Mode, beauté, coiffure - Shenka-mag
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●●● Tête-à-tête<br />
Firmine for ever<br />
Dix-sept ans après son premier<br />
rôle dans Romuald et Juliette<br />
(de Coline Serreau, avec Daniel<br />
Auteuil) et quatre ans après Huit<br />
femmes (de François Ozon),<br />
Firmine Richard s’est définitivement<br />
imposée comme l’une des<br />
principales comédiennes noires de<br />
l’industrie du cinéma français.<br />
Ala télévision, elle interprète Solange,<br />
l’un des personnages de la série Le<br />
grand patron, diffusée sur TF1. Au<br />
théâtre, on l’a vue récemment dans le<br />
rôle d’une caissière de supermarché<br />
(A fond la caisse) aux côtés de Séverine Ferrer. A partir<br />
du 18 septembre, elle remonte sur les planches<br />
accompagnée d’Annie Cordy et de Christian Morin<br />
dans Lily et Lily, une pièce tordante où elle interprète<br />
Joséphine, la dame de compagnie de Lily.<br />
Sa silhouette, sa voix, son rire, son sourire - et son<br />
talent - nous sont devenus familiers. Mais connaissons-nous<br />
vraiment cette Guadeloupéenne qui,<br />
mieux que personne, sait donner de la profondeur<br />
aux rôles d’employées de maison ou composer avec<br />
générosité ceux d’infirmières qu’elle endosse généralement<br />
? <strong>Shenka</strong> a rencontré ce “poteau mitan”,<br />
comme on dit aux Antilles des femmes au caractère<br />
trempé. Loin de se réfugier derrière sa condition de<br />
“vedette”, cette boulimique de travail, qui a tourné<br />
sous la direction de Claude Berri ou de Claude<br />
Lelouch et partagé l’affiche avec Audrey Tautou ou<br />
Fanny Ardant, parle vrai. Extraits.<br />
Ses débuts<br />
Le cinéma a commencé comme un conte de fée. Je<br />
venais de sortir de six ans de galère. Après des années<br />
passées en métropole comme employée à La Poste et à<br />
la RATP, j’étais rentrée en Guadeloupe, bien décidée<br />
à y faire ma vie. J’ai monté une garderie d’enfants<br />
puis une coopérative, l’Union des Artisans Guadeloupéens.<br />
Mais, malgré toute l’énergie que j’ai déployée,<br />
je ne suis pas parvenue à faire vivre ces entreprises.<br />
J’avais tellement envie de réussir ma vie professionnelle<br />
ici qu’à la suite de cette expérience, un profond<br />
sentiment d’échec m’habitait. De retour à Paris, alors<br />
que je dînais dans un restaurant, une directrice de<br />
casting est venue vers moi. Elle cherchait une comédienne<br />
noire pour donner la réplique dans Romuald<br />
et Juliette à Daniel Auteuil, lequel auréolé de son succès<br />
dans Manon des Sources était déjà une superstar.<br />
C’était incroyable. J’ai passé des essais concluants.<br />
Tout a commencé ainsi... Mais ensuite, j’ai dû m’accrocher,<br />
me perfectionner. C’est pourquoi j’ai suivi<br />
durant six mois des cours à la Lee Strasberg Institute<br />
à Los Angeles, qui est “La Mecque des comédiens”. J’y<br />
ai appris à exploiter mon instinct, à “remplir” mes<br />
personnages pour leur donner de la profondeur.<br />
Sur les rôles qu’on lui propose<br />
Faire un plan de carrière est impossible en France<br />
pour une actrice noire. Ici, nous n’avons pas de place<br />
dans l’i<strong>mag</strong>inaire des scénaristes blancs. Peut-être la<br />
nouvelle génération de décideurs fera-t-elle évoluer<br />
les mentalités et bouger les choses. Il y a de l’espoir car<br />
les scénaristes de la jeune génération ont fréquenté<br />
des Noirs dès leur enfance et sont plus en phase avec<br />
la réalité contemporaine du monde du travail actuel.<br />
Résultat, ils ne voient pas l’acteur noir comme un<br />
simple accessoire ni comme un élément de “décor”<br />
mais comme une personne à part entière. On peut<br />
espérer que, bientôt, les Noirs auront des rôles tout<br />
court, et ne seront plus cantonnés aux “rôles de<br />
Noirs”. Pour ma part, j’ai accumulé les rôles de femmes<br />
de ménage et, maintenant, je suis infirmière,<br />
voire infirmière en chef. C’est ce qu’on appelle une<br />
progression sociale ! (rires). Cela dit, je suis l’objet de<br />
deux idées reçues. Les professionnels estiment qu’il<br />
n’y a pas d’autre actrice noire dans ma catégorie.<br />
Donc, ils se tournent automatiquement vers moi.<br />
Quant au public, il pense que je n’arrête pas de<br />
tourner des films. Or, la vérité est que mon dernier<br />
grand rôle au cinéma date de 2002. C’était 8 femmes,<br />
de François Ozon. Malgré le succès de ce film<br />
(4 millions d’entrées), je n’ai pas eu la chance de<br />
gagner autant d’argent que mes partenaires parce<br />
que mon ancien agent a mal négocié mon contrat.<br />
Alors que les autres actrices (Deneuve, Huppert,<br />
Béart, etc.), mieux conseillées que moi, ont perçu un<br />
pourcentage sur les recettes du film, j’ai dû me<br />
contenter d’un cachet nettement plus modeste.<br />
Les Antilles<br />
Hélas, j’y passe rarement mes vacances. La plupart<br />
du temps, j’y vais pour travailler. L’une des dernières<br />
fois, c’était en avril 2005, pour l’adaptation créole de<br />
la pièce de Berthold Bretch : La noce des petits bourgeois,<br />
mise en scène par Philippe Adrien, que nous<br />
avons ensuite présentée au Festival d’Avignon et<br />
jouée à Paris pendant deux mois. Cela me tient à<br />
cœur d’interpréter dans ma langue maternelle car le<br />
créole tend à tomber en désuétude. Aujourd’hui<br />
encore, aux Antilles, certains répugnent à s’exprimer<br />
dans leur langue, à dire des mots d’amour en créole.<br />
Dans mon enfance, on m’interdisait de le parler,<br />
parce que c’était la langue des « vieux nègres » ; il<br />
semble que cela n’ait pas changé. Pourtant, les<br />
Basques, les Bretons et bien d’autres cherchent<br />
à tout prix à revaloriser leur langue, pourquoi<br />
les Antillais n’en feraient-ils pas<br />
autant ?<br />
Ses projets<br />
Au cinéma, je ferai bientôt une apparition<br />
dans le second film réalisé par Sophie<br />
Marceau et dans celui de Djamel Ben Sala,<br />
Big City. Par ailleurs, à partir du 18 septembre,<br />
je pars en tournée en France et à l’étranger, avec<br />
la pièce Lily et Lily. Je souhaite aussi ardemment<br />
jouer la pièce que m’a écrite un jeune dramaturge<br />
guadeloupéen, José Jernidier. Mais je crains de<br />
devoir attendre la saison 2007-2008 pour réaliser<br />
ce vœu. <br />
Par Katia Barillot - Photo Alain Herman