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Que les « canons » de la beauté soient affaire de mode,<br />
il suffit pour s’en convaincre de jeter un regard en arrière.<br />
En 1882, Frédéric Nietzsche rencontre pour la première<br />
fois Lou Andreas-Salomé, jeune fille d’origine russe qui<br />
devait devenir ensuite l’Égérie de Rilke et de Freud. Ce<br />
superbe triplet a fait dire à un contemporain : « Chaque<br />
fois qu’un grand intellectuel tombe amoureux d’elle, neuf<br />
mois plus tard il accouche d’un chef-d’œuvre… » Nous<br />
possédons de Lou des portraits au moment de sa<br />
rencontre avec Nietzsche, et nous sommes fascinés par la<br />
pureté de ce jeune visage, dur et tendu, comme sculpté au<br />
rasoir, avec ses pommettes saillantes, son vaste front<br />
bombé et ses cheveux tirés en arrière. Or qu’écrit<br />
Nietzsche à sa sœur ? Il lui apprend qu’il vient de faire la<br />
connaissance d’une jeune fille dont l’intelligence brillante<br />
fait oublier un physique ingrat. Rien d’étonnant à cela si<br />
on évoque les « mondaines » d’il y a un siècle, d’Hortense<br />
Schneider à Blanche d’Antigny, dont les grâces douillettes<br />
et dodues affolaient le désir des hommes.<br />
Oui, il y aurait une histoire de la beauté féminine à<br />
écrire, et elle nous apporterait bien des surprises. En<br />
France, par exemple, on a assisté au cinéma à la<br />
succession de quatre vedettes à travers lesquelles il est<br />
facile de discerner un certain « type » qui se cherche,<br />
s’épanouit et décline dans une sorte d’apothéose : Simone<br />
Simon, Cécile Aubry, Brigitte Bardot et Jeanne Moreau.<br />
On part du pékinois et de sa mignonne petite gueule<br />
renfrognée, pour s’acheminer vers le sphinx, puis vers<br />
l’amertume d’une intelligence revenue de tout, qui<br />
s’inscrit dans la bouche aux commissures tombantes de