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l’utilisation du « mot de passe »,<br />
à supporter que nous puissions<br />
avoir une dérogation en dépit<br />
du couvre-feu.<br />
Pour nettoyer <strong>le</strong> matériel de<br />
prises de vues, et nous<br />
reconditionner par la même<br />
occasion, j’ai installé notre base<br />
arrière dans une chambre<br />
« troupe » située dans la<br />
caserne saoudienne de KKMC,<br />
la citée du Roi Kha<strong>le</strong>d, où <strong>le</strong>s<br />
Français ont installé <strong>le</strong> gros de<br />
la logistique et <strong>le</strong> détachement<br />
de l’ALAT. C’est de là que<br />
partent <strong>le</strong>s reportages,<br />
acheminés ensuite par avion<br />
vers la France.<br />
Chaque jour, nous faisons <strong>le</strong><br />
tour des unités, nous efforçant<br />
de rechercher <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures<br />
idées de sujets, questionnant la<br />
troupe, du chef de corps au<br />
légionnaire.<br />
C’est ainsi que ma mémoire<br />
s’imprègne de quelques figures<br />
remarquab<strong>le</strong>s. Le colonel<br />
Lecerf, adjoint d’une unité de<br />
Légion en fait partie, un francpar<strong>le</strong>r<br />
et une gueu<strong>le</strong> de cinoche<br />
à la Bebel, tout droit sorti des<br />
Morfalous ! C’est amusant<br />
comme, d’un seul coup, <strong>le</strong> fait<br />
de vous retrouver à côté d’un<br />
homme de cette trempe vous<br />
rassure. Lui et ses légionnaires<br />
semb<strong>le</strong>nt indestructib<strong>le</strong>s.<br />
L’exemp<strong>le</strong> vivant d’une figure<br />
charismatique.<br />
Un accueil mémorab<strong>le</strong> nous est<br />
réservé au 1 er Spahis par <strong>le</strong><br />
capitaine De la Rue du Camp. Il<br />
est magistral avec ses baccantes,<br />
sa voix tonitruante et ses allures<br />
d’officier de la colonia<strong>le</strong> sorti du<br />
film Fort Sagane. Pour<br />
compléter <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au, la<br />
mascotte du régiment,<br />
Youssouf, un jeune bélier, <strong>le</strong> suit<br />
pas à pas. Sous la tente l’officier<br />
nous offre <strong>le</strong> thé. J’ai alors la<br />
douce impression de vivre dans<br />
une autre époque, dans la peau<br />
d’un méhariste du sièc<strong>le</strong> dernier<br />
à qui l’on a réservé la meil<strong>le</strong>ure<br />
hospitalité.<br />
Une autre figure charismatique<br />
me laisse un souvenir détonant :<br />
Le capitaine Chapoulot,<br />
commandant une compagnie de<br />
combat du 1 er RI. Il accepte que<br />
nous participions avec ses<br />
hommes à une action de<br />
reconnaissance au sud de la<br />
frontière irakienne. Il faut voir<br />
l’opération héliportée, dix<br />
Pumas volant de front, à<br />
quelques mètres du sol.<br />
Atterrissage en roulant dans <strong>le</strong><br />
désert, dépose rapide puis<br />
marche à pieds pendant 10 km.<br />
A une portée de fusil<br />
de là, un soldat avait<br />
emporté dans son<br />
paquetage une flûte<br />
traversière. Le son<br />
mélodieux et fragi<strong>le</strong><br />
contraste avec la<br />
rusticité du désert.<br />
Je suis admiratif des tireurs<br />
Milan, qui portent <strong>le</strong>ur<br />
munition sur <strong>le</strong> dos, sous un<br />
so<strong>le</strong>il de plomb. Nuit en<br />
observation, puis décrochage,<br />
marche à nouveau, guidage des<br />
hélicos au miroir, puis<br />
récupération de tous <strong>le</strong>s<br />
guerriers.<br />
Les jours précédant Noël nous<br />
réservent <strong>le</strong>ur lot de surprises.<br />
Un concours de crèche a été<br />
organisé entre toutes <strong>le</strong>s unités.<br />
Au 2 e REG, un légionnaire a<br />
entrepris de sculpter dans un<br />
bloc de sab<strong>le</strong> la scène de la<br />
nativité. Un nouveau venu a fait<br />
son apparition : un chameau<br />
plus vrai que nature. A une<br />
portée de fusil de là, un soldat<br />
avait emporté dans son<br />
paquetage une flûte traversière.<br />
Le son mélodieux et fragi<strong>le</strong><br />
contraste avec la rusticité du<br />
désert.<br />
Et ce jour où pour la première<br />
fois que nous mangeons du pain<br />
frais avec nos rations ! Une<br />
révolution logistique. Un<br />
symbo<strong>le</strong> français envié par tous<br />
<strong>le</strong>s autres soldats de la coalition.<br />
Le légionnaire en charge de la<br />
boulangerie de campagne<br />
accepte de nous ouvrir ses<br />
portes. Un véritab<strong>le</strong> laboratoire<br />
aseptisé, niché à l’arrière d’un<br />
camion. Comme tout boulanger<br />
qui se respecte, il trime la nuit,<br />
sans discontinuer. Aux aurores,<br />
des camions se chargent<br />
d’acheminer <strong>le</strong> précieux butin<br />
sur <strong>le</strong> terrain. La boulangerie est<br />
vite devenue une attraction<br />
médiatique. A défaut de voir nos<br />
soldats au combat, lassés des<br />
exercices dynamiques organisés<br />
pour la presse, l’officier de<br />
presse du SIRPA incite <strong>le</strong>s<br />
journalistes à se tourner du côté<br />
de la boulangerie de campagne.<br />
C’est ainsi que notre légionnaire<br />
devient provisoirement une<br />
star.<br />
A l’avant veil<strong>le</strong> de Noël, Eddy<br />
Mitchell a accepté de donner un<br />
concert pour <strong>le</strong>s soldats<br />
français. Quel<strong>le</strong> arrivée ! Une<br />
descente d’avion vaporeuse. Des<br />
passagers tanguant qui laissent<br />
deviner un vol bien arrosé. Estce<br />
pour conjurer la peur ? Eddy,<br />
son épouse et ses musiciens<br />
sont vite dégrisés lorsque sur <strong>le</strong><br />
tarmac il <strong>le</strong>ur faut essayer <strong>le</strong>ur<br />
masque à gaz. Précaution uti<strong>le</strong><br />
en cas d’attaque chimique qui<br />
fait toucher du doigt à nos hôtes<br />
la réalité du moment et <strong>le</strong><br />
danger de la situation. Je<br />
soupçonne encore l’officier<br />
chargé d’organiser la visite de la<br />
célébrité, d’avoir un peu exagéré<br />
la manœuvre pour <strong>le</strong>s<br />
impressionner. Ce ne sont<br />
pourtant pas <strong>le</strong>s Scuds irakiens<br />
qui viendront à bout du rockeur,<br />
mais <strong>le</strong>s autorités saoudiennes<br />
qui refusent qu’il joue. Un<br />
concert en terre sainte ?<br />
Impensab<strong>le</strong>. C’est ainsi qu’Eddy<br />
entame la tournée des popotes,<br />
guitare sèche sous <strong>le</strong> bras, à<br />
l’ombre des fi<strong>le</strong>ts « cam »,<br />
buvant un café, sirotant un coca.<br />
Un succès. Partout l’accueil est<br />
triomphal. Autour de la star<br />
une fou<strong>le</strong> de soldats l’approche,<br />
lui serre la main, se fait<br />
photographier ou obtient un<br />
autographe.<br />
Et Eddy y va de bon cœur. Il a<br />
même <strong>le</strong> droit à un tour en<br />
Sagaie.<br />
Situé à la place du radio, il a<br />
fière allure, une chevauchée<br />
héroïque en quelque sorte !<br />
Pour ne pas froisser <strong>le</strong>s<br />
autorités, une estrade en bois a<br />
été construite en p<strong>le</strong>in désert,<br />
sur laquel<strong>le</strong> trônent une batterie<br />
et un micro. Les soldats français<br />
attendent l’autorisation de nos<br />
amis saoudiens.