Revue en Cène n°3 Apparence(s)
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Faut-il MANGER les animaux ?<br />
L’idée ici n’est pas de paraître pour la végétari<strong>en</strong>ne de<br />
service (que je ne suis pas), mais de poser une réelle<br />
question. Déjà remise <strong>en</strong> question dans le livre du même<br />
titre « Faut-il manger les animaux ? » de Jonathan Safran<br />
Foer, la question du régime omnivore n’est pourtant pas un<br />
sujet véritablem<strong>en</strong>t prêt à être abordé. Bi<strong>en</strong> trop ancré dans<br />
nos cultures, bi<strong>en</strong> trop ancré dans nos moeurs et depuis<br />
la nuit des temps, ce n’est pas demain la veille qu’il sera<br />
ébranlé. Pourtant nous arrivons aujourd’hui à la croisée de<br />
plusieurs problèmes, que nous connaissons tous, mais que<br />
nous ignorons car il est bi<strong>en</strong> plus facile de ne ri<strong>en</strong> changer.<br />
L’élevage int<strong>en</strong>sif pollue l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Les conditions<br />
de vie animales sont révoltantes. La surconsommation<br />
de viande est dangereuse pour la santé. Seulem<strong>en</strong>t, ces<br />
problématiques ne sembl<strong>en</strong>t pas pr<strong>en</strong>dre racine dans<br />
nos modes de p<strong>en</strong>sée et de consommation, bi<strong>en</strong> que les<br />
scandales alim<strong>en</strong>taires s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t.<br />
Alors que les poules dans<strong>en</strong>t le fr<strong>en</strong>ch-cancan dans le<br />
petit écran pour Le Gaulois et que les chèvres gambad<strong>en</strong>t<br />
allègrem<strong>en</strong>t derrière leur berger favori, il <strong>en</strong> est autrem<strong>en</strong>t<br />
dans la réalité. Le film docum<strong>en</strong>taire Earthlings de Shaun<br />
Monson, sorti <strong>en</strong> 2005, montre <strong>en</strong> 1h30 les facettes les<br />
plus sombres du traitem<strong>en</strong>t de l’animal dans l’élevage<br />
int<strong>en</strong>sif, son exploitation pour la sci<strong>en</strong>ce, le cirque, etc.<br />
1h30 de caméras cachées insupportables, de scènes<br />
réelles qui paraiss<strong>en</strong>t pourtant irréalistes d’horreur, qui ont le<br />
mérite d’ouvrir subitem<strong>en</strong>t les yeux de son spectateur sur ce<br />
qui se passe derrière l’air guilleret des paquets de nuggets.<br />
L’ambiance sera, certes, irrévocablem<strong>en</strong>t plombée, mais ce<br />
que murmure la voix off de Joaquim Pho<strong>en</strong>ix sur ces images,<br />
vaut la peine de se faire viol<strong>en</strong>ce.<br />
Sans parler de film difficile, on se doute que les animaux<br />
d’élevage n’affich<strong>en</strong>t <strong>en</strong> réalité pas le même sourire que<br />
dans la publicité. Le fait est qu’il est beaucoup plus aisé<br />
de fermer les yeux. Peut-être serait-ce plus impactant<br />
d’appr<strong>en</strong>dre que notre organisme n’est <strong>en</strong> fait pas fait<br />
pour digérer la viande, ou que sa consommation peut<br />
<strong>en</strong>traîner cancers, maladies cardio-vasculaires... Il est <strong>en</strong><br />
effet véridique et vérifié que le régime végétari<strong>en</strong>, m<strong>en</strong>é de<br />
façon approprié, est bon pour la santé et bénéfique pour<br />
la prév<strong>en</strong>tion et le traitem<strong>en</strong>t de certaines maladies. Nous<br />
croyons que l’homme mange de la viande par nature et que<br />
cela fait partie de ses besoins nutritionnels. Nous croyons<br />
que si l’homme préhistorique mangeait du mammouth, c’est<br />
que c’est bi<strong>en</strong> dans nos origines d’être omnivore ; <strong>en</strong> réalité,<br />
notre constitution anatomique et physiologie est semblable<br />
à celle des singes, l’homme étant zoologiquem<strong>en</strong>t un<br />
primate. La véritable nature de l’homme est donc<br />
végétari<strong>en</strong>ne : <strong>en</strong> outre, notre constitution<br />
est très différ<strong>en</strong>te de celle des carnivores<br />
ou des omnivores, ce qui explique<br />
les problèmes de santé liés à notre<br />
régime carné. Par exemple :<br />
notre d<strong>en</strong>tition est large, plate et<br />
peu tranchante, parfaite pour<br />
écraser des alim<strong>en</strong>ts mous,<br />
et nos muscles faciaux développés pour<br />
la mastication contrairem<strong>en</strong>t aux carnivores<br />
qui ont une d<strong>en</strong>tition pointue et qui ne mastiqu<strong>en</strong>t<br />
quasim<strong>en</strong>t pas. Le système digestif humain produit des<br />
<strong>en</strong>zymes permettant la digestion des végétaux et il est<br />
pauvre <strong>en</strong> sels acides, ce dont les carnivores ont besoin<br />
pour digérer les os et les muscles. Notre régime devrait donc<br />
se composer de légumes, fruits, noix, graines, céréales...<br />
Pour les sceptiques que je vois grimacer depuis ces<br />
quelques lignes « non ! » le régime végétari<strong>en</strong> et végétali<strong>en</strong><br />
n’impliqu<strong>en</strong>t pas de car<strong>en</strong>ces, du mom<strong>en</strong>t qu’ils sont m<strong>en</strong>és<br />
correctem<strong>en</strong>t ; il n’y a ri<strong>en</strong> dans les alim<strong>en</strong>ts d’origine<br />
animale qui n’existe pas dans les alim<strong>en</strong>ts végétaux.<br />
Concernant les protéines, il a été prouvé qu’elles ne sont<br />
pas aussi indisp<strong>en</strong>sables qu’on le p<strong>en</strong>se, et que nos besoins<br />
s’échelonn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre seulem<strong>en</strong>t 40g et 55g seulem<strong>en</strong>t par<br />
jour, besoins largem<strong>en</strong>t satisfaits par les protéines végétales.<br />
Bonne nouvelle, on peut donc survivre sans saucisson et son<br />
steak quotidi<strong>en</strong> ! Blague à part, nous savons aujourd’hui<br />
que le culte du régime carné n’est qu’une vaste farce, depuis<br />
nos soi-disant besoins carnivores jusqu’à la bonne santé de<br />
ce que l’on consomme, vivant et <strong>en</strong> barquette. D’autant plus<br />
que 94% de la viande française vi<strong>en</strong>t de ces fermes-usines,<br />
dans lesquelles les bêtes sont moins bi<strong>en</strong> traitées que des<br />
boîtes de conserve.<br />
C’est là que l’on ferme les yeux, consciemm<strong>en</strong>t, avec<br />
acharnem<strong>en</strong>t, afin de ne pas polluer notre qualité de<br />
vie. Que l’on sache ce qu’il <strong>en</strong> est de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />
que l’on s’insurge devant un poussin maltraité, il n’<strong>en</strong> est<br />
plus de même devant le rayon volaille au supermarché<br />
et la compassion et la consci<strong>en</strong>ce soudain, s’<strong>en</strong>vol<strong>en</strong>t.<br />
Appar<strong>en</strong>ce, les publicités et les consommateurs qui<br />
se voil<strong>en</strong>t la face, préférant l’ignorance à la prise de<br />
consci<strong>en</strong>ce, car la vie est moins compliquée lorsque l’on<br />
ne sait pas. La viande n’est pas prête de disparaître de nos<br />
assiettes. Même sans mauvaise int<strong>en</strong>tion ou sans se vautrer<br />
volontairem<strong>en</strong>t dans le m<strong>en</strong>songe, elle est d’un point de<br />
vue culturel un des piliers de notre gastronomie, et nous<br />
savons combi<strong>en</strong> la culture compte. C’est pour cela qu’il<br />
faut tout au moins pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce de ce qui se passe<br />
réellem<strong>en</strong>t, et quitte à consommer de la viande, autant le<br />
faire <strong>en</strong> connaissance de cause et intelligemm<strong>en</strong>t. Plusieurs<br />
solutions s’offr<strong>en</strong>t à nous : privilégier les circuits courts,<br />
s’approvisionner directem<strong>en</strong>t chez le producteur, préférer<br />
les produits labellisés éco, garantissant des conditions de<br />
vie et d’abattage déc<strong>en</strong>ts, ou tout simplem<strong>en</strong>t réduire sa<br />
consommation. Sans pour autant dev<strong>en</strong>ir végétari<strong>en</strong> du<br />
jour au l<strong>en</strong>demain, des alternatives exist<strong>en</strong>t. Personne ne<br />
souhaite manger des antibiotiques sur pattes ou voir et savoir<br />
des bêtes maltraitées. L’heure n’est pas au bouleversem<strong>en</strong>t<br />
intégral de notre régime alim<strong>en</strong>taire, mais à la prise de<br />
consci<strong>en</strong>ce de ce qu’il y a au bout de la fourchette.<br />
Elise Noël<br />
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Docum<strong>en</strong>taire Earthlings de Shaun Monson, 2005<br />
La revue du DSAA de La Souterraine Éco-conception/Design Responsable