27.06.2013 Views

méditation de Dominique Ponnau sur la vie et l'oeuvre du Caravage

méditation de Dominique Ponnau sur la vie et l'oeuvre du Caravage

méditation de Dominique Ponnau sur la vie et l'oeuvre du Caravage

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Jésus. Qui croit en moi, fût-il mort, vivra!" Jésus dit ce<strong>la</strong> à Marthe. Mais non point à<br />

Marie. Devant le reproche <strong>de</strong> Marie, <strong>de</strong>vant ses pleurs, <strong>de</strong>vant les pleurs <strong>de</strong>s Juifs, Jésus<br />

sent en lui se bouleverser son esprit <strong>et</strong> lui-même fond en <strong>la</strong>rmes: "Où l'avez-vous mis?...<br />

Ôtez <strong>la</strong> pierre <strong>du</strong> tombeau!...". "Mais ce<strong>la</strong> fait quatre jours, dit Marthe; il sent déjà!". Et<br />

reprend l'Evangile, Jésus, les yeux levés au ciel, rendant grâces à son Père <strong>de</strong> l'avoir écouté<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'écouter toujours, <strong>et</strong> <strong>de</strong> vouloir accomplir par lui ce signe pour que le peuple croie,<br />

"cria d'une voix forte: Lazare, ici! Dehors!" Puis, quand Lazare fut éveillé, car il s'éveil<strong>la</strong>:<br />

déliez-le, leur dit-il, <strong>et</strong> <strong>la</strong>issez-le aller."<br />

<strong>Caravage</strong> saisit ce moment prodigieux. Le Christ fait irruption dans l'immensité ténébreuse<br />

<strong>du</strong> tombeau, d'un tombeau comme sans limites, où se trouvent tous les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> scène;<br />

Lazare bien sûr; mais ses sœurs; <strong>et</strong> les fossoyeurs. La lumière, <strong>la</strong> lumière vivifiante,<br />

comme dans l'appel <strong>de</strong> Mathieu, passe par le Christ, illumine <strong>sur</strong> son injonction les morts<br />

que tous nous sommes. Marthe, doucement, recueille entre ses tendres mains, <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> son<br />

frère <strong>et</strong> respire, nez à nez, non l'o<strong>de</strong>ur méphitique, mais le premier souffle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> qui<br />

<strong>vie</strong>nt. Marie, à son ordinaire, contemple. Les fossoyeurs relèvent Lazare, redressent <strong>la</strong><br />

pierre <strong>du</strong> tombeau. Deux d'entre eux regar<strong>de</strong>nt le maître <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort. Lazare, le corps <strong>de</strong><br />

Lazare, est éc<strong>la</strong>boussé <strong>de</strong> lumière, <strong>et</strong> <strong>de</strong><strong>vie</strong>nt lui-même, par refl<strong>et</strong>, source <strong>de</strong> lumière,<br />

éc<strong>la</strong>irant le visage <strong>du</strong> disciple le plus éloigné, tout <strong>de</strong>rrière le Christ. Mais Lazare, le mort,<br />

le dormeur, a <strong>du</strong> mal à s'éveiller, à vivre. Son corps éc<strong>la</strong>tant ne s'ai<strong>de</strong> aucunement, ni n'ai<strong>de</strong><br />

qui le relève. Sa tête, elle, est encore incapable <strong>de</strong> se redresser. Sa main gauche, au bout <strong>de</strong><br />

son bras, frôle encore les têtes <strong>et</strong> les os <strong>de</strong> ses frères les morts qu'il abandonne sans le<br />

savoir. Sa main droite, elle, sait! Au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> son corps si lourd à relever, elle se dresse,<br />

seule, dans <strong>la</strong> mouvante, l'immense obscurité, l'obscurité vibrante, encore vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>vie</strong>. Elle<br />

accueille <strong>la</strong> lumière qui <strong>vie</strong>nt. Elle l'accueille…à moins qu'elle ne <strong>la</strong> repousse; en vain!<br />

C<strong>et</strong>te main dit qu'il est <strong>du</strong>r <strong>de</strong> vivre, encore plus <strong>du</strong>r peut-être <strong>de</strong> revivre. Le Christ, lui,<br />

Christ presque semb<strong>la</strong>ble à celui <strong>de</strong> l'appel <strong>de</strong> Mathieu, mais venant <strong>de</strong> <strong>la</strong> gauche, dresse<br />

son bras, non, comme pour Mathieu, dans un "suis-moi" plein <strong>de</strong> douceur, mais, pour un<br />

ordre qui ne souffre nulle résistance. Il recrée, <strong>de</strong> nouveau, en Lazare, un nouvel Adam qui<br />

a goûté les conséquences ultimes <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> lorsque celle-ci en est venue à lui manquer. Le<br />

visage <strong>du</strong> Christ, ici, est, <strong>de</strong> beaucoup, plus sombre qu'il ne l'était à l'appel <strong>de</strong> Mathieu. Il<br />

est pour ainsi dire plongé dans <strong>la</strong> nuit. La lumière illuminante, vivifiante, ressuscitante,<br />

11

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!