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«Traitement en cours, veuillez patienter» Éliane Berthouze Ce titre ...

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Quand cette phrase: «on traite un <strong>en</strong>fant» r<strong>en</strong>voie à la clinique et à la pratique, les dictionnaires ne<br />

peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> répondre. Bi<strong>en</strong> que l'aspect fantasme de la phrase donne une impression d'Unheimlich, je<br />

vais essayer de vous donner un aperçu de ma pratique. Je fonctionne comme psychothérapeute au<br />

CMPP de Châlons <strong>en</strong> Champagne et je vous propose de faire un tour avec Pauline.<br />

Pauline a treize ans quand je la r<strong>en</strong>contre il y a un an. Elle est am<strong>en</strong>ée par son père parce qu'elle<br />

prés<strong>en</strong>te, depuis un an, ce que je vais appeler un «cérémonial» des toilettes et des rituels de lavage qui<br />

incommod<strong>en</strong>t la vie familiale. La famille se compose des par<strong>en</strong>ts et de deux sœurs dont une est la<br />

jumelle de Pauline. <strong>Ce</strong> cérémonial a <strong>en</strong> particulier pour effet de boucher les cabinets. <strong>Ce</strong> qui est<br />

effectivem<strong>en</strong>t fort désagréable; mais ce qui est tout à fait intolérable pour le père et la mère, c'est la<br />

demande de papier de Pauline, papier toilette dont elle fait un usage «frénétique», écrit le médecin qui<br />

l'adresse. Un autre effet de ces rituels dont le père se plaint, ce sont les mains de Pauline, abîmées par<br />

un lavage excessif. Il est obligé de les <strong>en</strong>duire de crème.<br />

Le père situe ce comportem<strong>en</strong>t dans le registre de la volonté et comme relevant de l'éducatif. Ses<br />

principes éducatifs sont t<strong>en</strong>us <strong>en</strong> échec. Il ne peut quand même pas, dit-il, aller sous la douche avec sa<br />

fille pour lui montrer comm<strong>en</strong>t utiliser le gant de toilette pour qu'elle n'y passe pas des heures, parce<br />

que les mètres cubes d'eau, ça coûte. <strong>Ce</strong> père est sourd à toute dim<strong>en</strong>sion de souffrance subjective. Il<br />

demande très clairem<strong>en</strong>t que je fasse compr<strong>en</strong>dre à sa fille - à cet objet-là - qu'elle doit se comporter<br />

normalem<strong>en</strong>t dans son utilisation du papier toilette et de l'eau. Il suppose que je déti<strong>en</strong>s une méthode<br />

d'appr<strong>en</strong>tissage qui lui échappe. <strong>Ce</strong>tte demande n'est pas formulée au nom du bi<strong>en</strong> ou du bi<strong>en</strong>-être de<br />

sa fille, mais au nom d'une certaine idée d'harmonie familiale qui implique l'idée d'une mère satisfaite,<br />

comblée par des <strong>en</strong>fants obéissant au doigt et à l’œil.<br />

Le comportem<strong>en</strong>t de Pauline serait cause d'une rechute de la maladie de sa femme - la mère de Pauline<br />

- qui a fait plusieurs séjours à l'E.P.S.D.M. et qui est <strong>en</strong>core suivie au C.M.P. D'ailleurs sa<br />

psychologue lui a dit qu'elle était guérie et que si elle rechutait, c'était à cause de Pauline.<br />

Quand on traite un <strong>en</strong>fant, une des particularités de cette pratique, c'est d'avoir affaire à la demande<br />

par<strong>en</strong>tale souv<strong>en</strong>t très complexe à manier pour r<strong>en</strong>dre possible un travail avec l'<strong>en</strong>fant, l'<strong>en</strong>fant qui est,<br />

lui, inséré dans le dis<strong>cours</strong> par<strong>en</strong>tal et pour qui l'Autre est réel.<br />

Pauline, mutique p<strong>en</strong>dant l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> avec le père, raconte volontiers son symptôme qu'elle appellera<br />

«Le problème». Le problème parce qu'il est cause de problème pour la mère. Elle <strong>en</strong> situe très<br />

précisém<strong>en</strong>t le mom<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>chant: il y a un an, au collège, <strong>en</strong> <strong>cours</strong> d'anglais, le professeur r<strong>en</strong>d,<br />

tr<strong>en</strong>te quatre jours après, un devoir corrigé qui avait pour sujet de décrire les actes routiniers,<br />

quotidi<strong>en</strong>s. Elle reçoit son devoir et manifeste sa surprise: dans sa description elle a oublié qu'elle se<br />

lave les d<strong>en</strong>ts. Sa voisine et meilleure copine lui rétorque: «Tu ne te laves jamais! » <strong>Ce</strong>tte phrase a été<br />

pire qu'une gifle, quelque chose de viol<strong>en</strong>t, comme une off<strong>en</strong>se. Elle n'a pas de mots pour dire. Elle n'a<br />

pas dit un mot à sa copine. Très fâchée, elle ne lui a plus adressé la parole et n'a ri<strong>en</strong> voulu savoir de<br />

ses explications, à savoir que c'était une plaisanterie.

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