Bestialisation et déshumanisation des ennemis - Quasimodo
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Affiche italienne, Voici l’ennemi,<br />
Imperial War Museum,<br />
Ekta. Tweedy<br />
5 – C’est-à-dire c<strong>et</strong>te «aptitude à<br />
se m<strong>et</strong>tre à la place d’un autre »<br />
qui me perm<strong>et</strong> de me représenter<br />
son monde, sa vision du monde <strong>et</strong><br />
donc de freiner ma violence.<br />
Voir Boris Cyrulnik, «Éthologie<br />
de la violence », in Thomas<br />
Ferenczi (sous la direction de),<br />
Faut-il s’accommoder de la<br />
violence ?, Bruxelles, Éditons<br />
Complexe, 2000, p. 121-134.<br />
6 – Cité par Federico Fasano<br />
Mertens (directeur du quotidien<br />
uruguayen La República),<br />
«De Hitler à Bush ».<br />
Traduction disponible sur www.<br />
reseauvoltaire.n<strong>et</strong><br />
Ce texte constitue la postface du<br />
livre de James Hatfield, Le Cartel<br />
Bush ou l’itinéraire d’un fils<br />
privilégié. Comment fabrique-ton<br />
un président <strong>des</strong> États-Unis ?,<br />
Genève, Éditions Timéli, 2003.<br />
7 – Défini par Georges W. Bush<br />
dans son discours du 29 janvier<br />
2002. L’expression a été ciselée<br />
par David Frum (rédacteur <strong>des</strong><br />
discours présidentiels) «à partir<br />
<strong>des</strong> expressions “Axe Rome-<br />
Berlin” (le camp du fascisme<br />
pendant la Seconde Guerre<br />
mondiale) <strong>et</strong> “Empire du Mal”<br />
(l’URSS communiste selon Ronald<br />
Reagan) ». Thierry Meyssan,<br />
Réseau Voltaire, 5 janvier 2004.<br />
gran<strong>des</strong> surfaces. Le dictateur y est croqué en tenue<br />
de combat, un long coutelas ensanglanté glissé dans sa<br />
ceinture. Ses traits sont durcis : sourcils épais <strong>et</strong> froncés,<br />
large moustache arc-boutée surlignant une gueule vociférante.<br />
Comment ne pas avoir envie de tordre le cou à<br />
c<strong>et</strong> obj<strong>et</strong> en mousse, de le broyer pour passer ses nerfs ?<br />
En affligeant l’ennemi d’une sale gueule, la caricature<br />
institue un irrémédiable délit de faciès. Toute empathie 5<br />
avec un adversaire aussi déplaisant est impossible <strong>et</strong><br />
impensable.<br />
Ceux qui déclarent l’état de guerre invoquent un état<br />
de légitime défense ou de légitime attaque, que ce soit<br />
pour libérer un peuple d’un régime devenu subitement<br />
insupportable, voler au secours d’un «p<strong>et</strong>it » pays ami,<br />
ou se prémunir d’attaques terroristes, en partant éradiquer<br />
au loin les «infrastructures de la terreur ». Ainsi, à<br />
en croire les porte-parole de la Maison-blanche, l’équipe<br />
Bush serait entrée en guerre pour d’une part libérer le<br />
peuple Irakien d’un tyran («légitimation éthique » de<br />
l’engagement), d’autre part, combattre l’emprise <strong>et</strong> l’extension<br />
de l’Islamisme appréhendé comme troisième totalitarisme,<br />
à la manière d’un Roosevelt débarrassant l’Europe du nazisme…<br />
Tous oubliaient le constat formulé par Eisenhower en 1953 :<br />
«La guerre préventive est une invention d’Adolf Hitler. Franchement,<br />
je ne prendrais au sérieux aucune personne qui proposerait une<br />
chose pareille. » 6<br />
Face à l’axe du Mal 7 se dressent dorénavant les forces pour le<br />
Bien (l’expression a été employée par le ministre britannique de<br />
la Défense, Geoff Hoon, lors de la présentation de son proj<strong>et</strong> de<br />
restructuration <strong>des</strong> armées, en décembre 2003)… Les méchants, ce<br />
sont toujours nécessairement les Autres. Au besoin, on anticipe leur<br />
nocivité en leur prêtant <strong>des</strong> intentions crapuleuses, les présentant<br />
comme de futurs agresseurs particulièrement r<strong>et</strong>ors. Car, pour que<br />
<strong>des</strong> hommes ordinaires montent à l’assaut, pour que <strong>des</strong> peuples<br />
octroient un blanc-seing à leurs forces armées, l’ennemi doit faire<br />
figure de pur salaud. L’adversaire doit être l’obj<strong>et</strong> d’une répulsion,<br />
d’une exécration, conduisant au bellicisme. Pour cela il va être<br />
accusé du pire. La propagande va s’appliquer à en construire une<br />
image exécrable, lui faisant endosser les crimes les plus odieux,<br />
<strong>des</strong> actes inqualifiables. Ces violences apparaîtront d’autant plus<br />
ignobles, qu’elles seront perpétrées contre d’innocents enfants.<br />
Elles seront au besoin «inventées », ou grossies, pour révulser les<br />
consciences <strong>et</strong> justifier l’extrême sévérité de la réaction.<br />
Ainsi, en 1990, une koweitienne de 15 ans décrivit à la télévision<br />
américaine comment elle avait vu <strong>des</strong> soldats irakiens assassiner<br />
<strong>des</strong> nouveaux-nés dans l’hôpital de Koweït City où elle travaillait<br />
comme volontaire : «Ils les ont r<strong>et</strong>irés, ont pris les couveuses <strong>et</strong><br />
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