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au Musée Savoisien nouvelles études sur les peintures murales du château de la Rive, Cruet MUSÉES – ACTUALITÉS DES COLLECTIONS Vue du château de la Rive, Cruet. Les peintures murales découvertes en 1984 dans le château de la Rive à Cruet, dans la combe de Savoie, données par Monsieur et Madame Chaland à la Ville de Chambéry et présentées depuis 1985 au Musée Savoisien constituent un des fleurons des collections du musée. La rénovation complète de leur muséographie dans les années à venir nécessite de renforcer les connaissances dont nous disposons à leur sujet. Trois études récentes nous ont permis de renouveler notre appro - che de ces peintures. Une nouvelle approche iconographique La première étude qui a profondément transformé la perception de cet ensemble majeur des premières années du XIV e siècle a été menée par Térence Le Deschault de Monredon dans le cadre de sa thèse de doctorat, soutenue en 2012, intitulée Les décors peints figuratifs de l’habitat en France avant 1350. Il propose une nouvelle interprétation convaincante de leur iconographie 1 considérant que le Roman de Girart de Vienne, composé par Bertrand de Bar-sur-Aube vers 1180, serait l’unique source du cycle peint. Connu par six manuscrits, ce roman participe de la matière de France, c’est-àdire du cycle d’œuvres inspirées par l’histoire carolingienne. Il décrit l’histoire mouvementée de Girart de Vienne dit également Girart de Roussillon. Intrigues amoureuses, guerre, trahisons, coup de théâtre animent le récit. Dans l’interprétation proposée par Térence Le Deschault de Monredon, les peintures de Cruet illustrent certains passages du roman et en passent d’autres sous silence. Dans la première scène, Charlemagne, chassant cerf et sanglier en compagnie de Girart apprend d’un messager la mort du duc de Bourgogne. L’empereur propose alors la main de la duchesse de Bourgogne devenue veuve à Girart qu’il adoube chevalier. La duchesse demande à ce dernier de l’épouser. Girart, représenté de face, jure alors qu’ils ne se marieront jamais: il est outré du fait qu’elle lui ai demandé sa main, alors que c’était lui qui devait la demander en mariage ; d’autre part Charlemagne a entre-temps courtisé la duchesse, et Girart lui dit donc de l’épouser. En compensation de la perte d’un si beau parti, les courtisans de l’empereur lui conseillent d’accorder un fief à Girart, qui obtient alors le comté de Vienne. Girart vient embrasser, en signe d’hommage, le pied de Charlemagne couché dans son lit avec la duchesse. Celle-ci, toujours vexée d’avoir été rejetée par Girart, place son pied devant celui de l’empereur de sorte qu’il l’embrasse, se reconnaissant ainsi dans sa dépendance. La ville de Vienne prête serment à son nouveau seigneur. Lors d’un banquet, l’impératrice se vante devant Aymeri, neveu de Girart, du mauvais tour qu’elle a joué à son oncle. Aymeri lui lance alors un couteau qui manque sa cible. Cet attentat est à l’origine de la guerre entre Charlemagne et Girart décrite dans les scènes suivantes: la ville de Vienne est assiégée par les troupes impériales, qui dévastent les environs, emportant le bétail et vidant les villes de leurs habitants. La guerre se termine par un duel: Charlemagne choisit Roland, et Girart, Olivier. Leur combat s’achève par l’apparition d’une nuée miraculeuse et d’un ange qui les exhorte à cesser de ce battre entre eux pour aller affronter les infidèles en Espagne. Le cycle s’achève sur un campement des armées partant en croisade. Cette nouvelle interprétation propose donc, au regard du roman, une lecture précise de toutes les scènes représentées dans les peintures de Cruet. Leur disposition originale dans l’espace démontre une volonté de valoriser certaines scènes du cycle. Ainsi, deux scènes centrales de l’intrigue se trouvaient face à face dans la salle du château de Cruet: Girart embrassant le pied de la duchesse et Aymeri lui lançant son couteau. D’autre part, sur les deux murs pignons des scènes se rattachent au roman, mais illustrent aussi explicitement le rang du commanditaire du cycle : chasse, départ pour la guerre, combat de chevaliers, prestation de serment, lien avec le monde monastique. La nouvelle interprétation confirme l’intérêt que présenterait une nouvelle disposition du cycle, plus proche de celle d’origine, dans le futur musée rénové. Un instantané de la mode au début du XIV e siècle Une autre étude a permis d’enrichir nos connaissances sur ces peintures. Commandée par le musée en 2013, elle a été confiée à Nadège Gaufre-Fayolle, doctorante dont la thèse s’intitule Se vêtir en Savoie au Moyen Âge d’après les archives 1300-1434. Son étude porte sur l’examen des différents vêtements et accessoires représentés sur les peintures. Elle les rapproche des descriptions d’habillement figurant dans le Roman de Girart de Vienne, pour com prendre plus précisément le sens des éléments Le Roman de Girart de Vienne : une nouvelle interprétation du cycle peint de Cruet. Scène de l’hommage de Girart de Vienne à l’empereur Charlemagne : le subterfuge de la duchesse de Bourgogne. 28
eprésentés. Elle compare également ces vêtements avec l’habillement à la cour de Savoie au XIVe siècle pour pouvoir les replacer dans leur contexte historique et culturel. Son étude confirme la datation admise jusqu’ici et précisée par Térence Le Deschault de Monredon: les vêtements des personnages représentés dans les peintures correspondent à l’habillement en usage dans les premières années du XIV e siècle à la cour de Savoie. Le travail de Nadège Gauffre-Fayolle comporte aussi la création de patrons destinés à la confection de costumes pédagogiques qui offriront au public, notamment scolaire, une approche sensible et ludique du vêtement de cour du début du XIV e siècle lors d’ateliers costumés. Une série de costumes sera aussi réalisée en cherchant à proposer une restitutions fidèle des vêtements représentés dans ce cycle. Ces restitutions s’appuient sur l’actualité scientifique de la recherche. De nouvelles connaissances sur le château de la Rive Enfin, une étude préalable a été confiée par le musée à l’entreprise Archéodunum pour évaluer l’intérêt d’une étude d’archéologie du bâti au château de la Rive, en collaboration avec la famille Chaland. Ses conclusions montrent qu’une étude complète n’est pas envisageable, du fait des modifications qu’a connu le bâtiment, mais que quelques analyses complémentaires permettraient d’affiner les hypothèses concernant l’histoire de ce bâtiment. Le château, qui s’apparente plutôt à une maisonforte, a en effet connu des évolutions notables au Scène de chasse à courre : l’empereur Charlemagne accompagné de Girart de Vienne apprend la mort du duc de Bourgogne. cours de ses huit siècles d’existence. L’articulation précise des différents corps de bâtiment est difficile à restituer, mais les éléments les plus anciens sont la grande tour carrée qui domine toujours l’ensemble, et le bâtiment rectangulaire situé à l’est de la cour centrale. Ce dernier a été aménagé dans un second temps par l’adjonction d’un mur au deux tiers de sa longueur, mur comportant une partie du cycle peint. Ce bâtiment a aussi été doté de deux tours circulaires à chaque angle tourné vers la combe de Savoie. Son accès a très certainement été modifié lors de la construction d’une nouvelle aile à la fin du Moyen Âge, au nord de la cour. Adjonction, réaménagements se sont poursuivis notamment au XX e siècle. Le bâtiment actuel est donc le témoin d’une histoire longue que les analyses ultérieures devraient permettre d’affiner. Ces nouvelles connaissances permettent d’orienter la future présentation des peintures de Cruet vers une prise en compte plus forte de leur contexte de création, tant archéologique qu’historique, et en renouveleront l’intérêt auprès du public. Sébastien Gosselin Note 1. Térence Le Deschault de Monredon, « Le cycle peint du château de Cruet (Savoie, vers 1307) : une représentation du roman de Girart de Vienne », in Bulletin monumental, n°171-2, Société française d’archéologie, 2013, pp. 107-116. Au Musée Savoisien, création de patrons pour la confection de costumes pédagogiques d’après l’étude des vêtements représentés sur les peintures. 29
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