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homme d’une manière que je n’avais jamais connue avec aucun autre jusque-là.<br />
À l’instant précis où sa queue me pénétrait jusqu’à la garde, la pression m’a fait tressaillir. Il a baissé<br />
les yeux vers moi et a dit doucement : « Je ne te ferai pas mal. » En réalité, ça m’a fait mal – il avait une<br />
grosse queue – mais j’ai eu le pressentiment qu’il ne s’agissait pas de me faire mal. Bien autre chose était<br />
en jeu. <strong>Co</strong>mme pour la danse, je savais que je devais « travailler » mon inconfort, que je devais<br />
l’accepter afin de m’élever à un niveau supérieur.<br />
Et puis il m’a prise par le cul. Est-ce là ce qu’il avait appris pendant son absence ? C’était une<br />
première pour moi. <strong>Une</strong> grande première. Mon Dieu qu’il était bon ! Terrible, je veux dire. Quelle<br />
assurance il avait ! Tant d’élégance ! Ç’a été très lent, très prudent, très continu et très douloureux. C’est<br />
là, à ce moment-là, que j’ai su pour la première fois ce que c’était que de surmonter la peur et la douleur<br />
pour atteindre, de l’autre côté, ce plateau où j’ai connu cet homme dans une terre étrangère appelée<br />
Béatitude. La Béatitude n’est pas exempte de douleur, c’est un territoire au-delà de la douleur. Très<br />
différent.<br />
Lors de ce voyage initiatique, sa queue au fond de mes entrailles a été un miracle émotionnel et<br />
anatomique : l’impossible était advenu dans mon cul. Dieu avait à présent toute mon attention. Si j’avais<br />
marché sur l’eau, je n’eusse pas été plus stupéfiée. C’était mon premier acte de sacrifice qui ne fut pas<br />
embourbé dans le cercle vicieux du narcissisme du reflet, le premier à m’ouvrir une dimension<br />
entièrement nouvelle, au lieu d’un nouvel angle de vue sur l’ancien. Depuis ce jour, j’ai changé. Changé<br />
pour toujours. Et cela a commencé, physiquement, avec sa queue dans mon cul – l’acte qui a créé le<br />
mystère, le clystère – et, psychologiquement, avec ma décision de céder, la meilleure que j’aie jamais<br />
prise. Je voulais simplement laisser entrer cet homme-là en moi, au sens propre. Je voulais ce qu’il était,<br />
lui, tout au fond de ce que j’étais, moi.<br />
Naturellement, il lui avait aussi fallu des couilles, les couilles de vouloir prendre mon petit cul serré.<br />
Et d’essayer, d’oser. Je le respecterai toujours pour ça. Enfin, un homme qui n’avait pas froid aux yeux !<br />
Le Jeune Homme, l’Homme à trois, avait été transfiguré devant moi. A-<strong>Ma</strong>n était né.<br />
*<br />
* *<br />
Ce premier après-midi-là, il était arrivé autre chose. J’ai cessé de pleurer mon mariage. Mon deuil<br />
était fini, je crois, parce qu’un autre avait pénétré assez loin dans ma conscience pour abolir le chagrin,<br />
transformer la précédente séparation en bénédiction, faire place à une nouvelle entrée. Personne n’avait<br />
essayé ma porte basse jusqu’alors. Or c’était là que résidait mon pouvoir. Et qu’il vacillait. <strong>Co</strong>mme<br />
hôtesse de la grande porte, j’étais, comme vous le savez déjà, la Reine pointilleuse, la Princesse<br />
impossible, l’enfant colérique. <strong>Ma</strong>is avec A-<strong>Ma</strong>n dans mon cul, je suis redevenue gentille, très gentille.<br />
Dans les jours qui suivirent, j’annonçai au Petit Ami que c’était fini entre nous. <strong>Co</strong>mplètement fini. Je<br />
ne pouvais pas être gentille avec lui, seulement hystérique. Il avait peut-être appartenu à la « réalité »,<br />
mais ces trois heures passées avec A-<strong>Ma</strong>n avaient tout clarifié : la « réalité » n’était pas pour moi.