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Brice De Palma, Stéphane Delorme, Complément Cinéma ...

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c i n é m a e n n u m é r i q u ec i n é m a e n n u m é r i q u eAprès Dans la chambre de Vanda, le cinéma DV atteint unnouveau sommet historique avec À l’ouest des rails de WangBing. Ce documentaire de neuf heures confirme la vocation aumonumental de l’outil DV. Comme Pedro Costa dans le quartierde Fontainhas, Wang Bing l’emploie à l’archivage solitaired’une disparition, d’une extinction, et à en célébrer la beauté.Partageant le quotidien des ouvriers, le cinéaste a filmé pendanttrois ans le démantèlement d’un gigantesque complexeindustriel dans le nord-est de la Chine. Tant par l’ampleur desrécits que par sa splendeur visuelle, À l’ouest des rails est unévénement majeur dans l’histoire du documentaire : seul avecsa caméra DV, un jeune cinéaste chinois a réalisé le film, a érigéle monument de la fin d’un monde. Le cinéma du xxi e siècleaccompagne, enregistre et célèbre, par sa volonté d’art et debeauté, l’agonie du xx e .2005. Jia Zhang-Ke choisit la HD pour tourner The World,parabole sur la mondialisation et la déréalisation de la vie dansles grandes métropoles. Second film HD important aprèsCollateral. Le plan séquence d’ouverture installe une proximitéinédite avec les personnages, leurs corps et leurs affects.The World expose le propre de la texture HD comme moded’apparition des choses et des êtres : hautement définis, doncproches, dépouillés de tout reste de distance auratique, et seuls,isolés les un des autres en l’absence d’un air, d’une atmosphèrecommune. À la place de la continuité lumineuse du 35 mm,la HD fabrique une image composite, couches successives quibrouillent les échelles et les distances – comme dans le parc« The World » qui prétend résumer, replier le monde dans labanlieue de Pékin.« Au début du projet, j’ai emmené mon chef opérateur YuLik-wai dans le parc ; il n’en avait jamais visité. Au bout d’unedemi-heure, il s’est imposé à nous que le film serait en HD eten Scope, avec de la musique électronique. Plus ça va, plus jetrouve que le numérique convient à l’époque. J’ai une grandeconfiance dans ce format, c’est l’outil le plus efficace pour montrerla réalité contemporaine. Sa texture colle parfaitement à lasociété de consommation, à ses couleurs, à ces emballages qu’onvoit partout en Asie. Je pense par exemple à l’image de Tao avecson plastique sur la tête. » (Cahiers n° 602, juin 2005).Troisième temps de l’événement HD : Be With Me, secondlong métrage d’Eric Khoo, fait la splendide démonstration del’affinité sensuelle et esthétique de la HD avec la vie dans lesgrandes métropoles contemporaines : avec ses matières, sesaffects, ses rythmes, ses modes de communication et d’habitation.Comme dans The World, la HD confirme sa tendance auparadoxe temporel : par un curieux court-circuit historique,la technologie de pointe fait retour aux premiers temps ducinéma, ressuscite des figures archaïques, dont un mariage del’écrit et de l’image oublié depuis la fin du muet. Miracle d’uncinéma se découvrant une seconde jeunesse, une liberté narrativeet des audaces esthétiques devenues rares.2006. Un couple parfait marque une nouvelle étape importantede l’histoire du cinéma numérique. Nobuhiro Suwa etCaroline Champetier mettent la technologie à l’épreuve d’unrécit-type du cinéma d’auteur français, en jouant de la différenceet de la complémentarité de la DV et de la HD. Les deuxrégimes d’image alternent selon les séquences, le type d’espaceet la distance au corps des comédiens qu’elles impliquent.« <strong>De</strong>s films comme Dans la chambre de Vanda ou À l’ouest desrails ne seraient pas nés sans l’économie et la mobilité particulièresdu numérique. Que peut-on faire avec le numérique ?Les possibilités sont encore ouvertes… J’ai commencé à m’intéresserà la caméra Panasonic DVX100 après avoir vu quelquesfilms dont l’image avait été faite par Caroline Champetier. Cettepetite caméra est douée pour la mobilité et pour la descriptiondes sentiments. Elle colle aux acteurs et oblige à tourner demanière fluide. On peut la considérer comme un autre corpsqui s’ajoute et joue avec les personnages-acteurs. “Quelquesséquences d’Un couple parfait demandent ce genre de cadrageénergique. Mais ce n’est pas le cas pour toutes les séquences dufilm”, c’est ainsi que Caroline a analysé les choses. Beaucoup descènes se passent dans un espace fermé, une chambre d’hôtel. Iln’y a que deux comédiens. L’intervention de la caméra portée,s’approchant des acteurs, change radicalement la relation de ce“deux” à ce qui, dès lors, devient un “trois”. Les comédiens sontobligés de jouer avec la caméra comme ils joueraient avec unautre comédien. C’est pourquoi Caroline m’a proposé d’utiliserdeux caméras. La caméra HD peut se tenir à la périphérie desscènes, et la DVX en occuper le centre. Je me suis fortementintéressé à l’idée et à la possibilité de réduire la différence fondamentalede ces deux points de vue, DVH et HD, je voulais aucontraire l’accentuer. Je pouvais alors attendre qu’un troisièmepoint de vue se produise. » (Cahiers n° 610, mars 2006).Après L’Arche russe, Le Soleil : qu’il soit ou non réactionnaireet prosélyte de la Grande Russie, Alexandre Sokourov s’affirmecomme un des grands expérimentateurs du cinéma contemporain,notamment des puissances du numérique. Il tourne LeSoleil en HD, mais travaille la lumière au tournage comme autemps des grands studios, et corrige la crudité de l’image par unétalonnage très travaillé. Le résultat cumule les beautés de la H<strong>De</strong>t de l’argentique : la première impose une proximité accentuéedes êtres et des choses, écrase la profondeur de champ, la postproductioninsuffle l’aura, l’homogénéité de lumière et de tondu 35 mm. Sokourov a poursuivi cette recherche d’un compromisentre numérique et argentique avec Alexandra (2007),mais en inversant le processus : tourné en 35 mm, le film a étéprofondément retravaillé en postproduction numérique.Pour Miami Vice, Michael Mann utilise à nouveau la ThomsonViper, mais selon des partis pris visuels opposés : se privantd’éclairage artificiel, négligeant de compenser à la postproductionles limites de la HD, il obtient une image hétérogène, auxcouleurs instables, visages violemment découpés sur des fondsplats et bariolés. Fusion de la réalité et du cliché, abolition desdistances. Mann fait un usage brut de la HD : la technique s’exposeà nu et expose le monde tel qu’elle travaille à le changer, àen bouleverser la temporalité, la spatialité et la sensibilité.Tandis que la HD explore ses possibilités, la DV atteint saplénitude esthétique dans un film inédit en France : En avant,jeunesse, de Pedro Costa. Il tourne avec la caméra DV Panasonicdéjà utilisée sur Dans la chambre de Vanda et Où gît votre sourireenfoui, et selon une méthode comparable : équipe et matérielréduits au minimum, plus d’un an de tournage. Grâce au travailde la lumière et au soin porté au kinescopage, l’image DVatteint un niveau de beauté plastique inédit, rivalise avec lagrande peinture et le grand cinéma classique. Homère, Brecht,Rembrandt et Ford à Fontainhas. L’explication d’une telle réus-En avant-première, le film de Brian <strong>De</strong> <strong>Palma</strong> ouvre « Cinéma en numérique »Pixellisation des uniformes et mise à plat de toutes les images : avec Redacted (sortie février 2008), Brian <strong>De</strong> <strong>Palma</strong> se met à son tour à la HD.Cela fait trente ans que l’ours désormais blanc porte une vestede reporter, couleur désert, à vingt poches, il fallait bien qu’unjour il en fasse un film. Cela s’appelle Redacted, cela pourraitse comparer, dans l’œuvre de <strong>De</strong> <strong>Palma</strong>, à Boulevard de la mort danscelle de Tarantino: une plongée au plus près du nerf, une opérationà la fois conceptuelle et simplissime qui résume tout. Et relanced’autant. On a peut-être eu tort de prêter une oreille distraite auxdéclarations, ces dernières années, de Coppola et de Lucas, disantvenu le temps de se vouer à l’expérimental. Ce temps-là semble àprésent le nôtre : des grands films maigres et coupants, bricolésde puissance. D’un vieux mot qui n’est peut-être pas le meilleur:des laboratoires.Redacted est un faux documentaire filmé en HD dont l’intrigue s’inspired’un viol commis à Samarrah par des soldats américains. Toutesles images ont été tournées par <strong>De</strong> <strong>Palma</strong>, mais toutes se donnentcomme puisées à d’autres sources, de seconde main : journal vidéod’un soldat, reportage télé, images postées sur Internet, caméras desurveillance, etc. D’une source à l’autre <strong>De</strong> <strong>Palma</strong> n’a pas surjoué larupture, l’hétéroclite: le lustrage de la HD, ce beige métallique oùl’ordinateur rencontre le désert, égalise tout, tandis que des effetsde montage glanés sur i-Movie indiquent, quand même, non sanshumour, l’amateurisme de l’ensemble.Le propos est simple: il se passe d’horribles choses en Irak qu’ilest temps de voir et de savoir. À cet égard, rien n’a changé depuisle Vietnam, c’est une vieille protestation « de gauche » que faitentendre Redacted. La méthode, elle, est toute neuve. Elle consisteRedactedà dire que les images montrant ces choses sont là, qu’elles existentet qu’il suffit de les prendre où elles sont: dans nos caméras DV,dans nos ordinateurs, dans nos téléphones, etc. La tâche du cinéasten’est plus de mettre d’autres images à la place de celles des médias;elle n’est plus de traquer à l’arrière de ces images la vérité qu’ellesdissimulent; elle n’est pas la recherche du bon point de vue,la quête aussi exaltante qu’impossible de l’image zéro. Nous nesommes plus dans un film de <strong>De</strong> <strong>Palma</strong>. La tâche, désormais, estsimplement de proposer une certaine disposition des images déjàexistantes: horizontale, aussi plate et luisante que l’écran où ceslignes sont écrites.C’est aussi cela, ce dont on parlait il y a deux jours : un cinéma quireprend confiance, qui renoue avec l’image. La chose incroyable,avec Redacted, c’est que <strong>De</strong> <strong>Palma</strong> fait une fiction là où d’autres oului-même auraient fait autrefois un documentaire. Le film est signésans l’être. Il n’y a aucun cynisme, de sa part, à imiter les procédésdu home-movie et de l’Internet; juste l’humble reconnaissance queles moyens du cinéma sont devenus ceux de tout le monde (l’expressionest maladroite, il faudra la préciser, disons que le cinémaest maintenant vraiment dans les choses).Une chose reste sûre : de tous les cinéastes dont on l’a dit, Brian<strong>De</strong> <strong>Palma</strong> est le seul dont l’image est vraiment l’objet : la passionexclusive.Emmanuel BurdeauUn journal de Venise, vendredi 31 août 2007 www.cahiersducinema.hdnet films c a h i e r s d u c i n é m a / f e s t i v a l d ’ a u t o m n e 2 0 0 7c a h i e r s d u c i n é m a / f e s t i v a l d ’ a u t o m n e 2 0 0 7

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