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Téléchargez le Cahier n°5 - l'atelier arts sciences

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C O N F É R E N C E S<br />

Entre jonglage et art numérique : La conférence illustrée<br />

À l’invitation de l’université Joseph Fourier, l’Atelier Arts-Sciences<br />

a organisé une conférence de Adrien Mondot lundi 17 janvier 2011<br />

dans l’amphithéâtre de la Maison Jean Kuntzmann à destination<br />

des étudiants de Licence 3 Informatique et mathématiques appliquées<br />

de Grenob<strong>le</strong> (IMAG). Une conférence illustrée qui débute<br />

et se termine par deux enchantements : un numéro de jonglage<br />

contact avec une bou<strong>le</strong> translucide en lévitation, et une feuil<strong>le</strong> de<br />

papier à cigarettes tournoyant sur l’index de l’artiste multidisciplinaire.<br />

Les choses <strong>le</strong>s plus simp<strong>le</strong>s sont parfois <strong>le</strong>s plus bel<strong>le</strong>s,<br />

conclut <strong>le</strong> jong<strong>le</strong>ur. C’est vrai. Mais <strong>le</strong>s outils numériques, qu’il<br />

a patiemment développés au service de l’art, permettent aussi<br />

l’éclosion d’émotion et de poésie. Sa conférence, ponctuée de<br />

nombreux extraits vidéo de ses spectac<strong>le</strong>s et de ses laboratoires,<br />

en fait magistra<strong>le</strong>ment la démonstration. Il est rare qu’un artiste<br />

soit aussi un informaticien chevronné. Fort de ces deux facettes,<br />

Adrien Mondot s’est donné comme axes de recherche l’art du<br />

mouvement, autour du jonglage, et l’art numérique, comme outil<br />

pour explorer <strong>le</strong>s imaginaires.<br />

L’ingénieux jong<strong>le</strong>ur informaticien possède aussi des ta<strong>le</strong>nts<br />

pédagogiques pour expliquer ses domaines de recherche : clarté<br />

du propos, précision et concision, communication structurée,<br />

vivante et abondamment illustrée, sans oublier ses pointes d’humour<br />

et ses anecdotes.<br />

Parcours sur <strong>le</strong>s matières traversées<br />

Naviguant entre l’abstraction et l’application de concepts, Adrien<br />

Mondot embarque ses passagers dans son parcours de recherche<br />

artistique et scientifique depuis la création de sa compagnie en<br />

2004. Et du chemin, il en a parcouru. Prêt pour <strong>le</strong> voyage ?<br />

Jonglage et art numérique, cela peut semb<strong>le</strong>r curieux comme<br />

assemblage. Cette présentation va retracer mon parcours sur<br />

<strong>le</strong>s matières traversées ces dernières années. Mais c’est aussi<br />

curieux pour moi d’être ici devant vous, car j’étais à votre place<br />

pendant mes études de mathématiques et d’informatique. Tout a<br />

commencé il y a une douzaine d’années dans <strong>le</strong> champ d’à côté<br />

où je me suis mis à jong<strong>le</strong>r en parallè<strong>le</strong> à mes cours. Je travail<strong>le</strong><br />

un jonglage particulier basé sur <strong>le</strong> rapport à l’objet. Qu’est-ce<br />

qui se passe entre un corps et un ou plusieurs objets ?<br />

L’artiste pratique <strong>le</strong> jonglage contact, appelé ainsi, car la bal<strong>le</strong><br />

reste en contact avec <strong>le</strong> corps, à la différence du jonglage aérien<br />

qu’il a aussi travaillé et qu’il définit prosaïquement ainsi : à<br />

partir du moment où on a plus d’objets que de mains !<br />

Autour du jonglage : la chorégraphie d’objets<br />

Quelques années plus tard, je travaillais à l’INRIA et me sentais<br />

un peu à l’étroit dans <strong>le</strong>s murs du laboratoire. J’ai alors décidé<br />

de monter un projet : explorer ce qui reste du jonglage quand<br />

on enlève <strong>le</strong>s bal<strong>le</strong>s !<br />

Adrien Mondot quitte donc l’univers scientifique pur pour <strong>le</strong><br />

mettre au service d’une exploration de l’art du mouvement.<br />

Après ses confidences, il explique plus avant ce projet singulier<br />

qui constitue <strong>le</strong> soc<strong>le</strong> de son premier long spectac<strong>le</strong> - Convergence<br />

1.0 : un jonglage virtuel pour s’affranchir de la gravité, du<br />

temps et du poids grâce aux outils numériques. Il pose la notion<br />

de réalité augmentée :<br />

Tout mon dispositif virtuel s’appuie sur <strong>le</strong> monde réel. C’est<br />

à partir de ce moment-là que j’ai envisagé <strong>le</strong> virtuel comme<br />

une augmentation du réel. Du coup, <strong>le</strong> jonglage se retrouve à<br />

pouvoir jouer avec <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s physiques : une espèce de jonglage<br />

de jonglage. Jong<strong>le</strong>r, c’est jouer avec la gravité, <strong>le</strong> temps et un<br />

ensemb<strong>le</strong> de paramètres. J’avais l’envie profonde d’explorer <strong>le</strong><br />

chemin sinueux du jonglage vers la danse, c’est-à-dire du geste<br />

objectif de rattraper une bal<strong>le</strong> vers un geste autre sans bal<strong>le</strong>.<br />

En concevant <strong>le</strong> programme informatique, c’était désarçonnant<br />

de voir que je pouvais faire tout ce que j’avais rêvé de faire<br />

jusqu’alors en jonglage. Et j’ai ressenti un grand vertige... Si tout<br />

est possib<strong>le</strong>, alors que fait-on ?<br />

Humb<strong>le</strong>, il omet de mentionner qu’il fut lauréat de Jeunes Ta<strong>le</strong>nts<br />

Cirque en 2004 pour son projet Convergence 1.0 et conclut cette<br />

première partie par une note d’humour : c’était au temps de la<br />

Préhistoire ! Le spectac<strong>le</strong> était <strong>le</strong> programme et si je modifiais<br />

une scène, je devais modifier <strong>le</strong> code. Il n’était pas possib<strong>le</strong> de<br />

continuer ainsi, car, aux journées de travail sur scène, assez<br />

éprouvantes, s’ajoutaient des nuits de programmation pour<br />

préparer <strong>le</strong>s journées du <strong>le</strong>ndemain sur scène. J’ai tenu sur la<br />

longueur pendant <strong>le</strong>s trois mois de création pour ce premier<br />

spectac<strong>le</strong>, mais il devenait urgent de procéder autrement. J’ai<br />

alors commencé à réfléchir à des solutions plus génériques.<br />

La Préhistoire en 2005, chacun sait que la perception du temps<br />

est subjective ! Mais son expression marque <strong>le</strong> pas de géant<br />

accompli pour sa deuxième longue pièce Cinématique créée à<br />

l’Hexagone en janvier 2010.<br />

Des outils numériques pour <strong>le</strong> jonglage : eMotion<br />

Pour dégager des solutions, <strong>le</strong> jong<strong>le</strong>ur informaticien crée <strong>le</strong><br />

logiciel “ eMotion ” (pour e<strong>le</strong>ctronic Motion - mouvement é<strong>le</strong>ctronique,<br />

sans oublier sa signification française - émotion). Il<br />

s’agit d’un outil informatique d’animation en temps réel et de<br />

création de régie vidéo permettant de chorégraphier tout type<br />

d’objets virtuels. Le développement et <strong>le</strong>s recherches autour<br />

du logiciel novateur commencent au printemps 2006 selon des<br />

concepts et un cahier des charges précis :<br />

- respecter <strong>le</strong>s contraintes de production ;<br />

- une approche du mouvement basé sur un modè<strong>le</strong> physique ;<br />

- la nécessaire précision du geste artistique ;<br />

- l’intégration de données issues du monde sensib<strong>le</strong> ;<br />

- <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s interfaces hommes / machines ;<br />

- la notion d’écriture numérique.<br />

Dans <strong>le</strong> milieu culturel on a peu de moyens. Il fallait donc un<br />

outil pour travail<strong>le</strong>r vite et bien, sinon ce n’est pas viab<strong>le</strong> économiquement.<br />

J’ai choisi de me baser sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> physique pour<br />

une raison très simp<strong>le</strong> : depuis <strong>le</strong> premier instant où nous avons<br />

ouvert <strong>le</strong>s yeux, nous baignons dans un univers mouvant régi<br />

par des règ<strong>le</strong>s physiques et socia<strong>le</strong>s. Un objet a une masse, et<br />

donc une inertie quand il se déplace, il subit sur terre la force<br />

de la gravité, <strong>le</strong>s frottements de l’air, <strong>le</strong>s frictions du sol. Notre<br />

cerveau y est intimement habitué, et tout objet ne respectant<br />

pas l’ensemb<strong>le</strong> de ces règ<strong>le</strong>s est immédiatement perçu comme<br />

factice. Mon point de départ est de dire que <strong>le</strong> mouvement est<br />

un vecteur d’émotion, que <strong>le</strong>s objets soient réels ou virtuels.<br />

Pour rendre cet axiome effectif d’un point de vue informatique,<br />

je me suis doté d’outils permettant de ne pas trahir <strong>le</strong>s mouvements.<br />

Je me suis donc inspiré des mouvements de la nature<br />

pour synthétiser des mouvements virtuels afin qu’ils paraissent<br />

vraisemblab<strong>le</strong>s et gardent <strong>le</strong>ur force émotive. Enfin mon logiciel<br />

est conçu comme une gare de triage d’informations multip<strong>le</strong>s<br />

qui sont associées à des paramètres physiques. C’est un doub<strong>le</strong><br />

mouvement de centralisation et de redistribution en vue d’interactions<br />

définies arbitrairement. J’appel<strong>le</strong> <strong>le</strong> “ hub sensitif ”<br />

cette passerel<strong>le</strong> entre réel et virtuel.<br />

Tout en développant chaque point, <strong>le</strong> chercheur montre<br />

plusieurs vidéos pour illustrer concrètement ses concepts. Une<br />

des fonctionnalités-c<strong>le</strong>f du logiciel est l’utilisation de brosses à<br />

mouvement paramétrab<strong>le</strong>s combinée à une tab<strong>le</strong>tte graphique<br />

de haute précision. L’informaticien modifie aussi en direct <strong>le</strong>s<br />

réglages de paramètres physiques des brosses. Ainsi une grande<br />

rigidité des ressorts combinée à peu de friction donnera une<br />

matière sculptura<strong>le</strong>, alors que peu de rigidité des ressorts avec<br />

beaucoup de friction engendrera une matière gélatineuse…<br />

Plusieurs démonstrations suivent. L’orateur a l’élégance de ne<br />

pas insister sur la “ chronophagie ” de la programmation, mais<br />

20 21<br />

s’amuse à prendre <strong>le</strong> texte même du code source du logiciel<br />

pour mettre en mouvement <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres qui <strong>le</strong> composent avec<br />

une pulvérisation fina<strong>le</strong> ! Petite pirouette conceptuel<strong>le</strong>.<br />

Jong<strong>le</strong>r avec la matière numérique : des laboratoires à Cinématique<br />

et XYZT, Les paysages abstraits<br />

Une fois que l’on a posé <strong>le</strong>s concepts de base et réfléchi sur<br />

la manière d’organiser <strong>le</strong>s choses, qu’en faire artistiquement<br />

concrètement sur scène ? Comment penser <strong>le</strong>s agencements<br />

des effets visuels et <strong>le</strong>urs relations afin de construire<br />

une dramaturgie ? Quel<strong>le</strong> écriture numérique ?<br />

Pour nourrir ses recherches artistiques, Adrien Mondot organise<br />

depuis 2008 des périodes de recherche appelées laboratoires<br />

qui reprennent <strong>le</strong>s enjeux de la recherche fondamenta<strong>le</strong> : se<br />

donner <strong>le</strong> temps et <strong>le</strong>s moyens d’expérimenter sans objectif de<br />

finalité. (voir p. 18 et 19)<br />

Les labos sont des temps de recherches indisciplinés. J’invite<br />

trois ou quatre artistes de différentes disciplines - musique,<br />

danse, cirque, architecture, <strong>arts</strong> numériques, <strong>arts</strong> graphiques –<br />

à puiser ensemb<strong>le</strong> pendant quelques jours dans <strong>le</strong> vaste champ<br />

des outils numériques, notamment autour d’eMotion. Nous<br />

rendons visib<strong>le</strong>s nos essais et nos tâtonnements en ouvrant<br />

notre laboratoire au public toutes <strong>le</strong>s 48 h, afin de donner à<br />

voir ce qu’il est rarement possib<strong>le</strong> de voir habituel<strong>le</strong>ment : de<br />

la matière brute, avant que <strong>le</strong> processus de raffinement d’une<br />

mise en scène ne se mette en route.<br />

Il poursuit aussi ses recherches hors des temps de laboratoires,<br />

tel<strong>le</strong> son expérience d’anamorphose temporel<strong>le</strong> avec la<br />

danseuse Akiko Kajihara. Sa petite vidéo provoqua <strong>le</strong>s rires de<br />

l’assemblée. El<strong>le</strong> est disponib<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> site Vimeo [http://vimeo.<br />

com/adrienm/timeremap].<br />

Le labo #3, mené à Grenob<strong>le</strong> et Meylan en mars 2009, lui donne<br />

<strong>le</strong> désir et <strong>le</strong>s germes de recherche de son spectac<strong>le</strong> Cinématique.<br />

Je propose dans cette pièce un voyage abstrait dans <strong>le</strong><br />

mouvement avec des anamorphoses spatia<strong>le</strong>s et temporel<strong>le</strong>s.<br />

Deux plans de projection sont présents — vertical et horizontal<br />

—, donnant vie à des paysages virtuels mouvants. Tout<br />

est fait en direct grâce aux outils dynamiques qui réagissent à<br />

l’humain et donnent une grande soup<strong>le</strong>sse d’utilisation. C’est<br />

très important pour nos choix artistiques.<br />

Là encore <strong>le</strong> jong<strong>le</strong>ur numérique ponctue son propos en<br />

montrant plusieurs scènes du spectac<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> rendre plus<br />

concret. Toujours modeste, il ne mentionne pas l’obtention<br />

du Grand Prix du jury d’Enghien-<strong>le</strong>s-Bains dans <strong>le</strong> cadre de<br />

la compétition internationa<strong>le</strong> Danse et nouvel<strong>le</strong>s technologies<br />

en 2009. Il évoquera par contre des retours de spectateurs :<br />

Plusieurs ont exprimé <strong>le</strong> souhait d’essayer mes dispositifs. Pour<br />

<strong>le</strong>s rendre accessib<strong>le</strong>s en dehors des conditions du spectac<strong>le</strong>,<br />

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