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LA REVUE NÉCESSAIRE / LA SÉLECTION<br />
vivants explore et expérimente toutes les combinaisons possibles<br />
(voir par exemple l’ornithorynque). Seule <strong>la</strong> forme particulière de<br />
chaque espèce est contingente, étant le produit de l’adaptation aux<br />
circonstances qu’elle a rencontrées.<br />
Il ne faut pas projeter, sur cette complexification des êtres<br />
vivants au cours de l’évolution (qui est une évidence, entérinée par <strong>la</strong><br />
taxonomie, lorsque l’on considère <strong>la</strong> physiologie des organismes), un<br />
jugement de valeur inspiré par l’analogie avec le progrès technique.<br />
Pour Lamarck, cette complexification n’est pas attribuable au seul<br />
hasard, ce n’est pas un accident 18 , elle est pour lui un produit<br />
<strong>nécessaire</strong> de <strong>la</strong> dynamique interne propre aux êtres vivants ; et<br />
en ce sens, cette tendance à <strong>la</strong> complexification est le phénomène<br />
fondamental de l’évolution 19 .<br />
Darwin ne pouvait admettre de telles idées, car elles lui<br />
rappe<strong>la</strong>ient trop les arguments de <strong>la</strong> théologie en faveur de<br />
l’existence de Dieu. L’échelle des êtres signifie qu’il existe un<br />
« ordre de <strong>la</strong> nature », et il associait celui-ci à un dessein intelligent<br />
à l’œuvre ; <strong>la</strong> dynamique interne lui évoquait le vitalisme, une<br />
force mystérieuse et surnaturelle. Darwin rapporte ce qui constitue<br />
pourtant des faits indéniables à <strong>la</strong> seule interprétation qu’en donne<br />
<strong>la</strong> théologie naturelle pour les rejeter ensemble 20 ; ce faisant, il<br />
jette le bébé (<strong>la</strong> dynamique et <strong>la</strong> complexification du vivant) avec<br />
l’eau du bain (leur interprétation mystique). Lamarck avait pourtant<br />
18 Stephen Jay Gould récuse également l’idée que <strong>la</strong> complexification correspondrait à un «<br />
progrès » au motif qu’il s’agit d’une projection anthropocentrique. Mais c’est tout juste s’il ne<br />
nie pas l’existence de cette complexification au motif qu’elle « ne résulte pas d’une poussée fondamentale<br />
dictée par <strong>la</strong> supériorité des formes complexes dans le cadre de <strong>la</strong> sélection naturelle<br />
» (L’éventail du vivant, le mythe du progrès, éd. Seuil, 1997, p. 213). Certes, mais alors, de quoi<br />
résulte-t’elle ? Gould, incapable de sortir de ce cadre inadéquat, avance donc que c’est simplement<br />
une conséquence tout à fait marginale et fortuite de l’accroissement du nombre de espèces<br />
à l’aide d’une démonstration essentiellement graphique qui néglige totalement <strong>la</strong> physiologie des<br />
organismes.<br />
19 Pour notre part, nous l’interprétons comme une montée des organismes vers toujours plus<br />
d’autonomie à l’égard du milieu ; cf. Bertrand Louart, L’Autonomie du Vivant, présentation d’un<br />
projet d’ouvrage pour 2009, août 2008 (disponible chez l’auteur)<br />
20 André Pichot, Histoire de <strong>la</strong> notion de vie, 1993, pp. 820-841<br />
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