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La France et les Confédérés 2

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ce navire lui paraissait exagérée. A défaut d’indices, l’ambassade américaine n’ose pas<br />

réagir. Il est vrai que, dans le contexte du moment, l’amirauté britannique elle-même<br />

avait soupçonné un nouveau subterfuge de la part des agents confédérés. Craignant à<br />

tout moment qu’une indiscrétion fasse avorter son proj<strong>et</strong>, Maury décide de lancer son<br />

vaisseau dans <strong>les</strong> plus brefs délais. Le 19 novembre 1863, sans attendre l’autorisation de<br />

Lord Russell, la compagnie Coleman remâte le Scylla grâce à la naïv<strong>et</strong>é du commandant<br />

du H.M.S. Cumberland, qui avait vu là l’opportunité d’expérimenter son nouveau treuil.<br />

C’était un gréement sommaire, mais il avait le mérite d’exister. 15<br />

Le 23 novembre, un officier britannique aurait délivré, à la compagnie Coleman, <strong>les</strong><br />

documents de sortie du Scylla, mais l’existence de c<strong>et</strong>te formalité est suj<strong>et</strong>te à<br />

controverse. Il semble plutôt que, vu l’urgence, Maury ordonna à celui qui devait le<br />

commander, le lieutenant William P. Campbell, d’appareiller dès le lendemain. Quand<br />

le brick confédéré entre dans la Tamise, une vingtaine d’ouvriers oeuvraient encore à<br />

son bord <strong>et</strong> « ses espars <strong>et</strong> ses cordages gisaient en désordre sur son pont. » 16 Campbell<br />

devait sortir au plus vite des eaux territoria<strong>les</strong> britanniques <strong>et</strong> gagner un point au large<br />

de Cherbourg où le CSS Georgia était censé lui céder ses canons <strong>et</strong> son équipage. Ce<br />

croiseur y mouillait depuis le 28 octobre 1863.<br />

A mi-chemin, dans le Channel, Campbell hisse <strong>les</strong> couleurs confédérées <strong>et</strong> proclame<br />

que le bâtiment, rebaptisé CSS Rappahannock, était incorporé dans la marine de guerre<br />

confédérée. Malheureusement, il ne suffit pas d’une plume sur un vieux chapeau pour<br />

faire un mousqu<strong>et</strong>aire <strong>et</strong> sa vieille machinerie tomba en panne. Les ouvriers emmenés<br />

par surprise n’étaient pas des marins, <strong>et</strong> l’équipage, officiers compris, était insuffisant<br />

pour manœuvrer une voilure trop peu envergurée. <strong>La</strong> seule solution était de gagner le<br />

port le plus proche. Quelle ne fut donc pas la surprise de Maury, le 27 novembre 1863,<br />

en recevant du lieutenant Campbell un télégramme lui annonçant qu’il avait dû chercher<br />

refuge dans la rade de Calais. Quelques jours plus tard, Maury griffonna dans son<br />

journal intime : « Je n’ai désormais plus rien à voir avec ce navire ! » 17<br />

L’entrée du brick à moitié gréé dans le port de Calais déchaîna une bourrasque au<br />

sein de l’ambassade américaine. L’amirauté britannique réagit immédiatement en<br />

infligeant des mesures disciplinaires à ses deux officiers impliqués dans l’affaire. Le<br />

malheureux commandant du H.M.S. Cumberland eut à s’expliquer devant un conseil de<br />

guerre. Quant à William Rumble, l’inspecteur de la Royal Navy à Sheerness, il fut<br />

sanctionné pour avoir facilité le recrutement d’une partie de l’équipage.<br />

Le CSS Georgia à Cherbourg<br />

Nous avons vu qu’en s’amarrant dans un dock de Cherbourg, durant la nuit du 28 au<br />

29 octobre 1863, le brick CSS Georgia y créa une indéniable effervescence. Pourtant,<br />

c’était la deuxième unité confédérée à mouiller dans un port français. Deux mois plus<br />

tôt, le CSS Florida avait relâché à Brest.<br />

Au sortir de ses sept mois de vagabondage dans l’Atlantique, le CSS Georgia<br />

nécessitait une refonte générale, une révision de ses machines <strong>et</strong> un bon carénage.<br />

Affaibli par la maladie, William L. Maury en cède le commandement au lieutenant<br />

William E. Evans le 19 novembre 1863. Tous deux avaient résolu de se débarrasser du<br />

brick en raison de ses pauvres performances sous la voile <strong>et</strong> de son manque<br />

d’autonomie en termes de combustible. <strong>La</strong> décision finale incombait au commodore<br />

Samuel Barron, le commandant des forces nava<strong>les</strong> confédérées en Europe. Comme<br />

15 Lester, Finance and Purchasing, p. 81-82.<br />

16 Selon Spencer (p. 143), le navire reçut ses documents de douane (clearance) le 23 novembre 1863. En<br />

revanche, Lester (p. 82) <strong>et</strong> Merli (p. 220) soutiennent le contraire.<br />

17 Scharf, Confederate Navy, p. 80 ; Spencer, Confederate Navy in Europe, p. 143 ; Lester, Finance and<br />

Purchasing, pp. 82-83.

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