ci on le considère de loin, il paratf<br />
grave, austère i m on approcha de lui, on le trouve dow<br />
et affable; si on entend ses paroles, il parait sévère et<br />
rigide.<br />
tP. Tim-hfa dit ; Ceui qui remplissent les fonctions<br />
supérieures d'un état, se concilient d'abord la confiance<br />
de leur peuple pour obtenir de lui le prix de ses sueurs;<br />
s ! ils n ! obtiennept pas sa confiance, alors ils sont considérés<br />
comme le traitant d'une manière cruelle. Si le<br />
peuple a donné i son prince des preuves de sa fidélité,<br />
il peut alors lui faire des remqntrances ; s'il n'a pas encore<br />
donné des preuves de sa fidélité il mtf 0Qp*idér£<br />
comme calomniant son prince.<br />
il. T$m-km dit : Bans les grandes entreprises morales,<br />
ne dépasses pas le but; dans les pMites entreprises<br />
morales, vous pouves aller au-*lel| on rester endeçà,<br />
^ans de grancfs inconjéniens. '<br />
12. Tsm-yeùu dit : Les disciples de Tseu-hia sont de<br />
petits enfans. lis peuvent arroser, balayer, répondre<br />
respef tneusement, se présenter avuc gravité et pe reti?<br />
rer de même* Ce ne sont lft que les branches on les<br />
choses les moins importantes ; ma|i la racine de tout*.<br />
lactose la plu§ importante, leur manque complètement *.<br />
Que faut-il donc penser de leur science î<br />
Jttu-^îa aypt enten<strong>du</strong> ees paroles, dit i ûfa I ïanytcm<br />
eicède les borne». Bqn* renseignement des doctrines<br />
de l'homme supérieur, que doit-on eppigper<br />
d'abord, que doit^n s'efforcer d'inculquer ensuite? Par<br />
eiepple, parmi les arbres et les plantes il y a différepr<br />
tes classe! qu'il faut distinguer, pans l'enseignement<br />
des doctrines de l'homme supérieur, comment se laiiseï<br />
aller h la déception? Cet enseignement a un commet<br />
cernent et une fin ; c'est celui dp saint homme.<br />
a Toyes le Ta~hwf chap. I, pag. 10-11.
192 LE unc-YU,<br />
13. Tseu-hia dit : Si pendant que Ton occupe un emploi<br />
public on a <strong>du</strong> temps et des forces de reste, alors<br />
on doit s'appliquer à Fétude de ses devoirs; quand un<br />
étudiant est arrivé au point d'avoir <strong>du</strong> temps et des forces<br />
de reste, il doit alors occuper un emploi public.<br />
14. Tsew-yeou dit : Lorsqu'on est en deuil de ses père<br />
et mère, on doit porter l'expression de sa douleur à ses<br />
dernières limites, et s'arrêter là.<br />
15. T§êu-yeou dit : Mon ami Tckang se jette toujours<br />
dans les plus difficiles entreprises; cependant il n'a pas<br />
encore pu acquérir la vertu de l'humanité.<br />
16. Thséng-iseu dit : Que Tchang a la contenance<br />
grave et digne ! cependant il ne peut pas pratiquer avec<br />
les hommes la vertu de l'humanité!<br />
17. Thseng-tau dit : J'ai enten<strong>du</strong> dire au maître qu'il<br />
n'est personne qui puisse épuiser toutes les facultés de<br />
sa nature. Si quelqu'un le pouvait, ce devrait être dans<br />
l'expression de la douleur pour la perte de ses'père et<br />
mère.<br />
18. Th$êmg-t$m dit-: J'ai enten<strong>du</strong> souvent le maître<br />
parler de la piété filiale de Mmg-tehouang-toeu. [Ce grand<br />
dignitaire de l'état de Lan] peut être imité dans ses autres<br />
vertus ; mais, après la mort de son père, il ne changea<br />
ni ses ministres ni sa manière de gouverner ; et<br />
c'est en cela qu'il est difficile à imiter.<br />
19. Lorsque Meng-chi (Meng-tchouang-iêm) nomma<br />
Yang-fou ministre de la justice, Yang-fm consulta<br />
Thséng-tseu [son maître] sur la manière dont il devait<br />
se con<strong>du</strong>ire. Th$êng-t$eu dit : Si les supérieurs qui gouvernent<br />
perdent la voie de la justice et <strong>du</strong> devoir, le<br />
peuple se détache également <strong>du</strong> devoir et perd pour<br />
long-temps toute soumission. Si vous acquérez la preuve<br />
qu'il a de tels sentimens de révolte contre les lois, alors<br />
ayez compassion de lui, prenez-le en pitié et ne vous<br />
en réjouissez jamais.
017 LES SîfïliïîXîfS PHILOSOPHIQUES. 103<br />
20. Tseu-kmng dit : La perversité de CAeott-(st'fi) ne<br />
fut pas aussi extrême qu'on Fa rapporté. C'est pour cela<br />
que Fhomme supérieur doit avoir en horreur de demeurer<br />
dans des lieux immondes; tous les vices et les<br />
crimes possibles lui seraient imputés.<br />
21. Tsêu-koung dit : Les erreurs de l'homme supérieur<br />
sont comme des éclipses <strong>du</strong> soleil et de la lune. S'il<br />
commet des fautes, tous les hommes les voient; s'il se<br />
corrige, tous les hommes le contemplent<br />
22. Kong-sun-tchao, grand de Fétat de Wêï, questionna<br />
Tsm-houng en ces termes : A quoi ont servi les<br />
études de TcAoung-ni [KHOUNG-TSEU]?<br />
Tseu-koung dit : Les doctrines des [anciens rois] Wen<br />
et Wou ne se sont pas per<strong>du</strong>es sur la terre; elles se sont<br />
maintenues parmi les hommes. Les sages ont conservé<br />
dans leur mémoire leurs grands préceptes de con<strong>du</strong>ite;<br />
et ceux qui étaient avancés dans la sagesse ont conservé<br />
dans leur mémoire les préceptes de morale moins<br />
importans qu'ils avaient laissés au monde. Il n'est rien<br />
qui ne se soit conservé des préceptes et des doctrines<br />
salutaires de Wen et de Wou. Comment le maître ne les<br />
aurait-il pas étudiés? et même comment n'aurait-il eu<br />
qu'un seul et unique précepteur?<br />
23. Chou-sun, <strong>du</strong> rang de Won-chou [grand de Fétat<br />
de Lou]f s'entretenant avec d'autres dignitaires <strong>du</strong><br />
premier ordre à la cour <strong>du</strong> prince, dit : Tsm-koung est<br />
bien supérieur en sagesse à Tchoung-ni.<br />
Tsm-fou, <strong>du</strong> rang de £ing-pe [grand dignitaire de<br />
Fétat de loti], en ioforma Tseu-koung. Tseu-koung dit :<br />
Pour me servir de la comparaison d'un palais et de ses<br />
murs, moi S$e, je ne suis qu'un mur qui atteint à peine<br />
aux épaules; mais si vous considérez attentivement<br />
tout l'édifice, vous le trouverez admirable.<br />
Les murs de l'édifice de mon maître sont très-élevés.<br />
Si vous ne parvenez pas à en franchir la porte, vous<br />
17
m {MHPFfâ ppnfçmpler toute la beauté dp temple fies<br />
fty&fteh ni Igs richesses de toutes lep pagistratwes de<br />
Cepï qqi pfirYiepnent à franchir cette porte scmt<br />
quelques rares personnes. JLes propos de pop §ppériepr<br />
[Ifptt-cAw,. rp|atiYep)en| p KBQIJNQ-TSEP p| à,lui] ne<br />
pônt-p^ pa§ pfjffaiteinent apalogpes?<br />
21. CÀpff-fUf! JFott-cAfifi ayant de pouyeap rabaissé<br />
le mérite de Tchomng-qit jfsm-kçnng $it : N'agisse? pas<br />
aip§ij f*¥ u W » e doit pas être calomnié'. M sagesse<br />
§p§ «iptrpf hommes est up§ çpljipe pu pp <strong>mont</strong>icule que<br />
Ton peut franchif § ÇchQiêng-qi w\ le soleil et la hine,<br />
gp| ne.peuf^pf pag fttrp atteints et dépassés. Quand<br />
jpép§ Igs hpippes [qpi aiment l'obscurité] désireraient<br />
§e séparef çppplètepept de cps astres fcsplendissans,<br />
gp§ll§ ipjpye feraient-ils au soleil et à la Jppe? Yous<br />
Yflies trop, bipp paiptepant qpp, VPPI pe coppisse? pas<br />
1§ mesure, dp s ehQse^.<br />
.85. Tfhim-Mm-¥m (disciple, de 1£PQM&-TW)» s'ar<br />
drepiiPt k Tm-lmw* dit ? Yops ave? ppe constance<br />
grave et digne : en quoi Tçkomg-m est-il plus sage que<br />
mmi<br />
Tseu-koung dit : L'homme supérieur par un seul mot<br />
qui lui échappe est considéré comme très-éclairé sur<br />
les principes des choses; et par un seul mot il est considéré<br />
comme ne sachant rien. Qn doit donc mettre une<br />
grande circonspection dans ses paroles.<br />
ïfotefi mfître ne pçut pas être atteint [d^ns son inteUigpce<br />
supérieure] ; il est comme le ciel, sur lequel<br />
m m peut mopter, même avec les plus hautes échelles.<br />
Si notre maîtrp obtenait de gouverner des états, il<br />
n'avait qu'à dire [au peuple] : Etablissez ceci, aussitât<br />
il rétablissait; suives cette voie morale, aussitôt il la<br />
suivait i conserver la paix et la tranquillité, aussitôt il<br />
m rendait à ce conseil; éloignez toute discorde, aussi-
00 LES lîfTElttlil PfaiLOSOFHIQUKS. Wl<br />
tôt l'union et là concorde tégtiaiétit : tâflt qtfil %i%<br />
les hoimhfeB l'hdhôrèrëttt; âpres Sa ihtirt, ils Fëtil fë-^<br />
grettê et plétitè. D'aprêë cela, fcofflhiëftit itottVdltf attela<br />
dre à sa haute sagesse?<br />
GHA^ITEI XXj.<br />
COMPOSÉ Bfi 3 ARTICLES.<br />
i Yao dit : O Chun I le Ciel a résolu que la «necession<br />
de la dynastie impériale reposerait désormais<br />
sur votre personne. Tenez toujours fermement et sincèrement<br />
le milieu de la droite voie. Si léS peuples qui<br />
sont situés entre les quatre mers souffrent de là disette<br />
et de la misèrei les revenus <strong>du</strong> prince seront â jamais<br />
supprimés?<br />
Chun conla aussi un semblable, mandat à Tu. [Gfelui-cij<br />
dit: Moi humble et pauvre £t, tout ce que j'ose*<br />
c'est de me servir d'un tauteau noir [dans le& sacrifices];<br />
tout ce que j'ose* c'est d'en instruire l'empereur souve^<br />
rain et auguste. S'il a commis des feuteôj n'osé-je [mbi*<br />
son ministre] l'en bl&met? Les ministre^ naturels éé<br />
Fempereur [les sages de Fempire*] ne soiit pas Iflisfiés<br />
dans l'obscurité ; ils sont tous en évidence Sans le ctettr<br />
de Fempereur. Ma pauvt 1 © personne à Beaucoup de défauts<br />
qui ne sont pas communs [aux sages] dés quatre<br />
régions de Fempire. Si les [sages] des quatre régions<br />
de Fempire ont des défauts, ceà défaits existent également<br />
dans ma pauvre personne.<br />
Tchêou (Wou-wang) eut une grande libéralité; les<br />
hommes vertueux furent à ses yeux les plus émitiéhs:<br />
[Il disait] : Quoique l'on ait des parens três-procfeès<br />
â twwmmw*
196 LB LU!I-TOS-<br />
[comme des fils et des petits-fils], il n'est rien connue<br />
des hommes doués de la vertu de l'humanité 1 1 je voudrais<br />
que les fautes de tout le peuple retombassent sur<br />
moi seul.<br />
[Wow-wang] donna beaucoup de soin et d'attention<br />
aux poids et mesures. Il examina les lois et les constitutions,<br />
rétablit dans leurs emplois les magistrats qui<br />
en avaient été privés; et l'administration des quatre<br />
parties de l'empire fut remise en ordre.<br />
Il releva les royaumes détruits [ il les rétablit et les<br />
rendit à leurs anciens possesseurs 2 ] ; il renoua le fil des<br />
générations interrompues [il donna des rois aux royaumes<br />
qui n'en avaient plus 3 ] ; il rendit leurs honneurs à<br />
ceux qui avaient été exilés. Les populations de l'empire<br />
revinrent d'elles-mêmes se soumettre à lui.<br />
Ce qu'il regardait comme de plus digne d'attention<br />
et de plus important, c'était l'entretien <strong>du</strong> peuple, les<br />
funérailles et les sacrifices aux ancêtres.<br />
Si vous avez de la générosité et de la grandeur d'âme,<br />
alors vous vous gagnez la foule; si vous avez de la sincérité<br />
et de la droiture, alors le peuple se confie à vous;<br />
si vous êtes actif et vigilant, alors toutes vos affaires<br />
ont d'heureux résultats ; si vous portez un égal intérêt<br />
à tout le monde, alors le peuple est dans la joie.<br />
2. Tseit-tchang fit une question à KHOUNG-TSEU en<br />
ces termes : Comment pensez-vous que l'on doive diriger<br />
les affaires de l'administration publique? Le Philosophe<br />
dit: Honorez les cinq choses excellentes 4 , fuyez<br />
les quatre mauvaises actions 5 ; voilà comment vous<br />
pourrez diriger les affaires de l'administration publique.<br />
Tseu-tchang dit : Qu'appelez-vous les cinq choses<br />
â Chapitre Taï-tehif da Chou-king. Toyez la tra<strong>du</strong>ction que nous ea avons publia<br />
dans les Livre* mwrê* ék l'Orient. Paris, F. Bidot, 1810.<br />
* Commentait*.<br />
*IMd.<br />
* cCe soit des choses qui procareat des avantages m peuple. » (Commanfatn.)<br />
* c C* soit celles
OU LES IKf RlTllHi FfllLOSÔFBlQimS. 197<br />
excellentes? Le Philosophe dit : L'homme supérieur<br />
[qui commande aux autres] doit répandre des bienfaits,<br />
sans être prodigue ; exiger des services <strong>du</strong> peuple, sans<br />
soulever ses haines ; désirer des revenus suffisans, sans<br />
s'abandonner à l'avarice et à la cupidité; avoir de la<br />
dignité et de la grandeur, sans orgueilleuse ostentation,<br />
et de la majesté sans rudesse.<br />
Tseu-tchang dit : Qu'entendez-vous par être bienfaisant<br />
sans prodigalité? Le Philosophe dit : Favoriser<br />
continuellement tout ce qui peut procurer des avantages<br />
au peuple, en lui faisant <strong>du</strong> bien, n'est-ce pas là être<br />
bienfaisant sans prodigalité? Déterminer, pour les faire<br />
exécuter par le peuple, les corvées qui sont raisonnablement<br />
nécessaires, et les lui imposer : qui pourrait s'en<br />
indigner? Désirer seulement tout ce qui peut être utile<br />
à l'humanité, et l'obtenir, est-ce là de la cupidité? Si<br />
l'homme supérieur [ou le chef de Fétat] n'a ni une trop<br />
grande multitude de populations, ni un trop petit nombre<br />
; s'il n'a ni de trop grandes ni de trop petites affaires<br />
; s'il n'ose avoir de mépris pour personne : n'estce<br />
pas là le cas d'avoir de la dignité sans ostentation? Si<br />
l'homme supérieur compose régulièrement ses vêtemens,<br />
s'il met de la gravité et de la majesté dans son<br />
attitude et sa contenance, les hommes le considéreront<br />
avec respect et vénération; n'est-ce pas là de la majesté<br />
sans rudesse?<br />
Tseu-tchang dit : Qu'entendez-vous par les quatre<br />
mauvaises actions? Le Philosophe dit : C'est ne pas instruire<br />
le peuple et le tuer [moralement, en le laissant<br />
tomber dans le mal 1 ]: on appelle cela cruauté ou tyrannie<br />
; c'est ne pas donner des avertissemens préalables<br />
, et vouloir exiger une con<strong>du</strong>ite parfaite : on appelle<br />
cela violence, oppression ; c'est différer de donner<br />
* Commentaire»<br />
17.
1H LE MM-ftfj itf Êfl iSfifeTiiiîfi Mttêsmmmm,<br />
sm ordres, 'et ftraloir l'exécution d'une etiose âusèitôt<br />
qu'elle esl tésdlue: oh appelle cela injustice grâte} de<br />
même qiiB* dans ses rapports journalière avec les hom- -<br />
mes* <strong>mont</strong>rer une soràidë ataricè, on appelle cela se -<br />
comporter comme titi collecteur d'impôts.<br />
8. Le Philosophe dit : Si l'bn ne se croit pas chargé<br />
de remplir une mission, un thattdàt, en île peut pas être<br />
considéré comme tin homme supérieur.<br />
Si Fort ne connaît pas les rites ou les lois quî règlent<br />
les relations sociales» on tt'â tien pour se fixer dan