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Le regard de la mémoire - Réseau Lalan

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Photo : Raphaël Dupouy<br />

Photo : Quadriga Ver<strong>la</strong>g<br />

De Bormes au Lavandou<br />

Sur les traces <strong>de</strong>s exilés<br />

Depuis <strong>de</strong>ux ans, Rolf Liffers, journaliste allemand et Borméen, enquête sur <strong>la</strong> présence dans<br />

notre station, entre 1925 et 1940, <strong>de</strong> nombreux intellectuels réfugiés et prépare avec le "<strong>Réseau</strong> La<strong>la</strong>n"<br />

l’édition d’une p<strong>la</strong>quette bilingue, sorte <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> littéraire sur les pas <strong>de</strong> ces expatriés<br />

Rolf Liffers <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> "<strong>la</strong> Terrasse" qu’il a retrouvée dans le vieux vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Bormes.<br />

Dans les années 30, le journaliste Alfred Kantorowicz y écrivit son Journal et y hébergea<br />

<strong>de</strong> nombreux réfugiés.<br />

C<br />

’est un véritable travail d’enquêteur<br />

que réalise <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans Rolf<br />

Liffers, journaliste allemand et<br />

Borméen ; une enquête difficile qui l’a<br />

mené dans les archives <strong>de</strong> plusieurs<br />

communes <strong>de</strong> <strong>la</strong> région jusqu’à<br />

Londres pour recueillir les <strong>de</strong>rniers<br />

témoignages <strong>de</strong> ceux qui ont vécu<br />

cette drôle d’époque au tournant du<br />

XXe siècle où, <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> villégiature,<br />

<strong>la</strong> Côte d’Azur est <strong>de</strong>venue terre<br />

d’exil pour <strong>de</strong> nombreux artistes<br />

germanophones.<br />

42 intellectuels recensés<br />

entre Bormes et <strong>Le</strong> Lavandou<br />

Si l’histoire est connue du côté <strong>de</strong><br />

Sanary - centre spirituel <strong>de</strong> cette<br />

émigration - où <strong>la</strong> municipalité a<br />

même fait ériger en 1987 un<br />

monument en hommage à ces exilés,<br />

les vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> Bormes et du Lavandou<br />

furent également dans les années 20<br />

et 30 le point <strong>de</strong> chute <strong>de</strong> nombreux<br />

intellectuels allemands et autrichiens.<br />

Fuyant le régime nazi qui <strong>de</strong>vait<br />

d’abord se révéler dans toute son<br />

intolérance par l’autodafé du 10 mai<br />

1933, écrivains, comédiens et<br />

p<strong>la</strong>sticiens rejoignirent leurs<br />

confrères déjà installés sur <strong>la</strong> Riviera.<br />

Certes, les trois-quarts <strong>de</strong> ces noms<br />

sont aujourd’hui inconnus du grand<br />

public français. Mais, outre-Rhin en<br />

revanche, beaucoup jouissent<br />

encore d’une belle notoriété. Au total<br />

ce ne sont pas moins <strong>de</strong> 42<br />

intellectuels dont Rolf Liffers révèle<br />

<strong>la</strong> présence à Bormes et au<br />

Lavandou entre 1925 et 1940 !<br />

En 1924, le dadaïste Tristan Tzara et<br />

l’écrivain René Crevel ont fait <strong>la</strong><br />

découverte du petit port <strong>de</strong> pêche du<br />

Lavandou dont <strong>la</strong> notoriété va bientôt<br />

L’écrivain Kurt Tucholsky dans le jardin <strong>de</strong> <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> Corail en 1932, en compagnie <strong>de</strong> Kurt et<br />

Helene Wolff, Gerda et Reinhold Schairer, Mme <strong>de</strong> Montaignac et Walter Hasenc<strong>la</strong>ver.<br />

Cette vil<strong>la</strong> existe toujours dans <strong>la</strong> rue <strong>de</strong>s Pierres Précieuses au Lavandou.<br />

attirer, en juin 1928, l’un <strong>de</strong>s plus<br />

célèbres dramaturges allemands,<br />

Bertolt Brecht - accompagné <strong>de</strong> sa<br />

col<strong>la</strong>boratrice Élisabeth Hauptmann,<br />

du compositeur Kurt Weill et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

chanteuse Lotte <strong>Le</strong>nya - qui travaille<br />

alors à Saint-Cyr sur les <strong>de</strong>rnières<br />

scènes <strong>de</strong> l’Opéra <strong>de</strong> quat’sous. La<br />

localité p<strong>la</strong>ît tellement à Brecht qu’il y<br />

reviendra en 1930 et 1931, rejoint par<br />

le philosophe Walter Benjamin.<br />

Peu après, dans leur Livre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Riviera,<br />

Erika et K<strong>la</strong>us Mann (les enfants <strong>de</strong><br />

Thomas Mann) décrivent Bormes et <strong>Le</strong><br />

Lavandou comme l’endroit le plus beau<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Azur !<br />

Un manuscrit enterré et sauvé<br />

Grâce aux recherches effectuées<br />

par Rolf Liffers, le récit <strong>de</strong>s multiples<br />

pérégrinations <strong>de</strong> cette intelligentsia,<br />

ignorées <strong>de</strong>puis 60 ans, fera<br />

prochainement le bonheur <strong>de</strong>s<br />

visiteurs - notamment étrangers - qui<br />

chemineront à leur tour sur les pas <strong>de</strong><br />

ces intellectuels exilés : une p<strong>la</strong>quette<br />

bilingue - franco-alleman<strong>de</strong> - est en<br />

effet en préparation qui permettra<br />

d’accomplir une intéressante ba<strong>la</strong><strong>de</strong><br />

littéraire entre Bormes et <strong>Le</strong> Lavandou.<br />

Entre autres traces, il y sera alors<br />

possible <strong>de</strong> découvrir le passage du<br />

peintre Wassily Kandinsky, à Bormes<br />

en 1937 ; <strong>de</strong> l’écrivain-journaliste Alfred<br />

Kantorowicz, pour qui l’institutrice<br />

borméenne M me Manetti enterra le<br />

manuscrit du Journal, le sauvant ainsi<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction nazie ; du peintre Érich<br />

Klossowsky, à Bormes en 1940 ; <strong>de</strong><br />

Thomas Mann, prix Nobel <strong>de</strong> littérature<br />

1929, séjournant au Lavandou en mai<br />

1933 ; <strong>de</strong> l’écrivain engagé Kurt<br />

Tucholsky, à <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> Émerau<strong>de</strong> en 1932 ;<br />

<strong>de</strong> l’écrivain autrichien Émil-Alfons<br />

Rheinhardt qui accueilli dans sa vil<strong>la</strong><br />

<strong>Le</strong>s Chênes au Lavandou entre 1935 et<br />

1940 <strong>de</strong> nombreux amis comme Robert<br />

Musil, Henri Michaux, René Schickelé,<br />

Thomas et Golo Mann ; du poète Walter<br />

Hasenc<strong>la</strong>ver effectuant plusieurs<br />

séjours à <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> Corail <strong>de</strong> 1925 à 1932 ;<br />

<strong>de</strong> Gustav Regler hébergé dans <strong>la</strong><br />

maison avant-gardiste du professeur<br />

Bernard Lahy à Saint-C<strong>la</strong>ir ; etc.<br />

Mais, pour nombre d’entre-eux, ce<br />

séjour en terre borméo-<strong>la</strong>vandouraine<br />

fut le <strong>de</strong>rnier heureux : arrêtés,<br />

beaucoup périrent dans les camps<br />

nazis tandis que d’autres, réfugiés aux<br />

États-Unis, sombrèrent dans le<br />

désespoir...<br />

Rh. D.<br />

Photo : Arche Ver<strong>la</strong>g<br />

Bertolt Brecht sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ge du Lavandou<br />

en compagnie du musicien Kurt Weill et<br />

d’une amie.<br />

Nègres et<br />

maîtresses<br />

Une affaire fait actuellement<br />

scandale dans le mon<strong>de</strong> littéraire<br />

allemand : une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong><br />

l’œuvre <strong>de</strong> Bertolt Brecht aurait été<br />

écrite par quelques-unes <strong>de</strong> ses<br />

nombreuses compagnes. Mieux<br />

encore : le texte du fameux Opéra <strong>de</strong><br />

quat’sous, écrit durant ses séjours<br />

entre Bormes-<strong>Le</strong> Lavandou et Saint-<br />

Cyr dans les années 30, serait à<br />

mettre à l’actif - pour près <strong>de</strong> 80 % -<br />

<strong>de</strong> sa maîtresse d’alors, Élisabeth<br />

Hauptmann. L’affaire, révélée par un<br />

universitaire américain, est <strong>de</strong>vant <strong>la</strong><br />

justice car les héritiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> belle<br />

actrice enten<strong>de</strong>nt bien faire valoir<br />

leurs droits moraux... et financiers.<br />

Mais Rolf Liffers - qui connaît bien le<br />

sujet puisqu’il a participé aux<br />

recherches pour un Gui<strong>de</strong> littéraire <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> Côte d’Azur (1) édité en Allemagne -<br />

ne jette pas <strong>la</strong> pierre à son illustre<br />

compatriote. Il sait qu’alors <strong>la</strong> chose<br />

était courante et l’ouvrage (2) qu’il<br />

prépare <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans, outre <strong>de</strong><br />

nombreuses révé<strong>la</strong>tions sur cette<br />

diaspora, en exil au paradis (3) entre<br />

Nice et Saint-Cyr, traitera également<br />

du rôle considérable et <strong>de</strong><br />

l’importance <strong>de</strong>s femmes (épouses et<br />

maîtresses) dans <strong>la</strong> production<br />

artistique <strong>de</strong> ces créateurs bannis...<br />

(1) Gui<strong>de</strong> littéraire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Azur <strong>de</strong><br />

Heinke Wun<strong>de</strong>rlich, paru chez Arche<br />

Ver<strong>la</strong>g.<br />

(2) Muses en exil, à paraître en 2002.<br />

(3) Voir le livre <strong>de</strong> Manfred Flügge,<br />

co-édité par Arte et Éditions du Felin.<br />

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