Memoire_COC_MRC_Roussillon_web
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ment chaque espèce : forêts, champs ou<br />
tissu complexe de différents types de<br />
milieux. Ainsi, nous réalisons de plus en<br />
plus que les oiseaux ne se préoccupent pas<br />
simplement de leur entourage immédiat :<br />
ce qu’il y a à des centaines de mètres, voire<br />
à des kilomètres, de distance peut être tout<br />
aussi important dans leur choix de résidence!<br />
Ainsi, une érablière peut avoir en<br />
apparence tout ce qu’il faut pour un<br />
Piranga écarlate (superficie suffisante pour<br />
un territoire, grands érables, etc.), mais<br />
notre oiseau peut préférer s’installer<br />
ailleurs si ce bois est au beau milieu d’un<br />
paysage urbain.<br />
Selon nos recherches, des oiseaux<br />
comme la Paruline à gorge orangée<br />
seraient sensibles à la superficie de la forêt<br />
jusqu’à une distance de 24 kilomètres! En<br />
fait, comme les banlieusards, les oiseaux<br />
forestiers ont généralement tendance à<br />
fréquenter les « grandes surfaces ». C’est<br />
pourquoi la fragmentation des forêts<br />
peut s’avérer problématique, surtout<br />
lorsqu’elle est permanente, comme c’est<br />
le cas dans les milieux entourant les villes,<br />
où les bois sont souvent victimes de la<br />
voracité des promoteurs immobiliers.<br />
Mais qu’est-ce qu’il y a de si mauvais<br />
dans les petits habitats? Une première<br />
explication serait que les oiseaux ne s’y<br />
rendent pas aisément, car ces endroits<br />
sont trop isolés. Nos recherches et celles<br />
de nombreuses autres équipes démontrent<br />
que les oiseaux forestiers sont réticents à<br />
traverser des milieux ouverts, du moins au<br />
grand jour, lorsqu’ils sont à la recherche<br />
d’un lieu de résidence. Par exemple, dans<br />
la région de Bellechasse, près de Québec,<br />
nous avons établi que la Paruline couronnée<br />
est presque 30 fois plus réticente à<br />
traverser un milieu déboisé (champs,<br />
rivière, etc.) que de parcourir la même<br />
distance en forêt. Si on les capture pour<br />
ensuite les déplacer de quelques kilomètres,<br />
les mâles territoriaux de la Mésange<br />
à tête noire et de la Paruline bleue prennent<br />
beaucoup plus de temps à revenir à<br />
leur territoire quand leur parcours est<br />
parsemé de routes et de champs que<br />
lorsqu’il est principalement forestier.<br />
Des ailes qui s’adaptent<br />
Il faut reconnaître que, malgré leur<br />
réticence à voler en milieu ouvert, les<br />
oiseaux sont tout de même capables de<br />
prouesses en matière de déplacements, et<br />
il y aura donc toujours possibilité de voir<br />
des habitats isolés colonisés par les plus<br />
intrépides. En fait, après des décennies de<br />
fragmentation des forêts, on imagine que<br />
Mésange à tête brune<br />
© Daniel Dupont<br />
Paruline bleue<br />
© Alain Hogue<br />
ces intrépides, ou encore les plus athlétiques,<br />
auraient dû être favorisés dans le<br />
jeu darwinien de la sélection naturelle,<br />
puisqu’ils ont accès à une plus grande<br />
quantité d’habitats.<br />
Est-ce possible de savoir si la sélection<br />
naturelle a favorisé les oiseaux plus<br />
aptes à se rendre dans les habitats isolés?<br />
Oui, grâce aux nombreuses collections<br />
d’oiseaux qu’on retrouve dans les musées<br />
scientifiques, où des spécimens d’étude<br />
contemporains en côtoient des vieux de<br />
plus de 100 ans. Laissez-moi vous expliquer.<br />
D’abord, il faut réaliser que la capacité<br />
de voler efficacement sur de longues<br />
distances nécessite une morphologie<br />
particulière des ailes : il suffit de comparer<br />
l’aile trapue d’un troglodyte à celle, pointue,<br />
d’une hirondelle. La différence réside<br />
principalement dans la projection des<br />
primaires, c’est-à-dire dans la longueur de<br />
la pointe qui dépasse au bout de l’aile<br />
fermée. Cette projection varie non seulement<br />
entre les espèces, mais aussi entre les<br />
individus d’une même espèce.<br />
En 2008, j’ai vérifié si la projection<br />
des primaires des oiseaux habitant les<br />
forêts conifériennes matures de l’Est du<br />
© Alain Hogue<br />
Q u é b e c O i s e a u x A U T O M N E 2 0 1 1 21