Le développement spirituel en éducation - Faculté de théologie et ...

VERS UNE PHILOSOPHIE DU DEVENIR
OU L’ALLÉGORIE DE LA MONTAGNE
durant mon voyage, lors de rencontres et de célébrations communes avec les autres grandes
traditions religieuses.
- Une saine confrontation à l’expérience des autres pour éviter un discours trop refermé sur sa
propre personne, sa propre culture ou sa propre religion. À l’occasion de projets,
d’événements, de discussions ou de lectures communes, je fus régulièrement amené à
confronter mon expérience à celle d’autres jeunes, amis ou non, croyants ou non…
- Une relecture de celle-ci, qui implique, à ce stade plus qu’au précédent, une véritable
distance critique devant le fait vécu. Cette occasion m’est donnée, d’un côté, par mes études,
la lecture de livres et des discussions avec des personnes expérimentées dans le domaine du
spirituel et du religieux et, de l’autre côté, par la nécessité de rendre compte du religieux qui
se vit au niveau personnel, dans ma génération et dans la société ou dans les différents médias
où j’ai été impliqué.
1.4 De l’universel au particulier — fonction de la contextualisation
Étant surtout appelé à rendre compte de la foi des jeunes et étudiant aujourd’hui la théologie à
l’Institut catholique de Paris, je suis conscient qu’il nous faudra néanmoins dépasser un discours
formaté par la pensée monothéiste. Est-ce possible? Mon propos se veut aussi rigoureux
qu’ouvert devant les différentes formes de vie spirituelle et religieuse. Une première question se
pose à nous : avec quelle compréhension de l’être humain peut-on aborder une question aussi
vaste? Je n’ai pas de réponse à cette question. Je sais qu’un bouddhiste entendra de manière très
différente l’éducation, puisqu’il aura en arrière-plan, dans sa représentation du monde, une
conception très impersonnelle de l’être humain, alors que nos sociétés occidentales se sont
construites, même sans la religion aujourd’hui, sur une conception très personnelle (et
interpersonnelle) de l’être humain.
Cette question nous montre bien que nous devons faire le deuil d’un discours parfaitement
universaliste. Je ne sais pas si je dois insister sur ce propos. Pour certains, le pas est franchi; pour
d’autres, il reste encore à faire. Les philosophies des lumières ont apporté beaucoup d’éléments
importants à la réflexion philosophique, mais ont aussi connu des ratés qu’il ne faudrait pas
reproduire encore aujourd’hui. Par exemple, l’universalisme kantien, déraciné de son contexte,
est fortement critiqué aujourd’hui 23 . Un professeur de philosophie (Capelle) explique :
23 Le XX e siècle nous montre qu’il ne nous est pas possible de réfléchir de manière kantienne aux
religions. J’aimerais citer Stéphane Haber, explicitant la pensée d’Habermas sur le sujet :
« Il existe une sorte de credo implicite du rationalisme occidental dont on peut se demander aujourd’hui
s’il peut encore rencontrer l’adhésion. Ce credo pourrait s’exprimer de la façon suivante : en faisant
usage de notre raison, autrement dit en pensant de manière réfléchie, nous nous arrachons à nos
particularités psychologiques, historiques ou culturelles; nous mettons entre parenthèses notre insertion
contingente dans le monde et, en contrepartie, nous devenons capables d’atteindre par la connaissance la
réalité, l’objet transcendant. De cette manière, nous accédons à un plan qui nous est commun à moi et à
autrui, à vrai dire au seul plan qui le soit […].
Or, c’est sous plusieurs rapports qu’on peut affirmer qu’un tel credo est devenu hautement
problématique, pour ne pas dire qu’il se trouve désormais totalement discrédité […].
Comité sur les affaires religieuses 135