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il était une fois en anatolie - Memento Films

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cont<strong>en</strong>u. <strong>il</strong> n’y a ri<strong>en</strong> sur l’écran que je ne puisse justifier<br />

et sur chaque déta<strong>il</strong>, je peux répondre aux questions. Je<br />

peux expliquer le comportem<strong>en</strong>t ou les paroles de chaque<br />

personnage. À tous les stades de mon trava<strong>il</strong>, de l’écriture<br />

du scénario au montage, je m’interrogeais sur chaque déta<strong>il</strong>.<br />

or si vous ne vous préoccupez que du style, vous ne<br />

vous embarrassez pas de questions sur la logique du récit<br />

ou sur la psychologie des protagonistes. J’ai mis beaucoup<br />

d’énergie pour aller au fond des choses. par contre, la mise<br />

<strong>en</strong> scène ne requiert pas autant mon énergie car cela m’est<br />

naturel.<br />

Comm<strong>en</strong>t s’est développé le scénario ?<br />

C’est un processus très complexe. nous avions au départ<br />

les personnages puis nous sommes allés de l’avant, sans<br />

nous priver de la possib<strong>il</strong>ité de rev<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> arrière et d’<strong>en</strong>richir<br />

certaines scènes du début, après avoir développé<br />

l’histoire et <strong>en</strong> fonction d’événem<strong>en</strong>ts qui allai<strong>en</strong>t se passer<br />

ultérieurem<strong>en</strong>t. nous avons eu beaucoup de conversations<br />

<strong>en</strong>semble – ma femme ebru, ercan Kesal et moimême<br />

– sur le scénario. ercan a ut<strong>il</strong>isé ses souv<strong>en</strong>irs et ses<br />

connaissances de la région et mon épouse ebru excelle<br />

dans la construction d’un récit. nous parlons beaucoup<br />

tous les trois, puis je leur demande de repartir chez eux et<br />

de trava<strong>il</strong>ler sur <strong>une</strong> séqu<strong>en</strong>ce particulière. Après avoir fait<br />

leurs devoirs, <strong>il</strong>s revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vers moi, me lis<strong>en</strong>t ce qu’<strong>il</strong>s<br />

ont écrit et nous recomm<strong>en</strong>çons à discuter. Je pr<strong>en</strong>ds des<br />

choses dans ce qu’<strong>il</strong>s me propos<strong>en</strong>t, j’apporte moi-même<br />

<strong>une</strong> contribution et je réorganise le tout. par<strong>fois</strong>, je leur<br />

dis que tel personnage parle par ma voix… Je ne vous dirai<br />

pas lequel, car ce g<strong>en</strong>re d’information briserait l’unité<br />

du f<strong>il</strong>m ! le fait qu’ ercan Kesal soit médecin dans la vie<br />

et qu’<strong>il</strong> ait été témoin de ce fait divers ne fut pas si important<br />

pour son trava<strong>il</strong> de scénariste même s’<strong>il</strong> nous a<br />

fourni des déta<strong>il</strong>s techniques sur la pratique de l’autopsie<br />

par exemple.<br />

la brève séqu<strong>en</strong>ce avec la je<strong>une</strong> f<strong>il</strong>le est vécue comme<br />

un rêve.<br />

Cela dure quelques secondes, cela ressemble à un rêve,<br />

mais c’est bi<strong>en</strong> réel. Je n’ai ut<strong>il</strong>isé aucun élém<strong>en</strong>t onirique<br />

et je l’ai f<strong>il</strong>mé comme si c’<strong>était</strong> la réalité. J’ai aussi parsemé<br />

le f<strong>il</strong>m de quelques emprunts à quatre nouvelles de<br />

tchekhov. Dans tous mes f<strong>il</strong>ms, d’a<strong>il</strong>leurs, on trouve des<br />

citations de tchekhov. Vous savez qu’<strong>il</strong> <strong>était</strong> aussi médecin,<br />

et comme son œuvre parle de tous les aspects de la<br />

vie, elle peut nourrir votre inspiration à tout mom<strong>en</strong>t.<br />

on pourrait égalem<strong>en</strong>t dire que la je<strong>une</strong> f<strong>il</strong>le à la lampe<br />

est inspirée par des to<strong>il</strong>es de rembrandt ou de Vermeer,<br />

mais <strong>en</strong> fait elle vi<strong>en</strong>t de la réalité, du contexte. J’ai vécu<br />

moi-même ce g<strong>en</strong>re de situation. par exemple, quand<br />

je faisais mon service m<strong>il</strong>itaire, <strong>il</strong> pouvait se passer trois<br />

mois sans que nous voyions <strong>une</strong> seule femme, nous vivions<br />

<strong>en</strong>tre hommes. Quand <strong>une</strong> je<strong>une</strong> f<strong>il</strong>le apparaissait<br />

dans notre vie, c’<strong>était</strong> comme un miracle. lorsque nous<br />

marchions p<strong>en</strong>dant des jours et que nous r<strong>en</strong>contrions<br />

<strong>une</strong> jolie femme dans un <strong>en</strong>droit perdu, cela produisait<br />

<strong>une</strong> émotion chargée de mélancolie. Ce n’<strong>était</strong> pas tellem<strong>en</strong>t<br />

sexuel, mais cela évoquait le souv<strong>en</strong>ir d’<strong>une</strong> épouse<br />

ou d’<strong>une</strong> fiancée. pour l’assassin, cela a <strong>une</strong> signification<br />

différ<strong>en</strong>te. p<strong>en</strong>dant que j’écrivais le scénario, j’ai parlé à<br />

des responsables de la police et à des bureaucrates <strong>en</strong> Anatolie.<br />

<strong>il</strong>s me racontai<strong>en</strong>t que des suspects, p<strong>en</strong>dant trois<br />

jours, pouvai<strong>en</strong>t ne pas prononcer un mot ni se confesser<br />

et, soudain, après avoir vu <strong>une</strong> femme ou <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du le cri<br />

d’un <strong>en</strong>fant, <strong>il</strong>s pouvai<strong>en</strong>t se mettre à pleurer et comm<strong>en</strong>cer<br />

à tout avouer. pour mes interlocuteurs, c’<strong>était</strong> <strong>une</strong> expéri<strong>en</strong>ce<br />

très courante dans l’exercice de leur profession.<br />

<strong>il</strong> y a un épisode semblable dans Les Frères Karamazov.<br />

la police arrête Dimitri, le déti<strong>en</strong>t dans <strong>une</strong> pièce et <strong>il</strong><br />

s’<strong>en</strong>dort. Quand <strong>il</strong> se réve<strong>il</strong>le, <strong>il</strong> découvre un ore<strong>il</strong>ler sous<br />

sa tête. <strong>il</strong> se met à pleurer et se demande qui a placé là cet<br />

ore<strong>il</strong>ler. <strong>il</strong> n’arrête pas de poser cette question, jusqu’à ce<br />

qu’<strong>il</strong> confesse un crime qu’<strong>il</strong> n’a pas commis.<br />

<strong>il</strong> est intéressant que vous m<strong>en</strong>tionniez les écrivains<br />

russes comme Tchekhov ou dostoïevski, car c’est <strong>une</strong><br />

littérature où se mêl<strong>en</strong>t le tragique et le grotesque.<br />

J’aime toujours voir le côté humoristique de la vie y compris<br />

dans des situations dramatiques. Je ne sais pas si cela<br />

apparti<strong>en</strong>t à la tradition culturelle de mon pays, mais du<br />

moins, c’est comme cela que je considère l’exist<strong>en</strong>ce humaine.<br />

Chez chacun d’<strong>en</strong>tre nous, <strong>il</strong> y a un regard objectif<br />

et un regard subjectif. D’autres que moi verront des aspects<br />

différ<strong>en</strong>ts de la vie, mettrons <strong>en</strong> avant des déta<strong>il</strong>s qui<br />

ne m’intéress<strong>en</strong>t pas.<br />

Vous êtes consci<strong>en</strong>t que pour le spectateur, la première<br />

partie du récit peut être éprouvante.<br />

Bi<strong>en</strong> sûr. Je voulais qu’<strong>il</strong> ress<strong>en</strong>te les mêmes impressions<br />

que les personnages. par a<strong>il</strong>leurs, le système <strong>en</strong>courage les<br />

metteurs <strong>en</strong> scène à réaliser des f<strong>il</strong>ms d’<strong>une</strong> durée standard,<br />

disons quatre-vingt-dix minutes. les écrivains ont<br />

beaucoup plus de liberté et peuv<strong>en</strong>t écrire un roman de<br />

cinquante ou de cinq c<strong>en</strong>ts pages. J’<strong>en</strong>vie cette liberté, et<br />

je voulais échapper à la norme que l’industrie impose.<br />

Cela peut rebuter certains spectateurs, cela peut aussi <strong>en</strong><br />

séduire d’autres.<br />

Avez-vous mêlé des acteurs professionnels avec des<br />

amateurs ?<br />

la plupart sont des comédi<strong>en</strong>s de métier. <strong>il</strong>s vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t du<br />

théâtre ou du cinéma. muhammet Uz<strong>une</strong>r qui joue le<br />

docteur n’est pas tellem<strong>en</strong>t connu <strong>en</strong> turquie. <strong>il</strong> avait joué<br />

des petits rôles, mais personne ne lui avait vraim<strong>en</strong>t donné<br />

sa chance. Je suis heureux de lui avoir confié ce rôle après<br />

<strong>une</strong> audition, et je suis étonné qu’on ne l’ait pas découvert<br />

plus tôt. taner Birsel, le procureur que l’on compare à<br />

Clark Gable, est plus connu, surtout dans le cinéma d’Art<br />

et essai. Y<strong>il</strong>maz erdoğan (le commissaire naci), est, lui,<br />

<strong>une</strong> véritable star. <strong>il</strong> joue dans des f<strong>il</strong>ms, écrit des pièces,<br />

<strong>en</strong>seigne et est même réalisateur. Beaucoup de g<strong>en</strong>s ont<br />

été surpris que nous trava<strong>il</strong>lions <strong>en</strong>semble. Ahmet mümtaz<br />

taylan qui joue le chauffeur arabe Ali joue aussi sur<br />

scène comme à l’écran, et monte des pièces de théâtre. J’ai<br />

confié le rôle du maire mukhtar à mon coscénariste ercan<br />

Kesal. lui par contre n’est pas un acteur professionnel<br />

mais <strong>il</strong> a joué dans un certain nombre de mes f<strong>il</strong>ms.<br />

C’<strong>était</strong> un défi de tourner plus de la moitié du f<strong>il</strong>m de<br />

nuit et souv<strong>en</strong>t à l’intérieur de voitures, ce qui pose<br />

toujours des problèmes techniques.<br />

<strong>en</strong> écrivant le scénario, j’étais consci<strong>en</strong>t des difficultés que<br />

nous allions r<strong>en</strong>contrer et cela ne plaisait pas beaucoup<br />

aux décideurs. mais après toutes ces années, je continue<br />

à aimer les défis. le souci avec ce f<strong>il</strong>m, c’<strong>était</strong> le budget,<br />

qui correspond à la somme de mes cinq f<strong>il</strong>ms précéd<strong>en</strong>ts<br />

! pour le type de cinéma que je fais, cela posait des problèmes.<br />

le surcoût v<strong>en</strong>ait pour l’ess<strong>en</strong>tiel du tournage<br />

de nuit. De plus, nous étions au m<strong>il</strong>ieu de la steppe, la<br />

température <strong>était</strong> glaciale. <strong>il</strong> fallait pouvoir se nourrir, se<br />

chauffer, installer des to<strong>il</strong>ettes, car nous étions loin de<br />

tout. l’équipe technique compr<strong>en</strong>ait soixante à soixantedix<br />

personnes. les lumières étai<strong>en</strong>t compliquées. Je ne<br />

m’att<strong>en</strong>dais pas à pr<strong>en</strong>dre tant de risques financiers. pour<br />

le g<strong>en</strong>re de cinéma que je fais, j’ai intérêt à trava<strong>il</strong>ler avec<br />

des budgets modestes pour pouvoir <strong>en</strong>trer dans mes frais,<br />

mais ce f<strong>il</strong>m là exigeait ces coûts de productions élevés et<br />

un tournage de trois mois.<br />

Comm<strong>en</strong>t avez-vous trava<strong>il</strong>lé avec votre chef opérateur<br />

habituel - gökhan Tiryaki – pour ce tournage très<br />

inhabituel ?<br />

Comme d’habitude, nous avons pas mal discuté avant de

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