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Voulez-vous danser ? - Laurent & GLV

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<strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

<strong>Voulez</strong>-<strong>vous</strong> <strong>danser</strong> ?


<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

et <strong>GLV</strong><br />

<strong>Voulez</strong>-<strong>vous</strong> <strong>danser</strong> ?


Note de l'éditeur :<br />

Il y autant d'histoires que de personnes qui les racontent ! Et les mémoires<br />

ont tendance à les réaménager. Sans parler du style des rédacteurs dont la<br />

responsabilité est de créer un récit, bref de romancer les faits. Si bien qu'il<br />

y a nécessairement des trous et quelques fantaisies de notre cru. Le lecteur<br />

est prié de nous en excuser et de profiter de l'aventure qui lui est présentée.<br />

Dépôts légaux<br />

Bibliothèque nationale du Québec<br />

Bibliothèque nationale du Canada<br />

Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé<br />

que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de <strong>GLV</strong> Inc.<br />

Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par<br />

l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.<br />

Production : Isabelle Quentin éditeur<br />

Rédaction du récit : Alain Boucher<br />

Saisie des entrevues : Claire Demers<br />

Révision française et rédaction des dossiers : Elaine Gusella<br />

Photographies : Fonds <strong>GLV</strong><br />

Mise en pages : Évelyne Deshaies<br />

Impression et reliure : Friesens, Altona, Canada<br />

ISBN : 978-2-924200-02-5<br />

© Isabelle Quentin éditeur<br />

iqe.qc.ca<br />

iqcorpo.com<br />

1 2 3 14 13 12


<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

et <strong>GLV</strong><br />

<strong>Voulez</strong>-<strong>vous</strong> <strong>danser</strong> ?


4<br />

Table des matières<br />

Prologue 6<br />

Le coup d'envoi 8<br />

Golf November Alpha Sierra<br />

on roule, zéro cinq 12<br />

Les Quebecquers en Ontario 18<br />

Construire un homme 26<br />

Le chouchou du bon dieu 28<br />

Voler de ses propres ailes… dans la rAcf 34<br />

Vous avez dit « entrepreneur » ? 38<br />

À deux, on va plus loin 42<br />

Apprendre à apprendre,<br />

à travailler, et à grandir 48<br />

Saisir le sort 56<br />

Moi ?... Je suis consultant pour cascades 58<br />

Ça va s’appeler Laperrière & Verreault,<br />

et on va travailler ! 66<br />

3 mousquetaires chez Québec Inc.<br />

Attention, chaud devant ! 76<br />

Bienvenue chez les grands I :<br />

le Groupe Laperrière & Verreault Inc. 88<br />

Bienvenue chez les grands II :<br />

Hydro-Mécanique Inc. 96<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Prendre d’abord l’Amérique 104<br />

Les groupes dans le Groupe 106<br />

Des années de mal de dos 114<br />

Les canadiens en france 120<br />

À nous l’Amérique ! 128<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir 140<br />

Välkomnen till Sverige ! 142<br />

La partie d’échecs 152<br />

restructurer pour mieux relancer 164<br />

Une vision claire… comme de l’eau ! 172<br />

À nous le monde maintenant 178<br />

Tout vendre et tout garder ! 188<br />

Nos beaux souliers pour aller <strong>danser</strong> 190<br />

Tout vendre, tout garder… tout rebâtir 196<br />

Les morceaux pour la reconstruction 204<br />

Ovivo, ça plaira à tout le monde 214<br />

Épilogue 222<br />

Monsieur Verreault ? Oui, lequel ? 224<br />

Au fil du courant 230<br />

DOSSIERS 238<br />

Les acquisitions au fil du temps 240<br />

<strong>GLV</strong> et les gens 252<br />

Les conseils d’administration 262<br />

<strong>GLV</strong> : le nouveau visage 272<br />

Index 280<br />

Table des matières<br />

5


Prologue


le coup d'envoi


En septembre 2011, j’ai fêté mon soixante-dixième<br />

anniversaire. Une activité comme tant d’autres qui se<br />

déroulent dans ma vie à toute vitesse : conseils d’administration,<br />

assemblées d’actionnaires, parties de golf, conférences,<br />

voyages, conseils de mentorat, entrevues. J’ai toujours eu un<br />

emploi du temps assez chargé.<br />

Mais soixante-dix ans, tout de même ! Pour souligner cet heureux<br />

événement, ma famille et mes collaborateurs ont souhaité raconter<br />

ma vie dans un beau livre. C’est une très charmante idée,<br />

mais peut-être un peu difficile, ou même monotone ? Cette vie<br />

a été consacrée presque essentiellement à bâtir une entreprise,<br />

depuis plus de trente-cinq ans…<br />

Nous avons tous convenu que raconter l’homme équivaudrait à<br />

raconter aussi la compagnie, et parler de tous ceux et celles qui<br />

l’ont bâtie avec moi.<br />

Il y a bien sûr les TLM – toujours les mêmes qui sont de toutes<br />

les aventures. Au fil de l’histoire, les noms changent, quelquesuns<br />

partent, d’autres viendront s’ajouter à ces hommes et ces<br />

femmes dévoués corps et âme à l’entreprise. On verra aussi à<br />

l’œuvre les Bleus, bâtisseurs à leur manière, tellement investis<br />

dans la compagnie à tous les échelons que la couleur du logo<br />

s’y est imprégnée.<br />

D’autres personnages de première importance ou même des<br />

situations sont parfois difficiles à cerner précisément dans l’histoire<br />

ou le lieu. Il est souvent impossible d’attribuer à quelqu’un<br />

ou à quelque chose la clé d’un succès : une épouse qui suggère la<br />

bonne idée, un employé inspirant, un ami qui souffle la réponse,<br />

un songe ou un éclair qui apporte la solution au problème.<br />

Ces lumières portent parfois le nom d’inspirateur, de guide,<br />

de protecteur, de hasard ou de destin ou même d’ange gardien.<br />

Prologue<br />

9


Dans cette histoire, on se plaît à les surnommer plutôt Bonne<br />

Étoile tout au long du récit, parce que toutes ces bonnes fortunes<br />

de rencontre ont à leur manière veillé sur le succès, leur<br />

succès, notre succès.<br />

10 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Bonne Étoile, ça pourrait être <strong>vous</strong> ; <strong>vous</strong> <strong>vous</strong> reconnaîtrez…<br />

Le livre raconte donc cette construction d’un petit bonhomme<br />

de Haute-Mauricie et d’une compagnie, devenue multinationale<br />

québécoise. On y trouve cinq parties, cinq époques<br />

importantes depuis les premières années du fondateur jusqu’à la<br />

récente et profonde transformation de sa présence à l’entreprise.<br />

L’aventure est mouvementée ! Ensemble, dans ce livre, nous<br />

nous envolerons vers l’Ontario, acquérir une importante compagnie<br />

canadienne ; nous participerons à l’expansion de Papier<br />

Cascades pour Bernard Lemaire ; pour ça, nous fonderons une<br />

compagnie qui se multipliera à grande vitesse ; avec elle, nous<br />

partirons à la conquête de l’Amérique puis de l’Europe et enfin<br />

du monde ; nous vendrons tout ou presque, pour reconstruire<br />

sur des bases plus prometteuses, différentes, d’un autre siècle.<br />

Enfin, pour nous reposer un peu du récit essoufflant de cette<br />

vie d’aventure, nous nous assoirons le temps de quelques pages<br />

pour regarder l’avenir, un nouveau soleil qui se lève.<br />

Mais assis pas trop longtemps, il y a tant à faire !<br />

Bien sûr, ce livre est pour moi, et j’en remercie très sincèrement<br />

ceux et celles qui en ont eu la belle idée, qui en ont pris l’initiative<br />

et la direction.<br />

En retour, j’offre ce récit à toutes les collaboratrices et à tous<br />

les collaborateurs de toutes les entreprises liées au Groupe<br />

Laperrière & Verreault et à <strong>GLV</strong>, dans tous les pays, à tous les<br />

moments de cette histoire. Certains, certaines se reconnaîtront


entre les lignes ; plusieurs sont nommés, Bonne Étoile veille ;<br />

tous les autres sont la matière même de cette aventure.<br />

Le livre est pour moi, mais l’histoire a été écrite pour <strong>vous</strong>. Je<br />

souhaitais bien sûr la raconter, mais surtout partager ici mon<br />

plaisir à travailler toutes ces années. L’objectif n’a jamais été de<br />

devenir les plus gros, mais bien d’être les meilleurs.<br />

Je dédie justement cette histoire à ces meilleurs d’entre nous,<br />

mousquetaires, compagnons et complices des premiers instants,<br />

Louis Laperrière, Bill Saulnier, Yvon L’Heureux, Bernard<br />

Lemaire.<br />

Et aussi très certainement Jean Desbiens, l’un des seuls à ne<br />

plus être à nos côtés pour se réjouir de nos réussites.<br />

Prologue<br />

11


Golf November<br />

Alpha Sierra<br />

on roule,<br />

zéro cinq


Ce matin-là, j’avais la tête pleine comme un œuf, à m’assurer<br />

de n’avoir rien oublié pour ce voyage de première<br />

importance, et à réviser les détails de ma stratégie d’acquisition.<br />

Par contre, ça ne m’empêchait pas d’être attentif aux manœuvres.<br />

Le pilote de Nadeau Air Service marmonnait un charabia<br />

dans son micro en roulant doucement vers la piste. Ma formation<br />

technique dans l’Aviation canadienne et ma courte<br />

expérience de pilote d’avion de tourisme me revenaient clairement<br />

à la mémoire :<br />

— Information trafic pour la région de Trois-Rivières. Cessna Golf<br />

November Alpha Sierra, taxi à rebours la piste zéro cinq pour<br />

un vol en direction d’Orillia en Ontario à une altitude de<br />

4 500 pieds.<br />

— À quelle heure pensez-<strong>vous</strong> qu’on arrivera ? lui ai-je<br />

demandé après qu’il ait annoncé notre identité et le plan de<br />

vol sur les ondes.<br />

— Cinq heures ici… Orillia à quatre cents milles, environ<br />

deux cents milles à l’heure… Vers sept heures, sept heures<br />

et quart. Le vent du nord-est va nous aider. Puis au micro,<br />

à son correspondant invisible : Golf November Alpha Sierra<br />

on roule, zéro cinq.<br />

Moteurs hurlants à fond, il lança l’appareil sur la piste grise du<br />

petit aéroport de Trois-Rivières, face au léger vent de nord-est.<br />

Avec mes collaborateurs Bill Saulnier et René L’Heureux, des<br />

fidèles TLM – toujours les mêmes, j’allais fignoler les détails et<br />

compléter la transaction de notre première grosse acquisition<br />

de compagnie en dehors du Québec.<br />

Le soleil se levait tout juste, une explosion de lumière au-dessus<br />

de l’étroite bande de nuages foncés à l’horizon : un nouveau<br />

jour, a new beginning ! Un nouveau départ.<br />

Prologue<br />

13


14 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— René ! Vite, vite ! Prends des photos ! Regarde si c’est beau…<br />

Prends des photos ! Je devais crier dans l’appareil pour couvrir<br />

le bruit du décollage.<br />

— <strong>Laurent</strong>, calme-toi un peu. Ça s’en vient… Tu es levé depuis<br />

quand, toi, pour être en forme comme ça, à cinq heures ?<br />

Bill, c’est toi qui as l’appareil. Bill ! dors-tu ?<br />

— Go go go ! On va pas rester là à t’attendre !<br />

J’ai exposé longtemps cette photo du new beginning sur mon<br />

pupitre, en souvenir de ce moment important, que je vivais très<br />

intensément avec un fort sentiment d’« étape cruciale » dans le<br />

développement de nos affaires.<br />

Depuis la fondation de la première compagnie, quinze ans plus<br />

tôt, nous avions créé quelques filiales et acquis des petites entreprises<br />

et d’autres plus importantes, au Québec. Elles avaient<br />

été fusionnées en 1986 dans le Groupe Laperrière & Verreault,<br />

GL&V, une entreprise maintenant inscrite en bourse qui<br />

fonctionnait bien malgré les hauts et les bas inévitables du<br />

monde des affaires. Entre 1986 et ce matin de 1990, nous<br />

étions passé d’environ soixante-quinze à près de cinq cents<br />

employés. Oui, les affaires allaient assez bien.<br />

Pour arriver jusqu’ici, ma route professionnelle avait été plutôt<br />

droite, mais toujours en montant. J’avais commencé par une<br />

formation et un contrat en instrumentation et contrôles aéronautiques<br />

pour l’Aviation canadienne dans les années 1958 à<br />

1963. De là, j’avais travaillé une dizaine d’années comme technicien<br />

en instrumentation dans le domaine des pâtes et papiers,<br />

au Québec et au Nouveau-Brunswick. Avec mon ami Louis<br />

Laperrière en 1975, sur les conseils de Bernard Lemaire, nous<br />

avions fondé Laperrière & Verreault. Nous étions assez fiers<br />

Louis Laperrière est l’un<br />

des fondateurs et l’un des trois<br />

principaux actionnaires de<br />

GL&V. Il était vice-président<br />

et responsable de la division<br />

Construction de GL&V jusqu’à<br />

ce qu’il fonde une compagnie<br />

distincte à partir de la filiale<br />

Hydro-Mécanique de GL&V en<br />

avril 1999.


Le New beginning<br />

de notre petite compagnie d’installation et d’ingénierie en instrumentation<br />

de contrôles, d’électricité et de machinerie pour<br />

les papetières. Nous avions bien négocié nos premiers contrats,<br />

d’abord avec Bernard pour Papier Cascades, puis d’autres et<br />

encore d’autres, et le temps passe et nous voilà en bonnes affaires<br />

depuis tout ce temps.<br />

J’ai la conviction qu’une entreprise doit absolument grossir<br />

pour survivre. J’y travaille sans arrêt, et en ce beau lundi d’août<br />

1990, nous montions sur une autre marche de notre podium :<br />

j’allais conclure en Ontario l’achat de la filiale canadienne de<br />

la compagnie Dorr-Oliver, que je convoitais depuis longtemps.<br />

L’année d’avant la fondation de Laperrière & Verreault, alors<br />

que j’étais directeur de l’entretien chez Irving Pulp & Paper à<br />

Saint-Jean du Nouveau-Brunswick, j’avais été appelé pour le<br />

Prologue<br />

15


is du très gros essieu d’un clarificateur. Cet arbre immense<br />

en acier était entraîné par une forte transmission reliée à un<br />

minuscule moteur électrique d’environ cinq forces. Une merveille<br />

d’entraînement mécanique, sur laquelle une plaque était<br />

gravée Dorr-Oliver. J’avais été très impressionné par l’invention<br />

et la qualité du produit : dix-sept ans plus tard, j’allais acheter<br />

son fabricant !<br />

Suite à des acquisitions et reventes dans les années 1950, cette<br />

compagnie canado-américaine opérait une usine et une fonderie<br />

en Ontario sous une licence canadienne. De récentes transactions<br />

maladroites en 1987 et 1988 avaient fragilisé Dorr-Oliver<br />

Canada au point de les forcer à la faillite. Ils étaient pourtant<br />

parmi les chefs de file mondiaux de la séparation des liquides et<br />

des solides pour les papetières, l’industrie minière et l’épuration<br />

des eaux municipales.<br />

Durant le processus d’acquisition, les TLM – chacun spécialiste<br />

de son domaine, comme tous ceux qui suivront – avaient très<br />

bien identifié les faiblesses de leur administration, mais également<br />

les forces de leur savoir-faire. L’achat de cette entreprise,<br />

aussi grosse que GL&V en termes de ressources humaines et<br />

surtout affiliée à un réseau nord-américain et mondial, nous<br />

ouvrait des marchés industriels formidables jusqu’ici inconnus<br />

de nous.<br />

Depuis 1975, nous trois associés d’origine – Jean Desbiens,<br />

Louis Laperrière et moi – vendions divers équipements et services<br />

d’installation, particulièrement aux papetières. Ceci nous<br />

avait amenés à mettre sur pied deux ou trois ateliers importants<br />

dans lesquels nous pouvions fabriquer les composantes<br />

matérielles de ces services : machines, contrôles, instruments,<br />

pièces, etc. Parallèlement, Louis dirigeait une filiale, entreprise<br />

de construction industrielle, pour éventuellement loger ces<br />

nouveaux services que nos clients achetaient de nous.<br />

16 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Jean Desbiens était l’un des<br />

trois principaux actionnaires<br />

de GL&V. Il était viceprésident<br />

de la compagnie<br />

dès les tout débuts, en 1976,<br />

jusqu’à son départ en 2003.<br />

De cette manière, sans que l’on puisse les nommer encore,<br />

GL&V était donc divisé en trois « groupes », bientôt quatre, qui<br />

allaient prendre chacun beaucoup d’importance dans l’histoire<br />

de la compagnie.<br />

Aux Pâtes et Papiers des premiers temps, puis à la Fabrication<br />

qui en avait résulté et à la Construction devenue nécessaire,<br />

l’acquisition de Dorr-Oliver Canada finalisée en septembre<br />

1990 ajoutait un groupe Procédés. Nous entrions dans le monde<br />

de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire les brevets et leur<br />

commerce. Cette compagnie, dont l’activité était importante<br />

dans le secteur des mines, nous ouvrait également au domaine<br />

d’avant-garde et en pleine expansion de la gestion de l’eau et de<br />

son traitement d’épuration.<br />

Ces ramifications de nos services nous feraient vivre des aventures<br />

très différentes, toujours surprenantes, sans qu’on le sache<br />

à ce moment. La vie des gens et de leurs entreprises, quelles<br />

qu’elles soient, ne se construit-elle pas ainsi ?<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault s’est bâti tout seul, de jeune technicien en contrôles<br />

aéronautiques à chef d’entreprise d’envergure nationale, et<br />

passons l’avenir étonnant, pour le moment… Déjà, juste dans les<br />

prochains jours, par son instinct commercial et sa personnalité fougueuse,<br />

il préparait à la fois un coup de maître et un coup d’éclat.<br />

L’expression populaire dit bien : « bâti tout seul », mais devrait<br />

ajouter « avec l’aide de… ». Parce que chacun sait qu’il y a presque<br />

toujours une Bonne Étoile qui veille de près ou de loin, sous une<br />

forme ou une autre ; qui marque la route et tient le fanal.<br />

Prologue<br />

17


Les Quebecquers<br />

en Ontario


Pour bien comprendre les nuances de cette acquisition et<br />

surtout la taille du défi de l’intégration de Dorr-Oliver<br />

Canada au Groupe Laperrière & Verreault, il est nécessaire de<br />

savoir qu’au Canada, il règne généralement une méconnaissance<br />

et donc une incompréhension profonde entre les deux<br />

principaux groupes culturels.<br />

Les premiers, francophones concentrés au Québec, sont essentiellement<br />

descendants de Français, catholiques, d’origine<br />

latine, bons vivants parfois exubérants. Les autres, particulièrement<br />

en Ontario, sont anglophones venus de la vieille<br />

Angleterre royaliste, protestante et saxonne, attachée aux usages<br />

et aux traditions, à une éducation sévère et conservatrice.<br />

Pour mal faire, la québécoise GL&V prenait possession<br />

d’un des plus gros employeurs de cette ville ontarienne au<br />

mauvais moment : son conseil municipal jonglait avec les<br />

très fortes pressions politiques et idéologiques de l’Alliance for<br />

the Preservation of English in Canada afin de déclarer Orillia<br />

unilingue anglophone. GL&V s’est toujours considéré comme<br />

un grand groupe familial : voici un petit dernier que nous<br />

aurions peut-être de la difficulté à amadouer…<br />

Durant une semaine, Bill, René et moi avons fait la navette<br />

entre Orillia, où se trouvent l’usine et la fonderie de Dorr-<br />

Oliver, et Toronto à 135 kilomètres au sud, où sont les avocats,<br />

les comptables et les courtiers.<br />

Nous préparions le terrain final de la transaction d’achat, avec<br />

l’aide de nombreux bureaux de professionnels, et l’affaire se<br />

présentait difficile.<br />

À l’occasion de récentes transactions d’achat-revente de divisions,<br />

les précédentes années, Dorr-Oliver Canada avait<br />

été vampirisée par ses fournisseurs de capital de risque. La<br />

Prologue<br />

19


20 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

compagnie devait environ vingt-huit millions de dollars à ses<br />

créanciers et elle était techniquement en faillite. Les propriétaires<br />

et la direction étaient désemparés, son personnel de gestion<br />

était démobilisé. En prévision d’une faillite imminente, l’analyse<br />

financière de la banque donnait pour onze millions de<br />

dollars d’actifs monnayables.<br />

Malgré tout, les détails finaux de l’acquisition se sont réglés<br />

assez vite parce que nous avions bien préparé notre stratégie.<br />

Nous étions dans le bureau du banquier en fin de journée le<br />

vendredi.<br />

— Monsieur Verreault, Dorr-Oliver doit près de trente<br />

millions à ses créanciers, dont un peu moins de la moitié à<br />

nous. Vous ne pourrez jamais rentabiliser une telle affaire.<br />

Je prenais le temps de fixer l’homme dans les yeux. Lui, le<br />

banquier souhait-il donner une leçon de gestion à l’entrepreneur<br />

Verreault ?<br />

— Quand je serai propriétaire, j’en ferai bien ce que je veux<br />

comme je veux. Pour l’instant, la gestion et l’administration<br />

sont à revoir et à corriger au complet, mais ça ne <strong>vous</strong><br />

regarde pas. Votre analyse des actifs montre onze millions<br />

de dollars en valeur monnayable ?<br />

— Pour les bâtiments, le mobilier, l’outillage, l’inventaire de<br />

matériaux et de pièces, et aussi les commandes, les contrats<br />

signés, etc. Dorr-Oliver n’a qu’un chiffre d’affaires annuel<br />

de vingt-sept millions de dollars, <strong>vous</strong> savez ?<br />

— Oui. Je sais aussi qu’elle est en déficit annuel d’un million<br />

et demi sur ce chiffre d’affaires, chaque année… Je suis prêt<br />

à <strong>vous</strong> signer ici maintenant un chèque de six millions de<br />

dollars pour les actifs de Dorr-Oliver.


— Monsieur Verreault, nous venons de <strong>vous</strong> dire qu’elle vaut<br />

onze millions.<br />

— Vous savez très bien que cette entreprise est en faillite. Le<br />

propriétaire a essayé de nous embarquer dans un marché<br />

d’actions : on ne sait pas encore mais on s’en doute,<br />

combien vaudront ces actions en bourse après la faillite. On<br />

ne connaît pas non plus les fantômes et les squelettes dans<br />

les placards de la compagnie. Trop périlleux d’acheter les<br />

actions, je préfère acheter les actifs : je sais ce que j’achète.<br />

L’actionnaire principal et les autres associés le savent bien :<br />

ils n’ont pas le choix de se rasseoir avec nous s’ils veulent<br />

sortir honorablement de cette affaire. Nous négocions avec<br />

les avocats, les fiscalistes, les comptables, les propriétaires<br />

et les banquiers depuis près d’une semaine. Il ne manque<br />

que votre approbation. Ça va bien faire : on voit que ce<br />

n’est pas <strong>vous</strong> qui payez les honoraires des avocats et des<br />

autres professionnels.<br />

— Ce ne sont pas des raisons pour <strong>vous</strong> vendre l’entreprise au<br />

rabais, argumentait le banquier, un peu à bout de ressources.<br />

— Dorr-Oliver avec ses quatre cent vingt-cinq employés est<br />

techniquement en faillite, et c’est votre banque qui est propriétaire<br />

de la créance principale. Vous devrez bientôt faire<br />

l’annonce de cette faillite et fermer l’entreprise. Ce n’est<br />

pas bon du tout pour votre image… Ensuite, <strong>vous</strong> ferez<br />

une vente de débarras des actifs : si <strong>vous</strong> en obtenez six millions,<br />

peut-être, <strong>vous</strong> serez heureux. Moins les frais. Et dans<br />

combien de mois ? Je suis prêt à <strong>vous</strong> signer ici maintenant<br />

un chèque de six millions de dollars pour <strong>vous</strong> racheter la<br />

dette de Dorr-Oliver Canada. GL&V devient propriétaire<br />

de la créance, donc créancier principal, je déclare la faillite<br />

et <strong>vous</strong> n’en entendrez plus parler.<br />

Prologue<br />

21


— Une sorte de reverse butterfly spread en fait, précisa le<br />

banquier.<br />

— Comme <strong>vous</strong> dites… C’est rare et audacieux, mais dans ce<br />

cas-ci, ça fonctionne !<br />

L’homme est sorti du bureau cinq minutes. S’il avait pu sortir<br />

une demi-minute, juste pour la forme, il l’aurait fait. Il ne<br />

fallait pas qu’il montre trop clairement que je le libérais d’un<br />

poids énorme, même en achetant pour à peine un peu plus<br />

de la moitié de la valeur de la dette. À son retour, nous avions<br />

l’approbation des patrons de la banque.<br />

Les événements se sont ensuite succédé rapidement. La famille<br />

Joy, incapable de racheter la créance, a accepté notre offre et<br />

les autorités financières de l’Ontario ont approuvé la transaction.<br />

Le syndic a déposé la demande en faillite et nous avons<br />

dirigé la compagnie. Au terme de 21 jours prescrits par la loi,<br />

aucune autre offre n'ayant supplanté la nôtre, GL&V devenait<br />

propriétaire de Dorr-Oliver Canada. Ce reverse butterfly<br />

spread, opération boursière un peu hasardeuse, était la seule,<br />

mais la plus incroyable et audacieuse manière d’acquérir l’extraordinaire<br />

savoir-faire et la technologie de cette compagnie<br />

mourante.<br />

En septembre 1990, les Quebecquers étaient finalement entrés<br />

en Ontario. Pour le pire de certains et le meilleur des autres.<br />

Dès les premiers jours, j’ai nettoyé avec les TLM, dans tous les<br />

sens du terme. Comme à mon habitude dans les acquisitions,<br />

pour aider dans les passages difficiles, je voulais que les changements<br />

de propriétaire et d’orientation paraissent tout de suite.<br />

J’ai rencontré les employés et les syndicats en réunion générale,<br />

pour leur annoncer notre stratégie, stimuler les volontaires,<br />

exposer les changements et décourager les perdants.<br />

Nous avions déjà une très bonne connaissance de Dorr-<br />

Oliver d’avant, et nous avions élaboré une très bonne idée de<br />

22 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Dorr-Oliver d’après, et de sa place dans GL&V. Dans cette<br />

difficile intégration, nous devions expliquer pour bâtir la<br />

confiance, afin de stimuler l’investissement personnel. Tous<br />

pourraient ainsi, à leur mesure, profiter au maximum de notre<br />

coup de maître, du sauvetage de leur entreprise d’une fermeture<br />

définitive.<br />

Premièrement, nous avons laissé dans la faillite tout ce qui ne<br />

relevait pas des fonctions principales de la compagnie, comme<br />

les équipements de lavage de gratte-ciel, une lubie d’un ancien<br />

dirigeant. Notre lubie à nous chez GL&V, c’est de se concentrer<br />

sur notre activité fondamentale : ça nous protège de beaucoup<br />

d’erreurs…<br />

Ensuite, presque toutes les personnes de la haute direction ont<br />

été écartées. Tous ceux qui laissaient perdre de l’argent depuis<br />

des années. Ils menaçaient l’avenir de l’entreprise par leurs<br />

pratiques négligentes, la démobilisation et le laisser-aller qui<br />

s’étaient installés. René L’Heureux a arrangé des retraites anticipées,<br />

des indemnités de départ volontaire, des mises à pied, etc.<br />

Même chose dans les bureaux, après qu’on ait recentré notre<br />

production sur nos activités de base. Dans l’usine et la fonderie,<br />

j’ai fait repeindre tous les murs en blanc, pour effacer la crasse<br />

centenaire et frapper les employés.<br />

Durant les semaines suivantes, Bill et René partaient le soir<br />

à leur hôtel avec des sacs d’épicerie remplis des pièces justificatives<br />

de comptes fournisseurs : bons de commande,<br />

factures, chèques, notes. Les papiers revenaient au contrôleur<br />

le lendemain, classés et décorés de centaines de notes adhésives<br />

barbouillées de demandes de précisions.<br />

Les payables et les recevables étaient sous bonne garde : dans<br />

une seule année d’opération, nous avons effacé le déficit annuel ;<br />

dès l’année suivante, nous annoncions déjà des profits.<br />

Prologue<br />

23


24 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Les Ontariens se rappellent encore bien des Quebecquers. Ils<br />

ont fait leur marque, à la manière de GL&V, et pas seulement<br />

en parlant français durant les réunions de direction. GL&V<br />

a fait sa marque en ayant du plaisir à travailler et en faisant<br />

confiance aux gens en place ; en innovant dans les pratiques et<br />

en changeant en mieux les vieux systèmes et les structures dans<br />

lesquels on ne peut plus travailler ; en étant attentifs aux détails<br />

du quotidien pour chacun.<br />

Et aussi, tout bêtement, en se costumant à l’Halloween, comme<br />

René qui s’était présenté à l’infirmerie déguisé en Massacre à la<br />

tronçonneuse, en disant : « Je me sens un peu mal… »<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault devant<br />

Dorr-Oliver Canada, à Orillia,<br />

Ontario


Prologue<br />

25


Construire<br />

un homme


Le chouchou<br />

du bon dieu


Il faut bien que ça commence quelque part, mais je suis un<br />

peu timide d’en parler. Je n’aime pas beaucoup prendre la<br />

place et me montrer, si je peux laisser quelqu’un d’autre prendre<br />

la parole. Mais puisqu’il le faut…<br />

Je suis né à La Tuque le 14 septembre 1941. À cette époque, la<br />

ville n’avait qu’une trentaine d’années, même si l’endroit était<br />

connu depuis trois cents ans. La Haute-Mauricie où se trouve<br />

La Tuque est un pays de grands bois, de montagnes et d’eau,<br />

donc d’hommes forts et de voyageurs. C’est comme ça depuis<br />

les premiers missionnaires, les coureurs de bois et les traiteurs<br />

de fourrures, et encore aujourd’hui. Entre ces deux époques,<br />

il y a eu le temps des compagnies. Le débit et la puissance de<br />

la rivière Saint-Maurice ont attiré d’abord les bûcherons, qui<br />

envoyaient le bois jusqu’à Trois-Rivières par flottage, puis les<br />

centrales électriques et surtout les papetières, qui profitaient de<br />

la force du courant pour faire fonctionner les machines.<br />

La Tuque était une ville de compagnies, nantie, qui grouillait<br />

d’argent, d’entrepreneurs, de petits établissements qui vivaient<br />

des gros. L’argent appelle l’argent, c’est connu. Plus encore<br />

dans ce temps-là qu’aujourd’hui, la nature attirait beaucoup<br />

les chasseurs et les pêcheurs fortunés. La Tuque était une ville<br />

d’hommes, de travailleurs, de pionniers, d’usines, de machines,<br />

de camions ; une ville d’aventuriers aussi, de nature, de canots,<br />

de panaches d’orignaux sur les capots des voitures à l’automne,<br />

d’hôtels, de bars, de guides de pêche. Le train ne « passe » pas<br />

à La Tuque : il s’y arrête et se multiplie, à la très grosse gare de<br />

triage de Fitzpatrick, en route vers le nord, l’Abitibi et le lac<br />

Saint-Jean.<br />

Pour nous, il n’existe que La Tuque, c’est le centre du monde !<br />

En 1941, La Tuque est une ville de chouchous : j’ai grandi<br />

dans ce milieu-là, il n’est pas étonnant que je sois l’un d’entre<br />

Construire un homme<br />

29


30 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

eux. Dans la vie, dans les affaires, il n’y a malheureusement pas<br />

que le travail qui assure le succès. La chance, la bonne fortune,<br />

être un chouchou peuvent changer le cours des choses. Pour<br />

certaines personnes, il existe aussi ce qui pourrait se nommer<br />

la bonne étoile, qui intervient juste au bon endroit, au meilleur<br />

moment.<br />

Déjà, je suis le premier d’une fratrie de cinq. Être l’aîné dans<br />

une famille québécoise est une position privilégiée : mon père,<br />

ouvrier à l’usine de la Canadian International Paper, me voyait<br />

médecin et a pris les moyens pour y arriver. Ou plutôt tenté d’y<br />

arriver, aussitôt après mon enfance et mes petites classes sans<br />

histoire à La Tuque.<br />

— <strong>Laurent</strong>, j’ai une bonne nouvelle pour toi, m’a annoncé<br />

mon père au milieu de l’été. Tes notes scolaires sont presque<br />

bonnes et ça va prendre un sérieux coup de barre. J’ai<br />

entrepris le nécessaire, ta mère est d’accord : on va faire<br />

le sacrifice de t’envoyer étudier au collège à Montréal. On<br />

vient de recevoir ton admission au cours classique en septembre,<br />

au collège Jean-de-Brébeuf.<br />

À mon âge, on ne répondait pas à son père. J’avais quatorze<br />

ans, je ne comprenais pas ce que signifiait le mot « sacrifice »,<br />

je ne savais pas où était Montréal et ce n’était pas une bonne<br />

nouvelle. À quoi sert d’arriver des bois de Haute-Mauricie<br />

pour s’enfermer dans un pensionnat de jésuites à Montréal, à<br />

quatorze ans ? À étudier très peu, à devenir un as du jeu de<br />

billard, à faire beaucoup de sport pour se dépenser, du hockey<br />

surtout, et découvrir ce jeu ancien et très viril que les jésuites<br />

aimaient beaucoup, la crosse. À flâner entre jeunes, espérer les<br />

vacances, s’ennuyer.


<strong>Laurent</strong> Verreault et ses<br />

amis d’enfance à La Tuque.<br />

Richard Scarpineau, <strong>Laurent</strong><br />

Verreault, Claude Scarpineau<br />

et André Fortier<br />

Mes échecs scolaires ont malheureusement fait comprendre à<br />

mon père qu’il ne ferait pas de moi un intellectuel, que j’étais<br />

un visuel, un généraliste, un manuel. J’ai déçu mes parents,<br />

mais j’étais libéré des messes du matin, du latin et des dictées.<br />

Le collège à La Tuque ferait bien l’affaire pour finir d’apprendre<br />

à lire, à compter, à écrire, à raisonner, à me servir de ma<br />

tête correctement. J’ai appris un peu d’anglais avec les filles des<br />

patrons de la CIP, l’usine de papier, je mettais les chances de<br />

mon côté.<br />

De travaux d’été en petits boulots, j’ai commencé à travailler<br />

à quinze ans à l’épicerie coopérative de la ville, à gagner mes<br />

premiers petits salaires de 60 cents l’heure, à surveiller des piscines<br />

et des plages durant l’été. J’avais toujours du temps pour<br />

courir les filles, boire des 7UP, suivre les autres, perdre mon<br />

temps, gaspiller ma jeunesse, pour avoir seize et dix-sept ans<br />

quoi. C’est certain que ça ne pouvait pas durer.<br />

Construire un homme<br />

31


32 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Ce n’était pas un mauvais gars, il était juste un premier de famille<br />

avec lequel les parents ne savent jamais comment faire malgré<br />

toute leur bonne volonté. Aimable avec ses camarades, c’est un gars<br />

d’équipe et il savait déjà bien charmer les filles. Imagine l’athlète<br />

sportif de seize ans, gardien de plage bronzé en grande forme physique,<br />

qui accourait comme « <strong>Laurent</strong> Secord » pour protéger les<br />

jeunes baigneuses ! Volontaire, travaillant, social mais jeune adulte<br />

rempli de questions sans réponses.<br />

Bonne Étoile ne pouvait pas laisser <strong>Laurent</strong> Verreault perdre<br />

son temps comme ça longtemps. Un bon matin, je lui ai soufflé à<br />

l’oreille : « l’Aviation, ça ne te tenterait pas, des fois ? ».


<strong>Laurent</strong> « Secord » Verreault<br />

entouré de son père Georges et de<br />

ses soeurs Claire, Josette et Édith<br />

lors d'une compétition de natation<br />

à La Tuque vers 1955<br />

Construire un homme<br />

33


Voler de ses<br />

propres ailes…<br />

dans la racf


Juste avant d’atteindre 17 ans, j’étais toujours à La Tuque,<br />

à passer d’un petit boulot à l’autre, sans réel projet professionnel.<br />

J’aurais peut-être aimé devenir bijoutier, je n’ai jamais<br />

fait progresser ce plan-là.<br />

Un matin, je me suis levé avec l’envie de m’enrôler dans<br />

l’Aviation. Une idée comme ça, venue de nulle part, sans raison.<br />

La vie militaire n’était pas une tradition de famille ni un<br />

débouché habituel dans La Tuque ; il n’y a pas de base militaire<br />

dans la région, il n’y avait de guerre nulle part… Juste une idée<br />

de machines volantes, peut-être l’envie de piloter, un jour, faire<br />

partie d’un groupe, certainement de partir de la Mauricie pour<br />

voir ailleurs ce qui se fait, qui sait ? J’ai argumenté comme il<br />

faut, mon père a fini par accepter : il y avait un projet solide<br />

pour son grand garçon, pas de médecin dans la famille mais pas<br />

d’usine non plus. Du mieux, la Royal Canadian Air Force. Ça<br />

sonnait bien.<br />

Ensemble, on a fait les efforts et mis l’énergie qu’il fallait. J’ai<br />

attendu septembre pour avoir l’âge de postuler, je suis allé passer<br />

mes examens au Manège militaire à Québec, qui était très<br />

loin de La Tuque en 1958, et j’ai réussi les tests. Finalement, à<br />

force d’avancer dans l’aventure, mon père y croyait autant que<br />

moi : il m’a fait un très gros cadeau pour m’aider à démarrer,<br />

un billet de vingt dollars, presque le tiers de son salaire d’une<br />

semaine. J’ai pris le train de Québec à Montréal puis l’autobus<br />

vers Saint-Jean-sur-Richelieu, pour un entraînement de cinq<br />

semaines. Content de moi : je retournais à l’école.<br />

À l’école militaire, la manière d’instruire est bien différente<br />

de celle de l’école civile. L’armée fait ça bien, de ramasser<br />

des manuels et des visuels, des jeunes qui veulent apprendre<br />

autrement, et les amener à se réaliser et à se structurer. Le<br />

visuel que je suis a beaucoup apprécié les méthodes pratiques<br />

Construire un homme<br />

35


36 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

d’enseignement, de faire des expériences, de mettre la main à la<br />

pâte dans les instruments en même temps que la tête dans les<br />

schémas d’un livre.<br />

Je n’en avais pas besoin plus qu’un autre jeune homme de mon<br />

âge, mais dans cette confrérie de l’Aviation militaire, j’ai pris<br />

contact et j’ai appris à vivre avec la discipline, le respect de<br />

l’autorité, la règle, l’ordre autant dans mes sous-vêtements que<br />

dans mes dossiers. J’ai appris à me lever le matin, à faire mon<br />

lit, à laver, repasser et plier mes chemises, à travailler droit, à<br />

m’organiser, à voler de mes propres ailes.<br />

Mieux encore : l’Aviation a décidé que j’avais un bel avenir<br />

en instrumentation électronique de vol. On m’a donc envoyé<br />

à Clinton et à Trenton en Ontario, où en six mois, j’ai été<br />

diplômé technicien en instrumentation, spécialisé dans l’électronique<br />

aéronautique. En d’autres mots, je faisais l’entretien<br />

des instruments de pilotage et de navigation des avions : pilotes<br />

automatiques, altimètre, anémomètre, compas, radios et autres.<br />

J’apprenais l’anglais aussi, mieux qu’avec les filles des patrons<br />

de la CIP, mais sans savoir combien ça me serait utile plus tard !<br />

Au début de 1959, j’avais dix-sept ans, un diplôme de technicien<br />

dans ma poche et un contrat de cinq années avec l’Aviation. J’ai<br />

été muté à la RCAF Station Chatham au Nouveau-Brunswick,<br />

en Acadie. Établie à quelques kilomètres de la rivière Miramichi,<br />

toute proche de la baie, la ville de Chatham était un endroit<br />

agréable à vivre pour quelqu’un qui aime l’eau. Il était difficile<br />

de faire mieux : je n’étais pas très cher payé, mais logé, habillé<br />

et nourri. C’était bien davantage que ce que j’avais toujours eu,<br />

je le gagnais avec mon propre travail et je devais le gérer tout<br />

seul, moi-même. Ma famille, mes parents, ma sécurité de jeune<br />

garçon, tout ça était loin de moi, j’entrais dans la vraie vie.


Le jeune <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

jouant aux fléchettes sur la base<br />

militaire à la fin des années<br />

1950<br />

Surtout, la base de Chatham était spécialisée dans l’entraînement<br />

du personnel sur de nombreux avions différents, et<br />

l’escadrille acrobatique d’élite des Golden Hawks, les ancêtres<br />

des Snowbirds, a été fondée là pendant mon service. Ils<br />

volaient sur des appareils F-86 Sabre, qui étaient ma spécialité.<br />

J’avais l’impression de faire partie de l’élite des techniciens pour<br />

m’occuper de l’élite des pilotes, j’étais encore un chouchou !<br />

Je commençais vraiment là ma carrière professionnelle, dans les<br />

meilleures conditions possible.<br />

Construire un homme<br />

37


Vous avez dit<br />

« entrepreneur » ?


En plus de mon service de technicien, j’en avais peut-être<br />

trop pris et j’étais débordé de travail.<br />

— Verreault, as-tu fait mes bottes ?<br />

— Là, sous le lit à gauche. Prends les bonnes, ton nom est<br />

écrit dedans. Tu me dois cinquante cennes, puis une piastre<br />

pour la semaine dernière.<br />

— Mardi prochain ?<br />

— Non, maintenant.<br />

— Verreault, mes chemises ?<br />

Mais j’aimais ça. Les gars sortaient en ville, dépensaient beaucoup,<br />

pariaient aux cartes, fumaient et buvaient. Moi pas.<br />

Je travaillais un peu aussi au mess de la base comme serveur.<br />

Les gars me payaient une bière, j’empochais le dix sous !<br />

L’argent est une bête puissante mais traître qui demande à<br />

être apprivoisée avec sagesse et prudence. Indomptée ou mal<br />

élevée, elle tue et mange son chef ou pire, elle peut être envoyée<br />

par son maître à la chasse aux imprudents ou aux ignorants.<br />

Une fois domptée, la bête doit être tenue en laisse courte, bien<br />

au pied, parce qu’elle est si puissante qu’elle donne à celui<br />

qui la tient le sentiment d’être invincible, et à ceux qui ne la<br />

possèdent pas celui d’être impuissant.<br />

L’apprivoisement commence quand la bête est petite. Huit<br />

heures d’emballage à l’épicerie ou de surveillance de plage à<br />

soixante sous l’heure font quatre dollars et quatre-vingts sous.<br />

Avec ça, tu peux envoyer ta bête où tu veux, mais c’est à toi<br />

de l’apprivoiser. Un cadeau de vingt dollars de quelqu’un qui<br />

en gagne soixante dans sa semaine, c’est une très grosse bête.<br />

Construire un homme<br />

39


40 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Quand un homme est logé et nourri gratis, soixante dollars par<br />

mois juste pour ses petites dépenses, c’est une grosse bête aussi.<br />

Correctement soigné aussi, l’animal profite bien et il n’est pas<br />

rare qu’un bon dompteur le fasse engraisser d’une et demie en<br />

lui donnant seulement une. Alors la bête grossit et tire sur sa<br />

laisse, dans tous les sens, de plus en plus fort. Le maître doit<br />

avoir le bras de plus en plus solide, une idée de mieux en<br />

mieux faite pour réussir à retenir la bête. Pour y arriver, il doit<br />

tester jusqu’où la bête et l’homme trouvent le meilleur équilibre,<br />

la force égale. Parfois, trop souvent, c’est la bête qui<br />

arrache l’homme de son chemin ; l’idéal, c’est quand l’homme<br />

réussit à élever une bête plus grosse que lui, mais qu’il est<br />

toujours capable d’envoyer exactement où il veut, faire ce qu’il<br />

en veut, comme il le veut. Ça s’apprend.<br />

— Verreault, what about my pants ?<br />

— Wow ! Nice underwear !<br />

Plusieurs gars de la base ne savaient pas ou ne voulaient pas<br />

savoir repasser leurs vêtements ni entretenir leurs bottes. J’ai<br />

« démarré une petite entreprise » de repassage et de cirage !<br />

Un trou, une cheville ! Mon fer était chaud de toute manière !<br />

Dix sous une chemise repassée, quinze sous un pantalon,<br />

cinquante sous une paire de bottes cirée.<br />

— Verreault, peux-tu m’avancer cinq piastres ?<br />

Ce service était plus « délicat », disons. Ces gars-là ne tenaient<br />

pas bien leur bête au pied, à laisse courte, et la laissaient vagabonder<br />

dans les paris de cartes, la bière au mess, les cigarettes,<br />

les friandises. Le vendredi, onze jours après la solde passée et<br />

trois jours avant la suivante, la fin de semaine s’annonçait sèche.<br />

Moi, j’avais tenu ma bête : je ne buvais pas et je ne fumais


En bas, à droite, <strong>Laurent</strong><br />

Verreault, technicien en<br />

instrumentation pour<br />

l'Aviation canadienne, et ses<br />

collègues devant un avion<br />

T-33<br />

pas non plus, j’arrangeais mes affaires pour que mes trente<br />

dollars par quinzaine me suffisent. Je prêtais volontiers les profits<br />

de mon « entreprise »…<br />

— Tu me devras sept piastres mardi prochain, n’oublie pas.<br />

Ma bête grossissait, à petits coups de trente sous, mais j’apprenais<br />

aussi à la dompter à coups de trente sous…<br />

Construire un homme<br />

41


À deux,<br />

on va plus loin


Je n’aurais jamais dit à personne ici que je m’ennuyais de ma<br />

mère. Mais tout de même, le petit gars venait de quitter<br />

la maison à dix-sept ans… Quand j’ai fini par remarquer la<br />

serveuse mignonne au comptoir, c’est tout de suite elle que j’ai<br />

choisie !<br />

Aaah… Il n’est pas vraiment plus beau que les 650 autres gars<br />

de la base. Il est différent. Il est parmi les plus jeunes, mais de<br />

mon âge, et il a un bon métier plein d’avenir si j’ai bien compris.<br />

C’est un gros travailleur, certain. Pour être gentil, oui. Beaucoup<br />

d’autres clients du restaurant sont gentils, polis. Mais lui, il est<br />

gentil un peu plus. Attentionné, charmeur, je dirais, mais timide.<br />

Ce n’est pas désagréable à voir aller. Oh, il n’a pas que des qualités :<br />

un peu impulsif, peut-être ? Et j’ai su qu’il prête de l’argent d’une<br />

drôle de façon à des collègues qui flambent leur solde aux cartes.<br />

On voit bien, tout le monde a des défauts. Et il ne s’enrichit pas<br />

vraiment avec ça.<br />

Pas plus beau, pas spécialement gentil, pas haut gradé, pas riche<br />

non plus, juste que… celui-là, c’est mon chouchou, c’est le mien !<br />

On s’est choisis…<br />

Maria Robichaud m’accompagne depuis cinquante ans. On<br />

a été séparés beaucoup par le travail, les distances, le temps,<br />

les projets, mais elle m’accompagne toujours et partout. En<br />

affaires, j’ai eu deux associés et énormément de partenaires ;<br />

dans la vie, j’ai eu Maria. Nous nous sommes rencontrés au<br />

Nouveau-Brunswick, elle une fille de l’endroit qui travaillait au<br />

restaurant de la base de Chatham ; nous nous sommes épousés<br />

en octobre 1962. Depuis ce temps-là, Maria réussit à être<br />

toujours avec moi, même en n’étant pas là.<br />

À moi on demande quelle est la plus grande difficulté d’un<br />

entrepreneur. Pour un homme de ma génération, c’est de<br />

combiner entreprise et famille parce que je suis de l’époque de<br />

Construire un homme<br />

43


44 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

ces hommes dont le rôle est de gagner l’argent de la famille. À<br />

Maria on dit : ton <strong>Laurent</strong> est toujours en dehors ! Elle répond :<br />

« Il est parti faire ce qu’il a à faire, et qu’il aime. Je suis fière de<br />

son succès. » Pour ça, quand ses hommes sont de retour, son<br />

mari et maintenant son fils, ils sont toujours heureux de revenir,<br />

positifs, en sourire, ils ne bougonnent pas, ne critiquent pas.<br />

Elle sait comment supporter son grand bonhomme et ses<br />

difficultés, comment flatter en même temps dans le sens et à<br />

rebrousse-poil, pour calmer et stimuler à la fois. Elle a aussi<br />

toujours géré son domaine à elle comme elle l’entend, c’est-àdire<br />

droit et vers l’avant, et encore aujourd’hui : budget, famille,<br />

enfants, petits-enfants, maison et entourage. Sans que je m’en<br />

mêle et surtout sans qu’elle se mêle de mon domaine à moi.<br />

Nous avons toujours su profiter des plaisirs de la vie ensemble,<br />

à notre mesure. Aujourd’hui on s’offre bien ce qu’on désire ;<br />

dans nos premiers temps, comme beaucoup autour de nous,<br />

elle rangeait des petites piastres dans des enveloppes. Avec le<br />

surplus, on allait tout réjouis au Pignon Rouge deux fois par<br />

année, manger un riz frit pour deux et boire un Coke à deux<br />

pailles, pendant que ma mère gardait les petits.<br />

Nous n’avons jamais été seuls, nous étions deux : un plus un.<br />

Par elle-même, Maria est partie de chez elle toute jeune pour<br />

aller à La Tuque, chez mes parents qu’elle ne connaissait pas,<br />

étrangère avec son accent acadien, enceinte de notre aîné. Elle<br />

a accouché par elle-même avant mon arrivée, pendant que je<br />

faisais notre déménagement. Ensuite, elle m’a suivi partout, à<br />

Matane, à Saint John, au Cap-de-la-Madeleine, partout, dans<br />

nos boîtes avec nos enfants sur les bras, à tout rebâtir par ellemême.<br />

En 1975, Maria a affronté sans hésiter le risque énorme<br />

de Laperrière & Verreault, avec courage et seulement deux<br />

questions : pourquoi ? et vas-tu être plus heureux ? Par elle-même,


<strong>Laurent</strong> Verreault et Maria<br />

Robichaud, le 27 octobre 1962<br />

elle m’a prêté sa voiture et l’argent de son petit salaire pour<br />

démarrer, donné sa confiance, branché son énergie, quitté<br />

ensuite son emploi pour me suivre dans ce que je bâtissais, par<br />

moi-même.<br />

C’est pas une compagne idéale, ça ?<br />

Un plus un, ça signifiait qu’on n’intervienne pas dans les<br />

domaines de l’autre. Autant nous, les hommes, n’étions peu ou<br />

pas acteurs à la maison, autant nos compagnes ne viendraient<br />

pas travailler dans la boîte. Elles recevaient un salaire pour ça,<br />

et restaient sur leurs terres à gérer leur bien. C’était la manière<br />

de préserver notre territoire masculin des points de vue et des<br />

questions féminines auxquelles nous ne voulions pas avoir de<br />

réponses, surtout pas sur l’oreiller. Nous protégions nos choix<br />

et décisions souvent difficiles, notamment sur le partage des<br />

tâches et des responsabilités, des déplacements, de l’emploi<br />

Construire un homme<br />

45


46 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

du temps et des congés, des stratégies et des mouvements de<br />

troupes.<br />

Deux, c’est vraiment la somme de un plus un !<br />

Ces hommes… Joyeux « club de gars » ! Personne ne veut compter<br />

les occasions où Bonne Étoile a pris la forme de toutes ces différentes<br />

forces, capacités, influence et qualités des compagnes des trois<br />

associés et des centaines de collaborateurs. <strong>Laurent</strong>, Louis et Jean<br />

certainement, mais Maria, Danielle et Micheline puis Nicole.<br />

Quelle troupe de mousquetaires ! Avec les autres aussi !<br />

Oui tous ces hommes, s’ils n’avaient pas été à deux pour aller plus<br />

loin dans l’aventure depuis ses débuts, ils n’auraient pas réussi<br />

ou alors ils ne seraient certainement pas arrivés là où ils en sont<br />

maintenant.


<strong>Laurent</strong> Verreault et Maria<br />

Robichaud au gala des<br />

Mercuriades au début des<br />

années 1990<br />

Construire un homme<br />

47


Apprendre<br />

à apprendre,<br />

à travailler,<br />

et à grandir


Il avait très bien réussi son deuxième examen de vie dans<br />

l’Aviation. Le premier, chez les jésuites à Montréal, avait été<br />

plus difficile, mal adapté.<br />

Après cinq années de jeune adulte bien encadré mais surtout instruit<br />

de la bonne manière, il pouvait maintenant faire du meilleur<br />

chemin par lui-même que de rester à l’armée, sans se poser trop de<br />

questions jusqu’à sa retraite à 45 ans. Bonne Étoile pensait bien<br />

encore que ça aurait été du gaspillage pour le pays… Le téléphone<br />

a sonné à Chatham. C’était papa Verreault, avec un projet pour<br />

son fils.<br />

— Essaie-le. Ça ne se représentera probablement jamais, un<br />

travail dans le civil exactement dans ce que tu connais, payé<br />

quatre-vingts dollars par semaine, presque six fois ta solde<br />

mensuelle de l’Aviation ! Dans ta ville natale en plus. Tu<br />

serais bien fou de ne pas l’essayer, à tout le moins. En plus,<br />

c’est ton père qui te l’offre…<br />

— C’est pas fait ! C’est pas parce qu’il m’a appelé que j’ai le<br />

travail. On est bien ici, non ? Ta famille est proche ; tu es<br />

enceinte, c’est pas le temps de déménager à La Tuque ; tu<br />

ne connais personne là, même pas mes parents.<br />

— Essaie, <strong>Laurent</strong>.<br />

À La Tuque en Mauricie<br />

J’ai obtenu le poste ! Je commencerai à l’été de 1963 au département<br />

d’instrumentation à l’usine de papier de la Canadian<br />

International Paper de La Tuque. D’ici là, j’aurai envoyé ma<br />

mignonne épouse Maria enceinte, sous la garde de mes parents,<br />

Construire un homme<br />

49


50 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

j’aurai racheté les six mois restants de mon contrat avec<br />

l’Aviation, j’aurai tout emballé et expédié à La Tuque, salué et<br />

quitté mon monde au Nouveau-Brunswick. C’est difficile de<br />

déménager comme ça, une première fois, surtout en quelques<br />

semaines seulement.<br />

Même à vingt et un ans, c’est difficile aussi de changer complètement<br />

d’univers de travail. À l’évidence, la différence crève les<br />

yeux entre une base d’aviation et une usine de papier. Derrière<br />

l’évidence, il faut découvrir aussi le passage de l’armée, domaine<br />

public, à la compagnie, domaine privé. La joute n’est plus du<br />

tout semblable, la culture d’entreprise n’est plus la même, les<br />

horaires de travail non plus, la syndicalisation, le mentorat<br />

des seniors auprès des apprentis, la rapidité nécessaire des prises<br />

de décisions, l’exécution du travail dans des conditions de<br />

concurrence mais d’invention aussi, tout est différent. C’est<br />

brisé dans l’Aviation ? Le supérieur va constater et confirmer,<br />

la hiérarchie va fournir l’ordre de réparer, le quartier-maître va<br />

fournir la pièce de rechange si elle est disponible, l’intendance<br />

va fournir les outils, le chef va fournir le calendrier… C’est<br />

brisé à l’usine ? Le technicien va réparer, maintenant, en inventant<br />

la solution avec un collègue expérimenté et en l’appliquant<br />

tout de suite, parce que la machine ne peut pas être arrêtée une<br />

heure de plus.<br />

Dans ce contexte, j’ai appris, appris et appris encore, à tout<br />

instant, sur le terrain des cinq départements de la chaîne, tous<br />

les contrôles et l’instrumentation des centaines d’équipements<br />

de l’usine de papier, avec des dizaines de techniciens plus<br />

savants que moi qui me guidaient bien. Jour et nuit, dimanche<br />

compris, vérifier et ajuster des niveaux de réservoirs, des<br />

pressions des tuyauteries, des températures de bouilloires,<br />

des débits de cuves, sans cesse, partout, à tout moment. Des<br />

travaux durs, chauds, sales, dangereux, froids, mouillés, bruyants,


poussiéreux. Des heures, des heures et des cinquante heures ;<br />

dormir un peu sur un ballot de pâte pour mieux reprendre<br />

tantôt : la machine doit redémarrer lundi matin sans faute.<br />

J’avais déjà appris la valeur du travail, je connaissais assez<br />

bien la valeur de l’argent, je découvrais la véritable valeur de<br />

l’appren tissage. Durant les quatre années et demie de mon<br />

emploi à la CIP de La Tuque, je n’ai jamais refusé une heure<br />

de travail, de nuit ou de jour, et encore moins d’apprendre de<br />

toutes les manières possibles : sur le tas, par mentorat, en lisant<br />

les manuels, par essai-erreur, avec des spécialistes et comment<br />

encore.<br />

On y apprenait si bien que cette usine servait aussi de<br />

laboratoire pour la compagnie, qui avait le projet d’un autre<br />

établissement tout neuf à Matane, où elle fabriquerait du<br />

carton ondulé. En 1967, une vingtaine de jeunes techniciens<br />

de plusieurs secteurs – électricité, mécanique, instrumentation,<br />

etc. – nouvellement diplômés des écoles techniques du Québec,<br />

sont venus en stage d’apprentissage à La Tuque en prévision de<br />

la future opération à Matane. Sous la direction des ingénieurs<br />

Gilles Roberge et Guy Tremblay, ils ont passé aussi deux semaines<br />

au département d’instrumentation et contrôle et j’ai eu à<br />

travailler avec chacun. Comme les stagiaires travaillaient moins<br />

qu’ils profitaient de la bonne vie à La Tuque, ce que je n’avais<br />

plus le loisir de faire, avec femme, enfants et travail, il n’y en a<br />

que deux que j’ai remarqué. Ils étaient deux gars de Charlevoix,<br />

Jean Desbiens en mécanique et Louis Laperrière en instrumentation,<br />

cousins ensemble de loin, je pense…<br />

À la fin de leur stage, ils sont tous partis pour Matane, une ville<br />

dynamique à l’entrée de la Gaspésie, pour faire fonctionner cette<br />

usine toute neuve, les chanceux ! Je n’avais pas à me plaindre,<br />

j’avais du plaisir à travailler ici, j’étais bien entouré de bons<br />

collègues, je gagnais un bon salaire. La vie était généreuse.<br />

Construire un homme<br />

51


52 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

À Matane en Gaspésie<br />

Justement : ça devient facile. La générosité de la vie fait prendre de<br />

l’embonpoint, autour du ventre et dans la tête. Les défis chauds se<br />

transforment lentement en quotidien tiède, puis en retraite froide.<br />

Bonne Étoile est allée brasser la cage un peu.<br />

— Monsieur Verreault, la compagnie accepte votre contreproposition<br />

salariale et <strong>vous</strong> offre le poste de responsable<br />

de l’instrumentation et du contrôle à l’usine de Matane.<br />

— Parfait, monsieur le directeur. Quand est-ce que je<br />

commence ?<br />

— Dès janvier prochain. Bonne chance, monsieur Verreault.<br />

Tu parles. Premièrement, la compagnie ne m’offrait pas le<br />

poste : je me suis présenté moi-même parce qu’ils n’ont trouvé<br />

personne qui voulait quitter La Tuque pour aller prendre le<br />

travail de technicien en instrumentation et contrôle et soutenir<br />

les jeunes frais arrivés. Ensuite, mon salaire baissait en allant<br />

là sans ancienneté. J’ai du plaisir à travailler, mais il y a bien<br />

des limites : j’ai négocié serré ! Enfin, « bonne chance »… La<br />

chance, monsieur, ça se fabrique.<br />

J’avais fait presque cinq ans à Chatham, presque cinq ans à<br />

La Tuque, il était temps de relever d’autres défis, de ne pas<br />

trop prendre racine, de nous rapprocher de la famille de Maria,<br />

de stimuler la mobilité. Au début de 1968, je suis devenu<br />

technicien à Matane : je tombais du nid ! Plus de vieux routiers<br />

pour me suggérer des solutions, plus de vieilles méthodes<br />

ni de vieux gestes pour des vieilles machines, plus de<br />

gérant à qui confier mes problèmes difficiles. Maintenant,<br />

c’est moi le responsable…


Les problèmes et les solutions d’une usine neuve sont totalement<br />

différents de ceux d’une vieille : ils sont nouveaux, comme<br />

les machines. Pour suivre le rythme, j’ai dû remettre mon nez<br />

dans les livres et suivre des cours d’électronique et d’électricité<br />

pour obtenir les diplômes bien sûr, mais surtout les licences de<br />

technicien. J’avais aussi à mes côtés, au département et ailleurs<br />

dans l’usine, ces jeunes techniciens autrefois stagiaires à La<br />

Tuque. Mon adjoint était ce gars de Charlevoix, Louis Laperrière<br />

avec qui je me suis étroitement lié d’amitié et de complicité au<br />

travail. Jean Desbiens était en mécanique. Malheureusement,<br />

j’ai vite perdu Laperrière, écarté suite à la grève de 1969 et<br />

qui a trouvé un autre travail à Québec. Nous sommes restés<br />

bien copains : Louis a découvert d’autres domaines dans une<br />

usine de cigarettes et dans l’instrumentation médicale, et nous<br />

échangions l’information des découvertes et des nouveautés.<br />

À Saint-Jean du Nouveau-Brunswick<br />

Je n’avais pas la bougeotte mais j’avais goûté à la mobilité :<br />

après quatre ans à Matane, j’ai accepté en 1971 l’invitation de<br />

Irving Pulp & Paper à prendre la responsabilité du département<br />

de l’instrumentation et du contrôle à l’usine de Saint John au<br />

Nouveau-Brunswick. À trente ans, j’avais là quinze personnes<br />

sous mes ordres, les horaires, les contraintes, les syndicats, le<br />

donnant-donnant, les petits bobos de chacun, les belles camaraderies,<br />

les succès, le plaisir à travailler. Il y avait beaucoup de<br />

travail, jour et nuit sur appel, comme de raison, c’est moi le<br />

petit chef…<br />

Jusqu’à ce qu’un jour de 1973 mon supérieur, Hector Lebreton,<br />

directeur de la maintenance, m’appelle à son bureau :<br />

Construire un homme<br />

53


54 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— <strong>Laurent</strong>, nous pensons que tu as trop de travail.<br />

— Moi aussi monsieur, mais je ne me suis jamais plaint de la<br />

quantité de travail.<br />

— Nous aimons beaucoup ta manière dynamique et enthousiaste<br />

de gérer le département. Nous avons l’intention de te fournir<br />

un bras droit. Veux-tu nous suggérer des noms ?<br />

— J’ai quelques appels à faire, monsieur Lebreton…<br />

Bien sûr que j’avais pensé à lui tout de suite. Il avait bougé un<br />

peu dans les récentes années, mais je savais qu’il était de retour<br />

à Matane et que nous ferions une équipe imbattable : Louis<br />

Laperrière a accepté de venir travailler avec moi à l’instrumentation.<br />

Mais la roue était lancée, plus rapide que ce que j’imaginais<br />

à ce moment. Quelques mois plus tard, encore mon supérieur de<br />

la maintenance :<br />

— <strong>Laurent</strong>, es-tu satisfait de ton adjoint ?<br />

— Il a appris très vite à se démêler dans l’usine, déjà ! Louis a<br />

beaucoup d’expérience, on s’entend très bien. Rien à redire.<br />

— Nous allons le promouvoir responsable du département de<br />

l’instrumentation, à ta place…<br />

— Monsieur Lebreton !<br />

— … et toi, te nommer directeur adjoint de la maintenance,<br />

donc mon bras droit à moi. Laperrière te remplace, et tu restes<br />

son patron, en quelque sorte. Qu’en penses-tu ?<br />

Qu’est-ce qu’on pense quand le patron offre une promotion ? Je<br />

prenais de grands souliers mais pas trop grands pour moi. J’avais<br />

maintenant non plus quinze personnes à diriger, mais deux cent<br />

cinquante ! C’est une autre partie à jouer et j’apprenais à être le<br />

patron, à changer de côté à la table de négociations, à adopter


le discours de l’employeur. Ma position me donnait aussi la<br />

possibilité de compléter mon équipe de spécialistes. Pour la<br />

maintenance des machines à papier, j’ai sauté sur l’occasion<br />

de recruter le meilleur technicien en mécanique qui pouvait<br />

se trouver, que j’avais connu sept ans auparavant et avec qui<br />

j’avais travaillé à Matane entre 1968 et 1971. Je savais très bien<br />

qui j’embauchais en appelant Jean Desbiens à se joindre à nous.<br />

Sans m’en douter à ce moment, je complétais le redoutable trio<br />

Laperrière – Desbiens – Verreault.<br />

Et la roue tournait encore. Après quelques semaines, monsieur<br />

Lebreton me demande de nouveau à son bureau :<br />

— As-tu pris tes vacances, <strong>Laurent</strong> ?<br />

Il ne m’appelait certainement pas pour me parler de vacances ;<br />

ça se discute au café, ça.<br />

— Non, pas encore. En vérité, j’essaie, mais je ne sais pas<br />

comment je vais…<br />

— Laisse faire les détails. Tu vas les prendre maintenant, tu<br />

pars ce soir et tu vas prendre une semaine de plus que tu<br />

avais prévu, pour être bien reposé et en pleine forme à ton<br />

retour. La compagnie te l’offre.<br />

— Qu’est-ce que je dois comprendre, là ?<br />

— Ma décision est prise, la compagnie accepte. J’ai fait le tour<br />

de mon jardin, depuis le temps que je suis ici. Quand tu<br />

reviendras de vacances, je serai parti et tu vas me remplacer<br />

comme directeur de la maintenance.<br />

J’avais encore ça à apprendre, devenir « grand patron ». À trentedeux<br />

ans, je me trouvais jeune, mais je me sentais d’attaque et<br />

je savais que mes expériences de la vie et du travail m’avaient<br />

bien préparé.<br />

Construire un homme<br />

55


Saisir le sort


Moi ?... je suis<br />

consultant<br />

pour Cascades


Pour trouver <strong>Laurent</strong> cette fois-ci, Bonne Étoile a dû compter<br />

un peu sur la chance, et surtout rassembler quelques événements<br />

dans l’histoire récente du pays.<br />

Au Québec, la région de Témiscouata dans les monts Notre-Dame<br />

des Appalaches est une extraordinaire source de bois de belles<br />

qualités. La ville de Cabano possédait là depuis 1898 la très grosse<br />

scierie Fraser pour exploiter cette richesse. En 1966, la scierie a été<br />

détruite par le feu ; son propriétaire a décidé de ne pas reconstruire,<br />

mais exploitait quand même la concession forestière pour exporter<br />

le bois et le traiter ailleurs, au grand déplaisir de la population<br />

régionale.<br />

Après des années d’inaction des autorités et surtout des promesses<br />

non tenues de reconstruction de la scierie, les habitants excédés<br />

se sont proprement révoltés. Durant cinq jours au début d’août<br />

1970, la population de Cabano a manifesté puissamment dans<br />

les rues et les assemblées publiques. Des bâtiments et des ponceaux<br />

ont été incendiés ; les gens s’apprêtaient à fermer la ville et soutenir<br />

un siège contre l’État, si des arrestations de manifestants devaient<br />

avoir lieu. La population a enfin été entendue.<br />

Après les recherches et les négociations, le meilleur des projets de<br />

relance a été retenu, celui de Papier Cascades de Kingsey Falls, jeune<br />

compagnie québécoise de l’Estrie, de construire une cartonnerie. En<br />

ce domaine de l’industrie papetière, on partait de rien à Cabano,<br />

mais les frères Lemaire de Cascades avaient du savoir-faire, de<br />

l’énergie et des ressources.<br />

Après quelques mois de préparation, Bernard Lemaire vient de déménager<br />

à Cabano et la mise en chantier devrait débuter à l’automne<br />

de 1974, puis l’usine ouvrir ses portes à l’été de 1976, avec un peu<br />

d’aide de Bonne Étoile…<br />

Saisir le sort<br />

59


Lundi<br />

60 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

En mars de 1974, en arrivant du Nouveau-Brunswick à l’aéroport<br />

de Dorval tôt ce lundi matin, j’ai appelé mon ami Gilles<br />

Roberge, que j’avais connu comme ingénieur à La Tuque et<br />

responsable des stagiaires à Matane.<br />

— Salut Gilles ! C’est <strong>Laurent</strong> Verreault. Comment vas-tu ?<br />

— <strong>Laurent</strong> ! Es-tu en ville ? Je viens juste de parler à Maria<br />

qui m’a dit que tu venais au Québec cette semaine. Il faut<br />

qu’on se parle, j’ai peut-être quelque chose pour toi.<br />

— Oui, je manque d’ouvriers spécialisés chez nous, les gars préfèrent<br />

la pêche en haute mer, vois-tu. Je suis à Sherbrooke,<br />

à Québec et à Montréal cette semaine pour recruter.<br />

— Parce qu’on a un mandat avec Rexfor, la société gouvernementale<br />

qui développe les forêts, pour une usine de<br />

papier à Cabano. Pour recruter nous aussi, d’une certaine<br />

manière…<br />

— Explique-moi ça ?<br />

Au téléphone, Gilles m’a raconté qu’après ses années de gérance<br />

à la CIP de La Tuque et Matane, il avait démarré avec Guy<br />

Tremblay un petit bureau d’ingénieurs spécialisé dans les pâtes<br />

et papiers. Il avait obtenu un contrat du gouvernement du<br />

Québec pour accompagner Papier Cascades à Cabano dans la<br />

préparation d’un très gros chantier d’usine de papier cannelure,<br />

le papier ondulé qui fait le cœur du carton de caisse.<br />

— Tout le monde a entendu parler de ce projet-là, avec les<br />

manifestations énormes que les habitants ont tenues dans<br />

la ville en 1970 pour faire bouger les choses.


— Ce papier cannelure, c’est le même produit fabriqué à la<br />

CIP de Matane, où tu étais entre 1968 et 1971. Les plans de<br />

la bâtisse avancent bien et nous sommes rendus à concevoir<br />

la chaîne de fabrication du papier, la cuisson des copeaux,<br />

les clarificateurs, la pâte, ce que tu connais. Mon client a<br />

besoin de personnes pour penser et installer le système électrique,<br />

l’instrumentation, l’automatisation, les contrôles. Il<br />

ne sait pas comment faire cette partie-là du procédé.<br />

— Qu’est-ce que je viens faire là-dedans, moi ? J’ai un travail<br />

au Nouveau-Brunswick, qui me demande plus que je peux<br />

en donner…<br />

— Laisse-moi finir. J’ai juste dit à mon client que tu pourrais<br />

peut-être aller le rencontrer pour discuter de son projet<br />

et lui donner des idées, des manières de faire, des pistes,<br />

l’orienter un peu… Tu es spécialiste là-dedans, <strong>Laurent</strong>.<br />

— Quand ? Où ?<br />

— Quand tu veux, cette semaine si ça se peut puisque tu es là.<br />

Sa compagnie est à Kingsey Falls.<br />

— C’est où ça, Kingsey Falls ?<br />

— À peu près dans la région où tu vas ce matin.<br />

— Arrange-moi un rendez-<strong>vous</strong>… Pourquoi pas foncer, et<br />

donner un coup de main…<br />

Depuis quelques minutes, j’attends chez Papier Cascades. Un<br />

costaud barbu entre dans le petit bureau, en bottes, jeans et<br />

chemise à carreaux. Bon, où est la réceptionniste ? C’est l’ouvrier<br />

qui vient me chercher pour rencontrer…<br />

— Monsieur Verreault ? Il me tend la main. Bernard Lemaire,<br />

le patron de Papier Cascades. Bienvenue chez nous.<br />

Saisir le sort<br />

61


— Euh… Bonjour…<br />

62 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

J’ai été un peu surpris : les chefs d’entreprise aussi décontractés<br />

que monsieur Lemaire sont plutôt rares ! Au Nouveau-<br />

Brunswick, en tout cas ! Je l’ai observé, curieux.<br />

— Ah oui… la barbe ! C’est une manière d’engagement avec<br />

les gars de Cabano. On est tous ensemble, on va construire<br />

une usine pour relancer la ville, on est solidaires : on se<br />

laisse tous pousser la barbe ! Je viens de m’installer là-bas,<br />

<strong>vous</strong> êtes chanceux de m’attraper ici. Notre projet maintenant.<br />

Je sais que Gilles Roberge <strong>vous</strong> a expliqué un peu…<br />

Monsieur Lemaire m’a donné certaines précisions sur son projet<br />

et le procédé ; je l’ai éclairé sur l’usine de Matane et son<br />

produit, on s’est vite compris.<br />

— Malheureusement, j’ai peu de temps maintenant : j’ai un<br />

rendez-<strong>vous</strong> avec le représentant commercial de Black<br />

Clawson-Kennedy, qui vient pour m’expliquer l’installation<br />

de son produit, le Pandia Digester, dans notre usine.<br />

— J’ai beaucoup travaillé sur des machines semblables, de<br />

cette compagnie-là. Je suis curieux, votre projet m’intéresse.<br />

Est-ce que je peux assister à cette rencontre ?<br />

J’avais du temps, monsieur Lemaire a accepté avec plaisir. Le<br />

représentant a commencé sa démonstration en griffonnant<br />

des machines et des circuits de procédé sur les grands plans<br />

de l’usine affichés au mur de la salle de réunion. J’écoute. Je<br />

réfléchis. Je suis un visuel, je regarde surtout. Pendant qu’ils<br />

discutent, j’étudie les plans.<br />

— J’ai une question. Je peux ? L’instrumentation et les contrôles,


où les placez-<strong>vous</strong> dans le bâtiment ? Parce que ce qui est<br />

dessiné là, sur le mur, à cet étage-là, ça ne fonctionnera pas.<br />

Pauvre homme : avec mon expérience du terrain en matière<br />

d’organisation d’usines et de machines, j’ai un peu mêlé le<br />

représentant commercial. En dessinant au tableau, j’ai plutôt<br />

placé les contrôles ici, puis les raffineurs là. La pâte va monter<br />

ici, les laveurs dans ce coin-là ; ce qui ne passe pas la première<br />

fois retourne en bas, par ici. Le filage comme ça, la chambre de<br />

contrôle électrique à cet étage-là. La climatisation par ici et là ;<br />

une salle pour les opérateurs, d’où on voit la machine à papier,<br />

par là…<br />

— Monsieur Verreault, rappelez-moi ce que <strong>vous</strong> faites pour la<br />

compagnie ? me demande le représentant.<br />

— Je suis consultant pour Cascades.<br />

Monsieur Lemaire était séduit.<br />

Ce midi-là, nous sommes allés manger ensemble. Nous nous<br />

sommes tout de suite plu l’un l’autre, c’est un peu comme si<br />

nous nous étions reconnus. Il est de cinq ans mon aîné et nous<br />

étions tous deux dans la trentaine, spécialistes et passionnés du<br />

même domaine, fonceurs et décideurs et risqueurs, bricoleurs<br />

et bâtisseurs. Des gars de terrain.<br />

Je lui ai dit que si je ne m’étais pas trop avancé, j’étais prêt à faire<br />

les plans pour lui discrètement depuis le Nouveau-Brunswick.<br />

Je concevrais et dessinerais ses contrôles et l’instrumentation.<br />

En guise de réponse, Bernard – on s’est tout de suite tutoyés –<br />

m’a invité à le revoir plus tard dans la semaine à Québec. Moi,<br />

j’allais faire là des entrevues et lui faisait sa rencontre d’étape<br />

chez les fonctionnaires de Rexfor.<br />

Saisir le sort<br />

63


Mercredi<br />

64 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Au piano-bar de l’Auberge des Gouverneurs de Sainte-Foy,<br />

Bernard m’a expliqué les détails de l’histoire de cette usine à<br />

construire, et la manière dont il entendait le mener.<br />

— Chez Cascades, nous sommes spécialistes de la récupération,<br />

mon père Antonio avant nous, depuis 1957 dans les<br />

rebuts ménagers et industriels. Maintenant avec mes frères,<br />

nous fabriquons du papier recyclé depuis 1964. Nous<br />

avons convaincu Rexfor, et l’usine de Cabano sera outillée<br />

avec de l’usagé tant qu’on va pouvoir. On va construire ça<br />

avec de la volonté et de la fierté, pas avec des conventions<br />

et des firmes. L’argent parle : c’est pour ça qu’elle va coûter<br />

neuf millions de dollars au lieu des cinquante-cinq que<br />

proposent les Belges ou les soixante-dix des Suédois. J’ai<br />

expliqué ça assez vite à Rexfor, en leur barbouillant un plan<br />

sur une feuille. La population et la ville de Cabano sont<br />

entièrement derrière nous pour ça : ils ont amassé près<br />

de sept cent mille dollars de souscriptions pour soutenir<br />

le projet. Ils vont tous travailler avec nous, à des conditions<br />

honnêtes, et pour eux, pour leur projet. Par contre,<br />

nous allons avoir besoin de gars comme toi, comme ton<br />

ami Laperrière, comme qui tu voudras, pour faire les installations<br />

industrielles et remonter les machines usagées.<br />

Moi, je ne connais pas cette partie-là. Pense à ça, on va s’en<br />

reparler. Qu’est ce que tu fais en fin de semaine ?<br />

— Je retourne chez moi vendredi, après mon recrutement à<br />

Montréal. Pourquoi ?<br />

— Parce que je dois aller en Caroline du Nord samedi et<br />

dimanche, visiter une usine de papier fermée et estimer des


machines et de l’équipement dont je pourrais avoir besoin.<br />

Viens-tu avec moi ?<br />

Je devenais de plus en plus excité, je devais commencer à briller !<br />

Finalement, bien sûr j’ai accepté l’invitation. Ce soir, Bernard<br />

m’avait tout raconté et moi, porté par l’énergie du projet, je<br />

voyais dans ma tête une usine à papier fabriquée tout en « usagé<br />

neuf » par nous autres même ! Des machines remontées à neuf,<br />

une belle chaîne de production, des contrôles partout, des<br />

heures de plaisir avec mon ami Louis, un rêve de techniciens !<br />

— Garçon, s’il <strong>vous</strong> plaît ! Je crois bien que nous avons tous<br />

les deux chacun un projet spécial à souligner. Apporteznous<br />

donc quelque chose de spécial à boire pour marquer<br />

l’occasion.<br />

— Bien, monsieur. Pour vos grands projets, permettez-moi<br />

de <strong>vous</strong> suggérer un vin rouge de la Côte de Beaune en<br />

Bourgogne, parmi les plus grands et renommés de France.<br />

— Ça s’annonce tel qu’on le souhaite ! Et comment s’appelle<br />

cette merveille ?<br />

— Une appellation d’origine contrôlée, Pommard, monsieur.<br />

Saisir le sort<br />

65


Ça va s’appeler<br />

Laperrière &<br />

Verreault, et on<br />

va travailler !


1974 a été une grosse année, celle où j’ai saisi le sort<br />

– le bon ! – à deux mains. La vie nous amenait<br />

dans une direction que nous n’avions pas imaginée, ni moi ni<br />

Maria ni mon ami Louis Laperrière. Il y avait à l’horizon un<br />

projet d’usine où nous serions tous les trois comme des poissons<br />

dans l’eau, et Bernard Lemaire nous offrait le travail et<br />

l’autonomie sur un plateau.<br />

— Pars-toi en affaires, m’a-t-il dit le vendredi, dans l’avion<br />

au-dessus de New York en route pour la Caroline du Nord.<br />

Pars-toi avec Laperrière, ou avec qui tu voudras, et Papier<br />

Cascades va <strong>vous</strong> donner un contrat. J’en ai parlé avec<br />

mon partenaire, j’en ai discuté avec Gilles Roberge, tout<br />

le monde pense que c’est une bonne idée. Il y a beaucoup<br />

d’ouvrage pour <strong>vous</strong>.<br />

C’est là dans cet avion, sur une poignée de main, que nous<br />

avons décidé de travailler ensemble et scellé notre pacte. Par<br />

contre, je pensais ne rien connaître des entreprises ni de l’entrepreneuriat,<br />

et je demandais à Bernard pourquoi il ne nous<br />

prendrait pas plutôt sur sa liste de paye.<br />

— Je <strong>vous</strong> donnerai des contrats, <strong>vous</strong> serez vos propres<br />

patrons. J’ai besoin de <strong>vous</strong> au moins un an à Cabano.<br />

Quatre-vingt mille dollars pour quatre mille heures, après<br />

ça, on verra.<br />

Bernard n’a jamais répondu à ma question. Par contre moi, il a<br />

bien fallu que je réponde à celles de Maria : pourquoi ? et vas-tu<br />

être plus heureux ?<br />

— Je n’avais jamais vraiment pensé à ça, Maria, mais l’offre de<br />

Bernard me fait réfléchir, tu sais bien. J’ai une chance maintenant<br />

de laisser quelque chose de plus durant le temps que<br />

Saisir le sort<br />

67


68 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

je vais passer sur la Terre. Un peu comme les architectes<br />

qui dessinent des grands édifices, des médecins qui ont<br />

sauvé des vies, j’aimerais laisser quelque chose de plus que<br />

seulement mon petit passage. On est heureux ensemble,<br />

avec des beaux enfants et un bon travail stable, mais oui, ça<br />

va me rendre plus heureux de bâtir. Je suis sûr que j’aurai<br />

aussi du plaisir à le faire au jour le jour. C’est important<br />

pour moi.<br />

— Tu sais que je vais être avec toi dans ton projet. Va à Cabano<br />

remplir ton année de contrat ; je vais rester ici pour garder<br />

le fort, les enfants, leurs écoles, mon travail. Je te rejoindrai<br />

quand ce sera le temps.<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault ne pouvait plus être sur une liste de paye, Louis<br />

Laperrière non plus. Ça aurait été comme laisser une plante<br />

dans un pot : un jour, trop serrée, elle ne peut plus pousser. Que<br />

serait-il arrivé à la fin des installations de Cabano ? Ils auraient<br />

simplement été remerciés, mis à pied comme des ouvriers ordinaires.<br />

Non, ils pouvaient bien davantage que travailler pour<br />

Cascades seulement. Bonne Étoile a vu ça : ils sont entrepreneurs<br />

jusqu’à l’os, <strong>Laurent</strong> est un négociateur charismatique. Être autonome,<br />

c’est beaucoup de liberté mais aussi énormément de responsabilités<br />

: ils sont capables des deux. Ils vont trouver des contrats<br />

ailleurs, ils seront les patrons, leur entreprise va grandir et grossir,<br />

comme un arbuste dans un jardin.<br />

Trois mois plus tôt, Louis nous recevait pour Noël, avec Jean.<br />

Nous en avions parlé un peu ici et là durant l’année, on devait<br />

maintenant cesser de tourner autour du sujet en évitant la discussion<br />

sérieuse. Il fallait sauter, se convaincre l’un l’autre. C’est<br />

Louis qui a allumé la mèche, dans le sous-sol autour de la table<br />

de pool.


— C’est ton tour Louis. T’es dans la lune ?<br />

— … On devrait se partir une compagnie, a enfin lâché Louis :<br />

nous le savions bien, mais personne n’osait le dire aussi<br />

simplement. La construction de la bâtisse est commencée<br />

à Cabano depuis l’automne et ils avancent assez vite. Nous,<br />

on fonde une compagnie d’installation de machines à<br />

papier, on vend nos services à Cascades, on travaille, on<br />

facture, ils nous paient, c’est parti !<br />

— Je veux bien, mais comment on fait ça ? C’est compliqué les<br />

compagnies, on ne connaît rien là-dedans…<br />

— Gilles Roberge va nous aider : il a fondé la sienne, il sait<br />

comment faire. Pour partager la propriété de la compagnie,<br />

comme c’est toi qui a l’arrangement avec Lemaire, tu prendras<br />

60 %, et moi le 40 % qui reste.<br />

— Vous êtes fous ! Vous avez des bons emplois depuis dix<br />

ans, avec des gros salaires, des conditions, des comptes de<br />

dépenses, et <strong>vous</strong> risquez tout ça pour un petit contrat ?<br />

Vous êtes fous, ça ne marchera pas votre affaire. C’est dommage,<br />

mais sans moi !<br />

Nous formions bien un beau trio mais Jean était moins fonceur<br />

que Louis et moi.<br />

— C’est sérieux… Toi, <strong>Laurent</strong>, si on fonde une compagnie,<br />

es-tu prêt à travailler et à te faire vivre sans rien demander ?<br />

— Je suis prêt à ça. Et toi ? On était un peu comme au pied<br />

de l’autel.<br />

— Moi aussi, a répondu Louis. Bon, c’est parti ! Et on va appeler<br />

ça comment ?<br />

Saisir le sort<br />

69


70 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Ça aurait pu s’appeler de mille façons, mais les discussions<br />

autour du réveillon ont fini par nous mener à la plus simple.<br />

Tout le monde avait sa suggestion. Neuf mois plus tard, en<br />

septembre, j’ai fini par trancher :<br />

— Ça va s’appeler Laperrière & Verreault. C’est un peu gênant<br />

mais après tout, c’est bien Louis et <strong>Laurent</strong> qui vont<br />

travailler là !<br />

Je suis arrivé à Cabano un soir du début de juin 1975, à l’usine<br />

en construction. C’était désert à cette heure-là. J’ai loué une<br />

chambre dans un motel miteux et défoncé sur le bord du lac<br />

Témiscouata et là, sous l’aurore boréale, je me suis senti tout<br />

seul, et froid dans le dos… Qu’est-ce que j’ai fait là ? Jean a<br />

raison : j’avais un patron, un travail, des enfants à l’école, une<br />

épouse proche de moi, une maison confortable, ma petite<br />

routine… Là, j’ai deux mille dollars empruntés à Maria, une<br />

voiture empruntée à Maria, un contrat sans trop savoir, pas de<br />

suites, une chambre de motel avec des insectes sur le plancher.<br />

On est fous.<br />

Ça va lui passer vite : il sera à sept heures dès demain matin sur le<br />

chantier, à commencer à travailler. Mais non, il n’est pas fou ! Ou<br />

alors oui, mais un fou visionnaire, fonceur. Il a des idées auxquelles<br />

il tient, il invente des solutions et, surtout, il va se prouver à luimême<br />

qu’il avait raison, que ce n’est pas une erreur et que le succès<br />

est à sa portée.<br />

Il ne restera pas longtemps dans ce motel crasseux, Bonne Étoile<br />

va y voir. Ses amis Louis et Gilles vont venir habiter avec lui dans<br />

une belle roulotte à Notre-Dame-du-Lac. Ils vont emprunter pour<br />

acheter une voiture et il ira voir sa Maria toutes les deux fins de<br />

semaine. Les gars vont travailler d’une étoile à l’autre, manger<br />

comme des ogres la bonne cuisine de Gilles, travailler encore avec


plaisir, refaire le monde avec Bernard, travailler encore, boire<br />

comme des hommes au bar du centre-ville de Cabano, travailler<br />

encore, dormir un peu, travailler encore… et réussir !<br />

Mais le meilleur coup qu’il va faire bientôt, c’est de recruter une<br />

autre fois Jean Desbiens pour recomposer le redoutable trio.<br />

En octobre 1975, j’ai fini par le trouver chez lui, dans<br />

Charlevoix.<br />

— Jean ! C’est <strong>Laurent</strong> à Cabano. Ça fait une semaine que je<br />

te cherche partout ! On a besoin de toi.<br />

— Oui, tu es chanceux de m’attraper, je suis entre deux avions.<br />

J’arrive de Colombie-Britannique, je pars pour l’Afrique.<br />

— Non, non, tu ne pars pas pour l’Afrique : tu prends la<br />

traverse à Saint-Siméon et tu viens nous rejoindre à Cabano.<br />

Louis est ici avec moi depuis quelques semaines : tous nos<br />

contrôles, les pompes et la tuyauterie sont achetés, livrés,<br />

prêts à installer, mais les mécaniciens de monsieur Lemaire<br />

ont beaucoup de difficultés à remonter la machine usagée.<br />

Bernard est d’accord, j’aimerais que tu viennes, on a besoin<br />

de toi.<br />

Le fidèle Jean Desbiens est arrivé quelques jours plus tard,<br />

comme le vrai Ti-Jean des histoires, comme un coup de vent<br />

frais, le gars des solutions techniques.<br />

Un autre que Jean Desbiens aurait hésité.<br />

— Bon, où est-elle, cette machine ?<br />

— Là, dans la cour.<br />

Saisir le sort<br />

71


72 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Tous les morceaux sont là ? Avez-<strong>vous</strong> un plan ? Qui va<br />

assembler ça ? <strong>Laurent</strong>, qu’est-ce que tu en penses ?<br />

— Jean, elle était montée comme ça avant d’être amenée ici. Il<br />

va falloir la remonter comme ça. Bien sûr qu’on a un plan…<br />

Bien, un petit bout de papier tout jauni, déchiré, écorné…<br />

Et c’est toi qui vas travailler là-dessus. Mais quand tu sais<br />

en monter une, tu es capable d’assembler toutes les autres,<br />

non ?<br />

— Je le savais, je l’avais dit que <strong>vous</strong> êtes fous !<br />

J’ai présenté Jean à Bernard Lemaire et ensemble, tout de suite<br />

complices autour de la mécanique, ils sont allés au chevet du<br />

mourant dans la cour, le bout de papier jauni à la main. À<br />

force de patauger et de piger dans le tas, de reconnaître les morceaux<br />

et de les placer dans leur tête, de s’animer l’un l’autre, la<br />

machine reprenait forme et vie. Et comme à la pêche, appâté<br />

par ce gigantesque jeu de Meccano, Jean Desbiens avait mordu<br />

au plaisir de s’attaquer à un défi à sa mesure. Et en prime,<br />

retrouvé ses amis. Ce jour-là, Jean, Louis, Gilles, Bernard<br />

et moi avons vécu un moment de grande complicité, un<br />

compérage qui devait durer toute la vie.<br />

Jean Desbiens n’ira en Afrique que quarante ans plus tard, pour<br />

aider à construire un gymnase à Kigali, au Rwanda. Mais pour<br />

l’heure, il est entré au service de Laperrière & Verreault à titre<br />

de mécanicien et, en deux semaines, il avait refait le casse-tête.<br />

La machine renaissait lentement, jour après jour, jusqu’à sa<br />

remise en service à l’été de 1976. À ce moment-là, pour Louis<br />

et moi, il fallait s’assurer de retenir notre génie de la mécanique<br />

et souder enfin le redoutable trio. Nous avons partagé notre<br />

propriété pour accueillir Jean comme actionnaire de la compagnie,<br />

en faire définitivement notre troisième mousquetaire.


« Un succès d'entreprise<br />

remarquable », clame le<br />

journal trifluvien.<br />

De Cabano à Kingsey Falls au Québec, de la Caroline du<br />

Nord à Ocean Falls en Colombie-Britannique à Steilacoom<br />

dans l’état de Washington, de Cascades Lupel au Cap-de-la-<br />

Madeleine à St-Raymond Paper dans le comté de Portneuf ;<br />

de contrat en contrat, la compagnie grossissait. Surtout, avec<br />

l’aide des nouveaux venus, chacun spécialiste et convaincu,<br />

Laperrière & Verreault affirmait son expertise dans la réhabilitation<br />

de machinerie d’usine à papier. De tous les papiers :<br />

journal, fin, recyclé, cannelé, moulé, goudronné, hygiénique,<br />

carton, essuie-tout, etc.<br />

Le rythme s’est accru dès 1977. Les mousquetaires et leur<br />

équipe naissante de TLM – toujours les mêmes, voyagent d’usine<br />

en usine d’un bout à l’autre de l’Amérique, à démonter là une<br />

machine à papier pour la remonter ici ; ailleurs un défibreur<br />

pour l’installer là ; plus loin une toile trop large à faire aller sur<br />

Saisir le sort<br />

73


74 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

cette machine plus étroite ; ici en fabriquer une qui fonctionne,<br />

à partir de quatre épaves. Laperrière & Verreault est infatigable,<br />

il n’y a pas de projet à son épreuve.<br />

Les noms de Marcel Dubé, Yvon L’Heureux, Bernard Therrien<br />

et Raymond Beaudet, puis bientôt ceux de Ghislain Roy, Guy<br />

Croteau, Bill Saulnier et même le tout jeune Richard Verreault<br />

apparaissent au tableau des effectifs. Chacun à sa manière complète<br />

le trio, dans ce même esprit de plaisir à travailler et réaliser,<br />

avec tant d’invention, d’imagination et de débrouillardise.<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault


André Piette, directeur de<br />

l’ingénierie, Luc Fortier,<br />

responsable de la recherche<br />

et du développement, Bernard<br />

Therrien, cofondateur de la<br />

Société de Fabrication des<br />

Vieilles Forges<br />

Saisir le sort<br />

75


3 mousquetaires<br />

chez Québec Inc.<br />

Attention, chaud<br />

devant !


C ’était un beau moment, que cette prise de possession de<br />

nos nouveaux locaux au 3100 de la rue Westinghouse en<br />

1981, et j’avais beaucoup de plaisir à en découvrir les détails en<br />

compagnie de Louis, Jean, Bill et quelques autres. Nous étions<br />

comme une petite famille qui emménage dans une nouvelle<br />

maison.<br />

— Ah ! Là, tu parles ! Ça, c’est des beaux bureaux ! Et avec<br />

notre atelier pour la fabrication dans la même bâtisse, c’est<br />

extraordinaire ! On va enfin pouvoir sortir de notre boîte<br />

à sardines. Depuis quand était-on logés comme ça ? Te<br />

rappelles-tu ?<br />

— C’est en 1978 qu’on a déménagé nos roulottes de Cabano<br />

à Cap-de-la-Madeleine, chez Cascades Lupel.<br />

Louis Laperrière se souvenait bien de ce déménagement. À ce<br />

moment, Jean Desbiens était plutôt parti à Kingsey Falls pour<br />

suivre et superviser un nouveau contrat de machine à papier<br />

pour Cascades.<br />

— C’était bien commode, on était juste en arrière de l’usine de<br />

Cascades Lupel, avec nos contrats de presse à papier recyclé<br />

et de machine à papier goudronné de Bernard Lemaire.<br />

C’est l’année où on a créé la Société de Fabrication des<br />

Vieilles Forges, notre bonne « SFVF », pour construire tous<br />

les morceaux dont on avait besoin. C’est parce que ça a<br />

grossi vite, depuis 1975 !<br />

Jean se rappelait surtout cette partie de l’histoire, de son<br />

atelier de mécanique où il pouvait enfin fabriquer ses machines<br />

à l’aise. Ici, il serait encore mieux installé.<br />

— Ah ! Là on va maintenant pouvoir se rassembler ! J’ai<br />

l’impression qu’on a été éparpillés partout au Québec et<br />

Saisir le sort<br />

77


78 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

empilés en même temps dans notre roulotte. À ce bout-ci,<br />

on va installer Laperrière & Verreault et, en arrière, l’atelier<br />

de la SFVF. Tout le monde va avoir sa place. Toi Bill, tu le<br />

mets où, ton bureau ?<br />

— Je ne sais pas encore…<br />

— Combien on a payé ça, cette bâtisse, dis-moi ?<br />

Pas mal davantage que j’avais offert au vendeur, mais Bill<br />

Saulnier, notre contrôleur comptable de grande confiance, avait<br />

bien négocié pendant une de mes absences, et obtenu un très<br />

bel immeuble pour nous loger tous dans le parc industriel. Et<br />

suffisamment grand pour qu’on en tire bientôt un bon revenu,<br />

en louant au moins la moitié de la surface à qui en voudrait à<br />

Trois-Rivières. Après cinq ans de roulotte depuis Cabano, nous<br />

étions enfin logés à notre mesure, dans la capitale québécoise<br />

des pâtes et papiers. Je pouvais envisager sérieusement de grandir,<br />

de diversifier notre clientèle ; j’avais envie d’ouvrir les ailes<br />

de Laperrière & Verreault avec l’aide des sept ou huit actionnaires<br />

et des quelques professionnels que nous avions recrutés.<br />

Pendant ce temps-là où je m’occupais du développement des<br />

affaires, Louis était sur le terrain de la construction d’usines et<br />

d’autres bâtiments industriels. Il apportait beaucoup d’eau au<br />

moulin, avec des contrats payants pour la SFVF. Ce n’était pas<br />

tout de vendre, il fallait fabriquer et livrer ! Jean, notre génie<br />

de la mécanique, concevait les machines commandées par nos<br />

clients avec nos ingénieurs Bernard Therrien en mécanique<br />

et Ghislain Roy en électricité, Simon Sleigher en instrumentation<br />

et nos dessinateurs. Yvon L’Heureux les fabriquait avec<br />

Raymond Beaudet et Marcel Dubé. Enfin, nos ouvriers les<br />

installaient avec Marcel Dubé et Yvon L’Heureux… et l’équipe<br />

de same thing.<br />

Bernard Therrien est<br />

ingénieur en mécanique. Il<br />

s’est joint à GL&V au moment<br />

de la fusion avec la Société de<br />

Fabrication des Vieilles Forges.<br />

En 1986, il a agi comme<br />

directeur de l’ingénierie et<br />

comme spécialiste des produits<br />

Hydra-Sizer.<br />

Monteur-soudeur à la division<br />

Fabrication de GL&V Canada,<br />

Raymond Beaudet est<br />

entré chez <strong>GLV</strong> au moment<br />

de la fusion entre Laperrière<br />

& Verreault et la Société de<br />

Fabrication des Vieilles Forges<br />

en 1986. Il y est resté jusqu’en<br />

mai 2008.


Marcel Dubé a été machiniste<br />

du groupe Pâtes et Papiers,<br />

puis du groupe Fabrication de<br />

GL&V Canada, de son arrivée<br />

dans la compagnie au moment<br />

de la fusion avec la Société de<br />

Fabrication des Vieilles Forges<br />

en 1986 jusqu’à septembre 1997.<br />

Ghislain Roy est ingénieur<br />

en instrumentation et contrôles<br />

depuis 1980.<br />

Guy Croteau est tuyauteur<br />

et surintendant de chantiers<br />

pour la division Constructions<br />

Laperrière & Verreault depuis<br />

1980.<br />

J’ouvre une parenthèse pour qu’on se souvienne bien d’eux,<br />

tous ces ouvriers qui ont bâti Laperrière & Verreault avec nous,<br />

en particulier l’équipe de same thing, parmi nos pionniers.<br />

Dans ces premières années, nous étions souvent appelés au<br />

Canada anglais et aux États-Unis sur des périodes prolongées,<br />

à démonter des machines à papier pour les expédier au Québec<br />

ou ailleurs, au gré des contrats. La plupart ne parlaient pas<br />

anglais et, par exemple dans les restaurants, le chef d’équipe<br />

devait souvent commander son assiette en premier à la serveuse<br />

anglophone. Chacun y allait ensuite de son same thing, same<br />

thing, same thing… la même chose, pour faciliter la communication<br />

et accélérer le service. À tel point que l’équipe était<br />

joyeusement reconnue comme The Same Thing Team !<br />

On se voyait peu, mais ensemble on bâtissait tous la même<br />

entreprise. Nous avions un gros avantage concurrentiel, celui de<br />

tout faire pour nos clients : conception, ingénierie, fabrication,<br />

mécanique, électricité, instrumentation, contrôles, installation.<br />

Les clients nous appréciaient pour ça et étaient disposés à payer<br />

pour nos services. Au début des années 1980, on commençait<br />

déjà à entrevoir des « divisions » dans Laperrière & Verreault :<br />

Fabrication et Construction.<br />

J’essayais autant que possible d’intéresser nos employés-clés à<br />

investir pour devenir actionnaires de nos différentes compagnies.<br />

Alors on crée de l’appartenance, ils s’impliquent bien<br />

davantage que des employés, ce sont de véritables collaborateurs<br />

engagés personnellement. On partage la richesse. Par exemple,<br />

de mécanicien employé, Jean Desbiens est tout de suite devenu<br />

actionnaire à 30 % dans Laperrière & Verreault. Raymond<br />

Beaudet, Marcel Dubé, Yvon L’Heureux et Bernard Therrien<br />

ont pris ensemble la moitié de la Société de Fabrication des<br />

Vieilles Forges. Guy Croteau va s’impliquer dans Constructions<br />

Laperrière & Verreault en 1981 et Bill Saulnier dans Les<br />

Services Maxi-Plus en 1982.<br />

Saisir le sort<br />

79


80 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Avec son bagou, <strong>Laurent</strong> Verreault sait négocier, charmer, faire<br />

de l’argent, acquérir, faire grossir la compagnie. Mais j’ai besoin<br />

des autres parce que je ne sais pas dessiner ni concevoir ni<br />

fabriquer des machines à papier. J’ai des idées, des projets que<br />

je lance en l’air et dont je confie la réalisation à mes collaborateurs,<br />

parce que je ne peux pas tout faire. Même chose avec<br />

les problèmes, que je ne garde pas pour moi tout seul. Parce<br />

qu’on joue en équipe, je les partage avec mes équipiers, mais je<br />

veux qu’ils jouent en équipe, franc-jeu. Des fois, j’ai tort : alors<br />

je m’attends à ce qu’on me tienne tête mais qu’on me prouve<br />

que je n’ai pas raison, pour qu’on ne se trompe pas de chemin<br />

tous ensemble.<br />

Le capitaine de l’équipe a vite compris le jeu. Dès 1980, il<br />

bricolait – il faisait bricoler par ses équipiers ! – dans les créations<br />

d’entreprises et les réorganisations corporatives, dans le capital et<br />

les actions des filiales, dans les acquisitions de compagnies, pour<br />

rendre toute la structure plus souple, plus efficace. Comme lui.<br />

Bill Saulnier est intervenu à tout instant dans ces années-là : le<br />

contexte de récession économique au Québec avait suscité une<br />

réponse énergique de l’État. Surnommé « Québec Inc. », ce grand<br />

mouvement de facilitation par le gouvernement et les institutions<br />

financières a stimulé les lancements d’entreprises partout au pays,<br />

par la promotion de l’entrepreneuriat privé et l’appel à l’épargne<br />

publique via le Régime d’épargne-actions. La vague a bien profité<br />

à <strong>Laurent</strong>. Non… <strong>Laurent</strong> a profité de cette vague pour placer des<br />

pions sur les marches de son escalier.<br />

Des fois, c’est Robert Dorion qui s’installait dans un bureau vide<br />

avec une feuille et un crayon pour rédiger en un après-midi un<br />

contrat d’acquisition de compagnie, à demande urgente. D’autre<br />

fois, c’est René L’Heureux qui prenait l’initiative d’écrire les<br />

documents administratifs nécessaires, sur une dactylo qu’il avait<br />

achetée pour l’occasion.


René L’Heureux a débuté<br />

sa carrière chez GL&V en<br />

février 1982 comme adjoint<br />

à la direction, responsable<br />

d’intégrations à la suite de<br />

nombreuses acquisitions.<br />

Il a ensuite occupé le poste<br />

de directeur général aux<br />

ressources humaines jusqu’à<br />

son départ en juillet 2011.<br />

1981<br />

Constructions Laperrière & Verreault Inc.<br />

Souvent, Bonne Étoile devenait une Bleue, la couleur de la<br />

compagnie et surnom des employés très impliqués, pour aller en<br />

personne vitement régler sur place tel ou tel problème ici, là ou<br />

ailleurs…<br />

— <strong>Laurent</strong>, pour bien faire les choses, il faudrait que je puisse<br />

faire mes constructions dans une unité corporative séparée<br />

des autres. Laperrière & Verreault, c’est surtout les<br />

pâtes et papiers ; les Vieilles Forges, c’est de l’usinage de<br />

composantes ; je pourrais compléter avec une troisième<br />

compagnie. Ça officialiserait ce qui se fait déjà sur le terrain.<br />

Du technicien en instrumentation qu’il était au départ, Louis<br />

était vraiment devenu « l’homme de la construction » pour<br />

nous. Il avait raison pour cette nouvelle compagnie.<br />

— As-tu des idées sur la manière dont ça se bâtirait, cette<br />

corporation-là ?<br />

— Pour ça, c’est toi le spécialiste ! Moi, je pense qu’une compagnie<br />

propriété de Laperrière & Verreault pourrait s’appeler<br />

simplement Constructions Laperrière & Verreault, et<br />

être incorporée avec nous et quelques employés actionnaires.<br />

Guy Croteau est intéressé. Cette compagnie-là serait<br />

responsable des contrats de construction, chez nos clients<br />

qui veulent installer les machines à papier fabriquées par<br />

Laperrière & Verreault et bâties aux ateliers de la SFVF, ou<br />

pour toute autre clientèle industrielle ou institutionnelle.<br />

C’est gagnant pour tout le monde. Et la compagnie serait à<br />

Québec, proche de chez moi.<br />

Alors nous avons créé Constructions Laperrière & Verreault<br />

Inc. en 1981 ! Puis, quelques mois plus tard :<br />

— <strong>Laurent</strong>, j’ai des ennuis avec l’entreprise qui fait la paye<br />

et notre comptabilité informatique, ici à Trois-Rivières. Ils<br />

veulent être payés avant d’avoir livré le travail !<br />

Saisir le sort<br />

81


82 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Qu’en penses-tu ? C’est toi le comptable, Bill.<br />

— J’en pense qu’ils sont en difficultés financières et qu’on va<br />

les perdre bientôt. On a besoin d’eux, on a surtout vraiment<br />

besoin de leur ordinateur pour nos suivis comptables,<br />

et toutes nos données sont là. Ça coûte des cent mille piastres<br />

ces ordinateurs-là… On devrait acheter l’entreprise :<br />

on aurait les experts, leurs clients et leur machine.<br />

Alors nous avons acquis en 1981 les actions de cette petite<br />

corporation, Les Services Maxi-Plus Inc. ! En quelques mois,<br />

Bill Saulnier avait renfloué l’entreprise en vendant des services<br />

comptables et de support informatique ailleurs dans la région,<br />

au point qu’elle était profitable, très profitable même. On n’a<br />

jamais su véritablement pourquoi, mais c’est peut-être pour<br />

cette raison que les bureaux de Maxi-Plus sur le boulevard<br />

Thibeau à Cap-de-la-Madeleine étaient surnommés « la maison<br />

bonbon » par tout le monde dans la compagnie !<br />

Laperrière & Verreault tournait bien. Avec ces créations et<br />

acquisitions de compagnies, nous avions solidement structuré<br />

nos différentes activités et nous pouvions faire face à la plupart<br />

des contrats. Toutefois, parmi tous nos services, le secteur<br />

Fabrication peinait à suivre le rythme. La pression était forte<br />

sur la Société de Fabrication des Vieilles Forges et nous devions<br />

assurer la qualité et la continuité de ces opérations, essentielles<br />

pour soutenir les autres.<br />

Nous avons alors acquis en Mauricie une petite entreprise<br />

d’usinage, Massicotte & Arcand à Trois-Rivières, bientôt<br />

revendue, et une de micro-informatique, Ormique. L’atelier<br />

n’était pas assez grand et gros, mais les exercices administratifs<br />

et financiers des achats et de la revente permettaient de<br />

nous « faire la main » sur les acquisitions, de mesurer nos réels<br />

besoins en matière de fabrication, et au passage de réaliser aussi<br />

des profits sur la transaction.


Yvon L’Heureux était<br />

mécanicien industriel à la<br />

Société de Fabrication des<br />

Vieilles Forges. Il s’est joint à<br />

l’équipe de GL&V au moment<br />

de la fusion avec la SFVF en<br />

1986. Il a été impliqué dans<br />

le processus d’intégration de<br />

plusieurs acquisitions et a<br />

terminé sa carrière chez GL&V<br />

comme président du groupe<br />

Pâtes et Papiers en juin 2004.<br />

Ils sont comme des jeunes loups. Ils ont déjà fait leurs premiers jeux<br />

de louveteaux, d’apprentissage, et savent maintenant comment se<br />

pratique la chasse : l’observation de son environnement, l’importance<br />

de son appétit, la connaissance de ses forces et de ses moyens, la<br />

stratégie d’approche et surtout la patience. Bonne Étoile ne leur<br />

a rien enseigné de tout ça, c’était dans leur instinct, <strong>Laurent</strong> le<br />

premier. Mais Bonne Étoile était encore dans les environs.<br />

L’économie mondiale des années 1982 et suivantes a été heurtée<br />

de plein fouet par les politiques américaines des taux d’intérêt. Le<br />

Québec voisin n’y a pas échappé et le domaine des pâtes et papiers<br />

a énormément souffert du ralentissement, comme d’autres secteurs.<br />

Laperrière & Verreault a compris l’importance de diversifier son<br />

activité. <strong>Laurent</strong> cherchait toujours à grossir, il en sentait le besoin<br />

dans ses tripes, mais il fallait attendre que la meilleure proie se<br />

présente au chasseur pour que la chasse soit profitable…<br />

— Bon mes amis, je pense qu’on a trouvé la bonne, cette foisci<br />

! Ça s’appelle Les Industries Couture, c’est un gros atelier<br />

d’usinage à Chicoutimi. Je crois bien que c’est une belle<br />

occasion à beaucoup de points de vue. Yvon, veux-tu nous<br />

donner les détails ?<br />

Yvon L’Heureux a participé à l’étude détaillée du projet et au<br />

contrôle préalable.<br />

— Premièrement, avec cette acquisition, Laperrière & Verreault<br />

étend son territoire de présence en dehors de la Mauricie.<br />

Le Saguenay-Lac-Saint-Jean est aussi une bonne région<br />

industrielle, et Couture est bien positionné dans son milieu.<br />

Deuxièmement, on achète aussi leurs clients et leur carnet<br />

de commandes. Dedans, il y a des pâtes et papiers bien sûr,<br />

mais aussi de la baie James avec des composantes de barrages<br />

hydroélectriques, de l’aluminerie Alouette à Sept-Îles et<br />

Alumax à Deschambault. Ces trois-là sont parmi les plus<br />

grands chantiers au pays en ce moment.<br />

Saisir le sort<br />

83


Alors, nous avons acquis Les Industries Couture Ltée en 1987,<br />

une grosse entreprise de très bonne réputation, avec près de deux<br />

cents employés et un chiffre d’affaires annuel de plusieurs dizaines<br />

de millions de dollars. Couture nous ouvrait aussi la voie d’autres<br />

domaines d’activité industrielle comme les barrages hydroélectriques<br />

et les stations de génération d’énergie, les alumineries et<br />

tout le savoir-faire d’ingénierie que ces secteurs demandaient.<br />

Nos ateliers de Trois-Rivières et Chicoutimi pourraient tourner à<br />

plein régime pendant plusieurs années.<br />

Je n’avais pas hésité à payer Couture un peu plus cher que sa<br />

réelle valeur. Notre appel à l’épargne publique de l’année précédente<br />

avait obtenu de très bons résultats et nous avions les<br />

moyens financiers nécessaires. J’avais en plus le sentiment qu’il<br />

fallait commencer par grandir au Québec avant de peut-être<br />

entreprendre le reste de l’Amérique plus tard.<br />

Je commençais donc à avoir fait le tour de notre jardin au<br />

Québec, pour construire les assises de la compagnie. Il me restait<br />

quand même un cadeau que je voulais me faire depuis plusieurs<br />

années, un petit bijou historique dans ma région : héritière de<br />

la Compagnie canadienne des conduites d’eau, une fonderie de<br />

tuyaux datant de 1890, la Canada Iron Co.<br />

Connue depuis sous le nom de Canron et située à la vieille usine<br />

de Trois-Rivières qui jouxtait la fonderie, leur division Mécanique<br />

prenait de gros contrats de fabrication de machinerie et de pièces<br />

pour les papetières. Notre atelier du 3100 Westinghouse était<br />

trop petit pour ces fabrications-là. Avec nous, Canron complétait<br />

Les Industries Couture, ils se supportaient l’un l’autre. Nous<br />

avons acquis la division en décembre 1989.<br />

La fonderie était fermée depuis sept ans mais l’atelier d’usinage<br />

fonctionnait bien. C’était les propriétaires de la maison mère<br />

qui ne fonctionnaient pas : une gestion supérieure conservatrice,<br />

cravatée, basée en Ontario, tout en anglais, tout pensé<br />

84 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Michel Gélinas s’est joint à<br />

l’équipe de GL&V au moment<br />

de l’acquisition de Canron,<br />

en 1989. Il a occupé le poste<br />

de directeur général de la<br />

division Fabrication, à Trois-<br />

Rivières, de 1989 à 1993,<br />

puis des Ateliers Allibe, en<br />

France, de 1993 à 1995. Il est<br />

aujourd’hui vice-président<br />

à l’approvisionnement<br />

international pour le groupe<br />

Pâtes et Papiers.


<strong>Laurent</strong> Verreault au<br />

3100, rue Westinghouse, à<br />

Trois-Rivières<br />

CANRON<br />

1989<br />

1986<br />

Groupe Laperrière & Verreault Inc.<br />

et décidé d’avance depuis des dizaines d’années qu’ils avaient<br />

toujours fait comme ça. Le directeur de l’usine, Michel Gélinas<br />

ne pouvait presque rien faire sans demander en haut à Toronto.<br />

Nous n’avons jamais fonctionné comme ça chez Laperrière &<br />

Verreault, nous sommes des entrepreneurs particulièrement<br />

dynamiques et ils ont été un peu surpris de la nouvelle façon<br />

de gérer…<br />

Les premiers temps, j’allais rencontrer Michel régulièrement<br />

pour discuter du fonctionnement de l’usine « sur le plancher »,<br />

et des projets. Un matin, un des employés est entré dans son<br />

bureau :<br />

— Monsieur Gélinas, notre fameux chariot élévateur est<br />

encore brisé. Ça va de nouveau coûter quatre mille dollars<br />

pour le faire réparer, mais ça nous prend une approbation.<br />

— Est-ce qu’on peut s’en passer un peu ? lui a demandé Michel.<br />

Saisir le sort<br />

85


86 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Pas longtemps, il n’y en a toujours que trois, a répondu<br />

l’employé.<br />

— Voyez-<strong>vous</strong>, monsieur Verreault, je budgète un chariot neuf<br />

depuis trois ans dans mes prévisions envoyées à Toronto.<br />

Jamais de réponse…<br />

— Quel âge a-t-elle, cette machine ?<br />

— Ah ! Au moins quinze ans. On met dessus cinq à six mille<br />

dollars par année, en réparations, pour la tenir en vie, mais<br />

toujours vieille.<br />

— Combien ça coûte, un chariot neuf ? ai-je demandé à<br />

Michel.<br />

— Vingt à vingt-deux mille…<br />

— Achète un chariot neuf. Oui, oui, t’as bien compris, un<br />

chariot neuf.<br />

Ça avait pris trente secondes au lieu de trois ans, et nous n’étions<br />

même pas encore propriétaires officiellement !<br />

Dans le domaine des acquisitions, c’est une manière de faire<br />

chez <strong>Laurent</strong> Verreault : il faut agir vite et bien, en tous domaines<br />

de l’entreprise, pour que les employés se rendent compte<br />

tout de suite qu’ils ont des nouveaux propriétaires et des nouveaux<br />

patrons. C’est plus facile comme ça de perdre les mauvaises<br />

habitudes ou de modifier les procédures qui ne conviennent<br />

plus à la nouvelle gestion.<br />

Canron Inc. est rapidement devenue Fabron Inc., une contraction<br />

de Fabrication et Canron. Dix à douze millions de dollars<br />

de machines et d’outils ont été remplacés en quatre mois ;<br />

l’année suivante, nous introduisions chez Fabron et chez<br />

1989<br />

ATELIERS FABRON INC.


<strong>Laurent</strong> Verreault au milieu des<br />

années 1980<br />

Couture les machines à contrôle numérique, pour nous assurer<br />

de rester les meilleurs et les majeurs en qualité et efficacité.<br />

L’extérieur des bâtiments aussi a été rénové et restauré à coups<br />

de cent mille dollars dans l’année qui a suivi l’acquisition, pour<br />

embellir à la fois le moral des employés et l’entrée de la ville,<br />

et pour souligner qu’il y avait ici maintenant cette nouvelle<br />

manière de faire.<br />

Finalement, avec tous ces mouvements d’acquisitions, ces<br />

créations d’entreprises et une force humaine qui est passée du<br />

simple au triple entre 1980 et 1989, nous n’avons jamais eu<br />

d’excédent d’espace à louer au 3100 Westinghouse !<br />

Saisir le sort<br />

87


Bienvenue chez<br />

les grands I :<br />

le Groupe<br />

Laperrière &<br />

Verreault Inc.


Les cinq ou six dernières années avaient été plutôt difficiles,<br />

malgré nos nombreuses acquisitions et créations<br />

d’entreprises, et la croissance que la compagnie affichait. Les<br />

taux d’intérêt étaient tout à fait hors de contrôle, à la hausse<br />

à près de 20 %. Nos filiales – Laperrière & Verreault de<br />

1975, la Société de Fabrication des Vieilles Forges de 1978,<br />

Constructions Laperrière & Verreault de 1981 et Les Services<br />

Maxi-Plus de 1981 – avaient des contrats lucratifs, mais aussi<br />

des dettes à court et long termes. Quand bien même nos<br />

marges brutes de profits seraient à 30 %, si nous déboursons<br />

près de 20 % en intérêts et 10 ou 12 % pour l’administration,<br />

nous travaillons pour rien et parfois moins que rien.<br />

Au milieu des années 1980, nous avions fait tout ce qui était<br />

possible pour augmenter les revenus et limiter les dépenses,<br />

incluant réduire tous nos salaires de 20 %. Même le personnel<br />

administratif au 3100 se résumait à l’essentiel René L’Heureux.<br />

En 1984 et 1985, dans ce creux de vague budgétaire, j’ai pris le<br />

temps de jongler très sérieusement…<br />

Au départ, il n’était vraiment pas financier de haute voltige. Il<br />

l’est devenu avec l’instinct et le temps mais à la base, c’est un gars<br />

d’action, de métier, de terrain, sans les diplômes des grandes écoles<br />

de finance ou de commerce. Les rouages savants, ce qui s’appelle<br />

« faire de l’argent », « faire des placements », ou utiliser le crédit<br />

lui étaient étrangers. Mais c’est <strong>Laurent</strong> Verreault : un visuel qui<br />

comprend vite !<br />

Il y a quelques années, quand Bernard Lemaire lui parlait d’émission<br />

publique, d’actions ordinaires et privilégiées, de plus-value,<br />

de grossir grâce à l’argent des autres, il écoutait en silence, attentif.<br />

Il était question de régime gouvernemental d’épargne-actions,<br />

de prendre de l’expansion, de compagnies qui croissent et d’autres<br />

jolies choses du genre. <strong>Laurent</strong> est peut-être un visuel, mais il n’est<br />

pas sourd…<br />

Saisir le sort<br />

89


90 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

… Je ne peux pas rester ici et attendre que ça bouge… Si je<br />

n’avance pas, je recule. Parce que les autres marchent à côté<br />

de moi, vers l’avant… Si je reste petit, je meurs, c’est simple.<br />

J’en ai trop vu des comme ça… Où nous en sommes rendus,<br />

nous avons absolument tout ce qu’il nous faut pour progresser,<br />

incluant nos soixante-quinze employés et les meilleurs associés<br />

et actionnaires…<br />

— Bill, viens me voir dans mon bureau tout de suite.<br />

— <strong>Laurent</strong>… C’est parce que l’argent ne pousse pas dans les<br />

arbres vois-tu, et il faut lui laisser du temps pour…<br />

— Go, go, go ! Bill, il faut que tu nous bâtisses un plan pour<br />

sortir de ce creux-là. Écoute bien : dans le temps, Bernard<br />

Lemaire me parlait du marché public, d’être coté en<br />

bourse…<br />

C’est alors que Laperrière & Verreault, notre bonne vieille<br />

affaire de 1975 est devenue en mars 1986 le Groupe Laperrière<br />

& Verreault, après avoir fusionné ses deux principales filiales,<br />

la Société de Fabrication des Vieilles Forges et les Services<br />

Maxi-Plus. Pour notre troisième compagnie, les Constructions<br />

Laperrière & Verreault, il y avait d’autres plans.<br />

Bien sûr, tous les associés échangeaient leurs actions dans les<br />

filiales pour des actions dans la nouvelle GL&V au prorata,<br />

et demeuraient à une position similaire sur l’organigramme<br />

de la nouvelle corporation. Nous avions réfléchi à une structure<br />

du capital-actions souple qui nous permettait de vendre<br />

les actions nécessaires pour obtenir l’argent nécessaire, tout ça<br />

mais pas plus. Les actionnaires d’origine, Jean, Louis et moi,<br />

avons décidé de conserver la possibilité de vendre notre part de<br />

la compagnie et de ne pas signer de convention d’actionnaires,<br />

ce qui était pourtant la mode. Chacun des trois mousquetaires<br />

pouvait donc se séparer du groupe, pour la raison qui lui


Bill Saulnier a occupé le<br />

poste de vice-président et chef<br />

des opérations financières<br />

jusqu'à son départ en<br />

décembre 2004. Il s'est<br />

joint à l'équipe de GL&V au<br />

moment de la fusion avec<br />

la compagnie Les Services<br />

Maxi-Plus.<br />

appartenait. Aucun n’a jamais vendu mais nous avions cette<br />

liberté, qui nous a aidés à rester solidement soudés.<br />

Nous avions une sorte de gêne personnelle à imaginer GL&V à<br />

ce moment parce qu’on ne connaît pas l’avenir. Dans ce tempslà,<br />

nous étions un peu comme devant un « vilain petit canard »<br />

qu’on ne peut pas deviner être ce qu’il est devenu aujourd’hui.<br />

De toute manière, nous devions travailler avec ce que nous<br />

avions entre les mains et surtout avec prudence, sans penser<br />

trop loin ni trop gros. Dans cette réorganisation corporative<br />

et administrative plutôt simple, nous venions de changer de<br />

voiture, pas pour un bolide mais pour une plus neuve, plus<br />

grande, plus puissante, plus confortable.<br />

Saisir le sort<br />

91


92 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Certainement plus gourmande aussi en carburant, mais nous<br />

connaissions la pompe à essence la plus commode : la « manière<br />

de générer de l’argent » dont me parlait sans cesse Bernard<br />

Lemaire est de faire appel à l’épargne publique en inscrivant la<br />

compagnie en bourse.<br />

Nous avions la chance à ce moment de pouvoir aussi nous<br />

inscrire au nouveau Régime d’épargne-actions du gouvernement<br />

du Québec. Cette disposition fiscale permettait depuis<br />

1979 aux petits épargnants d’acheter des actions de compagnies<br />

et de payer moins d’impôt sur l’argent placé. Jusqu’en<br />

1986, le REA avait généré près de deux milliards de dollars de<br />

financement privé pour l’ensemble du Québec entrepreneurial.<br />

Nous avions des projets d’acquisition de nouveaux équipements<br />

et de propriété intellectuelle, nous avions besoin d’argent<br />

frais. Sur les conseils de Bernard Lemaire, nous sommes donc<br />

devenus une société publique, inscrite en bourse à Montréal.<br />

Nous avons émis un million d’actions valant chacune quatre<br />

dollars, en espérant en vendre le plus possible, bien sûr. Nous<br />

étions certains de la qualité de notre produit.<br />

Le changement majeur dans le fait de devenir une société<br />

publique est l’arrivée d’un conseil d’administration. Ce groupe<br />

de « sages » est élu parmi les actionnaires pour conseiller les<br />

dirigeants de l’entreprise : nous restons les patrons dans<br />

l’opération quotidienne, mais nous devons respecter les<br />

orientations à long terme et les décisions de nos guides. C’est<br />

un peu plus lent mais on peut aller plus loin en profitant du<br />

flair, des connaissances et du savoir-faire des administrateurs.<br />

Le conseil pourrait aussi servir de coussin entre les trois coqs<br />

en action ! Disons que Jean, Louis et moi avons chacun notre<br />

caractère fort, impulsif et parfois explosif. Le frottement des<br />

ego pour la prise de décisions crée souvent des étincelles…<br />

et même souvent du feu !


Bill Saulnier, Louis Laperrière,<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et Jean<br />

Desbiens au moment du<br />

premier appel public à<br />

l’épargne de GL&V le 7 juillet<br />

1986<br />

— René, viens me voir dans le bureau tout de suite.<br />

Nous étions réunis Louis, Jean, Bill et Robert Dorion notre<br />

avocat, avec les représentants du courtier dans un petit bureau<br />

à la Bourse de Montréal. Nous avions l’air plutôt sérieux.<br />

— <strong>Laurent</strong>, si c’est pour arranger en groupe votre engueulade<br />

au sujet de… René nous connaît bien et sait plaisanter pour<br />

détendre l’atmosphère.<br />

— Non, non ! Le courtier Lévesque Beaubien nous a remis un<br />

chèque pour nous payer les actions que nous avons vendues<br />

en bourse.<br />

Saisir le sort<br />

93


94 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Ah ? Et à votre air, je dois deviner si c’est un succès ou si on<br />

a raté notre cible ? a demandé René, terre-à-terre.<br />

— Tu verras bien. Comme tu restes le seul employé de bureau,<br />

c’est toi qui vas aller déposer ce chèque à la banque. Bill,<br />

donne-lui.<br />

René a pris le chèque et l’a regardé longuement. Je pense me<br />

rappeler qu’il est devenu pâle un petit peu, et qu’il a ensuite<br />

ouvert un grand sourire, avec des yeux pétillants, très impressionné<br />

qu’il était.<br />

René allait déposer dans notre compte bancaire un chèque de<br />

quatre millions de dollars ! Mettons que moins les frais de courtage,<br />

d’avocats et de comptables, il en resterait trois millions<br />

six cent mille. C’était encore l’époque où nous recevions un<br />

excitant chèque en papier, alors que toutes les transactions sont<br />

aujourd’hui numériques et virtuelles…<br />

Moi aussi, j’étais impressionné. J’étais surtout très honoré que<br />

tant de monde au Québec considère que nos résultats du passé<br />

soient assez bons pour qu’on nous fasse confiance à ce point<br />

pour l’avenir. C’était un immense honneur pour notre travail à<br />

tous : un million d’actions ordinaires émises, dont une grosse<br />

partie avait été vendue dans le grand public. La presque totalité<br />

de nos employés, qui avaient comme de raison la plus grande<br />

confiance en leur entreprise, en avait acheté aussi, avec l’aide<br />

du club social de GL&V et d’un programme d’encouragement<br />

créé par nous.<br />

Avec les conseils de notre avocat Robert Dorion, nous avions<br />

aussi privilégié la rétention des porteurs d’actions par la possibilité<br />

de profits à moyen et long terme, en émettant des actions<br />

ordinaires et à votes multiples. Comme détenteurs d’un bloc<br />

important de titres, nous réussissions à conserver le contrôle de


Louis Laperrière, <strong>Laurent</strong><br />

Verreault et Jean Desbiens<br />

à la Bourse de Montréal au<br />

moment du premier appel<br />

public à l’épargne de GL&V<br />

la corporation mais sans léser les actionnaires et les financiers.<br />

Je préférais cela aux promesses de résultats immédiats pour un<br />

petit actionnaire, par l’écoulement de ses actions.<br />

Je conserverai la gêne de raconter la mémorable fête trop bien<br />

arrosée qui s’est déroulée chez moi, autour de la piscine pour<br />

souligner l’événement. Je rappellerai seulement que j’en ai<br />

profité pour remettre à chacun, avec beaucoup de fierté, son<br />

certificat d’actionnaire numéroté que j’avais fait émettre en<br />

souvenir et reconnaissance de notre première réussite dans le<br />

domaine public.<br />

Saisir le sort<br />

95


Bienvenue chez<br />

les grands II :<br />

Hydro-Mécanique<br />

Inc.


De nous trois associés, Jean Desbiens était le Einstein de<br />

la mécanique, le petit génie qui savait toujours régler un<br />

problème technique et mettre au point l’innovation nécessaire<br />

à faire le travail, peu importe le défi. Jean a construit son propre<br />

avion et l’a utilisé pour ses loisirs aéronautiques, c’est tout<br />

dire…<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault, c’est l’homme de la situation pour gérer la<br />

boutique, sur place à Trois-Rivières mais aussi partout dans le<br />

monde, avec charisme et entregent. Un très bon technicien<br />

en instrumentation, mais surtout visionnaire et stratège de la<br />

compagnie.<br />

Quant à Louis Laperrière, c’est le bâtisseur, le meneur d’hommes<br />

et de chantiers. Il a une vision très différente de la mienne<br />

sur la gestion des affaires : autant que moi, il est un gars d’action<br />

et de terrain, mais privé, gestionnaire de son propre budget<br />

et de ses activités. Je comprends très bien que Louis ait pu<br />

être dérangé par la venue de GL&V à la bourse en 1986, où<br />

d’une certaine manière la compagnie a maintenant des comptes<br />

à rendre au conseil et à ses actionnaires.<br />

Louis a dirigé des chantiers immenses avec les Constructions<br />

Laperrière & Verreault, qui en comparaison, n’était pas une<br />

grosse compagnie. Pas assez grosse pour la pointure de Louis en<br />

tout cas. En 1986, Cascades avait acquis de ITT Rayonier la très<br />

grosse usine désaffectée de pâte à papier de Port-Cartier sur la<br />

Côte-Nord, et nous en avait confié la réfection. Constructions<br />

Laperrière & Verreault, capitaine Laperrière, ses seconds Guy<br />

Croteau et Ghislain Roy et leurs dizaines d’employés ont pris le<br />

chantier exceptionnel à bras-le-corps. Vers la fin des travaux, à<br />

l’été 1988, Louis invite ses deux amis et associés à la pêche pour<br />

s’accorder du repos, loin au nord de Natashquan.<br />

Saisir le sort<br />

97


98 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— <strong>Laurent</strong>, ce monsieur est ton guide pour la fin de semaine.<br />

Jean, celui-ci est le tien et celui-là est mon guide à moi. Les<br />

lacs sont immenses ici, on ne pêchera pas ensemble et on<br />

ne peut pas y aller sans notre guide.<br />

— C’est parfait comme ça si tu le dis, ai-je répondu à Louis.<br />

Monsieur le guide, il n’est que quatre heures de l’aprèsmidi,<br />

si on allait jeter un coup de ligne ?<br />

— Non, m’a-t-il répondu. On soupe tantôt, dans une heure<br />

et demie.<br />

— Ah… Bon… Alors nous irons après le souper !<br />

— Non. Ici on ne pêche pas après le souper.<br />

J’étais un peu surpris, bientôt bougon…<br />

— Parfait alors. Je me lève toujours très tôt, le soleil aussi à<br />

cette période de l’année : nous irons pêcher un coup vers<br />

cinq heures.<br />

— Non. On déjeune à huit heures. On ira pêcher après.<br />

Louis nous avait emmenés dans un piège ?<br />

Encore une fois, j’étais trop pressé ! Louis nous avait emmenés<br />

au paradis des pêcheurs de truite mouchetée, c'était la pêche<br />

miraculeuse, nous avions fait le plus beau des voyages et nous<br />

étions d’excellente humeur. Il préparait son terrain. Dans<br />

l’hydravion du retour, il nous a lancé sa ligne :<br />

— Je termine bientôt deux très grosses années de travail ici<br />

à Port-Cartier. Je reviens à Trois-Rivières les mains vides,<br />

sans contrats, sans carnet de commandes, avec des hommes<br />

à faire vivre. C’est toujours comme ça et ça ne peut<br />

plus durer.


Rencontre au sommet :<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et Brian<br />

Mulroney, lors d'une visite<br />

officielle du premier ministre<br />

à Trois-Rivières au début des<br />

années 1990<br />

— Non, tu as raison. Nous savons bien que Constructions<br />

Laperrière & Verreault est une source importante de revenus<br />

pour GL&V, dont on ne peut pas se priver pour les<br />

années à venir, même si on sort lentement de la récession.<br />

As-tu quelque chose à proposer ?<br />

— Mon voisin à Beaupré me vendrait peut-être sa compagnie,<br />

qui me donnerait une équipe fonctionnelle, permanente, des<br />

clients, un carnet rempli, des ingénieurs. Hydro-Mécanique<br />

est spécialisée dans le traitement des eaux, un domaine que<br />

nous n’avons pas exploré encore mais qui est parent des<br />

pâtes et papiers. Je propose d’acquérir Hydro-Mécanique et<br />

de fusionner les Constructions Laperrière & Verreault.<br />

Saisir le sort<br />

99


100 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Tu déménagerais tout à Trois-Rivières ? Nous serions tous<br />

au 3100 ?<br />

— Pas du tout. Cette nouvelle compagnie resterait à Neufchâtel,<br />

proche de chez moi, mais avec un bureau chez GL&V<br />

à Trois-Rivières. On continue comme avant, mais j’ai mon<br />

propre cheval à ma taille…<br />

Louis est décidément un mousquetaire différent ! Tous pour un,<br />

un pour tous, mais si ça se peut aussi, un pour un. Et pourquoi<br />

pas, si tout le monde y gagne. Éloigner les coqs l’un de l’autre<br />

était aussi une très bonne idée, chacun dans sa spécialité et sur<br />

son territoire.<br />

Alors nous avons acquis Hydro-Mécanique Inc. à Neufchâtel<br />

en octobre 1988. Sans savoir mesurer à ce moment la véritable<br />

« Pas question de quitter<br />

Trois-Rivières pour le groupe<br />

Laperrière et Verreault »,<br />

répercute Le nouvelliste,<br />

8 octobre 1988.


Hommage à <strong>Laurent</strong><br />

Verreault,<br />

25 février 1989<br />

Robert Dorion, Pierre Pagé,<br />

Paul Philibert, Gaetan Perrin,<br />

Jean Desbiens, Bill Saulnier,<br />

Suzan Blanchet, Vic Croteau<br />

et <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

signification de ce mouvement, nous entrions par la grande<br />

porte dans le domaine de la construction et de l’ingénierie de<br />

systèmes de traitement des eaux municipales et industrielles et<br />

de stations de production d’énergie.<br />

Dans cette acquisition, Louis avait eu le flair de la diversification<br />

nécessaire des opérations de GL&V. Nous nous libérions<br />

un peu des cycles de rentabilité inégale des papetières,<br />

pour profiter à plein des grands chantiers québécois des années<br />

1990, en parallèle des Industries Couture, acquises en 1987.<br />

Hydro-Mécanique a généré des chiffres d’affaires et des profits<br />

extraordinaires, qui ont véritablement fait la différence pour<br />

GL&V à partir de ce moment et pour quelques années. Ces<br />

énormes liquidités nous ont permis de financer des acquisitions<br />

de compagnies en dehors du Québec, qui nous ont<br />

lancés à la conquête de l’Amérique. En même temps chez nous,<br />

que ce soit à St-Raymond Paper dans Portneuf, à la centrale<br />

Saisir le sort<br />

101


102 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

thermique d’Hydro-Québec aux Îles-de-la-Madeleine ou sur<br />

d’autres contrats de moindre importance, Louis et son équipe<br />

étaient reconnus pour l’excellence de leurs services, notamment<br />

en ingénierie avec sa grande équipe et en contrôles électriques<br />

avec Ghislain Roy. Cette excellence allait parfaitement dans le<br />

sens de notre ligne de pensée.<br />

Toutefois, malgré plus de vingt ans d’amitié et de complicité,<br />

qui nous appartiennent personnellement, Louis reste un mousquetaire<br />

différent. Notre association commerciale et corporative<br />

était destinée à prendre des directions séparées, surtout que<br />

chacun avait désormais son cheval.<br />

En 1999, Hydro-Mécanique développait son expertise dans<br />

la construction industrielle spécialisée alors que GL&V avait<br />

résolument pris son envol sur les marchés nord-américain et<br />

européen de l’équipement et services aux papetières et de la<br />

séparation des solides et des liquides.<br />

À la demande de Louis, le Groupe Laperrière & Verreault lui a<br />

vendu la totalité des actions d’Hydro-Mécanique Inc. ; il reprenait<br />

ainsi toute la latitude souhaitée de sa propre expertise, il<br />

prenait sa propre route.<br />

On a bien compris que <strong>Laurent</strong> est un « mousquetaire différent »<br />

lui aussi ! Louis gérait des projets terre-à-terre et des chantiers<br />

complexes, ponctuels et lucratifs, à sa manière privée ; <strong>Laurent</strong> doit<br />

gérer le développement espéré d’une compagnie à filiales redevable<br />

aux expectatives à long terme de ses actionnaires. Assurément<br />

un jour, les visions et décisions personnelles d’investissement ne se<br />

rencontrent plus.<br />

Alors, avec chacun sa Bonne Étoile mais aussi leurs amis communs,<br />

les Bleus bien serrés autour d’eux, Louis et <strong>Laurent</strong> ont pris des<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault, Gilles<br />

Roberge, Jean Desbiens,<br />

Bernard Lemaire et Louis<br />

Laperrière, entre deux parties<br />

de golf en Floride


outes séparées. À Noël 1974 chez Louis, ils s’étaient engagés comme<br />

au pied de l’autel à vivre l’un et l’autre sans jamais demander.<br />

Ils en étaient rendus à respecter cette promesse.<br />

Bien sûr, comme dans chaque rupture, il y a des blessures et des<br />

peines, mais au-delà des ego puissants, ils ont su préserver ce qu’ils<br />

avaient bâti ensemble jusqu’alors, et leur flair commun dans la<br />

gestion à venir de GL&V puisque Louis restait actionnaire<br />

principal avec <strong>Laurent</strong> et Jean.<br />

Ils ont surtout réussi à préserver l’essentiel, leur profonde amitié.<br />

Aujourd’hui, en compagnie de Bernard Lemaire, ils passent leurs<br />

hivers à jouer au golf ensemble et gagent un dollar du trou... qu’ils<br />

perdent plus souvent qu'à leur tour.<br />

Saisir le sort<br />

103


Prendre d’abord<br />

l’Amérique


Les groupes<br />

dans le Groupe


En plus du coup de maître, joué en 1990 dans la transaction<br />

de Dorr-Oliver Canada, en achetant la dette plutôt<br />

que la compagnie, l’acquisition de cette entreprise était un<br />

coup d’accélérateur pour le Groupe Laperrière & Verreault.<br />

Depuis quatre ans – seulement ! – nous occupions une place de<br />

choix dans la fourniture de services aux papetières du Québec<br />

tout entier.<br />

Cette fois, en plus de sortir de notre territoire habituel pour<br />

mieux occuper l’est du Canada, nous prenions pied solidement<br />

dans le gigantesque domaine des mines et de leurs énormes<br />

besoins en séparation des solides et des liquides. Le principe de<br />

cette séparation est simple : une fois le minerai extrait du sol<br />

et concassé, il est lavé à l’eau. La boue contient alors trois éléments<br />

qu’il faut maintenant séparer : le produit minier convoité<br />

à recueillir précieusement, des déchets minéraux à éliminer soigneusement<br />

et de l’eau à retourner à la nature la plus propre<br />

possible. C’était là le défi du nouveau domaine technique dans<br />

lequel nous entrions avec Dorr-Oliver Canada.<br />

Ce nouveau groupe créé chez GL&V, appelé Procédés, fonctionnait<br />

davantage à base de propriété intellectuelle, de brevets,<br />

de dessins et de pièces de remplacement, que de machines à<br />

installer et d’ateliers de fabrication. Chez Dorr-Oliver, il a fallu<br />

faire un grand ménage et choisir entre les différentes technologies,<br />

pour séparer les nécessaires des inutiles. Nous gérions<br />

maintenant ici des milliers de plans et de dessins techniques,<br />

qui nous permettaient de reproduire en atelier ou en fonderie<br />

des pièces de rechange pour les machines de nos clients. Ceci<br />

était aussi nouveau pour GL&V et nous avions besoin d’une<br />

expertise en gestion d’informations que nous ne trouvions pas<br />

dans notre nouvelle compagnie.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

107


108 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Au printemps 1991, nous avons recruté celui qui nous accompagnerait<br />

à divers postes de commandement pour près de dix<br />

ans, Greg Bruyea. Ontarien, spécialiste de la vente et de la gestion<br />

des systèmes comptables intégrés dans la grande industrie,<br />

Greg était le meilleur homme pour diriger les destinées de<br />

Dorr-Oliver Canada. Il était aussi appelé à prendre bientôt en<br />

mains la présidence du groupe Procédés et celle de son proche<br />

cousin, les Pâtes et Papiers et ultimement de la Fabrication.<br />

Le défi était presque insurmontable.<br />

Pour Bonne Étoile bien sûr, de trouver un Bleu qui n’en était pas<br />

véritablement un, de recruter un TLM qui n’avait pas été trempé<br />

tout petit dans la marmite… Bon, justement les ressources humaines<br />

sont pleines de ressources, et la perle fut trouvée.<br />

Le défi était presque insurmontable aussi pour ce nouveau directeur<br />

général ! Par contre, il a tout de suite compris l’ampleur de<br />

la tâche et bien mesuré la hauteur de la montagne à gravir que<br />

lui montrait GL&V. Étant Ontarien, il s’intégrait sans peine à la<br />

culture de l’équipe en place. Homme calme et posé, tout à l’envers<br />

du fougueux et instinctif <strong>Laurent</strong>, il devait lui faire beaucoup de<br />

bien en pondérant les décisions difficiles et prévenant les actions<br />

explosives.<br />

Chez Dorr-Oliver Canada, Greg devait remplacer du jour au lendemain<br />

un directeur général de très longue expérience, issu « de la<br />

boîte » et faisant presque partie des meubles. Il a gagné la confiance<br />

des employés avec sa droiture et sa fermeté en affaires, mais aussi<br />

avec sa sensibilité et l’esprit de corps dont il a fait preuve avec le<br />

personnel.<br />

Avec ces mêmes qualités, Greg a aussi obtenu la confiance et l’essentielle<br />

complicité de <strong>Laurent</strong>. Il a toujours veillé au moment présent,<br />

et sur de nombreuses autres situations complexes, à venir au cours<br />

de la prochaine décennie.<br />

Directeur général de Dorr-<br />

Oliver Canada, Greg<br />

Bruyea est par la suite<br />

devenu président des groupes<br />

Pâtes et Papiers, Procédés et<br />

Fabrication chez GL&V.


<strong>Laurent</strong> Verreault, Naissance<br />

d’un géant. Couverture de la<br />

revue Commerce, mai 1991<br />

Un avenir nouveau commençait à se profiler pour GL&V. Les<br />

années 1990 seraient résolument orientées vers la transformation<br />

et la croissance en Amérique du Nord des activités du<br />

groupe Pâtes et Papiers, qui constituaient déjà près de 70 % de<br />

notre chiffre d’affaires.<br />

L’état mondial du domaine papetier était très incertain dans ces<br />

années-là, pour ne pas dire en récession. Ma stratégie a été alors<br />

de prendre possession de presque tous les grands fournisseurs<br />

de services et d’équipement à l’industrie. De cette manière, en<br />

détenant l’essentiel de l’expertise, GL&V pouvait rationaliser le<br />

secteur commercial de l’équipement sans souci de concurrence,<br />

et surtout participer à la modernisation du parc de machines.<br />

Nous commencerions par l’Amérique du Nord, puis l’Europe<br />

pour gagner ensuite l’Asie par le biais de nos très grosses filiales.<br />

Par contre, dans cette « mondialisation » de notre groupe Pâtes<br />

et Papiers, je voulais bien conserver à Trois-Rivières, notre base<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

109


opérationnelle au Québec, son image de capitale du papier.<br />

En 1998, nous avons mis le grand savoir-faire et l’innovation<br />

de GL&V au service de l’industrie en fondant le Centre<br />

International de Couchage. Au passage, GL&V Construction<br />

obtenait le mandat de bâtir et d’équiper l’édifice.<br />

En partenariat avec Mintech Canada et J.M. Huber<br />

Corporation, fournisseurs de produits chimiques aux papetières,<br />

GL&V a conçu et construit une mini usine à papier ultra<br />

performante, avec laboratoires, machines et personnel très<br />

spécialisé. Les papetières et les chimistes du papier de partout<br />

au monde peuvent louer ce centre de recherche et développement,<br />

afin de tester la fabrication de nouveaux produits, de<br />

papiers en tout genre, dans le plus grand secret industriel. La<br />

plupart du temps, ces compagnies ne peuvent innover sur leurs<br />

propres machines, occupées à la production quotidienne.<br />

Sur la lancée de Dorr-Oliver Canada, le groupe Procédés<br />

prendrait bientôt de l’expansion avec l’acquisition de LaValley<br />

Industries dans l’Ouest américain, mais en ne générant que<br />

30 % d’activité au sein de GL&V. Sur le même modèle que les<br />

Pâtes et Papiers, nous allions prendre d’abord l’Amérique, puis<br />

le reste du monde.<br />

À l’inverse, les groupes Fabrication et Construction étaient appelés<br />

à diminuer, et même à disparaître. Assez tôt dans l’histoire<br />

de GL&V, j’avais compris qu’entretenir des ateliers, des usines,<br />

des fonderies et d’autres installations lourdes pour fabriquer<br />

des produits coûtait énormément en énergie et en argent et ne<br />

rapportait que peu. Il était plus économique à long terme de<br />

sous-traiter.<br />

Au sujet de la fabrication, Greg était de mon avis et ensemble,<br />

nous avons recentré nos activités sur la conception, le dessin et<br />

la mise en marché de nos produits, mais fabriqués par d’autres.<br />

110 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Cahier spécial « 15 ans<br />

d’excellence » dans l’Hebdo<br />

journal à l’occasion du<br />

15 e anniversaire de GL&V<br />

Cette décennie de 1990 verrait donc la vente ou la fermeture<br />

d’ateliers, presque toujours des divisions de compagnies acquises.<br />

Par exemple, la fonderie de Dorr-Oliver Canada à Orillia et<br />

la division Construction de LaValley ont été vendues en 1997.<br />

Nous n’avons conservé en fabrication que ce qui fait notre<br />

différence, que nous avons développée dès le début de notre<br />

histoire, c’est-à-dire notre spécialité dans la production de<br />

cylindres de machines à papier et d’autres pièces très ciblées.<br />

En matière de construction, il était aussi évident que ces<br />

activités ne cadraient pas dans le développement de l’entreprise.<br />

Notre associé dans GL&V Construction, Louis Laperrière,<br />

n’était que très heureux de prendre son envol, et nous de lui<br />

offrir une liberté d’action. En rachetant notre filiale Hydro-<br />

Mécanique, acquise en 1988, il avait tout le loisir de se concentrer<br />

sur son expertise et sa propre clientèle.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

111


En septembre 1990, <strong>Laurent</strong> avait goûté avec bonheur au vertige<br />

de l’acquisition réussie d’une très grosse entreprise canadienne,<br />

Dorr-Oliver. Durant les mois qui ont suivi, il a accueilli, guéri<br />

et intégré avec succès son petit « sauvageon » malade à GL&V en<br />

pleine expansion.<br />

Le groupe Pâtes et Papiers fonctionnait à fond, soutenu avec<br />

grande efficacité par la Fabrication et la Construction ; le nouveau<br />

groupe Procédés ouvrait désormais de formidables horizons<br />

de croissance.<br />

Son équipe de Bleus avait pris là une belle maturité dans<br />

l’expérience. L’énergie était à son maximum. Bonne Étoile savait<br />

bien que <strong>Laurent</strong> était prêt à partir à la conquête du monde, bien<br />

outillé, convaincu et volontaire, bien entouré, bien chaussé.<br />

112 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

C’était sans compter sur les petits cailloux dans les souliers…<br />

Laperrière & Verreault,<br />

« L'entreprise de l’année ».<br />

Première page du journal<br />

Les Affaires, 6 juillet 1991


Prendre d'abord l'Amérique<br />

113


Des années de<br />

mal de dos


Un exemple de petit caillou ? Voici celui d'un avant-midi<br />

particulier …<br />

— Vous avez juste à la fermer votre shop, monsieur Verreault.<br />

— Ouais ? Tu vas être surpris. Je veux une réunion avec les<br />

employés tout de suite.<br />

Une demi-heure avant le dîner, quelque part en janvier 1993.<br />

— Écoutez-moi bien. Il y a six mois, en juillet dernier,<br />

nous avons préparé notre stratégie ensemble et je <strong>vous</strong> ai<br />

demandé de la souplesse dans la convention collective pour<br />

assurer la compétitivité et la rentabilité de la compagnie,<br />

donc vos emplois. Hier, sur les conseils de votre centrale<br />

syndicale, <strong>vous</strong> avez voté à l’unanimité pour ne faire aucun<br />

changement. Votre délégué <strong>vous</strong> a dit : « Avec un vote fort,<br />

je vais le faire plier, Verreault. » Bien, je vais plier : je <strong>vous</strong><br />

annonce qu’à quatre heures aujourd’hui, la shop est fermée.<br />

Définitivement.<br />

Ça se passait aux Industries Couture à Chicoutimi.<br />

Un matin en juillet suivant, je visite un autre atelier.<br />

— Ah… Les temps sont durs… ‘coudonc’… On peut pas…<br />

— Il n’y a pas vraiment de problème là, ai-je répondu à ces<br />

vieux ouvriers. Si on gère tous ensemble, si on est partenaires,<br />

on va arriver à passer au travers des problèmes de<br />

rentabilité.<br />

— Ah ! Si <strong>vous</strong> n’êtes pas capable de la gérer votre shop, fermez là.<br />

— Ah ouais ? Regardez-moi bien aller…<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

115


À midi, j’avais mis GL&V Trois-Rivières en faillite. L’ancienne<br />

Canron Inc. acquise en 1989 et rebaptisée Fabron puis GL&V<br />

Trois-Rivières, devait beaucoup d’argent à sa maison mère<br />

depuis un an et demi. L’atmosphère syndicale, au conflit depuis<br />

des mois, n’aidait en rien à la relance nécessaire.<br />

Faillite. Très difficile pour tout le monde, à tous les échelons,<br />

mais fermé.<br />

Au moment de la mise en faillite, Michel Arseneault était<br />

représentant syndical chez GL&V Trois-Rivières. En septembre,<br />

cinq mois après, je l’avais convoqué en réunion.<br />

116 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Monsieur Arseneault, <strong>vous</strong> connaissez tout le monde ? Yvon<br />

L’Heureux, responsable de l’usine ; Gilles Morin, responsable<br />

des Ressources humaines.<br />

— Monsieur Gélinas est absent ? demanda-t-il.<br />

— Michel Gélinas est absent définitivement, il est maintenant<br />

responsable en France chez GL&V Allibe. Valère Morissette<br />

le remplacera bientôt.<br />

— Mais pour le moment, c’est toujours le syndic de faillite qui<br />

gère ici ? demanda Arseneault.<br />

— Plus depuis ce matin. C’est du passé : depuis mai, tous les<br />

contrats sont honorés, tout le monde a été payé, employés,<br />

fournisseurs. C’est moi maintenant le grand responsable de<br />

l’entreprise : la compagnie a racheté tous les actifs dans la<br />

faillite de GL&V Trois-Rivières. À partir d’aujourd’hui, ça<br />

s’appelle GL&V Fabrication Inc. Pour repartir l’entreprise,<br />

le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec ( FTQ ),<br />

de votre syndicat, est devenu actionnaire de la compagnie,<br />

donc <strong>vous</strong> les travailleurs êtes en partie propriétaires.<br />

Gilles Morin est entré<br />

chez GL&V en 1986 comme<br />

consultant en ressources<br />

humaines. Il est, par la<br />

suite, devenu directeur des<br />

ressources humaines.


Valère Morissette a débuté<br />

sa carrière chez GL&V<br />

en février 1991 comme<br />

directeur général de la<br />

division Fabrication à Trois-<br />

Rivières, puis de l’atelier de<br />

fabrication et de la fonderie<br />

de Hudson Falls. En 2005,<br />

il est devenu directeur<br />

général du premier bureau<br />

de GL&V en Chine jusqu’en<br />

2010. Il occupe maintenant<br />

le poste de vice-président<br />

à l’approvisionnement<br />

international pour le groupe<br />

Ovivo.<br />

Ensemble, nous avons refinancé solidement GL&V<br />

Fabrication, on repart.<br />

Nous avons recentré les activités de l’atelier GL&V Fabrication,<br />

désormais spécialisé dans le domaine des pâtes et papiers. Les<br />

récessions économiques, crises bancaires et difficultés des papetières<br />

étaient pour la plupart derrière nous ; les conflits avec le<br />

personnel, heureusement rares, se terminaient bien dans nos<br />

vieux calendriers.<br />

En mars 1994, nous avons eu la chance de revendre notre participation<br />

dans GL&V Allibe en France à quelqu’un de mieux<br />

préparé que nous à se faire une place en France.<br />

Nous avions acquis cette entreprise de Tullins, dans la région de<br />

Grenoble, en janvier 1993. Avec sa technologie et son réseau de<br />

clients, elle nous donnait accès au marché européen de l’équipement<br />

pour papetières.<br />

Notre stratégie s’est avérée un échec, probablement en raison<br />

des énormes et insurmontables différences de la culture entrepreneuriale<br />

française. Des années salariales de treize mois, une<br />

hiérarchie sociale difficile à vivre, des tracasseries de tribunaux<br />

administratifs et judiciaires, des pratiques bancaires inconnues<br />

de nous, un verbiage contractuel incompréhensible, une gestion<br />

du personnel tatillonne, stricte, susceptible et impossible à<br />

modifier, l’Administration, le comité d’entreprise, les anciens<br />

responsables, les syndicats, les vacances, les jours fériés… Tout,<br />

absolument tout était contre nous ! Nous avons eu la chance de<br />

revendre sans perdre trop d’argent !<br />

Ils <strong>vous</strong> diront que les seuls bons moments chez Allibe étaient lorsque<br />

Bonne Étoile conseillait à <strong>Laurent</strong>, à la veille d’exploser en<br />

réunion, de s’en aller cuisiner pour le groupe son fameux poulet au<br />

champagne avec Vincent Fortunato, chef propriétaire de l’Auberge<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

117


de Malatras. <strong>Laurent</strong>, Michel Gélinas, René L’Heureux, Bill<br />

Saulnier et le comptable Émile Guilbert habitaient cette auberge<br />

durant les négociations. Ils ont aussi de beaux souvenirs de bons<br />

repas et de superbes vins ; ils se rappellent également leurs collaborateurs<br />

français, l’avocat Roger Rebut, Bernard Habart et Marc<br />

Cohen, et des bons conseils « culturels » de Vincent sur la manière<br />

d’aborder les Français.<br />

<strong>Laurent</strong> aime les gens, et il s’entoure de gens qui aiment les gens.<br />

Impulsif, pressé, explosif parfois même, mais attentionné pour son<br />

personnel en général et compatissant avec ses collaborateurs en<br />

particulier.<br />

En 1994, <strong>Laurent</strong> est responsable d’entreprise depuis vingt ans. Il<br />

a été employé pendant quinze ans avant ça, il connaît la chanson.<br />

C’est le genre de dirigeant qui entre au travail le matin par la porte<br />

arrière, pour être certain de rencontrer « les gars », les Bleus dans<br />

l’atelier avant de monter au bureau, pour être attentif aux détails<br />

qui clochent. C’est lui qui leur offre une bière en fin d’après-midi<br />

le vendredi, à taquiner et parler de femmes ; le même <strong>Laurent</strong> qui<br />

s’assoit à leur bureau le matin avec un café et quelques blagues,<br />

pour s’assurer que tout va bien à la base, que les demandes et les<br />

suggestions de changements montent bien vers le haut. D’ailleurs,<br />

les portes de tous les bureaux sont toujours ouvertes, afin que l’information<br />

et les idées circulent en toute liberté de l’un à l’autre.<br />

Chez GL&V, personne n’aime les patrons, pas même les dirigeants<br />

de l’entreprise. Si quelqu’un doit dire quoi faire à un autre, c’est<br />

que celui-ci ne sait pas quoi faire. S’il ne sait pas quoi faire, pourquoi<br />

travaille-t-il pour nous ? À tous les niveaux, <strong>Laurent</strong> veut des<br />

responsables, pas des patrons, et quand les gens sont incapables de<br />

se prendre en main, d’être ni patron ni responsable de soi-même ou<br />

de rien, il explose…<br />

118 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Arrivé chez GL&V au moment<br />

de l’acquisition des Industries<br />

Couture en 1987, Émile<br />

Guilbert était directeur des<br />

services administratifs de<br />

GL&V Canada jusqu’en 1999.<br />

Le contexte industriel québécois et nord-américain des années<br />

1980 et 1990 avait été énormément malmené par des récessions<br />

classiques et techniques à répétition : 1981-1982, 1990-1991<br />

et 1995. Inflation galopante, taux d’intérêt frôlant les 20 %,<br />

taux de chômage à 15-16 %, crise bancaire, effondrement des<br />

cours, restructuration de l’économie, concurrence internationale,<br />

privatisation, déréglementation : c’est dans cette tempête<br />

que nous bâtissions GL&V !<br />

Nos banquiers, chez qui nous étions clients depuis des décennies,<br />

changeaient seuls les règles de notre jeu et nous faisaient<br />

des coups bas et des tracasseries incroyables. Ils décidaient<br />

par exemple que nos actifs, patiemment amassés sur leurs<br />

conseils, étaient dévalués et qu’ils ne pouvaient plus les prendre<br />

en garanties de prêt à la valeur que nous annoncions. Nous<br />

pouvions bien avoir mal au dos un peu à l’occasion, d’en avoir<br />

tant pris…<br />

Mais j’avais saisi le sort à deux mains en 1974 avec Jean et<br />

Louis, et il ne pouvait être question de reculer vingt ans plus<br />

tard. Ni même de rester sur un échec.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

119


Les Canadiens<br />

en France


Dans le bureau de l’agence, Bill avait de la fumée qui lui<br />

sortait des oreilles, malgré le froid humide de cet avantmidi<br />

de janvier 1993. Il était rouge comme un démon, il savait<br />

bien qu’il ne convaincrait pas le fonctionnaire et ne pourrait<br />

rien changer, mais il argumentait quand même avec l’énergie<br />

du gros bon sens québécois, pour évacuer sa pression…<br />

— Comment ça, mon argent est gelé ?<br />

— C’est comme ça, monsieur. Ce sont les pratiques de la banque.<br />

Votre argent est gelé pour trois jours, le temps des<br />

vérifications d’usage sur sa provenance, répétait le directeur<br />

de l’agence de Grenoble à la Banque Nationale de Paris en<br />

complétant ses papiers officiels en multiples copies.<br />

— Il n’est pas gelé, il est là sur le bureau ! C’est cent mille<br />

francs, pour couvrir nos frais de séjour ! Ils sont à moi, <strong>vous</strong><br />

m’avez vu arriver avec, ils proviennent de mes poches… Ce<br />

n’est pas un chèque ou une traite, c’est de l’argent comptant,<br />

des vrais billets français !<br />

— Monsieur est Canadien, nous sommes en France ici. Je suis<br />

désolé, monsieur, c’est le règlement. Ce formulaire maintenant…<br />

Paraphez, là et là…<br />

— Alors je vais reprendre cinq mille francs, pour vivre au<br />

moins pendant ces trois jours-là.<br />

— Vous ne pouvez pas, monsieur. Je <strong>vous</strong> répète que votre<br />

argent est gelé. Signez ici.<br />

— Le directeur de la Banque Nationale de Paris à Trois-<br />

Rivières <strong>vous</strong> a appelé, devant moi pour nous ouvrir les<br />

portes ici. Nous sommes annoncés. On ne nous connaît<br />

pas mais c’est tout comme. L’argent que je <strong>vous</strong> confie ici<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

121


122 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

arrive avec moi, dans ma valise, direct de notre compte de<br />

la Banque Nationale de Paris à Trois-Rivières !<br />

— C’est le règlement. Vous êtes à Grenoble ici, et je ne connais<br />

pas ce monsieur des Trois-Rivières. Vous ne pouvez pas<br />

avoir votre argent maintenant. Je conviens qu’il est à <strong>vous</strong>,<br />

certes, mais <strong>vous</strong> ne pouvez pas y accéder, nous vérifions<br />

pour votre sécurité. Cette procuration, signez là et ici.<br />

Votre convention d’ouverture de livret, signez ici et ici.<br />

— Notre sécurité ! Vous êtes drôle <strong>vous</strong> ! Je vais faire comment<br />

pour vivre pendant ces trois jours, pas d’argent comptant ?<br />

— Ce n’est pas mon problème, monsieur. Votre argent est gelé,<br />

revenez dans trois jours. Signez ici, ici et ici. Votre reçu, les<br />

copies, votre livret…<br />

Bienvenue en France ! Le formulaire bleu : signez ici. Le document<br />

rose : signez là…<br />

Par chance nos cartes de crédit étaient acceptées et sur l’instant,<br />

une fois calmés, cet incident administratif ne nous a semblé que<br />

symbolique. En vérité, cet épisode était plutôt annonciateur de la<br />

suite des choses et de la tournure générale que prendrait l’acquisition<br />

des Ateliers Allibe S. A. dans la petite ville de Tullins, vingt<br />

kilomètres au nord-ouest de Grenoble, en Isère.<br />

Nous avions commencé les démarches à l’automne pour<br />

l’achat de la faillite de cette compagnie de fabrication d’équipement<br />

pour les pâtes et papiers. Les vérifications d’acquéreurs<br />

s’étaient bien déroulées sur place en octobre 1992 avec Jean<br />

Desbiens, notre associé génie de la mécanique, et notre contrôleur<br />

financier Bill Saulnier. Les avocats Coquet, du Tribunal du<br />

commerce, l’équivalent français du syndic, et le nôtre, Roger<br />

Rebut, avaient ensemble réglé de nombreux détails de jargon.


René L’Heureux aux Alpes<br />

d’Huez et <strong>Laurent</strong> Verreault à<br />

l’Aiguille du midi, en 1993 au<br />

moment de l’acquisition des<br />

Ateliers Allibe<br />

La vente était faite et les Canadiens – comme tous les Français<br />

nous appellent – étaient débarqués en France !<br />

Nous y étions donc revenus dès le début de janvier 1993<br />

pour prendre connaissance des détails de fonctionnement de<br />

l’entre prise et rencontrer les employés. Bill Saulnier, le nouveau<br />

directeur général choisi Michel Gélinas, René L’Heureux pour<br />

la gestion et l’intégration du personnel et moi : nous organisions<br />

aussi l’arrivée d’un nouveau Bleu, Émile Guilbert, pour la<br />

fusion des comptabilités de la nouvelle filiale à la maison mère.<br />

Comme dans nos autres acquisitions, j’avais voulu intégrer<br />

rapidement l’entreprise à nos usages et manières d’opérer.<br />

J’avais commencé par écarter l’ancien propriétaire Allibe des<br />

abords de l’usine, avec ses privilèges irritants. Il avait réussi, en<br />

quelque sorte, à se faire « acheter » avec sa compagnie. J’avais<br />

même dû l’envoyer travailler pour nous au Québec, afin de<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

123


124 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

l’empêcher d’intervenir sans cesse dans les décisions opérationnelles<br />

de la nouvelle direction.<br />

Nous devions constater bientôt que malgré toute notre bonne<br />

foi et notre expérience, le Québécois GL&V n’était pas assez<br />

préparé pour affronter la société française, ses usages administratifs<br />

centenaires et ses manières commerciales et industrielles<br />

différentes.<br />

Un matin, nous étions Bill et moi avec Michel, à travailler nos<br />

budgets prévisionnels pour l’année.<br />

— Bonjour messieurs. Excusez-moi. Monsieur Gélinasse ?<br />

— Appelez-moi donc Michel, voulez-<strong>vous</strong> Marc ?<br />

— Oh, monsieur le directeur… Je ne me permettrais jamais :<br />

ça me donnerait aussi le droit de <strong>vous</strong> critiquer … Le<br />

calendrier de travail que <strong>vous</strong> nous avez préparé pour les<br />

prochains mois ne fonctionne pas.<br />

Marc Cohen était le commercial – on appelle ainsi un responsable<br />

des ventes – de la division Plastiques chez Allibe. On<br />

fabriquait dans cette division des machines pour produire de<br />

la pellicule plastique d’emballage. Cohen était Parisien, bon<br />

parleur et de même porte-parole des employés.<br />

— Expliquez-moi.<br />

— Voyez <strong>vous</strong>-même monsieur le directeur : ce vendredi et<br />

ces deux lundis, on ne travaille pas, ou alors en équipe<br />

très réduite. Comprenez-<strong>vous</strong>, le Comité d’entreprise s’est<br />

réuni jeudi dernier à midi, autour de votre proposition de<br />

calendrier de travail pour le mois courant et les suivants, et<br />

les délégués ont convenu de me confier la représentation<br />

auprès de la direction afin de <strong>vous</strong> faire savoir que…


Marc Cohen s’est joint à<br />

l’équipe de GL&V au moment<br />

de l’acquisition des Ateliers<br />

Allibe France, en janvier<br />

1993.<br />

— Au fait, Marc, au fait… Épargnez-moi les détails. Et<br />

pourquoi donc personne ne travaillerait ? Je ne vois rien là<br />

par moi-même…<br />

— Le premier du mois est férié, de même que le 8, le 21, le 31<br />

et le premier du mois suivant. Nous ne travaillons pas les<br />

vendredis ni les lundis, nous faisons le pont.<br />

— Comment ?<br />

— Nous faisons le pont des congés, monsieur le directeur.<br />

Puisque c’est férié jeudi, et que personne ne travaille<br />

de toute manière, nous prenons un congé supplémentaire<br />

le vendredi pour aller en week-end. Même chose les mardis<br />

d’après, à la fin du mois, où nous faisons le pont sur le<br />

lundi.<br />

— Êtes-<strong>vous</strong> en train de m’expliquer que, dans ce mois-là,<br />

<strong>vous</strong> avez trois fins de semaine de quatre jours de suite ? Et<br />

une autre le mois suivant ? Travaillez-<strong>vous</strong> parfois ?<br />

— Si <strong>vous</strong> parlez des week-ends, oui monsieur Gélinasse,<br />

quatre jours de congé à la suite. C’est l’usage ici.<br />

Bienvenue en France ! Ajoutez ensuite à ça les vacances scolaires<br />

de deux semaines tous les mois et demi ; tous les mercredis<br />

d’écoles fermées où les parents restent à la maison s’occuper des<br />

enfants… Bienvenue dans une société différente, où le travail et<br />

la famille n’ont pas la même importance qu’au Québec et qu’en<br />

Amérique du Nord.<br />

À la réunion de la semaine d’avant, nous avions connu<br />

l’épisode de l’organigramme.<br />

— Nous avons une réclamation, monsieur Gélinasse.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

125


126 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Appelez-moi donc Michel, voulez-<strong>vous</strong> Marc ?<br />

— Oh, monsieur le directeur… Je ne me permettrais jamais…<br />

L’organigramme que <strong>vous</strong> nous avez dessiné ne fonctionne<br />

vraiment pas. Il a même choqué, je dirais.<br />

— Expliquez-moi. Vous vouliez un organigramme, <strong>vous</strong> en<br />

avez un maintenant. On a oublié des noms ? des secteurs ?<br />

une division ?<br />

— Voyez-<strong>vous</strong> monsieur le directeur, ici sur l’organigramme,<br />

le responsable du secteur est ingénieur. Sous ses ordres, la<br />

case dessous, il y a le chef ingénieur, puis dessous encore<br />

son assistant-ingénieur, l’assistant-ingénieur adjoint et<br />

enfin l’ingénieur de la qualité. Dans l’autre secteur, sur la<br />

colonne à droite, l’ingénieur en chef a plutôt un technicien<br />

en chef sous ses ordres, puis un technicien de la qualité.<br />

À bien regarder, l’ingénieur de la qualité dans la colonne<br />

de gauche est plus bas sur la feuille que le technicien de la<br />

qualité à droite. Ça ne se fait pas. Pas un ingénieur plus bas<br />

qu’un technicien, y avez-<strong>vous</strong> pensé, monsieur le directeur ?<br />

Bienvenue en France ! Dans un pays où chacun a un titre chèrement<br />

acquis en jouant du coude au travail, où il occupe une<br />

position hiérarchique et sociale très bien définie, immuable,<br />

respectée et protégée bec et ongles !<br />

En plus de la difficulté du choc culturel français, les affaires<br />

commerciales ne se sont pas présentées comme nous pensions.<br />

Une vente importante en Asie et des contrats de la division<br />

Plastiques ont avorté, nous privant de profits considérables.<br />

Nous perdions beaucoup d’argent avec des projets mal ficelés<br />

sur des marchés asiatiques – Chine, Philippines, Ouzbékistan,<br />

Indonésie, etc. – que nous connaissions mal.


Greg Bruyea, notre directeur général chez GL&V, est venu en<br />

janvier 1994 pour analyser les détails de ces pratiques industrielles<br />

et des opérations déficitaires de GL&V Allibe. Son<br />

verdict est tombé rapidement : un fouillis, à vendre, le plus<br />

tôt possible !<br />

Après plusieurs mois d’essais ratés d’adaptation difficile au choc<br />

culturel, à la fois d’Allibe et de GL&V, nous vendions cette<br />

petite entreprise à première vue prometteuse. Mais son origine<br />

familiale et le rachat d’une faillite particulière rendaient l’exercice<br />

au final beaucoup trop complexe.<br />

Nous avons eu la chance de trouver rapidement un acquéreur<br />

en Allemagne, une compagnie européenne mieux préparée<br />

pour une aventure française. Notre acheteur était heureux de<br />

son acquisition. Il a volontiers signé le simple contrat que nous<br />

avions écrit nous-mêmes : quatre pages à double interligne.<br />

Le 31 mars 1994, nous étions libérés de notre désastre français.<br />

Nous y avons appris beaucoup de choses. D’abord l’impossibilité<br />

pour un entrepreneur de gérer son entreprise dans un pays<br />

où les structures sociales favorisent tant les employés, et leur<br />

permettent de diriger à sa place. Puis que, malgré notre<br />

cousinage avec les Français, faire des affaires à la manière<br />

nord-américaine en France est aussi impossible. Les usages<br />

administratifs, les protections sociales et les notions de légalité<br />

sont beaucoup trop différents et complexes.<br />

Enfin, j’ai appris que je n’étais pas encore prêt à conquérir<br />

le monde ! La France nous avait séduits par son apparente<br />

facilité d’accès culturel : nous serions beaucoup mieux à faire<br />

nos armes au Canada et aux États-Unis, pour les prochaines<br />

années de croissance de GL&V.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

127


À nous<br />

l’Amérique !


Décidément, ça brasse dans la chaumière chez GL&V !<br />

<strong>Laurent</strong> est déchaîné, il a les cinquante ans rugissants et<br />

a vraiment décidé de grandir à tout prix.<br />

1986, onze ans après sa fondation, Laperrière & Verreault entre en<br />

bourse et devient le Groupe Laperrière & Verreault ; 1987, GL&V<br />

acquiert l’atelier de fabrication Industries Couture à Chicoutimi<br />

et Ormique Micro-informatique à Trois-Rivières ; 1988, il<br />

acquiert le constructeur Hydro-Mécanique à Québec ; 1989,<br />

il achète l’atelier de Canron à Trois-Rivières ; 1990, il s’offre Dorr-<br />

Oliver Canada en Ontario ; 1993, il passe en France avec Ateliers<br />

Allibe, ferme les Industries Couture et Canron mais relance GL&V<br />

Fabrication ; 1994, il revend GL&V Allibe ; 1996, il acquiert<br />

les fabricants Black Clawson-Kennedy à Montréal et LaValley<br />

Industries dans l’état de Washington ; 1997, il achète l’américaine<br />

Sandy Hill et revend la division Construction de LaValley ; 1998,<br />

il ferme une partie de Black Clawson-Kennedy, participe à la fondation<br />

du Centre International de Couchage à Trois-Rivières et se<br />

paye Celleco, une division du fabricant international Alfa Laval<br />

en Suède ; 1999, il vend Hydro-Mécanique, acquiert les opérations<br />

mondiales de Dorr-Oliver, en revend une division aussitôt et achète<br />

le fabricant spécialisé National Refiner Plate aux États-Unis.<br />

Toute cette activité industrielle et commerciale a lieu durant la<br />

décennie 1990, au Québec, au Canada, aux États-Unis puis en<br />

Europe, alors que l’économie occidentale est en récession et que<br />

l’industrie mondiale des pâtes et papiers bat de l’aile … Ma foi,<br />

Bonne Étoile, les TLM et les Bleus sont un peu étourdis !<br />

Toutes ces transactions rapportent souvent de l’argent, en perdent<br />

parfois, mais demandent toujours des capitaux importants. Au<br />

début de la décennie, Bonne Étoile a eu le flair de suggérer à trois<br />

occasions l’émission d’actions et de bons de souscription.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

129


130 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

GL&V a aussi offert un produit boursier exceptionnel et original,<br />

la débenture subordonnée convertible, une sorte de prêt à la compagnie<br />

que fait une société ou un individu souscripteur. Ce prêt lui<br />

rapporte des intérêts périodiques et a l’avantage d’être convertible<br />

en actions, si les affaires vont bien et que la compagnie s’enrichit.<br />

Ces émissions publiques ont généré en deux ans un peu plus de<br />

vingt millions de dollars en liquidités pour GL&V ; pas pour<br />

« payer l’épicerie » de la compagnie mais pour acquérir et grandir.<br />

Et, pour Bonne Étoile, faire plaisir aux actionnaires parce que<br />

oui, les affaires vont bien !<br />

Dorr-Oliver Canada nous avait ouvert le champ assez lucratif<br />

de la propriété intellectuelle et des brevets. Ça fonctionnait<br />

dans le domaine minier pour le groupe Procédés, il fallait faire<br />

de même pour le groupe Pâtes et Papiers. Je le disais depuis<br />

quelques années et notre directeur général Greg Bruyea le répétait<br />

: fabriquer nous-mêmes coûte beaucoup et rapporte peu. Il<br />

vaut mieux concevoir et vendre nos produits et pièces brevetés,<br />

mais fabriqués par des ateliers spécialisés de l’extérieur, selon<br />

nos standards de qualité.<br />

Dorr-Oliver Canada nous avait offert le marché canadien ; il<br />

fallait conquérir l’immense territoire américain si nous voulions<br />

grandir. La maison mère de Dorr-Oliver aux États-Unis nous<br />

bloquait l’entrée dans ce marché pour le groupe Procédés : nous<br />

allions y entrer quand même et malgré eux, par la porte de<br />

notre groupe Pâtes et Papiers.<br />

C’est Greg qui a vu la petite ouverture par où passer. En janvier<br />

1996, soudain le bruit court dans le milieu que la compagnie<br />

canadienne de produits et d’équipement de papetières Black<br />

Clawson-Kennedy est à vendre.


Richard Verreault est<br />

aujourd’hui président et chef<br />

de la direction de <strong>GLV</strong>. Jusqu’à<br />

sa nomination, et depuis 2005,<br />

il occupait le poste de président<br />

et chef de l’exploitation. Il<br />

s’est joint à GL&V en 1983 et<br />

a assumé diverses fonctions,<br />

ce qui lui a permis d’acquérir<br />

une vaste expérience dans tous<br />

les secteurs d’activité de la<br />

société.<br />

Cette entreprise de la famille Landegger, Carl le père et Carl<br />

Michael le fils, est installée à Dorval au Québec et Owen Sound<br />

en Ontario, avec une division américaine dans l’état de New<br />

York. Le rêve pour nous !<br />

Mon plan de chasse a vite été bâti. J’ai tout de suite rapatrié<br />

Richard Verreault de chez GL&V Dorr-Oliver à Orillia, où<br />

depuis cinq ans il avait dirigé plusieurs opérations du groupe<br />

Procédés, et je l’ai intégré au groupe Pâtes et Papiers. Richard<br />

travaille pour différentes divisions de notre compagnie depuis<br />

l’âge de 15 ans, il a gravi tous les échelons depuis coursier<br />

jusqu’à directeur d’usine. Richard a 32 ans, à peu près l’âge de<br />

Carl Michael Landegger. Richard est mon fils.<br />

Ensemble, nous sommes allés rencontrer la famille Landegger<br />

pour faire mon boniment habituel au doyen. Richard et Carl<br />

Michael avaient le même parcours et la même vision moderne<br />

de gestion, ils se sont bien entendus sur leur compréhension de<br />

la compagnie. Moi, j’ai offert la lune au père tout en racontant<br />

la naissance et le cheminement de notre entreprise familiale.<br />

Je lui expliquais en détail comment je pensais acquérir Black<br />

Clawson-Kennedy en lui offrant moins que sa demande mais<br />

une très forte participation aux profits des années à venir. Je le<br />

séduisais avec son propre miroir, mais je lui promettais aussi de<br />

perpétuer sa compagnie.<br />

À la base, ma stratégie d’acquisition est toujours la même : mon<br />

rôle à moi est de charmer le vendeur. Une fois la vente conclue,<br />

je sais que les TLM et les Bleus vont tout faire pour soutenir<br />

mes promesses et livrer la marchandise telle que promise ou à<br />

peu près ! J’avais vraiment une équipe formidable !<br />

Par stratégie, nous avions réussi à obtenir le détail des offres de<br />

nos compétiteurs européens sur cette affaire : nous étions un<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

131


132 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

petit joueur dans la partie et les Landegger étaient hésitants<br />

sur nos capacités. Jusqu’à ce que Greg « oublie » sur leur table<br />

de réunion les états financiers et de liquidité de GL&V, pour<br />

qu’ils puissent en prendre connaissance en profondeur et laisser<br />

opérer le charme… et le charme a opéré !<br />

La négociation, les vérifications d’acquéreur et les arrangements<br />

contractuels de l’acquisition n’ont duré qu’un mois. Je voulais<br />

que ça se passe vite et bien, avant la fin de l’année financière. En<br />

mars 1996, nous étions propriétaires de la belle renommée de<br />

Black Clawson-Kennedy, de sa vaste et réputée gamme de produits,<br />

de ses clients et de son territoire dans toute l’Amérique,<br />

et même de certains prospects en Asie. Le rêve s’était réalisé, le<br />

groupe Pâtes et Papiers de GL&V avait maintenant sa part de<br />

marché en Amérique du Nord !<br />

Pierre Gélinas est devenu le directeur général de Black Clawson-<br />

Kennedy, Richard a pris la direction de la division américaine<br />

à Watertown.<br />

Cinq mois plus tard, nous répétions cette stratégie de prise de<br />

marchés aux États-Unis, au nez de Dorr-Oliver International,<br />

avec l’acquisition de LaValley Industries dans l’état de<br />

Washington et de sa filiale Construction de Biloxi dans le<br />

Mississippi. Yvon L’Heureux, l’indispensable TLM envoyé<br />

là pour diriger, a très bien intégré en quelques mois dans notre<br />

groupe Procédés cette entreprise spécialiste de l’équipement de<br />

filtration.<br />

Et toujours selon la philosophie d’affaires de GL&V de se<br />

départir des opérations de fabrication et d’installation, nous<br />

avons revendu LaValley Construction de Biloxi un an plus<br />

tard, après l’avoir ramené à une belle rentabilité par nos<br />

pratiques sévères de contrôle.<br />

1996<br />

Black Clawson - Kennedy Ltée


Aujourd’hui vice-président,<br />

technologie du papier, du<br />

groupe Pâtes et Papiers,<br />

Pierre Gélinas a occupé le<br />

poste de directeur général de<br />

la division Pâtes et Papiers à<br />

Trois-Rivières dès son arrivée<br />

en 1986.<br />

Si Bonne Étoile peut se permettre ici de se vanter, elle ajoutera<br />

que la filiale Construction de LaValley à Biloxi a été revendue à<br />

elle seule pour plus de six fois le prix d’acquisition de l’ensemble de<br />

LaValley quatorze mois plus tôt !<br />

À l’image de l’intégration délicate de Dorr-Oliver Canada<br />

au Groupe Laperrière & Verreault en 1990, celle de LaValley<br />

Industries des États-Unis à une compagnie québécoise s’est déroulée<br />

de manière très humaine, comme GL&V sait faire. Bonne Étoile<br />

y veillait personnellement. <strong>Laurent</strong> et Greg étaient à l’autre bout<br />

du continent, deux chefs d’orchestre occupés à développer et diriger<br />

une multinationale en pleine croissance. Bien sûr, ils ne peuvent<br />

pas voir tout et partout. Sur le terrain local de LaValley Industries,<br />

durant l’été 1996, dans une petite ville de l’Ouest américain, Yvon<br />

L’Heureux s’occupait à la fois du produit, du profit, des dépenses,<br />

de mille détails du quotidien, et surtout des gens qui font que<br />

ça fonctionne.<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

133


134 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Allo ? <strong>Laurent</strong> ? C’est Yvon, à Vancouver.<br />

— Bonjour L’Heureux ! T’es en vacances sur le Pacifique ?<br />

— Non, tu sais bien… Vancouver dans l’état de Washington,<br />

chez LaValley… J’ai pas le temps d’aller en vacances, tu<br />

devrais le savoir, non ? Il est quelle heure à Trois-Rivières,<br />

là ? Huit heures et quart du matin ? Ici, il est cinq heures<br />

et quart … Je t’appelle parce que c’est tranquille à cette<br />

heure-là, tu devines. J’ai 83 chèques à signer et à vérifier les<br />

réquisitions, les factures qui vont avec, avant que la journée<br />

commence. Même chose hier matin, même chose demain.<br />

— Yvon, t’es pas dans le trouble ? Ça va à ton goût ? T’as du<br />

bon monde avec toi ?<br />

— Tout va très bien, sauf que je me sens un peu tout seul de<br />

TLM ici. Ma contrôleure Anne Cameron fait un travail<br />

extraordinaire ; j’ai bien fait de ne pas écouter Bill qui voulait<br />

la mettre à la porte ! J’ai dit à Anne la semaine dernière<br />

que je ne voulais plus des dizaines de copies de rapports<br />

photocopiés qui traînent partout et que personne ne lit.<br />

C’est elle qui voit à les afficher maintenant. Elle me trie<br />

mes piles de chèques, impeccables ; elle prépare les réunions,<br />

elle sait d’avance qui va poser quelle question.<br />

— Oui, je pense que tu as bien fait de la garder… As-tu fait<br />

tous les autres changements nécessaires aux nouvelles<br />

opérations, à ta manière ?<br />

— C’est toi-même <strong>Laurent</strong>, qui nous a montré l’importance de<br />

faire la place de GL&V dans le mois qui suit l’acquisition…<br />

— Mais sans blesser personne, Yvon… Changer rapidement<br />

mais correctement.


Black Clawson, à Watertown,<br />

New York, aux États-Unis. Usine<br />

no 1 et vue aérienne<br />

— Je sais ça aussi, t’inquiète pas. J’ai laissé aller une trentaine<br />

d’employés qui ne faisaient plus l’affaire ; j’ai changé des<br />

procédures ; je suis en train de bâtir la confiance et le respect<br />

pour mes décisions. Moi, j’ai beaucoup de respect pour nos<br />

gens et leurs bons usages, ça devrait bien aller avec mes<br />

nouvelles pratiques …<br />

— Greg, Bill, moi … on te supporte, Yvon. À distance, mais<br />

on te supporte. C’est tes décisions, mais on sait que ce sont<br />

les meilleures. On est derrière toi.<br />

Et Bonne Étoile aussi est derrière, qui sait que la confiance amène<br />

le succès, qui amène le respect. L’intégration de LaValley Industries<br />

par Yvon L’Heureux en est le bon exemple.<br />

Les changements nécessaires ont été apportés rapidement mais<br />

correctement, comme c’est l’usage chez GL&V, afin de marquer<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

135


l’arrivée de la nouvelle culture d’entreprise « à la québécoise ». Il<br />

fallait ensuite bâtir la confiance et le respect, à tous les échelons.<br />

Confiance des nouveaux responsables et des employés l’un envers<br />

l’autre ; confiance des responsables locaux d’expérience et de la<br />

maison mère l’un envers l’autre ; confiance dans les vieux usages<br />

mais aussi dans les nouvelles pratiques ; confiance dans les décisions<br />

et l’avenir. Et Bonne Étoile sait que la confiance amène le succès,<br />

qui amène le respect.<br />

Un des principaux produits de Black Clawson-Kennedy était<br />

les cylindres-sécheurs de machines à papier. Ce sont d’immenses<br />

cylindres chauffants en fonte lisse qui achèvent l’évaporation<br />

de l’eau de la feuille dans la partie sèche de la machine, en<br />

utilisant de la vapeur sous pression. Nos cylindres étaient finis et<br />

lissés par Black Clawson-Kennedy, mais nous devions d’abord<br />

les faire couler par des sous-traitants.<br />

Un de nos principaux compétiteurs pour ces pièces était la<br />

division Sandy Hill de la compagnie métallurgique finlandaise<br />

Valmet. Sandy Hill coulait elle-même ses cylindres à Hudson<br />

Falls dans l’état de New York, un gros avantage concurrentiel<br />

sur nous.<br />

Alors, selon le plan stratégique mis au point par Richard,<br />

nous avons acquis Sandy Hill de Valmet en octobre<br />

1997. Nous sommes devenus le seul fournisseur nordaméricain<br />

de cylindres-sécheurs pour les petites machines,<br />

les plus communes, avec l’avantage d’une technologie à plus<br />

forte pression de vapeur. L’acquisition de cette fonderie très<br />

spécialisée nous permettait aussi de nous défaire des installations<br />

moins performantes de Black Clawson-Kennedy aux États-<br />

Unis, dès avril 1998.<br />

Valmet n’était pas un mauvais employeur, mais on ne manque<br />

jamais une occasion de rire des patrons ! Bonne Étoile se souvient<br />

136 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Sandy Hill, à Hudson Falls, New<br />

York, aux États-Unis. Façade et<br />

vue aérienne<br />

qu’en intégrant Sandy Hill à GL&V, les employés se sont bien<br />

amusés en transformant leur nouveau nom…<br />

Notre positionnement du groupe Pâtes et Papiers allait grand<br />

train sur le marché des pièces de rechange de bonne renommée<br />

et pour de très nombreuses machines en Amérique du Nord.<br />

Même en période de récession, ces pièces s’usent et doivent être<br />

remplacées…<br />

Mais pour notre groupe Procédés, comme à la chasse, j’étais<br />

toujours à l’affût d’une prise qui m’agaçait depuis longtemps<br />

et visiblement ne nous aimait pas : Dorr-Oliver International.<br />

Ils empêchaient Dorr-Oliver Canada de grandir, avec une<br />

attitude arrogante et la chicane perpétuelle sur les redevances<br />

et les brevets.<br />

Leur défaut de carapace s’est présenté en milieu de 1999, et<br />

GL&V est passé à l’attaque ! Leur attitude les avait poussés à<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

137


138 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

grossir trop vite durant les bonnes années récentes. Lorsque<br />

leur marché a plafonné dans la séparation des liquides et des<br />

solides pour les papetières, les minières et le municipal, ils<br />

n’arrivaient plus à se supporter.<br />

Après l’acquisition, j’ai eu le plaisir avec Greg Bruyea de faire le<br />

grand ménage dans leur tour d'ivoire de milliardaires aux États-<br />

Unis. À l’inverse, je découvrais avec satisfaction comment leur<br />

filiale allemande était bien tenue, propre et ordonnée, complice<br />

du succès que nous souhaitions. Nous avons rapatrié les opérations<br />

à Orillia et remis bientôt la compagnie sur la voie de la<br />

rentabilité.<br />

Nous devenions le chef de file non seulement en Amérique,<br />

mais mondial de ces solutions technologiques de la séparation<br />

des liquides et des solides.<br />

Et encore ici, comme chez LaValley en 1997, nous avons<br />

revendu dès décembre des équipements de centrifugation qui<br />

servaient à l’alimentation des activités de fabrication de Dorr-<br />

Oliver International, pour presque le même montant que nous<br />

avait coûté l’ensemble de la compagnie quatre mois plus tôt.<br />

Si Bonne Étoile peut se permettre ici de se vanter encore…<br />

En décembre 1999, nous fermions notre folle « décennie américaine<br />

» avec l’acquisition de la petite compagnie National<br />

Refiner Plate, spécialisée dans la fabrication de plaques de<br />

raffineurs, utilisées dans la préparation de la pâte.<br />

Oui en 1999, nous faisions là une belle conclusion de notre<br />

décennie nord-américaine, mais l’année d’avant, j’avais déjà<br />

commencé en Suède l’épopée européenne de GL&V…<br />

1999<br />

National Refiner Plate


<strong>Laurent</strong> Verreault au gala<br />

Les nouveaux performants<br />

photo Pierre Roussel<br />

Prendre d'abord l'Amérique<br />

139


Grandir à tout<br />

prix, avec plaisir


Välkomnen<br />

till Sverige !


Je voulais bien que GL&V devienne le chef de file mondial<br />

de la séparation des liquides et des solides dans plusieurs<br />

domaines industriels. Pour cela, il fallait regarder partout au<br />

monde et pas seulement en Amérique. L’année d’avant l’achat<br />

de Dorr-Oliver International, qui nous confirmait tout le marché<br />

nord-américain et mondial pour notre groupe Procédés,<br />

j’avais acquis pour notre groupe Pâtes et Papiers, en septembre<br />

1998, la compagnie européenne qui dominait sur la planète,<br />

Alfa Laval Celleco en Suède.<br />

Celleco était une toute petite filiale de la géante Alfa Laval,<br />

spécialisée dans la manutention de liquides alimentaires et de<br />

boissons, par exemple la séparation de la crème, la stérilisation<br />

du lait ou l’emballage de soupes. Celleco n’avait que quelques<br />

centaines d’employés, concentrés en Suède et aux États-Unis,<br />

qui concevaient, faisaient fabriquer, assemblaient et vendaient<br />

des hydrocyclones, c’est-à-dire des épurateurs centrifuges pour<br />

séparer les impuretés de la pâte à papier.<br />

Elle avait ses bureaux à Atlanta aux États-Unis et à Tumba<br />

en banlieue de Stockholm, un atelier d’assemblage dans la<br />

petite ville d’Hedemora, au nord-ouest, et d’autres bureaux en<br />

Finlande, Russie, Inde et Corée.<br />

Je le disais depuis des années au sujet de notre division<br />

Fabrication : une entreprise doit se défaire de tout ce qui n’est<br />

pas de son cœur de métier, son core business, pour s’éviter<br />

l’éparpillement. Celleco, avec ses épurateurs de pâte à papier,<br />

était une épine dans le pied d’Alfa Laval, investie d’abord dans<br />

l’industrie laitière.<br />

Les actifs de Celleco étaient maintenant à vendre. C’était une<br />

marque de produits de très bonne renommée, avec lesquels<br />

j’avais travaillé à l’usine de La Tuque. Pour entrer en Europe,<br />

nous avions besoin de remporter cette acquisition, et pour nous<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

143


144 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

assurer d’être dans la course, nous avons commencé par offrir<br />

une centaine de millions de dollars.<br />

Mais il fallait connaître nos compétiteurs dans cette acquisition,<br />

afin d’ajuster notre stratégie et notre offre finale. Je savais<br />

que nous étions trois acheteurs potentiels ; je savais aussi qu’un<br />

de ceux-là s’était désisté récemment et je devais connaître le<br />

troisième.<br />

— J’ai une idée ! m’a annoncé Bill, alors que nous rentrions<br />

à Stockholm en train, suite à la première rencontre de<br />

négociation.<br />

— Rester une semaine de plus ? Engager un détective ? C’est<br />

quoi ton idée ?<br />

La tradition d’accueil dans les entreprises suédoises est de hisser<br />

le drapeau national des visiteurs pour saluer les délégations.<br />

Lors de notre voyage à Hedemora, l’Unifolié était au mât de<br />

Celleco ; si nous pouvions savoir quel drapeau serait hissé pour<br />

les prochains visiteurs-acheteurs, nous aurions un bon indice.<br />

— Bien plus simple que ça, et pas cher du tout ! <strong>Laurent</strong>, tu vas<br />

appeler notre contact chez le courtier à Stockholm. Ils ont<br />

un bureau à Hedemora : demande-lui d’envoyer quelqu’un<br />

voir le drapeau devant l’usine la semaine prochaine !<br />

L’idée de Bill nous a permis de deviner contre qui nous étions<br />

en compétition, et notre stratégie d’offre et de négociation a<br />

été facilitée. Nous avons d’abord réduit notre ouverture d’achat<br />

de vingt millions de dollars. Puis au contrôle préalable qui a<br />

suivi, Bill Saulnier, Yvon et René L’Heureux et Greg Bruyea ont<br />

cherché et trouvé quantité de petits détails qui clochaient dans<br />

l’administration : les comptes très élevés de téléphonie, les frais<br />

de voyages extravagants, ces choses à toute petite échelle qui<br />

grugent les profits sans qu’on s’en rende tout de suite compte,


Au moment de l’acquisition<br />

de Dorr-Oliver International<br />

en 1999 : Bill Saulnier, Yvon<br />

L’Heureux et Josette L’Heureux<br />

dans le métro de Stockholm.<br />

René L’Heureux et Diane, Yvon<br />

L’Heureux et Josette, <strong>Laurent</strong><br />

Verreault et Hélène Trepanier<br />

en Suède.<br />

et diminuent d’autant la valeur de l’entreprise. Enfin, sur les<br />

conseils de Bernard Lemaire, nous avons exclu de la transaction<br />

environ douze millions de dollars de comptes recevables en<br />

retard, qu’Alfa Laval ne voulait pas garantir.<br />

À force de grignoter sur la valeur des actifs de cette compagnie,<br />

dont le propriétaire voulait absolument se départir, nous<br />

l’avons acquise en septembre 1998 pour moins de quinze<br />

millions de dollars, une fraction de notre offre de départ !<br />

Avec Celleco et sa gamme d’équipement de filtration de pâte<br />

à propriété intellectuelle, nous placions GL&V Pâtes et Papiers<br />

en tête de file en Europe, dans toutes les Amériques et en Asie<br />

du Sud-Est. Nos principaux produits étaient l’hydrocyclone,<br />

pour épurer la pâte à papier très finement par vortex et gravité,<br />

et les filtres à disque. Nous avions accès à un immense marché<br />

mondial pour nos différents modèles de toutes sortes de<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

145


146 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

grandeurs et débits, en plastiques ou métaux variés, standards<br />

ou sur mesure.<br />

Mais la partie n’était pas gagnée…<br />

Nous prenions possession d’une entreprise multinationale<br />

européenne dans un pays très différent du Québec, la Suède.<br />

Bien sûr, nous avions déjà goûté aux difficultés de la différence<br />

culturelle chez Allibe, en France en 1993 ; l’intégration et la<br />

restructuration risquaient d’être autant sinon plus délicates ici.<br />

J’ai confié ces opérations à Yvon L’Heureux, qui avait si bien<br />

réussi celles de LaValley aux États-Unis deux ans auparavant ;<br />

Yvon deviendrait le gérant de Celleco en Suède pour la prochaine<br />

année. Avec lui, Bill Saulnier durant les premiers mois<br />

d’intégration administrative et financière, et René L’Heureux<br />

pour les questions de ressources humaines, tout ça à l’échelle<br />

mondiale.<br />

Alfa Laval avait accepté d’héberger GL&V/Celleco, bureaux et<br />

administration, quelques mois seulement…<br />

Oui, le temps de nous trouver un toit en Suède et de déménager<br />

tout le personnel ; d’intégrer cette comptabilité européenne à nos<br />

systèmes nord-américains existants ; le temps d’ajuster les pratiques<br />

de ressources humaines aux usages et lois des pays, en tenant compte<br />

des mentalités et manières de toutes ces cultures différentes et susceptibilités<br />

à ménager.<br />

Il fallait aussi modifier toutes les procédures de travail pour tous<br />

les employés dans tous les bureaux dans six pays… Traduire la<br />

documentation, les soumissions et les contrats dans la langue du<br />

client… et les comprendre nous-mêmes !<br />

Nous devions couper dans les dépenses et modifier les pratiques, pour<br />

rétablir bientôt la rentabilité de la compagnie. Nous ne pouvions<br />

Mikael Sundqvist s’est<br />

joint à GL&V au moment de<br />

l’acquisition de Celleco en<br />

septembre 1998. Il a occupé le<br />

poste de président et directeur<br />

général de GL&V Suède jusqu’à<br />

son départ en juin 2008.


<strong>Laurent</strong> Verreault en<br />

visite au bureau de<br />

GL&V / Celleco Russie en<br />

1999<br />

Svetlana Vinogradova,<br />

directrice du bureau de<br />

GL&V / Celleco en Russie, et<br />

Diane L’Heureux à Saint-<br />

Pétersbourg en 1999<br />

pas faire « à la québécoise-nous-avons-décidé-que… », mais plutôt<br />

en respectant leur rythme beaucoup plus lent et la mentalité<br />

suédoise sociale-démocrate, qui accorde une grande importance<br />

au consensus. À tel point que beaucoup refuseront d’appliquer les<br />

nouvelles procédures s’ils n’ont pas été consultés et impliqués personnellement<br />

dans leur préparation. En Suède, la qualité de vie est<br />

souvent tout aussi importante que le travail, et la notion de profit<br />

bien différente de la nôtre.<br />

… mais je trouvais les Suédois un peu lents, selon mes propres<br />

critères d’efficacité. Merci pour le välkomnen till Sverige ! bienvenue<br />

en Suède, mais nous ne sommes pas venus en touristes.<br />

Il faut que ça bouge. Vite.<br />

— <strong>Laurent</strong>, l’acquisition est terminée, on s’occupe de l’intégration.<br />

Tu devrais retourner à la maison, tu nous déranges.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

147


148 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

C’est Yvon L’Heureux qui se permettait de me parler comme<br />

ça, à moi, le patron ! Bill et René aussi d’ailleurs… Il fallait leur<br />

expliquer :<br />

— Il reste beaucoup de travail à abattre et de détails à régler.<br />

À ce rythme-là, on n’y arrivera pas, lui ai-je répondu.<br />

Pourquoi est-ce qu’on n’a pas encore obtenu nos marges<br />

de crédit ? Pourquoi la directrice des ressources humaines<br />

– comment elle s’appelle ? – n’est-elle pas déjà en poste ? J’ai<br />

envoyé des messages à notre nouveau président de Celleco,<br />

à Mikael Sundqvist, il ne m’a pas encore répondu. Il n’a pas<br />

le même sentiment d’urgence, ce gars-là ? René, c’est ton<br />

dossier, ça ? Où en est rendu le…<br />

— <strong>Laurent</strong>, tu nous déranges ; retourne à Trois-Rivières pour<br />

trouver d’autres projets, laisse-nous finir celui-ci à la vitesse<br />

nécessaire. Rappelle-toi notre Gilles Morin, des ressources<br />

humaines : il t’a souvent dit « toi, tu tiens la perche de<br />

vingt pieds, tu la pointes dans ta direction, sur ton objectif.<br />

Quand tu changes d’idée ou d’objectif et que tu tournes<br />

avec ta perche, plus on est loin de toi, plus on a de chemin<br />

à faire pour te suivre ». Bill, Yvon, moi, on est près de toi et<br />

on peut presque te supporter. Les employés à l’autre bout<br />

de ton changement d’idée, du projet, de la perche, eux<br />

ça va leur prendre plus de temps. Birgitta Bjorkenus sera<br />

nommée directrice des ressources humaines demain : je l’ai<br />

convaincue de l’inutilité du consensus dans son cas.<br />

— Yvon, tu diras à Mikael Sundqvist de répondre à mes courriels.<br />

Ça m’énerve !<br />

— Reste calme <strong>Laurent</strong>, m’a répondu Yvon. Oui, on veut<br />

que les Suédois répondent enfin à nos quatre courriels de<br />

suite mais oui aussi, les Québécois vont devoir trouver des


Bureau de Celleco à<br />

Hägersten, Suède, en 1999<br />

façons de moins les bousculer. Parce que nous sommes tous<br />

différents, pas eux plus que nous.<br />

— <strong>Laurent</strong>, Bill Saulnier aussi te dit « retourne à Trois-Rivières ».<br />

Je m’occupe des banquiers et je les charme, même si je les<br />

insulte !<br />

— Comment ça ? Bill, tu sais combien c’est important de rester<br />

poli avec tout le monde !<br />

— Tu n’as pas su celle-là ? J’ai réussi à faire se déplacer les<br />

banquiers de Stockholm à Hedemora, eux qui ne sortent<br />

jamais de derrière leurs pupitres, pour qu’ils viennent<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

149


150 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

constater par eux-mêmes comment les Québécois travaillent.<br />

J’étais dans mon bureau, ça rentrait et sortait sans<br />

cesse depuis le matin. Là, deux gars attendent à la porte, Yvon<br />

entre avec encore un autre problème. Je lui ai dit « qu’est-ce<br />

que tu veux ? Grouille-toi avec ça, j’attends deux christ de<br />

banquiers qui s’en viennent… » Les deux messieurs à la<br />

porte de mon bureau ! Par chance, ceux-là ont le sens de<br />

l’humour et ils ont compris la situation. D’ailleurs, ils ont<br />

beaucoup aimé leur visite, et la marge de crédit est réglée.<br />

Je suis retourné à Trois-Rivières.<br />

Il restait pourtant tellement de travail à exécuter avec les Suédois<br />

et nos nouvelles affaires en Finlande, en Chine, en Allemagne,<br />

en Espagne, en Afrique…<br />

Gilles Morin, directeur<br />

des Ressources humaines,<br />

Zhang Junnan, directeur de<br />

l’ingénierie en Chine, en stage<br />

chez GL&V, et René L’Heureux


<strong>Laurent</strong> Verreault devant<br />

les épurateurs de l’usine de<br />

Celleco lors de sa visite en<br />

Russie en 1999<br />

Tout ce temps-là, Bonne Étoile doit aussi apprivoiser la vie en<br />

Suède… et en suédois ! Apprendre les noms de rues, de quartiers et<br />

de villes ; deviner les noms des produits d’épicerie et de consommation<br />

courante ; trouver à se loger, à se meubler, à se déplacer en voiture<br />

ou en métro, à budgéter, à parler un peu aux gens, à les saluer,<br />

les remercier ; combien de fois Bonne Étoile s'est-elle totalement<br />

confiée à ses bonnes étoiles personnelles !<br />

… et il fallait faire vite et bien pour tout régler cette intégration<br />

en Europe, parce que je voyais venir une prochaine acquisition<br />

de première importance en Amérique. Notre principal concurrent<br />

du groupe Pâtes et Papiers avait engagé avec GL&V une<br />

partie d’échecs dès 1997…<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

151


La partie<br />

d’échecs


Dans le monde des affaires, je suis de ceux qui croient que<br />

si tu n’avances pas, si tu ne bouges pas, tu recules. Tu<br />

ne peux pas rester à ta position parce que tes concurrents et tes<br />

partenaires s’agitent, se déplacent dans différentes directions,<br />

vers l’avant, l’arrière ou les côtés. Parfois aussi, ils disparaissent<br />

simplement et quelqu’un doit reprendre l’espace laissé vide.<br />

J’ai beaucoup de plaisir à faire grossir le Groupe Laperrière &<br />

Verreault, en achetant à plus petit prix possible les morceaux<br />

qui manquent pour occuper les meilleures places sur le marché,<br />

et en vendant au plus fort prix possible ceux qui nous pèsent et<br />

empêchent de bouger confortablement.<br />

Une des très importantes acquisitions que GL&V a réussies au<br />

tournant des années 2000 montre parfaitement combien la vie<br />

d’une entreprise est fragile et comment il faut savoir prendre<br />

les bonnes décisions aux bons moments, et bien bouger pour<br />

s’assurer la victoire.<br />

C’est un peu comme un jeu, une partie de dames ou mieux,<br />

une partie d’échecs où on reconnaît très bien le roi, une reine,<br />

quelques cavaliers, des fous, plusieurs pions…<br />

Premier damier<br />

À cette étape de l’histoire, GL&V ne joue pas encore, mais<br />

le tournoi est commencé quand même. D’un côté les<br />

blancs : Beloit Corporation, l’importante division papetière<br />

de Harnischfeger Industries, compagnie américaine centenaire<br />

de fournitures d’équipement de minières. De l’autre côté les<br />

noirs : un gros client en Indonésie, la Bourse de New York,<br />

Mitsubishi Heavy Industries Ltd., des petites compagnies ici et<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

153


154 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

là en Europe et en Amérique, que Beloit la géante achète entre<br />

1990 et 1997, pour grossir encore.<br />

En 1986, pour diversifier ses activités et enrichir son portefeuille<br />

d’actions, Harnischfeger avait acheté Beloit pour cent<br />

soixante-quinze millions de dollars américains. Flairant le<br />

profit, Mitsubishi deviendrait bientôt partenaire à hauteur de<br />

vingt pour cent. La centenaire et puissante Beloit devient reine,<br />

la division la plus rentable de Harnischfeger. Avec huit mille<br />

employés partout au monde en 1990, ses affaires de plus d’un<br />

milliard de dollars américains comptent pour soixante pour<br />

cent du chiffre d’affaires global.<br />

Durant les dix prochaines années, Beloit va acquérir cinq entreprises<br />

pour consolider son offre et son marché, deux en Europe<br />

et trois aux États-Unis. De celles-là, Oasis Inc. spécialisée en<br />

alignement optique, et en 1996 pour cent trente millions,<br />

la division IMPCO d’Ingersoll-Rand à Nashua dans le New<br />

Hampshire, qui fournit aux papetières des équipements pour<br />

fabriquer la pâte chimique, feront l’objet de négociations dans<br />

le futur. Des cavaliers, des tours, des pions.<br />

La partie va bon train mais le roi est fou et ça le perdra.<br />

Deuxième damier<br />

Le Groupe Laperrière & Verreault arrive sur le damier très discrètement<br />

en janvier 1999. Dans la foulée des acquisitions, le<br />

grand patron de Beloit nous a rencontrés pour nous faire une<br />

belle offre d’achat. C’était un compliment pour GL&V d’avoir<br />

été reconnu par la reine Beloit comme une division potentielle,


Une partie de l’équipe du<br />

siège social de GL&V à<br />

Trois-Rivières en 2000 :<br />

Martin Dessureault, André<br />

Picard, Éric Pépin, Gino<br />

Lessard, Nathalie Bouchard,<br />

Alain Rivard et Josée Boivin<br />

devenir une belle pièce sur l’échiquier. Mais le temps n’était<br />

pas venu : nous venions d’acquérir plusieurs compagnies qui<br />

nous ouvraient l’Amérique et Celleco en Suède qui nous offrait<br />

maintenant le monde. Je n’étais pas prêt à vendre, j’avais encore<br />

trop de plaisir à grandir. Nous avons refusé l’invitation.<br />

Il s’en est fallu de peu que <strong>Laurent</strong> accepte. Oui l’offre était belle<br />

pour se débarrasser de la petite Québécoise qui dérangeait les<br />

grands joueurs. Comme actionnaire principal de GL&V, <strong>Laurent</strong><br />

serait resté patron de cette division, l’homme des Pâtes et Papiers…<br />

Bonne Étoile lui a souligné le fait que GL&V serait payée non pas<br />

en argent mais en actions de Beloit, qui valaient très cher. À cette<br />

époque-là.<br />

Beloit avait montré de l’intérêt : à moi de jouer maintenant. En<br />

juin de la même année, nous avons offert à Beloit d’acquérir sa<br />

division Pâte chimique de Nashua, pour soixante millions de<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

155


156 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

dollars. C’était un mouvement d’essai : ils avaient acquis cette<br />

pièce du jeu trois ans auparavant, pour plus du double de notre<br />

offre. Personne n’a été surpris qu’ils refusent !<br />

Troisième damier<br />

Le roi est fou. En se déplaçant mal quelques mois auparavant,<br />

le grand patron de Harnischfeger a entraîné sa compagnie dans<br />

des affaires sans queue ni tête et des transactions à très haut<br />

risque dans un marché asiatique difficile, en diminution de<br />

vitesse. Ils ont alors perdu cette partie-là en juin 1999 : la compagnie<br />

doit se placer sous la protection de la loi américaine des<br />

faillites et préparer une restructuration financière.<br />

Le jeu a changé. D’un côté les noirs : la compagnie Harnischfeger<br />

en difficulté, un nouveau roi qui va tenter de sauver le jeu de<br />

son entreprise, Beloit la reine dorée, des financiers hésitants,<br />

des employés bousculés, les lois du travail. De l’autre côté les<br />

blancs : le client Indonésien qui veut ses machines à papier,<br />

Mitsubishi la partenaire japonaise de Harnischfeger qui joue<br />

sur les deux côtés, Metso la géante finlandaise spécialisée dans<br />

l’équipement de pâte et papier et dans la séparation des solides<br />

et liquides pour minières, GL&V et plusieurs autres cavaliers<br />

et tours qui convoitent les restes de la faillite, les créanciers qui<br />

voudraient bien leur argent, les syndicats, les avocats, les politiciens,<br />

les tribunaux, le calendrier…<br />

Aux premiers moments du jeu, la reine Beloit ne semble pas<br />

affectée par les difficultés de refinancement de Harnischfeger.<br />

Les affaires continuent, les décisions stratégiques se multiplient.<br />

Mais les rumeurs augmentent sur le prochain sacrifice de la<br />

reine Beloit pour sauver le roi Harnischfeger. En novembre


1999, la nouvelle tombe : la grande Beloit sera couchée sur<br />

l’échiquier, fermée et vendue pour la dette du roi. Une autre<br />

partie commence, les enchères sont ouvertes.<br />

Quatrième damier<br />

À la fin de décembre 1999, seuls quelques acheteurs se sont<br />

annoncés aux enchères pour les divisions de Beloit. Les arrangements<br />

sont extrêmement complexes pour l’agencement des<br />

pièces de ces divisions, à soumettre à l’enchère. Il s’agit essentiellement<br />

de respecter entre autres les contrats, les conventions<br />

collectives et les divers engagements de la compagnie, mais<br />

aussi les lois américaines de la concurrence, du commerce et<br />

du travail.<br />

Finalement, les divisions d’équipement de cour à bois Rader<br />

et la filiale Oasis seront vendues en deux petits blocs distincts ;<br />

resteront à séparer les très grosses divisions Service après-vente et<br />

Reconditionnement de rouleaux, Technologie de machines à pâte<br />

et papier et Finition.<br />

Service et Technologie étaient dans la mire de Metso et de<br />

Mitsubishi. Comme en juin 1999 sur le deuxième damier,<br />

GL&V préférait toujours acquérir la division Pâte et les importants<br />

brevets de technologie qui venaient avec.<br />

Il fallait absolument s’inscrire comme enchérisseur préféré,<br />

mieux connu sous l’expression anglaise stalking horse. Par stratégie,<br />

Richard Verreault a pu connaître les intérêts de chacun des<br />

compétiteurs potentiels, petits ou grands, pour l’un et l’autre<br />

de ces morceaux que nous voulions acquérir : pâte chimique,<br />

bobineuses et services spécialisés.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

157


158 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Nous avons alors assemblé à notre manière ces morceaux des<br />

divisions de Beloit, de façon à écarter de l’enchère les autres<br />

acheteurs, qui ne pouvaient pas renchérir sur un montage différent<br />

de celui du préféré. Notre offre était à toute épreuve sur un<br />

assemblage unique : nous l’avons déposée, à dix-neuf millions<br />

de dollars.<br />

La partie d’échecs se déplaçait maintenant chez les avocats de<br />

l’enchère à Chicago, en janvier 2000. C’est Richard qui mène<br />

le jeu pour GL&V, avec Pierre Lépine et notre avocat américain,<br />

Walter Healy : notre offre d’enchérisseur préféré est<br />

déposée comme il se doit, il s’agit maintenant que personne ne<br />

renchérisse… Le temps joue avec nous.<br />

— Nous sommes dans cette salle depuis le milieu de l’avantmidi,<br />

notre offre a été inscrite, il est seize heures, qu’est-ce<br />

qu’on attend ? Richard commençait à s’impatienter.<br />

— Il peut encore se présenter un autre enchérisseur. Nous<br />

l’espérons : votre offre est trop basse selon nos clients, a<br />

répondu l’avocat qui représentait Beloit à l’encan. Metso,<br />

par exemple : nous savons qu’elle est intéressée, et elle va<br />

faire monter les enchères.<br />

L’avocat jouait aussi, mais avec les nerfs. Richard a pris les<br />

devants et appelé sur son mobile le président de Metso, qu’il<br />

avait rencontré lors de l’acquisition de Sandy Hill en 1997.<br />

— Mon offre est déposée pour la Pâte, <strong>vous</strong> la connaissez.<br />

Votre offre est déposée pour les machines et le service, je<br />

la connais. Dites-moi, êtes-<strong>vous</strong> intéressés ou non par les<br />

bobineuses sur lesquelles GL&V a soumis un prix ?<br />

— Pas du tout Richard. Metso a déjà une technologie de bobineuses<br />

qui fonctionne très bien. Ce sont les pièces et le<br />

service des machines à papier Beloit que nous voulons.<br />

Pierre Lépine a occupé le<br />

poste de vice-président général,<br />

responsable des fusions et des<br />

acquisitions, de décembre<br />

1998 à décembre 2005.


<strong>Laurent</strong> Verreault, Louis<br />

Laperrière et Jean Desbiens dans<br />

le cahier « 25 ans d’innovation »<br />

du Nouvelliste à l’occasion du<br />

25 e anniversaire de GL&V<br />

— Merci. Je le savais…<br />

À dix-huit heures, Richard n’en pouvait plus :<br />

— Allez me chercher un officier de l’encan, maintenant, nous<br />

avons une annonce à faire.<br />

Et une fois le représentant officiel de l’enchère arrivé, Richard a<br />

pris la parole, bien fort :<br />

— Nous sommes assis ici à nous tourner les pouces depuis<br />

dix heures ce matin. Nous attendons que quelqu’un vienne<br />

déposer une meilleure offre que la nôtre. Vous nous annoncez<br />

qu’il y aura des enchérisseurs ? C’est clair qu’il n’y en<br />

a pas. Nous déclarons cette enchère terminée, adjugée. Si<br />

quelque chose de nouveau se présentait, voici nos numéros<br />

de mobiles, appelez-nous, nous reviendrons aussitôt à la<br />

table. Jusque-là, nous avons remporté la mise. C’est tout.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

159


160 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Richard a ramassé son capot et est parti. Bien sûr, personne<br />

n’a appelé. Nous venions d’acquérir une division de la reine<br />

morte Beloit pour une bouchée de pain. De la stratégie, de la<br />

patience, du front et une bouchée de pain, en comparaison de<br />

la véritable valeur de cette division.<br />

GL&V récupérait toute la clientèle, le savoir-faire et les brevets<br />

de Beloit et de ses milliers d’équipements de fabrication de pâte<br />

et de bobinage de papier, partout au monde. Beloit était la dernière<br />

pièce importante à acquérir pour consolider définitivement<br />

la présence mondiale du Groupe Laperrière & Verreault<br />

dans le domaine des pâtes et papiers : conception d’équipements,<br />

brevets et propriété intellectuelle de machines, pièces<br />

et service après-vente. Notre groupe Pâtes et Papiers grandissait<br />

encore, sous la gouverne de Bob Harrison, venu avec l’achat,<br />

Pierre Gélinas, Yvon L’Heureux et Richard Verreault.<br />

Dès février 2000, l’acquisition complétée, j’ai confié l’intégration<br />

de l’ancienne division de Beloit aux nouvelles opérations<br />

de GL&V Pulp Group à Richard, qui prenait alors la direction<br />

des activités d’ingénierie, dessin, vente, gestion de produits<br />

pour le sous-groupe Pâtes. Les installations étaient situées à<br />

Nashua dans le New Hampshire et Pittsfield au Massachusetts.<br />

Sur place, en compagnie d’Yvon L’Heureux, le spécialiste des<br />

intégrations, et d’Yves Lacroix qui occupait alors le poste de<br />

directeur de production de GL&V Fabrication à Trois-Rivières,<br />

il fallait étudier à Nashua la pertinence de la fabrication des<br />

machines et équipements en regard des coûts jugés trop élevés.<br />

Nous avions cette grosse usine à Trois-Rivières pour nos<br />

produits très spécialisés ; celle de Nashua n’était pas utile, nous<br />

pouvions faire sous-traiter par GL&V Fabrication ou ailleurs.<br />

La décision a été prise de vendre à l’encan une partie de<br />

l’outillage de Nashua : nous avons là récupéré près des deux<br />

Bob Harrison s’est joint à<br />

l’équipe de <strong>GLV</strong> au moment<br />

de l’acquisition de Beloit en<br />

2000. Il a occupé le poste de<br />

président du groupe Pâtes et<br />

Papiers pendant une année.<br />

Yves Lacroix est directeur<br />

général de la division<br />

Fabrication de GL&V Canada<br />

depuis mars 1993.


Remise de prix Les<br />

Mercuriades 2002. GL&V a<br />

remporté le prix « Marchés<br />

extérieurs – Grandes<br />

entreprises ». Josée Lefebvre,<br />

Dominic Chouinard, Richard<br />

Verreault, Marc Barbeau,<br />

Katalin Konya, Nancy<br />

Bélanger, El Ayachi, René<br />

L’Heureux, Hélène Fournier et<br />

Michel Gélinas<br />

tiers de notre mise totale pour Beloit. En 2002, l’usine devait<br />

être fermée définitivement et la bâtisse vendue, le restant des<br />

opérations de fabrication étant transféré à Trois-Rivières. Il en<br />

serait de même avec le laboratoire de recherche de Pittsfield.<br />

À la fin de l’intégration et de la restructuration des acquisitions<br />

de Beloit en 2002, il ne resterait que le bureau d'ingénierie à<br />

Nashua au New-Hampshire et le groupe Finition à Lenox au<br />

Massachusetts.<br />

Quel beau coup ! Quelle partie d’échecs ! Quel jeu formidable !<br />

Assurément, Bonne Étoile est fière des Verreault père et fils, qui ont<br />

acheté si peu cher une bonne entreprise et encore une fois revendu<br />

les morceaux inutiles à très gros profits. La revente a bien payé<br />

l’achat.<br />

Mais <strong>Laurent</strong> allait bientôt négliger mes recommandations et<br />

s’enga ger dans un mauvais bricolage, avec de mauvais conseils<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

161


162 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

donnés par de mauvais responsables, sur de mauvaises bases… Il<br />

faut probablement perdre un peu ici et là pour bien apprécier ses<br />

gains !<br />

Avant sa fermeture, Beloit avait une petite filiale, Beloit Ibèrica<br />

maintenant renommée Enertec en coentreprise avec Coinpasa,<br />

un grand fabricant espagnol d’équipement pour papetière.<br />

En 2001, afin de renforcer notre organisation en Espagne et<br />

en Europe, nous avons développé une alliance stratégique avec<br />

Coinpasa/Enertec, sur la base de cette coentreprise. Nous avons<br />

créé GL&V-Groupe Pâtes et Papiers Europe, propriété à parts<br />

égales de GL&V et de Coinpasa. Enertec employait près de<br />

deux cents personnes, avait un bureau d’ingénierie et fabriquait<br />

à Valladolid en Espagne. Marc Barbeau, jeune fiscaliste tout<br />

juste entré à notre service, notre avocat Robert Dorion et René<br />

L’Heureux m’avaient tous déconseillé cette alliance. L’associé<br />

n’avait pas l’argent nécessaire pour aller de l’avant.<br />

La partie semblait pourtant facile et profitable : le partenaire<br />

ne mettant pas d’argent, GL&V devenait propriétaire de la<br />

compagnie. Mais le président d’Enertec était un rastaquouère<br />

qui voulait sauver sa compagnie, Coinpasa et les autres filiales<br />

dont il restait le propriétaire, d’une faillite probable qu’il avait<br />

masquée. Il négociait et discutait sans cesse et jouait sur les<br />

liquidités, prenant ici pour payer là, retardant le versement des<br />

salaires pour régler la dette, payant ses engagements envers toi<br />

avec l’argent qu’il t’empruntait.<br />

Nous avons perdu des plumes dans cette mésaventure, malgré<br />

les efforts de René, que j’avais déménagé de Suède en Espagne<br />

pour diriger le projet. Il s’est battu jusqu’à la dernière heure<br />

pour sauver les meubles, en tentant sans succès de reconstruire<br />

sur les ruines avec d’anciens employés, pour redémarrer une<br />

nouvelle compagnie.<br />

Arrivé chez GL&V en<br />

septembre 2000 comme<br />

directeur de la fiscalité, Marc<br />

Barbeau est vice-président<br />

à la direction et chef des<br />

opérations financières depuis<br />

2006 et nommé président du<br />

groupe Traitement des eaux<br />

( Ovivo ) le 7 juin 2012.


En décembre 2001, nous avons définitivement abandonné le<br />

navire, qui coulait de toute manière : en mai 2002, Coinpasa<br />

déclarait faillite, entraînée par Enertec et son président dans<br />

une dette de dix-sept millions d’euros.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

163


Restructurer<br />

pour mieux<br />

relancer


Avec la prise de l’Amérique entre 1996 et 1999, et nos<br />

acquisitions majeures de 1998 en Europe ( Celleco ) et de<br />

2000 aux États-Unis ( Beloit ), nous avions maintenant des affaires<br />

partout au monde. Les trois divisions du Groupe Laperrière<br />

& Verreault – Fabrication, Procédés et Pâtes et Papiers – étaient<br />

présentes sur les six continents, dans une quarantaine de pays.<br />

Entre 2000 et 2003, notre groupe Pâtes et Papiers était divisé en<br />

deux, pour plus de commodité commerciale : il était actif dans<br />

plus de vingt lieux !<br />

Le secteur Pâtes avait des activités au Québec, en Suède, en<br />

Russie, en Inde, en Finlande, en Chine, au Brésil et dans les états<br />

américains de Géorgie, de Washington, du New Hampshire et<br />

du Massachusetts.<br />

Le secteur Papiers était actif au Québec, au Portugal, en<br />

Australie, en Espagne, en Afrique du Sud, en France et dans les<br />

états américains de Géorgie, de New York et du Massachusetts.<br />

En 2004, les circonstances nous ont imposé une importante<br />

restructuration.<br />

Au début des années 1990, le Groupe Laperrière & Verreault<br />

avait souffert de mal de dos en raison principalement de difficultés<br />

de relations de travail, conjuguées à un contexte économique<br />

de récession au Québec et en Amérique. Il s’en était<br />

suivi une réorganisation du groupe Fabrication, qui a porté de<br />

beaux fruits jusqu’à présent, qui occupe un créneau solide et<br />

qui continue sa croissance malgré les cycles de marché.<br />

Au début des années 2000, voici que s’annonçait une période<br />

de mal de tête pour la division Pâtes et Papiers, en raison cette<br />

fois-ci du contexte international du domaine. Il nous faudrait<br />

réarranger certaines composantes, pour rééquilibrer le groupe.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

165


166 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Nous avions acheté beaucoup d’entreprises dans ce secteur<br />

en Amérique et dans le monde. La stratégie avait donné de<br />

très bons résultats en termes de positionnement commercial.<br />

GL&V était maintenant propriétaire d’une grande quantité<br />

de technologies et de marques de très bonne renommée.<br />

Beaucoup de ces solutions technologiques occupaient<br />

aussi une excellente position en nombre d’équipements<br />

installés, partout au monde. Cela garantissait de bons résultats<br />

en matière de service après-vente et de ventes de pièces<br />

de rechange.<br />

Par contre, hors de notre contrôle, l’industrie mondiale des<br />

pâtes et papiers a vu l’offre dépasser la demande. Le prix de<br />

vente des papiers de toutes sortes et de la pâte a chuté, les gros<br />

investissements des papetières ont terriblement ralenti.<br />

Pour lutter contre cette faiblesse des prix, les industriels ont<br />

plutôt choisi de moderniser et d’améliorer les équipements<br />

en place pour réduire leurs coûts de production. Les pièces<br />

neuves et plus performantes sont un marché important pour<br />

GL&V. Notre service de rechange et d’après-vente a dû être<br />

renforcé, notamment par l’acquisition de E.L.P. Products de<br />

Calgary, spécialiste des hydrocyclones.<br />

D’autre part, nous avons déplacé certaines de nos activités de<br />

fabrication, par exemple de Nashua, pour les concentrer chez<br />

GL&V Fabrication à Trois-Rivières.<br />

L’Asie et l’hémisphère Sud souffrent généralement moins que<br />

l’Occident de la faiblesse des prix. C’est d’ailleurs là que se<br />

faisaient les grands investissements et les ventes en Europe et<br />

en Asie restaient généralement fortes.<br />

Les faibles résultats se sont manifestés surtout en Amérique du<br />

Nord et c’est ici que GL&V a le plus profondément réorganisé<br />

E.L.P. Products Ltd


<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

ses affaires. Dans certaines de nos unités de production, les<br />

creux de vague suivaient les périodes de pointe à un rythme<br />

impossible à supporter ; des équipes complètes d’ingénieurs et<br />

de techniciens ralentissaient leur rythme quelques semaines<br />

seulement après avoir été débordées de travail.<br />

Durant ces trois ou quatre années de difficiles affaires, sur lesquelles<br />

<strong>Laurent</strong> n’avait aucun contrôle, Bonne Étoile était partout<br />

à la fois, dans ses valises à tout moment entre l’Est et l’Ouest,<br />

du Nord au Sud. D’un bureau à l’autre dans le monde entier, à<br />

étudier des solutions de relance et de restructuration, à chercher<br />

et inventer des manières simples ou audacieuses de réduire les<br />

coûts ou d’augmenter les revenus.<br />

<strong>Laurent</strong> savait bien la fragilité des sociétés, même grosses, même<br />

puissantes : il en avait sauvé plus d’une de la mort, ces récentes<br />

années. Il fallait agir vite mais surtout bien, en épargnant autant<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

167


168 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

que possible les gens, les Bleus et les TLM, ceux qui font l’entreprise,<br />

qui sont la compagnie.<br />

Hélas, on ne peut pas les sauver tous…<br />

En 2004, le groupe Pâtes et Papiers de GL&V en Amérique du<br />

Nord était au plus mal. Nous avons tenu plusieurs rencontres<br />

avec les dirigeants de tous les groupes, pour trouver et appliquer<br />

des solutions. La situation était à la fois très simple et très<br />

compliquée : il fallait absolument passer au travers de la crise,<br />

mais comment ?<br />

— Je ne pourrai plus gérer confortablement une situation<br />

comme on vient de vivre en Chine, racontait Yvon<br />

L’Heureux, fatigué. Ce contrat de trois millions avec un<br />

client mal connu a failli nous coûter une partie de nos<br />

ingénieurs. Ce sont nos experts, dans lesquels nous avons<br />

beaucoup investi depuis des années et qui nous sont indispensables.<br />

On a fini par faire un succès avec cette affairelà,<br />

mais les profits sont presque nuls. <strong>Laurent</strong>, tu m’as<br />

conseillé ; Bill, tu m’as supporté, mais on ne peut plus soutenir<br />

ça.<br />

— Nos discussions et analyses montrent bien qu’il va falloir<br />

fermer ou vendre certaines composantes, mais <strong>vous</strong> le savez<br />

tous déjà. Ce n’est pas avec des plans stratégiques de ceci,<br />

et des objectifs de cela, et des plans d’action à décortiquer<br />

qu’on va y arriver. Nous n’avons jamais travaillé comme<br />

ça. Comme des entrepreneurs que <strong>vous</strong> êtes, avez-<strong>vous</strong> des<br />

solutions à me proposer ? Des solutions, pas des discussions.<br />

Pour ma part, je pense qu’on devra fermer LaValley,<br />

dans l’état de Washington.<br />

Mais Yvon n’était pas d’accord avec cette idée. Pas plus que<br />

Martin Dessureault, le financier comptable du groupe Pâtes et<br />

Martin Dessureault<br />

est contrôleur en chef du<br />

groupe Pâtes et Papiers<br />

depuis son arrivée chez<br />

GL&V en août 1996.


Bill Mahoney est arrivé<br />

chez GL&V au moment de<br />

l’acquisition de Beloit en<br />

2002. Il occupait alors le<br />

poste de vice-président aux<br />

ventes internationales du<br />

Groupe Pâtes et Papiers. Il est<br />

président du groupe Pâtes et<br />

Papiers depuis 2003.<br />

Papiers. Ils avaient tous les deux préparé un plan de relance<br />

assez élaboré.<br />

— GL&V / LaValley dans l’état de Washington est en concurrence<br />

avec GL&V / Pulp Group à Nashua pour la fabrication<br />

des tambours laveurs de pâte, mais ce n’est pas<br />

en fermant l’une qu’on va nécessairement sauver l’autre.<br />

<strong>Laurent</strong>, tu aimes que tes employés soient entreprenants :<br />

ferme Nashua plutôt que LaValley, où ils sont plus dynamiques,<br />

plus entrepreneurs, plus à notre image. On pourra<br />

faire de Washington un centre général de vente et service<br />

pour l’Ouest, pour être plus présents à nos clients là-bas.<br />

— Et si on regroupait de nouveau nos deux secteurs papiers<br />

et pâtes au sein du groupe Pâtes et Papiers, pour éviter les<br />

coûts du dédoublement ? Je suggère que Bill Mahoney<br />

devrait devenir le président de ce groupe-là.<br />

— Et Richard Verreault alors ? On l’enverrait où ? C’est lui le<br />

président actuel ?<br />

— Il y a d’autres plans pour Richard, ai-je répondu.<br />

— Si on applique à Nashua notre règle habituelle d’estimation<br />

de rentabilité, dit Bill Saulnier, les employés de l’entreprise<br />

ne génèrent pas chacun les trois cent cinquante mille dollars<br />

de chiffre d’affaires. Nashua n’est pas rentable. Si on<br />

fermait GL&V/Pulp Group à Nashua, comme propose<br />

Yvon, les activités manufacturières pourraient être concentrées<br />

à Trois-Rivières, sous la direction de Pierre Gélinas et<br />

d’Yvon.<br />

— On pourrait fermer en Géorgie ou réduire nos effectifs. Ça<br />

ferait de l’espace de bureaux à louer…<br />

— On pourrait…<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

169


Il y a eu des dizaines de propositions stratégiques. En fin de<br />

course, Yvon a encore obtenu le difficile mandat de fermer,<br />

de réduire et de réorganiser quelques unités à Vancouver<br />

( Washington ), Calgary, Sherbrooke, Montréal, Atlanta, Trois-<br />

Rivières. Il lui a fallu terminer environ cent cinquante emplois,<br />

surtout aux États-Unis. Cette restructuration nous procurait<br />

une économie de six à huit millions par année pour les prochains<br />

exercices.<br />

Nous étions particulièrement contents, avec Bill Saulnier notre<br />

financier, d’afficher encore des résultats positifs, d’un trimestre<br />

à l’autre malgré ces difficultés. Nous n’avons jamais déposé de<br />

rapport négatif de 1986 à 2006, en quatre-vingts trimestres !<br />

Si elle a sauvé cette partie de l’entreprise, la restructuration du<br />

groupe Pâtes et Papiers n’a pas ralenti l’« expatriation » continuelle<br />

des TLM ni les effets domino des changements de postes<br />

devenus nécessaires.<br />

Greg Bruyea avait beaucoup bougé, jusqu’à sa retraite en<br />

décembre 2001 ; Pierre Gélinas avait changé de chaise, de la<br />

Fabrication au développement des affaires à la vice-présidence<br />

de la technologie du papier ; Michel Gélinas le remplacerait à<br />

la Fabrication ; notre associé principal et frère d’armes de tous<br />

les instants, Jean Desbiens, prendrait une bonne retraite de la<br />

Fabrication en 2003 ; en attendant que Bill Mahoney lui succède,<br />

Richard prendrait temporairement la présidence de Pâtes<br />

et Papiers juste après Yvon… qui m’a fait la grande surprise<br />

d’annoncer sa retraite en juin 2004.<br />

Yvon L’Heureux nous quittait définitivement, pour trouver<br />

enfin une vie moins mouvementée que celle qu’il avait connue<br />

chez GL&V pendant 25 ans.<br />

Les énergies des Bleus et des TLM se réorganisaient de toute<br />

manière avec des ajouts et des successions d’importance,<br />

170 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Alain Mélançon a occupé<br />

le poste de vice-président<br />

aux ressources humaines de<br />

novembre 1998 à avril 2001.<br />

Roger Becker s’est joint<br />

à l’équipe de GL&V par<br />

l’acquisition de E.L.P.<br />

Products en avril 2001. Il<br />

occupe aujourd’hui un poste<br />

d’ingénieur de produit dans<br />

le groupe Pâtes et Papiers, aux<br />

États-Unis.


Gwen Klees est viceprésidente<br />

des affaires<br />

juridiques et secrétaire<br />

générale depuis son arrivée<br />

chez GL&V en mars 2003.<br />

comme celles du fiscaliste Marc Barbeau et du vice-président<br />

au développement corporatif Pierre Lépine ; de l’avocate Gwen<br />

Klees ; des administrateurs Roger Lessard et Roger Becker ; et<br />

d’Alain Mélançon aux ressources humaines.<br />

Après ce difficile épisode de la restructuration des Pâtes et<br />

Papiers, nous avions des envies de grandir encore, mais dans<br />

d’autres directions, plus porteuses et prometteuses.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

171


Une vision claire…<br />

comme de l’eau !


Au tout début des années 2000, pendant que nos Pâtes<br />

et Papiers cherchaient à se redéfinir et à se refaire une<br />

beauté, c’est en fait tout le Groupe Laperrière & Verreault qui<br />

devait être remis en question, et peut-être rafraîchi comme<br />

nous l’avions fait dix ans plus tôt.<br />

GL&V s’est construit depuis 1975 avec les groupes Fabrication<br />

et Pâtes et Papiers. Une autre division importante, le groupe<br />

Procédés, était née en 1990 avec l’achat de Dorr-Oliver Canada,<br />

même si son nom n’apparaît officiellement qu’en 1996.<br />

Depuis de nombreuses années, le domaine des papiers et de la<br />

pâte était toujours en dents de scie, un peu en haut, surtout<br />

en bas, et nous devions suivre les difficultés de nos clients. Le<br />

secteur minier, à qui s’adresse notre groupe Procédés avec la<br />

séparation des solides et des liquides, vivait depuis longtemps<br />

aussi des cycles importants, des bonnes et des mauvaises périodes.<br />

GL&V s’accommodait bien de ces activités en montagnes<br />

russes, mais on s’entend que ce n’est pas la situation la plus<br />

confortable.<br />

Moi, je suis un gars des pâtes et papiers. J’ai été formé et j’ai<br />

grandi dans une usine de papier. C’est le cas de la plupart<br />

des TLM – toujours les mêmes qui m’accompagnent depuis<br />

20 ans, nos « vieux » vice-présidents et collaborateurs Louis<br />

Laperrière, Jean Desbiens, Yvon L’Heureux, Bill Saulnier et<br />

René L’Heureux.<br />

Maintenant, il y a les nouveaux Bleus qui poussent et qui<br />

tirent. Venus d’autres horizons, avec d’autres idées, nos « jeunes<br />

» vice-présidents au Québec et en Ontario, Marc Barbeau,<br />

Greg Bruyea, Michel Gélinas, Pierre Lépine, Sylvain Ouellette,<br />

Richard Verreault et Bart Yule.<br />

En plus de tous ceux qui sont arrivés chez nous de partout au<br />

monde, avec des visions mondiales, Robert Coomes et Robert<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

173


174 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Harrison aux États-Unis, Klaus-Dieter Grüner en Allemagne,<br />

Graham Lawes en Afrique du Sud, Mikael Sundqvist en Suède.<br />

Nous les TLM, on faisait dans le papier et les mines mais<br />

on s’est vite aperçus que les Bleus de la nouvelle génération<br />

jouaient dans l’eau pendant ce temps-là !<br />

— Richard, tu sais bien qu’en faisant du papier, on sépare aussi<br />

les solides des liquides ; pareil dans les mines quand on lave<br />

le minerai et qu’on épure l’eau après.<br />

Je discutais fort avec Pierre Lépine et Richard Verreault, mais<br />

je savais qu’ils avaient raison. J’aime qu’on me tienne tête avec<br />

des bons arguments.<br />

— Voyons <strong>Laurent</strong>, ce n’est pas pareil, ce n’est pas de ça qu’on<br />

te parle. Pierre tenait bien son rôle de VP développement<br />

corporatif. On parle de purifier de l’eau, pas de l’épurer.<br />

Oui, enlever des solides dans des liquides, mais dans des<br />

eaux industrielles, municipales. Enlever des microparticules<br />

pour faire de l’eau pure. Proche mais pas pareil.<br />

— L’eau, c’est un bijou, ajoutait Richard. Même si elle est mal<br />

vue par beaucoup parce qu’il y plus d’eau imbuvable que<br />

d’eau potable. Même les eaux pleines de merde des municipalités,<br />

c’est un bijou parce que tu sais comme moi que<br />

l’eau propre est de plus en plus rare et chère à fabriquer.<br />

Notre avocat Robert Dorion appelle ça la « denrée du<br />

futur ». C’est le domaine porteur à très long terme, partout<br />

sur Terre, et GL&V devient un spécialiste. Et on est déjà<br />

partout sur Terre !<br />

— Nous serions presque les seuls dans le domaine, et ça n’a pas<br />

de fin. Où serons-nous dans dix ou quinze ans si on reste<br />

avec les domaines trop cycliques du papier et des mines ?<br />

Bart Yule s’est joint à GL&V<br />

au moment de l’acquisition<br />

de Dorr-Oliver Canada en<br />

septembre 1990. Il a occupé<br />

le poste de directeur des<br />

ventes puis de directeur<br />

général de Dorr-Oliver<br />

Canada sous GL&V jusqu’à<br />

son départ en octobre 2004.<br />

Robert Coomes est entré<br />

chez GL&V au moment de<br />

l’acquisition de Dorr-Oliver<br />

International en septembre<br />

1999. Il est ensuite devenu<br />

président du groupe Procédés<br />

jusqu’à son départ en avril<br />

2003.<br />

Sylvain Ouellette était viceprésident<br />

à la comptabilité<br />

d’avril 2003 à mai 2005. Il a<br />

alors partagé le poste de chef<br />

des opérations financières<br />

jusqu’à son départ en février<br />

2007.


René L’Heureux et Mikael<br />

Sundqvist en 1999 lors<br />

d’un voyage au Japon à la<br />

recherche d’un distributeur<br />

pour GL&V<br />

La population mondiale augmente, la disponibilité de l’eau<br />

fraîche diminue. Rien ne nous empêche de continuer les<br />

autres secteurs, mais un groupe Traitement des eaux garantirait<br />

l’avenir à très long terme pour GL&V.<br />

En 2001, <strong>Laurent</strong> va avoir 60 ans. Ce n’est pas un âge avancé physiquement,<br />

surtout pour un gars en pleine forme physique, qui pratique<br />

plusieurs sports, qui ne boit plus une goutte d’alcool depuis<br />

sept ans, qui surveille son alimentation.<br />

Non, Bonne Étoile craignait bien plus d’avoir à se confronter aux<br />

usages, aux manières de faire, aux habitudes, pire aux principes, à<br />

l’autorité et aux certitudes de l’« expérience ».<br />

À cet âge-là, il n’est pas rare de croiser des hommes certains de<br />

détenir la vérité, la leur en tout cas, bâtie à la sueur de leur front.<br />

Ils ont beaucoup vu, beaucoup voyagé, beaucoup réfléchi, beaucoup<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

175


176 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Deux exemples d'équipement<br />

parmi des milliers produits<br />

par le groupe<br />

ADDAX Australia Ltd<br />

2000<br />

*


décidé. Les chefs, les meneurs d’hommes surtout sont souvent difficiles<br />

à faire changer de cap…<br />

Invité et convaincu par la nouvelle garde, GL&V a pris ce nouveau<br />

sentier avec énergie mais stratégie, selon ses méthodes. Ce<br />

groupe Traitement des eaux ne serait officiellement créé qu'en<br />

avril 2004, mais nous avons bougé dès juin 2000.<br />

Après cette discussion avec Pierre et Richard, notre premier<br />

mouvement a été l’acquisition de la toute petite compagnie<br />

Environmental Equipment & Systems. Elle se trouvait là<br />

dans le Connecticut, presque par hasard. Nos quelques activités<br />

d’épuration d’eau relevaient essentiellement du groupe<br />

Procédés, dont le navire amiral était GL&V/Dorr-Oliver. Nous<br />

venions tout juste d’acheter Dorr-Oliver International l’année<br />

précédente ; EES était installée à quinze kilomètres dans la ville<br />

voisine et les deux opérations étaient complémentaires.<br />

Nous avions là déjà un très beau portefeuille de technologies et<br />

d’équipement de procédés de filtration, et surtout le personnel<br />

qui savait les utiliser.<br />

Trois mois plus tard, nous avons consolidé avec l’achat de<br />

l’ancienne Beloit Australia, et de son procédé ADDAX, que<br />

nous avons bientôt fusionnée avec nos services existants pour<br />

créer là-bas GL&V Australia, au service des papetières et des<br />

minières.<br />

Le groupe de l’eau prenait forme, nous nous faisions la main<br />

et avancions prudemment sur ce terrain peu connu de nous.<br />

Nous avions d’autres chats à fouetter durant ces années 2000 -<br />

2003 du côté pâtes et papiers, mais notre vision d’un bon<br />

avenir dans le domaine de l’eau se précisait.<br />

Personne chez GL&V ne s’attendait à la suite.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

177


À nous le monde<br />

maintenant


Ici, l’Histoire se répète un peu, mais j’en suis fier et j’ai du<br />

plaisir à m’en rappeler. Ce sont des grandes étapes de la<br />

croissance de GL&V.<br />

Au début de ma carrière, quand j’étais technicien en instrumentation<br />

et contrôle au Nouveau-Brunswick, j’avais été émerveillé<br />

par un système d’entraînement signé Dorr-Oliver ; dix-sept ans<br />

plus tard, j’ai acheté la compagnie.<br />

À l’usine de papier de Matane en 1968, je faisais l’entretien<br />

de notre « Black-Clawson » flambant neuve, une formidable<br />

machine à papier ; en 1996, j’ai acheté cette compagnie.<br />

Quand j’ai commencé apprenti à vingt et un ans à la Canadian<br />

International Paper de La Tuque en 1963, j’ai appris le procédé<br />

de filtration de la pâte à papier sur des systèmes de vortex<br />

Celleco ; en 1998, trente-cinq ans après, j’ai acheté la<br />

compagnie.<br />

Pendant plus de vingt ans, je me suis couché en dessous de<br />

machines pour les installer, les entretenir ou les réparer.<br />

Certaines étaient ordinaires, d’autres étaient des machines de<br />

rêve, comme celles de EIMCO, une entreprise centenaire ; en<br />

2002, j’ai acheté cette compagnie.<br />

Un jour, la gigantesque multinationale de services aux pétrolières<br />

Baker Hughes se débarrassait de sa division spécialisée<br />

dans la séparation de liquide et de solide dans le secteur minier,<br />

incluant une petite division dans celui de l’eau. Ils avaient<br />

acquis cette société et son savoir-faire pour nettoyer leurs eaux<br />

de creusage de puits de pétrole et de mines. Par laisser-aller et<br />

manque de savoir-faire dans ce type d’opérations, ils n’avaient<br />

jamais réussi à l’intégrer ni à la rentabiliser selon leurs besoins.<br />

Chez GL&V, il n’y avait pas de département Fusions et<br />

Acquisitions. Je me suis toujours fié aux opérateurs, vendeurs<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

179


180 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

et gestionnaires de divisions régionales pour nous pointer du<br />

doigt un concurrent de valeur, un fabricant de bons produits,<br />

une belle compagnie à acquérir dans leur entourage. Une<br />

fois la proie repérée, les « chasseurs » de l’équipe d’acquéreurs<br />

– Pierre Lépine, Bill Saulnier et <strong>Laurent</strong> Verreault – pouvaient<br />

commencer leur pistage.<br />

C’est comme ça que nos gens du terrain chez GL&V / Dorr-<br />

Oliver, au groupe Procédés, nous ont fait savoir qu’un compétiteur<br />

de qualité était à vendre. Son siège social était à Salt Lake<br />

City et il avait des filiales dans le monde entier. L’entreprise<br />

générait un énorme deux cent cinquante millions de dollars<br />

en chiffre d’affaires annuellement, mais perdait quinze<br />

millions par an depuis quelques années. À vendre ! Elle<br />

s’appelait EIMCO !<br />

Cette compagnie de mes rêves était active dans trois domaines,<br />

dont un que nous ignorions. Elle offrait les mêmes savoirfaire<br />

et technologies que GL&V/Dorr-Oliver dans les procédés<br />

de traitement des eaux de mines ; elle servait un petit peu les<br />

papetières pour la séparation solides-liquides. C’étaient ces<br />

deux secteurs qui nous avaient attirés.<br />

Ce que nous avons découvert en faisant nos vérifications<br />

préliminaires d’acquéreurs à l’été de 2002, c’est que plus du<br />

tiers de l’énorme chiffre d’affaires d’EIMCO était réalisé avec<br />

leur expertise de pointe en technologie de l’environnement<br />

industriel et municipal. Ceci incluait le traitement des eaux<br />

propres et usées, aux deux bouts de l’utilisation de l’eau, en<br />

se servant d’équipements similaires à ceux employés dans les<br />

mines, que nous connaissions.<br />

Partout sur la planète, chaque année, la division eau<br />

d'EIMCO vendait pour soixante-dix millions de dollars de<br />

purification et d’épuration d’eau.


<strong>Laurent</strong> et Richard Verreault<br />

dans le cahier « 30 ans,<br />

maîtriser le présent, façonner<br />

l’avenir » du Nouvelliste à<br />

l’occasion du 30 e anniversaire<br />

de GL&V<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault, personnalité<br />

d’affaires. « GL&V s’installe en<br />

Europe », annonce le Mauricie<br />

affaires d’avril-mai 2003.<br />

Sans la chercher, nous venions de trouver la plateforme idéale<br />

et mondiale pour construire notre nouvelle stratégie de l’eau.<br />

Le bijou, la denrée du futur dont parlaient Richard Verreault<br />

et Pierre Lépine quelques mois avant. Il ne fallait pas manquer<br />

cette acquisition !<br />

Notre plan de chasse a vite été monté avec Robert Dorion l’avocat,<br />

Marc Barbeau le fiscaliste, Bill Saulnier le financier, Pierre<br />

Lépine au développement des affaires et aussi René L’Heureux<br />

l’inséparable pour s’occuper du monde partout au monde.<br />

Inutile de s’étendre sur l’extrême difficulté de cette folle acquisition<br />

et de son intégration planétaire. Les défis résidaient surtout dans<br />

les ressources humaines et les pratiques comptables et administratives.<br />

<strong>Laurent</strong> n’insiste pas sur ces détails mais Bonne Étoile sait<br />

que l’ajout d’EIMCO au portefeuille de GL&V est un tournant<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

181


182 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

majeur dans l’histoire de son entreprise : il a fait doubler d’un seul<br />

coup la taille de la compagnie.<br />

Doubler en chiffre d’affaires, doubler en personnel, doubler en<br />

positionnement mondial, doubler en domaines d’activité. Doubler<br />

d’un seul coup, et dans une période difficile où les pâtes et papiers<br />

sont au ralenti, où les mines sont dépréciées, où les banques sont<br />

plus que frileuses, et prudentes à l’excès.<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault est vraiment un risqueur à long terme, un<br />

visionnaire charismatique, un décideur entêté. Il voulait cette<br />

compagnie : il l’a eue !<br />

Malgré les excellents résultats financiers de GL&V, sa banque ne<br />

veut pas prêter pour l’acquisition de cette entreprise déficitaire ?<br />

Rien de grave : il ira se chercher trente millions de dollars de placement<br />

privé. Bonne Étoile veille…<br />

Pour ses deux cent cinquante millions de chiffre d’affaires et<br />

ses quinze millions de déficit annuel, EIMCO a été payée<br />

peu cher, soixante millions, dans un marché minier déprimé.<br />

C’était tout de même la plus importante acquisition dans notre<br />

histoire. Elle faisait aussi de notre groupe Procédés le plus gros<br />

de GL&V, avec désormais plus de 60 % de nos revenus.<br />

À la « manière GL&V », vite mais correctement pour les<br />

employés, nous avons remis la compagnie sur la voie de la<br />

rentabilité, d’abord en nous défaisant de l’usine de fabrication<br />

et de quelques opérations marginales. Puis nous avons<br />

ramené le nombre d’emplois à une taille normale pour ce type<br />

d’entreprise, avec l’intervention délicate et mesurée de René<br />

L’Heureux et de Roger Lessard, dans tous les bureaux mondiaux<br />

d’EIMCO.<br />

Roger Lessard est directeur<br />

général du groupe Pâtes<br />

et Papiers Brésil depuis<br />

novembre 2001.


Bureau de Dorr-Oliver Eimco, à<br />

Rugby, Angleterre, en 2002<br />

Déjeuner de travail avec<br />

l'équipe de Dorr-Oliver Eimco<br />

en Chine, en 2002<br />

Oui, <strong>Laurent</strong> envahissait le monde avec EIMCO ! Mais EIMCO<br />

allait lui causer une autre sorte d’envahissement… Il n’en dira<br />

rien, lui qui est prévenant, attentionné et compatissant avec tous,<br />

mais le fait est loin d’anodin.<br />

Le surplus de travail apporté au siège social de Trois-Rivières par<br />

cette acquisition a imposé l’embauche de quelques spécialistes,<br />

notamment d’un juriste. En 2003, Marc Barbeau, Pierre Lépine<br />

et Richard Verreault ont recruté la perle rare, qui semblait bien<br />

s’entendre avec le poste et la direction. Restait à voir <strong>Laurent</strong> pour<br />

obtenir son approbation.<br />

Il lui a dit en commençant : « Pourquoi on se rencontre ? Je n’ai<br />

pas besoin d’un avocat, j’ai déjà Robert Dorion. » La perle rare<br />

lui a répondu, solide et calme, en bon langage de procureur : « Ce<br />

qu’on m’a dit, c’est que la direction veut avoir un avocat et que leur<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

183


184 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

décision est prise. Maintenant, monsieur Verreault, si on ne peut<br />

pas s’aimer la face, le fonctionnement va juste être plus difficile. »<br />

<strong>Laurent</strong> a marqué une longue pause pour réfléchir à sa manière<br />

de dire les choses. « Je travaille avec le même avocat à l’externe<br />

depuis plus de vingt ans. Je doute qu’il accepte avec plaisir que <strong>vous</strong><br />

veniez jouer dans ses plates-bandes. Notre équipe est forgée très<br />

solidement et votre vie risque de devenir beaucoup plus difficile,<br />

madame Klees. »<br />

En d’autres mots, <strong>Laurent</strong> avait l’honnêteté de dire quelque chose<br />

comme : « Je ne travaille au quotidien qu’avec des hommes depuis<br />

toujours. Je doute qu’ils acceptent avec facilité la présence d’une<br />

femme dans l’équipe de direction. Nous sommes extrêmement masculins<br />

ici, un épouvantable boys' club, et votre vie va devenir très<br />

difficile, madame. »<br />

L’avocate Gwen Klees a tenu tête et persévéré malgré les inévitables<br />

prises de bec et les réparties parfois sulfureuses de cette troupe<br />

d’hommes. Son apport pionnier de féminité depuis 2003 a changé<br />

GL&V presque autant que… l’acquisition d’EIMCO !<br />

L’activité d’intégration la plus constructive a été, ici comme<br />

dans toutes nos intégrations tout au long de notre histoire,<br />

l’implantation de la culture entrepreneuriale de GL&V.<br />

Chez nous, chacun doit prendre sa place, faire preuve d’initiative<br />

et tailler sa route avec l’aide des responsables et des collègues.<br />

J’ai toujours dit à tous les employés : foncez, on <strong>vous</strong><br />

soutient ; tombez, on <strong>vous</strong> relèvera. Soyez votre propre bâtisseur,<br />

artisan de votre avenir. J’aime les entrepreneurs.<br />

Dès 2003, la filiale avait retrouvé sa rentabilité. Elle avait même<br />

généré des profits, à la faveur d’une reprise importante de<br />

Elite Cameron Ltd<br />

Brackett Green Ltd


Olga Matveeva, Peter Smirnov,<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault, Svetlana<br />

Vinogradova et Igor Lakeev au<br />

bureau de GL&V/Celleco Russie,<br />

à Saint-Pétersbourg, en 2001<br />

Dîner à Singapour avec<br />

l'équipe en 2005. Assis : Tony<br />

Hoo, Andrew Lau, <strong>Laurent</strong><br />

Verreault, Maria Robichaud.<br />

Debout : Charlene Teoh,<br />

Samuel Wong, Cynthia Ang,<br />

Ricson Liau et Jenny Yong<br />

l’activité minière à l’échelle mondiale, notamment en Chine,<br />

en Inde, en Russie, au Brésil et dans d’autres pays émergents.<br />

Pour bien faire, GL&V était aussi présente maintenant à<br />

l’échelle mondiale !<br />

L’arrivée sur la scène internationale de GL&V / Dorr-Oliver<br />

Eimco, le nouveau nom public de notre groupe Procédés, a<br />

profondément modifié notre positionnement et celui de nos<br />

concurrents. Dorr-Oliver Eimco se hissait parmi les premiers<br />

fournisseurs de solutions technologiques de séparation des solides<br />

et des liquides.<br />

Notre position géographique à titre de pourvoyeur mondial<br />

changeait aussi nos anciens rapports de concurrence, d’approvisionneur<br />

ou de client auprès de plusieurs entreprises. Il<br />

devenait absolument nécessaire de consolider notre part de marché<br />

en procédant à certaines acquisitions utiles et stratégiques.<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

185


186 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Soudain, Bonne Étoile a revu puis revécu ces périodes folles<br />

d’étourdissement. Dans les années 1980, pour bâtir le Groupe<br />

Laperrière & Verreault à l’époque du Québec Inc., <strong>Laurent</strong> créait,<br />

achetait ou vendait une compagnie tous les cinq trimestres.<br />

Les années 1990 avaient servi à consolider les différents groupes<br />

– Fabrication, Procédés et Pâtes et Papiers – et <strong>Laurent</strong> faisait<br />

une transaction majeure tous les quatre trimestres. Le rythme allait<br />

s’accélérer avec cette consolidation du groupe Traitement des eaux,<br />

par une transaction à tous les trois trimestres entre 2000 et 2006 !<br />

De l’achat d’EIMCO et son intégration définitive au début de<br />

2004, jusqu’à la fin de 2006, où serait pris un autre tournant,<br />

<strong>Laurent</strong> a acquis douze compagnies en neuf trimestres. Bonne<br />

Étoile a le tournis !<br />

Notre groupe Pâtes et Papiers restructuré en 2004 avait besoin<br />

de sang neuf. Nous avons alors acquis Perplas et son complémentaire<br />

Huyck Dewatering Equipment au Royaume-Uni, et<br />

une division de Kvaerner Pulping Business en Suède, toutes<br />

trois spécialisées en préparation de la pâte. Nous devenions<br />

chefs de file mondiaux dans ce domaine aussi.<br />

L’acquisition des droits totaux sur la technologie allemande<br />

BTF, pour les caisses d’arrivée de la pâte à l’entrée de la machine,<br />

nous assurait l’exclusivité mondiale de la distribution et de la<br />

fabrication de ces pièces de très grande qualité.<br />

Enfin, l’acquisition de la montréalaise KanEng Industries et<br />

de certains actifs de l’américaine J&L Fiber Services en 2006<br />

complétait notre cycle de consolidations dans les pièces pour<br />

les pâtes et papiers.<br />

Les acquisitions utiles en traitement des eaux visaient particulièrement<br />

la possession de propriété intellectuelle sur diverses


Enviroquip Inc.<br />

2006<br />

METSO PAPER LTD<br />

COPA LTD<br />

technologies de filtration mécanique ou biologique. Il nous<br />

fallait assembler un portefeuille judicieux de procédés par<br />

grillages, membranes et biofiltres de haute technologie, pour<br />

diverses applications.<br />

Nous avons acquis les britanniques Jones & Attwood et<br />

Brackett Green en 2005, et en 2006 la division Eau de la finlandaise<br />

Metso, l’américaine Enviroquip et enfin COPA au<br />

Royaume-Uni et en Australie.<br />

COPA LTD COPA LTD COPA LTD<br />

Contrairement au début des années 2000 où les banques<br />

étaient craintives, ces années-ci étaient faciles et propices à<br />

l’acquisition. Oui, les banques réagissaient mieux aux marchés<br />

maintenant en expansion mais oui aussi, les résultats de GL&V<br />

en affaires étaient spectaculaires et rassurants.<br />

En mai 2006, nous avons dévoilé des profits records pour un<br />

quatrième trimestre consécutif, et un profit annuel en hausse<br />

de 146 % au regard du profit de l’année précédente. Notre carnet<br />

de commandes était aussi en hausse de 10 % par rapport à<br />

la même date en 2005.<br />

Cette croissance, attribuable aux activités mondiales du groupe<br />

Procédés et aux multiples acquisitions des groupes Pâtes et<br />

Papiers et Traitement des eaux, avait le bon pouvoir de rendre<br />

les actionnaires souriants mais aussi les financiers coopératifs !<br />

Grandir à tout prix, avec plaisir<br />

187


Tout vendre<br />

et tout garder !


Nos beaux<br />

souliers pour<br />

aller <strong>danser</strong>


Comme nous faisions toujours lorsque les affaires le réclamaient,<br />

j’étais en voyage de promotion des activités de<br />

GL&V en Amérique du Nord. L’industrie tient des salons et<br />

des expositions où il est bien d’aller se pavaner un peu, se faire<br />

voir et raconter nos bons coups. Ces activités d’information<br />

attirent les investisseurs.<br />

En décembre 2006, j’allais dans les tournées de présentation<br />

à des investisseurs à Montréal, Toronto, Vancouver et San<br />

Francisco avec Richard Verreault et Marc Barbeau. Notre but<br />

était d’exposer au monde des affaires les neuf importantes transactions<br />

que nous avions faites dans la dernière année, leur<br />

expliquer notre stratégie et leur parler de nos résultats espérés.<br />

Richard était à ce moment président et chef de l’exploitation, le<br />

grand responsable des « opérations de terrain » ; Marc occupait<br />

depuis mai conjointement avec Sylvain Ouellette un des postes<br />

de vice-président des opérations financières. Les responsabilités<br />

de Bill Saulnier avaient été confiées à deux co-chefs au lieu d’un<br />

seul vice-président habituel.<br />

Dans la voiture qui nous amenait Marc, Richard et moi visiter<br />

Whistler entre deux rencontres à Vancouver et San Francisco,<br />

je pensais à Bill. Il avait pris sa retraite en décembre, juste avant<br />

notre voyage : peut-on imaginer Bill Saulnier à la retraite après<br />

27 années chez GL&V ? Le paysage était presque aussi beau<br />

que quand nous étions partis en avion Bill, René et moi acheter<br />

Dorr-Oliver à Orillia en août 1990, pour a new beginning… Il<br />

y avait encore pas mal de new beginning, un nouveau départ<br />

aussi dans l’air ce petit matin-là de décembre 2006.<br />

— Marc ? Richard et moi avons quelque chose à te dire, ai-je<br />

ouvert la conversation.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

191


192 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Nous pensons à vendre peut-être un des groupes de GL&V,<br />

le groupe Procédés. Nous avons des communications avec<br />

un acheteur depuis quelques semaines.<br />

Si Marc n’avait pas porté sa ceinture de sécurité, il serait tombé<br />

en bas de sa chaise !<br />

Pour consolider ce groupe, j’avais conclu pas plus tard qu’au<br />

début de ce mois de décembre la plus grosse transaction jamais<br />

faite dans l’histoire de GL&V : à l’envers de ma préférence<br />

d’acquérir des actifs, j’avais acheté toutes les actions et la dette<br />

de Krebs International, pour cent dix millions de dollars. Cette<br />

compagnie basée en Arizona était en excellente santé financière.<br />

Elle comblait admirablement quelques manques dans<br />

notre offre de services à l’industrie minière, dans les schémas<br />

de traitement.<br />

Krebs nous plaçait surtout très confortablement sur des marchés<br />

internationaux extrêmement lucratifs de service après-vente<br />

sur des équipements de séparation solides-liquides de grande<br />

efficacité. C’était une acquisition majeure, payée très cher, trop<br />

peut-être, mais je savais qu’elle rapporterait bien davantage<br />

dans peu de temps.<br />

En fait, c’était une cerise que je posais sur le gâteau. Je souhaitais<br />

qu’on m’invite à souper, je me faisais beau et je cirais<br />

mes chaussures ! Je m’apprêtais à recevoir une invitation ; elle<br />

est arrivée en décembre, aussitôt l’achat de Krebs annoncé.<br />

Dans nos récentes années d’acquisition, nous avions analysé<br />

sérieusement la possibilité d’acheter une division de FLSmidth,<br />

une multinationale danoise du ciment et d’équipement<br />

minier, un peu fragilisée par la situation mondiale de l’industrie.<br />

Finalement, pour toutes sortes de raisons, nous avions<br />

renoncé à cette idée.


À l'automne 2006, Richard avait rencontré le patron de cette<br />

très grosse entreprise, qui avait manifesté à ce moment de l’intérêt<br />

à se joindre à nous pour discuter d’une acquisition potentielle.<br />

Richard avait joué l’indépendant en refusant, mais avait<br />

quitté l’homme en lui laissant voir que, s’il était vraiment intéressé<br />

par une grosse acquisition…<br />

En même temps, à réfléchir, j’en étais venu à la conclusion que<br />

notre groupe Procédés avait atteint son maximum de valeur<br />

dans un marché minier au maximum de son expansion possible<br />

dans le contexte actuel. Je prévoyais même une diminution<br />

prochaine de l’activité minière en Chine, après leur boom<br />

olympique de 2008. Il fallait vendre maintenant si nous voulions<br />

continuer à développer notre expertise dans le traitement<br />

des eaux et supporter notre groupe Pâtes et Papiers, toujours un<br />

peu au ralenti.<br />

Aussitôt l’achat de Krebs International annoncé, le téléphone<br />

a sonné au bureau de Richard : « Nice shot ! », beau coup, lui a<br />

dit le patron de FLSmidth. « Nous voulions Krebs aussi, c’est<br />

toi qui l’as eue. Maintenant, êtes-<strong>vous</strong> à vendre ? <strong>Voulez</strong>-<strong>vous</strong><br />

souper avec nous ? »<br />

Ma stratégie avait fonctionné.<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault a tellement acheté de compagnies dans sa vie,<br />

que sa stratégie de vente était certaine de fonctionner ! Vieux chasseur,<br />

va !<br />

Bonne Étoile a quand même travaillé fort pour le soutenir, encore.<br />

Elle a rassemblé et préparé toutes les informations légales et financières,<br />

tous les documents administratifs nécessaires durant les<br />

Fêtes de 2006. Vite, vite… <strong>Laurent</strong> avait décidé qu’il irait dès le<br />

tout début de janvier faire opérer son charme à Copenhague au<br />

Danemark. Il a mis ses beaux souliers pour aller <strong>danser</strong>.<br />

Il est comme ça…<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

193


194 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Dès janvier 2007, j’allais discuter avec FLSmidth des grandes<br />

lignes de cette vente de notre groupe Procédés, tout GL&V/<br />

Dorr-Oliver Eimco.<br />

Ces Danois avaient un problème : leur entreprise était surtout<br />

présente dans l’industrie du ciment, en perte de vitesse. Leur<br />

stratégie était de se diversifier et développer dans les mines. Nos<br />

brevets, nos marques de commerce et notre expertise les serviraient<br />

à merveille.<br />

Ils étaient disposés à mettre le prix pour se relancer. La plupart<br />

du temps, comme dans l’achat de Krebs, la vraie question à se<br />

poser n’est pas « combien ça va coûter ? » mais « combien ça va<br />

rapporter ? »<br />

— Allo !<br />

— <strong>Laurent</strong> ? C’est Robert Dorion. Tu viens de laisser deux messages<br />

« urgents » dans ma boîte vocale… Au Danemark je<br />

ne sais pas, mais ici, il est cinq heures du matin ! Qu’est-ce<br />

qui est si urgent ?<br />

— Robert, j’ai un shake-hand avec FLSmidth pour la vente du<br />

groupe Procédés ! Ils acceptent tout ! Le contenu de l'offre,<br />

le prix, les conditions, les échéances, tout !<br />

— Tu as vraiment réussi à leur vendre seulement les procédés ?<br />

Ils ne prennent pas Pâtes et Papiers ni Traitement des eaux ?<br />

Je n’ai jamais vu ça en vingt ans de droit des compagnies !<br />

Coup de génie !<br />

— Oui, c’est un peu spécial mais ils n’ont rien à faire des autres<br />

divisions. C’est leur choix. Maintenant, j’ai une très bonne<br />

idée de comment on va leur vendre Procédés et garder le<br />

reste. Je t’en reparlerai. Pour tout de suite, c’est urgent, j’ai


esoin vite, vite, d’un protocole d’entente pour garantir ma<br />

vente. Peux-tu…<br />

Robert me connaît bien : il m’a tout de suite interrompu pour<br />

calmer mes excès d’emportement.<br />

— <strong>Laurent</strong> ! Nous sommes vendredi, c’est encore un peu<br />

le temps des Fêtes, il est cinq heures du matin, je suis à<br />

Bromont. Tu veux vite vite un protocole d’entente pour<br />

vendre les trois quarts de GL&V, de ta compagnie, des<br />

opérations dans 27 pays… « Vite vite » comment ? Ça peut<br />

attendre à lundi, non ?<br />

— Ah ? Oui… Tu penses ?<br />

— <strong>Laurent</strong> ? Bon anniversaire.<br />

— Ce n’est pas mon anniversaire, Robert…<br />

— Non, c’est le mien. <strong>Laurent</strong> ?<br />

— Oui ?<br />

— Félicitations pour ta vente !<br />

Robert ! Je le réveille à cinq heures du matin le jour de son<br />

anniversaire, et il pense encore à me féliciter. Il a été de toutes<br />

les décisions importantes de la compagnie, presque depuis nos<br />

premières acquisitions. Quelle fortune que cette « assuranceconseil-stratégie<br />

», disponible à toute heure !<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

195


Tout vendre,<br />

tout garder…<br />

tout rebâtir


Robert avait donc eu une sorte de pressentiment en me<br />

demandant un peu de temps pour préparer ce protocole<br />

d’entente. La vente de GL&V en conservant certains morceaux,<br />

c’est-à-dire à la fois vendre et garder, demanderait des<br />

trésors d’imagination !<br />

Ici, nous sommes confrontés à de très sérieuses complications<br />

de droit commercial, de législation corporative internationale<br />

et nationale, de fiscalité des compagnies et d’administration<br />

interne. Comment vendre une division d’une société publique<br />

canadienne à une société publique danoise, en retenant deux<br />

divisions pour en faire une nouvelle société privée, sans léser les<br />

actionnaires de la société canadienne ?<br />

Sans surprise, le processus complet et presque inédit de cette<br />

vente a duré près de huit mois, durant lesquels j’ai occupé une<br />

position très inconfortable.<br />

Le projet initial entre GL&V et FLSmidth en janvier 2007 est<br />

que ce dernier acquiert le groupe Procédés comme désiré, et de<br />

privatiser les deux autres groupes de GL&V en faisant un rachat<br />

d’entreprise par les dirigeants. Les détenteurs de cette nouvelle<br />

société seraient essentiellement les fondateurs Louis Laperrière,<br />

Jean Desbiens et particulièrement <strong>Laurent</strong> Verreault, avec la<br />

haute direction de l’entreprise.<br />

En février, lorsque j’ai présenté au conseil d’administration de<br />

GL&V la lettre d’intention de FLSmidth, et notre prospectus<br />

du projet et de son état d’avancement, j’ai créé un tremblement<br />

de terre. Les préliminaires de ces tractations de vente du navire<br />

amiral de la compagnie s’étaient passés si rapidement que personne<br />

n’était au courant.<br />

Nous nous sommes vite entendus au conseil sur le fait que ma<br />

situation était impossible. À titre de président du conseil et<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

197


198 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

chef de la direction, j’étais à la fois vendeur d’un des trois groupes<br />

de la compagnie à un étranger, et vendeur des deux autres<br />

groupes à moi-même.<br />

Le conseil d’administration a dû former un comité indépendant<br />

secondé de conseillers extérieurs pour négocier avec les<br />

acheteurs, c’est-à-dire FLSmidth d’un côté, et de l’autre côté<br />

mes partenaires et moi, avec chacun leurs conseillers extérieurs.<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault étant assis sur deux chaises en même temps,<br />

je n’ai pas eu d’autre choix que de me retirer de ce marché.<br />

Pour la première fois de toute ma carrière d’entrepreneur,<br />

depuis 1975, depuis trente-deux ans, je ne pouvais pas intervenir<br />

dans une transaction, moi qui les avais toutes dirigées<br />

personnellement. Et pas n’importe laquelle : la plus importante<br />

de toutes, celle de la vente de ma propre entreprise !<br />

Durant huit mois, Bonne Étoile a sué sang et eau presque jour et<br />

nuit pour mériter et obtenir ses badges de Bonne Étoile Émérite,<br />

dans ces circonstances extrêmes. <strong>Laurent</strong> était totalement disqualifié<br />

pour mener et même participer à cette plus belle chasse de sa<br />

carrière.<br />

Il ne devenait pas une quantité négligeable pour autant : il négociait<br />

l’œuvre de sa vie. C’est durant ces huit mois qu’a pu s’incarner<br />

en Bonne Étoile la confiance totale et presque aveugle qu’avait<br />

<strong>Laurent</strong> envers ses collaborateurs à tous les niveaux…<br />

Il n’y avait pas de place à l’erreur. Il y avait ici les plus beaux<br />

acheteurs, FLSmidth et <strong>Laurent</strong> lui-même avec ses partenaires ;<br />

il y avait la très rare relève familiale d’une excellente compagnie<br />

québécoise d’envergure internationale ; on se trouvait devant une<br />

transaction estimée à près d’un milliard de dollars, événement<br />

exceptionnel au Canada.


Mais nous marchions aussi sur le bord du précipice dangereux<br />

et toujours présent des lois, règlements, fiscalité, administrations,<br />

tracasseries, complications… Des territoires inconnus et des zones<br />

d’ombre à traverser avec des spécialistes qui n’avaient pour la plupart<br />

jamais négocié de transaction de si grande envergure.<br />

Et <strong>Laurent</strong> qui observe de l’extérieur en jonglant, étonnamment<br />

calme et tranquille pour un joueur habituellement hyperactif<br />

comme lui. Il réfléchissait, en faisant confiance.<br />

Il m’est apparu un jour que le problème central qui empêchait<br />

tout le reste de ces transactions de bien tourner dans l’huile,<br />

c’était le caractère privé de la nouvelle compagnie. J’ai toujours<br />

eu un respect sans limites pour les gens qui m’ont aidé à grandir<br />

sans jamais hésiter depuis 1986, à coups de dix, de cent, de<br />

mille dollars : dans cette vente, je voulais absolument protéger<br />

les actionnaires de GL&V, petits et grands.<br />

Pourquoi privatiser au profit de quelques-uns ? Pourquoi ne<br />

pas transférer sous forme d’actions de la nouvelle société les<br />

groupes Pâtes et Papiers et Traitement des eaux, aux propriétaires<br />

d’actions de l’ancienne entreprise ? On fera comme ça.<br />

À partir de ce moment, nous avons donc pu, très difficilement<br />

parce que c’était extrêmement complexe, mais enfin tous<br />

ensemble, bâtir une nouvelle compagnie publique dans laquelle<br />

ces groupes ont été transférés.<br />

Cette nouvelle société a exactement la même structure que<br />

l’ancien Groupe Laperrière & Verreault, mais n’a plus que deux<br />

divisions et a conservé son unité Fabrication. Les actifs de ces<br />

divisions de GL&V ont aussi été transférés aux actionnaires de<br />

cette nouvelle société. Richard Verreault et Marc Barbeau ont<br />

été les chefs de ces opérations administratives, mais le vieux<br />

chasseur était de retour à l’affût, caché derrière !<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

199


200 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Immédiatement après avoir construit la nouvelle « maison »,<br />

nous avons cédé les actions résiduelles du groupe Procédés<br />

à FLSmidth, par arrangement judiciaire avec nos propres<br />

actionnaires.<br />

C’était un bon acheteur, sérieux et honnête, mais lui aussi est<br />

en affaires et pense d’abord à son profit personnel… Durant<br />

les négociations, nous avions compris dans nos vérifications<br />

qu’ils avaient d’importants surplus. La direction avait alors<br />

promis des dividendes aux actionnaires s’ils ne réalisaient pas<br />

une grosse et bonne acquisition avec ces excédents : le président<br />

de FLSmidth serait fier de pouvoir maintenant annoncer une<br />

grande nouvelle à son assemblée générale de fin avril prochain.<br />

La négociation de Richard et Marc avec les avocats de FLSmidth<br />

allait bien, mais ceux-ci ne peuvent pas tout décider. Nous<br />

avions donc prévu une rencontre à Montréal avec le grand<br />

patron pour étudier en plus haut lieu trois ou quatre détails<br />

plus difficiles à régler.<br />

Vers la fin de mars, avec Richard et Marc, j’assistais à cette<br />

rencontre :<br />

— Je suis surpris, dit Marc. Le président du conseil de<br />

FLSmidth ne devait-il pas participer à cette négociation<br />

finale ? Il est absent ce matin ?<br />

Marc s’inquiétait d’un arrêt dans les démarches pourtant presque<br />

terminées.<br />

— En effet messieurs, le président a dû retourner au Danemark<br />

hier soir, nous répondit l’avocat principal.<br />

— Mais notre agenda demande à ce que ces éléments soient<br />

négociés bientôt pour continuer et fermer cette vente,<br />

argumenta Richard.


Sa crainte bien fondée était que l’acheteur nous coince en<br />

dernière minute afin de nous soutirer des arrangements à son<br />

avantage.<br />

— Avez-<strong>vous</strong> eu l’occasion de lui parler ? Vous connaissez bien<br />

les difficultés, l’avez-<strong>vous</strong> consulté ? Avez-<strong>vous</strong> décidé quelque<br />

chose avec lui, ou obtenu des directions de sa part ?<br />

Richard s’impatientait.<br />

— Pour nous monsieur Verreault, les arrangements se sont<br />

terminés hier soir au départ du président. Il n’a pas fourni<br />

de nouvelles directives. Tout est réglé pour le moment, et je<br />

n’ai pas de pouvoirs supplémentaires.<br />

Richard ne s’impatientait plus, il bouillait ! En se levant de son<br />

fauteuil, il annonça :<br />

— Bien. Si <strong>vous</strong> n’êtes qu’une marionnette ici, je retourne à<br />

mon bureau. J’ai autre chose à faire.<br />

Richard s’en allait… Discrètement et en silence, j’ai attrapé un<br />

coin de son veston et je l’ai forcé à se rasseoir. Le vieux chasseur<br />

avait la proie dans sa mire.<br />

Poliment comme toujours, charmeur, j’ai regretté l’absence<br />

du président et tenté sans succès de trouver des compromis<br />

pour ces détails avec les avocats. Puis nous sommes rentrés au<br />

bureau, mine de rien.<br />

FLSmidth serait prise dans son propre piège, le temps jouait<br />

pour nous.<br />

À quelques jours de son assemblée générale, ces détails de la<br />

transaction n’étaient encore pas réglés. Le président, qui ne<br />

savait pas que nous savions, voulait toujours annoncer sa bonne<br />

nouvelle à ses actionnaires et les aiguilles tournaient…<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

201


202 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Notre conférence téléphonique de dernière minute, à dix-sept<br />

heures, heure de Montréal, soit vingt-trois heures, heure de<br />

Copenhague, a bien sûr tourné à notre avantage sur tous les<br />

points. Ils étaient fatigués, nous moins ; ils étaient pressés, nous<br />

pas…<br />

Il resterait les dernières communications conjointes et simultanées<br />

à rédiger et accorder au plus vite durant notre nuit et<br />

leur matinée. Il nous fallait agir avant l’ouverture de la session<br />

de la Bourse de Toronto, et pendant que les actionnaires de<br />

FLSmidth entraient au même moment dans la salle d’assemblée<br />

au Danemark.<br />

Le 20 avril 2007, le Groupe Laperrière & Verreault annonçait<br />

donc conjointement avec la société danoise FLSmidth la signature<br />

d’une entente pour la vente de son groupe Procédés. Par la<br />

même occasion, GL&V transférait ses deux autres groupes et<br />

son unité de fabrication à une nouvelle société nommée <strong>GLV</strong><br />

Inc. Les actions seront distribuées au prorata aux actionnaires<br />

de GL&V, à raison de trente-trois dollars par action et ils<br />

recevront aussi une action de la nouvelle compagnie <strong>GLV</strong> Inc.<br />

Voilà une bonne affaire pour qui les aurait acquises à la première<br />

émission, en profitant aussi des REA, au coût de quatre<br />

dollars !<br />

Notre nouvelle <strong>GLV</strong>, approuvée à la presque unanimité des<br />

voix des actionnaires, n’était plus que le tiers de la grosseur de la<br />

défunte GL&V. Elle en avait encore toute la fougue mais était<br />

différemment rentable et se rebâtissait autour de son groupe<br />

Traitement des eaux, extrêmement prometteur.<br />

Plusieurs membres du conseil d’administration et de la haute<br />

direction sont restés, une partie de « la vieille garde » : Marc<br />

Barbeau, Claude Boivin, Gwen Klees, Sylvie Lalande, Graham


Lawes, Bill Mahoney, Richard Verreault, Hélène Fournier et<br />

Douglas Wetherbee. D’autres se sont ajoutés en 2007 avec différentes<br />

énergies : Marc Courtois, Guy Fortin, Pierre Seccareccia,<br />

Chantal Bélanger et Normand Morin.<br />

Enfin certains ont laissé leur place à ces nouveaux : les mousquetaires<br />

d’origine Jean Desbiens et Louis Laperrière, retraités<br />

en 2004 et 2007, Michel Baril, Denyse Chicoyne, Robert<br />

Coomes, Robert Dorion, Sylvain Ouellette, Bill Saulnier et<br />

David Woodruff.<br />

Avec ses nouveaux TLM et ses nouveaux Bleus, puisque la couleur<br />

de la compagnie n’a pas changé, et toujours Bonne Étoile qui<br />

veille, <strong>Laurent</strong> Verreault s’attelait maintenant à rebâtir <strong>GLV</strong> Inc.<br />

Il y a bien quelque entreprise à acquérir qui l’attend encore quelque<br />

part sur la Terre.<br />

Ou sur l’Eau…<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

203


Les morceaux<br />

pour la<br />

reconstruction


Comme il arrive souvent à la suite d’un long accouchement<br />

ou d’une période intense de création, il se crée un<br />

vide, un moment de « calme après la tempête ». C’est un temps<br />

habituellement très difficile à aborder et à gérer personnellement,<br />

un temps à double visage.<br />

C’est la période plus ou moins longue où l’on s’assoit derrière<br />

son bureau presque nettoyé des piles de documents, où l’on<br />

classe ses crayons dans le tiroir. On s’étire, renversé sur le dossier<br />

du fauteuil, en fermant les yeux au présent pour mieux<br />

jongler à l’avant et à l’après.<br />

L’atmosphère est feutrée, l’horloge est au ralenti ; on n’a envie<br />

de rien, mais toute la vie continue aux alentours. Il y a un<br />

mélange de naissance et de deuil dans notre esprit ; c’est à la fois<br />

le temps du bilan du passé et celui de l’action d’avenir. Il nous<br />

reste des habitudes, des réflexes et des mots bien ancrés, mais<br />

dont on n’aura plus jamais besoin.<br />

Des collaborateurs de toujours sont partis sans qu’on n’ait à<br />

peine pris le temps de souligner leur immense contribution ni<br />

de saluer leur départ, qui ne dure que l’instant de fermer la<br />

porte derrière eux. On croise désormais de nouveaux visages<br />

tous les jours, des gens dont on ne sait presque rien, avec qui<br />

tout reste à construire.<br />

Le lundi 13 août 2007, j’ai vécu ce moment de vide, durant<br />

quelques minutes.<br />

Ce matin-là, l’« Arrangement » venait à échéance. En vertu<br />

de cet Arrangement avec FLSmidth, en huit mois complètement<br />

échevelés dans tous les bureaux, j’avais vendu le Groupe<br />

Laperrière & Verreault Inc., l’œuvre d’une vie.<br />

J’avais obtenu pour ça la complicité amicale et le soutien logistique<br />

total de mes collaborateurs et collaboratrices de tous les<br />

niveaux, malgré l’incertitude de l’échéance.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

205


Puis ensemble nous avions mis au monde <strong>GLV</strong> Inc.<br />

Ce matin, toutes les transactions étaient enfin conclues : les<br />

activités boursières, qui sont le sang de la compagnie, commenceraient<br />

dans quelques heures à Toronto, sous notre nouvelle<br />

identité <strong>GLV</strong>.<br />

J’avais réussi. Ou plutôt, nous avions réussi.<br />

Oui, j’aurais pu empocher ma part du revenu de la vente et<br />

partir pour la pêche. Oui, j’aurais pu prendre ma « retraite bien<br />

méritée ». Oui, j’aurais pu enfin jouer au golf tout l’hiver en<br />

Floride et skier partout dans le monde. À soixante-cinq ans,<br />

j’étais beaucoup trop jeune pour arrêter, et j’avais encore trop<br />

de plaisir à travailler, à acquérir, à grandir.<br />

Et surtout, je voulais que la compagnie vive, qu’elle continue.<br />

En 1974, à la question de Maria « pourquoi fonder une entreprise<br />

? », j’avais répondu que je souhaitais laisser quelque chose<br />

de plus que seulement mon petit passage, durant le temps que<br />

je vais être sur Terre. Je n’allais toujours bien pas fermer moimême<br />

ce « quelque chose de plus », que j’avais bâti depuis ce<br />

temps-là !<br />

Alors ce matin, j’étais au travail avec les TLM et les Bleus.<br />

Comme tous les autres matins, je m’étais arrêté quelques minutes,<br />

m’asseoir avec eux, jaser un peu. Aujourd’hui à l’entrée,<br />

prendre des nouvelles de la secrétaire et du jeune technicien en<br />

informatique qui lui bricolait son ordinateur.<br />

Quelques blagues un peu grivoises, des anecdotes du petit dernier,<br />

de l’intérêt pour le contenu de la mallette d’outils, prendre<br />

du temps pour les gens. Ça nous fait tous plaisir.<br />

<strong>GLV</strong> Inc. prenait vie avec trois divisions : notre historique<br />

groupe Pâtes et Papiers, notre tout jeune groupe Traitement des<br />

eaux et notre petite unité Fabrication.<br />

206 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

<strong>GLV</strong><br />

20<br />

Inc.


<strong>GLV</strong><br />

Inc.<br />

07<br />

Pâtes et Papiers est encore un chef de file mondial dans la<br />

reconstruction, la modernisation et l’optimisation de machines<br />

et équipement de fabrication de pâte et papier. Nous pouvons<br />

intervenir à toutes les étapes de la production, depuis le<br />

traitement de la pâte à la finition du produit. Les sept cents<br />

employés du groupe sont présents dans une trentaine de pays,<br />

surtout en Amérique du Nord et en Europe mais aussi en Asie<br />

du Sud-Est et en Amérique du Sud.<br />

Traitement des eaux se spécialise dans le recyclage et le traitement<br />

de l’eau et des eaux usées industrielles et municipales.<br />

Sous le nom de Eimco Water Technologies, ou EWT, nous<br />

agissons au début du processus par le tamisage et la purification,<br />

et à la fin par l’épuration. Le groupe cumule déjà l’expertise<br />

de huit entreprises, que nous avons achetées depuis 2000,<br />

particulièrement des technologies de l’eau venues avec l’achat<br />

de EIMCO en 2002. Plus de cinq cent cinquante employés<br />

sont aussi répartis dans une dizaine de pays en Europe et en<br />

Amérique du Nord surtout, en Asie du Sud-Est et en Australie.<br />

Quant à elle, l’unité Fabrication est forte de plus de deux cents<br />

employés qui travaillent en atelier à Trois-Rivières, essentiellement<br />

pour les pâtes et papiers. Enfin, le siège social emploie<br />

une trentaine de personnes. Rapidement additionnés, c’est<br />

bien mille cinq cents personnes qui poussent encore leur entreprise,<br />

toutes dans la même direction !<br />

Pour le moment, les revenus de <strong>GLV</strong> sont partagés également<br />

entre nos deux groupes. Cependant, la réorganisation obligatoire<br />

et immédiate du secteur Traitement des eaux, intimement<br />

lié au groupe Procédés vendu cette année, a occasionné des<br />

dépenses importantes. Elles réduisent ses profits et diminuent<br />

le bénéfice net général de <strong>GLV</strong>.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

207


Bien sûr, ceci doit changer : il y a eu beaucoup de frais non<br />

récurrents reliés à l’Arrangement, et nous allons tous ensemble<br />

travailler à dynamiser notre secteur de l’eau, la « denrée du<br />

futur ».<br />

La situation mondiale de l’environnement et de l’eau joue en<br />

notre faveur, et depuis la fondation du groupe en 2004, j’entends<br />

bien profiter « de la vague » ! Des investissements publics<br />

et privés gigantesques sont essentiels et attendus bientôt pour<br />

soutenir l’essor économique, démographique et technologique<br />

des nations émergentes. Les pays devront aussi pallier la pénurie<br />

d’eau et satisfaire les législations environnementales, partout<br />

au monde. En Occident, on devra remplacer les infrastructures<br />

vieillissantes ou dépassées.<br />

<strong>GLV</strong> réalise alors près des trois quarts de son chiffre d’affaires<br />

du groupe Eau dans le secteur municipal, avec les eaux potable<br />

et usée. Le quart restant est généré par l’industriel, pour le<br />

traitement des eaux de procédé et usées, et pour le tamisage des<br />

prises d’eau en rivières ou fleuves, afin d’alimenter les usines<br />

tout en respectant la vie aquatique.<br />

Notre stratégie est d’augmenter cette part de marché industriel<br />

à la moitié de nos revenus, sans diminuer notre part au municipal.<br />

Pour y arriver, notre portefeuille de technologie doit absolument<br />

être diversifié. Nous devons aussi investir de nouveaux<br />

secteurs comme l’alimentaire, le dessalement de l’eau de mer, le<br />

traitement des boues, l’ultra-épuration, etc.<br />

<strong>GLV</strong> devra aussi consolider ou développer la présence d’Eimco<br />

Water Technologies, EWT, dans les parties du monde où l’eau<br />

est un enjeu différent et absolument stratégique, par exemple<br />

en Australie ou au Moyen-Orient.<br />

Mon moment de calme après la tempête n’a duré que quelques<br />

minutes : il y a tant à faire !<br />

208 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


AMJ ENVIRONMENTAL SERVICES INC.<br />

En effet, il y a tant à faire, mais avec un personnel et des moyens<br />

financiers réduits. Le groupe Procédés était extrêmement rentable<br />

et générait aussi beaucoup de liquidités, pour assurer à la fois le<br />

quotidien et les acquisitions, afin de grandir.<br />

En vendant ce groupe en 2007, <strong>GLV</strong> se séparait de plus de six<br />

cents employés, le tiers de ses effectifs. Elle réduisait aussi ses revenus<br />

d’environ 50 %. Bonne Étoile est brillante mais pas miraculeuse !<br />

La structure de la compagnie est aussi complexe qu’avant, avec des<br />

bureaux partout au monde, mais moins de Bleus et de TLM pour<br />

voir à tout.<br />

Avec un chiffre d’affaires réduit, comment <strong>Laurent</strong> va-t-il s’y prendre<br />

? Quel est l’avenir des pâtes et papiers ? Où sur la Terre ? Quel<br />

est le véritable potentiel du traitement de l’eau ? La stratégie est-elle<br />

de consolider les acquis ou d’acquérir encore ?<br />

Ah ! Si Bonne Étoile était aussi voyante ! Elle a bien son idée,<br />

qu’elle partage avec dynamisme.<br />

Naturellement, j’ai mis mon flair d’entrepreneur-chasseur<br />

au travail, à la recherche de bonnes proies. Exactement de la<br />

même manière que dans les années 1990 pour construire notre<br />

expertise dans les procédés miniers autour de Dorr-Oliver.<br />

<strong>GLV</strong> était à peine en fonction qu’en mars 2008, nous avons<br />

acquis une compagnie d’Australie, un pays où l’eau est rare et<br />

chère. Cet achat d’AJM Environmental Services consolidait la<br />

présence d’EWT dans le traitement d’eaux industrielles, autant<br />

le recyclage des eaux usées que la purification de l’eau de procédé.<br />

C’était un des objectifs que nous avions fixés, de développer<br />

notre expertise entre les deux extrémités du processus de<br />

l’eau. Avec des technologies performantes de purification, elle<br />

nous faisait aussi pénétrer le marché des aliments et boissons,<br />

un secteur en très forte croissance partout au monde.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

209


210 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Nous achetions là de bons savoir-faire et de bons produits, auxquels<br />

nous faisions bénéficier notre clientèle mondiale. Et puis<br />

nous achetions aussi une petite société, une création d’entrepreneurs,<br />

comme je les aime.<br />

À la manière de GL&V depuis toujours, <strong>GLV</strong> s’entend mieux<br />

avec les employés et les responsables qui possèdent l’esprit<br />

d’entrepreneuriat : ils sont plus impliqués dans la compagnie,<br />

la leur qui devient la nôtre quand on leur fait le plaisir de les<br />

acquérir. De là, ils sont plus fiers de leur produit et mieux engagés<br />

envers les clients. Tout le monde y gagne.<br />

Pour l’heure, nous sommes comme des petits garçons qui<br />

fouillent dans un immense coffre à jouets tout neufs. Le<br />

processus des eaux d’usage est un univers qui inclut nos petits<br />

logements personnels et les gigantesques centrales nucléaires,<br />

avec la gamme de toutes les productions humaines possibles :<br />

épuration municipale, dessalement de l’eau de mer, industrie<br />

alimentaire, produits pharmaceutiques et mille autres exemples.<br />

Si les contextes d’usages changent, les principes de traitement<br />

sont toujours les mêmes. L’objectif premier d’EWT est de trouver<br />

ou d’inventer puis d’intégrer de nouvelles technologies à<br />

offrir à tout le monde. Il s’agit toujours de séparer le liquide des<br />

solides, mais de plus en plus petit, de plus en plus micro.<br />

Ces technologies sont parfois mécaniques, surtout pour les<br />

grosses particules : vortex, grillages, tamisage, filtrage. Elles<br />

sont de plus en plus biologiques et de pointe : bio-réacteurs à lit<br />

mobile, filtres aérateurs submergés, bio-réacteurs à membranes<br />

submergées, digestion aérobique et anaérobique.<br />

Les résidus de filtration doivent ensuite être éliminés. Par<br />

contre, bien traitées, odeurs et éléments pathogènes détruits,<br />

ces boues peuvent même être valorisées puis vendues à profit<br />

pour l’épandage agricole ou la production d’énergie verte.


EWT est donc à l’affût de tous ces nouveaux produits, de leurs<br />

brevets de propriété intellectuelle et des entreprises qui les<br />

détiennent.<br />

Mais voilà encore, l’Histoire se répète. Comme lorsque nous<br />

bâtissions le Groupe Laperrière & Verreault en 1981, 1990 et<br />

1995, l’économie mondiale a été frappée de plein fouet par<br />

une crise économique, celle de 2008, alors que nous sommes à<br />

bâtir notre groupe de l’eau chez <strong>GLV</strong>. Le contexte est difficile<br />

mais admettons que nous avons beaucoup d’expérience dans<br />

les récessions !<br />

L’année 2009 a donc été consacrée à la fois à une consolidation,<br />

moins coûteuse, et à l’acquisition de nouvelles compagnies.<br />

Nous avons créé en janvier une coentreprise avec Global Water<br />

Engineering, basée à Hong Kong. Nous voulions stimuler la<br />

mise en marché de certaines de leurs biotechnologies de pointe,<br />

dont nous avons obtenu la licence exclusive de commercialisation.<br />

Nous pourrons ainsi valoriser les biogaz des boues<br />

d’épuration pour générer de l’énergie. Cette nouvelle entité de<br />

<strong>GLV</strong> habite maintenant au Texas et se nomme Global Water<br />

& Energy.<br />

Parallèlement, nous avons obtenu une licence exclusive de<br />

commercialisation des technologies d’Enersave Fluid Mixers.<br />

Ces gens ont inventé une machine pour mélanger à faible coût<br />

et efficacement les boues d’épuration. Nous avons aussi acquis<br />

des brevets de la société québécoise Technologies Elcotech,<br />

pour le traitement particulier que demandent certaines boues,<br />

notamment domestiques ou dans le textile.<br />

Nous garnissions notre valise de produits et services avec des<br />

technologies de pointe, variées et accessibles mais il nous manquait<br />

des outils dans cette valise. Nous étions chef de file dans<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

211


212 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

la filtration des entrées d’eau et dans le traitement et recyclage<br />

des eaux usées, c’est-à-dire toujours aux deux extrémités du<br />

processus. Il nous fallait le milieu, développer notre savoir-faire<br />

dans la préparation d’eaux propres de procédés, pour différents<br />

usages, de manière à offrir un service complet à nos clients.<br />

Non, elle n’est pas trop grosse, cette compagnie. Tu as déjà acquis<br />

d’autres entreprises de plus fort calibre que toi : Krebs, en 2006.<br />

Qu’est-ce que je te disais alors ? « La vraie question à poser n’est pas<br />

combien ça va coûter, mais combien ça va rapporter. »<br />

Non pas que <strong>Laurent</strong> hésitait, il a toujours été « bing bang on<br />

fonce ! » mais il cherchait des arguments solides et Bonne Étoile<br />

avait du plaisir à lui en fournir, ou plutôt à lui montrer ceux qu’il<br />

connaissait déjà.<br />

<strong>GLV</strong> a besoin de cette compagnie-là pour atteindre ses objectifs.<br />

Qu’est-ce que tu attends ? Ils vont juste être surpris de voir une<br />

entreprise de la petite taille de <strong>GLV</strong> se présenter sur le plancher<br />

de danse. Mais <strong>vous</strong> êtes encore des chasseurs, cette aventure <strong>vous</strong><br />

ressemble.<br />

Vous êtes une compagnie publique, c’est un gros avantage sur le<br />

privé : ça va être facile de financer cette acquisition, surtout dans<br />

le domaine très porteur de l’eau.<br />

Ils ne retournent pas vos appels ? Parce qu’ils <strong>vous</strong> trouvent trop<br />

petits ? Sois patient, envoie un courtier « porter les invitations à<br />

<strong>danser</strong> »…<br />

La multinationale Christ Water Technology, basée en Autriche,<br />

offre exactement les technologies dont nous avons besoin, mais<br />

ils sont coriaces.<br />

Par contre, entre le moment de nos premières approches<br />

à l’automne 2008 et leur acceptation à <strong>danser</strong> avec nous en


mars, leurs affaires se sont mises à mal aller. Ils ne pourront<br />

pas refuser notre offre : ils sont en mauvaise posture financière.<br />

En quelques mois, leur capitalisation boursière a baissé de trois<br />

cent cinquante à cent cinq millions de dollars.<br />

Pour cette raison, leur état va nécessiter une importante<br />

opération d’intégration, mais <strong>GLV</strong> est un spécialiste des<br />

intégrations de compagnies. Allez, on fonce !<br />

Alors nous avons acquis Christ Water Technology en novembre<br />

2009, avec l’aide de nos vieux complices d’affaires le Fonds<br />

de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec.<br />

Cette acquisition de CWT doublait d’un coup la taille d’EWT<br />

en matière de personnel et gonflait la portion industrielle de<br />

son chiffre d’affaires. Nous dépassions notre objectif d’une<br />

moitié de part de revenu dans les eaux d’industrie. Elle nous<br />

positionnait comme un des meilleurs fournisseurs mondiaux<br />

de traitement complet des eaux, incluant l’ultra-épuration,<br />

pour fabriquer les eaux de procédé les plus pures qui se peuvent.<br />

Pendant ce temps, les pays industrialisés vivaient la pire crise<br />

économique depuis le krach de 1929. Un peu à la manière de<br />

notre réorganisation du groupe Pâtes et Papiers en 2004, nous<br />

avons alors profondément restructuré Traitement des eaux à<br />

partir de 2008, afin de rééquilibrer notre offre en fonction de la<br />

demande, et de bien traverser cette crise.<br />

De même que les pièces de machines à papier s’usent en temps<br />

d’austérité autant qu’en période de croissance, l’eau du monde<br />

a besoin d’être nettoyée malgré les récessions.<br />

Encore une fois, nous avions fait les bons choix.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

213


OVIVO, ça plaira<br />

à tout le monde


La négociation et l’avancement du processus d’acquisition<br />

de la société Christ Water Technology, CWT pour faire<br />

court, avaient été lents et un peu pénibles. Tout ça avait duré<br />

plus d’une année. Nous achetions une compagnie publique,<br />

fleuron de l’économie autrichienne enraciné aussi en Suisse.<br />

Les actionnaires principaux étaient tatillons et les usages corporatifs<br />

du pays, compliqués. Par contre, étant nous-mêmes<br />

une compagnie publique, et très aguerris dans les acquisitions<br />

complexes et non conventionnelles, nous connaissions le jeu,<br />

ses tactiques et ses feintes…<br />

Lors d’une offre publique d’achat, une OPA, une des règles en<br />

Autriche est que l’acheteur décide et annonce la quantité minimum<br />

d’actions qu’il veut acquérir. Si cette quantité n’est pas<br />

atteinte, la vente n’a pas lieu. Nous l’avions fixé à 90 %. Tous<br />

les actionnaires privés et institutionnels devaient déposer avant<br />

telle échéance leur acceptation de notre OPA, afin d’atteindre<br />

le seuil décidé.<br />

L’actionnaire principal, fondateur de la compagnie et détenteur<br />

de 25 % des titres à lui tout seul, avait essayé de nous<br />

faire augmenter le montant de notre offre par toutes sortes de<br />

manœuvres, pour mettre nos nerfs à l’épreuve. Résultat, une<br />

demi-heure avant l’échéance, il n’y avait que 40 % des actions<br />

déposées.<br />

Selon notre stratégie, il n’était pas question pour <strong>GLV</strong> d’offrir<br />

davantage.<br />

Dommage, la transaction n’aurait pas lieu. Nous avions pourtant<br />

investi beaucoup d’argent dans les négociations, les vérifications<br />

d’acquéreur et les communications avec les actionnaires<br />

et le public autrichien en général. Dommage, nous voulions<br />

cette compagnie pour diversifier notre portefeuille. Dommage,<br />

ils se dirigeaient droit vers l’insolvabilité, tellement leurs affaires<br />

étaient mauvaises.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

215


216 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Dans les dernières vingt minutes avant l’échéance, ils ont probablement<br />

compris que nous ne céderions pas : plus de 50 %<br />

des actions ont été déposées en même temps !<br />

La chasse est avant tout affaire de patience et de contrôle de<br />

ses nerfs…<br />

Mais nous ramenions là une prise plus malade que nous l’avions<br />

analysée dans nos vérifications d’acquéreur. Disons que<br />

plusieurs détails avaient été rangés au fond des placards… Peu<br />

importe, nous étions contents de notre acquisition.<br />

L’intégration de Christ Water Technology à notre groupe<br />

Traitement des eaux prendrait près de deux ans, jusqu’en fin<br />

de 2011 et nous coûterait énormément d’argent, compte tenu<br />

des surprises et des radiations nécessaires afin d’assainir la<br />

comptabilité.<br />

En contrepartie, <strong>GLV</strong> détenait maintenant la technologie de<br />

pointe et le meilleur savoir-faire du monde pour fabriquer les<br />

eaux les plus pures qui soient. Ceci nous offrait les marchés<br />

extrêmement dynamiques de la microélectronique, de l’énergie<br />

et de la pétrochimie, de la transformation des aliments et des<br />

boissons et celui du dessalement de l’eau de mer.<br />

Ces deux dernières années ont été assez difficiles pour <strong>GLV</strong> et<br />

Bonne Étoile.<br />

En 2006, notre vice-président exécutif et chef des opérations financières<br />

Bill Saulnier était très fier de dire qu’en vingt ans, depuis<br />

la venue de GL&V en bourse, il avait toujours déposé un rapport<br />

positif, en quatre-vingts trimestres. Depuis 2010, l’aventure de<br />

CWT nous a fait annoncer quelques trimestres négatifs.<br />

La pression est énorme sur la direction de la compagnie, la crise<br />

économique dure déjà depuis trop longtemps dans les pays industrialisés.<br />

Bonne Étoile travaille comme une folle, sans résultats


positifs aussi éclatants au bilan… Par bonheur, beaucoup de nos<br />

actionnaires nous épaulent depuis plusieurs années. Ils sont compréhensifs<br />

et savent lire les états financiers à long terme.<br />

Il y a pourtant deux résultats positifs, mais dans une autre dimension<br />

que le bilan : l’équipe de direction de <strong>GLV</strong> est plus soudée<br />

que jamais autour de l’objectif de succès, et un nouveau trio de<br />

mousquetaires est venu au monde, pour succéder aux fondateurs…<br />

Aussitôt l’acquisition de Christ Water Technology terminée et<br />

son intégration commencée, il nous est apparu que <strong>GLV</strong> arrivait<br />

à un tournant majeur dans sa toute jeune existence.<br />

Le groupe Traitement des eaux prenait une extraordinaire<br />

importance dans la compagnie, à la fois en part de chiffre d’affaires<br />

sur l’ensemble qu’en matière de savoir-faire et de représentation<br />

mondiale. Presque mille cinq cents employés partout<br />

dans le monde, des revenus immenses qui comptent pour plus<br />

des deux tiers des gains de <strong>GLV</strong>, une présence dans des dizaines<br />

de pays. Des chiffres impressionnants…<br />

— J’ai l’impression que nous allons avoir un peu de difficulté<br />

à ressouder une famille avec tout ce beau monde, me dit un<br />

jour Gwen Klees.<br />

Notre avocate, vice-présidente des affaires juridiques, la première<br />

et la seule femme de la haute direction, portait souvent<br />

ce genre de regards sur les situations. En général sur toutes les<br />

activités de la compagnie, et pas seulement dans le domaine des<br />

ressources humaines.<br />

Nous du boys' club, nous avons été formés à mesurer et calculer.<br />

Les femmes approchent les choses d’une manière différente.<br />

— Pourquoi penses-tu que nous n’y arriverons pas, cette fois<br />

encore ? Nous l’avons toujours réussi. C’est ton instinct<br />

féminin qui parle ?<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

217


218 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Je ne pouvais pas m’empêcher de l’agacer un peu.<br />

— <strong>Laurent</strong>, ça ne se mesure pas seulement en chiffres et en<br />

rapports annuels.<br />

— Oui, je sais, tu me dis ça depuis qu’on se connaît. Comment<br />

appelles-tu ça, encore ? Des émotions intelligentes ?<br />

— Pas juste moi. De plus en plus de gestionnaires parlent<br />

maintenant de l’« intelligence émotionnelle » : orienter<br />

ses gestes et ses pensées à partir de ce qu’on ne voit pas,<br />

les émotions qui se captent avec l’instinct, justement. Ils<br />

sont de plus en plus nombreux ici, à travailler avec ça, en<br />

plus de leur calculatrice. Toi <strong>Laurent</strong>, tu es un « intelligent<br />

émotionnel », avec ton charisme, ta sensibilité pour les<br />

autres, ton flair d’entrepreneur. Mais tu n’appelles peut-être<br />

pas ça comme ça ?<br />

Dès son arrivée en 2003, on s’était peut-être un peu bousculés<br />

l’un l’autre. J’avais fini par beaucoup apprécier la manière de<br />

Gwen de changer les gens, les choses et les manières de faire,<br />

pour entrer confortablement dans les nouvelles méthodes de<br />

gestion. Une main de fer dans un gant de velours.<br />

— Il y a deux cultures d’entreprise profondes qui se côtoient<br />

dans le groupe, m’expliqua Gwen. Celle, américaine, d’Eimco<br />

Water Technologies que <strong>vous</strong> avez intégrée depuis 2002 et<br />

celle, européenne, de Christ Water Technology, que nous<br />

venons d’acquérir. Il y a en plus le groupe d’Australie et<br />

toutes les entités acquises depuis 2007.<br />

— Gwen, tout le monde va s’habituer à nos procédés de<br />

gestion. C’est pas pour rien que Richard et Marc Barbeau<br />

travaillent sur des processus et des procédures et des planifications<br />

stratégiques et de la micro gestion. Ils fignolent<br />

ça ensemble depuis des années, pour uniformiser notre


Gwen Klees<br />

pratique. Nous sommes présents dans des dizaines de pays<br />

avec des dizaines de cultures depuis dix ans ; nous n’avons<br />

jamais eu de problèmes.<br />

— <strong>Laurent</strong>, comment s’appelait-il celui-là qui ne répondait<br />

pas à tes courriels en Suède, ton président chez Celleco ?<br />

Comment avez-<strong>vous</strong> géré ça ? Tu devrais appeler René<br />

L’Heureux, il s’en souvient probablement, lui.<br />

Gwen l’avocate marquait des points. J’ai préféré l’écouter, c’est<br />

souvent plus prudent. C’est de l’intelligence émotionnelle…<br />

— Toutes nos énergies d’intégration ne viendront jamais à bout<br />

des différentes appartenances culturelles, si on ne marque<br />

pas le coup de cette acquisition. Le groupe Traitement des<br />

eaux porte le nom commercial d’Eimco, les Américains<br />

d’origine ; les nouveaux Bleus européens de Christ Water ne<br />

s’y sentiront peut-être pas très inclus. C’est mauvais pour<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

219


l’engagement et l’implication. Je sais que tu aimes beaucoup<br />

que l’arrivée d’une nouvelle direction paraisse vite et bien,<br />

avec respect.<br />

— As-tu une solution à proposer, ou c’est seulement une<br />

analyse que tu fais là ?<br />

Mais bien sûr que Gwen avait une solution à proposer, afin encore<br />

une fois de modifier l’environnement des nouveaux venus ! Comme<br />

Gwen ici, Bonne Étoile avait autrefois repeint l’intérieur crasseux<br />

d’une fonderie tout en blanc, introduit l’accent français dans les<br />

réunions de direction en Ontario, vidé un étage complet de cadres<br />

démotivés, ravalé des façades d’usines, déménagé des compagnies<br />

entières, de la cave au grenier. Rien à son épreuve !<br />

Aujourd’hui, on changerait le nom de l’entreprise, afin que tous<br />

les employés des sociétés constituantes partout au monde se sentent<br />

inclus, invités, partie de la grande famille <strong>GLV</strong>.<br />

Le groupe Traitement des eaux, connu dans le monde depuis presque<br />

dix ans sous les noms de Eimco Water Technologies et de Christ<br />

Water Technology, s’appellera désormais Ovivo. L’opération est complexe<br />

en affaires, mais le résultat attendu a été très vite atteint, au<br />

plaisir de tous.<br />

Septembre<br />

Nous sommes en septembre 2010. Je viens de fêter mon<br />

soixante-neuvième anniversaire.<br />

Depuis trente-cinq ans, je rassemble à mes côtés des hommes<br />

et des femmes pour construire avec moi une entreprise d’abord<br />

très personnelle, puis régionale et provinciale, nationale et nordaméricaine,<br />

et enfin multinationale.<br />

<strong>GLV</strong> n’est pas devenue une société géante, mais c’est la nôtre. À<br />

l’échelle mondiale, nous sommes plutôt une entreprise de taille<br />

220 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong>


Réunion de planification<br />

stratégique d'Ovivo à Munich en<br />

2010. On y voit Hannes Laimer,<br />

Mike Froud, Douglas Wetherbee,<br />

Marc Barbeau, Finn Bro-<br />

Larsen, Chris Reynolds, Richard<br />

Verreault et Jim Porteous.<br />

moyenne. Mais ce n’est pas ça qui compte. Partout au monde<br />

nous sommes les meilleurs dans nos domaines, pâtes et papiers,<br />

administration de notre compagnie, traitement de l’eau,<br />

usinage et fabrication de nos produits. Les meilleurs.<br />

Toutes ces années, sans aucune exception, j’ai eu du plaisir à travailler<br />

et à bâtir. Je n’ai jamais perdu de vue mes deux objectifs.<br />

Ils ont toujours été de respecter nos actionnaires en créant et en<br />

protégeant une richesse collective solide, et de servir nos clients<br />

au mieux de nos possibilités, en offrant des solutions technologiques<br />

adaptées et du travail de première qualité.<br />

Je ne pouvais atteindre ces objectifs qu’en m’entourant des<br />

meilleures personnes à tous les niveaux, dans tous les lieux et à<br />

tous les instants de la compagnie, depuis 1975.<br />

Je n’ai certainement pas encore fini mon ouvrage, mais j’ai<br />

maintenant une annonce importante à faire.<br />

Tout vendre et tout garder!<br />

221


Épilogue


Monsieur<br />

Verreault ?<br />

Oui, lequel ?


Je suis assis confortablement dans mon bureau, à régler mes<br />

affaires en attendant que Richard et Marc en aient terminé<br />

avec leurs « chinoiseries », les téléconférences avec des analystes<br />

aux quatre coins du monde, des planifications stratégiques<br />

et quoi d’autre encore. Je les comprends, le contexte boursier et<br />

financier est devenu tellement compliqué… Je suis content que<br />

ce soit eux qui mènent ces choses-là maintenant. Ou plutôt, je<br />

suis content de ne plus les mener moi-même !<br />

Je viens parfois pour brasser le pot, pour que les gens sachent<br />

que <strong>Laurent</strong> Verreault est encore aux alentours. Aujourd’hui,<br />

j’ai justement deux ou trois détails à arranger avec eux avant la<br />

réunion du conseil d’administration de la semaine prochaine.<br />

Je pense que ça plaît à tout le monde, durant les quelques<br />

années du transfert de responsabilités.<br />

Lors de notre assemblée générale annuelle du 23 septembre<br />

2010, j’ai annoncé que je laissais mon poste de président<br />

et chef de la direction à Richard, qui était jusque-là chef de<br />

l’exploitation. C’est lui maintenant le « grand patron » de <strong>GLV</strong>.<br />

Moi, ils m’ont confié le poste de président exécutif du conseil<br />

d’administration.<br />

J’ai créé toute une surprise ce jour-là, mais pas tout à fait celle<br />

qu’on pense. La surprise était de changer maintenant de tête à<br />

la direction. Quelques-uns n’y pensaient juste pas, la plupart<br />

des gens savaient bien que ça se ferait un jour, mais personne ne<br />

savait quand. Et pourquoi maintenant ? Le temps était venu…<br />

On imaginait bien aussi que Richard Verreault succéderait à<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault chez <strong>GLV</strong>. D’ailleurs, on nous félicite partout<br />

pour cette belle réussite. C’est assez rare qu’une entreprise de<br />

grande taille se transmette du père au fils. Pourtant c’est le rêve<br />

de tout entrepreneur, c’est la plus belle chose qui peut arriver,<br />

même si c’est très difficile. Mais pas impossible : Richard me<br />

Épilogue<br />

225


226 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

racontait récemment qu’il avait rencontré le président d’une<br />

multinationale autrichienne gouvernée par sa famille depuis<br />

onze générations. Oui, on peut rêver !<br />

Je crois que la difficulté vient surtout du fait que le père pense<br />

toujours que le fils n’est pas aussi fin que lui, et pas assez armé<br />

pour prendre sa place ; et parce que le fils a souvent peur de<br />

déloger le vieux loup comme chef de la meute. Mais Richard<br />

et moi, nous nous sommes bien préparés à cette transmission,<br />

et depuis ma jeunesse je suis convaincu qu’il faut faire de la<br />

place aux jeunes !<br />

En plus, Richard est le plus ancien employé de l’entreprise.<br />

Il a commencé en 1976, à treize ans : il tondait la pelouse<br />

autour des bâtiments de Bernard Lemaire à Cabano, pendant<br />

que Laperrière & Verreault installait les machines à papier à<br />

l’intérieur.<br />

Avec la bénédiction du conseil, c’était bien le seul à qui je pouvais<br />

confier la compagnie : depuis trente ans qu’il grimpe lentement<br />

sur tous les barreaux de l’échelle. Et qu’il monte tout seul,<br />

parce que je n’ai jamais voulu le pistonner ou lui faire obtenir<br />

des faveurs par personne. Lui-même ne voulait pas trop qu’on<br />

sache qu’il est le fils de <strong>Laurent</strong>.<br />

Comme la connaissance, le respect se gagne par le travail,<br />

depuis toujours.<br />

Et aujourd’hui, c’est mes deux « garçons », mon fils Richard et<br />

Marc Barbeau, le chef de la direction financière, qui travaillent<br />

fort et doivent se faire connaître du monde des affaires, se faire<br />

apprécier et respecter.<br />

Ils me font vraiment penser aux trois mousquetaires du début<br />

de l’histoire.


<strong>Laurent</strong> Verrault, Marc Barbeau<br />

et Richard Verreault dans les<br />

bureaux de <strong>GLV</strong> surplombant le<br />

centre-ville de Montréal<br />

Je viens ici presque tous les mois, mais pas beaucoup plus ; eux<br />

autres me tiennent informé, ils savent toujours où me trouver<br />

et m’appellent souvent, peu importe où dans le monde. Je n’ai<br />

aucune inquiétude pour l’avenir de <strong>GLV</strong>, même sans moi. En<br />

fait, surtout sans moi à long terme, parce qu’on n’a pas encore<br />

trouvé la manière d’être immortels !<br />

Et puis je suis encore chez moi ici ! Je suis très confortable, j’ai<br />

un beau bureau, je travaille à ma mesure et je revois tout mon<br />

monde. En fait, pour un entrepreneur, un bureau, ce n’est pas<br />

important. Ce n’est pas vraiment dans les bureaux que l’entreprise<br />

vit et grandit. C’est sur le terrain.<br />

On a tous bien vu que <strong>Laurent</strong> est un homme de terrain. Sans<br />

être brouillon, <strong>Laurent</strong> est un gestionnaire visionnaire et instinctif,<br />

naturellement moins organisé et planifié. Parce qu’il n’a pas peur<br />

de l’inconnu et des nouveautés, il est capable de changer d’idée<br />

Épilogue<br />

227


228 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

dans l’instant pour s’adapter rapidement à une réorientation du<br />

contexte, sur le terrain. Il est très proche des employés, comme un<br />

père de famille qui voudrait connaître tout le monde et satisfaire<br />

tous les besoins.<br />

Richard a d’autres préoccupations. Il voudrait bien être aussi proche<br />

de la base que <strong>Laurent</strong>, arranger les « petits bobos » de tous, individuellement.<br />

Malheureusement, les règles de gestion ont changé ; la<br />

législation est tellement lourde pour les entreprises, surtout publiques,<br />

que tout doit être normé, standardisé, conventionné.<br />

Richard est un administrateur organisé, avec des groupes de gestion<br />

ouverts, des manuels de procédures, des planifications stratégiques.<br />

Il n’a pas le choix, tout cela est nécessaire dans l’univers commercial<br />

et corporatif d’aujourd’hui. Richard hérite d’une équipe déjà en<br />

place : il doit l’écouter d’une manière différente de celle de l’instinctif<br />

<strong>Laurent</strong>, qui a son idée faite et qui fonce !<br />

Les Verreault père et fils sont des rassembleurs. Parce qu’ils « ne<br />

connaissent rien », disent-ils, ils font confiance à leurs collaborateurs,<br />

choisis soigneusement et traités en égaux. En bons chefs d’orchestre,<br />

Richard et <strong>Laurent</strong> se fient aux qualités de leurs musiciens,<br />

aujourd’hui comme autrefois. Ils ont tous les deux peu de diplômes<br />

scolaires : en revanche ils possèdent les mêmes réflexes d’opérateurs<br />

et le même flair d’entrepreneur.<br />

Les employés de <strong>GLV</strong>, Bonne Étoile en tête, n’ont pas été complètement<br />

déboussolés par le changement à la direction. Il ne fallait<br />

pas, la stabilité de la compagnie en dépend. Tout le monde prend à<br />

cœur la survie de l’entreprise, qui passe aussi par une grande préoccupation<br />

pour une transmission équilibrée, harmonieuse de l’un à<br />

l’autre, aux yeux des employés.<br />

C’est un peu pour ça que, malgré ses présences de plus en plus<br />

espacées, <strong>Laurent</strong> vient encore brasser des affaires, visiter et tant


Richard Verreault et <strong>Laurent</strong><br />

Verreault discutant dans le hall<br />

d'entrée de Les cours Mont-Royal<br />

à Montréal, où le bureau de GL&V<br />

se trouve en 2006.<br />

qu’il peut, jaser un peu avec les gens aux ateliers, dans les bureaux,<br />

comme il l’a toujours fait.<br />

La porte de mon bureau est grande ouverte, comme toujours<br />

chez <strong>GLV</strong>. Le téléphone sonne et me sort de ma réflexion. La<br />

secrétaire répond :<br />

— <strong>GLV</strong> bonjour.<br />

—…<br />

— Très bien, je <strong>vous</strong> remercie. Comment puis-je <strong>vous</strong> aider ?<br />

—…<br />

— Parler à monsieur Verreault ? Bien sûr, avec plaisir. Monsieur<br />

Richard ou monsieur <strong>Laurent</strong> ?<br />

Épilogue<br />

229


Au fil du courant


J’ attends depuis quelques minutes seulement lorsque les<br />

« garçons » se présentent au rendez-<strong>vous</strong>, souriants, bons<br />

amis. Vendredi midi, vendredi fin de semaine bientôt ; du repos<br />

en vue et bienvenu, considérant la montagne d’ouvrage encore<br />

abattue ces derniers jours. Le moment de détente du repas<br />

entre collègues est apprécié. Bien sûr, nous parlons de travail,<br />

mais en dehors du bureau, et sans objectifs de productivité.<br />

— Bonjour Richard ! Salut Marc ! Ponctuels au dîner, bravo.<br />

Je suis contente que <strong>vous</strong> ayez pu <strong>vous</strong> libérer à l’heure.<br />

<strong>Laurent</strong> n’est pas avec <strong>vous</strong> ?<br />

— Non, <strong>Laurent</strong> a un gros projet pour demain, a répondu<br />

Richard. Il est rentré plus tôt ce midi à la maison, arranger<br />

ses affaires et se reposer. Il prépare quelque chose de pas mal<br />

inusité, un cadeau qu’il a reçu pour son anniversaire.<br />

— Tu fais bien du mystère ! Ça ne se raconte pas ? ai-je<br />

insisté. Comment doit-on « se préparer » à un cadeau<br />

d’anniversaire ?<br />

— Tu sais comment il va toujours au bout de ses idées, combien<br />

il est excessif à sa manière. Ça lui prenait un cadeau un<br />

peu particulier, non ? <strong>Laurent</strong> saute en parachute demain.<br />

— En parachute ! À l’âge qu’il a !<br />

— Le parachute, c’est fait pour tout le monde, a repris Marc.<br />

Voyons, il n’y a pas d’âge limite mais il faut que la personne<br />

soit en bonne forme physique… Tant que tu reçois un peu<br />

de formation avant le saut, que tu comprends comment<br />

ça fonctionne. De toute manière, tu ne sautes jamais tout<br />

seul comme ça, une première fois. C’est audacieux mais les<br />

risques sont calculés. Comme <strong>Laurent</strong>, quoi !<br />

Épilogue<br />

231


232 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Allons bon ! <strong>Laurent</strong> est à son affaire, voyons aux nôtres, le<br />

temps passe, a conclu Richard. Qu’est-ce que <strong>vous</strong> mangez<br />

? Marc ? Bonne Étoile ?<br />

Je sors parfois comme ça au restaurant avec les deux nouveaux<br />

mousquetaires de <strong>GLV</strong>, lorsqu’ils ont un peu de temps à me<br />

consacrer. Et surtout mais rarement, quand je peux les réunir<br />

tous deux. Ils travaillent beaucoup, c’est certain ; en plus l’un<br />

est au Québec et l’autre à Paris.<br />

Les affaires de l’entreprise sont mondiales et il faut encore des<br />

TLM – toujours les mêmes aux endroits stratégiques. La plupart<br />

sont au Québec, particulièrement les administrateurs et administratrices<br />

de la compagnie, ou alors dans des avions quelque<br />

part autour du monde. D’autres aux États-Unis ou ailleurs dans<br />

le monde sont proches de l’opération et des affaires.<br />

On comprend l’importance des TLM et des Bleus pour une<br />

compagnie de deux mille trois cents employés répartis dans<br />

plus de trente pays ! Impressionnant : un bureau de <strong>GLV</strong> est<br />

toujours ouvert quelque part sur Terre, et les affaires tournent<br />

vingt-quatre heures par jour.<br />

Ça bouge ! En contraste, j’aime bien ces moments détendus,<br />

comme ce midi, dans une atmosphère différente de restaurant.<br />

J’en profite pour questionner Richard et Marc, pas tant au sujet<br />

de l’état de l’entreprise et du chiffre d’affaires, mais sur leur<br />

relation avec la compagnie. Comme beaucoup d’employés, ils<br />

y donnent énormément, en temps et énergie, souvent loin de<br />

leurs familles. Selon eux, ils reçoivent amplement en retour.<br />

Je m’intéresse à cet équilibre, à l’étincelle dans leurs yeux. Eux<br />

prennent de mes nouvelles aussi : la « famille Verreault » est très<br />

attachée à son monde.<br />

Nos repas sont servis, la table est confortable, il fait bon.


Richard Verreault et Marc<br />

Barbeau au centre-ville de<br />

Montréal<br />

— Toi, Bonne Étoile, comment vas-tu ? demande Richard.<br />

Nous avons toujours de bons commentaires sur toi, venant<br />

de <strong>Laurent</strong>. Mais tu ne fais pas que ça, t’occuper de lui ?<br />

— Bien sûr que non ! ai-je répondu. J’ai toujours beaucoup<br />

de travail. Moins avec <strong>Laurent</strong> depuis qu’il a confié les<br />

rênes ; par contre <strong>vous</strong> savez comme moi qu’il est bien actif<br />

ailleurs. Il est toujours le chouchou du bon dieu, mais j’ai<br />

pris autrefois un contrat de veille, qui me lie encore à lui.<br />

Moins de travail avec <strong>Laurent</strong>, mais j’aime bien avoir l’œil<br />

quand même ici et là, auprès de l’un et l’autre. J’accepte<br />

tous les mandats et ce ne sont pas les occasions qui manquent<br />

de jouer mon rôle de bonne étoile. Bien sûr, j’évite<br />

soigneusement de m’imposer, et surtout j’essaie de me tenir<br />

parfaitement au courant des situations. Parlez-moi donc un<br />

peu des affaires de <strong>GLV</strong>.<br />

Épilogue<br />

233


234 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

— Bien, pas de changements à la structure de la compagnie, a<br />

commencé Richard. Si quelqu’un connaît à fond GL&V et<br />

<strong>GLV</strong>, c’est bien toi, Bonne Étoile.<br />

— Oui, les deux groupes : Pâtes et Papiers et Ovivo – Traitement<br />

des eaux, mais <strong>vous</strong> bougez beaucoup ces dernières années.<br />

Vous avez ajouté une division maintenant ?<br />

— Nous bougeons moins pour l’instant qu’au temps de<br />

<strong>Laurent</strong>, a précisé Marc. Nous terminons l’intégration de<br />

Christ Water Technology. Nous planifions les développements<br />

des prochaines années.<br />

— Oui, nous avons aussi ajouté une petite division, Van der<br />

Molen qui offre des procédés et des équipements pour la<br />

production de boissons, a poursuivi Richard. C’est une<br />

unité allemande venue avec CWT. Nous avons aussi nos<br />

unités de fabrication, comme tu sais, mais les revenus de<br />

ces deux autres petits groupes représentent moins de dix<br />

pour cent de nos revenus.<br />

— Ah ! Richard, chaque sou compte, a rajouté Marc. Nos<br />

revenus sont la preuve que nous avons bien trouvé ou<br />

généré du travail pour tous nos employés, et aussi l’assurance<br />

de pouvoir les payer. C’est une de tes préoccupations.<br />

— L’objectif de GL&V en 2007 d’atteindre le milliard de<br />

dollars de chiffre d’affaires ne s’est pas réalisé parce qu’on a<br />

vendu le groupe Procédés en cours d’année. Par contre, avec<br />

toutes nos divisions et le travail de tous, et malgré la crise<br />

économique de 2008, <strong>GLV</strong> reprend du terrain, on avance<br />

lentement, à petits pas bien mesurés. L’objectif du milliard<br />

est à portée de main, dans quelques années.<br />

— Mais nous ne sommes pas pressés, a complété Marc. Comme<br />

<strong>Laurent</strong>, nous aimons marcher sur la rue avec la tête haute,<br />

parce qu’on a rendu nos comptes à nos actionnaires. Nous


gérons l’entreprise pour livrer les meilleurs résultats possible<br />

dans les circonstances, sans brusquer les choses seulement<br />

pour atteindre des objectifs.<br />

— En achetant encore d’autres compagnies ? ai-je demandé.<br />

— Oui et non. Vois-tu Bonne Étoile, <strong>GLV</strong> occupe une position<br />

particulière sur le marché mondial, explique Richard.<br />

Nous sommes une compagnie d’entrepreneurs et c’est<br />

attirant pour les actionnaires, qui voient chez nous une<br />

énergie que les gros joueurs institutionnels n’ont pas. C’est<br />

séduisant aussi pour les entreprises qu’on souhaite acheter<br />

pour grossir. Elles sentent très bien toute la souplesse et la<br />

force d’entrepreneuriat que nous sommes prêts à investir<br />

dans l’intégration de leurs produits à notre portefeuille.<br />

Durant les négociations en vue d'une acquisition, nous<br />

sommes toujours le chevalier blanc qui sort des rangs pour<br />

offrir mieux et de manière différente. C’est un gros avantage<br />

sur nos compétiteurs plus puissants, plus gros… mais<br />

plus lourds à bouger aussi. Nous en profitons de façon très<br />

dynamique sur le terrain.<br />

— Nous sommes positionnés entre les très gros et les très petits.<br />

Les gros sont plus lents, les petits n’ont pas notre portefeuille<br />

de produits ni notre étendue d’expertise ni notre<br />

force commerciale. Nous sommes parmi les seuls dans le<br />

monde à cette position, avec un portfolio de grands, mais la<br />

souplesse d’action d’un petit. C’est notre différence.<br />

— En résumé, <strong>GLV</strong> n’est pas le plus gros, mais bien le meilleur.<br />

— Bravo, tu as tout compris, Bonne Étoile ! m’a félicité Richard.<br />

— Pour être les meilleurs, nous avons besoin d’entrepreneurs<br />

locaux dans nos bureaux ailleurs dans le monde. L’équipe<br />

de direction ne peut pas être partout à la fois et décider<br />

Épilogue<br />

235


236 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

de tout localement ! Marc s’animait. On s’impose dans le<br />

monde avec des gens qui pensent grand comme <strong>GLV</strong> mais<br />

qui travaillent sur place pour leurs propres produits, leurs<br />

propres marchés, leurs propres employés. Il faut que chacun<br />

fasse sa R&D personnelle, sa recherche et développement<br />

au maximum. On grandit aussi en faisant des acquisitions,<br />

mais d’abord en s’enracinant profondément dans nos nouveaux<br />

terrains. C’est la « culture <strong>GLV</strong> », si on veut, depuis<br />

longtemps.<br />

— Pas seulement dans le domaine des pâtes et papiers ? ai-je<br />

demandé.<br />

— Oui aussi dans les pâtes et papiers, a répondu Richard, mais<br />

surtout dans le traitement de l’eau, parce que c’est l’activité<br />

de base de <strong>GLV</strong> maintenant.<br />

— C’est un changement important ? <strong>Laurent</strong> et GL&V ont<br />

commencé dans les pâtes et papiers ? Qu’est-ce que <strong>Laurent</strong><br />

en pense ?<br />

— Rappelle-toi Bonne Étoile, GL&V a commencé dans les<br />

pâtes et papiers mais aussi dans ce qu’on appelait les « procédés<br />

», qui nous ont amenés dans le traitement de l’eau.<br />

<strong>Laurent</strong> est d’accord avec la nouvelle direction. Il voit bien<br />

comme nous : la demande en eau propre est énorme partout<br />

au monde, et va aller toujours en augmentant. On<br />

doit se réinventer à tout instant, trouver et offrir les technologies<br />

les plus nouvelles, les plus performantes. Se réinventer<br />

: les mousquetaires, anciens et nouveaux, font ça depuis<br />

le tout début de GL&V.<br />

Richard a rajouté, lui qui est un gars de l’eau :<br />

— La population mondiale va atteindre dix milliards de<br />

personnes en 2050 : il va falloir nourrir et faire boire ces


gens-là. Le secteur de l’alimentation consomme de l’eau,<br />

Bonne Étoile, comme tu n’imagines même pas. L’eau douce<br />

propre est extrêmement rare sur Terre. C’est un credo<br />

environnemental de base chez <strong>GLV</strong> : il faut protéger l’eau<br />

douce. Il faut certainement éduquer à la conservation et à<br />

la réduction du gaspillage, mais il faut aussi fabriquer de<br />

l’eau propre en très grande quantité. Et à moindre coût<br />

énergétique possible, afin d’être plus compétitifs, et accessibles<br />

à tous. <strong>GLV</strong> est déjà un des meilleurs au monde en<br />

distribution complète, de l’entrée d’eau propre dans l’usine<br />

à la sortie d’eau propre. C’est ça que nous devons offrir et<br />

vendre à nos clients. Pour certains, nous faisons même du<br />

ZLD.<br />

— Du quoi ?<br />

— ZLD, Zero Liquid Discharge, tout simplement aucun rejet<br />

d’eau. Tu t’en rends compte ? Toute l’eau entrée à l’usine<br />

est recyclée, retraitée en eau de procédé pour les opérations<br />

et ne sort jamais de l’usine. Dans certains procédés, nous<br />

extrayons même des métaux précieux de cette eau-là. Autre<br />

domaine où nous sommes les meilleurs : <strong>GLV</strong> fabrique de<br />

l’eau ultra pure pour nettoyer les microprocesseurs et opérer<br />

les turbines à vapeur. Nous sommes en train de penser<br />

à…<br />

Ensemble, Richard et Marc étaient bien démarrés encore cette<br />

fois-ci ; avec eux, <strong>GLV</strong> pataugeait dans la fontaine de Jouvence !<br />

Le repas serait un peu plus long ce midi, mais l’étincelle dans<br />

leurs yeux…<br />

fin<br />

( et début d’autre chose … )<br />

Épilogue<br />

237


Dosiers


DOSSIERS


Les acquisitions<br />

au fil du temps


Événementiel<br />

juin 1975 Laperrière & Verreault ( L&V ) est fondée.<br />

1978 La Société de Fabrication des Vieilles Forges ( SFVF ) est créée.<br />

1981 Constructions Laperrière & Verreault est créée.<br />

1981 L&V fait l’acquisition de la société Les Services Maxi-Plus.<br />

31 mars 1986 L&V, SFVF et Les Services MaxiPlus fusionnent sous le nom<br />

Groupe Laperrière & Verreault.<br />

juin 1986 Premier appel public à l’épargne à la Bourse de Montréal par<br />

l’émission de 1 000 000 d’actions ordinaires au prix de 4,00 $<br />

l’action.<br />

mars 1987 Acquisition de Les Industries Couture.<br />

octobre 1988 Acquisition d’Hydro-Mécanique et de ses filiales, dont Hydro-<br />

Mécanique Construction.<br />

6 décembre 1989 Acquisition des éléments d’actifs de la division mécanique de<br />

Canron. Cette nouvelle filiale de GL&V prend le nom Ateliers<br />

Fabron. • 4 122 000 $<br />

21 septembre 1990 Groupe Laperrière & Verreault Ontario fait l’acquisition des éléments<br />

d’actif net de la société Dorr-Oliver Canada. • 7 473 397 $<br />

exercice 1991 La compagnie s’est départie de ses activités de service et de<br />

distribution de pièces et d’équipements de contrôle en réfrigération<br />

et climatisation. • 1 650 000 $<br />

Dossiers<br />

241


242 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

décembre 1992 Émission de 2 700 000 unités au prix de 3,00 $ l’unité composée<br />

de 2 700 000 actions subalternes et de 1 350 000 bons<br />

de souscription d’actions subalternes en contrepartie d’un<br />

montant de 8 100 000 $. Au moment de l’émission, la société<br />

a attribué 2,65 $ à l’action subalterne et 0,35 $ au demi-bon de<br />

souscription.<br />

1 er janvier 1993 Acquisition des activités commerciales et des éléments<br />

d’actif net des sociétés françaises Ateliers Allibe et Allibe Films.<br />

• 345 000 $ et un solde de prix de vente à payer de 920 000 $<br />

1993 Cessation des activités des Industries Couture limitée.<br />

février 1993 GL&V s’est retirée financièrement de sa filiale Ateliers Fabron.<br />

septembre 1993 Création de GL&V-Fabrication avec le Fonds de solidarité des<br />

travailleurs du Québec ( FTQ ).<br />

17 septembre 1993 Par l’intermédiaire de sa filiale GL&V-Fabrication, GL&V<br />

et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec ( FTQ )<br />

ont acquis du syndic à la faillite des Ateliers Fabron les<br />

activités commerciales et les éléments d’actif net de cette<br />

société. • 5 998 141 $<br />

23 décembre 1993 Émission publique au Québec de 9 925 000 $ d’obligations non<br />

garanties subordonnées convertibles et de bons de souscription<br />

spéciaux échangeables en actions subalternes, dans le cadre d’un<br />

financement de 12 000 000 $.<br />

17 mars 1994 Émission d’une somme additionnelle en capital de 2 075 000 $<br />

en obligations non garanties subordonnées convertibles à la suite<br />

de l’exercice des bons de souscription spéciaux en circulation.<br />

31 mars 1994 La compagnie s’est départie de ses activités de fabrication dans<br />

sa filiale française GL&V Allibe, tout en conservant un accès<br />

privilégié à sa technologie. • 230 000 $


15 mars 1996 La filiale GL&V – Groupe machine à papier a acquis de la<br />

multinationale américaine The Black Clawson Company<br />

certains éléments d’actif de sa filiale canadienne Black Clawson-<br />

Kennedy, ainsi que sa division de Watertown. • 9 900 000 $<br />

23 août 1996 GL&V a acheté de la société suédoise Sunds Defibrator, la<br />

totalité des actions de LaValley Industries et de sa filiale LaValley<br />

Construction Company. • 1 500 000 $<br />

1 er octobre 1997 Acquisition de certains éléments d’actif de la division Sandy<br />

Hill de la société Valmet. • 4 300 000 $<br />

31 octobre 1997 Vente de certains éléments d’actif de GL&V / LaValley.<br />

• 5 600 000 $<br />

4 décembre 1997 GL&V cède son atelier de soudure et d’usinage à une entreprise<br />

manufacturière.<br />

17 avril 1998 GL&V cesse ses activités à l’usine de Watertown.<br />

30 juin 1998 GL&V se joint à Mintech Canada et à J.M. Huber Corporation<br />

pour former une coentreprise dont la mission est de construire<br />

et d’exploiter une usine pilote dédiée au développement et à<br />

l’essai de produits de couchage pour l’industrie des pâtes et<br />

papiers sous la dénomination sociale Centre International de<br />

Couchage CIC. • Investissement de 1 500 000 $ ( participation<br />

de 13,6 % )<br />

5 septembre 1998 Acquisition d’éléments d’actif de la société suédoise Alfa Laval<br />

Celleco. • 20 700 000 $<br />

1 er avril 1999 GL&V cède la totalité des actions de sa filiale à part entière<br />

Hydro-Mécanique et de la filiale Hydro-Mécanique<br />

Construction à une société entièrement détenue par Louis<br />

Laperrière. • 1 500 000 $ en espèces et 1 500 000 $ en actions<br />

privilégiées<br />

Dossiers<br />

243


244 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

15 septembre 1999 Acquisition de la totalité des actions du groupe<br />

Dorr-Oliver. • 33 800 000 $<br />

20 décembre 1999 Acquisition d’éléments d’actif de National Refiner Plate<br />

Company. • 500 000 $<br />

21 décembre 1999 Vente des activités de GL&V/Dorr-Oliver reliées à la technologie<br />

et aux produits de centrifugation pour la fabrication de<br />

l’amidon. • 22 800 000 $<br />

25 février 2000 Acquisition de deux divisions majeures de Beloit, Nashua et<br />

Lenox. • 22 600 000 $<br />

16 juin 2000 Acquisition d’éléments d’actif de Environmental Equipment<br />

& Systems. • 1 200 000 $<br />

19 septembre 2000 Acquisition d’éléments d’actif de ADDAX Australia anciennement<br />

Beloit Australia. • 400 000 $<br />

18 octobre 2000 Cession de la participation de 50 % de GL&V dans GL&V-<br />

Technologies de l’hydrogène. • 1 000 000 $<br />

4 décembre 2000 Acquisition de l’intérêt de 35 % détenu par l’actionnaire minoritaire<br />

de GL&V Fabrication. • 4 400 000 $<br />

15 janvier 2001 Création de l’alliance stratégique du groupe Pâtes et Papiers<br />

en Europe avec Enertec, filiale du Groupe Coinpasa à Bilbao,<br />

Espagne. Création subséquente de GL&V Groupe Pâtes<br />

et Papiers Europe appartenant en parts égales à GL&V et à<br />

Coinpasa.<br />

2 avril 2001 Acquisition des éléments d’actif de E.L.P. Products. • 900 000 $<br />

22 octobre 2001 GL&V met fin à ses activités de coentreprise avec le groupe<br />

Coinpasa/Enertec en Europe.


octobre 2002 Placement privé de 2 500 000 actions subalternes au prix unitaire<br />

de 12,75 $ pour un produit net de 30 800 000 $.<br />

31 octobre 2002 Cessation des activités de fabrication du groupe Pâtes et Papiers<br />

à Nashua.<br />

8 novembre 2002 Acquisition de certains éléments d’actif de la division EIMCO<br />

de Baker Hughes. • 59 600 000 $<br />

mai 2003 Fermeture de la fonderie du groupe Procédés à Orillia.<br />

novembre 2003 Acquisition de Elite Cameron, États-Unis. • 350 000 $<br />

décembre 2003 Acquisition de Innovation Flotation, Afrique du Sud.<br />

• 300 000 $<br />

janvier 2004 Acquisition de 3H Mining, États-Unis. • 225 000 $<br />

2004 Restructuration importante du groupe Pâtes et Papiers.<br />

avril 2004 Création d’un quatrième secteur d’activités, le Groupe<br />

Traitement des eaux, une entité distincte dénommée Eimco<br />

Water Technologies.<br />

24 mars 2005 GL&V a procédé au fractionnement de toutes les actions<br />

subalternes votantes catégorie A, ainsi que toutes les actions<br />

catégorie B à vote multiple en circulation à raison de deux pour<br />

une.<br />

1 er avril 2005 Acquisition de certains éléments d’actif de la société britannique<br />

Jones & Attwood. • 3 300 000 $<br />

27 mai 2005 Acquisition de la compagnie Perplas. • 415 000 $<br />

6 septembre 2005 Acquisition des droits de propriété intellectuelle de la technologie<br />

de dilution automatique BTF, par l’intermédiaire du<br />

groupe Pâtes et Papiers. • 2 000 000 $<br />

Dossiers<br />

245


246 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

7 novembre 2005 Acquisition de la totalité des actions de la société britannique<br />

Brackett Green et de sa filiale Brackett Green<br />

USA. • 15 100 000 $<br />

9 janvier 2006 Acquisition de certains éléments d’actif et activités de la division<br />

des systèmes chimiques pour la production du papier de<br />

Metso Paper. • 960 000 $<br />

1er avril 2006 Acquisition des principaux éléments d’actif de KanEng<br />

Industries et KanEng-Deltec. • 1 800 000 $<br />

30 juin 2006 Acquisition de la totalité des actions de Enviroquip.<br />

• 20 500 000 $<br />

10 juillet 2006 Acquisition des principaux éléments d’actif reliés aux activités<br />

de modernisation de raffineurs de J&L Fiber Services.<br />

• 1 200 000 $<br />

24 août 2006 Acquisition des principaux éléments d’actif reliés aux activités<br />

de la division Huyck Dewatering Equipment de Xerium<br />

Technologies. • 1 375 000 $<br />

16 octobre 2006 Acquisition de la totalité des actions de deux entreprises<br />

spécialisées dans les solutions de traitement des eaux usées, soit<br />

COPA et COPA Water. • 25 000 000 $<br />

4 décembre 2006 Acquisition des principaux éléments d’actif de Krebs<br />

International ainsi que de six de ses filiales en Australie,<br />

au Brésil, au Chili, en Autriche, en Afrique du Sud et en<br />

Chine. • 96 600 000 $<br />

29 décembre 2006 Acquisition auprès de Metso Corporation des principaux éléments<br />

d’actif se rapportant aux activités de la société suédoise Kværner<br />

Pulping dans le domaine du lavage de la pâte, de la délignification<br />

à oxygène et du blanchiment de la pâte. • 4 700 000 $


10 août 2007 GL&V a conclu un plan d’arrangement avec la société danoise<br />

FLSmidth & Co. ( FLS ). Aux termes de l’Arrangement,<br />

GL&V a transféré son groupe Traitement des Eaux, son groupe<br />

Pâtes et Papiers et son unité Fabrication à une nouvelle société<br />

<strong>GLV</strong> Inc. • 950 000 000 $<br />

13 août 2007 Les actions subalternes comportant droit de vote catégorie A<br />

et les actions à droit de vote multiple catégorie B de <strong>GLV</strong> ont<br />

commencé à être transigées à la Bourse de Toronto ( TSX ) sous<br />

les symboles LVG.A et LVG.B. Les symboles boursiers ont été<br />

modifiés le 21 août 2008 pour <strong>GLV</strong>.A et <strong>GLV</strong>.B.<br />

13 septembre 2007 Acquisition des éléments d’actif d’une entreprise du Royaume-<br />

Uni spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes<br />

de racles pour machines à papiers et d’équipements connexes à<br />

fort taux de rotation ( consumables ). • 310 000 $<br />

3 octobre 2007 Deux divisions non stratégiques des activités australiennes faisant<br />

partie de l’acquisition de COPA ont été vendues. • 130 000 $<br />

7 mars 2008 Acquisition de la totalité des actions de la société AJM<br />

Environmental Services. • 17 700 000 $<br />

16 janvier 2009 Création de Global Water & Energy, une coentreprise détenue à<br />

70 % par <strong>GLV</strong> et à 30 % par la société Global Water Engineering,<br />

basée à Hong Kong.<br />

22 janvier 2009 <strong>GLV</strong> annonce l’obtention d’une licence exclusive avec Enersave<br />

Fluid Mixers pour commercialiser et distribuer sa technologie<br />

avant-gardiste de mélange des boues de digestion.<br />

14 avril 2009 Acquisition de certains actifs de la société Les Technologies<br />

Elcotech. • 500 000 $<br />

Dossiers<br />

247


248 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

30 novembre 2009 Acquisition des actions avec droit de vote de la société autrichienne<br />

Christ Water Technology. • 100 000 000 $<br />

22 décembre 2011 Acquisition des éléments d’actif de TamPulping par Ovivo<br />

Finland. • 1 900 000 $<br />

mars 2012 Vente des éléments d’actif du Centre International de Couchage<br />

( CIC ). • 500 000 $<br />

mars 2012 Vente des éléments d’actif de Hinke Tankbau. • 1 800 000 $<br />

Note :<br />

Prix des transactions avant ajustement.<br />

Enregistré après la date des transactions.<br />

Hors des éléments de dettes.<br />

Transactions en devises étrangères converties en<br />

dollars canadiens en date du 16 mai 2012.


Quelques repères<br />

Au moment du premier appel public à l’épargne de GL&V, en<br />

1986, les spécialités de la société étaient la conception, la fabrication<br />

et l’installation d’équipements destinés aux entreprises<br />

de pâtes et papiers. GL&V avait acquis une expertise toute particulière<br />

pour les projets de reconstruction et de modernisation<br />

de ces équipements. Sa clientèle était alors répartie au Canada<br />

et aux États-Unis et tous les services étaient commercialisés<br />

depuis les installations de Trois-Rivières, au Québec.<br />

Vers la fin des années 1980, GL&V a mis en place une importante<br />

stratégie d’expansion par acquisitions et investissements<br />

en immobilisation. L’objectif était de diversifier les marchés<br />

sectoriels et géographiques et de moderniser les infrastructures.<br />

C’est pourquoi la société a également fait des investissements<br />

considérables dans la recherche et le développement afin d’élargir<br />

sa gamme de produits à propriété intellectuelle : brevets,<br />

marques de commerce, dessins industriels et tous les droits de<br />

cette nature.<br />

Au début des années 1990, elle a donc entrepris de moderniser<br />

ses équipements de fabrication, d’implanter une gestion intégrale<br />

de la qualité, d’accroître le contenu technologique de ses<br />

produits et services et de développer sa présence sur les marchés<br />

internationaux.<br />

C’est ainsi qu’est mis sur pied un programme d’investissement<br />

de près de 20 000 000 $ pour moderniser les ateliers de<br />

la société, comme l’achat de machines-outils commandées par<br />

ordinateur. Ces équipements ont par la suite permis de produire<br />

des pièces de meilleure qualité, plus rapidement qu’auparavant.<br />

Dossiers<br />

249


250 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Plus de 1 000 000 $ ont également été investis dans la formation<br />

de la main-d’œuvre pour opérer ces nouvelles machinesoutils<br />

commandées par ordinateur ainsi que pour la formation<br />

en qualité totale.<br />

Grâce à l’ensemble de ces investissements, réalisés pour la plupart<br />

entre 1987 et 1992, GL&V s’est hissée aux premiers rangs<br />

de son industrie.<br />

La stratégie de diversification sectorielle de GL&V, notamment<br />

dans les créneaux de l’environnement et de l’énergie, a<br />

eu comme première conséquence de réduire sa dépendance à<br />

l’industrie papetière. La part des revenus générés par la fabrication<br />

ou l’installation d’équipements de production de pâtes<br />

et papiers est passée de 90 % du chiffre d’affaires consolidé en<br />

1987 à environ 32 % en 1993. En ce qui concerne la diversification<br />

géographique, environ 40 % des revenus de la société ont<br />

été réalisés au Québec en 1993 contre 80 % en 1987, preuve<br />

de la présence de plus en plus importante de GL&V à l’échelle<br />

mondiale.<br />

De 1993 à 1995, une dure récession a touché le secteur industriel<br />

en général, et plus particulièrement l’industrie des pâtes et<br />

papiers. Dans ce contexte, GL&V a concentré ses efforts sur la<br />

consolidation de sa base d’actifs et le renforcement de son bilan<br />

en redéployant ses activités vers d’autres occupations à plus<br />

forte valeur ajoutée. Pour ce faire, la société s’est donné deux<br />

lignes d’action opérationnelles : l’accroissement de la compétitivité<br />

et de la flexibilité de sa structure d’exploitation, et la<br />

recherche active de partenaires-investisseurs prêts à soutenir<br />

une expansion équilibrée des activités.<br />

En avril 2004, GL&V crée un quatrième secteur d’activité :<br />

le groupe Traitement des eaux. GL&V œuvrait déjà, depuis le<br />

début des années 1990, dans le traitement des eaux de procédés


et des eaux usées industrielles par le biais de son groupe procédé,<br />

traitement des minerais et de sa filiale Dorr-Oliver,<br />

grand pionnier des technologies de séparation des liquides et<br />

des solides. Les acquisitions de Environmental Equipment &<br />

Systems, en 2000, et d’Eimco Water Technologies, en 2002,<br />

ont donné à la société une expertise complémentaire dans<br />

le traitement des eaux usées municipales et le traitement de<br />

l’eau potable.<br />

La création d’une entité distincte qui inclut toutes les activités<br />

liées au traitement des eaux, potables et usées, municipales<br />

et industrielles, était dès lors justifiée. Ce groupe détient<br />

des droits de propriété intellectuelle pour une imposante<br />

gamme d’équipements de procédés chimiques, mécaniques et<br />

biologiques de traitement des eaux. Dès le premier exercice<br />

suivant sa création, le groupe Traitement des eaux a généré des<br />

ventes de 74 800 000 $, soit 12,4 % des revenus consolidés de<br />

la compagnie.<br />

Dossiers<br />

251


<strong>GLV</strong> et les gens


Chez <strong>GLV</strong>, les gens sont au cœur des affaires. Employés,<br />

fournisseurs, partenaires ou clients, cette belle aventure<br />

n’aurait pas eu tant de succès sans la confiance et le dynamisme<br />

de tous ceux qui en font partie.<br />

Dès les débuts de l’entreprise, <strong>Laurent</strong> Verreault a démontré un<br />

sens entrepreneurial sans pareil qu’il a cherché à intégrer à toutes<br />

les facettes de la société. Il a fait preuve également de créativité<br />

et d’innovation, qualités qu’il encourage chez les autres.<br />

Il a toujours été fier d’être un modèle pour les personnes qui<br />

l’entourent et d’inspirer chez elles des sentiments d’appartenance<br />

et de loyauté.<br />

Pour ses partenaires et ses collaborateurs, il est clair que son<br />

sens inné des affaires et sa détermination ont permis à <strong>GLV</strong><br />

d’atteindre la place enviable qu’elle détient aujourd’hui dans<br />

l’industrie. Pour lui, la stratégie qu’il a choisie repose avant tout<br />

sur une ressource essentielle : les gens derrière le nom <strong>GLV</strong>.<br />

C’est pourquoi, dès les premières années, les trois fondateurs<br />

<strong>Laurent</strong> et ses partenaires Louis Laperrière et Jean Desbiens ont<br />

offert aux employés de toutes les filiales de devenir avec eux des<br />

actionnaires. Une démarche remarquable qui démontrait bien<br />

leur esprit d’entreprise. Six employés sur une vingtaine avaient<br />

alors accepté de se joindre à l’aventure et se portaient acquéreurs<br />

d’actions de l’une ou l’autre des filiales de L&V.<br />

Quand, en 1986, L&V fusionne ses filiales pour créer le<br />

Groupe Laperrière & Verreault Inc. et accéder au marché<br />

boursier sous le régime RÉA, soixante-quatorze des soixanteseize<br />

employés des différentes filiales acquièrent des actions de<br />

la nouvelle société publique, une autre marque du sentiment<br />

d’appartenance cultivé au sein du groupe par <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

et la direction.<br />

Dossiers<br />

253


254 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Dans le même ordre d’idée, de nombreux employés qui désiraient<br />

vivre de plus grands défis, tant personnels que professionnels,<br />

ont eu l’occasion de le faire grâce à GL&V. Plusieurs<br />

collaborateurs ont vécu les acquisitions de l’intérieur, c’est-àdire<br />

qu’ils se sont expatriés et qu’ils ont mené de front la stratégie<br />

d’intégration privilégiée dans la société. Ils devenaient alors<br />

de véritables piliers dans les nouvelles filiales en plus de profiter<br />

de l’expérience des nouvelles cultures et mentalités. Ils avaient<br />

ainsi, à leur tour, la chance d’être un ambassadeur de la société.<br />

Pour <strong>Laurent</strong> Verreault et ses partenaires, le succès de la compagnie<br />

est le principal objectif dans la mesure où il assure un<br />

rendement intéressant et permet de maximiser la valeur offerte<br />

à tous les actionnaires.<br />

Même dans les moments plus difficiles, <strong>Laurent</strong> Verreault prêche<br />

par l’exemple. En raison des incertitudes financières que le<br />

monde connaît depuis quelques années, il a décidé de réduire<br />

son salaire annuel à un montant symbolique d’un dollar pour<br />

l’exercice 2012 et de renoncer aux prestations de retraites futures<br />

prévues à son contrat de travail. Les autres membres de la<br />

direction ont suivi son mouvement et ont consenti au gel de<br />

leur salaire pour la même période. Pour <strong>Laurent</strong> Verreault, il est<br />

impensable de demander aux collaborateurs de faire des sacrifices<br />

sans en faire soi-même. Il l’a souvent répété, le mouvement<br />

doit partir d’en haut.<br />

Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

choisissait de prendre sur lui pour le bien de la compagnie.<br />

En effet, au début des années 1990, au moment d’une autre<br />

période d’instabilité financière qui a durement frappé l’industrie<br />

des pâtes et papiers, <strong>Laurent</strong> Verreault, Louis Laperrière et<br />

Jean Desbiens, les trois principaux investisseurs, avaient coupé<br />

leur salaire pendant plusieurs mois. À leur image, les employés


ont fait de même et, ensemble, ils sont passés au travers de ce<br />

moment difficile.<br />

Depuis la nomination de Richard Verreault au poste de président<br />

de la société, les valeurs de l’entreprise sont toujours<br />

les mêmes et les gens restent fiers de faire partie de la grande<br />

famille <strong>GLV</strong>.<br />

Une recherche d’amélioration continue embrasse tous les<br />

aspects de l’entreprise et vise la satisfaction des besoins des<br />

clients. Les clients, leurs besoins et leurs attentes constituent la<br />

plus grande référence pour définir la qualité recherchée dans les<br />

produits et les services offerts.<br />

Viser la qualité totale, c’est faire en sorte que ce but soit atteint<br />

en améliorant constamment tous les processus, internes ou<br />

externes, qui contribuent au produit ou au service.<br />

Dossiers<br />

255


256<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Vision et mission<br />

Une pensée orientée vers les clients<br />

Chez <strong>GLV</strong>, les clients sont au centre de la réflexion et des actions. L’ensemble des<br />

employés déploie tous les efforts possibles et fait preuve d’innovation et de créativité<br />

afin d’assurer leur satisfaction et gagner leur loyauté.<br />

Un travail d’équipe exceptionnel<br />

Une personne fait une différence. Le partage des connaissances et le travail d’équipe<br />

encore plus. C’est en travaillant ensemble qu’il est possible de franchir toutes les<br />

limites et de relever les défis de l’industrie. Chez <strong>GLV</strong>, la devise est : « Gagnons et<br />

réussissons ensemble ».<br />

Un esprit d’entreprise<br />

Chacun a la capacité de reconnaître les bonnes occasions qui assurent une production<br />

à valeur ajoutée et la satisfaction des clients. Il revient à tous les membres de<br />

la société de prendre les actions nécessaires afin de toujours atteindre l’excellence<br />

et la qualité visées.<br />

Un principe de responsabilité<br />

Tous les membres de la société sont responsables de leurs actions et de la gestion<br />

efficace des risques. Ce faisant, ils assurent le succès de la compagnie.<br />

Un principe d’intégrité<br />

L’ensemble du personnel est l’atout le plus précieux de la compagnie. C’est pourquoi<br />

l’environnement de travail, dans toutes les divisions, doit toujours être sécuritaire<br />

et stimulant. La valorisation d’une culture transparente et respectueuse est<br />

également de mise. Le comportement éthique est la seule norme acceptée chez<br />

<strong>GLV</strong>, tant pour ses membres que pour ses clients.


Implication sociale<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault a toujours trouvé important de rendre à son environnement ce<br />

qu’il pouvait lui offrir. Pour cette raison, il s’est toujours impliqué dans des œuvres<br />

caritatives et auprès d’organismes publics ou parapublics, dont :<br />

Membre du conseil d’administration de la CÉDIC ( Corporation économique<br />

de développement industriel et commercial ) de la ville de Trois-Rivières dans les<br />

années 1980.<br />

Membre, puis président du conseil d’administration du Centre hospitalier<br />

Cloutier, Cap-de-la-Madeleine, de 1986 à 1996.<br />

Membre des conseils d’administration de la Bourse de Montréal de 1999 à 2008<br />

et de la Bourse de Toronto après la fusion des deux bourses de 2008 à 2011.<br />

Président d’honneur ou membre honoraire de plusieurs campagnes de financement :<br />

• Maison Albatros, Trois-Rivières<br />

• Centre de prévention du suicide les Deux Rives, Trois-Rivières<br />

• Fondation du Centre de réadaptation InterVal, Trois-Rivières<br />

• Fondation de l’Ataxie Charlevoix-Saguenay<br />

• Fondation de l’UQTR ( Université du Québec à Trois-Rivières )<br />

• Fondation CHRTR ( Centre hospitalier régional de Trois-Rivières )<br />

• Centre de ressources Alzheimer Carpe Diem, Trois-Rivières<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault a également été nommé ambassadeur de la ville de La Tuque<br />

lors des fêtes du centenaire de la ville en 2011. Ce titre est décerné aux personnalités<br />

de La Tuque qui ont assuré le rayonnement de la ville et ont fait leur marque<br />

à l’échelle régionale, provinciale, nationale ou internationale.<br />

Plaque de <strong>Laurent</strong> Verreault au Centre International de Couchage à Trois-Rivières<br />

Dossiers<br />

257


258 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

On sait s'amuser aussi chez <strong>GLV</strong><br />

3<br />

1<br />

2<br />

4<br />

5<br />

6<br />

7<br />

1. Maria Robichaud et<br />

Bernard Lemaire<br />

2. Diane L’Heureux,<br />

responsable de la paie,<br />

et Andrée Giroux,<br />

comptable-adjointe,<br />

dans les années 1990<br />

3. Bill Saulnier,<br />

Johanne Théorêt,<br />

Mélodie Lazzarra<br />

et Sharon<br />

Newman, adjointes<br />

administratives<br />

4. Bill Saulnier et<br />

Richard Verreault à la<br />

fête de Noël en 2000<br />

5. Pierre Lépine et<br />

Pascale MacDonald.<br />

6. <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

et Maria Robichaud à<br />

une soirée d’Halloween<br />

dans les années 1980<br />

7. Nathalie Bouchard,<br />

secrétaire de <strong>Laurent</strong><br />

Verreault et directrice<br />

financière<br />

8. René L’Heureux,<br />

Andrée Giroux,<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et<br />

Bill Saulnier au golf<br />

9. Bill Saulnier, Alain<br />

Rivard, Yvon L’Heureux<br />

et René L’Heureux<br />

10. Yvon L’Heureux lors<br />

d’un voyage de pêche<br />

dans les années 1980<br />

11. <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

transporté par Bill<br />

Saulnier<br />

12. Guy Croteau et<br />

Louis Laperrière<br />

13. Claude Leblanc


8<br />

9<br />

10<br />

11<br />

12<br />

13<br />

Dossiers<br />

259


260 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

L’aide humanitaire chez <strong>GLV</strong><br />

<strong>Laurent</strong> Verreault s’est toujours considéré comme chanceux dans la vie, il l’a<br />

souvent dit. Pour cette raison, il tente de redonner aux gens et aux communautés<br />

chaque fois qu’il le peut. C’est ainsi qu’il a assuré la présidence d’honneur de nombreux<br />

événements-bénéfices, comme la 10 e journée de golf Centraide Mauricie, qui<br />

a rapporté un montant de 17 500 $ à Centraide, ou la 24 e édition du tournoi de<br />

golf Pro-Am, pendant laquelle 108 000 $ ont été amassés au profit de la Fondation<br />

du Centre de réadaptation InterVal.<br />

Il encourage également les gens autour de lui à suivre son exemple. Les membres<br />

du personnel de <strong>GLV</strong> le font à leur manière : au moment de grands sinistres dans<br />

le monde, les employés de <strong>GLV</strong> se mobilisent pour contribuer à l’aide humanitaire<br />

apportée aux gens dans le besoin.<br />

Lors de la campagne de financement lancée par les employés à la suite du passage<br />

de l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans en 2005, un montant de 20 250 $ a<br />

été amassé. La société l’a doublé, et c’est une somme de 40 500 $ qui a été versée<br />

à la Croix-Rouge internationale et quelques autres organismes locaux auxquels<br />

certains employés ont fait des dons directement.<br />

En 2010, le tremblement de terre qui a frappé Haïti a motivé les employés à nouveau<br />

et ils ont collecté des fonds pour un total de 28 300 $. Cette fois encore, <strong>GLV</strong><br />

a choisi de doubler le montant amassé : les dons globaux faits à la Croix-Rouge<br />

internationale ont donc été de 56 600 $.


Cartes de Noël de <strong>GLV</strong> dont les<br />

images proviennent d’un concours<br />

de dessins proposé aux enfants des<br />

employés de plusieurs filiales de la<br />

société<br />

Dossiers<br />

261


Les conseils<br />

d’administration


Ma rencontre avec <strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Un lundi matin de février 2002, j’arrive à la réception de<br />

TVA, rue de Maisonneuve pour assister à ma toute première<br />

réunion du conseil de TVA. Au moment de m’enregistrer<br />

auprès du gardien, derrière moi un homme qui attend aussi,<br />

me dit : « On parle de <strong>vous</strong> dans les journaux de ce matin ».<br />

Ça tombe mal, car exceptionnellement non seulement je n’ai<br />

pas eu la chance de lire mes journaux du matin, mais je ne sais<br />

qui est cet homme qui lui semble me connaître.<br />

— Ah bon, dis-je. En bien, j’espère ?<br />

Réponse classique.<br />

— On écrit que c’est <strong>vous</strong> qui allez devenir la future présidente<br />

de TVA. Moi je suis <strong>Laurent</strong> Verreault, je suis membre<br />

du conseil de TVA et on s’en va à la même réunion.<br />

Une femme avertie en vaut… plusieurs. N’eût été la présence<br />

d’esprit de <strong>Laurent</strong>, je serais entrée dans la salle du conseil pour<br />

ma toute première réunion sans savoir qu’on avait écrit que<br />

j’allais remplacer l’actuel président-directeur général par intérim,<br />

lequel, évidemment, voulait le poste. C’est d’ailleurs lui<br />

qui nous accueillait ce matin-là… Dire que je marchais sur<br />

des œufs est un euphémisme. Grâce à <strong>Laurent</strong>, j’ai pu désamorcer<br />

la situation avec le président-directeur général de TVA,<br />

lui confirmer mon non-intérêt pour le poste, et pleinement<br />

participer à ma première réunion du conseil présidée par Jean<br />

Neveu.<br />

Dès lors, je crois que <strong>Laurent</strong> et moi savions qu’on pouvait<br />

devenir complices. Au fil des réunions du conseil de TVA, on<br />

Dossiers<br />

263


264 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

s’est rendu compte qu’on avait des choses en commun, dont la<br />

moins banale était que <strong>Laurent</strong> et moi étions voisins en Floride,<br />

sans le savoir.<br />

<strong>Laurent</strong> est un fin observateur en réunion de conseil ; il décode<br />

les malaises des uns et des autres mais surtout, étant lui-même<br />

un dirigeant d’entreprise, il sait se mettre à la place de ceux qui<br />

sont sur la sellette, qui doivent répondre à toutes les questions<br />

de tous les administrateurs, dont de délicates. Moi aussi, je l’ai<br />

observé et j’ai appris ça de lui.<br />

Un autre domaine où <strong>Laurent</strong> excelle, c’est dans l’art d’agacer<br />

les femmes ! Du moins, celles qu’il aime. J’étais un jour excédée<br />

de lire dans la documentation officielle qu’on nous remettait au<br />

conseil de TVA, que les sondeurs qui mesuraient l’écoute de la<br />

télévision nommaient les femmes des « ménagères », alors que<br />

les hommes étaient nommés... des « hommes ». Seule représentante<br />

de la gent féminine au conseil de TVA, j’ai exprimé mon<br />

état d’âme et crié au machisme ! Mon éclat n’est pas tombé dans<br />

l’oreille d’un sourd et pendant des années, je ne peux me rappeler<br />

le nombre de fois où <strong>Laurent</strong> s’est moqué de moi en me<br />

demandant mon opinion en tant que « ménagère ».<br />

Une chose est certaine, il savait que je considérais cette forme<br />

d’humour de sa part comme une marque d’affection, et c’est<br />

bien le cas.<br />

Sylvie Lalande


1986-1992<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Jean-Pierre de Montigny 1<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1<br />

Louis Laperrière<br />

Bernard Lemaire<br />

<strong>Laurent</strong> Mimeault<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier 1<br />

1993-1994<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Jean-Pierre de Montigny 1<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1<br />

Louis Laperrière<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier 1<br />

1995<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin<br />

Jean-Pierre de Montigny 1,2<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1,2<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier 1<br />

1996-1998<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1<br />

Jean-Pierre de Montigny 1,2<br />

Jean Desbiens<br />

Paule Doré 2<br />

Robert Dorion 1,2<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier<br />

1999<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Jean-Pierre de Montigny 1<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1,2<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier<br />

2000<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Jean-Pierre de Montigny 1<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1,2<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre Monahan<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier<br />

2001<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Jean-Pierre de Montigny 1<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion 1<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre Monahan 1<br />

Pierre A. Raymond<br />

Bill Saulnier<br />

Gérald Tremblay 2<br />

Richard Verreault<br />

2002<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Jean Desbiens<br />

Dossiers<br />

265


Robert Dorion 1<br />

Louis Laperrière 2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre Monahan 1<br />

Bill Saulnier<br />

Richard Verreault<br />

2003-2004<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Jean Desbiens<br />

Robert Dorion<br />

266 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

1( 2003 )<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Louis Laperrière 1,2<br />

Bernard Lemaire<br />

Pierre Monahan 1<br />

Bill Saulnier<br />

Richard Verreault<br />

2005-2006<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Michel Baril 1,2<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Denyse Chicoyne 1<br />

Robert Dorion<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Louis Laperrière 2<br />

Pierre Monahan 1<br />

Bill Saulnier<br />

Richard Verreault<br />

2007-2009<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Marc Barbeau<br />

Claude Boivin 1,2<br />

Marc Courtois 1<br />

Guy Fortin 2<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Pierre Seccareccia 1<br />

Richard Verreault<br />

2010<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Marc Barbeau<br />

Claude Boivin 2<br />

Marc Courtois 1<br />

Guy Fortin 2<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Jacques Landreville 1<br />

Pierre Seccareccia 1<br />

Richard Verreault<br />

2011<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Marc Barbeau<br />

Claude Boivin 2<br />

Marc Courtois 1<br />

Guy Fortin 2<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Jacques Landreville 1<br />

Normand Morin 1<br />

Pierre Seccareccia 1<br />

Richard Verreault<br />

2012<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault<br />

Marc Barbeau<br />

Chantal Bélanger 2<br />

Claude Boivin 2<br />

Marc Courtois 1<br />

Sylvie Lalande 2<br />

Jacques Landreville 1<br />

Normand Morin 1<br />

Pierre Seccareccia 1<br />

Richard Verreault<br />

1 Membres du comité de vérification<br />

2 Membres du comité de régie<br />

d’entreprise et des ressources<br />

humaines


Les membres du CA aujourd’hui : Marc Courtois, en médaillon ;<br />

Chantal Bélanger, <strong>Laurent</strong> Verreault et Sylvie Lalande, assis ;<br />

Normand Morin, Claude Boivin, Jacques Landreville, Marc<br />

Barbeau, Pierre Seccareccia et Richard Verreault, debout.<br />

Dossiers<br />

267


268 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Neuf hommes en colère<br />

Printemps 2002, après nous être fréquentés sur les bancs de<br />

TVA, <strong>Laurent</strong> me demande si je souhaite me joindre au<br />

conseil d’administration du Groupe Laperrière & Verreault. Il<br />

me parle, bien sûr, de son entreprise, mais aussi de ses partenaires<br />

de la première heure, des difficultés rencontrées, des bons<br />

coups, des défis actuels et de la composition de son conseil. Il<br />

me présente Claude Boivin, président du comité de régie d’entreprise,<br />

des ressources humaines et responsable du recrutement<br />

des administrateurs ainsi que son fils, Richard Verreault.<br />

Des hommes calmes, posés, d’aplomb, relax mais en contrôle,<br />

de vrais gentlemen, quoi. À l’évidence, ces rencontres influencent<br />

ma décision.<br />

Tout se passe si bien que quelques heures avant l’assemblée<br />

annuelle générale de la compagnie, au cours de laquelle les<br />

actionnaires vont se prononcer quant à l’élection des nouveaux<br />

membres, le conseil tient une réunion et m’invite à titre<br />

d’observateur, n’ayant pas encore été officiellement élue.<br />

Dans une petite pièce attenante à une grande et très belle salle<br />

où se déroulera l’assemblée annuelle, je rencontre pour la toute<br />

première fois les autres membres du conseil. C’est évidemment<br />

la première fois que je les vois en groupe. Ils sont tous vêtus de<br />

leurs plus beaux habits, élégants jusqu’au bout des ongles. Ils<br />

ont l’air prospères et il semble que la situation soit sereine. On<br />

ferme la porte de la salle de réunion.<br />

Erreur ! Ils sont f-u-r-i-e-u-x ! Neuf hommes en colère, bien en<br />

colère. Neuf entrepreneurs en colère, devrais-je dire, car c’est


leur audace, leur jugement, leur vision, leur gestion du risque<br />

qui sont mis à mal ici. Et ils ont mal, très mal.<br />

À commencer par <strong>Laurent</strong> qui accepte mal le retournement<br />

de la Financière Banque Nationale avec laquelle, l’été durant,<br />

il avait négocié le financement de leur toute dernière acquisition<br />

EIMCO. <strong>Laurent</strong> croyait avoir une entente en main et,<br />

quelques semaines avant la signature de l’accord, c’est la volteface.<br />

Sa banque l’informe qu’un financement par emprunt n’est<br />

plus recevable et qu’il faudra également lever du capital sur le<br />

marché par l’émission de nouvelles actions. <strong>Laurent</strong> se sent<br />

largué, injustement traité par sa banque, celle qui l’avait si bien<br />

soutenue, jusque-là. Il faut dire qu’un changement de garde<br />

venait de prendre effet à la FBN et que <strong>Laurent</strong> avait changé<br />

d’interlocuteurs. Les prédécents, eux, l’auraient compris. Ils lui<br />

faisaient confiance.<br />

Pour faire monter la pression, <strong>Laurent</strong> peut compter sur<br />

son partenaire d’affaires de la toute première heure, Bernard<br />

Lemaire, qui lui parle comme à un frère.<br />

— J’te l’avais bien dit, <strong>Laurent</strong>, que ces gars-là qui n’ont jamais<br />

pris un risque de leur vie, tu ne peux pas compter sur eux,<br />

ils sont incapables de voir plus loin que le bout de leur nez.<br />

Ce ne sont pas des entrepreneurs, eux autres !<br />

Bernard Lemaire se lève, enlève son veston, défait son noeud<br />

de cravate, met ses poings sur la table et tout en dévisageant<br />

<strong>Laurent</strong>, ajoute :<br />

— Ils ne nous auront pas <strong>Laurent</strong>, ils ne nous feront pas mettre<br />

un genou à terre. C’est pas vrai. On va aller voir d’autres<br />

banquiers ! dit-il, tout en gesticulant.<br />

Dossiers<br />

269


270 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

C’était ma première rencontre avec Bernard Lemaire, jamais je<br />

ne l’oublierai. Et il n’en fallait pas plus pour que les deux autres<br />

associés de <strong>Laurent</strong>, Jean Desbiens et Louis Laperrière enchaînent<br />

sur le même ton :<br />

— Ils ont peur du vent, ils sont pas faits forts, ils ont jamais<br />

gagé une maudite cenne de leur vie ces ouistitis-là.<br />

— On aurait pu changer de banquiers 20 fois, mais on ne l’a<br />

pas fait parce qu’ils étaient là au tout début et qu’on s’est<br />

souvenu. Et pour nous remercier, voilà qu’ils essaient de<br />

nous coincer. Ça me donne mal au cœur.<br />

Et les autres ont aussi leur mot à dire. Claude Boivin, Robert<br />

Dorion, Richard Verreault, Pierre Monahan, Marc Barbeau,<br />

sont tous plus insultés ou déçus les uns que les autres. Impossible<br />

de placer un mot, ne serait-ce que pour poser une question.<br />

En mon for intérieur, j’espère que les murs sont assez étanches<br />

pour que les actionnaires qui se sont déplacés pour assister à<br />

l’assemblée annuelle ne nous entendent pas.<br />

La tempête dure deux heures. Je ne sais pas où donner de la tête<br />

ni quelle attitude adopter. Je me demande si ça va être comme<br />

ça pendant toutes les réunions. Moi qui, quelques semaines<br />

auparavant, avais rencontré des hommes si calmes, si posés, si<br />

en contrôle. Bref, toute une initiation au conseil de Groupe<br />

Laperrière & Verreault. Une initiation tout à l’honneur de<br />

l’entrepreneuriat, le vrai, celui de bâtisseurs. Ces neuf hommes<br />

en colère étaient de ceux-là.<br />

Neuf hommes en colère … mais pas rancuniers. À preuve, lors<br />

de financements ultérieurs, la FBN aurait pu maintes fois être


écartée au profit d’autres institutions financières, mais <strong>Laurent</strong><br />

s’est souvenu qu’un jour, à ses touts débuts, la FBN l’avait soutenu.<br />

La FBN ne le sait peut-être pas, mais elle est chanceuse<br />

d’avoir comme client un entrepreneur avec le cœur à la bonne<br />

place.<br />

Sylvie Lalande<br />

Dossiers<br />

271


<strong>GLV</strong> :<br />

le nouveau visage


À<br />

l’été 2007, GL&V était constitué de trois groupes : les<br />

Procédés ou Traitement du minerai, les Pâtes et Papiers<br />

et le Traitement des eaux, représentant respectivement 40 %,<br />

30 % et 30 % du chiffre d’affaires.<br />

En août, une transaction majeure est venue changer ce portrait.<br />

Le 10 août 2007, la société publique GL&V et son groupe<br />

de Traitement du minerai sont vendus à la société danoise<br />

FLSmidth en contrepartie d’un montant de 950 000 000 $. Les<br />

groupes Pâtes et Papiers, Traitement des eaux ainsi que l’unité<br />

de Fabrication de GL&V ont alors été placés sous une nouvelle<br />

société publique dénommée <strong>GLV</strong> Inc. qui est demeurée<br />

au Québec et est dirigée par la même équipe qui a assuré le<br />

succès de GL&V.<br />

À la clôture de la transaction, pour chaque action détenue dans<br />

GL&V, les actionnaires ont reçu 33 $ et une action dans la<br />

nouvelle société. Selon les membres de la direction, ceci représentait<br />

une prime intéressante par rapport au cours de l’action<br />

de GL&V. Les actionnaires touchaient donc un rendement<br />

immédiat considérable et avaient l’occasion de continuer à participer<br />

à la réussite de la compagnie en tant qu’actionnaires de<br />

la nouvelle société. Pour <strong>Laurent</strong> Verreault, cette transaction<br />

répondait parfaitement à l’objectif premier de la société, soit de<br />

maximiser la valeur offerte aux actionnaires tout en offrant aux<br />

clients des produits et services de qualité.<br />

<strong>GLV</strong> Inc. est l’un des plus importants fournisseurs mondiaux<br />

de solutions technologiques et de procédés servant à de<br />

nombreuses applications environnementales, municipales et<br />

industrielles.<br />

Ses activités se répartissent en deux principaux groupes :<br />

Dossiers<br />

273


274 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Le groupe traitement des eaux<br />

Ovivo<br />

Ovivo réunit sous un même nom toutes les activités de traitement<br />

des eaux de la société. Le groupe Traitement des eaux est<br />

spécialisé dans la conception et la commercialisation de solutions<br />

de traitement des eaux usées municipales et industrielles<br />

de même que des eaux servant à divers procédés industriels. Ce<br />

groupe offre également des solutions de tamisage des entrées<br />

d’eau alimentant certains types de centrales d’énergie, des raffineries<br />

et des usines de dessalement d’eau de mer.<br />

Le groupe Ovivo s’est grandement enrichi par les acquisitions<br />

qu’il a faites, notamment celles de Hinke, de Christ Water<br />

Technology et de Van der Molen.<br />

Grâce à l’intégration de ces acquisitions, le groupe Ovivo est<br />

fort de l’expérience d’une dizaine d’entreprises dont certaines<br />

exercent leurs activités depuis plus de cent ans, et ce, à travers<br />

le monde. Les clients peuvent compter sur l’impressionnant<br />

portefeuille technologique offert afin de trouver des solutions<br />

complètes à la mesure de leurs attentes tant en terme de filtration,<br />

de traitement, de purification ou de recyclage de l’eau.<br />

Au cours de l’exercice 2010, Ovivo a réalisé 42,5 % de ses revenus<br />

en Amérique du Nord, 27,8 % en Europe et 29,7 % au<br />

Moyen-Orient, en Chine, dans la région Asie-Pacifique et en<br />

Afrique.<br />

Les principales marques de commerce du groupe Traitement des<br />

eaux sont : EWTTM ( EIMCO Water Technologies ), Brackett-<br />

Green® , Enviroquip® , COPA® , Jones + Attwood, Caird &<br />

Rayner Clark, AJM® , Cinetik® , Christ Water Technology® ,<br />

Kennicott® , Goema® , Aqua Engineering® et Tepro® .


Christ Water<br />

Technology<br />

Autriche<br />

Van der<br />

Molen<br />

Allemagne<br />

Van der Molen<br />

Afrique du Sud<br />

Ovivo<br />

Finland<br />

Finlande<br />

EPC Water<br />

Suisse<br />

Hinke<br />

Hongrie<br />

Ovivo<br />

Deutschland<br />

Allemagne<br />

Van der Molen<br />

Aseptic<br />

Allemagne<br />

Bureau Chef<br />

Canada<br />

*<br />

Ovivo GWE<br />

États-Unis<br />

Ovivo<br />

Holland<br />

Pays-Bas<br />

Ovivo<br />

France<br />

France<br />

<strong>GLV</strong><br />

Canada<br />

GL&V Canada<br />

Canada<br />

Ovivo USA<br />

États-Unis<br />

Ovivo Aqua<br />

Afrique du<br />

Sud<br />

Ovivo Aqua<br />

Africa<br />

Afrique du<br />

Sud<br />

Ovivo UK<br />

Angleterre<br />

et Pays de<br />

Galles<br />

Ovivo Spain,<br />

Espagne<br />

Ovivo<br />

Taiwan<br />

Taiwan<br />

Ovivo Aqua<br />

Tunisie<br />

Division Ovivo<br />

Canada<br />

*<br />

Ovivo<br />

Austria<br />

Autriche<br />

Ovivo India<br />

Inde<br />

Geda et Ovivo<br />

Irlande du<br />

Nord<br />

Organigramme Ovivo<br />

Ovivo<br />

Shangai<br />

Chine<br />

Ovivo Middle<br />

East<br />

Émirats<br />

arabes unis<br />

Ovivo<br />

Australia<br />

Australie<br />

MacQuarie<br />

Automation<br />

Australie<br />

Aqua<br />

Engineering<br />

Autriche<br />

Aqua<br />

Engineering<br />

Émirats<br />

arabes unis<br />

*<br />

* Filiale<br />

Ovivo<br />

Singapore<br />

Singapour<br />

Ovivo NZ<br />

Nouvelle-<br />

Zélande<br />

Ovivo<br />

Switzerland<br />

Suisse<br />

Ovivo<br />

Hong Kong<br />

Hong Kong<br />

Dossiers<br />

275


276 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

Le groupe Pâtes et Papiers<br />

Depuis plus de 30 ans, le groupe Pâtes et Papiers de <strong>GLV</strong> se<br />

spécialise dans la conception et la mise en marché d’équipements<br />

de production de la pâte et du papier, notamment la<br />

mise en pâte chimique, la préparation de la pâte et la formation<br />

de la feuille. Ce groupe est reconnu mondialement pour ses<br />

services de reconstruction, de modernisation et d’optimisation<br />

des équipements en place, de même que dans la vente de pièces<br />

de rechange.<br />

Les efforts constants en développement de produit ajouté aux<br />

nouvelles technologies obtenues grâce aux nombreuses acquisitions<br />

de la société ont permis au groupe Pâtes et Papiers de <strong>GLV</strong><br />

de gagner une réputation internationale enviable. Plusieurs de<br />

ses produits sont ainsi devenus des normes dans l’industrie<br />

en termes de qualité, comme les presses Compact Press® , les<br />

pompes DUFLO® , les mélangeurs DUALOX® , le procédé de<br />

cuisson SuperBatch® , les filtres à disque et les hydrocyclones<br />

Celleco® , les technologies de raffinage, de lavage et de tamisage<br />

BeloitTM et les systèmes de délignification à l’oxygène<br />

IMPCOTM .<br />

Le groupe Pâtes et Papiers dessert exclusivement l’industrie<br />

papetière et jouit d’une présence internationale de plus en<br />

plus diversifiée. Durant l’exercice terminé le 31 mars 2009, ce<br />

groupe a réalisé 47 % de ses revenus en Amérique du Nord,<br />

34 % en Europe, 12 % en Chine, en Inde et dans la région de<br />

l’Asie-Pacifique, et 7 % en Amérique latine, en Afrique et au<br />

Moyen-Orient.<br />

Les principales marques de commerce du groupe Pâtes et<br />

Papiers sont : GL&V® , Celleco® , Compact Press® , BTFTM ,<br />

IMPCOTM , SuperBatch® , DUALOX® , DUFLO® , Beloit-Jones<br />

et Beloit-Lenox.


GL&V Sweden<br />

Suède<br />

Bureau Chef<br />

Canada<br />

*<br />

GL&V France<br />

France<br />

GL&V Industrial<br />

Equipement Trading<br />

( Beijing )<br />

Chine<br />

<strong>GLV</strong> Inc<br />

Canada<br />

GL&V<br />

Canada inc<br />

Canada<br />

GL&V India<br />

Inde<br />

Les autres divisions<br />

Organigramme Pâtes et Papiers<br />

Division<br />

Pâtes et Papiers<br />

Canada<br />

*<br />

GL&V USA<br />

États-Unis<br />

* Filiale<br />

GL&V Brasil<br />

Equipamentos<br />

Comercio e services<br />

Brésil<br />

En plus de ces deux groupes, <strong>GLV</strong> possède une unité de<br />

fabrication spécialisée dans la production sur devis de pièces<br />

de grandes dimensions dénommée <strong>GLV</strong> Fabrication, située<br />

à Trois-Rivières, au Québec. Très active dans le domaine des<br />

pâtes et papiers, la division Fabrication se spécialise dans réalisation<br />

et le machinage de pièces de grande taille. Les travailleurs<br />

de <strong>GLV</strong> Fabrication accomplissent de nombreux projets sur<br />

Dossiers<br />

277


278 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

mesure tant pour le groupe Pâtes et Papiers de <strong>GLV</strong> que pour<br />

une clientèle externe des secteurs des pâtes et papiers et de celui<br />

de l’énergie.<br />

<strong>GLV</strong> détient également deux importantes filiales qui œuvrent<br />

dans des domaines bien particuliers.<br />

Hinke, forte d’une expérience en fabrication générale de plus<br />

de cinquante ans, est une société spécialisée dans l’élaboration<br />

et la production de vaisseaux et de réservoirs sous pression haut<br />

de gamme en acier inoxydable et au carbone pour les industries<br />

chimique, pharmaceutique et alimentaire. Les technologies<br />

modernes employées chez Hinke permettent de construire<br />

des vaisseaux de grand format, pouvant atteindre quatre mètres<br />

de diamètre, vingt mètres de hauteur et vingt tonnes en poids<br />

total, aux différents types de finition et de protection contre la<br />

corrosion.<br />

Van der Molen, quant à elle, est spécialisée dans la conception<br />

et la commercialisation d’équipements et de procédés pour<br />

l’industrie des boissons. Des ingénieurs alimentaires ainsi<br />

que des ingénieurs et des techniciens de brassage développent<br />

depuis plus de cinquante ans des solutions efficaces de stockage,<br />

de transport, de dissolution, de dosage, de mélange, de pasteurisation,<br />

de contrôle, d’automatisation et de nettoyage pour<br />

cette industrie.<br />

Aujourd’hui, le grand objectif de <strong>GLV</strong> est de se hisser toujours<br />

plus haut parmi les principaux fournisseurs mondiaux de solutions<br />

technologiques que ce soit pour le traitement des eaux<br />

ou pour la production de pâtes et papiers. À cette fin, <strong>GLV</strong><br />

poursuivra la stratégie d’affaires qui a assuré son succès depuis<br />

le début : croissance soutenue et amélioration constante de la<br />

rentabilité de la société.


Expansion par<br />

acquisitions<br />

Développement<br />

international ciblé<br />

Fournisseur de solutions<br />

complètes à valeur ajoutée<br />

Sous-traitance<br />

manufacturière<br />

Culture<br />

entrepreuneuriale<br />

Structure de coûts<br />

compétitive et flexible<br />

Forte présence dans le<br />

marché de l’après-vente<br />

Santé financière<br />

Gouvernance<br />

Croissance<br />

Rentabilité<br />

Solidité<br />

modèle d’affaires<br />

Créateur de valeur<br />

à long termE<br />

pour<br />

Les actionnaires<br />

Les clients<br />

Les employés<br />

Dossiers<br />

279


280<br />

Index<br />

3H Mining 245<br />

A<br />

ADDAX Australia 177, 244<br />

Afrique du Sud 165, 174, 245, 246<br />

AJM® 274<br />

AJM Environmental Services<br />

209, 247<br />

Alfa Laval 129, 143, 145<br />

Alfa Laval Celleco 243<br />

Allemagne 174<br />

Allibe Films 242<br />

Ang, Cynthia 185<br />

Angleterre 246<br />

Aqua Engineering® 274<br />

Arizona, États-Unis 192<br />

Arseneault, Michel 116<br />

Ateliers Allibe 84, 117, 122,<br />

125, 129, 242<br />

Ateliers Fabron 86, 116, 241,<br />

242<br />

Atlanta, Géorgie, États-Unis<br />

143, 170<br />

Australie 165, 187, 208, 209,<br />

218, 246<br />

Autriche 212, 215, 246<br />

<strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

b<br />

Baker Hughes 179, 245<br />

Barbeau, Marc 161, 162, 171,<br />

173, 181, 183, 191, 199, 200,<br />

202, 218, 221, 225, 226, 227, 231,<br />

233, 234, 236, 237, 266, 270<br />

Baril, Michel 203, 266<br />

Beaudet, Raymond 74, 78, 79<br />

Becker, Roger 170, 171<br />

Bélanger, Chantal 203, 266<br />

Beloit Australia 177<br />

Beloit Corporation 153, 154,<br />

155, 156, 157, 158, 160, 161,<br />

165, 169, 244<br />

Beloit-Jones 276<br />

Beloit-Lenox 276<br />

Beloit TM 276<br />

Biloxi, Mississippi, États-Unis<br />

132<br />

Bjorkenus, Birgitta 148<br />

Black Clawson Company 135<br />

Black Clawson-Kennedy 62,<br />

129, 130, 131, 132, 136, 243<br />

Black-Clawson TM 179<br />

Blanchet, Suzan 101<br />

Boivin, Claude 202, 265, 266,<br />

268, 270<br />

Boivin, Josée 155<br />

Bouchard, Nathalie 155, 258<br />

Bourse de Montréal 241, 257<br />

Bourse de Toronto 247, 257<br />

Brackett Green 187, 246<br />

Brackett-Green® 274<br />

Brackett Green USA 246<br />

Brésil 165, 185, 246<br />

Bro-Larsen, Finn 221<br />

Bruyea, Greg 108, 110, 127, 130,<br />

132, 133, 135, 138, 144, 170, 173<br />

BTF TM 276<br />

c<br />

Cabano, Québec 59, 62, 67, 70<br />

Caird & Rayner Clark 274<br />

Caisse de dépôt et placement<br />

du Québec 213<br />

Calgary, Alberta 166, 170<br />

Cameron, Anne 134<br />

Canada Iron Co. 84<br />

Canadian International<br />

Paper<br />

49, 51, 179<br />

Canron 84, 86, 116, 129, 241<br />

Cap-de-la-Madeleine, Québec 73<br />

Cascades 97


Cascades Lupel 73, 77 Celleco 129, 143, 144, 145, 146,<br />

149, 151, 165, 179<br />

Celleco® 276<br />

Centre International de<br />

Couchage 110, 129, 243, 248<br />

Chatham, Nouveau-Brunswick<br />

36, 43<br />

Chicoutimi, Québec 83, 115<br />

Chicoyne, Denyse 203, 266<br />

Chili 246<br />

Chine 165, 183, 185, 193, 246<br />

Christ Water Technology<br />

212, 213, 215, 216, 217, 218,<br />

234, 248, 274<br />

Christ Water Technology® 274<br />

Cinetik® 274<br />

Clinton, Ontario 36<br />

Cohen, Marc 118, 124, 125, 126<br />

Coinpasa 162, 163, 244<br />

Compact Press® 276<br />

Connecticut, États-Unis 177<br />

Constructions Laperrière &<br />

Verreault 79, 81, 241<br />

Coomes, Robert 173, 174, 203<br />

COPA 187, 246, 247<br />

COPA® 274<br />

COPA Water 246<br />

Corée 143<br />

Courtois, Marc 203, 266<br />

Croteau, Guy 74, 79, 81, 97, 258<br />

Croteau, Vic 101<br />

d<br />

Danemark 194, 200, 247<br />

De Montigny, Jean-Pierre 265<br />

Desbiens, Jean 16, 17, 51, 53, 55,<br />

68, 71, 72, 77, 79, 90, 93, 95,<br />

97, 98, 101, 102, 103, 122, 159,<br />

170, 173, 197, 203, 253, 254,<br />

265, 266, 270<br />

Dessureault, Martin 155, 168<br />

Doré, Paule 265<br />

Dorion, Robert 80, 93, 94, 101,<br />

174, 181, 183, 194, 195, 197,<br />

203, 265, 266, 270<br />

Dorr-Oliver Canada 15, 16,<br />

17, 19, 22, 24, 107, 108, 111,<br />

112, 129, 174, 179, 241<br />

Dorr-Oliver Eimco 183<br />

Dorr-Oliver International<br />

129, 132, 137, 138, 145, 174,<br />

177, 244<br />

Dorval, Québec 131<br />

DUALOX® 276<br />

index<br />

281


Dubé, Marcel 74, 78, 79<br />

DUFLO® 276<br />

e<br />

282 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

EIMCO 179, 180, 181, 182, 245<br />

Eimco Water Technologies<br />

207, 208, 213, 218, 245, 251<br />

Elite Cameron 245<br />

E.L.P. Products 166, 170, 244<br />

Enersave Fluid Mixers 211,<br />

247<br />

Enertec 162, 244<br />

Environmental Equipment &<br />

Systems 177, 244, 251<br />

Enviroquip 187, 246<br />

Enviroquip® 274<br />

Espagne 165, 244<br />

États-Unis 143, 170, 174, 245<br />

EWT TM 274<br />

f<br />

Famille Joy 22<br />

Finlande 143, 165<br />

FLSmidth 192, 193, 194, 197,<br />

198, 200, 201, 247, 273<br />

Fonds de solidarité des<br />

travailleurs du Québec ( FTQ )<br />

116, 213, 242<br />

Fortier, Luc 75<br />

Fortin, Guy 203, 266<br />

Fortunato, Vincent 117<br />

Fournier, Hélène 161, 202<br />

France 165<br />

Froud, Mike 221<br />

g<br />

Gélinas, Michel 84, 85, 86, 116,<br />

118, 123, 124, 161, 170, 173<br />

Gélinas, Pierre 132, 133, 160,<br />

169, 170<br />

Géorgie, États-Unis 165<br />

Giroux, Andrée 258<br />

Global Water & Energy 211,<br />

247<br />

Global Water Engineering<br />

211, 247<br />

GL&V® 276<br />

GL&V Allibe 116, 117, 129, 242<br />

GL&V Australia 177<br />

GL&V/Celleco 147, 185<br />

GL&V Construction 110<br />

GL&V/Dorr-Oliver 177, 180,<br />

244<br />

GL&V/Dorr-Oliver Eimco<br />

185, 194<br />

GL&V Fabrication 116, 117,<br />

129, 242, 244<br />

GL&V-Groupe machine<br />

à papier 243<br />

GL&V Groupe Pâtes<br />

et Papiers 160<br />

GL&V Groupe Pâtes<br />

et Papiers Europe 162, 244<br />

GL&V/LaValley 169, 243<br />

GL&V Suède 146<br />

GL&V-Technologies de<br />

l'hydrogène 244<br />

GL&V Trois-Rivières 116<br />

<strong>GLV</strong> Fabrication 277<br />

<strong>GLV</strong> Inc. 202, 206, 273<br />

Goema® 274<br />

Groupe Fabrication 108, 110,<br />

206, 207<br />

Groupe Laperrière &<br />

Verreault 90, 102, 129, 241<br />

Groupe Laperrière &<br />

Verreault Ontario 241<br />

Groupe Ovivo 117<br />

Groupe Pâtes et Papiers 108,<br />

109, 110, 137, 206, 207, 234, 273<br />

Groupe Procédés 107, 108,<br />

110,<br />

137, 173, 182, 185, 193, 202, 273<br />

Groupe Traitement des eaux<br />

175, 177, 206, 207, 213, 217,<br />

245, 273<br />

Grüner, Klaus-Dieter 174<br />

Guilbert, Émile 118, 119, 123<br />

h<br />

Habart, Bernard 118<br />

Hägersten, Suède 149<br />

Harnischfeger Industries


153,<br />

154, 156<br />

Harrison, Bob 160, 174<br />

Hedemora, Suède 143, 144<br />

Healy, Walter 158<br />

Hinke 274, 278<br />

Hinke Tankbau 248<br />

Hong Kong, Chine 211, 247<br />

Hoo, Tony 185<br />

Hudson Falls, New York,<br />

États-Unis 136, 137<br />

Huyck Dewatering Equipment<br />

186, 246<br />

Hydro-Mécanique 14, 99, 100,<br />

102, 111, 129, 241, 243<br />

Hydro-Mécanique<br />

Construction 241, 243<br />

Hydro-Québec 101<br />

i<br />

Îles-de-la-Madeleine, Québec<br />

101<br />

IMPCO 154<br />

IMPCO TM 276<br />

Inde 143, 165, 185<br />

Ingersoll-Rand 154<br />

Innovation Flotation 245<br />

Irving Pulp & Paper 15, 53<br />

j<br />

J&L Fiber Services 186, 246<br />

J.M. Huber Corporation 110,<br />

243<br />

Jones & Attwood 187, 245<br />

Jones+Attwood 274<br />

Junnan, Zhang 150<br />

k<br />

KanEng-Deltec 246<br />

KanEng Industries 186, 246<br />

Kennicott® 274<br />

Kingsey Falls, Québec 59, 61,<br />

73, 77<br />

Klees, Gwen 171, 184, 202, 217,<br />

218, 219<br />

Krebs International 192, 246<br />

Kvaerner Pulping Business<br />

186, 246<br />

l<br />

Lacroix, Yves 160<br />

Laimer, Hannes 221<br />

Lakeev, Igor 185<br />

Lalande, Sylvie 202, 266<br />

Landegger, Carl 131, 132<br />

Landegger, Carl Michael 131,<br />

132<br />

Landreville, Jacques 266<br />

Laperrière, Louis 14, 16, 51, 53,<br />

54, 64, 67, 68, 70, 72, 77, 90,<br />

93, 95, 97, 98, 102, 103, 111,<br />

159, 173, 197, 203, 243, 253,<br />

254, 258, 265, 266, 270<br />

Laperrière & Verreault 81,<br />

241<br />

La Tuque, Québec 29, 44, 49,<br />

51, 257<br />

Lau, Andrew 185<br />

LaValley Construction<br />

Company 243<br />

LaValley Industries 110, 111,<br />

129, 132, 133, 135, 168, 243<br />

Lawes, Graham 174, 202<br />

Lazzarra, Mélodie 258<br />

Leblanc, Claude 258<br />

Lebreton, Hector 53, 55<br />

Lefebvre, Josée 161<br />

Lemaire, Bernard 14, 59, 61, 63,<br />

67, 72, 77, 89, 92, 102, 103, 145,<br />

265, 266, 269<br />

Lemaire, frères 59<br />

Lenox, Massachusetts, États-<br />

Unis 161, 244<br />

Lépine, Pierre 158, 171, 173,<br />

174, 177, 180, 181, 183, 258<br />

Les Industries Couture 83, 84,<br />

87, 101, 115, 129, 241<br />

Lessard, Gino 155<br />

Lessard, Roger 171, 182<br />

Les Services Maxi-Plus 82, 90,<br />

241<br />

Les Technologies Elcotech 211,<br />

247<br />

L'Heureux, Diane 145, 147, 258<br />

L’Heureux, Josette 145<br />

L'Heureux, René 13, 23, 80, 81,<br />

89, 93, 94, 118, 123, 144, 145,<br />

146, 148, 150, 161, 162, 173,<br />

175, 181, 182, 219, 258<br />

index<br />

283


284 <strong>Laurent</strong> Verreault et <strong>GLV</strong><br />

L'Heureux, Yvon 74, 78, 79, 83,<br />

116, 132, 133, 134, 135, 144,<br />

145, 146, 148, 150, 160, 168,<br />

169, 170, 173, 258<br />

Liau, Ricson 185<br />

m<br />

MacDonald, Pascale 258<br />

Mahoney, Bill 169, 170, 202<br />

Massachusetts, États-Unis 165<br />

Massicotte & Arcand 82<br />

Matane, Québec 51, 52<br />

Matveeva, Olga 185<br />

Mélançon, Alain 170, 171<br />

Metso 156, 158, 187, 246<br />

Metso Paper 246<br />

Mimeault, <strong>Laurent</strong> 265<br />

Mintech Canada 110, 243<br />

Mitsubishi 156<br />

Monahan, Pierre 265, 266, 270<br />

Montréal, Québec 170<br />

Morin, Gilles 116, 148, 150<br />

Morin, Normand 203, 266<br />

Morissette, Valère 116, 117<br />

Munich, Allemagne 221<br />

N<br />

Nashua, New Hampshire,<br />

États-Unis 154, 155, 160, 161,<br />

166, 244<br />

National Refiner Plate 129,<br />

138, 244<br />

Neufchâtel, Québec 100<br />

New Hampshire, États-Unis<br />

165<br />

Newman, Sharon 258<br />

New York, États-Unis 165<br />

o<br />

Oasis 154, 157<br />

Ocean Falls, Colombie-<br />

Britannique 73<br />

Ontario, province 15<br />

Orillia, Ontario 13, 19, 24, 111,<br />

129, 138, 245<br />

Ormique Micro-informatique<br />

82, 129<br />

Ouellette, Sylvain 173, 174, 191,<br />

203<br />

Ovivo 220, 221<br />

Ovivo Finland 248<br />

Ovivo Groupe Traitement<br />

des eaux 234, 274<br />

Owen Sound, Ontario 131<br />

p<br />

Pagé, Pierre 101<br />

Papier Cascades 15, 59, 60, 61,<br />

64, 67<br />

Pépin, Éric 155<br />

Perplas 186, 245<br />

Perrin, Gaetan 101<br />

Philibert, Paul 101<br />

Picard, André 155<br />

Piette, André 75<br />

Pittsfield, Massachusetts,<br />

États-Unis 160<br />

Port-Cartier, Québec 97, 98<br />

Porteous, Jim 221<br />

Portneuf, Québec 101<br />

Portugal 165<br />

q<br />

Québec, province 129, 165<br />

r<br />

Rader 157<br />

Raymond, Pierre A. 265<br />

Rebut, Roger 118, 122<br />

Restaurant le Pignon Rouge<br />

44<br />

Rexfor 60, 63, 64<br />

Reynolds, Chris 221<br />

Rivard, Alain 155, 258<br />

Roberge, Gilles 51, 60, 62, 67, 69,<br />

70, 72, 102<br />

Robichaud, Maria 43, 44, 45,<br />

46, 47, 49, 52, 67, 185, 258<br />

Royaume-Uni 186, 187, 247


Roy, Ghislain 74, 78, 79, 97, 102<br />

Rugby, Angleterre 183<br />

Russie 143, 147, 151, 165, 185<br />

S<br />

Saint-Jean, Nouveau-<br />

Brunswick 15<br />

Saint-Jean-sur-Richelieu,<br />

Québec 35<br />

Saint-Pétersbourg, Russie 147,<br />

185<br />

Salt Lake City, Utah,<br />

États-Unis 180<br />

Sandy Hill 129, 136, 137, 243<br />

Saulnier, Bill 13, 74, 77, 78, 79,<br />

80, 82, 90, 93, 94, 101, 118,<br />

121, 122, 123, 124, 134, 135,<br />

144, 145, 146, 148, 149, 168,<br />

169, 170, 173, 180, 181, 191,<br />

203, 216, 258, 265, 266<br />

Seccareccia, Pierre 203, 266<br />

Sherbrooke, Québec 170<br />

Singapour 185<br />

Sleigher, Simon 78<br />

Smirnov, Peter 185<br />

Société de Fabrication des<br />

Vieilles Forges 77, 78, 79,<br />

81,<br />

82, 83, 90, 241<br />

Steilacoom, Washington, États-<br />

Unis 73<br />

St-Raymond Paper 73, 101<br />

Suède 129, 143, 165, 174, 186,<br />

246<br />

Sundqvist, Mikael 146, 148,<br />

174, 175<br />

Sunds Defibrator 243<br />

SuperBatch® 276<br />

t<br />

TamPulping 248<br />

Teoh, Charlene 185<br />

Tepro® 274<br />

Texas, États-Unis 211<br />

Théorêt, Johanne 258<br />

Therrien, Bernard 74, 75, 78, 79<br />

Tremblay, Gérald 265<br />

Tremblay, Guy 51, 60<br />

Trenton, Ontario 36<br />

Trepanier, Hélène 145<br />

Trois-Rivières, Québec 29, 78,<br />

84, 109, 129, 170, 249, 257, 277<br />

Tullins, France 117, 122<br />

Tumba, Suède 143<br />

u<br />

Unité Fabrication 206, 207<br />

v<br />

Valladolid, Espagne 162<br />

Valmet 136, 243<br />

Vancouver, Washington,<br />

États-Unis 170<br />

Van der Molen 234, 274, 278<br />

Verreault, Richard 74, 131,<br />

132, 136, 157, 158, 159, 160,<br />

161, 169, 170, 173, 174, 177,<br />

181, 183, 191, 193, 199, 200,<br />

201, 202, 218, 221, 225, 226,<br />

227, 228, 231, 232, 233, 234,<br />

235, 236, 237, 255, 258, 265,<br />

266, 268, 270<br />

Vinogradova, Svetlana 147, 185<br />

w<br />

Washington, États-Unis 165,<br />

168<br />

Watertown, New York, États-<br />

Unis 132, 135, 243<br />

Wetherbee, Douglas 203, 221<br />

Wong, Samuel 185<br />

Woodruff, David 203<br />

x<br />

Xerium Technologies 246<br />

y<br />

Yong, Jenny 185<br />

Yule, Bart 173, 174<br />

Avertissement :<br />

Que tout ceux qui n'ont pas été nommés ici se reconnaissent dans Bonne Étoile.<br />

Merci !<br />

index<br />

285


Cet ouvrage composé en Garamond et Astaire<br />

et mis en pages par Évelyne Deshaies<br />

a été achevé d'imprimer le 4 septembre 2012<br />

sur les presses de Friesens, Altona, Canada<br />

pour le compte de Isabelle Quentin éditeur.


A u début de ma carrière, quand j’étais technicien<br />

en instrumentation et contrôle au Nouveau-<br />

Brunswick, j’avais été émerveillé par un système<br />

d’entraînement signé Dorr-Oliver ; dix-sept ans plus<br />

tard, j’ai acheté la compagnie.<br />

À l’usine de papier de Matane en 1968, je faisais<br />

l’entretien de notre « Black-Clawson » flambant neuve,<br />

une formidable machine à papier ; en 1996, j’ai acheté<br />

cette compagnie.<br />

Quand j’ai commencé apprenti à vingt et un ans à<br />

la Canadian International Paper de La Tuque en<br />

1963, j’ai appris le procédé de filtration de la pâte à<br />

papier sur des systèmes de vortex Celleco ; en 1998,<br />

trente-cinq ans après, j’ai acheté la compagnie.<br />

Pendant plus de vingt ans, je me suis couché en<br />

dessous de machines pour les installer, les entretenir<br />

ou les réparer. Certaines étaient ordinaires,<br />

d’autres étaient des machines de rêve, comme celles<br />

de EIMCO, une entreprise centenaire ; en 2002, j’ai<br />

acheté cette compagnie.<br />

En 2007, pour la première fois depuis trente-deux ans,<br />

je ne pouvais pas intervenir dans une transaction, moi<br />

qui les avais toutes dirigées personnellement. Et pas<br />

n’importe laquelle transaction : la plus importante de<br />

toutes, celle de la vente de ma propre entreprise !<br />

Et maintenant, eh bien ! Ça va toujours aussi vite !<br />

Et droit devant !<br />

Laissez-moi <strong>vous</strong> raconter.

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