27 Dans la Cour des Amusements. - Mon Aigle
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<strong>Dans</strong> <strong>la</strong> cour <strong>des</strong> <strong>Amusements</strong><br />
locomotive et les rails mirent quatre longs mois à nous parvenir, à travers 150 kilomètres de<br />
pistes en plein désert. Un homme moins impatient que Mouley Abd el Aziz en eût perdu <strong>la</strong> tête.<br />
La pose de <strong>la</strong> voie, le montage du matériel rou<strong>la</strong>nt commencèrent tout aussitôt les caisses<br />
ouvertes. Mais, comble de malchance, jamais on ne parvint à retrouver les roues de <strong>la</strong><br />
locomotive. On fit faire <strong>des</strong> recherches à Larache, on réc<strong>la</strong>ma à <strong>la</strong> douane, à <strong>la</strong> compagnie de<br />
navigation, aux chemins de fer français, au Creusot; jamais les roues ne nous parvinrent.<br />
En attendant, le Sultan décida qu'on le remorquerait au moyen de mules ou de chevaux. Il ne<br />
vou<strong>la</strong>it pas davantage attendre, et deux kilomètres de voie, à peine, étaient en p<strong>la</strong>ce qu'il s'offrit<br />
le p<strong>la</strong>isir de s'y faire promener. Après quoi, satisfait, il oublia son chemin de fer. Les rails en sont<br />
aujourd'hui ensevelis profondément. On ne les voit plus, nul n'y songe plus.<br />
La note du Creusot se montait, si j'ai bonne mémoire, à une centaine de mille francs. Mais je<br />
n'ose dire à combien cette fantaisie revint à Abd el Aziz.<br />
Il n'y en eut jamais, d'ailleurs, qui aient soulevé plus de criailleries: comme pour l'automobile, les<br />
conditions mêmes d'établissement de <strong>la</strong> voie avaient fait le plus gros du mal. Elle traversait, à <strong>la</strong><br />
sortie de l'enceinte du Pa<strong>la</strong>is, un chemin très fréquenté. Naturellement on n'hésita pas un instant,<br />
pour satisfaire le caprice de Sidna, à supprimer le chemin, bâtissant au travers <strong>des</strong> murs élevés<br />
qui dérobaient aux indiscrets <strong>la</strong> vue de ce qui se passait à leur abri. Et ce<strong>la</strong> fit, dans Fez, un joli<br />
bruit.<br />
Mais nous eûmes <strong>des</strong> amusements moins encombrants, moins vexatoires et aussi moins<br />
impopu<strong>la</strong>ires.<br />
Par exemple, le <strong>la</strong>ncement de montgolfières, au gonflement <strong>des</strong>quelles tout le monde mettait <strong>la</strong><br />
main, depuis Mac Lean qui dirigeait <strong>la</strong> manoeuvre, jusqu'au Menebhy. Je ne parle pas de moi par<br />
mo<strong>des</strong>tie... Puis un feu d'artifice, qui avait au contraire le mérite d'amuser follement <strong>la</strong> ville,<br />
prenant le frais, <strong>la</strong> nuit, sur ses terrasses, en même temps qu'il distrayait le Sultan. Car le<br />
Marocain raffole de tous les jeux où “parle <strong>la</strong> poudre “. La détonation <strong>des</strong> premières bombes<br />
annonçant, chaque soir, le commencement de <strong>la</strong> fête faisait tressaillir d'aise tout Marrakech. Abd<br />
el Aziz n’était jamais le dernier à venir prendre sa part du spectacle. Il faillit même, un jour, être<br />
victime de l'intérêt qu'il y apportait. Une bombe ayant éc<strong>la</strong>té malencontreusement dans le mortier<br />
qui devait <strong>la</strong> <strong>la</strong>ncer, <strong>des</strong> pierres furent projetées en tous sens par l'explosion et arrivèrent<br />
jusqu'aux pieds du Sultan, qui s'était approché un peu près. Afin d'éviter le retour d`un pareil<br />
accident, nous élevâmes, autour du coin de <strong>la</strong> cour où nous manoeuvrions, une sorte de parapet,<br />
de bastion, à l'abri duquel nous pouvions opérer sans danger pour les spectateurs.<br />
Cependant, au bout de quatre mois, les munitions nous manquèrent, avant qu'Abd el Aziz se fut<br />
<strong>la</strong>ssé de ce p<strong>la</strong>isir. On commanda de nouvelles bombes, <strong>des</strong> fusées, <strong>des</strong> pièces. Il leur fallut du<br />
temps pour venir. Quand elles arrivèrent, nous avions quitté Marrakech pour Fez; d'autres<br />
préoccupations hantaient le Sultan, et le “chef artificier” avait été licencié.<br />
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