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Les anciennes familles italiennes (Sperco) - Levantine heritage

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<strong>Les</strong> <strong>anciennes</strong> <strong>familles</strong> <strong>italiennes</strong> (<strong>Sperco</strong>)<br />

exigèrent la restitution des bâtiments saisis, menacèrent Jean Cantacuzène qui relâcha les navires.<br />

Le 12 septembre 1346, la citadelle de Chio se rendait.<br />

Entré solennellement dans la cathédrale de Saint Nicolas, l'Amiral Vignosi ressortit avec un traité de paix<br />

en mains. Acclamé par ses troupes et les Latins qui résidaient à Chio depuis l'époque de Zaccharia, il se hâta de<br />

repartir et dans le but de consolider sa conquête, fit occuper sur la côte asiatique Focea Nuova et Vecchia.<br />

On le retrouve à Chio, comme Podestà, en 1350, puis on perd ses traces.<br />

A Byzance, la colère fut grande. Mais... on oublia vite. La Basilea Anna était vaincue. De son côté,<br />

l'Empereur Jean Cantacuzène entrait au couvent et le Basileus Jean VI, qui avait épousé Hélène, fille de<br />

l'usurpateur, ne songeait pas à reprendre Chio.<br />

<strong>Les</strong> trente-deux galères de l'amiral Vignosi avaient été armées aux frais de trente-deux riches négociants de<br />

Gênes qui, aussitôt après l'occupation de Chio, réclamèrent à la République, en bons commerçants, le<br />

remboursement de leurs avances évaluées à 300 mille monnaies d'or.<br />

Comme le gouvernement de Gênes n'était pas en mesure de restituer aux intéressés les frais effectués pour<br />

l'armement de ses navires de guerre, il leur proposa un arrangement qui consistait à leur abandonner<br />

l'administration et l'exploitation de l'île pour une durée de vingt ans. C'est alors que les <strong>familles</strong> des négociantsprêteurs<br />

qui habitaient presque tous à cette époque à Gênes l'immeuble ou le « han » des Giustiniani décident<br />

d'aller s'établir à Chio et de former une société appelée la Mahone pour administrer et exploiter la nouvelle<br />

possession.<br />

Voici comment Gaston Deschamps, de l'École française d'Athènes décrit dans son bel ouvrage « Sur les<br />

Routes d'Asie » (Librairie Armand Colin, Paris) cette occupation :<br />

— « A mesure que je lisais, toute l'histoire locale (de Chio), si profondément mêlée aux grands événements de<br />

l'Orient et de l'Occident, se levait du fond du passé, en images nettes et colorées. J'apercevais la décrépitude de<br />

Byzance à la fin du XI ème siècle, sous des empereurs indolents et frivoles, la race affaiblie et épuisée, ayant perdu<br />

jusqu'à ses qualités les plus vivaces : l'esprit d'entreprise et le don de trafiquer, les Italiens s'emparant peu à peu<br />

de tout le négoce ; les îles sans défense, abandonnées, proie facile pour les aventuriers audacieux. Je songeais à<br />

l'arrivée des Génois en 1346, et à ce débarquement qui fut une conquête par actions, une entreprise commanditée<br />

par un syndicat de capitalistes, à peu près comme celles que nous tentons aujourd'hui vers le lac Tchad et<br />

l'Adalaoua. <strong>Les</strong> galères de Simon Vignosi avaient été frétées grâce aux avances de trente-deux particuliers qui,<br />

après le succès de la campagne, exigèrent leur remboursement. La République leur montra ses coffres vides et<br />

leur demanda un délai de 20 années. Ce sursis écoulé, le doge ne se trouva pas plus riche, et dut pour payer ses<br />

dettes abandonner l'île à ses créanciers. Ainsi l'île de Chio devint non pas une colonie de Gênes, mais une sorte<br />

de capital, un terrain d'exploitation, une propriété de rapport. Peu à peu, les Giustiniani parvinrent à posséder la<br />

créance entière, et à constituer à eux seuls la compagnie privilégiée, la Mahone, investie du droit exclusif de<br />

fixer et de percevoir l'impôt. La suzeraineté nominale de la République ne se marquait que par l'envoi périodique<br />

d'un podestat. Ce magistrat ne tarda pas à être choisi dans le sein même de la Mahone, et une famille de<br />

marchands enrichis devint ainsi par le fait, sinon par le titre, une dynastie de princes souverains.<br />

« Le caractère essentiellement mercantile de cette domination n'était pas fait pour rendre populaire la famille des<br />

Giustiniani. Leur origine étrangère suffisait déjà à rendre leur présence odieuse ! Des sujets qui, à la rigueur,<br />

consentent à payer l'impôt quand ils le voient contribuer sous leurs yeux à l'intérêt général, se soumettent avec<br />

répugnance à une taxe qui est le revenu pur et simple d'un seigneur et maître Dans ce cas, la sujétion est trop<br />

voisine du vasselage politique, ressemble trop à une série de prestations arbitraires. Enfin, les Giustiniani étaient<br />

catholiques vassaux du Pape, prêts en toute occasion, à soutenir les intérêts de l'Église latine, nouvelle raison<br />

pour mériter la haine persévérante et active de leurs administrés.<br />

« On peut définir en quelques mots l'histoire de Chio pendant toute la durée du moyen-âge :<br />

c'est une lutte entre le culte latin et le culte grec. <strong>Les</strong> premières rencontres des Latins et des Grecs ne furent point<br />

cordiales. Lorsque l'empereur Alexis eut appelé à son secours les chevaliers d'Occident, il fut effrayé de ce qu'il<br />

avait fait. « Dès la première entrevue, dit Fustel de Coulanges, les deux races se jugèrent : chacune détesta les<br />

défauts et encore plus les qualités de l'autre. La haine fut égale entre elles, seulement elle fut mêlée pour l'un de<br />

mépris, et pour l'autre de crainte. C'est à partir de ce jour que s'est établie, chez les Latins, cette opinion que le<br />

Grec n'est que mensonge et fourberie ; de ce jour aussi, le Grec a regardé le Latin comme son brutal ennemi. La<br />

religion, qui devait apaiser les haines, les a envenimées ».<br />

En 1373, la Maona Vecchia se transforma en Maona Nuova, nouvelle société composée principalement de<br />

fermiers. Ses membres prennent tous le nom de Gustiniani, ne se contentent plus d'envoyer de Gênes des<br />

émigrants, mais décident de s'établir à Chio comme colons et d'y fixer là-bas leur résidence permanente.<br />

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