Revue électronique de Psychologie Sociale
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PAGE 36<br />
Introduction<br />
Dans la vie quotidienne nous n’avons pas toujours recours aux raisonnements<br />
logiques que nous sommes dans d’autres contextes tout à fait capables <strong>de</strong><br />
mettre en place. Nous mettons en oeuvre <strong>de</strong> nombreux raisonnements biaisés<br />
souvent basés sur <strong>de</strong>s heuristiques.<br />
Le terme <strong>de</strong> biais renvoie aux distorsions entre la façon dont nous <strong>de</strong>vrions<br />
raisonner pour assurer le mieux possible la validité <strong>de</strong> nos conclusions et<br />
la façon dont nous raisonnons réellement. Très souvent, ces biais résultent<br />
<strong>de</strong> l’application d’heuristiques. Il s’agit <strong>de</strong> règles qui conduisent à <strong>de</strong>s<br />
approximations souvent efficaces, mais faillibles. Elles permettent notamment<br />
<strong>de</strong> simplifier les problèmes (Yachanin et Tweney, 1982). Elles reposent en<br />
général sur un traitement partiel <strong>de</strong>s informations disponibles mais leur emploi<br />
fréquent au quotidien tient à leur fonction <strong>de</strong> simplification <strong>de</strong>s problèmes,<br />
<strong>de</strong> réduction <strong>de</strong> l’incertitu<strong>de</strong> et au fait qu’elles permettent <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s<br />
réponses socialement acceptables (Drozda-Senkowska, 1997).<br />
Levallois-Perret,<br />
m a i n b l a n c h e<br />
(2005)<br />
En guise d’illustration, on peut s’intéresser à la tendance à chercher à confirmer<br />
nos hypothèses (biais <strong>de</strong> confirmation). Pour l’étudier, Friedrich (Friedrich,<br />
1993) prend l’exemple du commerçant qui souhaite recruter un ven<strong>de</strong>ur.<br />
Ce commerçant pense que seuls les individus extravertis, qui entrent plus<br />
facilement en contact avec les clients, sont <strong>de</strong> bons ven<strong>de</strong>urs. S’il privilégie<br />
cette hypothèse, il négligera le fait que les clients puissent également apprécier<br />
un ven<strong>de</strong>ur introverti qui les laisse faire leur choix tranquillement. Pour choisir<br />
son employé, le commerçant mettant en œuvre le biais <strong>de</strong> confirmation<br />
s’intéressera alors uniquement à la performance <strong>de</strong>s candidats extravertis,<br />
négligeant celle <strong>de</strong>s introvertis même s’ils obtiennent <strong>de</strong> bons résultats. En<br />
effet, l’erreur la plus coûteuse à ses yeux consisterait à embaucher un extraverti<br />
faiblement performant. Vérifier que les introvertis peuvent être <strong>de</strong> bons<br />
ven<strong>de</strong>urs n’entre pas dans ses préoccupations. Il ne cherche pas à mettre en<br />
œuvre la stratégie idéale pour tester son hypothèse (« seuls les extravertis sont<br />
<strong>de</strong> bons ven<strong>de</strong>urs »), mais se focalise sur le type d’erreurs qu’il souhaite détecter<br />
et minimiser (« embaucher un mauvais ven<strong>de</strong>ur extraverti »). L’examen <strong>de</strong><br />
la réussite <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs introvertis lui permettrait pourtant d’infirmer son<br />
hypothèse et <strong>de</strong> découvrir qu’il existe <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> clients : ceux qui aiment<br />
qu’on s’occupe d’eux et ceux qui préfèrent qu’on les laisse en paix. Sa stratégie<br />
l’empêche <strong>de</strong> découvrir que <strong>de</strong>s candidats introvertis pourraient aussi bien<br />
correspondre à ses attentes que <strong>de</strong>s candidats extravertis. Dans une perspective<br />
<strong>de</strong> recrutement rapi<strong>de</strong>, la recherche <strong>de</strong> contre-exemples à son hypothèse ne<br />
présente pas d’intérêt pour le commerçant ; elle peut en revanche occasionner<br />
une perte <strong>de</strong> temps. En définitive, le commerçant recrutera un ven<strong>de</strong>ur extraverti<br />
et confirmera son idée que seuls les extravertis sont <strong>de</strong> bons ven<strong>de</strong>urs.<br />
<strong>Revue</strong> <strong>électronique</strong> <strong>de</strong> <strong>Psychologie</strong> <strong>Sociale</strong>, 2007, N°1, pp. 35-46