Dark fairy and gothic spirit - Royaume des fées - Free
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Délicieuse paranoïa<br />
écrit et illustré par Georgia Caldera<br />
Voilà maintenant près d’une semaine que je n’ai réussi à trouver le sommeil… Que les nuits paraissent alors longues et<br />
au combien démesurées, qu<strong>and</strong>, dans un vain espoir, l’on se couche au fond de son lit, l’on contraint ses paupières à se<br />
tenir closes, et l’on patiente, sachant bien sûr que rien ne viendra sinon l’attente. Une attente interminable, irritante,<br />
solitaire et emplie de ténèbres.<br />
Ces terribles insomnies, je les savais causées par une sorte de gêne, quelque peu douloureuse, mais surtout effrayante,<br />
que je ressentais au plus profond de mon être, comme si, un corps étranger, quelque chose de malsain et d’inconnu,<br />
s’était installé en moi, niché pour de bon au creux de mes entrailles. Cette sensation était née progressivement, arrivant<br />
d’abord sous la forme d’une impression, curieuse et latente, puis d’un doute me revenant sans cesse, jusqu’à ce que, peu<br />
à peu, toutes mes pensées ne furent plus tournées que vers cette idée, m’apparaissant alors désormais comme une<br />
certitude. J’avais bien entendu consulté quelques spécialistes, passé quelques examens, mais sans aucun succès, l’objet<br />
de mon angoisse s’obstinant à rester dissimulé, probablement trop subtil et trop obscur pour être révélé par la science.<br />
Ainsi, personne ne pouvait rien pour moi…<br />
Je me tournai encore une fois dans ces draps glacés qui me tenaient lieu de couche pour cette nuit sans repos,<br />
m’imaginant que peut-être, un changement de position m’aiderait à trouver le sommeil ; mais avec une telle énergie,<br />
empreinte d’un tel énervement, que les ressorts du matelas tintèrent violemment, leur bruit, exacerbé par ce silence<br />
nocturne, excitant davantage mon effroi. Cette souffrance, plus psychique que physique, m’était à présent devenue<br />
insupportable, il fallait que je fasse quelque chose pour que cela cesse, pour que cette infamie ab<strong>and</strong>onne définitivement<br />
mon corps. Oui, mais quoi ?<br />
Je passai ma main sur mon ventre, près de mon estomac, et je le sentis sous mes doigts, cet objet étranger, anormal et<br />
inquiétant, aussi dur et imposant que de la roche. Alors, il était bien là, je ne rêvais pas… C’était si réel, si probant…<br />
Comment son insolite présence avait-elle bien pu échapper aux médecins ? Quelques gouttes de sueur se mirent à perler<br />
sur le haut de mon front, traduction extérieur de l’état d’épouvante dans lequel je me trouvai. Je me levai, hagard et<br />
perdu, tremblant de tous mes membres, j’allumai la lumière et arpentai le couloir menant à la cuisine, me heurtant contre<br />
les murs dans mon affolement, errant, comme l’âme en peine que j’étais, dans l’illusoire recherche d’un quelconque<br />
remède, dans l’impossible quête d’une solution pouvant enfin me délivrer de mon mal. La panique, qui s’était infiltrée<br />
si insidieusement en moi depuis quelques jours, et qui ne m’avait alors plus jamais quitté, était à son comble, au point<br />
que ma vue même en était brouillée et que mes oreilles sifflaient, résonnant horriblement dans mon crâne, mes sens<br />
m’indiquant eux aussi l’apogée de mes tourments.<br />
L’origine d’une telle affection, si étrange et inexplicable, et demeurant si résolument invisible pour la science, ne<br />
pouvait être autre que surnaturelle… Et si la noirceur d’une âme pouvait soudainement se matérialiser, ne se trouveraitelle<br />
pas alors au plus profond de l’être, dans ses entrailles ?<br />
La terreur me submergea complètement, mes mouvements devinrent mécaniques, guidés par ce sentiment, cette<br />
conviction, qu’il fallait, envers et contre tout, que je me débarrasse de cette chose innommable. Je tirai un tiroir, me<br />
saisis du plus long et du plus aiguisé <strong>des</strong> couteaux que j’y trouvai et, sans aucune hésitation, je plongeai de toutes mes<br />
forces la lame dans mon ventre, à l’endroit exact où j’avais senti l’objet. La douleur était immense et irradiante, et je dus<br />
lutter pour rester conscient, mais elle n’était rien comparée à l’horreur que je ressentais de le savoir encore là… Dans<br />
un atroce bruissement de chair et d’acier, je retirai mon poignard de fortune, l’échappant malgré moi, puis, plus<br />
déterminé que jamais j’enfonçai mes doigts frémissants dans ma plaie, fouillant à travers mes propres viscères à la<br />
recherche de ce qui ne pouvait rester plus longtemps en moi.<br />
Bientôt, je me mis à chanceler dangereusement, à tel point que, je ne sais trop comment, je me retrouvai assis par terre,<br />
adossé à un placard, ma main toujours plongée dans mes entrailles, à regarder mon sang recouvrir lentement le carrelage<br />
blanc de la cuisine. Dans un ultime et frénétique effort, je me mis à déballer littéralement mes tripes, convaincu<br />
désormais que je ne m’en sortirai plus. J’admirais un instant leur couleur tellement particulière, ce grenat brillant, si<br />
magnifiquement répugnant et sans nulle autre pareil, leur texture visqueuse et glissante, parfaitement immonde et à la<br />
fois presque soyeuse… Qu<strong>and</strong> soudain je la vis, la chose, l’objet de mon calvaire et, irrémédiablement, de ma perdition.<br />
Une pierre noire, aussi grosse qu’une m<strong>and</strong>arine, ovale et polie, gravée de quelques symboles incompréhensibles,<br />
d’apparence obscure et maléfique, logée au milieu <strong>des</strong> boyaux que j’avais moi-même sorti. Je la saisis entre mes mains<br />
tremblantes et l’inspectai quelques secon<strong>des</strong>. Je sus alors que ce caillou diabolique s’était joué de moi car il n’était en<br />
fait rien d’autre que l’annonce de ma mort, mort que, finalement, j’avais moi-même provoquée…<br />
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