Sans alcool… avec plaisir - La Croix Bleue
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Les jeunes, qu’est-ce que vous en dites ?<br />
Moi, Noémie,<br />
Du haut de mes trois ans, l’alcool fait partie de ma vie, une banalité maternelle d’un côté et<br />
la pureté morale de l’autre (la famille d’accueil où l’on m’a placée dès mes trois ans et jusqu’à<br />
mes dix-neuf ans) : je ne suis qu’une enfant mais je suis déjà en guerre.<br />
20 N°174 • automne 2011<br />
Les<br />
mois, les années passent<br />
et je suis comme un<br />
enfant au pied du sapin<br />
les jours de visites parentales. Je sais<br />
que mon père est « bizarre » mais<br />
ma mère représente le Messie, je sais<br />
qu’elle est triste. Pour l’enfant que je<br />
suis, c’est comme un échec personnel,<br />
j’attends à la fenêtre mais après une<br />
heure d’attente, je repars tête baissée,<br />
déçue de n’avoir pas pu donner ne<br />
serait-ce qu’un sourire à ma maman,<br />
qui elle, enfermée dans son alcoolisation,<br />
me voit à peine.<br />
L’attente et la déception sont mon<br />
quotidien, je m’en veux de perdre<br />
contre cette fatalité, je m’abandonne<br />
alors dans les études, de toute façon<br />
mes camarades m’ont déjà exclue et<br />
rangée dans la case « enfant sans parents,<br />
différente, bizarre », comme une lèpre<br />
qui me colle durant toute mon enfance.<br />
Je n’ai d’autre solution que de trouver<br />
mon échappatoire, je sais que mes<br />
bonnes notes seront la branche à<br />
laquelle m’accrocher, ma bouée, mon<br />
espoir, ma reconnaissance dans cette<br />
société et la sourde attente d’une fierté<br />
pour ma mère, malgré la distance,<br />
malgré la peine.<br />
Je grandis <strong>avec</strong> mon masque vénitien,<br />
d’un côté mon cœur ravagé par toute<br />
cette frustration d’une mère absente<br />
et d’un père malade psychiatrique,<br />
l’exclusion par mes camarades et de<br />
l’autre cette fervente éducation maitrisant<br />
la morale, la droiture, les principes, la<br />
stabilité, l’amour, le futur de ma réussite.<br />
<strong>La</strong> culpabilité m’envahit car j’ai le<br />
sentiment profond que je « faute »<br />
quelque part, je n’arrive pas à rendre<br />
ma mère heureuse malgré tous mes<br />
efforts, par tous mes moyens d’enfant<br />
paumée. Je dois trouver une solution,<br />
mais laquelle ? Jouer son propre<br />
rôle de mère pour la réconforter