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DU MÊME AUTEUR<br />
Une amance éternelle<br />
roman initiatique, éditions Pierre Philippe, Genève<br />
Maroc, voyage dans les royaumes perdus<br />
roman, éditions de l'Harmattan<br />
L'humanité tout ça tout ça<br />
théâtre, éditions Lansman<br />
La saison des figues<br />
nouvelles, éditions de l'Harmattan<br />
Ô Besançon<br />
roman, éditions de l'Harmattan
MIEUX VAUT L’ENFER<br />
QUE LA VIE PARMI VOUS !
Illustration de la couverture :<br />
œuvre originale de<br />
Kim Nezzar<br />
avec nos sincères remerciements.<br />
Tous droits de traduction, de reproduction, d’adaptation<br />
et de représentation<br />
réservés pour tous pays.<br />
© Acoria 2017<br />
ISBN : 978-2-35572-157-1<br />
Email : contactacoria@free.fr<br />
Site web : www.acoria.site-fr.fr
MUSTAPHA KHARMOUDI<br />
MIEUX VAUT L’ENFER<br />
QUE LA VIE<br />
PARMI VOUS !<br />
Théâtre<br />
ACORIA ÉDITIONS
À la mémoire d’Amina El Filali, jeune fille marocaine,<br />
violée à 15 ans, et donnée en mariage forcé (mais légal) à<br />
son violeur.<br />
Décédée par suicide le 10 mars 2012.<br />
Et en souvenir de ma mère et de mon père,<br />
qui ne nous forçaient jamais en matière de religion.<br />
6
Article 475 du Code pénal marocain :<br />
« Quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne,<br />
ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans,<br />
est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200à<br />
500 dirhams. Lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a<br />
épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte<br />
des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et<br />
ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été<br />
prononcée. »<br />
Note de l’auteur :<br />
Depuis le suicide la jeune Amina (et d’une autre<br />
jeune fille, par la suite), de fortes pressions à l’extérieur<br />
et à l’intérieur du Maroc ont obligé l’État marocain à<br />
abroger cet article inique.<br />
Mais il y a fort à parier que les pratiques, elles,<br />
persisteront longtemps encore. Du moins tant que les<br />
mentalités n’auront pas évolué, et surtout tant qu’une<br />
nouvelle génération de juges n’aura pas pris la relève.<br />
7
PERSONNAGES<br />
La mère<br />
Le fils aîné : Saber<br />
Ali : le second fils, violeur et époux<br />
Najat : la fille cadette, 16 ans, copine de lycée de Kenza<br />
Kenza : 16 ans, violée et mariée, épouse d’Ali<br />
La voix off est celle d’un homme, grave, comme<br />
provenant d’outre-tombe. Elle symbolise la pression sociale<br />
(la religion, l’idéologie, la culture, etc.)<br />
Le lieu :<br />
Toutes les scènes se déroulent dans un même espace :<br />
un salon maghrébin modeste (banquettes orientales<br />
simples et table basse).<br />
Une télé.<br />
Le salon donne sur :<br />
La porte extérieure.<br />
2 chambres opposées (chambre d’Ali, chambre de<br />
Najat).<br />
La salle de bain (à côté de la chambre de Najat).<br />
La cuisine (à côté de la chambre de la salle de bain).<br />
Porte donnant sur l’escalier de la terrasse (à côté de la<br />
chambre d’Ali), menant à la chambre de Saber.<br />
Dans un coin, une cage d’oiseaux.<br />
8
Quelques formules musulmanes<br />
utilisées par les personnages :<br />
Hamdoullah = Louange à Allah<br />
Inchallah = Si Allah le veut<br />
Soubhanahou oua taala = Gloire à Allah le Très Haut<br />
Azza oua jall = Glorifié et Adoré<br />
Sadaqa allah al adhim = Allah le Puissant a raison<br />
Salla Allah aleihi oua sallam = Qu’Allah prie sur lui et le<br />
bénisse<br />
Bruitages :<br />
1 - À chaque fois que la porte d’entrée s’ouvre, on<br />
entend les bruits de la rue, des voix d’hommes pour la<br />
plupart (injures, salutations, etc.), des rires d’enfants,<br />
beaucoup de klaxons.<br />
2 - Autres bruitages à l’ouverture de chaque chambre :<br />
Chambre de Najat : musique moderne (arabe<br />
ou européenne) ;<br />
Chambre Ali : versets du Coran (on choisira les<br />
versets relatifs aux femmes) ;<br />
Chambre Saber : musique classique arabe<br />
(souvent douce et mélodieuse)<br />
3 - Les autres bruitages de circonstance seront signalés<br />
en temps utile.<br />
9
Scène 1<br />
La mère<br />
La mère, au téléphone.<br />
Pendant la communication, de temps en temps, elle<br />
bloque le combiné avec son épaule, et occupe sa seule main<br />
valide à triturer les quatre télécommandes qui traînent sur<br />
la table. Les prend, les pose, les reprend machinalement,<br />
longuement, les ausculte en tous sens. Une à une.<br />
Tous les silences de cette scène sont ponctués de répliques<br />
anodines, du genre : « oui !»; « oui, oui !»; « non !»; « ah<br />
bon ? » « non ?»; « Mmh ! », etc.<br />
Gazouillis des oiseaux.<br />
La mère : - Par Allah Soubhanah cette affaire elle m’a<br />
terrassée. J’ai une moitié de moi toute paralysée,<br />
impossible de me lever… (Silence)… En vérité, mes<br />
vrais soucis, ce n’est pas ici, même si ici c’est déjà<br />
l’<strong>enfer</strong>. C’est chez vous, en France… (Silence)… Ben<br />
oui, je l’ai eue au téléphone et elle m’a dit : « puisque<br />
tu as marié ton fils à une autre, eh ben les fiançailles<br />
avec ma fille elles sont annulées ». Et bien sûr, elle ne<br />
nous remboursera rien du tout. (Silence)… S’il te plaît,<br />
va la voir. Dis-lui que c’est tout notre avenir qui est<br />
suspendu à ce mariage avec sa fille. Tu comprends, il<br />
faut absolument que mon fils Ali, il ait ce<br />
regroupement-machin. Qu’il réussisse son fichu visa<br />
pour la France.<br />
10
Silence. Gazouillis des oiseaux. Bruits de télé.<br />
La mère : - Ben, dis-le-lui que là, pour ce mariage<br />
forcé, on n’a pas eu le choix : c’était soit mon petit Ali<br />
il prend l’autre pour épouse, soit il prend deux ans de<br />
prison. Et pourquoi je te le demande ? Pour deux<br />
petites minutes de… de soi-disant… comment il disait<br />
notre avocat… ah oui, c’est cela : pour un petit contact<br />
soi-disant sexuel… (Silence)… Évidemment mon fils<br />
Ali, il ne va pas garder toute sa vie, l’autre là.<br />
(Silence)… Ben oui, dans quelques petits mois, cette<br />
fille ne sera plus rien qu’une épouse parmi d’autres. Et<br />
alors là, on la répudiera… Et quand on l’aura<br />
répudiée, crois-moi, plus personne n’aura rien à<br />
redire… (Silence)… Ce sera comme cela si Allah<br />
Soubhanah le veut…<br />
Long silence<br />
La mère : Tu sais, ce satané procès, il nous a saignés à<br />
blanc ! Les avocats, c’est des rapaces. Et les témoins,<br />
c’est de la pure charogne ! Tout cela nous a coûté très<br />
cher… (Silence)… Ben oui ! Comme les autres ils<br />
avaient acheté pas mal de témoins, nous aussi il nous<br />
a fallu mettre le prix pour équilibrer un peu le<br />
procès… (Silence). Oh là là ! Écoute le pire de tout, c’est<br />
le juge : ce satané juge il voulait absolument envoyer<br />
mon petit Ali en prison. Heureusement qu’Allah<br />
soubhanah a bien voulu attendrir son cœur. Mais<br />
même attendri, cela nous a coûtés cher, très cher, son<br />
cœur de juge… (Silence)… Non ! Même pas ! Avec tout<br />
cela, nous on n’a pas été acquittés, loin de là. Il faut<br />
dire que les autres ils ont réussi à faire témoigner en<br />
faux un vrai imam…<br />
11
Silence.<br />
Gazouillis des oiseaux.<br />
La mère : - Alors, tu vois, avec cette catastrophe, on est<br />
restés sans rien. Et en plus, il va nous falloir nourrir la<br />
bouche de celle-là même qui nous a mis dans ce<br />
pétrin… (Silence)… C’est pour cela que je compte sur<br />
toi ! (Silence)… Quoi ? Un quoi ? Un caftan pour ta<br />
fille ? Laquelle ? … (Silence)… Ben, tu ne m’as pas dit<br />
qu’elle allait épouser un Français ? Ah bon ? Eh ben, si<br />
même les Français ils aiment les caftans de chez nous !<br />
(Silence. )… Euh… je dis que c’est très bien que son<br />
fiancé de Français il aime bien les choses de chez nous.<br />
(Silence)… D’accord, toi tu me gardes le mariage au<br />
chaud pour dans quelques mois, et moi je m’occupe<br />
du caftan pour ta française de fille… euh… pour ta<br />
fille qui épouse un Français…<br />
Silence.<br />
La mère raccroche.<br />
La mère : - Espèce de maquerelle ! Voleuse !<br />
Charogne…<br />
12
Scène 2<br />
La mère, Ali<br />
La mère raccroche. Gazouillis des oiseaux. La porte de la<br />
chambre d’Ali s’ouvre. Psalmodies. Ali apparaît, habillé à<br />
l’afghane. Referme la porte derrière lui. Les psalmodies<br />
cessent.<br />
Ali : - Bonjour mère ! Comment va ta santé ?<br />
La mère : - Toujours mal ! Je ne peux bouger ni le bras<br />
ni la jambe…<br />
Ali : - Qu’Allah azza oua jall te guérisse ! (puis, à plus<br />
haute voix) : Halima !<br />
La mère : - Elle n’est pas là…<br />
Ali : - Najat !<br />
La mère : - Elle est au lycée, Najat…<br />
Ali : - Et mon petit déjeuner ?<br />
La mère : - Tiens ! Va le prendre au café du coin…<br />
Ali : - Tu me pousses au vice, maintenant ?<br />
13
La mère : - C’est là où tu vas tout le temps, non ?<br />
Ali : - Mère, le haram c’est fini ! Le vice c’est fini !<br />
Ali adopte une posture paternaliste. Pose la main sur la tête<br />
de sa mère, et chuchote un court verset du Coran…<br />
Ali : - Sadaqa allah al adhim ! [Allah le Puissant a<br />
raison].<br />
La mère : - Amen ! Merci mon fils. Je prie Allah<br />
soubhanah du matin au soir…<br />
Ali : - Allah azza oua jall !<br />
La mère : Oui, je prie notre Seigneur, Allah<br />
soubhanah, de nous…<br />
Ali : - Il <strong>vaut</strong> mieux dire : Allah azza oua jall.<br />
La mère : - Ajara quoi ?<br />
Ali (articulant distinctement) : - Allah… azza… oua…<br />
jall.<br />
La mère : - Ah ! toi, vraiment tu es incorrigible ! Tu<br />
veux m’apprendre les langues étrangères,<br />
maintenant…<br />
Ali : - Mère…<br />
La mère : - Et à mon âge ! En cet âge avancé où j’ai déjà<br />
un pied dans la tombe…<br />
14
Ali : - Mère, ce n’est pas…<br />
La mère : - Et en ces temps rudes qui érodent<br />
définitivement ma santé…<br />
Ali : - Mère, ce n’est pas une langue étrangère, c’est la<br />
langue arabe… la pure langue de…<br />
Gazouillis des oiseaux. Ali est gêné par les chants d’oiseaux.<br />
Sa mère s’en aperçoit.<br />
La mère : - C’est de l’arabe, ce que tu as dit ?<br />
Ali : - Mais bien sûr, mère !<br />
La mère : - Ah bon ? En tout cas, ce n’est sûrement pas<br />
notre langue arabe à nous…<br />
Ali : - Enfin, mère ! Il n’y a qu’une seule langue arabe :<br />
c’est la langue du saint Coran, la langue du Paradis<br />
d’Allah azza oua…<br />
La mère : Arrête de me compliquer la vie, j’ai déjà<br />
assez de tourments comme cela…<br />
Ali : - Mère, le seul tourment qui doit te préoccuper,<br />
c’est la crainte d’Allah az…<br />
La mère : - Hé oh ! Mais quand est-ce que tu vas<br />
revenir à la réalité, mon fils ? Te souviens-tu que ton<br />
épouse elle va venir chez nous, tout à l’heure ?<br />
Ali : - Mais écoute-moi, mère…<br />
15
La mère : - Et que ton projet de France est tombé à<br />
l’eau ?<br />
Ali : - Comment ça, tombé à l’eau ?<br />
La mère : - Ben oui ! Ta fiancée de France elle ne veut<br />
plus entendre parler de mariage… C’est fini : pas de<br />
visa, pas de regroupement-machin, plus rien !<br />
Ali : Et pourquoi ?<br />
La mère : - Comment cela, pourquoi ? Je te signale, au<br />
cas où tu l’aurais oublié, qu’on vient juste de te<br />
marier…<br />
Ali : - Et alors ?<br />
La mère : - Tu ne t’attends tout de même pas à ce<br />
qu’une fille de France elle accepte d’être une seconde<br />
épouse ?<br />
Ali : - Et pourquoi pas ?<br />
La mère : - Elle est née en France, elle a le passeport de<br />
France, elle est sûrement contre la polygamie…<br />
Ali : - Mais personne n’a le droit d’être contre la<br />
polygamie ! Être contre la polygamie, c’est être contre<br />
Allah azza oua jall…<br />
La mère : - Notre imam il a pourtant affirmé qu’une<br />
femme a le droit de refuser que son mari prenne une<br />
seconde épouse…<br />
16
Ali : - Mais votre imam il ne mérite pas d’être imam…<br />
c’est un hypocrite, un renégat… aux ordres des<br />
ennemis de l’Islam, des corrompus… aux ordres des<br />
Juifs…<br />
La mère : - Arrête ! Toi, tu es vraiment devenu fou !<br />
Mais qu’est-ce qu’ils t’ont-ils fait manger pour que tu<br />
aies changé à ce point ?… Par Allah soubhanah…<br />
Ali : - Allah azza oua jall !<br />
La mère : - Allah soubhanah ! Allah soubhanah !<br />
Ali : - Je t’ai dit de dire « azza oua jall »!<br />
La mère : - Ne hurle pas, s’il te plaît ! Tu me fais mal<br />
aux oreilles…<br />
Silence. Gazouillis des oiseaux de la cage. Ali s’en irrite à<br />
nouveau.<br />
Ali : - Ils vont la boucler, à la fin ?<br />
La mère : - Tu parles de qui ?<br />
Ali : - Ces oiseaux de malheur…<br />
La mère : - Même eux, tu les grondes, maintenant ?<br />
Depuis quand tu n’aimes plus les oiseaux, mon petit ?<br />
C’est quand même toi qui les as offerts à ta petite<br />
sœur…<br />
Ali : - C’est haram d’avoir des oiseaux…<br />
17
La mère : - Parce qu’ils sont en cage ?<br />
Ali : - Non ! Même les pigeons sur les terrasses, c’est<br />
haram ! ça distrait, ça dévie les gens de la voie d’Allah<br />
azza oua jall… (Silence)… Puis, des oiseaux comme ça,<br />
c’est juste des parasites…<br />
La mère : - Eux, pour quelques grains, ce sont des<br />
parasites, et toi donc qui n’as jamais travaillé ? Par<br />
Allah soubhanah, qu’as-tu fait de ta…<br />
Ali : - Azza oua jall !<br />
La mère : - Dis-moi, mon fils, serait-ce haram aussi de<br />
dire « soubhanah »?<br />
Ali : Non, mère ! Mais…<br />
La mère : - Serait-ce alors un péché ?<br />
Ali : - Non plus… mais…<br />
La mère : - Alors, en quoi c’est moins bien de dire<br />
« soubhanah » que ton azara… euh… que ton<br />
machin ?<br />
Ali : - « Azza oua jall » ! Mère, ce n’est pas un péché de<br />
dire « soubhanah », mais c’est mieux de dire « azza<br />
oua jall ». Comme ça, tu montres que tu es différente<br />
des faux musulmans…<br />
La mère : - Ah ! Parce que ce sont les faux qui disent<br />
Soubhanah ? Et mes parents alors, ils étaient faux, eux<br />
aussi ?<br />
18
Ali : – ça n’a rien à voir…<br />
La mère : - Mon fils, cette souffrance que j’endure par<br />
ta faute ne te suffit pas ! Il te faut me harceler<br />
davantage ?<br />
Ali : - Mère, c’est pour ton salut ! Ce que je fais avec toi,<br />
c’est ce que chaque musulman doit faire avec tous les<br />
musulmans…<br />
La mère : - Mon enfant : si chaque musulman fait cela<br />
à chaque musulman, crois-moi, la vie ne serait plus<br />
qu’un <strong>enfer</strong> ! (Puis, d’une voix plus conciliante) : mon<br />
petit : il faut laisser chacun faire selon sa tête. Chaque<br />
bête doit pouvoir boire à son propre rythme. Tu<br />
comprends ?<br />
Ali : - Mère…<br />
La mère : - Et où vas-tu avec toutes ces manies ? Quel<br />
intérêt à compliquer les choses de la religion au lieu de<br />
les faciliter ? C’est cela qu’ils t’apprennent ces fous…<br />
euh… tes nouveaux imams ? À toujours faire plus<br />
compliqué ? À rendre sciemment la vie difficile aux<br />
musulmans ? Vous y gagnez quoi, à la fin ?<br />
Ali : - Mère, ce que je te dis, c’est pour ton bien, et pour<br />
ton…<br />
La mère : - Mon bien, c’est que je puisse continuer à<br />
faire comme faisaient mes parents, et comme faisaient<br />
leurs parents à eux. Pourquoi veux-tu qu’on se mette<br />
tout à coup à s’habiller comme tu es habillé, à imiter<br />
19
ces hommes odieux qui encombrent quotidiennement<br />
nos télés de leurs horribles faits de guerre ?<br />
Ali : - Mais c’est un péché…<br />
La mère : - Ces hommes en guenilles qui ne savent rien<br />
faire d’autre que s’agripper constamment à leurs<br />
armes ? Et toujours prêts à faire feu sur tout ce qui<br />
bouge ?<br />
Ali : - Hé oh ! Faut arrêter de blasphémer…<br />
La mère : - Ah oui, je blasphème ? Et eux, avec leurs<br />
corps hideux, leurs visages hideux, leurs regards<br />
hideux, ce n’est pas du blasphème, cela ? Ils ne savent<br />
même plus marquer le respect qu’ils doivent à la terre<br />
qui les nourrit, ce n’est pas non plus du blasphème ?<br />
Ali : - Mère ! ça suffit…<br />
La mère : - As-tu vu leur terre, mon fils ? As-tu vu ce<br />
qu’ils en ont fait, de leur terre ? Eh bien, observe-la, la<br />
prochaine fois qu’ils viendront nous couper l’appétit<br />
avec leurs massacres aveugles, observe attentivement<br />
leur terre, et tu verras comme elle a fini par leur<br />
ressembler : caillouteuse et hostile, tout comme eux…<br />
Ali : - Ces gens-là, mère, c’est comme du temps du<br />
Prophète - Salla Allah aleihi oua sallam [Qu’Allah prie<br />
sur lui et le bénisse]. Ils ne craignent pas la mort, mère,<br />
au contraire ils l’appellent de leurs vœux les plus<br />
chers, pressés de quitter ce monde détestable afin de<br />
rejoindre le Paradis d’Allah azza oua jall…<br />
20
La mère : - Pressés, tu dis ?<br />
Ali : - Oui, mère : c’est ça le jihad, le vrai jihad, le<br />
combat impitoyable contre Satan et contre ses alliés<br />
parmi les hommes…<br />
La mère : - En massacrant comme ils massacrent ? À<br />
l’aveugle : femmes et enfants, chrétiens et musulmans.<br />
Quoi ? Ils n’ont plus le droit d’être musulmans, les<br />
musulmans ? Ils n’ont plus le droit d’être chrétiens, les<br />
chrétiens ?<br />
Ali : - Oui, quand c’est nécessaire il faut tuer !<br />
Quand le vice est si enraciné, il faut l’extirper par<br />
n’importe quel moyen ! Et crois-moi, mère, il n’y a<br />
pire mal, aux yeux d’Allah azza oua jall, que ces soidisant<br />
musulmans, ces faux-musulmans, ces<br />
hypocrites…<br />
La mère : - Oh mon fils, tu me fais peur ! Tu me fais<br />
peur pour ce que tu peux faire. Mais surtout peur pour<br />
ce qui peut t’arriver ! Parfois, je me demande si toi et<br />
tes… euh… si toi et tes soi-disant amis, vous êtes<br />
encore dans la même religion que nous autres…<br />
Ali : - Si tu ne fais pas l’effort de te conformer à la<br />
religion d’Allah azza oua jall, ton âme connaîtra les<br />
flammes de la géhenne khalidina fiha abada [à jamais].<br />
La mère : - Mon enfant : laisse mon âme loin de tout<br />
cela, veux-tu ? Et sache que je n’ai pas peur de l’audelà.<br />
Par contre, je commence à avoir peur de ma vie<br />
avec toi et avec tes… tes ceux-là à qui tu ressembles de<br />
21
plus en plus. Pour le reste, j’ai confiance en la clémence<br />
et en la miséricorde d’Allah soubhanah…<br />
Ali : - Allah azza oua jall !<br />
La mère : Soubhanah ! Sobhanah !<br />
Ali : - Il faut dire : « azza oua jall » ! « azza oua jall »!<br />
« Allah azza oua jall » !!!<br />
La mère : - Allah Soubhanah !<br />
Ali se lève et se met à crier et à gesticuler violemment,<br />
renversant des coussins et retournant des tapis au sol<br />
Ali : - Est-ce que tu vas m’obéir à la fin ? Est-ce<br />
qu’enfin tu vas obéir à Allah azza oua jall ?<br />
22