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Serge Wibaut plaide en faveur d'un code de bonne gouvernance

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ce. Les <strong>en</strong>treprises sont trop différ<strong>en</strong>tes pour cela,<br />

comme le sont leurs conceptions <strong>de</strong>s risques.<br />

Selon le professeur <strong>Wibaut</strong>, la notion <strong>de</strong> risque n’a même<br />

d’ailleurs jamais été correctem<strong>en</strong>t définie. On la confond<br />

souv<strong>en</strong>t avec l’incertitu<strong>de</strong>. <strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong> précise: “A la différ<strong>en</strong>ce<br />

du risque, l’incertitu<strong>de</strong> ne s’exprime pas <strong>en</strong> une<br />

chance. Des événem<strong>en</strong>ts comme <strong>de</strong>s catastrophes et <strong>de</strong>s<br />

guerres ont une influ<strong>en</strong>ce sur les <strong>en</strong>treprises, mais elles ne<br />

peuv<strong>en</strong>t s’exprimer dans une répartition <strong>de</strong>s chances.”<br />

Ces <strong>de</strong>rnières années, certains sci<strong>en</strong>tifiques se sont lancés<br />

à corps et à cri dans la modélisation et la quantification<br />

<strong>de</strong> risques. D’après <strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong>, il <strong>en</strong> est résulté un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

trompeur <strong>de</strong> sécurité. “Un étalon <strong>de</strong> risque souv<strong>en</strong>t<br />

utilisé est la VaR (Value et Risk). Lorsque celle-ci<br />

s’élève, par exemple, à 99%, cela signifie que le risque ne<br />

se réalise qu’une fois tous les c<strong>en</strong>t ans. Lorsqu’on ti<strong>en</strong>t ce<br />

discours à un banquier, il partira automatiquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l’idée que le risque ne se réalisera qu’après qu’il aura pris<br />

sa retraite! Car il se figure qu’il a tout sous contrôle. Une<br />

<strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> base du risk managem<strong>en</strong>t consiste à localiser<br />

cette probabilité <strong>de</strong> 1%. A cet effet, les modèles<br />

quantitatifs n’apport<strong>en</strong>t aucune solution. Je ne peux que<br />

recomman<strong>de</strong>r aux risk managers <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> gar<strong>de</strong>r les <strong>de</strong>ux<br />

pieds sur terre.” Sur quoi une dame dans l’assistance<br />

murmure discrètem<strong>en</strong>t “Si les assureurs avai<strong>en</strong>t eu un<br />

peu plus <strong>de</strong> femmes dans leurs comités <strong>de</strong> direction, nous<br />

aurions à prés<strong>en</strong>t moins <strong>de</strong> problèmes.”<br />

UNE BÉVUE DE DIMENSION<br />

<strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong> fait <strong>en</strong>suite remarquer que la réc<strong>en</strong>te crise<br />

financière a tordu définitivem<strong>en</strong>t le cou à la théorie <strong>de</strong>s<br />

EFM (marchés financiers effici<strong>en</strong>ts). Cette théorie est<br />

toujours consci<strong>en</strong>cieusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>seignée dans les universités,<br />

bi<strong>en</strong> qu’aucun professeur ne place plus <strong>en</strong> elle la<br />

moindre confiance. Elle souti<strong>en</strong>t que dans le prix <strong>de</strong>s titres,<br />

telles les actions, toutes les informations publiques<br />

et les espérances d’av<strong>en</strong>ir se trouv<strong>en</strong>t intégrées. Cette<br />

théorie a été développée à la fin <strong>de</strong>s années soixante par<br />

le professeur Eugène Fama. A <strong>en</strong> croire le professeur<br />

Shiller cité plus haut, l’EFM est une <strong>de</strong>s plus énormes<br />

bour<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée économique.<br />

Mais il n’existe hélas pas <strong>en</strong>core <strong>de</strong> successeur à la théorie<br />

<strong>de</strong>s marchés effici<strong>en</strong>ts. On n’att<strong>en</strong>d pas un grand<br />

secours <strong>de</strong> la behavioural finance, une branche nouvelle<br />

<strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ce économique qui se situe à l’intersection<br />

<strong>de</strong> l’économie, <strong>de</strong> la psychologie et <strong>de</strong> l’émotivité. <strong>Serge</strong><br />

<strong>Wibaut</strong> concè<strong>de</strong>: “Le problème est que différ<strong>en</strong>ts modèles<br />

coexist<strong>en</strong>t <strong>en</strong> parallèle et qu’ils sont difficilem<strong>en</strong>t<br />

applicables dans la pratique d’une manière systématique.<br />

La behaviourial finance recourt à <strong>de</strong>s concepts<br />

comme le comportem<strong>en</strong>t d’ancrage, le comportem<strong>en</strong>t<br />

grégaire, l’optimisme exagéré, le cadre décisionnel et<br />

autres notions <strong>de</strong> cet acabit.”<br />

Un autre problème rési<strong>de</strong> <strong>en</strong> ce que les modèles <strong>de</strong><br />

risque actuels s’appui<strong>en</strong>t trop sur la distribution norma-<br />

Les recommandations<br />

<strong>de</strong><br />

<strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong><br />

- Ajustez si nécessaire votre corporate governance<br />

- Ne vous laissez pas séduire par la fausse sécurité<br />

qu’offr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s modèles mathématiques<br />

- Ne faites pas aveuglém<strong>en</strong>t confiance aux modèles<br />

quantitatifs, mais restez s<strong>en</strong>sibles à ce qui se<br />

passe dans le mon<strong>de</strong><br />

- Dégagez-vous du paradigme erroné <strong>de</strong>s marchés<br />

financiers effici<strong>en</strong>ts et appr<strong>en</strong>ez à reconnaître le<br />

comportem<strong>en</strong>t irrationnel <strong>de</strong>s individus.<br />

le, la fameuse courbe <strong>de</strong> Gauss. Dans une telle répartition,<br />

les événem<strong>en</strong>ts exceptionnels sont rarem<strong>en</strong>t pris<br />

<strong>en</strong> compte. Mais les marchés financiers ne se comport<strong>en</strong>t<br />

pas comme la répartition normale le voudrait. Ce<br />

sont d’autres lois <strong>de</strong> probabilité, plus complexes, qui<br />

s’appliqu<strong>en</strong>t. La difficulté, pour <strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong>, est que le<br />

managem<strong>en</strong>t actuel <strong>de</strong>s banques et <strong>de</strong>s <strong>en</strong>treprises<br />

d’assurances n’est pas <strong>en</strong>core prêt pour une gestion où<br />

serai<strong>en</strong>t prises <strong>en</strong> considération différ<strong>en</strong>ts étalons <strong>de</strong><br />

risque tels que la variance, la VaR <strong>de</strong> queue, l’asymétrie,<br />

les événem<strong>en</strong>ts exceptionnels, etc. Dans l’att<strong>en</strong>te <strong>de</strong><br />

modèles plus opérants, <strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong> conseille aux risk<br />

managers <strong>de</strong> faire usage <strong>de</strong>s simulations <strong>de</strong> Monte<br />

Carlo, pour autant qu’elles soi<strong>en</strong>t correctem<strong>en</strong>t calibrées.<br />

Il s’agit d’une technique <strong>de</strong> simulation permettant<br />

à l’actuaire d’obt<strong>en</strong>ir une fonction <strong>de</strong> distribution<br />

via un grand nombre <strong>de</strong> tirages partant <strong>de</strong> valeurs <strong>de</strong><br />

départ chaque fois différ<strong>en</strong>tes. <strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong>: “On ne<br />

peut pas s’<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à faire tourner <strong>de</strong>s simulations. On<br />

doit <strong>en</strong>core pratiquer un back-testing suite auquel la<br />

fonction <strong>de</strong> distribution peut év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t être ajustée.<br />

Un obstacle supplém<strong>en</strong>taire est l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> modèle<br />

disponible pour les corrélations. Or, si nous pouvons<br />

tirer un seul <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière crise, c’est<br />

bi<strong>en</strong> que tout peut plonger et que la corrélation est absolue.<br />

On n’<strong>en</strong> est nulle part non plus <strong>en</strong> matière <strong>de</strong> modélisation<br />

du risque <strong>de</strong> liquidité.”<br />

<strong>Serge</strong> <strong>Wibaut</strong> répète qu’il ne faut pas se faire d’illusions.<br />

Aucun modèle n’est <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> prédire ce qu’on<br />

pourrait appeler <strong>de</strong>s once-in-a-lifetime-ev<strong>en</strong>ts. Il recomman<strong>de</strong><br />

aux risk managers <strong>de</strong> rester très vigilants et <strong>de</strong><br />

ne pas se laisser aveugler par <strong>de</strong>s modèles quantitatifs.<br />

Il cite pour conclure le super-investisseur américain<br />

Jeremy Grantham: “Que vont ret<strong>en</strong>ir les investisseurs <strong>de</strong><br />

cette crise? A court terme, beaucoup. A moy<strong>en</strong> terme,<br />

peu <strong>de</strong> chose. A long terme, ri<strong>en</strong> du tout. C’est <strong>en</strong> tout<br />

cas ce que l’histoire <strong>en</strong>seigne.”<br />

Herman Van Doninck<br />

du 15 au 31 octobre 2009 / le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’assurance<br />

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